Elfriede Jelinek

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Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Biographie2

Elfriede Jelinek, née le Modèle:Date de naissance à Mürzzuschlag, est une femme de lettres autrichienne. Elle fut lauréate du prix Nobel de littérature en 2004.

Son œuvre en prose (romans et pièces de théâtre) utilise la violence, le sarcasme et l'incantation afin d'analyser et de détruire les stéréotypes sociaux, l'exploitation sociale et les archétypes du sexisme<ref>« Elfriede Jelinek, la déconstruction des mythes » par Nicole Bary sur le site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 11 novembre 2013.</ref>. Elle met également en accusation l'Autriche, qu'elle juge arriérée et imprégnée de son passé nazi<ref>Elfriede Jelinek sur l'encyclopédie Larousse, consulté le 11 novembre 2013.</ref>.

Elle fut membre du Parti communiste autrichien de 1974 à 1991. Elle est en forte opposition avec l’extrême droite (qui fait rimer son nom d’origine tchèque avec Modèle:Lang : « saleté ») et les femmes au pouvoir. Elle s’est toujours violemment positionnée contre les idées et la personnalité de l’ancien leader du FPÖ Jörg Haider.

Biographie

Elfriede Jelinek est l'enfant unique de Friedrich Jelinek et d'Olga Ilona, née Buchner<ref>Modèle:Lien web</ref>. Son père, chimiste juif d’origine tchèque, est employé dans la recherche de matériel de guerre. Ce poste lui permet d'échapper aux persécutions nazies<ref name="Liger2012">Modèle:Article</ref>. Le père est dominé par son épouse d’origine germano-roumaine issue de la bourgeoisie catholique, mère que la jeune Elfriede décrit comme « despotique et paranoïaque »<ref name="Bary1991">Interview d'Elfriede Jelinek par Nicole Bary pour l'émission « Vivre et écrire à Vienne », (1991), réalisée par Christian Delage et intégrée aux bonus DVD de La Pianiste de Michael Haneke, disque 2, MK2 éditions (EDV 1264), Paris, 2002.</ref>. Elle dit ne s’être jamais libérée du poids de ses « géniteurs », tous deux détestés pour l'avoir privée d'enfance<ref name="Bary1991"/>,<ref name="Rüf2007">Modèle:Article</ref>. Elle ne pardonne pas à son père, mort dans un hôpital psychiatrique, de s'être effacé face à une femme castratrice et d'avoir abandonné sa fille, contrainte de se ranger du côté maternel « sous le poids d’un darwinisme écrasant »<ref name="Bary1991"/>. Sa mère l’empêche dès ses quatre ans de sortir du foyer et la force à apprendre le français, l’anglais, le piano, l’orgue, le violon, les flûtes à bec et alto<ref name="Bary1991"/>. L'auteure affirme que ce dressage l'a anéantie sur le plan intime mais a nourri sa vocation<ref name="Bary1991"/>. La seule concession qu'obtient son père, engagé à gauche, est de faire défiler sa fille pour le rassemblement viennois du 1er mai<ref name="Rüf2007"/>,<ref name="Bary1991"/>. Jelinek explique que le seul point de convergence entre ses parents était le goût de la culture, la rhétorique et l'éloquence<ref name="Liger2012"/>.

À 18 ans, une crise d'agoraphobie aiguë oblige la jeune Elfriede à rester cloîtrée plus d'un an dans l'appartement familial<ref name="Rüf2007"/>. Elle profite de cette période pour se plonger dans la lecture de classiques philosophiques et littéraires et la poésie américaine<ref name="Rüf2007"/>. Elle lit également avec avidité des romans d'horreur et des récits sensationnels (faits divers, histoires criminelles ou sordides) qui alimenteront, plus tard, ses créations<ref name="Rüf2007"/>. Elle regarde également les séries télévisées autrichiennes grand public de « manière presque scientifique »<ref name="Rüf2007"/>.

Après des études musicales au conservatoire, Jelinek décide de prendre des cours de théâtre et d'histoire de l’art à l’université de Vienne, sans abandonner la musique<ref name="Liger2012"/>. Très tôt, la jeune femme nourrit une grande passion pour l’écriture<ref name="Rüf2007"/>. Au contact des mouvements étudiants, elle franchit le cap et tente de publier ses premiers textes<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Interview d'Elfriede Jelinek, Site officiel de la Fondation Nobel, novembre 2004.</ref>. Sa carrière, lancée dans les années 1970, est émaillée d'incidents<ref name="Sisyphe2004">Sisyphe.org, dépêche AFP : « Le prix Nobel de littérature à l’Autrichienne Elfriede Jelinek », 06 octobre 2004.</ref>. Chaque nouvel ouvrage, qu'elle situe dans une contre-culture et auquel elle donne une couleur de pamphlet et de critique sociale radicale, provoque chahuts et polémiques en Autriche<ref name="Sisyphe2004"/>. En 1974, elle s'inscrit au KPÖ, le parti communiste autrichien, en réaction à sa mère, très à droite, qui dit haïr la « racaille gauchiste »<ref name="Rüf2007"/>.

Jelinek accède à la notoriété dès ses deux premiers romans, Modèle:Lang et Modèle:Lang, reconnus comme les premières œuvres « pop » de la littérature de langue allemande<ref>« Elfriede Jelinek, une écriture en rupture » par Nicole Bary sur le site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 11 novembre 2013.</ref>.

Ses relations avec son pays, qu'elle accuse de baigner dans un arrière-plan idéologique, politique et culturel délétère (racisme, xénophobie, néo-antisémitisme...), sont exécrables<ref name="Rüf2007"/>. Les passes d'armes et les insultes qu'elle échange avec la presse conservatrice, la droite et l'extrême droite autrichiennes, notamment avec le FPÖ et son ancien leader Jörg Haider, sont relayées à l'international<ref name="Devarrieux2004">Modèle:Article</ref>.

Titulaire d’un diplôme d’organiste obtenu en 1971, elle collabore avec la jeune compositrice autrichienne Olga Neuwirth (Modèle:Lang, Modèle:Lang, drame musical d’après Leonora Carrington)<ref name="AS">Notice bibliographique d'Elfriede Jelinek sur le site officiel de l'Académie suédoise, consultée le 06 novembre 2013.</ref>. Elle travaille également avec Hans Werner Henze<ref name="Lecerf2012">Modèle:Article</ref>. Jelinek a passé son temps à promouvoir en Autriche l’œuvre, qu’elle estime méprisée, d’Arnold Schönberg, Alban Berg et Anton von Webern<ref name="Bary1991"/>.

Elle a traduit en allemand, pour subvenir à ses besoins, plusieurs pièces du répertoire traditionnel dont certains vaudevilles d’Eugène Labiche et Georges Feydeau ou encore des tragédies de William Shakespeare et Christopher Marlowe<ref name="AS"/>. Elle a également traduit des romans de Thomas Pynchon<ref name="AS"/>.

Dans sa jeunesse, l’auteure a séjourné à Rome et Berlin<ref name="AS"/>. Elle s'est aussi régulièrement rendue à Paris mais son agoraphobie chronique l’a poussée à rester dans la capitale autrichienne<ref name="Liger2012"/>. En 1974, à 27 ans, elle a épousé Gottfried Hüngsberg<ref name="nobel">"Portrait of the 2004 Nobel Laureate in Literature", nobelprize.org; retrieved 13 July 2010.</ref>. Avant son divorce, elle a un temps partagé sa vie entre Vienne et Munich, la ville de résidence de son mari<ref name="nobel"/>.

À la fin des années 1980, elle s'engage, avec d'autres intellectuels, pour la libération<ref>Modèle:Article</ref> de Jack Unterweger, condamné à la prison à perpétuité pour le meurtre de Margaret Schäfer. En 1990, l'homme est libéré et devient le symbole de la réhabilitation. Cependant, quatre mois plus tard, il recommencera à tuer des prostituées et deviendra un des plus importants tueurs en séries d'Europe, condamné pour douze meurtres.

En 1991, Jelinek quitte le KPÖ dont elle était devenue une figure connue<ref name="JCLebrun2004">Modèle:Article</ref>. En 1999, elle s'oppose aux bombardements, par l'OTAN, de la Serbie<ref>Modèle:Article</ref>. En 2006, elle fait partie des artistes et intellectuels qui soutiennent Peter Handke face à la censure dont il fait l'objet de la part de la Comédie-Française après s'être rendu aux obsèques de Slobodan Milošević<ref>Modèle:Article</ref>.

Elle fait l’objet d’une biographie rédigée par deux jeunes femmes (Mathilde Sobottke et Magali Jourdan), publiée aux éditions Danger Public et intitulée Qui a peur d’Elfriede Jelinek ? En 2005, son ancienne traductrice et amie, Yasmin Hoffmann, lui avait déjà consacré un ouvrage : Elfriede Jelinek, une biographie, aux éditions Jacqueline Chambon.

Son roman le plus vendu, La Pianiste, a été adapté au cinéma en 2001 par Michael Haneke avec Isabelle Huppert, Annie Girardot et Benoît Magimel dans les rôles principaux. Le film a reçu trois prix lors du [[Festival de Cannes 2001|Modèle:54e Festival de Cannes]].

Jelinek a participé à l’adaptation de quelques-unes de ses œuvres. En 1991, elle avait également cosigné le scénario de Malina, réalisé par Werner Schroeter et inspiré d'un récit autobiographique d’Ingeborg Bachmann. Le film était déjà interprété par Isabelle Huppert qui fut récompensée du Lola de la meilleure actrice en Allemagne pour ce rôle.

L'auteure compte parmi les premiers à avoir créé un site Internet en 1996<ref name="Lecerf2012"/>. À la fin des années 2000, elle met en ligne ses textes sur son site personnel, en téléchargement gratuit, et déclare que ses ouvrages ne seront plus disponibles sous forme de livre imprimé<ref name="Lecerf2012"/>. En 2013, elle fait partie des signataires, en compagnie de plusieurs écrivains dont quatre autres lauréats du prix Nobel (Günter Grass, J.M. Coetzee, Orhan Pamuk et Tomas Tranströmer), d'un manifeste contre la société de surveillance et l'espionnage des citoyens orchestré par les États<ref>Modèle:Article</ref>. En 2014, elle signe, parmi Modèle:Nombre de langue allemande, une lettre ouverte au géant américain Amazon pour dénoncer ses pratiques de distribution et réclamer un marché du livre plus équitable<ref>Modèle:Article</ref>. Elle est par ailleurs un soutien de poids de la campagne « Modèle:Lien » pour un Iran démocratique et sans bombe atomique<ref>No support for the Iranian regime!</ref>.

Prix Nobel

Jelinek a obtenu plusieurs récompenses de premier ordre dont le prix Heinrich Böll 1986, le prix Georg-Büchner 1998 et le prix Heinrich Heine 2002 pour sa contribution aux lettres germanophones<ref name="AS"/>. Puis elle se voit attribuer, en 2004, le prix Nobel de littérature pour Modèle:Citation, selon l'explication de l'Académie suédoise<ref name="JCLebrun2004"/>. Bien qu'Elias Canetti fût distingué comme auteur autrichien en 1981, Jelinek devient cependant le premier écrivain de nationalité autrichienne à être honoré par le comité de Stockholm<ref name="Fillitz2004">Modèle:Article</ref>.

Elle se dit d'abord « confuse » et « effrayée » par le poids de la récompense et demande pourquoi son compatriote Peter Handke n'a pas été couronné à sa place<ref name="Rüf2007"/>,<ref>Modèle:Article</ref>,<ref>France Culture « Peter Handke et Elfriede Jelinek », émission du 23 juillet 2007.</ref>.

Elle accepte ensuite le prix comme une reconnaissance de son travail<ref name="Rüf2007"/>. Le Modèle:Date, elle déclare néanmoins que son état de santé ne lui permet pas de se rendre à Stockholm pour y chercher sa médaille et son diplôme le 10 décembre : Modèle:Citation<ref>Courrier international, octobre 2004.</ref>. Dans un autre entretien, elle dit une nouvelle fois qu’elle refuse que cette récompense soit Modèle:Citation<ref name="JCLebrun2004"/>. Pour la cérémonie de remise de prix, elle adresse à l’Académie suédoise et à la Fondation Nobel une vidéo de remerciements<ref name="Liger2012"/>. À l'annonce de la nouvelle, la République autrichienne se partage entre joie et réprobation<ref name="Fillitz2004"/>.

À l'international et notamment en France, les réactions sont contrastées<ref name="Devarrieux2004"/>. La comédienne Isabelle Huppert, lauréate de deux Prix d'interprétation à Cannes dont un pour La Pianiste, déclare : Modèle:Citation<ref>Modèle:Article</ref>. Éditrice des six premiers livres de Jelinek, Jacqueline Chambon, pour sa part, ne cache pas son admiration et son amitié pour l’auteure mais affirme malgré tout avoir Modèle:Citation<ref>Entretien de Jacqueline Chambon dans Le Figaro, 10 août 2004.</ref>. Ce sont les Éditions du Seuil qui ont pris le relais après la défection de Jacqueline Chambon.

La décision de l’Académie suédoise pour l'année 2004 est inattendue<ref name="Devarrieux2004"/>. Elle provoque une controverse au sein des milieux littéraires<ref name="JCLebrun2004"/>,<ref name="Devarrieux2004"/>. Certains dénoncent la haine redondante et le ressentiment fastidieux des textes de Jelinek ainsi que l’extrême noirceur, à la limite de la caricature, des situations dépeintes<ref name="ML2006">Année de littérature 2004 in Le Magazine littéraire Modèle:Numéro avec majuscule : « Quarante ans de littérature », décembre 2006, page 122</ref>. D'autres y voient la juste reconnaissance d’une grande écrivaine qui convoque la puissance incantatoire du langage littéraire pour trouver une manière neuve et dérangeante d’exprimer le délire, le ressassement et l’aliénation, conditionnés par la culture de masse et la morale régnante<ref name="ML2006"/>.

La polémique atteint également les jurés du prix Nobel<ref name="ML2006"/>. En octobre 2005, Knut Ahnlund démissionne de l'Académie suédoise en protestation de ce choix qu’il juge « indigne de la réputation du prix »<ref>Modèle:Article</ref>. Il qualifie l’œuvre de l’auteure dans le quotidien national suédois Svenska Dagbladet de « fouillis anarchique » et de « pornographie », « plaqués sur un fond de haine obsessionnelle et d’égocentrisme larmoyant »<ref>« Nobel judge steps down in protest », BBC News, 11 octobre 2005.</ref>.

Après l'attribution du prix, Jelinek dit profiter de l'argent de la récompense afin de vivre plus confortablement et arrêter les traductions auxquelles elle est astreinte pour subvenir à ses besoins<ref name="Fillitz2004"/>.

Œuvre

Style littéraire

Citations et noirceur

Sensibles à l'expérimentation, les ouvrages de Jelinek jouent sur plusieurs niveaux de lecture et de construction. Proches de l'avant-garde, ils empruntent beaucoup à l'expressionnisme, au dada et au surréalisme<ref>Gérard Thiériot, Elfride Jelinek et le devenir du drame, éd. Presses Universitaires du Mirail, Modèle:P., consulté le 3 septembre 2014.</ref>. Ils mêlent diverses formes d'écriture et multiplient les citations disparates, des grands philosophes aux tragédies grecques, en passant par le polar, le cinéma, les romans à l'eau de rose et les feuilletons populaires<ref name="Liger2012"/>. L'écrivaine affirme se sentir proche de Stephen King pour sa noirceur, sa caractérisation des personnages et la justesse de son étude sociale<ref>Modèle:Article</ref>. Son univers réfute le kitsch<ref name="Devarrieux2004"/>. L'idée de grâce salvatrice est exclue et l'existence est perçue comme un rapport de dominants à dominés<ref name="Devarrieux2004"/>. L'auteure fait de la société un terrain de chasse dans lequel les prédateurs triomphent<ref name="Devarrieux2004"/>.

Postmodernité

La critique universitaire rapproche les productions de Jelinek de la littérature post-moderne : transdisciplinarité, rejet partiel du naturalisme, détails polysémiques, intertextualité, relecture critique des genres ou des codes de la fiction, mélange des registres (noirceur dramatique, satire), collages, distorsion du temps, brouillage de la représentation<ref name="Besand">Modèle:Article</ref>... Sont également notés dans ses textes un pastiche de la paralittérature et une abolition des frontières entre divers niveaux de culture<ref name="Besand"/>. Selon le jury du prix Nobel, Modèle:Citation<ref name="AS"/> Dans ses romans comme dans ses pièces, la chronologie des événements est entrelacée d'images du passé et de digressions<ref name="AS"/>.

Musicalité

D'une radicalité assumée, son œuvre est complexe et difficilement traduisible<ref name="JCLebrun2004"/>. Elle est écrite dans un style péremptoire qui sonde l'abîme sous la langue courante<ref name="JCLebrun2004"/>,<ref name="Rüf2007"/>. Le langage de l'auteure combine déluge verbal, délire, métaphores aiguisées, jugements universels, distance critique, forme dialectique et esprit d'analyse<ref name="Liger2012"/>. L'auteure n'hésite pas à utiliser la violence, l'outrance, la caricature et les formules provocantes bien qu'elle refuse de passer pour une provocatrice<ref name="Devarrieux2004"/>,<ref name="JCLerun2003">Modèle:Article</ref>,<ref name="Liger2012"/>. Son écriture, à la fois rugueuse et luxuriante, dérive par instants vers le fatras et joue du crescendo<ref name="Universalis"/>,<ref name="JCLerun2003"/>. Jelinek emploie des dissonances et a souvent recours à des maximes, des imprécations et des épigrammes qui heurtent le lecteur<ref name="Universalis"/>,<ref name="JCLerun2003"/>. Elle accepte d'être définie comme moraliste et de qualifier ses ouvrages d'acte politique<ref name="Liger2012"/>. Ses textes concilient en réalité des recherches de langue érudites à un rythme analogue à la musique contemporaine. Elle affirme : Modèle:Citation<ref name="Liger2012"/>.

Mythes populaires et ironie

Jelinek se situe dans une esthétique du choc et de la lutte<ref name="Besand"/>. Sa prose trouve, de manière exhaustive, différentes manières d’exprimer l’obsession et la névrose et vitupère jusqu'à l'absurde contre la phallocratie, les rapports de forces socio-politiques et leurs répercussions sur les comportements sentimentaux et sexuels<ref>Elfriede Jelinek sur l'encyclopédie Larousse, consulté le 05 novembre 2013.</ref>. La rhétorique pornographique, exclusivement masculine, est déconstruite et dénoncée et le pacte inconscient qui consiste à voir le triomphe de l’homme sur la femme, analysé et fustigé<ref name="Universalis"/>. L’industrie du spectacle, le divertissement et ses propagandes mensongères sont également la cible de ses invectives<ref name="Universalis"/>. Jelinek cherche à représenter les mythes et les icônes de la culture populaire (Jackie Kennedy, Arnold Schwarzenegger, Bambi) afin d'en montrer la face sombre et de les détruire<ref name="Universalis"/>,<ref>Modèle:Article</ref>,<ref name="Larousse">Œuvre d'Elfriede Jelinek sur l'encyclopédie Larousse, consulté le 11 novembre 2013.</ref>. Son langage procède par inventaire des stéréotypes sociaux et psychologiques issues de la presse, de la télévision, du roman de gare et des discours politiques pour s'en moquer avec virulence et pour les anéantir<ref name="Devarrieux2004"/>.

L'auteure explique que son style a profondément évolué : Modèle:Citation<ref name="Liger2012"/>.

Jelinek regrette par ailleurs que la presse et les lecteurs ne décèlent pas assez l'humour et l'ironie de ses textes<ref name="Liger2012"/>.

Romans

Dans ses romans, l'auteure disloque toute progression dramatique et privilégie une étude sociale acérée, puisant son inspiration dans l'art expérimental, les sciences humaines et le structuralisme<ref name="Devarrieux2004"/>. La notion de « genre » est transcendée<ref name="Rüf2007"/>. Généralement, elle fait de ses personnages l'incarnation globale d'une idée d'humiliation, d'agression ou de domination tout en explorant une dimension psychologique complexe, sombre et polyphonique<ref name="Besand"/>.

Premiers romans

Modèle:Lang (1972), premier roman de Jelinek, trahit son penchant pour le raisonnement corrosif, l’expression obsessionnelle et la diatribe politique<ref name="Liger2012"/>. L'œuvre accuse le folklore et la culture de masse d'être l’écho d’une idéologie nauséabonde<ref name="Liger2012"/>. Les Amantes (Modèle:Lang, 1975) relate le parcours de deux Autrichiennes qui tombent enceintes afin de se faire épouser sous la pression de la société<ref name="Rüf2007"/>. L'ouvrage dénonce les lois consuméristes du mariage et la persécution physique, psychique et morale subie par les femmes<ref name="Devarrieux2004"/>. Il vaut à la romancière l'étiquette de « sympathisante féministe » qu'elle revendique<ref name="Liger2012"/>. Les Exclus (Modèle:Lang, 1981) est le portrait d’une bande de jeunes criminels extrémistes dont les exactions s'inscrivent dans une société pressée de dissimuler un passé nazi qu’elle n’a jamais exorcisé<ref name="Sisyphe2004"/>. Les Exclus marque une rupture dans son œuvre.

Jelinek déclare dans un entretien accordé à Yasmin Hoffman, l'une de ses traductrices<ref name="Lust1991">Lust, Elfriede Jelinek, traduit de l'allemand par Yasmin Hoffmann et Maryvonne Litaize, éditions Jacqueline Chambon (première parution) et Points-Seuil (version poche), Paris, 1991, Modèle:P., Modèle:ISBN.</ref> :

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La Pianiste et Lust

Dans La Pianiste (Modèle:Lang, 1983), récit quasi-autobiographique, Jelinek dépeint, sous des angles multiples, l'intimité d’une femme sexuellement frustrée, victime de sa position culturelle dominante et d'une mère possessive et étouffante, ressemblant à la sienne, morte à 97 ans<ref name="Sisyphe2004"/>. Comme son héroïne, Erika Kohut, l’auteure n'a jamais quitté sa mère et a vécu avec elle jusqu'à son décès, nonobstant un mariage célébré en 1974 et rapidement dissout<ref name="Rüf2007"/>,<ref name="Sisyphe2004"/>. L'ouvrage développe les règles d'expression d’une pornographie exclusivement féminine, ce que son roman suivant Lust (1989) approfondit<ref name="Larousse"/>. Ce récit est la description, libérée des toutes conventions littéraires, d’une relation pornographique entre une femme et son mari chef d’entreprise<ref name="Universalis">Elfriede Jelinek sur l'encyclopædia Universalis, consulté le 05 novembre 2013.</ref>. L'écrivaine définit son objectif de la manière suivante<ref name="Bary1991"/> :

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Elle précise également à Yasmin Hoffmann<ref name="Lust1991"/> :

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Enfants des morts et Avidité

Dans son roman fantasmagorique Enfants des morts (Modèle:Lang, 1995), que certains critiques considèrent comme son chef-d’œuvre, l'auteure poursuit sa virulente critique de son pays natal, représenté comme un royaume stérile et archaïque, peuplé de morts et de fantômes<ref name="AS"/>,<ref name="Liger2012"/>. Avidité (Modèle:Lang, 2000), inspiré d'un double fait divers, utilise les codes du roman policier en trompe-l’œil afin de produire une nouvelle étude critique de la toute-puissance masculine, de l'hypocrisie autrichienne et de ses images d'Épinal<ref name="AS"/>,<ref name="JCLerun2003"/>.

Théâtre

Les pièces de Jelinek dénotent l'influence de Bertolt Brecht<ref name="Devarrieux2004"/>. Elles décortiquent le pouvoir du verbe et cite aphorismes, formules publicitaires et expressions idiomatiques que la dramaturge estime être l'instrument de l'idéologie dominatrice, mise en scène par les médias audiovisuels. Jelinek accuse ces derniers d'instruire la doxa par éléments de langage, s’immisçant en chaque individu de manière sidérante afin d'anéantir l'esprit critique et de faire accepter les dogmes écrasants du pouvoir politico-économique ou l'injustice sociale<ref name="Liger2012"/>,<ref name="AS"/>,<ref name="Devarrieux2004"/>. Son théâtre, qui passe peu à peu du dialogue conventionnelle à la polyphonie et au monologue, dérègle le langage et l'idée d'intrigue<ref name="AS"/>. Modèle:Lang approfondit cette démarche expérimentale postdramatique en évacuant personnages, dialogues et didascalies et en présentant des fragments d'images, de réflexions, d'anecdotes et de faits divers dans une prose qui fait du texte l'égal de la musique<ref name="Lecerf2012"/>.

En 1977, Jelinek réécrit la pièce Une maison de poupée d’Henrik Ibsen, qu’elle transpose à l’époque actuelle, dans une usine et à laquelle elle donne un nouveau titre menaçant : Ce qui arriva quand Nora quitta son mari, ou les piliers de la société : rien que du malheur. Elle y dénonce le sort fait aux femmes dans le monde du travail. En 1981, elle revient avec Clara S sur la vie de l’épouse du compositeur Robert Schumann, Clara Schumann née Wieck. En 1985, elle dépeint, dans Modèle:Lang, la vie de célébrités du Burgtheater de Vienne, présentées comme des tyrans superficiels<ref name="Devarrieux2004"/>. Elle y revient également sur les liens passés entre le milieu théâtral et le [[Troisième Reich|{{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | IIIe{{#if:|  }} }} Reich]]<ref name="Devarrieux2004"/>. La pièce fait scandale<ref name="Rüf2007"/>. Dans Modèle:Lang (1998), elle explore les domaines de la violence, de la chorégraphie et de l’apologie du corps viril dans le sport, prémices d’une idéologie fasciste.

Jelinek s’attarde aussi sur le rôle de la culture romantique qui, selon elle, a nourri l'idéologie nazie (Friedrich Hölderlin, Richard Wagner)<ref name="Larousse"/>. Elle revient, de plus, sur la place historique ambiguë d'intellectuels face au pouvoir politique et aux thèses fascistes ; sujet qu’elle expose dans la pièce Modèle:Lang (1991) à travers la figure du philosophe Martin Heidegger. La métaphore du vampirisme, exploitée notamment dans La Maladie ou femmes modernes et les influences de la philosophie hégélienne et marxiste ainsi que son goût du freudisme parachèvent la composition de ses pièces<ref>Modèle:Article</ref>.

Influences

Jelinek revendique une filiation avec la culture critique de la littérature et la philosophie autrichiennes, de Karl Kraus à Ludwig Wittgenstein, en passant par Fritz Mauthner, qui réfléchit le langage et le met à distance<ref name="Liger2012"/>. Elle dit également avoir été influencée par Labiche et Feydeau pour leur humour abrasif et leur étude subversive de la bourgeoisie du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle<ref name="Liger2012"/>.

Lorsque l'Académie suédoise décerne le prix Nobel à l'Allemand Günter Grass en 1999, elle déclare avoir été largement marquée par sa lecture du Tambour dont le style a nourri son inspiration littéraire : Modèle:Citation<ref>Le Magazine littéraire Modèle:Numéro avec majuscule, novembre 1999, « Günter Grass du Tambour au prix Nobel », réaction d'Elfriede Jelinek à l'annonce du prix décerné par Stockholm à Günter Grass, page 41.</ref>,<ref name="Lecerf2007">Modèle:Article</ref>. En 2004, elle fait part de son admiration pour Robert Walser : Modèle:Citation<ref>Modèle:Article</ref>. Outre Walser, Jelinek cite Franz Kafka, Djuna Barnes et Walter Serner parmi ses écrivains préférés<ref name="Express2004">Modèle:Article</ref>. Elle dit aussi se sentir proche de Paul Celan, Georg Trakl, Friedrich Hölderlin et Sylvia Plath<ref name="Lecerf2007"/>. Sa démarche esthétique est rapprochée de l'actionnisme viennois et l'auteure avoue admirer les travaux des artistes plasticiens Mike Kelley et Paul McCarthy<ref name="Express2004"/>.

Grande lectrice de Pierre Bourdieu, Guy Debord, Roland Barthes, Georges Bataille et Antonin Artaud, elle s’ancre dans une tradition nationale de satiriste et de polémiste héritée de Kraus et Thomas Bernhard<ref name="Liger2012"/>. Par sa critique féroce de la société et la sophistication de son style, elle est également comparée à Johann Nepomuk Nestroy, Ödön von Horváth et Canetti en plus du Wiener Gruppe dont elle revendique l'influence<ref name="AS"/>. Son œuvre porte par ailleurs l'empreinte de Robert Musil, Marlen Haushofer, Ingeborg Bachmann et Ilse Aichinger<ref>Modèle:Article</ref>. Comme chez James Joyce, Virginia Woolf, Samuel Beckett et Kafka, ses autres modèles littéraires, elle explique que le véritable héros de ses livres est le langage lui-même<ref name="Liger2012"/>.

Récompenses

Œuvres

Romans

  • 1970 : Wir sind lockvögel baby !, Rowohlt, Reinbek.
  • 1972 : Michael. Ein Jugendbuch für die Infantilgesellschaft, Rowohlt, Reinbek.
  • 1975 : Les Amantes (Die Liebhaberinnen), traduit de l’allemand par Maryvonne Litaize et Yasmin Hoffmann aux éditions Jacqueline Chambon, Nîmes 1992.
  • 1979 : Bukolit. hörroman (commencé en 1968), Rhombus-Verlag, Vienne.
  • 1981 : Les Exclus (Die Ausgesperrten), traduit de l’allemand par Maryvonne Litaize et Yasmin Hoffmann aux éditions Jacqueline Chambon, Nîmes 1989.
  • 1983 : La Pianiste (Die Klavierspielerin), traduit de l’allemand par Maryvonne Litaize et Yasmin Hoffmann, aux éditions Jacqueline Chambon, Nîmes 1988.
  • 1985 : Méfions-nous de la nature sauvage (Oh Wildnis, oh Schutz vor ihr), traduit de l’allemand par Maryvonne Litaize et Yasmin Hoffmann, éditions J. Chambon, Nîmes, 1995.
  • 1989 : Lust, traduit de l’allemand par Maryvonne Litaize et Yasminn Hoffmann aux éditions Jacqueline Chambon, Nîmes 1991.
  • 1995 : Enfants des morts (Die Kinder der Toten), traduit de l’allemand par Olivier Le Lay aux éditions du Seuil, Paris 2007.
  • 2000 : Avidité (Gier), traduit de l’allemand par Claire de Oliveira aux éditions du Seuil, Paris 2003.
  • 2007 : Neid (Privatroman)
  • 2013 : Rein GOLD. Ein Bühnenessay.

Théâtre et pièces radiophoniques

  • 1977 : Ce qui arriva quand Nora quitta son mari (Was geschah, nachdem Nora ihren Mann verlassen hatte oder Stützen der Gesellschaften), traduit de l’allemand par Louis-Charles Sirjacq, l’Arche, Paris 1993
  • 1981 : Clara S., Prometh-Verlag.
  • 1985 : Burgtheater, Prometh-Verlag.
  • 1987 : La Maladie ou Femmes modernes: comme une pièce (Krankheit oder Moderne Frauen, wie ein Stück), traduit de l’allemand par Patrick Démerin et Dieter Hornig, l’Arche, Paris 2001.
  • 1987 : Le Président Abendwind (Präsident Abendwind).
  • 1990 : Wolken.Heim., Verlag-Göttingen.
  • 1991 : Totenauberg, traduit en français par Louis-Charles Sirjacq, l’Arche, Paris 1994.
  • 1994 : Raststätte.
  • 1996 : Stecken, Stab und Stangl.
  • 1998 : Sportstück (Ein Sportstück), traduit de l’allemand par Maryvonne Litaize, Yasmin Hoffmann et Louis-Charles Sirjacq, l’Arche, Paris 1999.
  • 1998 : Désir et permis de conduire (comprend les textes: Ich möchte seicht sein, Sinn: egal Körper: zwecklos, Begierde und Fahrerlaubnis, Wolken.Heim., Er nicht als er), traduit de l’allemand par Maryvonne Litaize, Yasmin Hoffmann et Louis-Charles Sirjacq, l’Arche, Paris 1999.
  • 2000 : Das Lebewohl: 3 Dramen, Berlin-Verlag, Berlin.
  • 2002 : In den Alpen, Berlin-Verlag.
  • 2003 : Le Travail (Das Werk) [à propos de l’accident du funiculaire de Kaprun en novembre 2000], Berliner-Taschenbuch-Verlag Berlin.
  • 2003 : Drames de princesses. La Jeune Fille et la Mort I - V (Der Tod und das Mädchen I – V, Prinzessinnendramen, Berliner-Tascherbuch-Verlag, Berlin; traduit de l’allemand par Magali Jourdan et Mathilde Sobottke, L’Arche, Paris 2006.
  • 2004 : Bambiland, Rowohlt Verlag, Reinbek, traduit de l’allemand par Patrick Démerin, Éditions Jacqueline Chambon, Paris 2006.
  • 2005 : Babel, Rowohlt Verlag, Reinbek.
  • 2006 : Ulrike Maria Stuart, Rowohlt Verlag, Reinbek.
  • 2006 : Sur les animaux (Über Tiere), Rowohlt Verlag, Reinbek.
  • 2008 : Rechnitz (Der Würgeengel)
  • 2009 : Die Kontrakte des Kaufmanns. Eine Wirtschaftskomödie
  • 2010 : Das Werk/Im Bus/Ein Sturz
  • 2011 : Winterreise, traduit de l’allemand par Sophie Herr, Le Seuil, Paris, 2012.
  • 2011 : Blanche-Neige et La Belle au bois dormant
  • 2012 : Restoroute. Animaux, traduit de l'allemand par Patrick Démerin et Dieter Hornig, Paris, Verdier, 2012
  • 2012 : Die Straße. Die Stadt. Der Überfall.
  • 2013 : Aber sicher!
  • 2013 : Les Suppliants (Der Schutzbefohlenen), traduit de l'allemand par Magali Jourdan et Mathilde Sobottke, éditions L'Arche, 2016
  • 2017 : Sur la voie royale (Am Königsweg), traduit de l'allemand par Magali Jourdan et Mathilde Sobottke, L'Arche, 2019
  • 2018 : Ombres (Eurydice parle). Original : Schatten (Eurydike sagt), 2013)<ref>Modèle:Article</ref>

Poésie

  • 1967 : L’Ombre de Lisa (Lisas Schatten), Relief-Verlag Eilers, Munich.
  • 2014 : Gesammelte Gedichte / Poésies complètes, traduit de l'allemand par Magali Jourdan et Mathilde Sobottke, Westphalie Verlag, Vienne.

Scénarios

  • 1982 : Les Exclus (Die Ausgesperrten), d’après son roman, écrit en collaboration avec le réalisateur Franz Novotny.
  • 1991 : Malina de Werner Schroeter (d’après le roman éponyme d’Ingeborg Bachmann), coécrit avec le réalisateur.
  • 2000 : Die Blutgräfin (coécrit avec Ulrike Ottinger).
  • 2004 : Le Travail (Das Werk, d’après sa pièce) de Nicolas Stemann.
  • 2007 : Ulrike Maria Stuart (d’après sa pièce) de Nicolas Stemann.

Notes et références

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Voir aussi

Bibliographie

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  • Modèle:Ouvrage.
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  • Gérard Thiériot (dir.), Elfriede Jelinek et le devenir du drame, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2006 Modèle:ISBN.
  • B. Banoun, Y. Hoffmann, K. Zeyringer (dir.), Dossier Elfriede Jelinek, in : Europe 933-934, janvier-février 2007.
  • Liza Steiner, Sade aujourd'hui. Anatomie de la pornocratie, Paris, Classiques Garnier, décembre 2019 : étude comparative sur Lust et Les exclus.

Liens externes

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