Philosophie de Friedrich Nietzsche
Modèle:Article général Modèle:Infobox Philosophe La philosophie de Friedrich Nietzsche est essentiellement une Modèle:Lien critique de la culture occidentale moderne et de l'ensemble de ses valeurs morales (issues de l'interprétation chrétienne du monde), politiques (la démocratie, l'égalitarisme), philosophiques (le platonisme et toutes les formes de dualisme métaphysique) et religieuses (le christianisme). Cette critique procède d'un projet de dévaluer ces valeurs et d'en instituer de nouvelles dépassant le ressentiment et la volonté de néant qui ont dominé l'histoire de l'Europe sous l'influence du christianisme ; ceci notamment par l'affirmation d'un éternel retour du même et par le dépassement de l'humanité et l'avènement du surhumain. L'exposé de ses idées prend dans l'ensemble une forme aphoristique ou poétique.
Peu reconnu de son vivant, son influence a été et demeure centrale sur la littérature et la philosophie contemporaine de tendance continentale, notamment l'existentialisme et la philosophie postmoderne ; mais Nietzsche a également suscité durant les années 2010 l'intérêt de philosophes analytiques, ou de langue anglaise, qui en soutiennent une lecture naturaliste remettant en cause une appropriation par la philosophie continentale jugée problématique<ref name=":0">cf. Modèle:Chapitre : Modèle:Citation étrangère.</ref>,<ref> Voir aussi Modèle:Article.</ref>.
Biographie
Né en 1844, Nietzsche devient professeur de philologie grecque à l'université de Bâle à l'âge de Modèle:Nobr. Il obtient un congé en 1876 pour raisons de santé (il démissionnera trois ans plus tard). Les dix années suivantes, il publie à un rythme rapide ses œuvres majeures. En 1889, il sombre progressivement dans la démence et passe les dix dernières années de sa vie dans un état mental quasi végétatif<ref>Jacques Rogé, Le Syndrome de Nietzsche, 1999 : « Après le décès de Franziska en 1897, Nietzsche fut recueilli chez sa sœur à Weimar où il vécut une existence purement végétative jusqu'à sa mort le 25 août 1900. ».</ref>.
Présentation générale de son œuvre
Naturalisme et réévaluation
La pensée de Nietzsche présente deux aspects majeurs : c’est une enquête naturaliste sur l’ensemble des valeurs humaines (morales, intellectuelles, religieuses, esthétiquesModèle:Etc.) que Nietzsche explique en termes d'instincts, d'affects et de pulsions (en allemand : Modèle:Lang) ; c'est également une critique de ces mêmes valeurs, une tentative pour les réévaluer<ref>Leiter, 2002, Modèle:P. : Modèle:Citation étrangère</ref>,<ref>Schacht, 1985, Modèle:P. : Modèle:Citation étrangère</ref>.
Un naturalisme méthodologique
Dans ses recherches sur la nature des phénomènes humains, qui occupent ses œuvres de maturité à partir de Humain, trop humain (1878), Nietzsche adopte une forme de naturalisme qualifiée de méthodologique par certains commentateurs<ref>Routledge Philosophy Guidebook to Nietzsche, Leiter, 2002.</ref> : par naturalisme, on entend l’idée que l’enquête philosophique doit se développer en continuité avec les sciences naturelles<ref>Leiter, 2002, Modèle:P..</ref>. Cette interprétation s’appuie sur l'utilisation que Nietzsche fait d'auteurs tel que Wilhelm Roux, et sur des passages tel que : Modèle:Citation bloc
Mais ce qui caractérise particulièrement ce naturalisme, c'est le rejet de toutes les formes de « surnaturalisme » (moral ou religieux) qui placent l’esprit au-dessus de la nature et qui font de lui un principe explicatif des phénomènes humains par une causalité spirituelle (comme l’âme ou la volonté qui serait au principe de nos actions). Or, pour Nietzsche, l’esprit n’explique rien, et ce n’est qu’à partir des sciences empiriques que la philosophie peut spéculer sur la nature humaine et fournir des explications de tout ce qui est humain : Modèle:Citation bloc
Partageant avec le matérialisme allemand qui lui est contemporain l’idée que l’homme est un produit de la nature<ref>Leiter, 2002, Modèle:P..</ref>, Nietzsche s’efforce de rendre compte du phénomène humain en termes psycho-physiologiques, ce qui se traduit chez lui par une théorie des types. Brian Leiter a ainsi formulé et résumé cette théorie : Modèle:Citation bloc
Par exemple, l’un des traits typiques les plus célèbres est la Volonté de puissance qui joue un rôle explicatif fondamental, puisque, selon Nietzsche, Modèle:Citation bloc
Selon cette méthodologie, toute personne adopte alors nécessairement les valeurs qui forment la philosophie du type de personne qu'elle est<ref>[[s:Le Gai Savoir/Avant-propos#2.|GS, « Avant-propos », Modèle:§.]]</ref>. Les traits psychologiques qui caractérisent ces personnes sont donc comme des faits naturels, et ces faits expliquent les idées et les valeurs qui apparaissent. Les explications des idées et des valeurs humaines se présenteront alors sous la forme suivante : Modèle:Citation bloc
Ce naturalisme ne doit cependant pas être réduit à une conception matérialiste, cette dernière étant explicitement rejetée par Nietzsche<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Les faits psychologiques, soutient Nietzsche, peuvent être expliqués en termes physiologiques ; mais cela ne conduit pas nécessairement à soutenir que les faits psychologiques ne sont rien d’autre que des faits physiologiques<ref>Leiter, 2002, Modèle:P.. Voir aussi : GM, Modèle:III, Modèle:§.</ref>. Dans l'expression « naturalisme méthodologique », l’adjectif « méthodologique » signifie donc que Nietzsche n’adopte pas la forme substantielle de naturalisme qu'est le matérialisme, mais qu'il explique néanmoins les phénomènes humains d'après les sciences de la nature. Ce rejet du substantialisme laisse ouverte la possibilité de spéculer sur la nature humaine en ne la fixant pas définitivement dans les termes des sciences de la nature, ce qui laisse également ouverte la possibilité d'une réévaluation des valeurs, l’autre aspect majeur de la pensée nietzschéenne<ref>Voir Leiter, 2002, Modèle:P.11, pour la distinction entre ces deux aspects.</ref> : Modèle:Citation bloc
Ce que des commentateurs récents<ref>Janaway, 2007, Modèle:P. : Modèle:Citation étrangère</ref> nomment le naturalisme de Nietzsche est donc son rejet de toutes les formes de transcendances qui ne peuvent que falsifier la compréhension historique et psychologique de l'homme ; Nietzsche les remplace par le projet, qu'il nomme Modèle:Lien, d'une explication de l'homme comme être entièrement corporel et animal dirigé par des pulsions et des affects qui expliquent ses croyances. Nietzsche est ainsi en ce sens un philosophe de la nature humaine et a pu de ce fait être rapproché de David Hume et de Freud<ref>Leiter, 2002, Modèle:P. : « Nietzsche belongs not in the company of postmodernists like Foucault and Derrida, but rather in the company of naturalists like Hume and Freud – that is, among, broadly speaking, philosophers of human nature.</ref>.
Réévaluation des valeurs
Le second aspect principal de la pensée de Nietzsche est la réévaluation des valeurs, au premier rang desquelles les valeurs morales et métaphysiques (le bien et le vrai, par exemple), qu'il soumet à la méthode Modèle:Lien. Ce projet se manifeste, depuis La Naissance de la tragédie jusqu'à ses dernières œuvres, par la recherche des conditions et des moyens de l'ennoblissement et de l'élévation de l'homme<ref>Dans la préface de 1886 à Humain, trop humain, tome I, il définit son problème, problème d'esprit libre, comme le problème de la hiérarchie, i.e. de la détermination des valeurs, et, en particulier, des valeurs de la noblesse (voir sur ce dernier point Par-delà bien et mal, Modèle:IX. « Qu'est-ce qui est noble ? »)</ref>. Aussi nombre de commentateurs ont-ils souligné que le thème fondamental et constant de la pensée de Nietzsche, à travers les nombreuses variations de ses écrits, est le problème de la culture — ou « élevage », problème qui comprend la question de la hiérarchie et de la détermination des valeurs propres à favoriser cette élévation<ref>Voir les études de Patrick Wotling, Nietzsche et le problème de la civilisation, et de Y. Constantidinès, Nietzsche législateur.</ref>.
Nietzsche pense que tous les idéaux, qu'ils soient religieux, philosophiques ou politiques, ont la même finalité, celle d'inventer un au-delà meilleur que l'ici-bas et d'imaginer des valeurs « transcendantes ». Nier le vrai réel au nom de fausses réalités au lieu de l'assumer et de le vivre tel qu'il est. C'est cela que Nietzsche nomme le « nihilisme »<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Problèmes généraux posés par l'œuvre
Son évolution
Au cours de sa vie, Nietzsche a exprimé cette volonté d'une élévation de l'homme de diverses manières. Elle se rencontre soit sous la forme d’une métaphysique d'artiste, soit d’une étude historique des sentiments et des représentations morales humaines, soit enfin sous la forme d’une affirmation de l'existence tragique, au travers des notions de « Volonté de puissance », « d'Éternel Retour » et de « surhumain ».
L'œuvre de Nietzsche a parfois été divisée en trois périodes, en mettant en avant la prééminence de l'un ou l'autre de ces thèmes<ref>Lou Andreas-Salomé est la première à avoir évoqué cette division, qu'elle dit tenir de Nietzsche. Voir Friedrich Nietzsche à travers ses œuvres, 1894.</ref>.
Cette périodisation a été contestée notamment par Mazzino Montinari et Paolo D'Iorio d'après une analyse basée sur les cahiers manuscrits de Nietzsche et elle est progressivement abandonnée<ref>Cf. Mazzino Montinari : « Il y a, dans les études consacrées à Nietzsche, un insupportable malentendu qui tend à minimiser le tournant représenté par Humain, trop humain dans l’œuvre de Nietzsche, dans le développement de sa philosophie. On tend à isoler la phase dite de l’esprit libre de celle qui commencerait trois ou quatre ans plus tard avec l’apparition en 1881-1882 de la pensée de l’éternel retour, puis avec Ainsi parlait Zarathoustra, parce qu’on y voit une sorte de retour de Nietzsche à des positions métaphysiques, établissant par exemple une sorte d’analogie entre volonté de puissance nietzschéenne et volonté de vivre schopenhauerienne. » Selon Montinari, quand Nietzsche parle de sa phase wagnérienne « ce mot ne signifie pas la première phase d’une série mais la phase wagnérienne, schopenhauerienne, qu’il a ensuite laissée derrière lui (il n’y a pas d’autres phases) ». Suivant et développant cette idée de Montinari, Paolo D'Iorio estime qu'il « faudrait donc plutôt mettre entre parenthèses la phase wagnérienne et instaurer une plus forte continuité entre les premières réflexions des écrits de jeunesse et la philosophie de l’esprit libre contenue dans Choses humaines, trop humaines. On verrait alors que la philosophie de Nietzsche ne commence pas avec la métaphysique de l’art de La naissance de la tragédie, sous l’égide de Schopenhauer et aux côtés de Wagner, mais avec l’éloge de Démocrite, une ébauche d’essai contre la téléologie et une critique impitoyable de la métaphysique de Schopenhauer. »</ref>. Cette discussion souligne une difficulté pour l'interprétation des textes de Nietzsche : le devenir de la pensée de Nietzsche demeure un fait difficile à appréhender et à restituer pour tous les commentateurs, difficulté qui fut accrue par les premières éditions des fragments posthumes<ref>Voir La Volonté de puissance pour l'ensemble des problèmes de cette édition, et en particulier les incohérences chronologiques empêchant la restitution du devenir de la pensée de Nietzsche.</ref>.
Problème des fragments posthumes
Nietzsche a laissé de nombreux cahiers de notes, représentant quelques milliers de pages qui ont maintenant toutes été publiées et traduites en français. Le problème que posent ces textes est de savoir quelle place leur donner dans l’interprétation de sa pensée. Certains commentateurs en ont fait une expression de sa philosophie, au même titre que les œuvres publiées. Dans cette idée, des notions peu présentes dans ces dernières peuvent se retrouver mises en avant, comme ces notions jugées fondamentales que sont la Volonté de puissance, l’Éternel Retour et le surhumain (le concept allemand « Modèle:Langue » n'est pas genré mais désigne une forme supérieure d'humanité, il doit par conséquent rigoureusement être traduit par « surhumain » et non « surhomme »). De nombreux commentateurs ont ainsi écrit des études reposant très largement sur ces textes posthumes (par exemple Heidegger, Pierre Montebello, Barbara Stiegler).
D’autres, en revanche, comme Modèle:Lien, tenant compte du fait que les fragments de Nietzsche ne sont souvent que des ébauches de ses œuvres publiées, et qu’il a en outre manifesté le souhait de voir ses carnets détruits après sa mort<ref>Leiter, 2002, Modèle:P. : Modèle:Citation étrangère.</ref>, estiment que ces textes ne peuvent pas être légitimement utilisés pour déterminer exactement la pensée de Nietzsche. Ces textes qu'il a laissés de côté seraient obsolètes, et ils ne pourraient tout au plus qu’éclairer la genèse des livres de Nietzsche qui, seuls, expriment la pensée de ce dernier.
Sa forme
Ces difficultés de lecture des œuvres de Nietzsche sont encore accentuées par la forme stylistique qu’il a choisie à partir de Humain, trop humain. Il décide en effet d'exposer sa pensée sous la forme d'aphorismes qui se suivent plus ou moins thématiquement, ou qu'il regroupe par chapitre. Nietzsche a donné plusieurs explications à ce choix. Ces explications touchent autant le travail de l'exposition de la pensée que celui de la réception de cette pensée par un lecteur.
Dans le premier cas, il s'agit d'éviter d'écrire des traités systématiques, alors que toute pensée est, pour Nietzsche, toujours en devenir. La forme rigide du traité détruit la vie de la pensée, tandis que l'aphorisme conserve quelque chose de la spontanéité philosophique. Dans le second cas, il s'agit d'interdire l'accès aux textes à un lecteur pressé qui ne voudrait pas se donner la peine de repenser ce qu'il lit<ref>Selon Jill Mardsen, l'aphorisme est pour Nietzsche une arme contre les habitudes cognitives de lecteurs qui tendent à ramener le nouveau à du familier . « Nietzsche and the Art of the Aphorismin », A Companion to Nietzsche, Blackwell, 2006, Modèle:P..</ref>. Ainsi explique-t-il dans Ainsi parlait Zarathoustra au discours Lire et écrire : « Celui qui écrit en aphorismes et avec du sang, celui-là ne veut pas être lu, mais appris par cœur ». Nietzsche décrit ainsi ses textes comme un labyrinthe dont on doit trouver le fil qui mènera à travers tous les aphorismes. On peut toutefois remarquer que Nietzsche a au contraire écrit ses dernières œuvres avec le souci d'être compris<ref>Patrick Wotling, dans sa préface au Crépuscule des idoles (éditions Flammarion), démontre ce point en s'appuyant sur les lettres de Nietzsche dans lesquelles ce dernier expose sa stratégie éditoriale dont le but est de favoriser la réception de sa pensée qui commence à être connue en France, au Danemark, en Russie et aux États-Unis.</ref>.
Problème pour l’exposition
À la suite de ces difficultés de lecture des œuvres de Nietzsche, plusieurs méthodes d'exposition de sa pensée sont utilisées. Certains, comme Eugen Fink, retracent le développement intellectuel de Nietzsche, en soulignant la relative autonomie de chaque période ; d'autres, comme Heidegger, privilégient l'étude des notions de la dernière période de Nietzsche, notions considérées comme l'expression de la maturité de son activité philosophique. L'étude du devenir de la pensée de Nietzsche étant loin d'être achevée, cet article exposera les thèmes qui ont été constamment considérés comme les plus importants dans l'ensemble de l'histoire de la réception de ses œuvres, tout en évoquant la genèse de certains d'entre eux<ref>Un exemple de la direction nouvelle des études nietzschéennes est le livre Nietzsche. Philosophie de l'esprit libre, sous la direction de Paolo D'Iorio, livre dans lequel plusieurs commentateurs étudient la période dite positiviste pour montrer l'intérêt d'un examen autonome des thèmes nietzschéens dans leur devenir, par delà des divisions jugées cloisonnantes.</ref>.
Volonté de puissance, perspectivisme et interprétation
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Le concept de Volonté de puissance est, pour de nombreux commentateurs (Heidegger<ref>Voir Nietzsche I et II où Heidegger fait de la volonté de puissance et l'Éternel Retour les concepts fondamentaux d'une métaphysique nietzschéenne portant à son terme la métaphysique occidentale.</ref>, M. Haar<ref>Voir son exposé de la pensée de Nietzsche, dans Nietzsche et la métaphysique.</ref> par exemple), l'un des concepts centraux de la pensée de Nietzsche, dans la mesure où il est pour lui un instrument de description du monde, d'interprétation de phénomènes humains comme la morale et l'art (interprétation connue sous le nom de Modèle:Lien), et d'une réévaluation de l'existence visant un état futur de l'humanité (le surhumain). C'est pourquoi il est souvent utilisé pour exposer l'ensemble de sa philosophie.
Volonté vers la puissance
Par la notion de Volonté de puissance, Nietzsche entend proposer une interprétation de la réalité dans son ensemble<ref>cf. D'après Michel Haar, Nietzsche et la métaphysique, Modèle:P., « Que tout ce qui existe soit en son fond et dans son ensemble Volonté de Puissance, Nietzsche le souligne expressément et l'affirme de diverses manières […]. »</ref>.
Traits généraux
Volonté de puissance est la traduction devenue usuelle de l'expression allemande Wille zur Macht. Cette expression forgée par Nietzsche signifie littéralement « volonté vers la puissance », ce que met en évidence l'utilisation du datif allemand pour exprimer une tension interne dans l'idée même de volonté. En effet, il ne s'agit pas de vouloir la puissance comme si, dans une conception psychologisante, la puissance était un objet posé à l'extérieur de la volonté<ref>cf. Michel Haar, Nietzsche et la métaphysique, Modèle:P. : Modèle:Citation</ref>. Nietzsche écarte ce sens traditionnel de la notion de volonté<ref>cf. D'après Michel Haar, Nietzsche et la métaphysique, Modèle:P., Nietzsche dénonce deux erreurs dans la métaphysique traditionnelle de la volonté : Modèle:Citation</ref>, et lui substitue l'idée qu'il y a quelque chose dans la volonté qui affirme sa puissance<ref>cf. Müller-Lauter, Physiologie de la volonté de puissance, Modèle:P. : Modèle:Citation</ref>. Dans cette idée, la volonté de puissance désigne un impératif interne d'accroissement de puissance, une loi intime de la volonté exprimée par l'expression « être plus »<ref name="HAAR_27">cf. Michel Haar, Nietzsche et la métaphysique, Modèle:P..</ref> : cet impératif pose alors une alternative pour la Volonté de puissance, devenir plus ou dépérir<ref name="HAAR_27"/>.
Cette conception de la volonté et de la puissance conduit à exclure le recours à des notions comme l'« unité » et l'« identité » pour décrire ce qui existe et en déterminer l’essence : si tout ce qui est Volonté de puissance doit devenir plus, il n'est en effet pas possible pour un être de demeurer dans ses propres limites. La notion de Volonté de puissance ne désigne donc, ni ne constitue l’unité ou l’identité, d’une chose. Au contraire, pour toute réalité, être « volonté de puissance », c'est ne jamais pouvoir être identique à soi et être toujours porté au-delà de « soi ».
Ce devenir plus, cette manière de devoir toujours aller au-delà de soi, n'est cependant pas arbitraire, mais se produit selon une orientation, que Nietzsche nomme structure, et qui est donc une structure de croissance qui définit et fait comprendre comment une réalité devient ; c'est cette structure qui est sa réalité agissante, individuelle, qui est sa volonté de puissance : Modèle:Citation bloc Ce mouvement se conçoit en outre pour Nietzsche comme une exigence d'assimilation, de victoires contre des résistances : cette idée introduit l'idée de « force ». La volonté de puissance est ainsi constituée de forces dont elle est la structure<ref>cf. Michel Haar, Nietzsche et la métaphysique, Modèle:P. : Modèle:Citation</ref>. La Volonté de puissance s'accroît ainsi par l'adversité des forces dont elle est constituée, ou décroît en cherchant cependant toujours d'autres moyens de s'affirmer.
Cette idée de structure d'une Volonté de puissance, qui en fait une ontologie de la relation<ref>cf. Pierre Montebello, Nietzsche. La Volonté de puissance, Modèle:P. : Modèle:Citation</ref>, possède également une dimension pathologique associée au sentiment de puissance que Nietzsche avait commencé à thématiser dès Aurore. Modèle:Citation bloc Cette dimension affective est présente en tout vivant, mais Nietzsche l’étend également à l’inorganique, conçu comme une forme plus rudimentaire de Volonté de puissance. Cette affectivité introduit dans l’idée de volonté de puissance (organique ou inorganique) une dimension affective fondamentale (désignée par le terme de pathos), qui ne relève pas de l'expression d'un jeu de forces structurées, mais d’une disposition inhérente à toute Volonté de puissance à se déployer d'une certaine manière : Modèle:Citation bloc
Ainsi se trouvent liées en une même notion les idées d'être plus (extériorisation ou manifestation de la volonté de puissance), de structure (relations entre des forces) et d'affectivité<ref>cf. Pierre Montebello, Nietzsche. La Volonté de puissance, Modèle:P., résume ainsi : Modèle:Citation</ref>.
Pour Luc Ferry, la volonté de puissance de Nietzsche n'est pas le goût du pouvoir ou le désir d'occuper une place importante, mais le désir profond d'une intensité maximum de vie. Pour cela, cette volonté cherche à éviter les déchirements internes qui, tel le sentiment de culpabilité et de ressentiment, diminuent notre puissance psychique et physiologique<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Mot de l'être
Devenir plus, structure et pathos sont les principales qualités que Nietzsche attribue à une Volonté de puissance. Ces qualités permettent de décrire ce qui est. La Volonté de puissance décrit donc de cette manière toute la réalité<ref>cf. D'après Michel Haar, Nietzsche et la métaphysique, Modèle:P. : Modèle:Citation</ref>. Elle n'est pourtant pas un principe ; structure et être plus de ce qui devient, elle n'en est pas en effet l'origine radicale. En tant que description du monde, elle reste, selon Heidegger, un concept métaphysique puisqu'elle qualifie la vie en sa totalité, ce que Nietzsche formule ainsi :
Toute vie est donc pour Nietzsche Volonté de puissance, et il n'y a d'être qu'en tant que Volonté de puissance. Dans cette perspective, le monde est un ensemble de volontés de puissance, une multitude<ref>cf. Müller-Lauter, Physiologie de la volonté de puissance, Modèle:P. : Modèle:Citation</ref>. Cette description générale du devenir pose cependant une difficulté jugée fondamentale pour la compréhension de la volonté de puissance<ref name="MONT_9-10">cf. Pierre Montebello, Nietzsche. La Volonté de puissance, Modèle:P..</ref> : la volonté de puissance est-elle le devenir ou son essence ? La difficulté soulevée par cette question est que, dans la mesure où Nietzsche paraît décrire une structure interne, la volonté de puissance semble devoir être comprise de manière essentialiste ; or, un tel essentialisme reconduirait la division entre un monde phénoménal et un arrière-monde à laquelle Nietzsche s'oppose explicitement<ref name="MONT_9-10"/>.
Mais une telle compréhension exclut toute recherche d'un inconditionné derrière le monde, et de cause derrière les êtres (« fondement », « substance ») : car c'est en tant que nous interprétons que nous concevons le monde comme Volonté de puissance. L'énoncé sur l'essence doit être rapporté à une forme de perspectivisme pour éviter de faire de la Volonté de puissance une substance ou un être. Ceci suppose que d'autres interprétations sont possibles. Mais, tout en refusant un dogmatisme de l'être, Nietzsche refuse également le relativisme qui pourrait découler de sa thèse du perspectivisme de la Volonté de puissance : celle-ci est en effet également un critère de la valeur, de la hiérarchie même des valeurs<ref>cf. D'après Michel Haar, Nietzsche et la métaphysique, Modèle:P., Modèle:Citation</ref>
Pathos et structure
Pour Nietzsche, la volonté de puissance possède donc un double aspect : elle est un pathos fondamental et une structure.
Aussi une volonté de puissance peut-elle s'analyser comme une relation interne d'un conflit, comme structure intime d'un devenir, et non seulement comme le déploiement d'une puissance : Le nom précis pour cette réalité serait la volonté de puissance ainsi désigné d'après sa structure interne et non à partir de sa nature protéiforme, insaisissable, fluide.<ref>FP Modèle:XI, 40 (53).</ref> La volonté de puissance est ainsi la relation interne qui structure un jeu de forces (une force ne pouvant être conçue en dehors d'une relation)<ref>cf. Müller-Lauter, Physiologie de la Volonté de puissance, Modèle:P. : Modèle:Citation</ref>. De ce fait, elle n'est ni un être, ni un devenir, mais ce que Nietzsche nomme un pathos fondamental, pathos qui n'est jamais fixe (ce n'est pas une essence), et qui par ce caractère fluide peut être défini par une direction de la puissance, soit dans le sens de la croissance soit dans le sens de la décroissance. Ce pathos, dans le monde organique, s'exprime par une hiérarchie d'instincts, de pulsions et d'affects, qui forment une perspective interprétative d'où se déploie la puissance et qui se traduit par exemple par des pensées et des jugements de valeur correspondants.
Volonté de puissance comme interprétation
Pensée par Nietzsche comme la qualité fondamentale d'un devenir, la Volonté de puissance permet d'en saisir la structure (ou type), et, partant, d'en décrire la perspective. En ce sens, la Volonté de puissance n'est pas un concept métaphysique mais un instrument interprétatif (selon Jean Granier, contre l'interprétation de Heidegger<ref>Voir l'annexe au Problème de la vérité dans la philosophie de Nietzsche consacrée à la discussion de l'interprétation heideggérienne.</ref>). Dès lors, pour Nietzsche, il s'agit de déterminer ce qui est interprété, qui interprète et comment.
Corps comme fil conducteur
Nietzsche prend pour point de départ de son interprétation le monde qu'il considère comme nous étant donné et le mieux connu, à savoir le corps<ref>cf. B. Stiegler, Nietzsche et la biologie, Modèle:P. : Modèle:Citation.</ref>. Il prend ainsi, jusqu'à un certain point, le contre-pied de Descartes, pour qui notre esprit (notre réalité pensante) nous est le mieux connu. Toutefois, l'idée de Nietzsche n'est pas totalement opposée à la pensée cartésienne, puisque selon lui nous ne connaissons rien d'autre que le monde de nos sentiments et de nos représentations, ce qui peut se comparer à l'intuition de notre subjectivité chez Descartes<ref>cf. B. Stiegler, Nietzsche et la biologie, Modèle:P. : Modèle:Citation</ref>. Ainsi le corps n'est-il pas pour Nietzsche en premier lieu le corps objet de la connaissance scientifique, mais le corps vécu : notre conception de l'être est une abstraction de notre rythme physiologique.
Toute connaissance, comme Kant l'avait déjà établi avant Nietzsche, doit prendre pour point de départ la sensibilité. Mais, au contraire de Kant, Nietzsche tient, comme Arthur Schopenhauer, que les formes de notre appréhension de l'existence relèvent en premier lieu de notre organisation physiologique (et de ses fonctions : nutrition, reproduction), tandis que les fonctions jugées traditionnellement plus élevées (la pensée) n'en sont que des formes dérivées<ref>cf. B. Stiegler, Nietzsche et la biologie, Modèle:P. : s'inspirant de Virchow et de Wilhelm Roux, Nietzsche considère que Modèle:Citation</ref>.
Aussi, pour Nietzsche, nous ne pouvons rien connaître autrement que par analogie avec ce qui nous est donné, toute connaissance est une reconnaissance, une classification, qui se retrouve dans les choses ce que nous y avons mis, et qui reflète notre vie la plus intime (nos pulsions, la manière dont nous sommes affectés par les choses et comment, de là, nous les jugeons). Le monde dans son ensemble, lorsque nous tentons une synthèse de nos connaissances pour le caractériser, n'est jamais que le monde de notre perspective, qui est une perspective vivante, affective. C'est pourquoi Nietzsche peut dire du monde qu'il est Volonté de puissance, dès lors qu'il a justifié que l'homme, en tant qu'organisme, est Volonté de puissance. Pour Nietzsche, nous ne pouvons faire autrement que de projeter cette conception de l'être qui nous appartient du fait que nous vivons, et cela entraîne également pour conséquence que la connaissance est interprétation<ref>cf. Müller-Lauter, La Physiologie de la Volonté de puissance, Modèle:P. : Modèle:Citation</ref>, puisqu'une connaissance objective signifierait concevoir une connaissance sans un sujet vivant. En conséquence, l'être n'est pas d'abord l'objet d'une quête de vérité, l'être est, pour l'homme, de la manière la plus intime et immédiate, vie ou existence.
À partir de ce perspectivisme, Nietzsche estime que toute science (en tant que schématisation quantitative) est dérivée nécessairement de notre rapport qualitatif au monde, elle en est une simplification, et répond à des besoins vitaux : Modèle:Citation bloc
Dans un premier temps, à l'époque des Considérations inactuelles, Nietzsche avait déduit de ce point de départ que nous ne pouvons comprendre la matière autrement que comme douée de qualités spirituelles, essentiellement la mémoire et la sensibilité, ce qui signifie que nous anthropomorphisons spontanément la nature. Il avait ainsi tenté de dépasser d'un seul coup le matérialisme et le spiritualisme qui opposent tous deux la matière et la conscience d'une manière qui demeure inexpliquée. Or, Nietzsche supprimait ici le problème, en posant « l'esprit » comme matière. Avec le développement de la notion de Volonté de puissance, Nietzsche ne rompt pas avec cette première thèse de sa jeunesse, puisque les qualités attribuées à cette puissance sont généralisables à l'ensemble de ce qui existe ; de ce fait, Nietzsche suppose que l'inorganique pourrait posséder, comme toute vie, sensibilité et conscience, du moins dans un état plus primitif. Cette thèse peut faire penser à la conception antique (aristotélicienne et stoïcienne) de la nature, qui fait naître un être plus complexe d'un état antérieur (par exemple, l'âme-psychè naît de la physis en en conservant les qualités)<ref>Pour une étude approfondie de la Volonté de puissance, voir P. Montebello, Nietzsche, la Volonté de puissance, PUF, 2001, Modèle:ISBN</ref>.
Interprétation, apparence et réalité
Modèle:Article connexe Cette méthode interprétative implique une réflexion de fond à propos des concepts traditionnels de réalité et d'apparence<ref>Patrick Wotling, au premier chapitre de Nietzsche et le problème de la civilisation, propose une étude détaillée de cette question.</ref>. En effet, puisque Nietzsche s'en tient à un strict sensualisme (qui nécessite toutefois une interprétation), la réalité devient l'apparence, l'apparence est la réalité : Modèle:Citation
Mais de ce fait, les concepts métaphysiques de réalité et d'apparence, et leur opposition, se trouvent abolis : Modèle:Citation bloc
Pour Nietzsche : Modèle:Citation bloc
Autrement dit, la réalité qui nous est « donnée » est déjà un résultat qui n'apparaît que par une perspective, structure de la volonté de puissance que nous sommes. La pensée de Nietzsche est donc une pensée de la réalité comme interprétation, reposant sur une thèse sensualiste, tout ceci supposant que toute interprétation n'existe qu'en tant que perspective. À partir de cette thèse perspectiviste, la question qui se pose à Nietzsche (comme elle s'était posée à Protagoras, cf. le dialogue de Platon) est de savoir si toutes les perspectives (ou interprétations) se valent. La généalogie vient répondre à cette question.
Une notion polémique et programmatique
La Volonté de puissance est un instrument d'interprétation de ce qui est, mais elle doit permettre également de déterminer une échelle de valeurs. Elle est donc aussi le point de départ du projet de Nietzsche de réévaluer les valeurs traditionnelles de la métaphysique par l'adoption d'une perspective nouvelle sur les valeurs humaines produites jusqu'ici. Ceci doit, d'une part, entraîner l'abolition des valeurs idéalistes platonico-chrétiennes, et, d'autre part, entraîner un mouvement antagoniste au développement de l'histoire sous l'influence de Platon, mouvement qui conduirait alors à une réévaluation de la vie<ref>La nécessité d'un contre-mouvement est évoquée dans la Généalogie de la morale. Voir en particulier la troisième dissertation.</ref>.
Conceptions du vivant
Par la volonté de puissance, Nietzsche s'oppose à la tradition philosophique depuis Platon, tradition dans laquelle on trouve deux manières de saisir l'essence du vivant : le Conatus, chez Spinoza (le fait de « persévérer dans l'être ») et le vouloir-vivre chez Schopenhauer (Nietzsche fut conquis par la philosophie de Schopenhauer avant de la critiquer). Mais chez Nietzsche, vivre n'est en aucune façon une conservation (« Les physiologistes devraient réfléchir avant de poser que, chez tout être organique, l’instinct de conservation constitue l’instinct cardinal. Un être vivant veut avant tout déployer sa force. La vie même est volonté de puissance, et l’instinct de conservation n’en est qu’une conséquence indirecte et des plus fréquentes » (Nietzsche, Par delà bien et mal, 13)).
En morale
Nietzsche s'oppose également, par cette notion de Volonté de puissance, aux philosophies faisant du bonheur le Bien Suprême, et de sa recherche le but de toute vie, et notamment aux philosophies eudémonistes antiques. Il s'opposait également aux philosophies hédonistes qui faisaient du plaisir le Souverain Bien ainsi qu'à l'épicurisme. Cette position se retrouve notamment dans cette déclaration : Modèle:Citation bloc
Libération à l'égard de la métaphysique
Finalement, Nietzsche se propose de modifier par la Volonté de puissance les fondements de toutes les philosophies passées, dont le caractère dogmatique est contraire à son perspectivisme, et de renouveler la question des valeurs que nous attribuons à certaines notions (comme la vérité, le bien) et à notre existence, en posant la question de savoir ce qui fait la valeur propre d'une perspective : quelle est par exemple la valeur de la volonté de vérité<ref>Le premier aphorisme de Par-delà bien et mal pose la question de la valeur de la volonté de vérité.</ref>?
La question qui découle pour Nietzsche de cette mise en question est de savoir si l'on peut établir, à la suite de cette critique, une nouvelle hiérarchie des interprétations et sur quelles bases. Nietzsche n'est ainsi pas tant un prophète ou un visionnaire, dont une notion comme la Volonté de puissance serait le message, mais il se comprend lui-même comme le précurseur de philosophes plus libres, tant à l'égard des valeurs morales que des valeurs métaphysiques. Modèle:Citation bloc
Au-delà de ses aspects critiques, la Volonté de puissance, en tant qu'interprétation de la réalité, a donc des aspects positifs et créateurs, qui se traduiront dans la pensée de l'éternel retour et dans l'aspiration à un état futur de l'homme, le surhumain<ref>L'Éternel Retour est ainsi considéré par Nietzsche comme l'expression la plus haute de la Volonté de puissance.</ref>.
Psychologie et généalogie de la morale
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La notion de Volonté de puissance, qui est la qualité générale de tout devenir, doit permettre une interprétation de toutes les réalités en tant que telles. Elle synthétise un ensemble de règles méthodologiques<ref>cf. Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Modèle:P., qui souligne l'aspect méthodologique de la Volonté de puissance permettant d'interpréter la genèse d'une réalité : « Avec la Volonté de puissance et la méthode qui en découle, Nietzsche dispose du principe d'une genèse interne. »</ref> qui sont le résultat de réflexions qui s'étendent des années 1860 à la fin de 1888. Mais cette notion ne prétend pas à la systématisation (Nietzsche a d'ailleurs abandonné pour cette raison l'idée d'un exposé de sa philosophie de la Volonté de puissance ; cf. Volonté de puissance), car elle a beaucoup évolué, mais on peut néanmoins dégager des lignes directrices permettant d'exposer la pensée de Nietzsche dans son ensemble.
Un des aspects les plus connus est son application au problème de l'origine de la morale, sous le nom de Modèle:Lien. Cette application de la méthode à la morale permet de comprendre comment Nietzsche analyse les hiérarchies pulsionnelles en jeu dans toute perspective morale, ce qui est proprement la méthode généalogique<ref>Ce que Nietzsche avait commencé à développer sous le nom de sens historique du temps de Humain, trop humain.</ref>. Les questions qui se posent sont alors du type : quel type d'hommes a besoin de telles évaluations morales ? À quelle morale tel philosophe ou tel métaphysicien veut-il en venir, et à quel besoin cela répond-il ? Modèle:Citation bloc
Ces analyses des structures pulsionnelles et affectives forment ainsi un projet de reformulation, à la lumière de la Volonté de puissance, de la psychologie traditionnelle<ref>Ce point est exposé par Patrick Wotling, dans La Pensée du sous-sol, Allia, 1999, Modèle:ISBN.</ref> qui était fondée sur le statut privilégié accordé à la conscience.
Statut de la psychologie
En réfutant le primat de la conscience<ref>Pour les questions relatives au statut de la psychologie dans la pensée de Nietzsche, voir Patrick Wotling, La Pensée du sous-sol, Allia, 1999, Modèle:ISBN.</ref>, Nietzsche est amené à développer une psychologie des profondeurs (dont tout le premier chapitre de Par-delà bien et mal en est un exemple) qui met au premier plan la lutte ou l'association des instincts, des pulsions et des affects, la conscience n'étant qu'une perception tardive des effets de ces jeux de forces infra conscients. Ce que Nietzsche nomme Modèle:Lien sera alors la recherche régressive partant d'une interprétation (par exemple, l'interprétation morale du monde) pour remonter à sa source de production, c’est-à-dire au pathos fondamental qui la rend nécessaire.
Les jugements métaphysiques, moraux, esthétiques, deviennent ainsi des symptômes de besoins, d'instincts, d'affects le plus souvent refoulés par la conscience morale, pour lesquels la morale est un masque, une déformation de l'appréciation de soi et de l'existence. In fine, cela revient à faire reposer l'analyse sur la détermination de la Volonté de puissance d'un type. À ce titre, l'individu n'est pas examiné par Nietzsche pour lui-même, mais en tant qu'expression d'un système hiérarchisé de valeurs.
Cette méthode amène donc à poser des questions du genre : quelle structure pulsionnelle, incarnée par tel ou tel homme, conduit à tel type de jugements ? À quel besoin cela répond-il, à quelle Volonté de puissance ? Veut-on, par la morale, discipliner des instincts, et dans ce cas, dans quel but ? Ou veut-on les anéantir, et dans ce cas, est-ce parce qu'ils sont jugés néfastes, dangereux, est-ce parce qu'ils sont, en tant que phénomènes naturels, l'objet de haine et de ressentiment ? Le premier cas peut être l'expression d'un besoin de croissance, le second d'une logique d'auto-destruction.
Dans Par-delà bien et mal, Nietzsche expose cette généalogie, conception approfondie et renouvelée par la thèse de la Volonté de puissance (exposé au Modèle:§) de la philosophie historique, et il considère la psychologie comme reine des sciences, tout en soulignant ce qui distingue sa conception de la psychologie traditionnelle : Modèle:Citation bloc
Si cette nouvelle psychologie repose, en 1886, sur l'hypothèse de la Volonté de puissance, l'idée du conflit des instincts n'est pas née de celle-ci. Dès 1880, des fragments vont dans ce sens, et la Volonté de puissance en tant qu'idée apparaît bien avant d'être nommée. L'expression Volonté de puissance permet de synthétiser cet ensemble.
L'observation psychologique
Comme cela a été signalé, la Volonté de puissance est une notion qui n'est pas d'emblée présente dans l'œuvre de Nietzsche. Pour rendre compte de l'évolution de la pensée de Nietzsche, il faut partir des hypothèses qu'il pose et des notions qu'il utilise avant la période dite de maturité. Il en va de même pour la psychologie, puisque le développement de cette dernière apparaît significatif surtout à partir de Humain, trop humain, c'est-à-dire en 1878, quand il rompt de manière consciente avec son milieu culturel<ref>Plusieurs fragments témoignent du fait que Nietzsche, en rompant avec sa période wagnérienne, avait conscience d'être dans la nécessité de heurter la sensibilité de ses proches. Mais il estimait que c'était là le prix à payer pour revenir à lui, à sa vocation de philosophe.</ref>. Influencé par Paul Rée, Nietzsche lit alors avec intérêt les moralistes français (La Rochefoucauld, Chamfort, etc.) ; il lit également des ouvrages contemporains de psychologie, à quoi il faut ajouter des études de sociologie, d'anthropologie, et des travaux sur la théorie de la connaissance, tel que celui de Lange (Histoire du matérialisme), où l'on trouve une discussion du statut scientifique de la psychologie. La pensée de Nietzsche, en ce qui concerne la psychologie, se développe donc d'une part d'après l'observation des hommes (les maximes de La Rochefoucauld par exemple, ou ses observations personnelles dont il souligne le caractère particulier, relatif, et souvent provisoire), et dialogue d'autre part avec des réflexions épistémologiques contemporaines<ref>Modèle:Article</ref>.
Existence humaine
L'observation psychologique est ainsi particulièrement présente dans Humain, trop humain et Aurore ; Nietzsche souhaite alors jeter les bases d'une philosophie historique, en procédant à un genre d'analyse chimique de nos représentations et sentiments moraux, préfigurant ce qui deviendra la généalogie. Il analyse les comportements humains, sous l'influence de La Rochefoucauld ou de Voltaire (à qui Humain, trop humain est dédié) et peut-être aussi de Hobbes, et ramène souvent les mobiles de l'action et de la pensée humaine à la vanité et au sentiment de puissance. Si certaines de ses peintures sont de cette manière des tableaux de moraliste de l'existence humaine, certains thèmes, comme ce sentiment de puissance, mais aussi les différentes sortes de morales, sont des premières formulations des théories majeures qu'il développera plus tard. Cette étape de son œuvre peut être considérée comme une série d'essais plus ou moins aboutis pour décrire l'homme, ses motivations et la nature de ses relations sociales (aphorismes sur l'amitié, sur l'État, les femmes, etc.).
Généalogie de la morale
Modèle:Article détaillé C'est à partir de 1886 que Nietzsche exposera de manière plus ordonnée le résultat de ses recherches, en tant que méthode Modèle:Lien, en particulier dans Par-delà bien et mal, et sous forme de dissertations dans la Généalogie de la morale. Des éléments de cette généalogie sont toutefois déjà présents dans Humain, trop humain (par exemple, les différentes origines de la morale, ou le caractère de palliatif, et non de remède véritable, de la religion) et dans Aurore (la moralité des mœurs comme source de la civilisation, ou encore le sentiment de puissance qui guide l'homme jusque dans la morale).
Ces résultats peuvent être résumés grâce aux expositions schématiques que Nietzsche lui-même en a faites. Ainsi, à la question sur l'origine de la morale, il répond que toutes les valeurs morales se ramènent à deux systèmes d'origine différente : la morale des faibles et la morale des forts<ref>Ce résultat est commenté par Patrick Wotling, dans sa préface à la Généalogie de la morale, Modèle:P., Livre de Poche, 2000 : Modèle:Citation</ref>. Le terme origine ne désigne pas ici l'apparition historique de ces systèmes, mais le type de création dont ils sont le résultat, si bien que l'origine, au sens de Nietzsche, est ce à partir de quoi l'histoire se détermine, et non un événement quelconque de l'histoire universelle.
Pour parvenir à ce résultat, Nietzsche a procédé à une généalogie comportant plusieurs moments, exposés dans la première dissertation de la Généalogie de la morale : il a recherché dans le langage les premières expressions de ce qui a été jugé bon ; puis, suivant l'évolution du sens des mots bon et mauvais, il a montré le processus d'intériorisation de ces valeurs dont la signification était tout d'abord principalement matérielle ; enfin, remontant d'une évaluation morale donnée à ses conditions d'expression, il a distingué deux manières fondamentales de créer des valeurs morales.
Interprétation généalogique des jugements moraux
Le point de départ de la méthode généalogique est linguistique : se posant la question de l'origine de la morale, Nietzsche demande : où trouve-t-on les premières notions de bon et mauvais, et que signifient-elles ? Écartant l'interprétation utilitariste, Nietzsche met en avant que ce sont les aristocrates de toutes sociétés qui se sont désignés en premier lieu eux-mêmes comme bons, et que ce terme, d'une manière simple et spontanée, désigne la richesse, la beauté, les plaisirs de l'activité physique, la santé, en un mot, l'excellence. Le mot bon désigne ainsi les hommes de la caste la plus élevée, celle des guerriers. De ce fait, il ne désigne pas ce que nous entendons par là aujourd'hui, en particulier, un bon n'est pas un homme altruiste, charitable, accessible à la pitié.
L'analyse historique et linguistique débouche ainsi sur une recherche d'ordre sociologique : les premières évaluations morales dépendent et sont l'expression d'un rang. Néanmoins, Nietzsche ne reprend pas à son compte les théories contemporaines, telles que celle de l'influence du milieu de Taine, car s'il faut tenir compte des déterminations sociales, la société ne peut servir de principe explicatif intégral. Il renomme d'ailleurs cette science d'après son interprétation généalogique (théorie des formes de domination) qu'il juge première relativement à la sociologie et à la psychologie de son temps.
Hiérarchies sociales
La question est ainsi pour Nietzsche la suivante : dans quelle mesure les castes d'une société permettent-elles le développement d'une espèce particulière de jugements moraux ? Nietzsche distingue typologiquement plusieurs types de jugements moraux en fonction des situations sociales possibles (guerriers, prêtres, esclaves, etc.) : Modèle:Citation bloc
La situation sociale permet à un sentiment de puissance de se distinguer par des formes qui lui sont propres, et qui, primitivement, possèdent des expressions spontanées et entières peu intériorisées. De cet examen des castes, Nietzsche dégage alors une première grande opposition : Modèle:Citation bloc
Nietzsche ramène par la suite toute morale à deux types fondamentaux qui correspondent originellement à l'opposition dominant/dominé. Il faut écarter l'idée que les dominants, ceux qui créent en premier lieu les valeurs, seraient uniquement des guerriers : la genèse des valeurs dégagée par Nietzsche énonce clairement un conflit entre le monde de l'activité physique et celui de l'activité intellectuelle (c'est-à-dire de la volonté de puissance intériorisée). Aussi Nietzsche voit-il d'abord une dispute sur la question du rang des valeurs entre les guerriers et les prêtres.
Du fait que cette compréhension de la morale permet la constitution de types, elle ne doit pas être réduite à la réalité des hiérarchies sociales<ref>Selon le commentaire de Patrick Wotling (Généalogie de la morale, Livre de poche, 2000, note 1, Modèle:P.) : Modèle:Citation</ref> : une hiérarchie sociale est une condition première de la création d'une évaluation, mais, selon Nietzsche, les évaluations peuvent devenir indépendantes de leur terrain de naissance. L'origine fait comprendre comment une valeur est née, elle ne fait pas encore comprendre pourquoi elle s'est perpétuée. En conséquence, un esclave, au sens de Nietzsche (un faible), peut très bien être un maître, dans un sens plus prosaïque, c'est-à-dire posséder du pouvoir et des richesses. Les hiérarchies sociales permettent seulement de comprendre comment des types moraux ont été rendus possibles, et la question reste de savoir quel type d'hommes les ont ensuite transmis (et par quels nouveaux moyens).
Quant aux types, ce sont des interprétations généalogiques que l'on ne rencontre pas telles quelles dans la réalité (des traits typiques opposés peuvent par exemple se trouver liés).
Les deux sources de la morale
Il y a donc, selon Nietzsche, une dualité fondamentale en morale, dualité qu'il avait déjà formulée clairement dans Humain, trop humain et Aurore : la morale des forts et la morale des faibles, cette dernière trouvant son origine dans son opposition à la première.
Morale des faibles et ressentiment
La morale des faibles se caractérise par son ressentiment ; Nietzsche en décrit ainsi le mécanisme psychologique :
La morale des faibles est donc l'expression de ce ressentiment : le ressentiment est l'affect d'une volonté vaincue qui cherche à se venger<ref>cf. Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Modèle:P. : Modèle:Citation</ref>, c'est-à-dire qu'il est le symptôme d'une vie décroissante, qui ne s'est pas épanouie. Cette vengeance s'exprimera par des valeurs créées pour lutter contre les forts, en dévalorisant leur puissance (le fort devient le méchant par opposition au bon). Ainsi, selon Nietzsche, la pitié, l'altruisme et toutes les valeurs humanitaires, sont en fait des valeurs par lesquelles on se nie soi-même pour se donner l'apparence de la bonté morale et se persuader de sa supériorité, mais sous ces valeurs illusoires fermente une haine impuissante qui se cherche un moyen de vengeance et de domination. Le christianisme, l'anarchisme, le socialisme, etc. sont des exemples de morales du ressentiment.
Morale des forts
En sens contraire, la morale des forts exalte la puissance, c'est-à-dire l'égoïsme, ou plaisir d'être soi, la fierté, l'activité libre et heureuse. Ces valeurs sont essentiellement le résultat d'une spiritualisation de l'animalité qui peut alors s'épanouir heureusement. Ainsi, en Grèce, la sexualité est-elle exprimée dans les cultes de Dionysos et dans l'art ; chez Platon, le désir de savoir est la conséquence d'une spiritualisation de l'instinct de reproduction. La morale des faibles agit en sens contraire, en cherchant à détruire à la racine tous les instincts, par haine de la vie, c'est-à-dire par suite d'une violence intériorisée qui ne peut s'exprimer que sous la forme négative de la destruction de soi (c'est le mauvais de la morale aristocratique). Par contraste, ce qui caractérisera le mieux une morale de forts, ce sera sa capacité d'élever des hommes cultivés, inventifs, actifs, doués d'une volonté forte et constructive.
On ne doit pas cependant ignorer que les forts, dans l'histoire, sont tout d'abord (terme souligné par Nietzsche dans le premier aphorisme de la neuvième partie de Par-delà bien et mal) des hommes violents, mais cette violence n'est pas d'une même sorte que la violence du faible, qui lui aussi veut la puissance, mais par d'autres moyens. La violence du fort est spontanée et sans arrière-pensées, elle n'est pas vindicative, tandis que la violence du faible est calculée, et c'est une violence au service du ressentiment, c'est-à-dire de la haine. Bien que la force ne soit pas chez Nietzsche nécessairement exprimée par la violence, et, qu'en outre, la spiritualisation des instincts les plus agressifs soit la forme la plus haute de la culture, il reste que la « spontanéité » du fort est en premier lieu particulièrement cruelle, quelle que soit la civilisation considérée : Modèle:Citation bloc
Cette violence n'est pas une fin en soi, mais est le socle de l'élévation humaine, sans lequel l'homme se renie et se mutile en tant qu'animal. L'ensemble des instincts qui font voir la proximité de l'homme avec la bête doit être, pour Nietzsche, spiritualisé, car cette spiritualisation est une augmentation de la volonté de puissance, par exemple dans la création artistique. Ainsi, lorsqu'il examine le processus d'élévation du fort, Nietzsche, qui a souligné la barbarie première de ce fort, ne met pas en avant la force physique, mais bien l'âme<ref>Par-delà bien et mal, Modèle:§.</ref>. Et, dans Ainsi parlait Zarathoustra, il s'adresse ainsi aux hommes violents :
La violence du faible est en revanche pour Nietzsche problématique, si elle domine : c'est une violence cruelle, une violence pour la vengeance, et elle ne se laisse pas facilement convertir en activités créatrices, mais se transforme plus aisément en systèmes de cruauté, i.e. en religions ou en morales visant à abattre l'existence même de ce qui est différent.
Il faut alors souligner l'importance de cette opposition des deux morales qui structurent l'histoire de l'Occident : tout ce qui est fort a créé ce qui est bon, la philosophie et l'art grecs, ce qui est faible a créé la religion monothéiste et son système de répression de la force qui est encore le nôtre aujourd'hui. La question qui se pose à Nietzsche est donc de savoir comment un tel système a pu se développer à partir du ressentiment et de l'intériorisation de la volonté de puissance.
Intériorisation
L'impossibilité pour les castes soumises à une discipline sévère et pour les peuples soumis d'extérioriser librement leurs forces ne fait pas disparaître ces forces. Nous trouvons dans le second cas l'origine du ressentiment des valeurs morales. Nietzsche met ici au jour un phénomène « prémoral » qui consiste au retournement des forces vers l'intérieur : intériorisation qui va permettre le développement de l'âme et l'approfondissement de la psyché humaine en une variété de types inconnus jusqu'alors.
Les pulsions naturelles de conquête, opprimées par des facteurs extérieurs (État, éducation…) se retournent contre l'individu opprimé, en lui-même, créant un malaise, dont l'origine lui reste inconnue, qu'il va rationaliser en termes de faute, mauvaise conscience et culpabilité.
Interprétation religieuse
Ce phénomène d'intériorisation est diversement interprété. Il reçoit en particulier une interprétation religieuse, et, dans le cas du ressentiment des faibles, l'intériorisation, qui est une cause de souffrances morales et physiques, va trouver dans le christianisme une interprétation en tant que péché.
Invention de la culpabilité
Selon Nietzsche, en effet, l'inversion morale des valeurs par les faibles, ne suffit pas à expliquer la puissance avec laquelle elle s'est imposée dans l'histoire. Il y faut encore l'intervention du prêtre, dont nous avons vu qu'il s'oppose, dans une rivalité de castes, au guerrier (et au politique). L'invention du prêtre chrétien est la réinterprétation de la souffrance en tant que culpabilité de celui qui souffre : alors que la faute était rejetée sur le méchant, c'est maintenant pour ses propres fautes que le faible souffre.
Problème de la souffrance
L'interprétation religieuse de l'existence permet à Nietzsche de dégager deux attitudes fondamentales face à la souffrance, qu'il résume par la formule : Dionysos contre le Crucifié.
La première attitude consiste à percevoir la souffrance comme un stimulant pour la vie ; la tragédie grecque en est un exemple. La seconde attitude consiste à se replier sur soi, à réagir, en sorte que l'on ne puisse plus agir. De ce fait, l'interprétation de la souffrance est ainsi en même temps une évaluation de la réalité.
Nihilisme et décadence
Selon Nietzsche, le rapport de l'homme au monde, tant en ce qui concerne la volonté (désirs, aspirations, espoirs) que l'entendement et la raison (métaphysique, connaissance) fut jusqu'ici essentiellement le résultat de jugements moraux nés du ressentiment d'impuissants qui disent « non » à la réalité et la vie, tout en se parant des plus hautes vertus de la morale. C'est cette idée qu'il exprime, dans le Crépuscule des idoles : Modèle:Citation<ref>La Morale en tant que manifestation contre nature, Le Crépuscule des idoles, Modèle:§.</ref> Et, plus loin : Modèle:CitationModèle:Référence incomplète La théologie assura la pérennité de cette détermination morale de l'existence, et la philosophie s'en fit l'auxiliaire. Modèle:Référence nécessaire.
Que peuvent alors signifier de tels jugements ? Dans la mesure où ils se construisent en opposition à l'apparence, ils ne peuvent signifier que le néant : Dieu, l'être, le bien et tout pensée de l'en soi, de l'absolu, sont les symptômes d'une même volonté de vaincre le devenir, associés au néant, d'une volonté d'en finir qui, paradoxalement en apparence, se mettent à créer des valeurs. Ces valeurs, cependant, expriment la grande lassitude, l'épuisement de l'homme face au monde. Modèle:Référence souhaitée
C'est pourquoi, le nihilisme est selon Nietzsche l'événement majeur de l'Europe, il en est même le destin depuis Platon. Mais ce nihilisme éclate aujourd'huiModèle:QuandModèle:Référence souhaitée : il exprimerait alors un tournant historique dans la hiérarchie des valeurs reçues jusqu'ici. Cet éclatement du nihilisme pourrait être résumé par la formule célèbre : Modèle:Citation, car si Dieu est mort, la morale n'a plus de fondement, bien que l'ombre du dieu mort (son influence axiologique) agisse encore fortement sur des hommes même athées : Modèle:Citation bloc
La critique de la métaphysique, en réfutant l'idée de la pensée d'un en soi, d'un être absolu, contribue à précipiter la crise nihiliste, en l'amenant à son point extrême où l'on ne peut esquiver de penser le problème hiérarchique des valeurs qui, privées de leur fondement, entrent en contradiction avec le monde dans lequel nous vivons : nos valeurs sont devenues insoutenables, et sources de contradictions psychiques.
Le nihilisme signifie alors que les anciennes valeurs sont dépréciées. Ainsi, la critique de la métaphysique révèle-t-elle le nihilisme des valeurs humaines. Mais Nietzsche distingue plusieurs types de nihilisme, selon la force ou la faiblesse qui l'inspire.
Les deux formes du nihilisme
Tout d'abord, Nietzsche distingue deux types de nihilisme : Modèle:Citation bloc
Lorsque le nihilisme consiste à dévaluer le monde naturel au nom d'un monde suprasensible, Nietzsche parle d'un nihilisme des faibles : le monde ne devrait pas exister pour le faible qui n'est pas capable de maîtriser les choses, de mettre un sens dans le monde. Le monde est pour lui une souffrance : il se sent supérieur à lui, et, partant, étranger au devenir. Ce nihilisme s'exprime par exemple dans le pessimisme, mais, essentiellement, il est d'origine morale, car les valeurs morales entrent en conflit avec le monde que nous vivons. C'est un nihilisme inconséquent, car il devrait logiquement aboutir à la suppression de soi : si la morale et le monde se contredisent, il faut en effet soit détruire la morale ancienne (mais pas toute morale : Nietzsche est immoraliste et non a-moraliste), soit se détruire soi-même : Modèle:Citation bloc
En sens contraire, le nihilisme des forts est une sorte de mue : des valeurs sont abandonnées et d'autres sont adoptées. La volonté du fort n'est pas abattue par l'absurde, mais invente de nouvelles valeurs à sa mesure. Ainsi, le dépassement du nihilisme, à travers la pensée de l'éternel retour, est-il nommé transvaluation des valeurs. Ce nihilisme conduit alors au surhumain, qui est celui qui approuve entièrement le monde du devenir, son caractère changeant et incertain : on peut dire que le surhumain est ce monde, il le vit.
De ce second sens, il est possible d'extraire encore un autre sens, réservé à l'élite des esprits libres : le nihilisme de la pensée, la négation absolue de l'être, négation qui devient selon Nietzsche la manière la plus divine de penser. Selon cette pensée, il n'y a pas du tout de vérité ; nos pensées sont alors nécessairement fausses.
Phénomène de la décadence
La définition la plus simple de la décadence donnée par Nietzsche est que l'on peut qualifier de décadent un être qui choisit ce qui le détruit en croyant choisir quelque chose qui accroîtrait sa puissance<ref>Voir, sur ce point, Johan Grzelczyk, Féré et Nietzsche : au sujet de la décadence.</ref>. Mais la décadence est loin d'être un état définitif ; au contraire, selon Nietzsche, tout être, fort ou faible, a des périodes de décadences. La décadence est ainsi un phénomène naturel et n'est pas utilisé comme condamnation morale.
L'avènement du nihilisme, et la possible décadence des sociétés modernes, mettent en jeu l'avenir de l'Europe (et non des nations, encore moins des « races »), et impliquent de ce fait une réflexion approfondie sur la civilisation moderne, en particulier dans le domaine de la politique et de la législation, le but de Nietzsche étant de comprendre les moyens de rendre possible une nouvelle civilisation qui rompe avec les anciennes valeurs de l'Occident, ainsi qu'avec ses valeurs les plus douteuses, telles que les particularismes nationaux de l'époque.
Critique de la connaissance et de la métaphysique
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L'examen des évaluations morales va permettre à Nietzsche de soutenir que ces valeurs sont non seulement des évaluations d'ordre éthique, mais qu'elles s'étendent aussi à la métaphysique et en expliquent l'origine. La question fondamentale posée par Nietzsche est ici : que signifie la volonté de vérité ? Ou bien : nous voulons la vérité, mais pourquoi pas l'erreur ?
Puisque toute connaissance est une interprétation, tous les concepts qui lui sont relatifs doivent être eux aussi réinterprétés généalogiquement. La généalogie montre l'origine des valeurs morales du ressentiment qui se sert de certaines catégories métaphysiques, telles que la Vérité, le Bien, etc. Ainsi les facultés cognitives humaines semblent-elles déterminées par une évaluation de l'existence née de la haine, c'est-à-dire d'affects réactifs dont la motivation principale est la vengeance. Connaissance et métaphysique, domaines de la spiritualité humaine en apparence d'une grande pureté, seraient donc en réalité dépendantes d'une forte affectivité sans laquelle elles n'existeraient pas : Modèle:Citation bloc
Critique de la possibilité de la métaphysique
La critique nietzschéenne de la métaphysique, en tant que psychologie des profondeurs ou généalogie (dévoilant l’origine de concepts tels que vérité, être), se présente comme un aboutissement, exposé en 1886. Nietzsche critique les contradictions internes de la métaphysique par un examen que l'on pourrait qualifier de positiviste, et qui s'appuie souvent sur des arguments sceptiques.
Dans le premier chapitre du premier tome de Humain, trop humain (en 1878), il rend compte de l'impossibilité de la métaphysique, dont on prend conscience pourvu que l'on veuille bien raisonner de manière rigoureuse, c'est-à-dire de manière sceptique<ref>Modèle:Citation étrangère Jessica N. Berry, « Nietzsche and Democritus: The Origins of Ethical Eudaimonism », in Nietzsche and Antiquity. His Reaction and Response to the Classical Tradition, Modèle:P., édité par Paul Bishop, Rochester, NY: Boydell and Brewer [Camden House], 2004 Modèle:Isbn.</ref>.
En ce qui concerne les sceptiques, Nietzsche dira, à la fin de sa vie consciente (cf. Antéchrist) : Modèle:Citation bloc
Cette critique montre que nous n'avons aucune connaissance de quoi que ce soit en dehors de ce que nous percevons, que ce que nous percevons n'est rien d'autre que devenir, et que cette perception est une perspective. Il résulte de cette thèse qu'il ne peut y avoir de vérité absolue pour nous : Modèle:Citation bloc
Cependant, dans Humain, trop humain, Nietzsche n'exclut pas qu'un monde métaphysique puisse exister ; conformément à la méthode sceptique, il admet également qu'un tel monde pourrait être prouvé : Modèle:Citation bloc
Néanmoins, il précisera plus tard cette dernière affirmation en la considérant sous l'angle de la preuve, en s'écartant cette fois de la pensée sceptique : Modèle:Citation bloc
Cela signifie notamment qu'il n'y a pas du tout de connaissance, mais seulement tentative d'interprétation du monde dans lequel nous vivons. Ce point est exprimé déjà dans Humain, trop humain et avec plus de force encore et de manière répétée dans Le Crépuscule des idoles : Modèle:Citation bloc
Utilité sociale de la vérité
La connaissance n'existant pas, il faut expliquer pourquoi il y a néanmoins une volonté de vérité. Selon Nietzsche, la vérité a en premier lieu un caractère social et pragmatique, qui se comprend à plusieurs niveaux :
- au niveau individuel, le mensonge est plus difficile que la véracité : il est plus utile de dire la vérité et de se conformer à l'hypocrisie générale ;
Comme ce sont certaines vérités qui sont retenues ; au bénéfice de la communauté.
- il est donc plus avantageux de suivre les vérités reçues dans certains milieux, par exemple :
Métaphysique
Ce conformisme grégaire n'explique pas dans l'immédiat l'idéalisme métaphysique (que Nietzsche nomme le « désirable », ce que l'homme veut que le monde soit, en contradiction avec ce qui est) et la croyance en une connaissance en soi. Le problème de la métaphysique demande donc tout d'abord à être analysé en plusieurs éléments. Nietzsche propose ici une interprétation de la métaphysique comme division de la totalité de la vie en deux sphères distinctes.
Être et devenir
Les oppositions suscitent de graves difficultés logiques et morales : Modèle:Citation bloc
Selon Nietzsche, l'opposition métaphysique fondamentale serait alors que ce qui est ne devient pas, ce qui devient n’est pas<ref>Le Crépuscule des idoles. La raison dans la philosophie</ref>.
Pourquoi ce qui est de l’ordre du devenir doit-il être rejeté ? Il faut répondre que le devenir nous trompe car nous ne pouvons jamais l'appréhender.
Mais, si nous n'avons rigoureusement aucun accès cognitif à un monde métaphysique, il nous faut expliquer pourquoi on en vient à penser que le désir nous trompe. Sans l'existence de l'être, le monde du devenir ne pourrait avoir toute notre confiance. Les hommes croient toujours à des entités dont pratiquement personne n'a jamais eu l'expérience. Les croyances religieuses et les certitudes métaphysiques doivent donc faire l'objet d'un examen particulier.
Volonté de dénigrement
Pour Nietzsche, la croyance en un monde métaphysique est le symptôme d'une volonté de déprécier celui-ci. On retrouve ainsi les évaluations des faibles : Modèle:Citation bloc
Critères idéalistes de la connaissance
De ce fait, l'idéalisme, c'est-à-dire le déni de la réalité que nous avons sous nos yeux au profit d'une réalité différente et plus agréable, cet idéalisme, poussé à ses extrêmes, est comparable aux sentiments morbides que ressent un malade qui ne supporte pas le contact physique<ref>Voir l'analyse du cas Jésus, in L'Antéchrist.</ref>.
Critique de la raison
Dès lors que la métaphysique est réfutée, apparaît l'idée que nous puissions faire une histoire de la connaissance, ce qui conduit Nietzsche à considérer les catégories de nos facultés cognitives comme les résultats d'habitudes grammaticales devenues instinctives. Mais le langage a une origine lointaine et véhicule des préjugés rudimentaires : Modèle:Citation bloc
Cette métaphysique du langage exprime essentiellement la croyance en la causalité de la volonté, croyance dont découlent des principes de la raison :
Cette métaphysique du langage entraîne à l'erreur de l'Être : Modèle:Citation bloc
Théorie du langage
Le langage a donc une place importante dans le développement des facultés cognitives humaines. La théorie du langage développée par Nietzsche évoque la philosophie d'Épicure : le langage est une convention naturelle qui découle des affects. Le langage est un système de signes qui transpose dans un autre domaine les impulsions nerveuses. C'est en cet autre sens que le langage est métaphorique.
Mais l'usage qui est fait du langage occulte ce rapport métaphorique au monde, et les images qu’il véhicule s'objectivent en concepts. Nietzsche suggère alors, comme Épicure, que l'on doit pouvoir retrouver l'expérience originelle du langage. Cependant, contrairement à Épicure, ce qui est retrouvé n'est pas un rapport de connaissance, mais un rapport esthétique ; c'est pourquoi, le chant est particulièrement propre à nous le faire revivre : Modèle:Citation bloc
L'erreur originelle
Il faut enfin découvrir l'origine de la possibilité de toute métaphysique, au-delà ou en deçà des interprétations que l'on peut en faire : le point de départ de toutes les erreurs de la métaphysique est une croyance : Modèle:Citation bloc
Cette croyance implique deux choses :
- il y a des actions ; ces actions supposent un acteur ;
- nous croyons trouver en nous un modèle de cette cause (l'agent, le sujet, le moi).
Dès lors, nous projetons les catégories de l'action dans le monde des phénomènes, et croyons que tout événement suppose une substance qui ne se peut réduire aux qualités phénoménales. C'est là l'idée d'une chose en soi.
Cette erreur n'est donc pas seulement induite par le langage, comme les autres erreurs, mais elle a un caractère originellement psychologique dont il faut expliquer pourquoi elle a eu un si grand succès.
Ce succès s'explique si l'on considère que cette erreur dans la connaissance de soi comme cause a été interprétée comme libre arbitre (ce point est analysé par Nietzsche dans le chapitre du Crépuscule des idoles intitulé Les quatre grandes erreurs). Elle fait référence à la thèse de Nietzsche selon laquelle la liberté a été inventée pour rendre les hommes responsables de leurs actes.
Si nous suivons le raisonnement de Nietzsche, l'ensemble des erreurs de la métaphysique a ainsi une origine théologique et morale : l'homme est la cause de ses actes ; son moi est sa substance, son être, d'après lequel il va interpréter le monde des phénomènes en y projetant cette causalité psychologique qui sépare ce qui agit (un sujet, un substrat de ce qui devient) de ses effets. Cette croyance entraîne l'invention de l'unité, de l'identité, de la causalité, etc. toutes ces catégories qui prendront une forme systématique dans la métaphysique.
Culture et législation
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Critique de la culture moderne
Un aspect important pour comprendre la pensée de Nietzsche est son anti-modernisme relatif. Cette opposition se manifeste avec virulence dans sa critique de la démocratie, de Rousseau, de l'héritage chrétien et de l'éducation moderne. Pour autant, Nietzsche n'est pas traditionaliste, dans la mesure où il souhaiterait voir la politique, l'État et toute autorité subordonnés à une éducation élitiste tournée vers l'art et la pensée. Bien plus, la culture s'oppose à tout ce qui est politique, et tout ce qui est politique est dangereux pour la culture (Le Crépuscule des idoles, Modèle:§). Il n'est donc ni un conservateur, ni un apôtre d'une société de traditions qui figeraient le devenir culturel de l'humanité. Nietzsche s'oppose également au militarisme, et critique très sévèrement la bêtise militaire et culturelle et les vaniteuses prétentions du Reich : Modèle:Citation bloc
Critique de la philosophie universitaire
Ce problème est au cœur des Considérations Inactuelles : dans sa troisième Considérations inactuelles, il reprend les critiques de Schopenhauer contre la philosophie universitaire. On ne peut à la fois servir l'État et la vérité. Quand l'État nomme des « philosophes », il le fait pour sa puissance. Nietzsche soupçonne d'ailleurs que le véritable but de l'université est de dégoûter les jeunes gens de la puissance que constitue l'authentique philosophie en les abêtissant : Modèle:Citation bloc
Comme ce philosophe, il faut dire, selon Nietzsche, que la philosophie universitaire n'afflige personne, et que cela même est affligeant ! La solution pour remédier à cette situation serait alors d'expulser les « philosophes » de l'université, de leur retirer leur traitement pour faire le tri, voire de les persécuter. On verrait ainsi où sont les véritables penseurs, comme l'était Schopenhauer<ref>cf. Schopenhauer éducateur.</ref>.
Critique de la démocratie
Nietzsche<ref>La question de la démocratie dans la pensée de Nietzsche a surtout été étudiée, ces dernières années, par des auteurs anglo-saxons, comme Lawrence Hatab (Modèle:Lang), Alan D. Schrift (« Nietzsche for Democracy », in Nietzsche Studien, 19, 2000, Modèle:P.), ou Fredrick Appel (Nietzsche contra Democracy, 1999).</ref> décrit le type d'homme qu'il nomme démocratique (demokratisch) comme le type représentatif des idées modernes ; il décrit également la place de la démocratie dans l'histoire, son mouvement, et l'importance qu'elle peut avoir pour l'avenir (le mouvement démocratique). Outre cette distinction, il faut remarquer que Nietzsche emploie le mot « Democratie » dans les années 1876 - 1879 pour désigner l'État démocratique, tandis que la qualité démocratique possède, à partir des années 1882 - 84, un sens général qui désigne un type et peut donc s'appliquer à des réalités non politiques (comme l'art et la science)<ref>Voir, sur ces distinctions : « Esprit libre et démocratie », Paul Van Tongeren, in Nietzsche, philosophe de l'esprit libre, sous la direction de Paolo D'Iorio et Olivier Ponton, Éditions Ens rue d'Ulm, 2004.</ref>.
Le type démocratique est analysé par Nietzsche de la même manière qu'il analyse, selon la méthode généalogique, tous les autres types : en cherchant la structure des instincts de ce type, et les jugements de valeur, ou goût, qui en découlent. Le trait typique du goût démocratique est l'égalitarisme, qui peut être aussi appelé ressentiment contre la grandeur, qui lutte contre tout ce qui veut s'élever, et considère que personne n'est mieux qu'un autre. L'égalitarisme moderne ne peut ainsi, selon Nietzsche, permettre une haute culture de l'esprit et entretient la solidarité du ressentiment des incultes. La démocratie, telle que Nietzsche la conçoit, est cette idéologie du troupeau qui cherche la sécurité et le bien-être, aux dépens de la supériorité intellectuelle, en lui faisant la guerre, en se faisant l'ennemi de tout génie : d'où la critique de l'éducation démocratique moderne qui entrave le développement intellectuel et ne produit que des individus à demi cultivés, grossiers voire barbares.
L'esprit démocratique, tel que le perçoit Nietzsche, est complaisant, curieux et futile, bariolé et sans goût, sans grande ambition avec ses « petits plaisirs pour le jour et ses petits plaisirs pour la nuit », satisfait de sa médiocrité tranquille et de son bonheur bovin : Modèle:Citation bloc
Nietzsche refuse cette conception d'une égalité entre les hommes (héritée du christianisme selon lui). Cette critique s'accompagne d'une nuance importante, qui soustrait Nietzsche à la qualité d’un opposant absolu à la démocratisation de l'Europe ; il souligne lui-même la duplicité dont on peut faire preuve en simulant une haine féroce contre la démocratie, alors que l'avancée de celle-ci sert des visées entièrement opposées.
En effet, jugeant que le nivellement de l'humanité par l'égalitarisme est inévitable, Nietzsche conçoit l'idée que l'Europe devra nécessairement se fédérer en détruisant les nationalismes et s'unifier économiquement, et que l'humanité sera un jour gérée au niveau mondial (ce qu'il appelle la domination à venir de la Terre) : Modèle:Citation bloc
Tout cela va dans le sens d'une homogénéisation des sociétés humaines, d'une « médiocrisation » sociale et culturelle généralisée. Ceci équivaut pour lui à la création d'un citoyen moyen, sans qualité, formant un troupeau suivant des vertus d'obéissance à l'ordre social, quasi-esclaves, satisfaits toutefois de leur condition (qu'ils ont voulue). Cette socialisation de l'homme (le grégarisme planétaire) revient à bâtir une infrastructure<ref>Le Voyageur et son ombre, Modèle:§.</ref> d'où pourront surgir de nouvelles classes dominantes, et ce nivellement recèle donc une nouvelle possibilité de hiérarchie. Cette pensée est une partie importante de sa grande politique.
Processus de la civilisation
Ces critiques de la culture moderne s'accompagnent d'une tentative de repenser les conditions précises de toute civilisation. Comment éduque-t-on les hommes ? Comment l'homme est-il parvenu au génie artistique et philosophique ? Cela ne nous étonne pas, car nous sommes trop habitués par les valeurs humanistes de l'Occident à considérer l'homme comme une nature donnée une bonne fois pour toutes. La réflexion sur ce thème de la culture apparaît alors comme un questionnement sur l'animalité de l'être humain et sur l'éducation (discipline, contraintes) qui lui est donnée. Cette animalité avait été refoulée par la religion, la morale et la philosophie, si bien que la question de l'élevage de l'homme est demeurée inconsciente, comme dans le cas de la volonté morale d'améliorer l'humanité - qui est selon Nietzsche un dressage qui ne se considère pas comme tel, et qui refuse de se considérer comme tel.
Moralité des mœurs
Le processus qui conduit l'homme à la civilisation commence par la moralité des mœurs : Nietzsche considère en effet l'homme comme un animal auquel on a dû apprendre à promettre en le soumettant aux mœurs et à la loi par un dressage violent et arbitraire (d'où la torture, la dette à payer en livre de chair). Le résultat est un animal qui peut tenir sa parole, dont la volonté se maintient dans le temps, et qui a conscience que cette faculté est une distinction : la capacité de promettre est en effet l'expression de la puissance que l'on possède du fait de la maîtrise de soi que l'on a acquise. La violence des moyens employées par l'humanité est alors abolie par la création de l'individu autonome, d'un « sur-animal » capable de répondre de lui-même, de se déterminer et de se créer ses propres valeurs.
Droit
Dans ce processus, le rôle de la justice est alors de contenir les débordements violents du ressentiment et de la vengeance, et d'imprimer en l'homme, si besoin par la force, un point de vue juridique qui le sépare de ses réactions immédiates (préjudices contre préjudices, violence contre violence) et l'amène à se concevoir comme un être responsable devant la loi.
Le droit dépend de l'équilibre des forces, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de contrat naturel. Nietzsche reprend sur ce point les thèses de Spinoza sur l'équivalence du droit et de la puissance.
Spiritualisation des instincts
La généalogie montre que les instincts ne sont jamais éradiqués. La conséquence que Nietzsche en tire est qu'une action bonne n'est qu'une action mauvaise spiritualisée, une action mauvaise n'est qu'une action bonne restée à l'état de la grossièreté et de la bêtise de l'instinct. La spiritualisation consiste donc à ne pas lutter contre les passions, comme le fait la morale en Occident, mais à leur fixer un point d'application différent.
Conflit des sexes
La sexualité est pour Nietzsche un aspect majeur de la culture. Aussi a-t-il considéré la relation entre les sexes comme l'un des fondements de la spiritualisation des instincts et de la force d'une civilisation, ce qui n'est pas sans évoquer les idées misogynes développées par son maître de jeunesse, Schopenhauer, dans L'essai sur les femmes. Il pose comme principe que les hommes doivent avoir pour les femmes un sentiment déterminé de possession : Modèle:Citation bloc
L'égalité entre hommes et femmes est alors pour Nietzsche une injustice démocratique, un préjugé chrétien, une idée qui a des racines théologico-morales, et qui n'a de ce fait, aucun rapport avec la réalité naturelle. Homme et femme possèdent l'un sur l'autre un pouvoir de domination spécifique qui les oppose et les réunit tour à tour<ref>Dans La Naissance de la tragédie, Dionysos et Apollon ont également ce rapport d'excitation mutuelle qui les conduit à l'engendrement de la tragédie grecque.</ref>, et que l'on ne peut égaliser sans affaiblir à la fois l'homme et la femme, car on abolirait ainsi la lutte féconde entre les sexes. Ce pouvoir des deux sexes possède sa racine commune dans l'attirance sexuelle, cette forme la plus primitive de la Volonté de puissance et, partant, l'expression la plus innocente et la plus dionysiaque de l'affirmation de la vie<ref>Le Crépuscule des idoles, « Ce que je dois aux anciens. »</ref>. C'est pourquoi Nietzsche estime que l'émancipation de la femme s'accompagne de son enlaidissement moral et intellectuel : la femme moderne est sotte et sans intérêt, parce qu'elle se dépouille de la force de sa faiblesse, et tente d'acquérir des vertus masculines, ce qui lui fait perdre toute influence bénéfique sur l'homme. À l'inverse, bien qu'il critique cette volonté d'émancipation, il estime que l'homme occidental, en imposant une morale répressive en matière de sexualité, a produit une situation d'insatisfaction dans les rapports entre sexes, dont la femme, et notamment les femmes d'exceptions, souffre d'autant plus que les conventions ne lui permettent pas d'assouvir ses besoins intellectuels et physiques aussi librement que les hommes<ref>FP Modèle:XI 38 [6]. Nietzsche souligne en particulier dans ce fragment que la liberté en matière de comportements sexuels, dont peut avoir besoin une femme qui ne trouve pas toutes les satisfactions morales et physiques chez un seul homme, constitue un problème au regard de la morale et conduit la femme à une fausse conscience d'elle-même.</ref>.
Grande politique et sélection
Sa pensée politique est centrée autour des conditions de possibilité de la culture (Cultur). L'inversion des valeurs en est l'une de ces conditions. Mais Nietzsche veut d'abord faire œuvre de législateur, et c'est pourquoi il examine les conditions matérielles de l'éducation, du corps et de l'esprit. Il s'inspire sur tous ces points de la culture grecque (seule véritable culture) et de la civilisation de l'Inde (dont le système de caste peut être considéré comme un type sociologique). Cette partie de sa politique suscite généralement l'indignation, car elle suppose que l'on procède à un élevage conscient de l'homme. Ainsi certains commentateurs (par exemple Barbara Stiegler) estiment qu'à la fin de sa vie consciente, Nietzsche hésita entre un eugénisme actif passant par l'éducation (une sélection sociale et religieuse supposée en toute société), et l'idée contraire que toutes les formes de vie sont nécessaires à l'évolution humaine. B. Stiegler note toutefois que « la sélection nietzschéenne s'est (…) construite dans la critique systématique » de la « sélection naturelle darwinienne »<ref>Barbara Stiegler, Nietzsche et la biologie, PUF, 2001, Modèle:P..</ref>. La conception nietzschéenne de la maladie et de la santé s'oppose en effet au concept darwinien d'une sélection par l'« adaptation », puisque la maladie elle-même peut être bénéfique. D'autres commentateurs ont un avis différent : Gregory Moore écrit qu'il n'y a aucun texte de Nietzsche où il préciserait des mesures de sélection positive. Nietzsche penserait qu'il suffirait d'imposer une nouvelle moralité qui entraînerait un changement du corps, de la physiologie, et qui deviendrait ainsi héréditaire<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
Selon Nietzsche, l'individu lui-même est un processus de sélection : « Un homme réussi (…) est un principe de sélection (…). Bien loin d'aller au-devant d'elle, il examine attentivement l'excitation qui lui vient à lui »<ref>Ecce Homo, « Pourquoi je suis si sage », Modèle:§.</ref>.
Inégalité et hiérarchie
Nietzsche refuse les institutions du type État<ref>Ainsi parlait Zarathoustra, « De la nouvelle idole ».</ref>, mais sa pensée politique n'en est pas moins, dans certaines limites, hiérarchique et inégalitaire<ref>Voir L'Antéchrist. Nietzsche y développe l'idée d'une caste d'hommes supérieurs vivant par et pour l'esprit.</ref>. Selon lui, la préservation des inégalités sociales engendre une mentalité de caste d'où seule peut surgir une culture féconde et élitiste, délivrée des besoins et des nécessités de la vie. Il juge en conséquence qu'une classe d'hommes vivants par l'esprit et pour l'esprit devrait être protégée de la foule des hommes médiocres. Dans les années 1870, le jugement de Nietzsche, influencé notamment par les idées d'une renaissance de l'Allemagne, avait un sens matériel sans équivoque : Modèle:Citation bloc
L'esclavage fait partie de la civilisation. Toutefois, par la suite, il définira l'esclavage en un sens que l'on trouve chez de nombreux moralistes<ref>Les stoïciens parlent ainsi de l'esclavage de l'homme soumis aux passions.</ref> : l'esclave est celui qui ne dispose pas de temps libre pour cultiver ses facultés<ref>Ce qui est exactement la définition fournie par Sénèque dans sa première des Lettres à Lucillius.</ref>.
Or, Nietzsche évoque à partir de là une nouvelle possibilité quand il décrit le fonctionnement naturel des sociétés, et qu'il met en avant la brutalité de leur fonctionnement, la lutte pour la domination et l'exploitation cruelle : Modèle:Citation bloc
Il estime en effet possible de spiritualiser ces conflits (en leur donnant une forme plus subtile susceptible d'être largement acceptée), de la même manière que la moralité des mœurs avait produit une nouvelle forme d'humanité par des moyens violents, pour se trouver ensuite abolie dans son résultat intériorisé. La démocratisation de l'Europe assure aux yeux de Nietzsche cette possibilité : Modèle:Citation bloc
La médiocrité est ainsi inévitable et indispensable aux fondements des nouvelles sociétés. Lutter contre elle (par exemple en voulant écraser les faibles au profit des forts, ou en exacerbant les sentiments nationaux<ref>Modèle:Citation (Humain, trop humain, Modèle:Rom-maj, Modèle:§.)</ref>) serait une absurdité qui conduirait à la destruction des sociétés : Modèle:Citation bloc
Sur cette base, la hiérarchie que Nietzsche va concevoir sera une hiérarchie spirituelle, et elle vise à établir des conditions institutionnelles favorables à un type d'hommes que Nietzsche conçoit comme bons, aimables et suprêmement cultivés : Modèle:Citation bloc Modèle:Citation bloc Modèle:Citation bloc
Philosophe
Cet élitisme, dont Nietzsche voit la forme la plus haute dans une classe d'hommes vivant pour l'esprit, le conduit à placer le philosophe au rang le plus élevé dans le développement de la culture. Cette place fait très tôt l'objet des réflexions de Nietzsche : il avait ainsi eu le projet d'écrire un livre sur le philosophe, alors qu'il était encore professeur, et il nous en reste de nombreux fragments. À cela s'ajoutent des œuvres non publiées (comme Die Philosophie im tragischen Zeitalter der Griechen et Das Verhältnis der Schopenhauerischen Philosophie zu einer deutschen Cultur), et de nombreux passages des Considérations inactuelles.
Pour comprendre la place accordée au philosophe par Nietzsche, il faut tout d'abord penser les rapports de la philosophie, de l'art et de la science.
Philosophie, science et art
Le philosophe est un type d'homme dont l'instinct dominant est, selon Nietzsche, un instinct de connaissance sélectif. Il s'oppose en cela, dans certaines limites, à l'intempérance de la science, qui est pour lui une forme de barbarie liée à la démocratie. Sont opposés ainsi, en tant que types, le savant et le philosophe : le premier ne fait pas de distinction dans ce qu'il a à connaître, son activité n'a rien de personnelle ; la caricature extrême de la science est l'érudition, forme de « savoir » qui n'instruit pas mais, au contraire, déforme l'esprit et lui est un fardeau. La masse de ce qui est à connaître est en effet infinie et conduit au désespoir de la connaissance.
Cette opposition se manifeste d'abord dans l'œuvre de Nietzsche par une critique de l'histoire<ref>Voir l'œuvre la plus importante sur le sujet : De l'utilité et de l'inconvénient des études historiques pour la vie.</ref> et de la philologie (rappelons qu'il était lui-même professeur de philologie) : Modèle:Citation bloc
De ce fait, le philosophe est plus proche de l'artiste, dans la mesure où il synthétise ce qu'il connaît, c'est-à-dire produit une simplification de la réalité qui a un caractère esthétique au service de la vie et de la culture.
Nietzsche propose de distinguer deux types de forces, les forces « réactives » et les forces « actives ». Pour lui les forces « réactives » sont la négation du monde sensible et sont représentées par la philosophie classique et la science. Elles opposent le monde intelligible au monde sensible qui en sort dévalorisé. Les forces « actives » ou l'affirmation du sensible s'expriment dans l'art. Les forces « actives » peuvent se déployer dans la vie sans opposer un monde à un autre. L'artiste est celui qui pose des valeurs sans discuter, celui qui invente des mondes nouveaux sans avoir besoin de se justifier<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Philosophie et civilisation
La sélection des valeurs
Dans le cadre de cette grande politique, le législateur est un artiste de l'humanité qui sélectionne son matériau en forgeant des valeurs : Nietzsche pense ainsi l'Éternel retour comme un outil d'élevage et de sélection. Il y a donc bien, en ce sens, une forme d'eugénisme<ref>cf. B. Stiegler, Nietzsche et la biologie (Modèle:P.), parle d'une Modèle:Citation.</ref>, qui doit permettre l'avènement du surhumain. Si Nietzsche évoque incontestablement la perspective d'une destruction des ratés, cette destruction est en réalité une autodestruction.
Nietzsche écrit ainsi : Modèle:Citation bloc et fait l'éloge d'un suicide activement suggeré :Modèle:Citation bloc
Éternel Retour et surhumain
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La philosophie de Nietzsche contient deux notions parmi les plus importantes de sa pensée : l'Éternel Retour comme moyen de sélection, et le surhumain comme fin idéale.
La pensée la plus lourde
Pour Nietzsche la validité scientifique de l'hypothèse cosmologique de l'éternel retour n'a aucune importance, car toute pensée - métaphysique comme scientifique - est interprétation du monde : il n'existe pas de fait objectif, de vérité ou de sens absolus, indépendamment du sujet. La valeur d'une représentation ne se mesure donc pas à son adéquation au prétendu réel mais à sa capacité à favoriser le développement de la puissance en tant que vie, à sa sélectivité, à son intérêt en tant que réalité éthique, interprétation normative, supérieure ou inférieure. Nietzsche sait que sa cosmologie est probablement erronée, cela ne va pas en contradiction avec sa pensée vantant les mérites de « l'erreur »<ref>« « l'erreur » est le moyen propre à lheureux hasard ! » in Fragments posthumes du Gai Savoir, 11</ref> ; « si la doctrine de l'éternel retour est valorisée en tant querreur, cela signifie que sa valeur ne dépend pas de sa scientificité »<ref>Jeanne Champeaux, Fatalisme et Volontarisme chez Nietzsche in Lectures de Nietzsche</ref>.
La valeur de la doctrine de l'Éternel Retour vient non de ses fondements mais de ses implications : « Si le devenir est un vaste cycle, tout est également précieux, éternel, nécessaire. » L'aspect scientifique de cette doctrine est une « plus-value »<ref>ibid.</ref>, non une garantie supplémentaire de sa validité, mais une raison supplémentaire pour y croire. Nietzsche la fournit pour favoriser l'adhésion à cette doctrine dans une époque qu'il sait positiviste<ref>« Nietzsche définit la civilisation occidentale post-socratique comme chrétienne et scientifique […] la tentative nietzschéenne pour rationaliser et fonder la doctrine de l'éternel retour ne se comprend que par la nécessité de légitimer un discours qui doit porter » ibid.</ref>.
Le nihilisme, dans cette pensée, est un état normal, et non seulement un symptôme de faiblesse face à l'absurdité de l'existence. Face à L'Éternel Retour, pensée sélective par ce nihilisme extrême, deux attitudes peuvent être adoptées, comme l'indique le Gai Savoir. Lorsque celui ayant dit non à la vie pense l'Éternel Retour, sa résignation est renforcée, il est effaré à la perspective que ce qu'il fuit dans les consolations métaphysiques et autres arrières mondes l'affligera éternellement ; lorsque l'Éternel Retour est pensé par celui ayant dit oui à la vie, son acceptation de la vie est renforcée, sa volonté de puissance est alors maximale. Advient ainsi le surhumain, qui accepte et aime la réalité telle qu'elle est, là où l'idéaliste la fuit en l'aimant telle qu'elle devrait ou aurait pu être.
Le surhumain
La notion de surhumain (qui apparaît peu dans les textes à part dans Ainsi parlait Zarathoustra) esquisse ce que deviendrait l'homme, en étant délivré du ressentiment de la morale et en incarnant l'affirmation la plus intense de la vie, l'Éternel Retour. Le préfixe « sur- », abondamment utilisé par Nietzsche pour désigner un processus de transfiguration, de modification de la structure des instincts (l'homme est ainsi un sur-animal), signifie cette transformation de l'être humain ; il s'agit moins d'un accroissement ontologique que d'une manière de percevoir et de juger le monde. Il n’est toutefois pas un au-delà de l’homme et reste humain, trop humain, n’étant pas un nouvel « en soi » idéalisé servant de modèle.
Contrairement à ce que l'on croit souvent, le surhumain n'est pas un homme surpuissant, physiquement ou intellectuellement :
C'est une évolution possible et souhaitée de l'homme : Modèle:Citation<ref>Ainsi parlait Zarathoustra, « Prologue »</ref>.
L'Inversion de toutes les valeurs
Il faut tout d'abord noter qu'il y a une difficulté dans la traduction de l'expression allemande qui a été rendue de plusieurs manières en français :
- Umwertung aller Werte :
- renversement de toutes les valeurs ;
- inversion de toutes les valeurs ;
- transvaluation de toutes les valeurs.
On trouve dans l'expression allemande deux fois le radical Wert- ; le préfixe Um- signifie un retour, un contournement. L'expression pourrait alors être traduite par réévaluation de toutes les valeurs.
En quoi consiste l'inversion des valeurs ? Nietzsche n'en fait aucun exposé complet, toujours resté à l'état de projet :
L'art
L'art est à la fois premier (interpréter, connaître, c'est faire œuvre d'artiste) et dernier (le surhumain est un embellissement des pulsions humaines). L'art est l'expression d'une pulsion humaine primitive, celle de créer des formes. Il n'est donc pas surprenant qu'il soit pour Nietzsche le seul facteur justifiant la vie<ref>Pour certains commentateurs (Mathieu Kessler, par exemple, dans Le Dépassement esthétique de la métaphysique), l'art accomplit le dépassement de la métaphysique que préparait la critique généalogique, et il parachève la grande politique en permettant un dépassement esthétique de l'homme vers le surhumain.</ref>.
Apollon et Dionysos
Modèle:Article détaillé La première publication de Nietzsche concernant sa pensée de l'art est La Naissance de la tragédie. Dans cette œuvre, il oppose et associe les figures opposées de l'ivresse : dionysiaque et apollinienne. Dionysos est une figure qui sera reprise par Nietzsche tout au long de son œuvre, qu'il n'abandonnera jamais, et même plus : peu à peu l'on voit que Dionysos représente l'ensemble des thèmes importants chez Nietzsche, comme la fête, le rire, l'ivresse, la volonté de puissance, et l'acquiescement, l'affirmation de tout ce qu'est la vie.
Dionysos est donc l'ivresse de l’instinct, la jouissance primitive de l’absence de raison contrôlant les actes, l’innocence de la liberté et de l'émotion : Modèle:Citation bloc
La seconde figure, Apollon, est l’œuvre de la raison qui tente de masquer la nature par la culture, en inventant des normes, des symétries, afin de célébrer l’idée du beau par une transformation esthétique des actes et du monde, plaisante à la vision.
Ces deux premières figures ont des expressions esthétiques qui leur sont propres :
L'une des premières formes d'art à laquelle Nietzsche se soit intéressé (dans La Naissance de la tragédie) est la tragédie, qui réunit l'apollinien et le dionysiaque.
La tragédie
La tragédie grecque est pour Nietzsche l'expression d'un aspect essentiel de la culture grecque : le pessimisme de la force. À ce titre, elle témoigne d'une culture réussie jusqu'à un certain point, ce dont témoignent en particulier les philosophes Présocratiques.
La tragédie naît selon Nietzsche de l'orgiasme dionysiaque : extériorisations incompréhensibles des pulsions populaires. Les hommes sont en extase ; ils se sentent ensorcelés par le dieu.
La tragédie antique est l'accouplement de deux impulsions symbolisées par des dieux (Apollon et Dionysos) qui se combattent sans cesse. Ces deux dieux s'expriment primitivement comme des forces de la nature qui se passent du travail de l'artiste. Elles jaillissent au sein du rêve et du délire. L'opposition de ces forces ne doit pas être exagérée : elles produisent des effets bien différents, mais possèdent quelques points communs. Dans les dernières œuvres de Nietzsche, ces forces semblent même être absorbées dans le seul élément dionysiaque, au point que certains commentateurs ont pu soutenir que le dionysiaque était l'élément originel dont l'apollinien est seulement dérivé.
Apollon est le dieu brillant, prophète, qui représente les arts plastiques, le rêve, la belle apparence, le plaisir des formes. Cette beauté de l'apparence n'exclut pas la représentation de sentiments déplaisants. Mais le caractère esthétique qui s'en dégage embellit la vie, et encourage les hommes à vivre. C'est là pour Nietzsche son aspect nécessaire : sans Apollon, la vie ne serait pas digne d'être vécue.
L'esthétique d'Apollon est la mesure, le calme de la sagesse, la grâce. Au milieu des tempêtes de l'existence, l'aspect solaire et paisible d'Apollon est sublime.
Dionysos est l'ivresse, ivresse des narcotiques, du printemps qui abolit la subjectivité des fous de Dionysos. Dionysos est la volupté de la nature spontanément surabondante. Le principe dionysiaque dissout l'individualité et permet à l'homme de renouer avec la nature et l'humanité : c'est le mystère de l'Un originaire qui ensorcelle tous les êtres et les font danser tous ensemble. L'homme devient l'œuvre d'art d'un dieu.
Décadence de la tragédie
La tragédie est morte tragiquement ; son agonie a nom Euripide<ref>Socrate et la tragédie.</ref>. Celui-ci a en commun avec les poètes de la nouvelle comédie, de faire entrer le spectacle de la vie quotidienne sur la scène. Alors que les anciennes tragédies représentaient les héros dont l'idéalisation élève l'âme du spectateur, la tragédie d'Euripide représente le commun, le bas, elle est un miroir rhétorique de la vie des spectateurs qui s'y contemplent. Ainsi Euripide a-t-il popularisé la tragédie, en faisant parler le peuple : Modèle:Citation bloc
Il croyait ainsi lutter contre la décadence de la tragédie, qui, selon Nietzsche, était en réalité déjà morte. Fort de cette croyance, il crût que l'effet de l'art n'était pas adapté au public athénien. Il conçut alors une forme d'art, comme la loi d'une esthétique rationaliste : Tout doit être de l'ordre de l'entendement pour que tout puisse être entendu. Euripide envisage ainsi de manière critique toutes les parties de l'art : le mythe, la structure dramatique, la musique, la langue, etc.
Par exemple, Euripide dévoile toute l'intrigue dans le prologue de ses pièces, contrairement à Eschyle et Sophocle, qui, dans les premières scènes, font subtilement comprendre aux spectateurs ce qui doit se produire.
Ainsi Euripide est-il le premier dramaturge à concevoir une esthétique consciente : Modèle:Citation, principe qui le fait proche de Socrate. La décadence de la tragédie s'exprime dans les pièces d'Euripide, ami de Socrate, dont on rapporte qu'il aida le dramaturge pour la composition de ses œuvres. Or Socrate fut, dans la tragédie, et dans le drame musical en général, l'élément de sa dissolution. Socrate est selon Nietzsche un personnage anti-tragique.
Nietzsche discerne plusieurs traits de l'évolution de la tragédie qui en montrent la décadence :
- l'érudition, le savoir conscient : l'art perd son impulsion dionysiaque. L'équilibre de la lutte tragique est rompu ;
- le spectacle devient un jeu d'échecs, une intrigue bourgeoise, où le raisonnement et l'examen sont introduits :
- la rhétorique l'emporte sur le dialogue : les personnages deviennent bavards et artificiels ;
- la dialectique envahit les héros de la scène : Euripide se fait le porte parole de Socrate, le fait monter sur scène (Socrate c'est la dialectique) ;
- l'esprit de la musique est perdu ;
- Euripide introduit le spectateur dans la tragédie, l'homme du quotidien, bas et vulgaire.
Physiologie de l'art
Les thèses de Nietzsche sur l'origine de l'art sont parfois d'ordre physiologique :
Physiologie du beau
L'art naît d'un sentiment d'ivresse, d'une excitation communicative. Ces états physiologiques et psychiques n'ont pas de liens nécessaires avec le beau. Cela n'empêche pas de faire une physiologie de la beauté et de la laideur :
L'affirmation de la vie par l'art
D'une manière générale, Nietzsche prône l'affirmation de la vie, une affirmation totale et joyeuse de la vie (c'est-à-dire une affirmation du plaisir et de la souffrance), même dans tout ce qu'elle a de problématique et d'inquiétant, jusque dans ses recoins les plus dangereux.
Par art, il ne faut pas entendre seulement les œuvres d'art, mais, d'une manière générale, ce qui, en l'homme, tend à créer des formes, et à préférer la jouissance de la superficie et de l'illusion. En ce sens, l'art s'oppose à la science, et, dans une moindre mesure, à la philosophie, bien que ces deux dernières activités possèdent également une dimension esthétique. Pour comprendre la force affirmative de l'art, il faut comprendre que notre vie, dans les moindres de ses aspects, tient plus de l'illusion, du rêve et du mensonge, que de la « vérité » :
L'écrivain compositeur
Production erratique
Nietzsche était un excellent pianiste et improvisateur, auprès de son entourage d'époque. Il écrivit une quarantaine de pièces musicales, pour l'essentiel entre treize et vingt et un ans, de 1857 à 1865.
En 1882, Nietzsche fait la connaissance de Lou Salomé, qui est déterminante dans son évolution intellectuelle. Il compose un lied<ref>Lettre de Friedrich Nietzsche à Lou Andréas Salomé : [1].(consulté le 15 février 2017).</ref> sur un de ses poèmes, Gebet an das Leben<ref>Gebet an das Leben : écouter [2].</ref> (Hymne à la vie), et écrit à Felix Mottl : Modèle:Citation bloc
Nietzsche envoya la transcription pour chant et orchestre, arrangé par son ami Heinrich Köselitz en 1887, Hymnus an das Leben à Hans Guido von Bülow, alors célèbre chef d'orchestre ; qui lui répondit : « Votre méditation, du point de vue musical, n'a d'autre valeur que celle d'un crime dans l'ordre moral. » Elle lui évoque « un lendemain de bacchanale, plutôt que la bacchanale elle-même »<ref>Lettres choisies, éd. Folio classique, 2008, Modèle:ISBN.</ref>.
La voie au philosophe
Écrit-il, tandis qu'il s'affranchit de Richard Wagner qui fut son grand modèle avec Arthur Schopenhauer avant de les condamner tous les deux comme forces extinctives de la vie. Nietzsche libéré de son surmoi de compositeur fit alors l'apologie de Gioachino Rossini, Vincenzo Bellini et, ironiquement, de Georges Bizet, « Carmen me délivre », pour se moquer de Wagner. Désormais, « il faut méditerraniser la musique », entreprise qui prit fin dans une rue de Turin en 1889, qui vit Nietzsche s’effondrer, aphasique devant un cheval sévèrement battu par son cocher<ref>Janvier 1889. Turin. Le philosophe allemand Friedrich Nietzsche s'oppose au comportement brutal d'un cocher flagellant son cheval qui refuse d'avancer. Nietzsche sanglote et enlace l'animal.</ref>,<ref>Les écrivains compositeurs, Classica, février 2017, Modèle:P..</ref>.
Réception de la pensée de Nietzsche
Les falsifications
Modèle:Article connexe Les textes de Nietzsche ont subi de nombreuses manipulations, et ont été utilisés de manières fort diverses avant d'être édités de façon plus exacte et complète par Giorgio Colli et Mazzino Montinari.
Sources de la pensée nietzschéenne
Modèle:Article détaillé Nietzsche cite peu les auteurs qui l'inspirent ou auxquels il s'oppose, et la recherche des lectures qui ont pu avoir une influence sur sa pensée est un domaine à part entière des études nietzschéennes. Pour certains commentateurs (comme Mazzino Montinari<ref>Modèle:Citation « L’art vénérable de lire Nietzsche », Modèle:§, in « La volonté de puissance » n’existe pas.</ref> ou Barbara Stiegler, dans Nietzsche et la biologie), il est difficile de comprendre toute l'importance des thèses de Nietzsche, si l'on ignore de quoi s'est nourrie sa philosophie et dans quel contexte intellectuel elle prend place.
Nietzsche avait une intense activité de lecture et connaissait, directement ou indirectement, les auteurs, penseurs, scientifiques et artistes majeurs de son temps. Ses lectures sont très étendues et il faisait lui-même remarquer dans une lettre à Jacob Burckhardt, à l'occasion de la parution de Par-delà bien et mal, qu'une vaste culture était nécessaire pour saisir et juger la valeur de cette œuvre.
La bibliothèque de Nietzsche, dont un premier catalogue a été établi dès 1896 par Rudolf Steiner<ref>« Les catalogues de la bibliothèque de Nietzsche », Paolo D'Iorio .</ref>, reflète cet appétit de lectures. On peut citer pour exemples quelques-uns des auteurs qu’il lut dans sa jeunesse : Goethe, Adalbert Stifter, Ludwig Feuerbach, David Strauss, Ralph Waldo Emerson (les Essais, dont La Confiance en soi dont on retrouve des influences dans Schopenhauer éducateur), Lord Byron (Manfred), Hölderlin, Schopenhauer (Le Monde comme Volonté et comme Représentation).
À titre d'exemple, il est probable que l'aphorisme bien connu de Nietzsche « appris à l'école de guerre de la vie : ce qui ne me tue pas me rend plus fort » (Le Crépuscule des idoles, 1888) ait été inspiré par cette phrase de Ralph Waldo Emerson que l'on retrouve dans ses Essais de philosophie américaine (1841-1844) au chapitre « Compensation »<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> : « En général, tout mal auquel nous ne succombons pas est pour nous un bienfaiteur »<ref>Modèle:Lien web.</ref>.
Œuvres
Liste des œuvres principales
- La Naissance de la tragédie (Die Geburt der Tragödie) (1871 - Modèle:Date-)
- Vérité et mensonge au sens extra-moral (Über Wahrheit und Lüge im außermoralischen Sinn) (1873)
- Considérations inactuelles (Unzeitgemässe Betrachtungen) (1873 - 1876)
- Modèle:Rom-maj David Strauss, sectateur et écrivain (David Strauß, der Bekenner und der Schriftsteller) (1873)
- Modèle:II De l'utilité et de l'inconvénient des études historiques pour la vie (1874)
- Modèle:III Schopenhauer éducateur (Schopenhauer als Erzieher) (1874)
- Modèle:IV Richard Wagner à Bayreuth (Richard Wagner in Bayreuth) (1876)
- Humain, trop humain (Menschliches, Allzumenschliches)
- Modèle:Rom-maj. (1878)
- Modèle:II. Opinions et sentences mêlées (Vermischte Meinungen und Sprüche) (1879) ; Le Voyageur et son ombre (Der Wanderer und sein Schatten) (1880)
- Aurore (Morgenröte) (1881)
- Le Gai Savoir (Die fröhliche Wissenschaft) (1882 et 1887)
- Ainsi parla [ou parlait] Zarathoustra (Also sprach Zarathustra), (1885)
- Par-delà le bien et le mal (Jenseits von Gut und Böse) (1886)
- Généalogie de la morale (Zur Genealogie der Moral) (1887)
- Le Cas Wagner (Der Fall Wagner) (1888)
- Crépuscule des idoles (Götzen-Dämmerung) (1888, publié en Modèle:Date-)
- Nietzsche contre Wagner (Nietzsche contra Wagner) (publié en Modèle:Date-)
- L'Antéchrist (Der Antichrist) (1888, publié en Modèle:Date-)
- Ecce homo (1888, publié en Modèle:Date-)
Compilations des cahiers de Nietzsche
- Fragments posthumes (1854 - 1889). Publication scientifiquement fiable des cahiers par ordre chronologique éditée par G. Colli et M. Montinari.
- La Volonté de puissance (Der Wille zur Macht. Versuch einer Umwertung aller Werte, La Volonté de puissance. Essai d'inversion de toutes les valeurs.) est un projet de livre que Friedrich Nietzsche, a abandonné à la fin de l'année 1888. Les livres publiés sous le titre de La Volonté de puissance sont des compilations des fragments posthumes de Nietzsche présentées comme son œuvre principale, mais considérées aujourd'hui comme des falsifications opérées par sa sœur.
Éditions
Philosophie
L'édition qui fait actuellement référence (et qui contient les fragments posthumes, notamment ceux destinés à la Volonté de puissance) :
- Werke. Kritische Gesamtausgabe (abréviation : KGW), hg. von Giorgio Colli und Mazzino Montinari. Berlin und New York 1967.
- Sämtliche Werke, Kritische Studienausgabe in 15 Bänden (abréviation : KSA), hg. von Giorgio Colli und Mazzino Montinari. München und New York 1980. Modèle:ISBN.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Traduction française : Friedrich Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes, 14 tomes, en 18 volumes<ref>Les tomes Modèle:Rom-maj, Modèle:II, Modèle:III et Modèle:VIII sont en deux volumes.</ref> (abréviation : FP), Gallimard, 1967-1997.
- Modèle:Ouvrage
Philologie
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Écrits philologiques, traduction, introductions et notes d’Anne Merker, en douze volumes, Les Belles Lettres, 2019-2023. Volumes parus : Modèle:IV Homère et la philologie classique, Encyclopédie de la philologie classique, 2022 ; Modèle:VIII, Platon, 2019 ; Modèle:Rom-maj, Rhétorique, 2020 ; Histoire de la littérature grecque, 2021.
Poésie
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} & {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Poèmes complets, texte et traduction nouvelle intégrale, introduction et annotation par Guillaume Métayer, collection Bibliothèque allemande, Les Belles Lettres, 2019.
Correspondance
- Friedrich Nietzsche, Correspondance, textes établis par Giorgio Colli et Mazzino Montinari, traduction en français, 1986-2023, Gallimard. Contient 2853 lettres de Nietzsche.
- Tome Modèle:Rom-maj, Modèle:Date- - Modèle:Date-, traduction d'Henri-Alexis Baatsch, Jean Bréjoux et Maurice de Gandillac, 1986. Contient 634 lettres de Nietzsche. Modèle:ISBN.
- Tome Modèle:II, Modèle:Date- - Modèle:Date-, traduction de Jean Bréjoux et Maurice de Gandillac, 1986. Contient 414 lettres de Nietzsche. Modèle:ISBN.
- Tome Modèle:III, Modèle:Date- - Modèle:Date-, traductions et notes sous la responsabilité de Jean Lacoste, 2008. Contient 519 lettres de Nietzsche (nModèle:O 412 à nModèle:O 922). Modèle:ISBN.
- Tome Modèle:IV, Modèle:Date- - Modèle:Date-, traductions et notes sous la responsabilité de Jean Lacoste, 2015. Contient 579 lettres de Nietzsche. Modèle:ISBN.
- Tome Modèle:V, Modèle:Date- - Modèle:Date-, traductions et notes sous la responsabilité de Jean Lacoste, 2019. Contient 222 lettres de Nietzsche. Modèle:ISBN
- Tome Modèle:VI, Modèle:Date- - Modèle:Date-, trad. de l'allemand et annotations de Jean Lacoste, 2023. Contient 485 lettres de Nietzsche. Modèle:ISBN
Références
Bibliographie
Références utilisées
- Jeanne Champeaux, « Fatalisme et volontarisme chez Nietzsche », in Lectures de Nietzsche, Paris, Le Livre de poche, 2000,Modèle:Isbn.
- Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, PUF, Modèle:Isbn
- Olivier Ducharme et Pierre-Alexandre Fradet, Une vie sans bon sens. Regard philosophique sur Pierre Perrault (en lien avec Nietzsche, Bourdieu, Henry, Meillassoux), préface de Jean-Daniel Lafond, Montréal, Nota bene, Collection Philosophie continentale, 2016, 210 p.
- Jean Granier, Le Problème de la vérité dans la philosophie de Nietzsche, Paris, Le Seuil, 1966.
- Michel Haar, Nietzsche et la métaphysique, Paris, Gallimard, 1993, coll. « TEL », Modèle:Isbn.
- Paolo D'Iorio, (sous la direction de), Nietzsche. Philosophie de l'esprit libre : études sur la genèse de choses humaines, trop humaines, Paris, Rue d'Ulm, 2004, Modèle:Isbn.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Christopher Janaway, Beyond Selflessness. Reading Nietzsche’s Genealogy, Oxford University Press, New York, 2007, Modèle:ISBN.
- Mathieu Kessler, Le Dépassement esthétique de la métaphysique, Paris, PUF, 1999, coll. « Thémis », Modèle:Isbn.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Mario Kopic, S Nietzscheom o Europi, Zagreb, Jesenski i Turk, 2001, Modèle:Isbn Modèle:OCLC.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Brian Leiter, Routledge Philosophy Guidebook to Nietzsche on Morality, 2002, Modèle:Isbn.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Brian Leiter, « Nietzsche's naturalism reconsidered », in Oxford Handbook of Nietzsche, 2009
- Pierre Montebello, Nietzsche, la volonté de puissance, Paris, PUF, 2001, coll. « Philosophies », Modèle:Isbn.
- Mazzino Montinari, La Volonté de puissance n'existe pas, texte établi et postfacé par Paolo D’Iorio, Paris, L'Éclat, 1994 (texte en ligne)
- Wolfgang Müller-Lauter, Physiologie de la volonté de puissance, traduction Wotling, Paris, Allia, 1998. Modèle:Isbn
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Richard Schacht, Nietzsche, Routledge, 1985.
- Patrick Wotling, Nietzsche et le problème de la civilisation, Paris, PUF, 1995, Modèle:Isbn.
- Patrick Wotling, La Pensée du sous-sol. Statut et structure de la psychologie dans la philosophie de Nietzsche, Paris, Allia, 1999, Modèle:Isbn.
- Barbara Stiegler, Nietzsche et la biologie, Paris, PUF, 2001, coll. « Philosophies ».
Voir aussi
Articles liés
Personnes
Notions
Bibliographie complémentaire
- Yannis Constantinidès, « Nietzsche législateur. Grande politique et réforme du monde », in Lectures de Nietzsche, Paris, Le Livre de poche, 2000, Modèle:Isbn.
- Marc Crépon, Nietzsche. L'art et la politique de l'avenir, Paris, PUF, 2003.
- Blaise Benoit, « La réalité selon Nietzsche », Revue philosophique de la France et de l'étranger, 2006/4 (Tome 131), p. 403-420.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Keith Ansell Pearson (éd.), A Companion to Nietzsche, Blackwell, 2006.
- Modèle:Ouvrage
Liens externes
Textes
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Nietzsche Source: version numérique de l'édition critique allemande établie par G. Colli et M. Montinari / Édition en fac-similé du corpus nietzschéen, sous la direction de P. D'Iorio.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Nietzsche Briefwechsel
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Nietzsche à la lettre : Traduction de lettres