Voir la source de Offense au chef de l'État

{{Voir homonymes|Outrage}}
{{Infobox Infraction en France
 | nom            = Offense au chef de l'État
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L’'''offense au chef de l'État''' est un délit en droit français, régi par l'article 26 de la [[loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse]].

Peu poursuivi pénalement, ce délit a été abrogé le 5 août 2013 à la suite d'une décision de la [[Cour européenne des droits de l'homme]].

== Création ==
Le délit d'offense au président de la République est inscrit dans l'article 26 de la [[loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse]]<ref name="presse">[http://legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419722&cidTexte=LEGITEXT000006070722 Article 26 de la loi n°1881-07-29 du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse], sur [[Légifrance]].</ref>. Elle fait partie des « délits contre la chose publique » alors que la diffamation et l'injure font partie des « délits contre les personnes ».

Dans les institutions alors en vigueur, le président de la République n’avait qu'un faible pouvoir politique<ref name=Beau/>.

== Peines encourues ==
Initialement puni de trois mois à un an d'[[Prison en France|emprisonnement]] ou de 300 à {{unité|300000|[[Franc français|francs français]]}} d'[[Amende en droit pénal français|amende]], les peines planchers ont été supprimées par la loi du {{date-|16 décembre 1992}}<ref>[http://legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?cidTexte=JORFTEXT000000177662&idArticle=LEGIARTI000006491860 Article 322 de la loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur]</ref>, puis la loi du {{date-|15 juin 2000}} a supprimé la peine de prison pour ne laisser subsister que l'amende<ref>[http://legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?cidTexte=JORFTEXT000000765204&idArticle=LEGIARTI000006493404 Article 90 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes].</ref>, qui a ensuite été convertie à {{euros|45000}} par l'ordonnance du {{date-|19 septembre 2000}}<ref>[http://legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?cidTexte=JORFTEXT000000219672&idArticle=LEGIARTI000006716442 Article 3 de l'ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs].</ref>.

== Application ==
{{Article détaillé|Actions en justice des présidents de la République française}}
Le délit n'a été utilisé que pour six procès entre 1881 et 1940, sous la [[Troisième République (France)|Troisième République]] et que pour deux affaires sous la [[Quatrième République (France)|Quatrième République]]<ref name=Beau/>.

Lors du passage à la [[Cinquième République (France)|Cinquième République]], le président prend un rôle plus important, mais le délit d'offense reste applicable. Les circonstances politiques sont marquées par la [[guerre d'Algérie]] ; un des premiers procès pour offense a concerné un soldat, jeune parachutiste, qui, en {{date-|février 1959}}, dans le métro parisien, s’était exclamé : « le général de Gaulle préfère libérer les [[Fellaga|fellagas]] et poursuivre les patriotes et les libérer que de laisser tranquilles les vrais Français ». Des personnalités d’extrême droite comme [[Jean-Louis Tixier-Vignancour]], [[Jacques Isorni]] ou [[Pierre Boutang]] sont également condamnés pour offense. Le nombre de procès intentés sous le général de Gaulle est relativement incertain : différentes sources valables les évaluent à plus ou moins d'une centaine. Pour certaines affaires, la [[Ministère de la Justice (France)|Chancellerie]] transmet au [[Cabinet du président de la République française|secrétariat général de la présidence de la République]] des extraits, ou parfois l’intégralité, du réquisitoire du procureur de la République, ce sont les plus hautes autorités de l’État qui décident s’il faut ou non poursuivre les auteurs d’offenses présumées au président de la République<ref name=Beau>{{Article|auteur=[[Olivier Beaud]]|titre=Que nous apprennent les archives présidentielles sur la notion d’offense au président de la République ?|ouvrage=Charles de Gaulle : Archives et histoire|date=2016|périodique=Publications des [[Archives nationales (France)|Archives nationales]]}}</ref>.

Le délit a été défini de manière constante comme « toute expression offensante ou de mépris, toute imputation diffamatoire qui, à l'occasion tant de l'exercice de la première magistrature de l'État que de la vie privée du président de la République antérieure à son élection, sont de nature à l'atteindre dans son honneur ou dans sa dignité »<ref>MERLET, Laurent. « L'offense au président de la République ». ''Livres hebdo'', 16 janvier 2009, n° 760, p. 70.</ref>.

L'offense peut se trouver constituée par des écrits ou des paroles dès lors qu'ils sont publics, mais également par un dessin ou un photomontage. Les mobiles du délit étant indifférents, une condamnation peut être prononcée à raison d'une controverse politique, voire d'une simple critique historique.

[[Georges Pompidou]] n'a intenté qu'un seul procès. Le délit n'a entraîné aucune poursuite sous les présidences successives de [[Valéry Giscard d'Estaing]], [[François Mitterrand]] et [[Jacques Chirac]] qui ont refusé d'y avoir recours<ref name='PplMélanchon"/>.

== Arrêt de la CEDH et abrogation ==
Plusieurs propositions de loi visant à l’abrogation du délit sont présentées<ref name='PplMélanchon">{{Ouvrage|auteur=[[Jean-Luc Mélenchon]]|titre=Proposition de loi visant à abroger le délit d'offense au Président de la République|date=19 novembre 2008|url=http://www.senat.fr/leg/ppl08-097.html}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Martine Billard]]|titre=Proposition de loi visant à abroger le délit d’offense au Président de la République|date=20 mai 2010|url=http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2543.asp}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Jean-Louis Masson (homme politique, 1947)|Jean-Louis Masson]]|titre=Proposition de loi tendant à abroger le délit d'offense au Président de la République|date=20 mars 2012|url=https://www.senat.fr/leg/ppl11-479.html}}</ref>.

Le {{date-|28 août 2008}}, Hervé Eon, lors de la visite du président de la République à Laval, brandit un écriteau sur lequel était inscrite la phrase « casse toi pov’con », en référence à une phrase ayant été [[Casse-toi, pauv' con !|prononcée par Nicolas Sarkozy quelques mois auparavant]]. Hervé Eon est interpellé, puis condamné, et la peine est confirmée par la [[cour d'appel d'Angers]] en 2009. Hervé Eon saisit alors la [[Cour de cassation (France)|Cour de cassation]], puis la [[Cour européenne des droits de l'homme]], qui rend son arrêt le {{date-|14 mars 2013}}. La juridiction ne se prononce pas sur le délit en lui-même, mais considère que « sanctionner pénalement des comportements comme celui qu’a eu le requérant en l’espèce est susceptible d’avoir un effet dissuasif sur les interventions satiriques concernant des sujets de société qui peuvent elles aussi jouer un rôle très important dans le libre débat des questions d’intérêt général sans lequel il n’est pas de société démocratique »<ref>{{Lien web|url=http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-117137|titre=Affaire Eon C; France|auteur=Cour européenne des droits de l'Homme|date=14 mars 2013}}</ref>.

Afin d'adapter la législation française à cet arrêt, le délit d'offense au chef de l'État est supprimé par la loi du {{date-|5 août 2013}} portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France<ref>{{légifrance|base=JORF|numéro=JUSX1300230L|titre=Loi {{numéro|2013-711}} du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France}}</ref>. Le président peut alors défendre ses droits de plusieurs manières :
* [[Diffamation en droit français|diffamation]] « envers le président de la République, un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l'une ou de l'autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l'autorité publique, un ministre de l'un des cultes salariés par l'État, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition. », punie d'une amende de {{euros|45000}} (article 31 de la loi du {{date-|29 juillet 1881}} modifiée) ; 
* [[Injure et outrage en droit français|injure publique]], délit de droit commun, puni d’une amende de {{euros|12000}} (article 33 de la loi du {{date-|29 juillet 1881}} modifiée) ; 
* par ailleurs, pourront être engagées des poursuites pour [[Outrage à agent public en France|outrage à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique]], infraction qui est punie d'un an d’emprisonnement et de {{euros|15000}} d’amende, en application de l’article 433-5 du code pénal<ref>{{ouvrage|auteur=[[Marietta Karamanli]]|titre=Rapport sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France|éditeur=[[Commission des Lois constitutionnelles, de la Législation et de l'Administration générale de la République]]|date=27 mars 2013|url=http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r0840.asp}}.</ref>.

== Jurisprudence post-abrogation du délit spécifique ==
=== Mouvement des Gilets jaunes ===
Le 21 décembre 2018, au début du [[mouvement des Gilets jaunes]], trois Charentais ont organisé un simulacre de procès d'Emmanuel Macron, le jour de son anniversaire. Un épouvantail à l'effigie du chef de l’État avait été condamné à mort, puis finalement brûlé. Ils ont été poursuivis pour « [[outrage (droit)|outrage]] à une personne dépositaire de l'autorité publique » et « provocation non suivie d'effet au crime ». Le procès s'est conclu le 27 décembre 2019 par une ordonnance de non-lieu en faveur des trois accusés, le juge estimant que « ce procès fictif constituait une parodie grossière de tribunal visant à critiquer l'action du chef de l’État, n'ayant pas vocation à être prise au sérieux »<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Un non-lieu pour des Gilets jaunes qui avaient brûlé un mannequin d'Emmanuel Macron |url=https://www.lejdd.fr/Societe/un-non-lieu-pour-des-gilets-jaunes-qui-avaient-brule-un-mannequin-demmanuel-macron-3941617 |site=lejdd.fr |date=07/01/2020 |consulté le=2023-03-31}}</ref>.

=== Pandémie de Covid-19 ===
En pleine pandémie de Covid-19, un ancien publicitaire varois a fait installer, le 19 juillet 2021, une affiche d'Emmanuel Macron représenté sous les traits d’Adolf Hitler, accompagnée du slogan : « Obéis, fais-toi vacciner »<ref name="Macron représenté en Hitler : l’afficheur varois condamné à 10 000 euros d’amende">{{Article|langue=fr-FR|prénom1=Sudouest fr avec|nom1=AFP|titre=Macron représenté en Hitler : l’afficheur varois condamné à 10 000 euros d’amende|périodique=SudOuest.fr|date=2021-09-17|issn=1760-6454|lire en ligne=https://www.sudouest.fr/justice/macron-represente-en-hitler-amende-de-10-000-euros-requise-contre-l-afficheur-varois-5941762.php|consulté le=2023-03-31}}</ref>. Poursuivi pour injure publique, il a été condamné le vendredi 17 septembre 2021 à 10.000 euros d'amende. Il a fait appel de la décision<ref name="Macron représenté en Hitler : l’afficheur varois condamné à 10 000 euros d’amende" />.

=== Réforme des retraites de 2023 ===
Récemment, dans le cadre de la mobilisation contre la [[Projet de réforme des retraites en France en 2023|réforme des retraites de 2023]], un instituteur a été interpellé pour avoir grimé et traîné voire piétiné une [[Pantin (figurine)|effigie]] du président Macron lors des manifestations contre cette réforme<ref>https://www.lefigaro.fr/nice/nice-un-instituteur-place-en-garde-a-vue-apres-avoir-place-un-pantin-d-emmanuel-macron-sur-les-rails-20230328</ref>. Il a été placé 7 heures en [[Garde à vue en droit français|garde à vue]], à la grande indignation de la [[Fédération syndicale unitaire|FSU]]<ref>https://fsu.fr/le-paillassou-mettrait-il-notre-democratie-en-danger/</ref>.

Également, une femme de 56 ans habitant dans le Pas-de-Calais a fait une publication Facebook qualifiant Emmanuel Macron « d’ordure ». Le vendredi 24 mars<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Macron traité d'"ordure" : une femme interpellée et jugée pour un post Facebook |url=https://www.rtl.fr/actu/politique/macron-traite-d-ordure-une-femme-interpellee-et-jugee-pour-un-post-facebook-7900250163 |site=www.rtl.fr |consulté le=2023-04-23}}</ref>, elle est interpellée à son domicile, placée 9 heures en [[Garde à vue en droit français|garde à vue]] et poursuivie pour « injure publique envers le Président de la République par parole, écrit image ou moyen de communication par voix électroniques »<ref name=":0">{{Lien web |langue=fr |prénom=Alexandre |nom=Horn |titre=Valérie poursuivie pour avoir écrit «Macron ordure» : des juristes pointent une garde à vue «illégale» et une plainte «irrecevable» |url=https://www.liberation.fr/checknews/valerie-poursuivie-pour-avoir-ecrit-macron-ordure-des-juristes-pointent-une-garde-a-vue-illegale-et-une-plainte-irrecevable-20230330_ZHKZW65HUVCZFOKZEK36LZMIIM/ |site=Libération |consulté le=2023-03-31}}</ref>. Selon différents juristes, la garde à vue est illégale et abusive (il n'est légalement possible de placer quelqu’un en garde à vue que pour des faits passibles d’une peine d'emprisonnement), et les poursuites ne respectent pas la loi en se fondant sur une plainte qui n’est pas recevable (c'est la victime qui porte plainte or le président de la République n'a pas porté plainte)<ref name=":0" />. En effet, le tribunal correctionnel de Saint-Omer (Pas-de-Calais) a décidé d’annuler la procédure en juillet 2023<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |prénom=Par F. d'O Le 4 juillet 2023 |nom=à 17h06 |titre=Macron traité d’« ordure » sur Facebook : la procédure visant la mise en cause annulée |url=https://www.leparisien.fr/faits-divers/macron-traite-d-ordure-sur-facebook-la-procedure-visant-la-mise-en-cause-annulee-04-07-2023-OUUZDN2RZJAKNFZH5DMDD4GEGM.php |site=leparisien.fr |date=2023-07-04 |consulté le=2023-08-27}}</ref>.

== Délits contre les chefs d'État et agents diplomatiques étrangers ==
La loi du {{date-|29 juillet 1881}} prévoit également, dans son article 36, un délit d'offense commise publiquement envers les chefs d'État étrangers, les chefs de gouvernements étrangers et les ministres des Affaires étrangères d'un gouvernement étranger. Ce délit est supprimé par l'article 52 de la [[loi portant sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité]] du {{date-|9|mars|2004}}, à la suite d'une condamnation de la France par un arrêt du {{date-|25|juin|2002}} devant la [[Cour européenne des droits de l'homme]] (affaire Colombani et autres contre France)<ref name='PplMélanchon"/>. La [[17e chambre du tribunal de grande instance de Paris|{{17e|chambre}} du tribunal de grande instance de Paris]] avait déjà déclaré ce délit contraire à l'article 10 de la [[Convention européenne des droits de l'homme]] défendant le droit à la [[liberté d'expression]], constatant par conséquent sa {{lien|Désuétude (droit)|trad=Desuetude|texte=désuétude}}, et déboutant les chefs d'État [[Idriss Déby]], [[Denis Sassou-Nguesso]] et [[Omar Bongo]], à l'occasion de la sortie du livre ''[[Noir silence (livre)|Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique ?]]''<ref>[[François-Xavier Verschave]], [[Les Arènes]], 2000.</ref>{{,}}<ref name=Eolas>[[Maître Eolas]], [http://www.maitre-eolas.fr/2008/09/08/1070-casse-toi-pov-delit « Casse-toi, pov'délit »], 8 septembre 2008.</ref>{{,}}<ref>[http://www.arenes.fr/spip.php?article426 « Noir silence poursuivi pour « délit d’offense à chef d’État étranger » »], Les Arènes.</ref>.

L'article 37 sur l'outrage commis publiquement envers les ambassadeurs et ministres plénipotentiaires, envoyés, chargés d'affaires ou autres agents diplomatiques accrédités près du gouvernement de la République, est toujours en vigueur en 2020, et est puni d'une amende de {{euros|45000}}.

== Notes et références ==
{{Références}}

== Bibliographie ==
* [[Olivier Beaud]], ''La République injuriée. Histoire des offenses au chef de l'État, de la III{{e}} à la V{{e}} République'', PUF, 2019.

== Voir aussi ==
{{Autres projets
| wikisource = Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse#Paragraphe 2 : Délits contre la chose publique
| wikisource titre = L'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
}}
* [[Outrage (droit)]]
* [[Diffamation en droit français]]
* [[Président de la République française]]
* [[Outrage à agent public en France]]
* [[Outrage aux symboles nationaux en France]]
* [[Crime de lèse-majesté]]
* [[Violence politique]]

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