Mansukh

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Les expressions arabes mansûkh (arabe : مَنْسوخ [mansūḫ], abrogé) et nâsikh (ناسِخ [nāsiḫ], abrogatif, abrogatoire), correspondent en français aux notions de verset abrogé et de verset abrogatif du Coran. Certains versets (ʾāyāt) du Coran sont dits mansûkh (آية مَنْسوخة [āya mansūḫa], verset abrogé) lorsqu'on considère qu'une révélation ultérieure dans un autre verset vient le modifier ou le corriger. Ce verset correctif est alors dit nâsikh (آية ناسِخة [āya nāsiḫa], verset abrogatif).

Les fondements de l'abrogation

Pour résoudre le problème des versets contradictoires, des théologiens musulmans ont élaboré la doctrine de l'abrogation. Ils fondent leur dogme en se référant au principe du verset, "aya", abrogeant et abrogé (al-nâsikh wa-l-mansûkh), qui serait légitimé dans le Coran, s'appuyant sur la tradition musulmane et prenant en compte la chronologie des révélations afin de savoir lesquelles sont les plus récentes et peuvent abroger les plus anciennes<ref>Modèle:Ouvrage</ref> :Modèle:Citation blocAlors que Mahomet aurait été accusé de manipulation à l'occasion de révélations de versets abrogeants, on peut lire en réponse dans le Coran :Modèle:Citation blocCe principe est accepté Modèle:Citation<ref name=":22">Amir-Moezzi, "Dictionnaire du Coran", Paris, 2007, article "abrogation", Modèle:P. et suiv.</ref>. Ces changements peuvent concerner des aspects légaux de la charia mais pas les doctrines théologiques<ref name=":22" />. Il existe plusieurs types d'abrogation : celle du Coran par le Coran ou d’un hadith par un autre est généralement admise. L’abrogation du Coran par un hadith ou l’inverse divise les savants musulmans<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Ainsi, les hanafites et les asharites considèrent que la Sunna peut abroger le Coran<ref name=":22" />. Ibn Hazm s'appuie, pour cela, sur le fait que, pour lui, "le discours du Prophète est nécessairement d’inspiration divine"<ref>Modèle:Article</ref>.

L'abrogation peut concerner le statut d'une loi - l'auteur cite l'exemple de la continence d'une femme répudiée ou d'une veuve - sans que le texte soit changé. Elle peut concerner un texte - l'auteur cite le verset de la lapidation - retiré du Coran, sans que le statut législatif soit abrogé. Elle peut aussi concerner les deux<ref name=":22" />. Le système de l'abrogation allège, généralement, l’obligation première. Dans certains cas plus controversés, même si la majorité des légistes en constate l'existence, l'obligation est alourdie, comme dans le cas du jeûne du ramadan qui passe de facultatif à obligatoire<ref name=":22" />.

Les enjeux de la chronologie

L'enjeu des versets abrogés est crucial dans l'islam, bien que méconnu en dehors. Ainsi, certains versets cités en exemple par les défenseurs ou les détracteurs de l'islam sont-ils en fait abrogés par d'autres ayant un sens différent. Selon l'islamologue français Jacques Berque, sur les 114 sourates du Coran, 71 sont plus ou moins concernées par l'abrogation<ref group="Note">25 contiennent à la fois des versets abrogeant et des versets abrogés, seulement 6 sont des versets abrogeant et 40 sont des versets abrogés</ref>,<ref>Jacques Berque, Relire le Coran, Albin Michel, 1993.</ref>.

Au sein de l'islam, la détermination des versets abrogés et de ceux qui ne le sont pas nécessite une érudition aussi bien concernant le texte coranique que l'histoire de la Révélation. Les versets les plus récents abrogent les plus anciens traitant du même sujet, le dernier révélé donnant la conclusion de l'enchaînement des versets<ref>Modèle:Article</ref>. L'ordre des versets tel que retranscrits dans le Coran n'étant pas l'ordre chronologique de leur révélation, l'historiographie du Coran devient un enjeu majeur quant aux questions de Charia et de Jurisprudence.

Cette lecture chronologique du Coran met en valeur deux groupes de sourates : celles de la période mecquoise (entre 610 et 622) et celles de la période médinoise (entre 622 et 632)<ref name=":0" />. Pour faciliter la lecture dans la perspective de l'abrogation, Sami Awad Aldib Abu Sâhlih a publié le Coran par ordre chronologique selon l'Azhar, avec renvois aux abrogations. Bien que cette distinction soit encore utilisée par les éditions contemporaines du Coran, elle est peu probante pour l'exégèse moderne. L'idée que l'on peut réorganiser le Coran suivant l’ordre chronologique selon lequel le prophète Mahomet l’aurait proclamé est, en effet, hautement spéculative, car elle repose sur les Modèle:Citation<ref name=":0">Modèle:Article</ref>.

Exemples de versets abrogés et abrogatifs

L'héritage

Concernant les règles de succession en matière d'héritage, les versets successifs sont :Modèle:Citation blocCette sourate a été révélée à Médine et selon la tradition c'est la Modèle:87e dans l'ordre de la révélation. La sourate IV est considérée comme la Modèle:92e. On y lit dans le verset 11 des prescriptions beaucoup plus précises.Modèle:Citation blocCe seront donc ces dernières prescriptions qui seront retenues pour fixer le droit (fiqh) en matière d'héritage.

Question de la violence

Le Coran contient à la fois des versets appelant à la paix et d'autres incitant à la guerre. Les premiers datent principalement de la période mecquoise -période pendant laquelle les musulmans étaient minoritaires et peu puissants- alors que les seconds datent de l'époque médinoise durant laquelle les musulmans étaient assez nombreux et puissants pour pouvoir réagir<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Lors de recensions des versets abrogés/abrogeant par les exégètes plus de 100 versets sont considérés comme abrogés par le "verset du sabre"<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.Modèle:Citation blocC'est aussi à cette seconde période qu'appartient les versets à caractère offensif.Modèle:Citation bloc

Contraintes religieuses

Le Coran contient des versets contradictoires sur la contrainte religieuse. Le verset 256 de la sourate II est chronologiquement le Modèle:N°<ref name=":03">Régis Blachère, Le Coran. Traduction selon un essai de reclassement des sourates, G.-P. Maisonneuve, Paris, 1949-1977.</ref>.Modèle:Citation blocD'autres plus récents (Modèle:N°<ref name=":03" />) présentent une vision différente des contraintes dans le domaine religieux. Cette version est appliquée dans les hadiths<ref>Bukhari vol 9. Liv.84. Modèle:N°</ref> et dans la vie de Mahomet<ref name=":14">Modèle:Article</ref>. La guerre est liée à la non-conversion à l'Islam.Modèle:Citation blocDe nombreux exégètes considèrent donc que le verset "Nulle contrainte en religion !" est abrogé<ref name=":14" />. Le professeur Mohamed Tahar Ben Achour est le seul exégète à considérer que le verset n'est pas abrogé mais abrogeant<ref>Modèle:Article</ref>.

Interdit de l'alcool

Critique du système d'abrogation

Nature de Dieu et abrogation

Le principe de l'abrogation pose un « problème critique de nature théologique ». Pour le courant majoritaire du sunnisme, né de l'asharisme, le Coran est parole verbatim de Dieu et est incréé<ref>Encyclopaedia of Islam, Brill, 1986, article "al-Kur'an"</ref>. Pour eux, la volonté divine est souveraine, immuable et intemporelle. L'abrogation ne serait pas une adaptation aux évolutions du contexte mais ces changement serait prévus "de toute éternité"<ref name=":22" />. Eric Chaumont trouve cette explication "batarde" et ne pouvant "satisfaire personne"<ref name=":22" />.

A l'inverse, dans le courant minoritaire Mu'tazilite, le Coran n'est pas considéré comme incréé. Ce mouvement- ardent défenseur de l'unicité divine- défendait que le Coran était une création pour expliquer les contradictions et défendre l'immutabilité de Dieu<ref name=":422">Encyclopeadia of Islam, Brill, 1986, article "Kalâm"</ref>. La fluctuation de la Loi divine y est acceptée comme adaptation au contexte historique puisque le principe de la Sharia est l'"intérêt de la création"<ref name=":22" />. Plusieurs savants asharites ont aussi exprimés leurs "désarroi" devant la difficulté théologique de réunir le principe de l’abrogation et l'intemporalité professé du Coran<ref name=":22" />.Modèle:Note Une partie de la littérature sunnite cherche à distinguer l'abrogation et l'idée de changement en Dieu<ref name=":22" />.

Abrogation de versets coraniques ou des révélations antérieures ?

Les oulémas affirment majoritairement que le Coran (2:106) justifie l'abrogation des versets antérieurs par des versets plus récents sur un même sujet. Cependant, Fakhr ad-Dîn ar-Râzî et des oulémas de l'époque moderne affirment que c'est une erreur et que dans le contexte de la révélation c'était le Coran qui abrogeait les révélations antérieures (Torah et Évangile)<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Ils s'appuient pour cela sur le contexte du verset qui est celui d'un réquisitoire contre les Israélites (versets 40 à 123)<ref>Sayyid Ahmad Han, Sayyid Abu 'I-A'la Mawdudi, Sa'ïd Hawwa, Muhammad Hassan, Ahmad Hasan cités par Michel Cuypers dans l'article "le verset de l'abrogation dans son contexte rhétorique" dans "le Coran nouvelles approches", CNRS éditions, 2015</ref>.

Michel Cuypers récuse les deux interprétations. Dans son analyse des versets 87 à 123 de la sourate 2 dont on peut rappeler qu'il y est fait référence aux juifs principalement, il met en évidence d'une part que le Coran répète pas moins de quatre fois qu'il "confirme" les Écritures antérieures, mais surtout qu'il s'agit en fait d'abolir certains des versets de la Bible et non d'abolir purement et simplement toutes les révélations antérieures ; ici, la question de l'élection exclusive des juifs comme peuple élu "favorisé"(Coran 2,104) est abrogé par le Coran 2,106. Le Coran modifie la lettre de la Torah, pour en exclure l'idée de peuple élu exclusif. En faisant cela, il "améliore"(Coran 2,106) la Torah en la rendant universelle<ref>Michel Cuypers, sous la direction de Mehdi Azaiez et la collaboration de Sabrina Mervin, "Le Coran, nouvelles approches", CNRS éditions, 2013, Modèle:P. et 324</ref>.

L'analyse de Geneviève Gobillot rejoint celle de Cuypers. Elle précise entre autres que Modèle:Citation Et en conclusion de son analyse, elle dit Modèle:Citation<ref>Geneviève Gobillot, sous la direction de Mehdi Azaiez et la collaboration de Sabrina Mervin, "Le Coran, nouvelles approches", CNRS éditions, 2013, Modèle:P. et 238</ref>.

Critiques modernes du système

Cependant, certains penseurs musulmans remettent en cause le système de l'abrogation comme Mahmoud Cheltout (1893-1963) qui fut Recteur de la mosquée d'Al-Azhar. Celui-ci aurait établi dans son livre "Le Coran et le combat" la preuve que le verset "point de contrainte en religion" n'est pas abrogé<ref>Mohamed Talbi, "Ma religion c'est la liberté", éd. Nirvana, 2011, Modèle:P.</ref>. Mohammed al-Ghazali (1917-1996) est plus direct, il dit :Modèle:Citation blocL'abrogation de certains versets est une vision totalement fausse selon lui. Tout verset peut agir sur la société à un moment donné. Il suffit de savoir quand actionner un verset, et c'est ainsi qu'on peut parler d'un Coran valable pour tous les temps et tous les lieux.

L'historien Mohamed Talbi affirme quant à lui que le "verset du sabre" est une invention de quelques exégètes afin de théoriser "l'abrogeant et l'abrogé" qui trouve son origine dans l'ijtihad (effort d'interprétation) de l'imam Al-Chafii<ref>Mohamed Talbi, "Afin que mon cœur se rassure", éd.Nirvana, 2010, Modèle:P.</ref>.

Notes et références

Notes

<references group="Note" />

Références

<references />

Voir aussi

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