Thomas d'Aquin

{{#ifeq:||Un article de Ziki, l'encyclopédie libre.|Une page de Ziki, l'encyclopédie libre.}}

Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Philosophe Modèle:Infobox Saint Thomas d'Aquin, né en 1225 ou 1226 au château de Roccasecca près d'Aquino, dans la partie péninsulaire du royaume de Sicile (Latium), et mort le Modèle:Date de décès à l'abbaye de Fossanova près de Priverno dans les États pontificaux (dans le Latium également), est un religieux italien de l'ordre dominicain, célèbre pour son œuvre théologique et philosophique.

Considéré comme l'un des principaux maîtres de la philosophie scolastique et de la théologie catholique, le "prince des scolastiques" a été canonisé le Modèle:Date par Modèle:Noble<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, puis proclamé docteur de l'Église par Modèle:Noble, en 1567 et patron des universités, écoles et académies catholiques, par Modèle:Noble en 1880. Il est également l'un des patrons des libraires. Il est aussi qualifié du titre de « Docteur angélique » (Doctor angelicus). Son corps est conservé sous le maître-autel de l'église de l'ancien couvent des dominicains de Toulouse.

De son nom dérivent les termes :

  • « thomisme » / « thomiste » : qui concerne l'école ou le courant philosophico-théologique qui se réclame de Thomas d'Aquin et en développe les principes au-delà de la lettre de son expression historique initiale ;
  • « néothomisme » : un courant de pensée philosophico-théologique de type thomiste, développé à partir du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle pour répondre aux objections posées au christianisme catholique par la modernité ;
  • « thomasien » : ce qui relève de la pensée de Thomas d'Aquin lui-même, indépendamment des développements historiques induits par sa réception.

En 1879, le pape Modèle:Noble, dans l'encyclique Æterni Patris, a déclaré que les écrits de Thomas d'Aquin exprimaient adéquatement la doctrine de l'Église. Le [[IIe concile œcuménique du Vatican|concile Modèle:Nobr rom]] (décret Optatam Totius sur la formation des prêtres, no 16) propose l'interprétation authentique de l'enseignement des papes sur le thomisme en demandant que la formation théologique des prêtres se fasse Modèle:Citation.

Thomas d'Aquin a proposé, au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, une œuvre théologique qui repose, par certains aspects, sur un essai de synthèse de la raison et de la foi, notamment lorsqu'il tente de concilier la pensée chrétienne et la philosophie d'Aristote, redécouverte par les scolastiques à la suite des [[traductions latines du XIIe siècle|traductions latines du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle]].

Il distingue les vérités accessibles à la seule raison, de celles de la foi, définies comme une adhésion inconditionnelle à la Parole de Dieu. Il qualifie la philosophie de servante de la théologie (Modèle:Latin) afin d'exprimer comment les deux disciplines collaborent de manière « subalternée » à la recherche de la connaissance de la vérité, chemin vers la béatitude.

Biographie

Jeunesse et aspiration à la vie dominicaine (1225-1244)

Fils du comte Landulphe d'Aquino et de la comtesse Théodora Caracciolo Rossi<ref>Jean-Pierre Torrell, Amico della verità: vita e opere di Tommaso d'Aquino, Edizioni Studio Domenicano, 2006, Modèle:P..</ref>, d'origine napolitaine, Thomas naît en 1225 ou 1226 au château de Roccasecca, dans le royaume de Sicile<ref>Ce château se trouve aujourd'hui dans la province de Frosinone, Jean-Pierre Torrell, Modèle:Nobr, 1993, Modèle:Chap.1, Modèle:P..</ref>. La famille d'Aquin, d'origine lombarde et installée au nord de l'actuelle Campanie, est une grande famille d'Italie, partisane du parti pontifical.

De 1230 à 1239, il est oblat à l’abbaye bénédictine du Mont-Cassin. Il y demeure neuf ans, durant lesquels il apprend à lire et à écrire, ainsi que les rudiments de la grammaire et du latin, associés à une formation religieuse élémentaire.

À partir de 1239, Modèle:Noble, en lutte contre Modèle:Noble<ref>Jean Chélini, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Hachette, 1991, Modèle:P..</ref>, expulse les moines de l'abbaye. Sur le conseil de l'abbé, les parents de Thomas l'avaient déjà envoyé à Naples pour y poursuivre ses études au Studium regni (qui n'est pas une université, mais une académie locale), fondé par Modèle:Noble- en 1220. Il y étudie auprès des maîtres les disciplines classiques du trivium et du quadrivium. Ce faisant il rencontre des frères prêcheurs dont la vie et la vitalité apostolique l'attirent.

Son père meurt le Modèle:Date, rendant le jeune Thomas un peu plus libre de son destin. Il décide d'entrer dans l’ordre des dominicains en avril 1244, à l'âge de dix-neuf ans, contre l’avis de sa famille qui veut en faire l'abbé du Mont-Cassin. Sa mère le fait alors enlever et l’assigne à résidence à Roccasecca où il demeure un an. Thomas ne changeant cependant pas d’avis, sa famille finit par accepter son choix<ref>Jean-Pierre Torrell, Initiation à Thomas d'Aquin, tome 1, Modèle:P. et Modèle:P..</ref>.

Études à Paris, premiers enseignements (1245-1259)

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Super Physicam Aristotelis, 1595.

Il est ensuite étudiant à l'université de Paris de 1245 à 1248, sous le règne de Modèle:Noble. Puis il suit son maître Albert le Grand (dominicain commentateur d'Aristote) à Cologne jusqu'en 1252<ref>Jean-Pierre Torrell, Initiation à Thomas d'Aquin, Tome 1, Modèle:P. à 52.</ref>, où ses confrères d'étude l'affublent du sobriquet de « bœuf muet » en raison de sa stature et de son caractère taciturne<ref>Albert le Grand, ayant pris la mesure de son élève, affirme alors que « lorsque ce bœuf mugira, il étonnera le monde ».</ref>. De retour à Paris, il suit le cursus universitaire classique des étudiants en théologie : il est bachelier biblique (lectures commentées des Écritures) de 1252 à 1254, puis bachelier sententiaire.

Il rédige durant cette période un commentaire des livres d'Isaïe et de Jérémie (Modèle:Latin et Modèle:Latin), ainsi que le De ente et essentia (1252). Comme bachelier sententiaire, il commente le Livre des Sentences de Pierre Lombard, devenu le manuel des études théologiques à l'université de Paris depuis le début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle. Thomas d'Aquin en fait le commentaire, en deux ans, durant son enseignement de bachelier sententiaire. Ce commentaire (Modèle:Latin) est énorme : plus de Modèle:Nombre in-folio, écrites de 1254 à 1256, tout en suivant certains des cours dispensés dans les écoles parisiennes et au Studium dominicain de Saint-Jacques (collège des Jacobins).

Au printemps 1256, avec l'appui du Souverain Pontife qui doit intervenir auprès de l'université, dans le contexte conflictuel de l'opposition des mendiants et des séculiers, il soutient sa maîtrise en théologie et est nommé Maître-Régent (Modèle:Latin ou docteur en Écriture sainte) — avec Bonaventure de Bagnoregio. Il commence aussitôt à enseigner et rédige les Questions disputées : De veritate (1256-1259), les Modèle:Latin (7 à 11) ; commente le Modèle:Latin de Boèce (1257-1258)… Son activité consiste principalement en disputes théologiques (disputatio), en commentaires de la Bible et en prédications publiques. Les commentaires sur Aristote de Thomas d'Aquin n'ont jamais fait l'objet d'un enseignement public.

Premier enseignement italien (1259-1268)

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Thomas d'Aquin et le pape Modèle:Noble, de Lorenzo Lotto, 1508, huile sur bois, Modèle:Dunité, Recanati, musée municipal.

En 1259, Thomas a trente-quatre ans lorsqu'il part pour l'Italie où il enseigne la théologie jusqu'en 1268, tout en jouissant déjà d'une grande réputation.

Il est d'abord assigné à Orvieto, comme lecteur conventuel, c'est-à-dire responsable de la formation permanente de la communauté. Il trouve toutefois le loisir d'achever la rédaction de la Somme contre les Gentils (commencée en 1258) et de l’Modèle:Latin (1263-1265). Il rédige notamment une explication continue des évangiles, appelée par la suite la Chaîne d'or (Modèle:Latin), un florilège de citations patristiques organisées de manière à constituer un commentaire continu des Évangiles, verset par verset. Cet ouvrage, d'importance considérable du point de vue de l'histoire de la réception des auteurs chrétiens grecs, est rédigé de 1263 à 1264 à la demande du pape Modèle:Noble auquel Thomas dédie la Chaîne sur Matthieu<ref>Jean-Pierre Torrell, Modèle:Nobr rom, Cerf, Modèle:Chap., Modèle:P. et suiv.</ref>.

Thomas est envoyé à Rome entre 1265 et 1268 comme maître régent. Durant ce séjour, affecté à la formation intellectuelle des jeunes dominicains, Thomas rédige également Modèle:Latin (1265-1266), la première partie du Compendium de théologie, et commence en 1266 la rédaction de la Somme théologique. Il entame ses commentaires sur Aristote par le Commentaire « De l'âme » (1267-1268), en adoptant la méthode d'explication mot à mot propre aux Modèle:Latin en vigueur dans les écoles<ref>Jean-Marie Vernier, préface au Commentaire du De Anima d'Aristote de Thomas d'Aquin, Vrin, Paris, 2007, Modèle:P. et suiv.</ref>. C'est également en Italie qu'il compose l’Office du Saint-Sacrement au moment de l'instauration de la Fête du Modèle:Latin. Il rédige aussi plusieurs opuscules, en réponses aux questions de personnes particulières ou de supérieurs, portant sur des questions diverses : économiques, canoniques ou morales<ref>Jean-Pierre Torrell, Modèle:Nobr rom, Cerf, Modèle:Chap., Modèle:P. et suiv.</ref>.

Durant cette période, il eut l'occasion de côtoyer la cour pontificale (qui ne résidait pas à Rome). Assigné à des couvents dans lesquels il remplissait une tâche particulière, rien ne dit qu'il suivit le pape dans ses déplacements continuels. La curie n'avait pas alors de siège fixe.

C'est probablement durant cette période qu'il eut l'occasion de prêcher les sermons sur le Credo, le Pater et l'Ave Maria, puisque ceux-ci furent prêchés durant le carême dans la région de Naples et que Thomas n'était plus en mesure de le faire en 1273.

Retour à Paris, querelles universitaires (1268-1272)

Thomas revient de 1268 à Pâques 1272<ref>Jean-Pierre Torrell, Initiation 1, chap. IX, Modèle:P..</ref> à Paris dont l'Université est en pleine crise intellectuelle et morale provoquée par la diffusion de l'aristotélisme et par les querelles entre les ordres mendiants, les séculiers et les réguliers. Le théologien Rémi de Florence a suivi ses cours lors de son second enseignement parisien. Il a quarante-quatre ans lorsqu'il rédige la seconde partie (Modèle:Latin, abrégée IIa) de la Somme théologique et la plus grande partie des Commentaires des œuvres d'Aristote. Il doit faire face à des attaques contre les ordres mendiants, mais aussi à des rivalités avec les franciscains et à des disputes avec certains maîtres des arts (en particulier Siger de Brabant, dont la mort mystérieuse est racontée par Dante évoquant également la rivalité entre Thomas et Siger dans le Paradis de la Divine Comédie). Il écrit le Modèle:Latin (1269-1270) et les Modèle:Nobr rom-Modèle:VI et Modèle:XII contre les séculiers et les traités Modèle:Latin (1271) et Modèle:Latin (1270) contre l'averroïsme des maîtres de la faculté des arts<ref>Jean-Pierre Torrell, Initiation 1, Modèle:Op. cit., Modèle:P..</ref>.

Second enseignement italien, fondation du studium generale de Naples (1272-1273)

Après le long travail accompli à la fois pour l'enseignement et la rédaction de son œuvre, et les luttes continuelles qu'il dut mener au sein même de l'Université, Thomas est envoyé par ses supérieurs à Naples pour y organiser le studium generale des frères dominicains (fondé en 1269), destiné à la formation des jeunes frères dominicains de la province de Rome, et pour y enseigner en qualité de maître régent en théologie<ref>Jean-Pierre Torrell, Modèle:Nobr rom, Cerf, Modèle:Chap., Modèle:P. et suivantes.</ref>. Les raisons de ce rappel à Naples ne sont pas connues. On peut supposer que ce fut sur les instances du roi Modèle:Noble, le frère de Modèle:Noble. Quoi qu’il en soit, il est certain que ce fut malgré les supplications de l'Université de Paris<ref>Lettre de l'université de Paris du 2 mai 1274.</ref>. Thomas est à pied d'œuvre entre fin juin et Modèle:Date-. Il poursuit la rédaction de la troisième partie (Modèle:Latin, Modèle:Rom-maja) de la Somme théologique, à partir de la question 7 ; il rédige notamment les questions sur le Christ et les sacrements, qu'il n'achèvera jamais. Il y reprend son enseignement sur les épîtres de Paul (Épître aux Romains), le commentaire des Psaumes (1272-1273), et certains commentaires d'Aristote.

Sa dernière vision et sa fin (1273-1274)

Fichier:Couvent des Jacobins de Toulouse - Autel de St Thomas d'Aquin.jpg
Châsse contenant les restes de Thomas d'Aquin dans l'église des Jacobins, à Toulouse.

À partir du Modèle:Date-, après avoir eu une expérience spirituelle bouleversante pendant la messe<ref>Selon ses premiers biographes, notamment l'Ystoria sancti Thome de Aquino de Guillaume de Tocco qui date de 1323</ref>, il cesse d’écrire, parce que, dit-il, en comparaison de ce qu'il a compris du mystère de Dieu, tout ce qu'il a écrit lui paraît Modèle:Citation. Sa santé décline alors de manière rapide. Quasiment aphasique, il se rend néanmoins au concile de Lyon où il aurait été convoqué par le pape Modèle:Noble. Il meurt en chemin, le Modèle:Date-, âgé de 49 ans, au monastère cistercien de Fossanova<ref group="n">En 2017, six auteurs ont émis l'hypothèse que le théologien aurait souffert d'un accident vasculaire cérébral qui lui aurait été fatal : {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Philippe Charlier, Deo Saudamini, Donatella Lippi, Antonio Perciaccante, Otto Appenzeller, Raffaella Bianucci, « The cerebrovascular health of Thomas Aquinas », The Lancet, juillet 2017.</ref>. Il y reposera jusqu'à la translation de sa dépouille en 1369 à Toulouse, aux Jacobins, où il repose toujours aujourd'hui. On dit qu'il commentait le Cantique des Cantiques aux moines qui l'accompagnaient, sur son lit de mort. En recevant sa dernière communion, il dit<ref>Introduction à la Ire{{#if:partie| partie }} de la Somme théologique des éditions du Cerf, 2004, Marie-Joseph Nicolas, Modèle:P..</ref> :

Modèle:Début citationJe vous reçois, ô salut de mon âme. C'est par amour de vous que j'ai étudié, veillé des nuits entières et que je me suis épuisé ; c'est vous que j'ai prêché et enseigné. Jamais je n'ai dit un mot contre Vous. Je ne m'attache pas non plus obstinément à mon propre sens ; mais si jamais je me suis mal exprimé sur ce sacrement, je me soumets au jugement de la sainte Église romaine dans l'obéissance de laquelle je meurs.Modèle:Fin citation

La relique de sa main droite est conservée à Salerne, dans l'Modèle:Lien, la relique de son crâne est conservée et vénérée dans la cocathédrale Santa Maria Annunziata de Priverno tandis que l'une de ses côtes est vénérée dans la basilique-cathédrale d'Aquino. Dans sa cellule à la basilique San Domenico maggiore de Naples est conservé son humérus gauche.

La plupart des témoignages concordent pour le présenter comme un homme grand et fort. Son apparence devait être harmonieuse car, lorsqu'il passait dans la campagne, le bon peuple abandonnait ses travaux et se précipitait à sa rencontre, Modèle:Citation. Ses étudiants le présentèrent comme un homme soucieux de ne froisser personne par de mauvaises paroles, et très assidu au travail, se levant très tôt, bien avant les premiers offices, pour commencer à travailler. Sa piété se tournait surtout vers la célébration du sacrifice de la messe et vers l'image du Christ crucifié<ref>M. Morard, « Thomas d'Aquin, un homme de chair et d'os aussi », Sedes sapientiæ, Modèle:T., 1989, Modèle:P. et Jean-Pierre Torrell, Sources, Modèle:Vol. no 3, 1993, Modèle:P..</ref>.

Ses œuvres sont cataloguées dans un écrit de 1319, mais leur chronologie exacte repose sur une critique complexe des sources et des manuscrits ; elle est fixée maintenant pour l'essentiel, bien que certains points de détail restent encore discutés.

La condamnation de 1277

Dans les Modèle:Nobr condamnées par Étienne Tempier, évêque de Paris, le Modèle:Date-<ref>Voir le livre de D. Piché, ou une version en ligne des propositions condamnées sur En lengua romance en Antimodernism y de mis caminaciones : Index in stephani tempier condempnationes.</ref>, une quinzaine de propositions concernaient l’aristotélisme de Thomas d'Aquin amalgamé à l’averroïsme ; la condamnation portait donc sur le sens averroïste, et la formulation n'était pas toujours celle de saint Thomas qui se démarquait de l'averroïsme ; elles portaient sur l’éternité du monde, l’individuation et la localisation des substances séparées, la nature des opérations volontaires<ref>Bernard Plongeron (dir.), Histoire du diocèse de Paris, vol. 1.</ref>. Parallèlement, l'œuvre de Thomas d'Aquin fut condamnée le Modèle:Date par l'archevêque anglais Robert Kilwardby. Guillaume de La Mare, franciscain, publia vers 1279 un correctorium de frère Thomas, recensant Modèle:Nobr propositions trop audacieuses. Réhabilité par la suite, notamment sous l'influence grandissante de l'ordre dominicain, il est canonisé en 1323 par le pape Modèle:Noble. Néanmoins ses idées continuent à faire débat, y compris à l'intérieur de l'ordre dominicain où les chapitres généraux doivent maintes fois réitérer l'obligation de ne pas critiquer les thèses de Thomas d'Aquin.

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Thomas d'Aquin (à droite), saint Dominique et la Vierge Marie à l'enfant, de Fra Angelico, 1420, fresque, Modèle:Dunité, Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage.

Thomas en son temps

Le travail de contextualisation de Thomas d'Aquin et de sa pensée a commencé au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle grâce à Marie-Dominique Chenu dans L'introduction à l'étude de saint Thomas d'Aquin, puis repris à la fin des années 1990 par Jean-Pierre Torrell, dans son Initiation à saint Thomas d'Aquin et, à la suite de son enseignement, par l'École théologique de Fribourg. Thomas travaillait dans un contexte entièrement chrétien, avec sa propre foi dans le Dieu chrétien, et avec les fondamentaux admis de son temps, bien qu'avec une méthode d'inspiration aristotélicienne.

Thomas d'Aquin a écrit la majorité de son œuvre à l'Université parisienne au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, sous le règne de Modèle:Noble. La didactique universitaire reposait à l'époque sur trois piliers : l'explication des textes, les questions disputées et la prédication. Les disputes argumentées portent, les unes sur des questions précises choisies par le maître, et les autres, dites quodlibétiques, soit sur des sujets proposés par les étudiants, soit choisies au hasard<ref>Humbert de Romans, Opera de vita regulari, éd. Berthier, Modèle:T., Modèle:P. ; Le P. Mandonnet (Revue thomiste, Modèle:XXIII, 1928, Modèle:P. et suivantes) décrit de manière vivante cet exercice académique majeur de la période scolastique ; voir également P. Glorieux dans La littérature quodlibétique de 1260 à 1320, Bibliothèque thomiste 5 et 21, Paris, 1925 et 1935). Sur la structure des disputes, quodlibets et quæstiones, se reporter à Jean-Pierre Torrell, Initiation 1, Modèle:P..</ref>.

Caractère général de l'œuvre de Thomas d'Aquin

Une théologie

Thomas d'Aquin, un des premiers à distinguer la théologie naturelle (theologia naturalis) et la théologie révélée (sacra doctrina), est parti en quête d'une intelligence de la foi, par la raison naturelle, en s'appuyant notamment sur la philosophie d'Aristote. Cependant, certaines études contemporaines<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, Vrin, Modèle:P., surtout la note 26 de la page 419.</ref> ont rappelé que Thomas d'Aquin est avant tout théologien, et que sa philosophie s'insère dans un système théologique chrétien, qui prend en compte la création, l'existence de Dieu, la vie de la Grâce et la Rédemption.

Les rapports de la foi et de la raison

Modèle:Article détaillé Depuis la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, les objections de la critique rationaliste ont incité l'apologétique catholique à mettre en évidence certaines positions de Thomas d'Aquin concernant les rapports de la foi et de la raison. Thomas d'Aquin soutient en effet que la foi chrétienne n'est ni incompatible, ni contradictoire avec un exercice de la raison conforme à ses principes<ref>Michel Nodé-Langlois, Le vocabulaire de saint Thomas d'Aquin, Ellipses, Paris, 1999, Modèle:P..</ref>. Les vérités de la foi et celles de la raison peuvent être intégrées dans un système synthétique harmonieux, sans se contredire. À une époque où la philosophie commence à s'organiser en discipline autonome dans les écoles et les universités, il place les vérités transmises par la Sacra doctrina Modèle:Incise au-dessus de toutes les sciences, puisque la Révélation vient de Dieu, qui, par définition, ne peut ni se tromper ni nous tromper. Dans cette perspective théologique, Thomas d'Aquin pose comme principe le respect de l'ordre rationnel, créé et voulu par Dieu pour permettre à l'homme de connaître la vérité. Il distingue de ce fait raison naturelle et raison éclairée par la Révélation (Écriture et Tradition), théologie naturelle et théologie révélée<ref>Certains parleront du début de l'émancipation de la raison par rapport à la théologie, bien que pour Thomas elles soient intrinsèquement associées et ordonnées à la même fin. La question de l'existence d'une philosophie thomasienne, distincte de sa théologie a été soutenue par Étienne Gilson, mais cette thèse fait l'objet d'un débat qui concerne moins la pensée de Thomas d'Aquin que l'histoire du thomisme, Modèle:Cf. Étienne Gilson, Le thomisme, Vrin, 2000, voir introduction : « Le cadre doctrinal », Modèle:P..</ref>.

Philosophie réaliste

La connaissance intellectuelle humaine (cela ne vaut ni pour l'ange ni pour Dieu) est le fruit d'un processus cognitif d'abstraction qui conduit l'esprit humain de l'expérience sensible et matérielle à la connaissance immatérielle de l'intellect par la médiation de la connaissance sensible qu'il qualifie d'intentionnelle. Dans une objection du Modèle:Lang, il résume ce principe par l'adage scolastique Modèle:Lang (Modèle:Citation<ref group="n">Modèle:Citation étrangère (Thomas d'Aquin, De veritate, Questio 2, art. 3, argumentum 19. Sur la réception de cet adage hors de l'école thomiste, voir {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} J. Cranefeld, « On the Origin of the Phrase : Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu », Journal of the History of Medicine and Allied Sciences, Oxford, 1970, Modèle:XXV(1), Modèle:P. ; première page consultable Modèle:Lire en ligne.</ref>) dont il n'est pas l'auteur et qui n'intervient qu'une seule fois dans toute son œuvre. Ce qui est dans l'intelligence est donc abstrait des images fournies par les sens.

L'épistémologie de Thomas d'Aquin se différencie partiellement du courant néo-platonicien selon lequel les sens ne fournissent que des informations trompeuses, et où le corps est une prison pour l'âme. Elle relève davantage de la rencontre de la philosophie réaliste d'Aristote<ref>Émile Bréhier, Histoire de la philosophie, tome 1, PUF, 1989, le Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, chapitre VIII, Modèle:P. et suivantes.</ref> et de la conviction de foi dans l'origine divine et la bonté de la création matérielle. Les facultés sensibles de l'homme sont donc intrinsèquement bonnes, créées sans intention de tromper, pour lui permettre d'accéder à la connaissance du Vrai et du Bien.

Dieu connu par ses effets

À la suite de l'Apôtre Paul, Thomas établit que l'homme peut acquérir la connaissance de l'existence de Dieu à partir du monde et non à partir de la déduction de principes logiques ou abstraits. Il est tout à fait possible d'accéder à une certaine connaissance de Dieu — principalement son existence, son statut de cause première — sans Révélation, en observant le monde, par une connaissance indirecte et a posteriori. C'est le sens des voies dites cosmologiques qui conduisent à la connaissance de l'existence de Dieu à partir de l'observation de l'univers<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, chapitre : « L'existence de Dieu comme problème » et le cadre doctrinal, Paris, Vrin, 1997, Modèle:P. et Somme théologique, Prima pars (abrégée Modèle:Rom-maja), question 2, Modèle:Art..</ref>. Thomas d'Aquin proposera cinq voies qui conduisent à conclure, par l'exercice de la raison, à l'existence d'un être que tout le monde appelle Dieu : les Quinque viæ<ref name="mnl-28"/>. Elles reposent sur la distinction entre ce que Dieu est « pour nous » (quoad nos) (par exemple Dieu en tant que créateur du monde) et ce qu'Il est « en lui-même » (in se) — ce qui est impossible à connaître intégralement en ce monde, car, en raison de sa perfection suprême, Il est au-delà de ce que la créature peut connaître par elle-même. L'exercice de cette connaissance rationnelle reste souvent entravé par le péché, et doit donc être aidé et complété par la Révélation et par la grâce de la rédemption, moyennant lesquelles l'homme, créé capable de Dieu (capax Dei), est conduit à atteindre sa finalité ultime : contempler l'essence de Dieu face à face dans la Béatitude, c'est-à-dire après la mort pour les bienheureux<ref>Michel Nodé-Langlois, Le vocabulaire de saint Thomas d'Aquin, Ellipses, Paris, 1999, Modèle:P..</ref>.

La morale comme retour vers Dieu

La morale de Thomas d'Aquin est finaliste, parce qu'elle a en vue une fin suprême, et naturaliste, parce qu'elle repose sur une anthropologie de la nature humaine précise et réaliste. L'homme doit s'insérer dans l'ordre de l'Univers voulu par Dieu, c'est-à-dire faire ce pour quoi il a été créé : connaître et aimer Dieu. La morale, parce qu'elle porte sur l'être humain, en tant qu'être composé d'âme et de corps, doit intégrer dans son chemin toutes les inclinations sensibles, toutes les passions, tous les amours, afin que l'homme arrive à sa fin dans toute son intégrité : cette fin est le bonheur dans l'ordre naturel et la Béatitude dans l'ordre surnaturel. La vie morale consiste donc, pour chaque homme, à développer au plus haut point ses capacités et ses possibilités naturelles sous la conduite de la raison<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, Vrin, 1994, Modèle:P..</ref>, et de s'ouvrir à la vie surnaturelle offerte par Dieu.

Théologie et philosophie

Dieu est l'objet de tout le travail de Thomas d'Aquin. Selon Thomas, la philosophie étudie d'abord les êtres créés, pour s'élever ensuite à la connaissance de Dieu ; dans l'ordre de la théologie, au contraire, on commence par l'étude de Dieu, et c'est précisément cet ordre qui est suivi dans les Sommes. L'ordre de la théologie est ainsi spécifié dans la Somme de théologie : Modèle:Citation<ref>Somme théologique, Ia, qu. 1 : la doctrine sacrée.</ref>.

Philosophie et théologie diffèrent donc par l'objet premier de la connaissance humaine, et elles diffèreront aussi en conséquence par leur méthode : il y a un statut épistémologique propre à chacun de ces deux discours, ce qui pose la question de savoir si l'on aboutit dans les deux domaines à des vérités qui s'accordent ou non et de quelle manière.

La thèse de Thomas est que foi et raison ne peuvent se contredire car elles émanent toutes deux de Dieu ; la théologie et la philosophie ne peuvent donc pas parvenir à des vérités divergentes. C'est l'argument de la double vérité que l'on trouve dans la Somme contre les Gentils<ref>L'argument de la double vérité stipule que les vérités accessibles par la raison sont englobées dans les vérités supérieures de la Révélation, et qu'elles ne sont donc pas contradictoires : voir la Somme contre les Gentils, Modèle:Rom-maj, Modèle:VII.</ref> et dans la question 1 de la Somme théologique : comme la lumière de la raison et celle de la foi viennent toutes deux de Dieu, elles ne peuvent se contredire. Mieux encore, la foi se sert de la raison tout comme la grâce se sert de la nature, c’est-à-dire que les vérités de la raison naturelle (Modèle:Latin) servent à éclairer les articles de foi, parce qu'elles donnent des raisons de croire<ref name="a">Michel Nodé-Langlois, Le vocabulaire de saint Thomas d'Aquin, Ellipses, Paris, 1999, Modèle:P..</ref>.

Ainsi, il n'y a pas de rupture radicale entre la théologie et la philosophie (contrairement à Bonaventure de Bagnoregio, par exemple, qui dit que Modèle:Citation). Thomas d'Aquin rendra célèbre l'adage selon lequel Modèle:Citation (Modèle:Latin). En effet, en réfléchissant sur les conditions d'un usage cohérent des concepts et du langage, la philosophie permet à la théologie de rendre raison de manière fondée et rationnelle des vérités de foi qui sont, par définition, inaccessibles à la raison mais non contraires à celle-ci. Il y a donc collaboration hiérarchisée entre la servante et la maîtresse, toutes deux subordonnées à la science divine, mais chacune à son rang : la théologie comme science supérieure parce qu'elle tient directement ses principes de la Révélation et se sert des conclusions de toutes les autres sciences, tandis que la philosophie, dont les fins sont ordonnées à celle de la théologie, tient ses principes de la seule raison<ref>In I Sent. prœm. q. 1 a. 1 co. ; Somme théologique Ia, qu. 1, Modèle:Art. et voir le commentaire et l'interprétation philosophique de cet article par Jean-François Courtine, Suarez et le système de la métaphysique, PUF, Épiméthée ; cet article est présenté comme l'hypothèse d'un troisième terme entre la théologie naturelle et la théologie révélée : ces deux sciences ont leur fondement dans la science de Dieu et des Bienheureux, ce qui fonde l'évidence et la prééminence de ces deux sciences.</ref>.

Modèle:Latin et Révélation

Fichier:Vita d thomae aquinatis 1008738.jpg
Thomas d'Aquin convertit deux rabbins juifs, gravure O. van Veen, 1610, exemplaire de la bibliothèque Carnegie (Reims).

Dans la Somme contre les Gentils Modèle:Rom-maj, Modèle:II, Thomas d'Aquin clarifie le concept de raison naturelle (ratio naturalis) pour rendre compte de la foi chrétienne face aux objections de la raison, des hérésies et des philosophes, tant anciens que contemporains, juifs et musulmans. Il y fait appel à la Bible ou aux Pères dans les domaines de discussion proprement théologiques comme le mystère de l'être du Christ. Thomas d'Aquin expose dans un premier temps des arguments purement rationnels afin de montrer par la suite qu'ils coïncident avec la Bible.

En ce sens, la raison naturelle sert de terrain commun pour toute l'humanité et permet de prouver la cohérence entre les vérités révélées et les vérités de raison. Toutefois, la raison naturelle ne peut parvenir « par ses propres forces » à la compréhension totale des mystères révélés. En effet, la théologie dite naturelle<ref>C'est-à-dire la partie de la philosophie qui traite de Dieu / théologie qui est partie de la philosophie (Sum. theol. Ia q. 1 a 1 ad 2) ; Thomas n'utilise qu'une seule fois l'expression « theologia naturalis » (In Rom. 1, 25). Dans les deux cas il désigne un mode de connaissance par les forces de la raison naturelle, distinguée de la connaissance par révélation. Modèle:C.f. aussi Étienne Gilson, Le thomisme, VRIN, 2000, introduction et Révélation.</ref> est ascendante : elle va du bas (les créatures) vers le haut (Dieu) ; mais son développement est limité dans les cadres du « Modèle:Latin » (pour soi). Dieu ne sera pas vu en ce qu'Il est lui-même « Modèle:Latin », mais en ce qu'Il est pour nous ; par exemple, on ne peut savoir s'Il est créateur en Lui-même, mais à partir des créatures, on peut inférer qu'Il est créateur « pour nous ».

Au contraire la théologie fondée sur la Révélation est descendante dans la mesure où elle part du haut (les vérités reçues de Dieu) vers le bas (les créatures). La théologie n'est donc pas un discours déductif fondé sur la seule raison. Elle est par nature connaissance de et par la Modèle:Latin : l'Écriture sainte reçue dans la tradition de l'Église<ref>J.-P. Torrell, Sources 1, Modèle:P..</ref>.

Thomas d'Aquin emploie des termes précis pour clarifier cette distinction foi/raison et leurs communes interactions. Il appelle « révélable » (Modèle:Latin) les connaissances révélées accessibles à la raison naturelle (comme l'existence de Dieu, par exemple) et « révélé » (Modèle:Latin) ce qui ne peut être connu sans la Révélation (comme l'incarnation du Christ, par exemple)<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, introduction, sur le Révélatum et le Révélabile + Somme contre les Gentils, Modèle:Rom-maj, Modèle:IV et Modèle:V.</ref>.

Modèle:Citation bloc

Il existe un dernier mode de connaissance de Dieu qui se fait dans la Béatitude, c'est-à-dire dans un face-à-face avec l'essence divine.

Approfondissement des quatre sens de l’Écriture

Thomas d'Aquin est l'héritier du schéma explicatif dit « des quatre sens de l'Écriture » qui repose essentiellement sur une distinction entre le sens littéral et le sens spirituel ou allégorique des textes sacrés, diffusée dès l'Antiquité par les auteurs du Nouveau Testament. Thomas en affine l'explication théorique ou scolastique. Les choses signifiées par les mots de l'Écriture renvoient elles-mêmes à d'autres choses. C'est ainsi que l'herméneutique scripturaire<ref>Somme théologique, Ia, question 1, article 10.</ref> de Thomas d'Aquin expose le sens littéral ou historique comme étant le fondement des sens spirituels de l'Écriture : le sens allégorique, le sens tropologique et le sens anagogique.

Thomas d'Aquin a consacré toute une question disputée (disputatio) à ces sens de l'Écriture : Le Sens de l'écriture Sacrée - Modèle:Latin en 1266.

Dieu selon Thomas d'Aquin

Thomas d'Aquin est avant tout un théologien : son objet principal est de soulever un coin du voile métaphysique qui cache Dieu à notre existence humaine<ref>Étienne Gilson Le thomisme, éditions Vrin, 1997, Paris, fin de l'introduction (dernier paragraphe) Modèle:P..</ref>. Dieu est présent dans l'ensemble de l'œuvre de Thomas d'Aquin : en métaphysique (comme créateur, premier moteur Modèle:Etc.), en morale (en tant que principe et fin de l'homme), en théologie morale (en tant que dispensateur de l'Esprit Saint), etc. Dieu est identifié (et c'est novateur) à l'être (ens) et non plus au bonum (bien) comme chez Augustin d'Hippone par exemple. C'est une interprétation onto-théologique de Dieu qui repose sur l'analyse profonde du « Je suis Celui qui est » de l'Exode<ref>La Bible, Livre de l'Exode, Modèle:III, 3, 14. Selon les versions de la Bible, cette phrase (interprétable comme « Je suis le vrai Dieu, par opposition aux autres dieux ») est aussi traduite par « Je suis qui je suis » (refus de faire connaître son nom personnel), « Je suis qui je serai » (je suis là avec vous, de la manière que vous verrez). Réf. La Bible - Ancien Testament, Trad. œcuménique, 1985.</ref>. La méthode de la théologie développée par Thomas d'Aquin est une théologie dite négative, car elle progresse par mode de privation. La méthode sera ainsi la suivante : Dieu est infini parce qu'il n'est pas fini, il est bon parce qu'il n'est pas mauvais, etc.

L’existence de Dieu

Modèle:Article détaillé Alors qu'au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle en Europe, l'environnement est entièrement chrétien, que l'existence de Dieu repose sur la foi et que Thomas d'Aquin s'adresse à des théologiens, il entreprend de démontrer l'existence de Dieu selon cinq voies (Quinque viæ)<ref name="mnl-28"/>. Thomas d'Aquin ne cherche pas tant à prouver l'existence de Dieu qu'à trouver les conditions de possibilité qu'a l'homme pour remonter à Dieu par les forces de sa raison.

Selon Thomas, qui s'oppose à Bonaventure, l'existence de Dieu n'est pas une évidence<ref group="n">Thomas d'Aquin et Bonaventure, tous deux contemporains, tous deux docteurs de l'Église, n'ont absolument pas la même méthodologie. Thomas part du monde pour accéder à Dieu en ce qu'Il est pour nous, alors que Bonaventure part de Dieu pour analyser la façon dont il se manifeste : Emmanuel Falque, saint Bonaventure et l'entrée de Dieu en théologie, éditions VRIN, 2000 et l'article de la Somme théologique, Ire{{#if:partie| partie }}, question 2, article 1 : « l'existence de Dieu est-elle évidente par elle-même ? » où Thomas répond indirectement à Bonaventure.</ref> : ce n'est pas une idée innée que tout homme a en lui et que la simple réflexion fait découvrir (contrairement à l'argument ontologique que Descartes développera). Thomas d'Aquin est aristotélicien : nous n'avons pas de notion naturelle d'un être infini. Dieu n'est pas connaissable « en soi » ou en lui-même (Modèle:Latin), mais seulement « pour soi » (Modèle:Latin), c’est-à-dire qu'on ne peut connaître de Dieu que ce qu'Il est pour nous, non ce qu'il est en Lui-même. Contrairement à ceux qui pensent que Dieu est évident par Lui-même, Thomas d'Aquin fonde ce problème sur une méthode différente, car il va de l'existence à l'essence, et il pense qu'il faut se fonder sur des raisons de croire (les préambula fidei)<ref name="a" />.

Nous pouvons cependant connaître que Dieu est par la « lumière naturelle », c’est-à-dire par la raison. Nous ne sommes pas encore ici dans la véritable théologie ; que Dieu est, c'est ce que montre la philosophie naturelle. Thomas reprend ainsi cinq voies de raisonnement qui partent du réel existant pour démontrer les arguments rationnels de l'existence de Dieu. De plus, dans ces trois manières de connaître Dieu, il dit qu'on connaît plutôt le créé que l'incréé lui-même. Ainsi, par exemple, on ne saurait affirmer avec notre seule raison que Dieu est créateur en lui-même, mais qu'il est créateur par rapport à nous en tant que nous sommes créés.

La méthode pour remonter à Dieu par la raison se résume à trois points : par mode de causalité (il est la cause de ce monde), par mode de négation, c’est-à-dire en niant en lui ce qui est limite en nous (par exemple : Dieu n'est pas matériel, mortel, localisé, etc.), et par mode d'éminence, en affirmant qu'il existe en lui éminemment ce qui est qualitatif en nous (par exemple : Dieu est amour, intelligence, puissance). Modèle:Article connexe Thomas d'Aquin dit, dans sa Somme théologique, Ire{{#if:|  }} partie, question 2, article 3 : « Dieu existe-t-il ? », qu'il y a cinq voies (quinque viæ) pour prouver que Dieu existe :

  1. par le premier moteur<ref>L'origine de cette preuve remonte à Aristote : Physique, Modèle:VIII, 5, 311 et Métaphysique, Modèle:XII, 6, 1071 b, 3.</ref> (Modèle:Latin) : les choses sont constamment en mouvement, or il est nécessaire qu'il y ait une cause motrice à tout mouvement. Afin de ne pas remonter d'une cause motrice à une autre, il faut reconnaître l'existence d'un « Premier moteur non mû », c'est Dieu.
  2. par la causalité efficiente (Modèle:Latin) : nous observons un enchaînement de causes à effet dans la nature, or il est impossible de remonter de causes à causes à l'infini ; il faut nécessairement une cause première : c'est Dieu.
  3. par Modèle:Lien (Modèle:Latin) : il y a dans l'univers des choses nécessaires qui n'ont pas en elles-mêmes le fondement de leur nécessité. Il faut donc un Être par Lui-même nécessaire qui est Dieu.
  4. par Modèle:Lien (Modèle:Latin) : preuve reprise de Platon, qui a remarqué qu'il y a des perfections dans les choses (bien, beau, amour, etc.) mais à des degrés différents. Or il faut nécessairement qu'il y ait un Être qui possède ces perfections à un degré maximum, puisque dans la nature toutes les perfections sont limitées.
  5. par l'ordre du monde (Modèle:Latin) : on observe un ordre dans la nature, l'œil est ordonné à la vue, le poumon à la respiration, etc. Or à tout ordre il faut une intelligence qui le commande. Cette Intelligence ordinatrice est celle de Dieu.

Thomas d'Aquin n'avait aucunement pour but de prouver l'existence de Dieu ; il s'adressait en effet à des étudiants en théologie (c'est-à-dire des frères prêcheurs, des prêtres, etc.), pour lesquels cette existence était considérée comme acquise. L'intention de Thomas d'Aquin était plutôt de montrer que l'on pouvait accéder à Dieu au moyen de la raison naturelle, en partant de ce que l'on constate du monde<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, Vrin, 1997, « L'existence de Dieu comme problème ».</ref>. C'est pourquoi il ne propose pas de « preuves » au sens moderne et juridique, mais des « voies ».

Le Dieu unique, le Dieu Trine

Les questions 2 à 26 de la première partie de la Somme théologique concernent le Dieu unique, c’est-à-dire le Dieu des métaphysiciens. Nous y découvrons que Dieu existe (qu. 2), qu'Il est simple (qu. 3), infini (qu. 7-8), parfait (qu. 4-6) et immuable et éternel (qu. 9-10).

Premièrement, Il n'est pas corps : Dieu est le premier moteur immobile, or aucun corps ne meut à moins qu'il soit mû, donc Dieu n'est pas un corps<ref>Marie-Dominique Chenu, Saint Thomas d'Aquin et la Théologie, édition Vrin et Somme théologique, Modèle:Rom-maj, qu. 3, art. 1, resp.</ref>. Il ne peut être composé de matière et de forme, puisque la matière est en puissance et que Dieu est acte pur<ref>Somme théologique, Modèle:Rom-maj, qu. 3, art. 2, resp. ou Contra Gentiles Modèle:Rom-maj, 18.</ref>. Son existence inclut l'essence (« Dieu est identique à son être ») car l'acte d'exister ne demande que la cause d'existence, qui est par soi en Dieu<ref>Somme théologique, Modèle:Rom-maj, qu. 3, art. 4, resp.</ref>.

Les questions 27 à 43 de la première partie de la Somme théologique concernent le Dieu Trine et opèrent une distinction entre les Personnes (hypostases) divines.

La Trinité est le Dieu unique en trois personnes, le Père (qu. 33), le Fils qui est Verbe et Image du Père, (qu. 33-35) et le Saint-Esprit que l'on nomme par « Amour » et « Don » (qu. 36-38). Leurs relations sont étudiées de la question 39 à la question 43 de la Somme théologique. Il y a en Dieu deux processions : celle de la génération et celle de l'amour<ref>Somme théologique, Ia, qu. 27, art 5, concl.</ref>. Thomas d'Aquin, afin d'expliquer l'unité substantielle des trois Personnes divines, a recours à la notion de relation<ref>Somme théologique, Ia, qu. 28 : les relations divines.</ref>.

Le Dieu Trinitaire est le Dieu unique incompréhensible en lui-même. Le Dieu de la foi (Trinitaire) n'est absolument pas en contradiction avec le Dieu de la raison (Dieu unique).

En nous situant dans ce que Martin Heidegger appelait une onto-théologie (c’est-à-dire dans un schéma où Dieu est concept rationnel avant d'être le Dieu de la foi), Dieu rentre en philosophie avant d'entrer en théologie<ref>Martin Heidegger, « La constitution onto-théologique de la métaphysique » (1957) dans Modèle:Nobr rom, Gallimard.</ref>. Cependant d'autres commentateurs, comme Étienne Gilson, montrent que la métaphysico-théologie de Thomas d'Aquin échappe à cette critique onto-théologique d'Heidegger<ref>Étienne Gilson, l'être et l'essence, éditions Vrin, 2000, notamment le chapitre III et Johannes B. Lotz, Martin Heidegger et Thomas d'Aquin, PUF, 1975.</ref>.

« Que ton règne arrive »

On pourrait se poser la question : Le règne de Dieu a toujours existé, pourquoi donc demandons-nous son avènement ?
Il faut répondre : cette demande, Que votre règne arrive, peut s'entendre de trois manières.
  1. En premier lieu, le règne de Dieu, sous sa forme achevée, suppose la parfaite soumission de toutes choses à Dieu.
  2. En deuxième lieu, le règne des cieux désigne la gloire du paradis.
  3. Le troisième motif de demander à Dieu la venue de son règne, c'est que parfois le péché règne et triomphe en ce monde.
Par cette demande de la venue du règne de Dieu, nous parviendrons à la béatitude proclamée par le Seigneur : Bienheureux les doux (Mt 5. 4).
  1. En effet, [en premier lieu] l'homme, du fait qu'il désire voir Dieu reconnu comme Maître souverain de tout, ne se venge pas de l'injure subie, mais réserve ce soin à Dieu ; car, en se vengeant, il rechercherait son triomphe personnel et non la venue du règne de Dieu.
  2. [En deuxième lieu], si vous attendez ce règne de Dieu, c'est-à-dire la gloire du paradis, vous ne devez pas, perdant les biens de ce monde, vous laisser aller à l'inquiétude.
  3. De même, [selon le troisième motif] si vous demandez que règne en vous Dieu et son Christ, comme Jésus fut très doux, ainsi qu'il le dit lui-même (Mt 11. 29), vous devez, vous aussi, être doux et imiter les Hébreux dont saint Paul a dit : Ils acceptèrent joyeusement d'être dépouillés de leurs biens (He 10. 34)<ref>Explication du Notre Père, dans le Pater et l'Ave, Nouvelles éditions, Paris, 1967, Modèle:N°, Modèle:P..</ref>.

Le Christ

Thomas d'Aquin développe une réflexion christologique qui tente de mettre à jour l'intelligibilité de l'Incarnation et de la Rédemption opérée par le Christ. Ce point sera très disputé dans la théologie future, certains théologiens refusant de parler d'intelligibilité du mystère de l'Incarnation (kerygme)<ref>Otto Hermann Pesch, Thomas d'Aquin, Cerf, Cogitatio fidei, Paris, 1994, Modèle:Chap., Modèle:P. et suiv.</ref>. Le Christ est le Fils, c'est-à-dire la personne Trinitaire qui est Verbe. La Christologie de Thomas d'Aquin est développée dans la tertia pars de la Somme théologique en 90 questions (et 99 si l'on compte le supplément). Le prologue de la tertia pars commence ainsi : Modèle:Citation bloc

Thomas d'Aquin développe à propos du Christ ce que l'on a appelé les raisons de convenance<ref>Otto Hermann Pesch, Thomas d'Aquin, Cerf, Cogitatio fidei, Paris, 1994, Modèle:Chap., Modèle:P. et suiv.</ref> :

Le Dieu créateur : Sa Création

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Super libros de generatione et corruptione.

L’exitus reditus

Thomas d'Aquin considère la création comme une action transitive venant de Dieu, c’est-à-dire comme quelque chose émanant de lui, mais qui va retourner à Lui par un mouvement d’exitus reditus (sortie / retour)<ref>Marie-Dominique Chenu, Introduction à l'étude de saint Thomas d'Aquin, Modèle:Nobr rom.</ref>. La création est donc interprétée dans une dynamique métaphysique intrinsèque aux choses.

La Somme théologique commence ainsi<ref>Somme théologique, Ire{{#if:partie| partie }}, qu. 2, introduction.</ref> :

Modèle:Citation

Ainsi, Dieu, qui a créé le monde par pur amour, est le principe de toutes choses (en tant que créateur), mais aussi la fin de toutes choses (en tant que fin ultime : la béatitude), car il a imprimé aux créatures un mouvement vers lui. C'est ainsi qu'est organisée la Somme théologique, mais c'est aussi ainsi que toutes choses, tout être, tout acte, vont être situés et connus dans ce mouvement qui émane de Dieu et qui y retourne<ref group="n">À noter que la Somme contre les Gentils ne prend pas ce schéma d'exitus reditus.</ref>. Ce plan permettra de conduire le savoir rationnel jusqu'aux causes divines des choses, et leurs finalités elles aussi divines<ref>Otto Hermann Pesch, Thomas d'Aquin, Cerf, Cogitatio fidei, Paris, 1994, Modèle:Chap., Modèle:P..</ref>.

Les Esprits purs ou Anges
Fichier:Thomas von Aquin 17th century sculpture.jpeg
Statue de Thomas d'Aquin, Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Bratislava, Slovenské Národné Múseum.

Les Esprits purs ou anges sont le type de créature qui réalise en sa nature même le plus haut degré de perfection de toute la création. L'angélologie thomiste est extrêmement importante en volume et aux yeux de son auteur même. Elle comprend l'étude des anges, des démons, du maintien des uns et de la chute des autres, de leurs relations entre eux, et de leurs relations avec les êtres humains. L'angéologie thomiste porte sur de nombreuses questions dans la Somme théologique<ref>Somme théologique, Ia, (qu. 50-64) et autres ; sur l'angéologie de Thomas d'Aquin, on se reportera avec profit à Étienne Gilson, le thomisme.</ref>.

Quelques points importants :

  • l'existence des anges peut être démontrée<ref name="turmel-ia-50-1"/> ;
  • ils sont une substance uniquement spirituelle et incorporelle<ref name="turmel-ia-50-1"/> ;
  • chaque ange constitue à lui seul une espèce<ref>De spirit. creat. (Des créatures spirituelles), qu. I, art. 8 ad resp.</ref> ;
  • ils sont incorruptibles et immortels mais n'existent pas de toute éternité<ref>Étienne Gilson, Le Thomisme, éditions Vrin, 2000, {{#ifeq:partie | s | Modèle:Siècle | IIe{{#if:partie| partie }} }} : Les anges, Modèle:P. à 224 et Somme théologique, Ia, qu. 50, art. 5 et qu. 61, art. 2.</ref> ;
  • il y a une hiérarchie entre eux<ref>Étienne Gilson, le Thomisme, éditions Vrin, 2000, {{#ifeq:partie | s | Modèle:Siècle | IIe{{#if:partie| partie }} }} : « Les anges », Modèle:P. à 224 et Somme théologique, Ia, qu. 108 : « Hiérarchie et ordres angéliques ». Thomas d'Aquin se réfère sur ce point à Denys l'Aréopagite et sa hiérarchie angélique (De la hiérarchie céleste).</ref> ;
  • ils connaissent uniquement par intuition<ref>Étienne Gilson, le Thomisme, éditions Vrin, 2000, {{#ifeq:partie | s | Modèle:Siècle | IIe{{#if:partie| partie }} }} : « Les anges », Modèle:P. à 224 et Somme théologique, Ia, qu. 58 : « Le mode de connaissance angélique » et De Veritate, qu. Modèle:VIII, art. 10, ad resp.</ref>,<ref group="n">En effet, les anges n'ont pas accès directement aux réalités matérielles : ils n'abstraient pas leur connaissance du sensible et leur intelligence ne progresse donc pas par discursivité.</ref> ;
  • ils peuvent pécher (d'où la chute des démons)<ref>Somme théologique, Ia, qu. 63, art. 1.</ref> ;
  • ils peuvent se parler<ref>Somme théologique, Ia, qu. 107 : « Le langage des anges ».</ref> ;
  • les hommes peuvent être, par la Grâce, à égalité avec les plus hauts ordres angéliques<ref>Somme théologique, Ia, qu. 108, art. 8 : « Les hommes sont-ils élevés aux ordres angéliques ? »</ref> ;
  • les anges commandent tous les êtres corporels<ref>Somme théologique, Ia, qu. 110, art. 1, resp.</ref> ;
  • l'ange peut illuminer l'intelligence de l'homme<ref>Somme théologique, Ia, qu. 111, art. 1.</ref>, agir sur l'intelligence de l'homme<ref>Somme théologique, Ia, qu. 111, art. 3.</ref> et agir sur leurs sens<ref>Étienne Gilson, Le Thomisme, éditions Vrin, 2000, {{#ifeq:partie | s | Modèle:Siècle | IIe{{#if:partie| partie }} }} : « Les anges », Modèle:P. à 224 et Somme théologique, Ia, qu. 111, art. 4.</ref> ;
  • ils délivrent parfois aux hommes les messages de Dieu<ref>Contra Gentiles, Modèle:III, 80.</ref>.

Théorie de la connaissance

Thomas d'Aquin est considéré comme un philosophe réaliste. Il retient d'Aristote le fait que toute connaissance est d'abord sensible avant d'être dans l'intelligence<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, Vrin, 2000, Modèle:Chap., Modèle:P. et Modèle:Chap., Modèle:P. : « Connaissance et vérité ».</ref>. Une exposition de la théorie de la connaissance de Thomas d'Aquin se trouve dans la Somme théologique, Ire{{#if:partie| partie }}, de la question 84 à la question 89.

L'architecture de la Somme théologique expose successivement :

  1. comment l'âme connaît les réalités qui lui sont inférieures (la réalité sensible et perceptible) (qu. 84-88) ;
  2. comment l'âme se connaît elle-même (introspection) (qu. 87) ;
  3. comment elle connaît les réalités qui lui sont supérieures (Dieu et les anges).

La connaissance sensible

Modèle:Article connexe La question de la connaissance sensible repose sur le problème de connaître des réalités inférieures à l'esprit. L'homme est un être composé d'un corps et d'une âme qui connaît en puisant dans l'univers sensible. Les sens ne sont donc pas à renier puisque l'homme est un être corporel plongé dans un monde corporel : les sens lui permettent d'être relié à ce monde corporel. C'est surtout contre les platoniciens que Thomas d'Aquin veut réaffirmer, avec Aristote, l'origine sensible des idées.

Modèle:Citation bloc

L'intelligence connaît effectivement par les sens, mais selon le mode propre de l'intelligence : universellement, immatériellement et nécessairement : Modèle:Citation.

Modèle:Début citationAristote, lui, prit une voie intermédiaire. (…) Dans la mesure où il dépend des images, l’acte intellectuel est causé par le sens<ref>Somme théologique, Ire{{#if:partie| partie }}, qu. 84, article 5.</ref>.Modèle:Fin citation Thomas d'Aquin propose une interprétation du réalisme aristotélicien situé entre le platonisme et l'empirisme de Démocrite, où l'intelligence est un intellect agent qui actualise l'intelligence humaine à partir de perceptions sensibles, purement passives, car elles ne font que recevoir l'action d'un objet extérieur. La connaissance sensible délivre l'individuel ou le singulier : l'intellect agent généralise ensuite les perceptions sensibles en idée générale, c’est-à-dire en concept.

Thomas d'Aquin distingue dans sa théorie des facultés les sens internes et les sens externes :

  • les sens externes sont les cinq sens (vue, ouïe, odorat, toucher, goût) qui permettent à l'homme de faire l'expérience du monde matériel ;
  • les sens internes sont le sens commun (discernement et synthèse des sensations), la "fantaisie", l'imagination, l'estimative (perception dans ce que les sens lui montrent le caractère utile et utilisable) et la mémoire<ref>Somme théologique, Ia, qu. 78, art. 4.</ref>.
Fichier:Giovanni di Paolo St. Thomas Aquinas Confounding Averroës.JPG
Saint Thomas d'Aquin confond Averroès, par Giovanni di Paolo, 1445, Modèle:Dunité, Saint-Louis, Art museum.

La connaissance intellectuelle

Modèle:Article connexe L'intelligence est une puissance de l'âme qui met en rapport cette dernière avec l'être universel. En effet, l'intellect n'est pas la réalité tout entière, il est donc en puissance par rapport à elle. Et comme l'intellect est en puissance par rapport à la réalité, il est passif par rapport à la réalité<ref>Pierre Rousselot, L'intellectualisme de saint Thomas, Bibliothèque des archives de philosophie, Modèle:3e édition et Somme théologique, Ia, qu. 79, art. 2, Modèle:Latin.</ref>. L'intellect n'est rien mais peut tout devenir en ce qu'il reçoit, par le moyen des sens, l'impression de la réalité : il est donc passif (intellect passif)<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, Vrin, 2000, Modèle:Chap., Modèle:P. et Modèle:Chap., Modèle:P. : Connaissance et vérité : Modèle:Citation.</ref>.

Le sens cause l'acte de la connaissance sensible par le mode de l'image. Mais c'est par l'action de l'intellect agent que cette connaissance sensible se transforme en connaissance intellectuelle<ref>Somme théologique, Ia, qu. 84, art. 6, resp.</ref>. Quelle est la modalité de cette action de l'intellect ? C'est l'abstraction<ref>Pierre Rousselot, L'intellectualisme de saint Thomas, Bibliothèque des archives de philosophie, Modèle:3e, notamment les pages 92, 93, 103, 104 et Étienne Gilson, Le thomisme, Vrin, 2000, Modèle:Nobr rom, Modèle:P., 284.</ref>.

L'homme ne connaît, tout d'abord, que par les sens. La faculté de connaître le sensible, de qui tient la connaissance sensible, ne connaît que les singularités : on ne connaît par la sensibilité que cette pomme-là, ce chien-là, etc. :Modèle:Début citationToute puissance sensible ne connaît que les êtres particuliers.Modèle:Fin citation

Thomas distingue l’intellect humain de l'intellect d'intuition des anges. Les Esprits purs (les anges), du fait qu'ils ne sont pas reliés à un corps, ne connaissent les êtres que dans leur forme immatérielle, ou, dira Thomas d'Aquin, par intuition, c’est-à-dire sans passer par le mode sensible. Modèle:Début citationIl y a une autre faculté de connaître qui n’est pas l’acte d’un organe et n’est unie en aucune manière à la matière corporelle : c’est l’intellect angélique.Modèle:Fin citation

L’intellect humain connaît la forme à partir de l'image sensible fournie par les sens : elle abstrait une forme individuée dans une matière corporelle ; elle abstrait par exemple l'idée d'homme de tel homme en particulier. L'intelligence connaît la nature des choses en abstrayant les singularités d'une chose en particulier. L'idée se forme en abstrayant de l'intelligible dans les données de l'expérience sensible ; c'est exactement le sens de ce passage : Modèle:Citation. Il serait également possible de parler « d'extraction ». Nous comprenons maintenant pourquoi la connaissance intellectuelle est dite abstraite. Mais il existe plusieurs niveaux d'abstraction, selon que l'intelligence abstrait plus ou moins du singulier dans une chose. Modèle:Début citationOr, connaître ce qui existe dans une matière individuelle, mais non en tant qu’elle existe dans telle matière, c’est abstraire de la matière individuelle la forme que représentent les images. Et c’est pourquoi on doit dire que notre intelligence connaît les réalités matérielles en les abstrayant des images.Modèle:Fin citation

L’objet de l'intelligence est la réalité de façon intentionnelle. Dans l'ordre de la connaissance, les facultés sensibles extraient une image sensible d'une matière et la fournissent à l'intelligence, plus précisément à l'intellect passif<ref>Somme théologique, Ia, qu. 79, art. 2, resp.</ref>. L'intellect agent est cet acte qui extrait la forme de l'image sensible<ref>Jean Daujat, Y a-t-il une vérité ?, éditions Téqui, chapitre sur la connaissance intellectuelle et Somme théologique, Ia, qu. 79, art. 3 et 4.</ref> : c'est cette faculté qui procède par abstraction. Thomas d'Aquin affirme qu'Modèle:Citation<ref>Somme théologique, Ia, qu. 85, art. 2, Modèle:Latin.</ref>. Modèle:Pas clair

Le problème de l'unité de l'intellect

Modèle:Article connexe Thomas d'Aquin consacre de nombreuses pages à la question de l'unité de l'intellect, notamment contre les conceptions d'Averroès<ref>Modèle:Latin (De l'unité de l'intellect contre les averroïstes), Paris, 1270, Trad. fr. par Alain de Libera, Contre Averroès, Garnier-Flammarion, Modèle:2e éd. 1997.</ref>. Thomas d'Aquin développe sa théorie de la connaissance intellectuelle à partir des ouvrages d'Aristote (notamment du De anima). Thomas d'Aquin y a eu accès par les commentaires d'auteurs musulmans, notamment Averroès. Thomas rend hommage à certains de ces commentaires, mais mentionne aussi ce qui lui paraît inexact en expliquant pourquoi. Il critique notamment la théorie attribuée à Averroès de l'intellect humain conçu comme entité séparée et commune à tous les hommes. Modèle:Citation bloc

L'intellect actif et l'intellect agent ne sont pas, comme le pense Averroès, dans deux sujets distincts mais dans une seule substance individuelle<ref>Contre Averroès, où Thomas d'Aquin expose l'unité substantielle de l'être humain contre les interprétations d'Aristote faites par Averroès. Voir aussi Somme théologique, Ia, qu. 79, art. 5.</ref>. Alors l'intellect humain est sous différents rapports en acte et en puissance par rapport à la réalité<ref>Somme théologique, Ia, qu. 79, les puissances de l'âme (voir également la différence intellect passif, actif).</ref>.

Les degrés d'abstraction

Suivant le degré selon lequel l'intellect abstrait des images sensibles des formes intelligibles, l'essence de la chose (res) s'en retrouve plus ou moins éloignée de ses qualités sensibles premières. Par le procédé d'abstraction, l'intelligence explore à diverses profondeurs ou zones d'intelligibilité la chose même. Il est possible d'en distinguer trois<ref>Olivier Boulnois, La métaphysique selon saint Thomas d'Aquin, dans le collectif Thomas d'Aquin, Cerf, Paris, 2010, p. 56 à 64, et Somme théologique, qu. 85, art. 1 : « Notre intellect opère-t-il en abstrayant des images les espèces intelligibles ? »</ref> :

  1. Laissant de côté les caractères singuliers de la chose, on découvre les natures et les lois universelles de cette chose. On trouve à ce degré les sciences expérimentales telles que la physique ou la biologie. Ces sciences découvrent la forme de la chose dans ses caractères sensibles mêmes ;
  2. Laissant de côté les propriétés physiques et sensibles de la chose, on ne considère plus que l'accident quantité ; on retrouve à ce degré la mathématique, qui ne s'occupe que des relations quantitatives dans la nature même de la chose, ou dans ses relations avec les autres choses ;
  3. Laissant de côté les quantités et les propriétés physiques des choses, on est dans la métaphysique, qui est donc la science la plus abstraite en ce qu'elle ne s'occupe que de l'être de la chose en tant qu'être, c’est-à-dire qu'elle traite de l'ontologie. C'est donc par là même qu'elle est la science la plus « universelle » et la plus « abstraite ».

La métaphysique

À côté de sa théologie, Thomas d'Aquin propose un discours proprement philosophique sur la réalité<ref>Pour une présentation moderne et avec les problématiques contemporaines de la métaphysique et de la théologie de Thomas d'Aquin, voir J.B. Lotz, Martin Heidegger et Thomas d'Aquin, PUF, Paris, 1988, p. 36 et suivantes.</ref>. La métaphysique thomasienne se situe dans une dynamique qui la détermine de l'ontologie jusqu'à la théologie (qui en est donc en quelque sorte le couronnement), en suivant le mouvement intrinsèque de l'Modèle:Latin. Les étant, en tant que créés, participent de ce mouvement vers Dieu, qui constitue à la fois leur cause première et leur fin dernière<ref>Olivier Boulnois, La métaphysique selon saint Thomas d'Aquin, dans le collectif Thomas d'Aquin, Cerf, Paris, 2010, p. 42 et suiv.</ref>. Prise donc de part en part par la théologie, l'ontologie thomasienne ne peut ni ne doit se comprendre indépendamment de la théologie et des vérités révélées : notamment que tout être est créé, qu'il y a un univers visible (celui des hommes) et un univers invisible (celui des anges), que tout a commencé et que toute forme d'être actuelle prendra fin comme telle.

L'analogie de l'être

L'analogie de l'être est le concept clef de toute la métaphysique thomasienne, car il rend compte de l'unicité du réel tout en maintenant sa multiplicité, et il lui imprime un mouvement dynamique et hiérarchique vers Dieu, terme vers lequel tout étant tend et s'ordonne.

Ce concept s'impose à Thomas d'Aquin lorsqu'il cherche à nommer Dieu à la question 13 de la Somme théologique. L'être en tant qu'être n'est ni univoque, ni équivoque, il est analogue (en tant qu'analogie de proportionnalité) :

  1. L'être en tant qu'être n'est pas univoque, c'est-à-dire qu'il n'est pas exactement le même dans toutes les choses : par exemple, l'être d'une tasse n'est pas exactement le même être que celui d'un livre ; ou encore l'être de la substance, qui subsiste par lui-même, n'est pas le même que l'être de l'accident, qui a besoin d'une substance pour subsister. Thomas d'Aquin dirait que l'être n'est pas différencié par des différences extrinsèques : l'être contient en lui toutes les déterminations particulières ;
  2. L'être en tant qu'être n'est pas non plus équivoque, c'est-à-dire qu'il n'est pas exactement différent dans toutes les choses. Toutes les choses sont : l'être est donc d'un certain point de vue semblable dans toutes les choses : il est véritablement commun à toutes les choses.

L'être ne se réalise pas de la même façon dans toutes les choses, tout en étant le même. C'est donc, conclut Thomas d'Aquin, qu'il se réalise à des degrés divers dans les choses, en se proportionnant à la diversité de ces degrés. Il se hiérarchise intrinsèquement dans toutes les choses selon qu'elles se rapprochent plus ou moins de l'Être en plénitude, Dieu, car toute hiérarchie implique une relation ou une référence à quelque chose d'unique<ref>Somme contre les Gentils, I, XXXIV.</ref>. Cette hiérarchie ontologique est une « analogie de proportionnalité ». Tous les êtres font référence à quelque chose d'unique, Dieu<ref>Sur l'analogie de l'être, voir notamment Modèle:Latin, qu. 10, art. 4.</ref>.

La théorie de l'analogie de l'être pose problème aux commentateurs de Thomas d'Aquin en raison des points de vue divers à partir desquels Thomas aborde le sujet, toujours de biais et par occasion, au fil de son œuvre. L'étude de synthèse disponible la plus complète actuellement sur la question, en raison de sa lecture historique du développement de la pensée thomasienne sur la question, est celle de Bernard Montagnes<ref>B. Montagnes, La doctrine de l’analogie de l’être d’après saint Thomas d’Aquin, Paris, Vrin, 1963, rééd. 2008 (version originale : {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Pdf Modèle:Lire en ligne).</ref>. Deux écoles s'affrontent de manière irréductible, celle de S. Thomas<ref>Voir, entre autres textes : Somme théologique, Ia, qu. 13 et de potentia qu. 10, art. 4 et De Veritate q. 2, a. 1.</ref> et celle de Cajetan<ref>Voir, entre autres textes, Cajetan, De nominum analogia, cap. II : Modèle:Citation étrangère.</ref>. Elles Modèle:Citation<ref>B. Montagnes, La doctrine de l’analogie de l’être d’après saint Thomas d’Aquin, Paris, Vrin, 1963, rééd. 2008, conclusion.</ref>. Deux voies se présentent qui chacune détermine une métaphysique particulière : selon une première approche, l'analogie tend à réduire le multiple à l'un par voie conceptuelle, au risque de confondre l'être avec son concept ; selon l'autre approche, l'analogie tend à mettre en évidence les rapports de causalité qui relient les êtres à la Cause première et tend à dissoudre l'être participé dans l'acte premier dont il est participe.

La nature humaine

L'homme est aux confins de deux natures : la nature spirituelle (en tant qu'il a un esprit) et la nature matérielle (en tant qu'il a un corps)<ref name="scg-iii-cxvii"/>. Thomas d'Aquin garde les deux définitions d'Aristote sur l'homme : il est par nature un Modèle:Citation<ref name="scg-iii-cxvii"/> (Aristote l'explique dans le premier livre de La Politique) et il est un animal raisonnable.

Statut de la créature raisonnable dans la création

Parmi la création tout entière, l'homme est considéré comme une créature raisonnable à laquelle est imprimée intrinsèquement la fin dernière de remonter à Dieu (en vertu de la dynamique métaphysique de l'Modèle:Latin) jusqu'à la béatitude ; de plus, Modèle:Citation<ref>Contra Gentiles, Modèle:Rom-maj. Modèle:III, cap. 1.</ref>, ce qui le rend capable de se diriger librement vers les fins qui lui semblent les meilleures et d'utiliser les moyens qui lui semblent les plus appropriés. Être autonome, c'est se donner des lois (autos-nomos en grec). Ainsi l'homme doit se dicter des lois à lui-même, mais ces lois se situent à un niveau comportemental : ce sont des lois qui doivent permettre d'utiliser les bons moyens pour arriver à une bonne fin et qui doivent respecter les lois que Dieu a révélées. Cette thèse est appelée Modèle:Citation<ref>Somme contre les Gentils, Modèle:III, Modèle:CXXI.</ref>.

On conçoit dès lors très rapidement deux des statuts du bien pour l'homme : le bien caractérise ce qui est le mieux adapté à la réalisation d'une fin et la pertinence de cette fin par rapport à la nature humaine. La créature raisonnable qu'est l'homme existe avec ses responsabilités dans une nature ordonnée par une Intelligence supérieure : c'est dire qu'il s'agit alors pour l'homme de se maintenir dans l'ordre naturel des choses, et que la question principale de la morale se résume à adapter ses actes et ses fins à cet ordre : la moralité est en quelque sorte un prolongement de la création<ref>Étienne Gilson, Textes sur la morale, Vrin, 1998, Paris, Modèle:P..</ref>.

L'âme et le corps

L'axiome principal qui va normer tout le sujet est le suivant : si Dieu a donné un corps à l'être humain, c'est que c'est forcément bon pour ce dernier et qu'il est fait pour être utilisé. Il n'y a aucune dualité en l'homme selon Thomas d'Aquin : l'âme et le corps constituent un seul être. En effet, si l'âme et le corps sont deux principes ou deux réalités différentes, ils ne sauraient exercer la même activité Modèle:Citation. Or lorsque l'homme agit, il agit de tout son être, son acte est un<ref>Somme contre les Gentils, Modèle:II, Modèle:LVII.</ref>. L'âme est donc la forme (selon la terminologie d'Aristote) de l'homme, et le corps sa matière<ref group="n">En gardant à l'esprit que matière et forme sont employés dans leurs sens aristotélicien, voire plutôt scolastique (reportez-vous au court chapitre sur les termes scolastiques). Modèle:Cf. Somme contre les Gentils, Modèle:II, Modèle:LXXII.</ref>. C'est la logique de l'hylémorphisme aristotélicien : l'âme est la seule forme du composé humain auquel elle donne d'être un corps vivant et sensible<ref>Louis-Bertrand Geiger, Penser avec Thomas d'Aquin, CERF, 1997, Modèle:P. et suivantes.</ref>.

Ce fut un des grands travaux de Thomas d'Aquin d'avoir dépassé la conception néo-platonicienne de l'âme enfermée dans un corps en appliquant l'hylémorphisme aristotélicien à une conception chrétienne de l'homme. La substance même de l'homme se trouve ainsi pleinement dans le monde des êtres matériels : l'homme n'a plus un corps, mais Modèle:Citation<ref>L'âme est ainsi vue comme un principe de vie (comme chez Aristote, plutôt que comme une substance à part entière, différente du corps ; sur ce point, voir Étienne Gilson, Le thomisme, Vrin, 2000, Modèle:P. et Somme théologique, Ia, qu. 76 : l'union de l'âme au corps.</ref>. La forme du corps, c'est-à-dire l'âme, est le principe vital de l'homme, ce qui lui donne la nature d'homme. Le corps est la matière, il donne à l'homme ses caractéristiques singulières : le corps est donc principe d'individuation, ce qui fait qu'un homme est tel homme, et non un autre. L'hylémorphisme est cette conception d'une substance en tant que « composé » de matière et de forme. L'homme est donc une unité substantielle ou ontologique. Ainsi quand l'homme pense, c'est tout le composé corps/âme qui pense en même temps, de même lorsqu'il agit, ou fait une activité sportive. Thomas d'Aquin aborde donc avec les outils philosophiques d'Aristote la problématique psychosomatique (des interactions âme/corps). Remarquons qu'il en est de même pour la connaissance intellectuelle qui commence par les sens, et nécessite donc le corps.

Il est possible de distinguer trois parties dans l'âme, qui reste cependant une<ref>Somme théologique, Ia, qu. 76, art. 3.</ref> :

  1. l'âme végétative, principe des besoins naturels et vitaux de l'Homme ;
  2. l'âme sensitive, principe de passivité de la sensation et siège des passions<ref>Reprise d'Aristote ; voir Somme contre les Gentils, Modèle:II, Modèle:LVII.</ref> ;
  3. l'âme intellectuelle, forme substantielle de l'homme, en tant qu'il est un être raisonnable<ref>Reprise d'Aristote : De anima, Modèle:Rom-maj et Éthique à Nicomaque, Modèle:Rom-maj ; voir Somme contre les Gentils, Modèle:IV, Modèle:LXXXVI.</ref>.

Les actes humains

On retrouve une description précise des actes humains dans la Prima secundæ (Ia, IIae) de la Somme théologique. C'est un axiome de Thomas d'Aquin que d'affirmer que Modèle:Citation<ref>Somme théologique, Ia IIae, Qu. 1, art. 1 et Étienne Gilson, Le thomisme, {{#ifeq:partie | s | Modèle:Siècle | IIIe{{#if:partie| partie }} }}, Modèle:Chap., Modèle:P..</ref>. Mais le fait qu'un acte soit volontaire ne prouve pas qu'il soit libre. Un acte est dit véritablement libre lorsqu'il naît d'un principe intérieur. Le sujet libre est cause de son acte. Le mot volontaire Modèle:Citation<ref name="scg-ia-iiae-6-1"/>. L'inclinaison oriente le désir vers une fin qui est le bien. Cette fin doit lui être connue par la raison : Modèle:Citation<ref name="scg-ia-iiae-6-1"/>,<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, {{#ifeq:partie | s | Modèle:Siècle | IIIe{{#if:partie| partie }} }}, Modèle:Chap. « La structure de l'acte humain », Modèle:P..</ref>. La volonté doit consentir. La volonté est libre vis-à-vis des biens intermédiaires et ne recherche véritablement que le Bien final<ref>Michel Nodé-Langlois, Le vocabulaire de saint Thomas d'Aquin, Ellipses, Paris, 1999, Modèle:P..</ref>. Mais elle est véritablement libre parce qu'elle se meut elle-même à vouloir vers sa fin et qu'elle demeure libre de s'en détourner. Seule cette liberté de la volonté rend l'homme responsable de ses choix et donc responsable du péché qu'il commet.

Les passions

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Saint Thomas d'Aquin en extase dans sa bibliothèque avec deux anges, Jacopo Vignali, Musée des Beaux-Arts de Brest.

L'étude des passions est fondamentale : l'homme est un être mû par ses passions, en tant qu'il est unité d'âme et de corps. La passion est un pâtir (en latin Modèle:Latin), issu de l'extérieur, par différentes modalités, qui vient modifier l'appétit sensible. On ne peut choisir de ressentir ou non la passion, car ce pâtir n'appartient pas à l'homme en propre, mais seulement en tant qu'animal ; n'étant pas humaines en propre, elles ne font pas partie de la sphère morale, puisque cette sphère ne régit que les actes volontaires libres, qui appartiennent en propre à l'homme. L'âme et le corps s'éprouvent constamment l'un l'autre : ainsi lorsque le corps éprouve l'âme, il s'agit d'une « passion corporelle » et lorsque l'âme éprouve le corps, il s'agit d'une « passion animale » (puisque provoquée par l'âme, anima). Ainsi la passion est une modification de l'âme qui provient du corps<ref>De veritate, qu. 26, art. 2, ad resp.</ref>. Les passions sont provoquées, se développent et se produisent dans le composé humain : l'étude des passions repose donc sur une anthropologie hylémorphique. Elles se situent dans ce que Thomas d'Aquin appelle l'appétit sensible, qui provoque le mouvement vers un objet qui intéresse le corps<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, éditions Vrin, 2000, Modèle:P. et Somme théologique, Ia, IIae, qu. 22, art. 2 et 3.</ref>.

Thomas d'Aquin distingue différents types d'appétits desquels vont naître les passions<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu. 26, art. 1.</ref> :

  • L'appétit naturel qui est mouvement d'un être vers ce qui l'intéresse en raison de sa nature propre ; le sujet se déplace vers tel objet parce qu'il en a ontologiquement besoin de par sa nature même, en raison d'une certaine connaturalité entre l'objet et le sujet ;
  • L'appétit sensible est déclenché par les sens en tant qu'ils perçoivent quelque chose de délectable ou de nécessaire en propre (la nourriture, par exemple) ou en raison de l'espèce (la génération, par exemple) ;
  • L'appétit intellectuel, propre à l'homme, lié à la raison et nommé « volonté ». Le propre de la volonté est d'être libre de vouloir ou de ne pas vouloir, de vouloir ceci ou cela<ref>De Malo, q. 6.</ref>.

L'amour est principe fondamental des passions en tant qu'il permet le dynamisme premier entre un sujet et son objet, et réveille l'appétit, le mouvement proprement dit du sujet vers son objet. Il est principe du mouvement, et non le mouvement lui-même<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu. 26, art. 2 et voir le commentaire du cardinal Cajetan dans son Commentaire de la Somme théologique de cet article précis de la Somme théologique : pour le trouver, voir les éditions de la Commission léonine.</ref>.

La science morale se donne pour but d'amener l'homme tout entier (animalité comprise) à une vie bonne : elle doit donc non pas repousser les passions, mais les intégrer dans les actes volontaires et en faire un usage bon, car c'est l'usage que l'on fait de la passion qui la rend bonne ou mauvaise ; elle n'est elle-même que moralement neutre. Mais ce qui importe, c'est que la présence ou l'absence et le degré d'éloignement du bien recherché va influer grandement sur la sensibilité entière de l'être humain, et donc avoir d'importantes répercussions au plan physiologique et psychologique.

Dans l'ordre des passions, on peut effectuer une distinction entre les passions de l'irascible (irascibilis) et les passions du concupiscible (concupiscibilis)<ref>Étienne Gilson, Le Thomisme, éditions Vrin, 2000, Modèle:P. sur le concupiscible et l'irascible : Modèle:Citation et Somme théologique, Ia IIae, Qu. 23, art. 1.</ref>. La première est un mouvement qui évite ou détruit les obstacles vers le bien, la deuxième est le mouvement qui va aller vers le bien en question ou le fuir.

La morale : l'homme et sa finalité

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Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, Francisco de Zurbarán, 1631, Modèle:Dunité. Séville, Musée provincial des beaux-arts.

La nature dans sa totalité est entièrement tournée vers Dieu comme son principe, son fondement et sa fin dernière, et la Révélation identifie Dieu comme étant le Bien absolu ; l'être humain n'échappe pas à cet état de fait et toute réflexion morale doit s'inscrire dans cette dynamique métaphysique, car l'on trouve chez Thomas d'Aquin une continuité parfaite entre la morale et la métaphysique.

La créature raisonnable qu'est l'homme dans le monde, en tant que système de choses, est prise dans cette dynamique qui part de Dieu comme en son principe et qui y retourne de façon rationnelle<ref>Somme théologique, Ia, qu. 44, art. 4.</ref> : c'est le mouvement de l'Modèle:Latin où l'homme provient de son Créateur et y retourne au moyen d'actes ordonnés à sa propre nature<ref>Somme théologique, Ia, prologue de la question 2.</ref>.

Dieu imprime donc une direction aux choses en les créant, et la direction imprimée à la créature raisonnable est de retourner à Dieu au moyen de ses actions qu'elle choisit elle-même librement<ref>Qu. De veritate, qu. 13, art. 1 et 2.</ref>. C'est le choix de ces moyens corrélatifs à cette fin ultime qui constitue le propre de la science morale.

Thomas d'Aquin conceptualise sa vision optimiste de l'homme et du monde pour faire germer au cœur de la vie morale la possibilité naturelle d'accéder au bonheur, c’est-à-dire sans le secours surnaturel de la Grâce, bien que ce ne soit pas sans ce secours que l'homme peut accéder à un bonheur parfait en ce monde.

Ainsi, comme il y a une destinée surnaturelle de l'homme, il y a aussi une destinée naturelle : cette destinée est le bonheur, et il consiste à bien agir, c'est-à-dire à agir selon sa nature propre, à se maintenir dans l'ordre naturel des choses, ordre qui ne peut qu'être bon puisqu'il est créé directement par Dieu.

C'est donc le rejet de toute artificialité, qu'elle soit individuelle ou collective, et une question d'adaptation de l'homme à lui-même et au monde qui l'entoure : ce n'est que dans cette optique que l'homme fera bien, car il ne tentera pas de se soustraire au gouvernement divin, mais bien plutôt de s'y adapter.

La vertu

Tout agissement humain repose sur des dispositions de l'âme que l'on appelle vertu. La vertu est un avoir (habitus)<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, éditions Vrin, 2000, Modèle:P. et Somme théologique, Ia, IIae, qu. 55, art. 1.</ref> acquis et possédé durablement dans l'âme qui Modèle:Citation<ref name="scg-iii-cxli"/> et grâce auquel il atteint le bonheur et aide à l'adéquation raisonnable entre les fins et la nature humaine. C'est donc un « principe intérieur » des actes humains. Étant donné que les vertus sont indispensables pour le bon développement de la vie morale, et donc des biens qui va en découler, il est nécessaire de les inclure dans cette étude sur le bien de l'homme. D'autant plus que la vertu est définie comme étant une bonne disposition de l'âme et comme ce qui rend bon : Modèle:Citation<ref>Somme théologique, Ia IIae, qu. 55, art. 4, concl. Voir aussi le commentaire de cet article du cardinal Cajetan.</ref>, car la vertu est ce qui oriente durablement l'âme vers le bien<ref>Étienne Gilson, textes sur la morale, Vrin, éd. 1998, Paris, Modèle:P. et suivantes et Somme théologique, Ia, IIae, qu. 55, art. 3.</ref>.

Thomas d'Aquin distingue :

  • les vertus appétitives ou morales, qui sont dans la partie sensible (ou irrationnelle) de l'âme ;
  • les vertus intellectuelles, qui sont dans l'intellect, soit spéculatif, soit pratique<ref>Étienne Gilson, Textes sur la morale de Thomas d'Aquin, Vrin, éd. 1998, Paris, Modèle:P. et Somme théologique, Ia IIae, qu. 56, art. 3, concl.</ref> ;
  • les vertus théologales, ou les dons du Saint-Esprit.

La vertu morale maintient l'homme qui les possède dans le juste milieu entre différents états qui tiennent de sa sensibilité ; par exemple le courage est l'état de l'homme qui n'est ni lâche, ni téméraire<ref>Commentaire de l'Éthique à Nicomaque, II, leçon 2, # 264.</ref>. Or ce milieu est celui qui convient à l'être humain : il est ainsi à sa place, ni dans un agir par défaut (lâcheté), ni dans un agir par excès (témérité), mais dans un agir proprement humain car raisonné par une vertu qu'Aristote et Thomas d'Aquin nomment tempérance (c'est une vertu cardinale Modèle:Incise. Ainsi les vertus morales ne peuvent se passer des vertus intellectuelles<ref>Étienne Gilson, Le Thomisme, Vrin, 2000, Paris, Modèle:P. : « Les vertus, le bien et le mal » et Somme théologique, Ia, IIae, qu. 58, art. 2.</ref>. Ainsi, l'agir vertueux est celui qui ordonne au bien parce qu'il est l'agir qui correspond le mieux à la forme substantielle de l'homme qui est d'être une créature raisonnable. Le problème proprement moral de la distance entre l'homme et sa nature humaine trouve sa solution (à mettre en pratique) dans la vertu : c'est en agissant vertueusement que l'homme agit en homme, et agit donc bien.

Parmi les vertus intellectuelles, il y en a qui sont primordiales par rapport aux autres<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu. 57, art. 2.</ref> :

  • « l'intelligence » ;
  • « la sagesse » ;
  • « la simple intelligence » pour la partie spéculative de l'âme ;
  • « la prudence » pour la partie calculatrice de l'âme rationnelle.

Parmi les vertus morales se trouvent les vertus cardinales qui sont les suivantes<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu.61, art. 1.</ref> :

  • la prudence ;
  • la justice ;
  • la fortitude (le courage) ;
  • la tempérance.

C'est la prudence qui est la principale des vertus cardinales, c'est la plus nécessaire au bon agir humain<ref>On notera aussi que c’est celle qui s'oppose précisément aux emportements de l'orgueil, péché capital.</ref> : Modèle:Citation<ref>Étienne Gilson, Textes sur la morale de Thomas d'Aquin, Vrin, éd. 1998, Paris, Modèle:P. et suivantes, et Somme théologique, Ia, IIae, qu. 57, art. 5.</ref>.

Les vertus théologales sont ainsi dénommées parce qu'elles ont pour objet Dieu et qu'elles sont causées par Lui. Elles transcendent les simples possibilités de la nature humaine, car elles sont justement fondées sur Dieu : Modèle:Citation<ref>Somme théologique, Ia IIae, qu. 62, art. 2, solu. 1.</ref>. L'Homme ne saurait effectivement pas être renfermé sur lui-même alors qu'il est précieux à Dieu : la grâce lui permet d'accéder à une pratique des vertus théologales, qui transcendent l'agir humain naturel. Cette vie est la « vie surnaturelle » de l'homme. Elles sont étudiées dans les questions 1 à 46 de la secunda secundæ de la Somme théologique. Il y a :

  • « la foi » (questions 1 à 16) dont l'objet est la Vérité révélée<ref>Sur la foi chez Thomas d'Aquin, voir les études du Bulletin thomiste Modèle:N°20 et les études de la Revue néo-scolastique de l'université de Louvain (maintenant appelée Revue philosophique de Louvain), numéro spécial sur la foi chez les scolastiques et Somme théologique, IIa, IIae, qu. 1, art. 1.</ref> ;
  • « l'espérance » (questions 17 à 22) dont l'objet est la Béatitude éternelle ;
  • « la charité » (questions 23 à 46) qui est l'amitié avec Dieu qui rend l'homme participant de sa propre béatitude.

De la liberté et du libre arbitre

Thomas distingue deux notions : celle de libre arbitre et celle de liberté. Est dit libre un être qui est principe de ses actes. Le problème de la liberté est explicitement mêlé à la question de l'acte volontaire et de la morale<ref name="mnl-38"/>. Thomas fait intervenir l'intellect et la volonté. L'intellect, par son jugement, détermine si un objet est bon ou non, adapté à la situation, au sujet, etc., mais ce jugement est entièrement libre, absolument rien ne s'oppose à lui. Il s'agit du jugement rationnel, et non du jugement instinctif, qui lui est déterminé par la sensibilité. En effet, les passions et toutes les inclinations de la sensibilité ne déterminent pas totalement la volonté à aller dans un sens plutôt qu'un autre, puisqu'elles sont soumises à la raison : Modèle:Citation<ref name="st831">Somme théologique, I, qu. 83, article 1, respondeo.</ref>. Par contre, l'homme qui suivrait toujours ses désirs et ses passions ne pourrait pas être considéré comme libre puisqu'il agit en dehors du contrôle de la raison et est soumis à ses inclinations sensibles, purement déterminée physiologiquement.

Une fois que l'intelligence a délibéré sur l'objet, la volonté prend le relais. Elle est la cause efficiente de l'acte libre, car elle mène l'intention à sa fin. Et la volonté est libre parce qu'elle est libre de contrainte et de nécessité (Modèle:Latin)<ref name="mnl-38"/>,<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, éditions Vrin, 1994, appétit et volonté, Modèle:P..</ref>. Libre de contrainte car elle ne subit pas par nature de violence qui la font dévier de son inclination, et libre de nécessité sans quoi elle ne pourrait pas être louée ou blâmée : Modèle:Citation<ref name="st831" />. La volonté est libre car elle dispose de la capacité à choisir<ref>Sur la liberté, consulter L.-B. Geiger, Penser avec Thomas d'Aquin, CERF, 1997, chapitre sur la philosophie réaliste et la liberté, Modèle:P. et suivantes ou Revue des sciences philosophiques et théologiques, Tome 2, 1955, Modèle:P. ; J.-M. Goglin, La liberté humaine chez Thomas d'Aquin, thèse de l4E.P.H.E., 2 t., O. Boulnois dir., Paris, 2010.</ref>. L'arbitre est un acte : le choix libre de la volonté.

Thomas d'Aquin fait primer la sécurité de la foi collective sur la liberté de l'individu, ce qui le conduit à exiger la peine de mort pour le relaps<ref>Modèle:Article, à propos de Somme théologique, 2.2 q 11 a 4.</ref>.

Il est à noter que Thomas fait porter ses investigations sur le libre arbitre non seulement de l'homme (question 83, article 1), mais des anges (question 59, article 3) et même de Dieu (question 19, article 10).

La fin dernière de l'homme

Thomas d'Aquin, en suivant l'Éthique à Nicomaque d'Aristote, développe une morale finaliste, c'est-à-dire que tous les actes humains sont effectués en vue d'une fin, et toutes les fins en vue d'une fin suprême. La partie morale est extrêmement importante en volume dans toute l'œuvre de Thomas d'Aquin. Les actes moraux vont en effet permettre à l'Homme de remonter jusqu'à Dieu. Étienne Gilson, dans Textes sur la morale, et Jacques Maritain, dans Principes de la morale naturelle, se sont accordés sur ce point.

Le bien suprême

Les biens sont hiérarchisés proportionnellement : tous les biens sont voulus d'une manière subordonnée par rapport à un bien suprême<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu. 1, art. 6.</ref> (par exemple la santé en vue de la possibilité d’un épanouissement social ou encore l’acquisition d’une technique afin de s’en servir à des fins utiles comme le soldat apprend le maniement de l’épée afin de pouvoir tuer son ennemi), donc relative les uns aux autres, et cela parce qu'il y a une fin suprême qui lui est voulu d'une manière absolue, qui est en quelque sorte le sommet de l'analogie : le soldat a tué son ennemi afin de gagner la bataille, victoire qui permettra de vivre en paix, ce qui permettra aux citoyens de s’épanouir Modèle:Etc. cela jusqu’à une fin suprême qui sera voulue pour elle-même, et non en vue d’autre chose. Sans elle, rien ne serait subordonné et tous les biens se vaudraient. Toutes les autres choses ne sont recherchées qu'en vue de cette fin : Modèle:Citation<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, éditions Vrin, 2000, Modèle:P. et autres sur la fin dernière de l'homme et Somme théologique, Ia, IIae, qu. 1, art. 6, rép.</ref>.

Cette fin ultime peut être librement choisie, mais elle est le plus souvent plus ou moins consciente et plus ou moins déterminée par des phénomènes physiologiques et psychologiques. L'expérience nous montre d'ailleurs bien que tous les hommes, qu'ils le reconnaissent ou non, qu'il en aient clairement conscience ou non, agissent tous en vue d'un but qu'ils veulent d'une manière absolue et auquel sont subordonnés tous leurs actes ; ainsi l'avare n'agit qu'en vue de l'argent, pour certains artistes c'est en vue de la beauté, pour un hitlérien c'est en vue de l'expansion vitale de la race allemande, pour un marxiste révolutionnaire c'est en vue de la puissance matérielle du prolétariat. Cependant, un homme ne peut avoir qu'une seule fin ultime : Modèle:Citation<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu. 1, art. 5, rép ; sur la question de la fin ultime, voir Jean Daujat, Y a-t-il une Vérité ?, chap. sur la morale.</ref>.

Bonheur et béatitude

Thomas d'Aquin place le bien suprême de la vie morale naturelle, dans ce qu'il appelle le bonheur, et le bien suprême de la vie surnaturelle dans la béatitude, c'est-à-dire la connaissance de Dieu<ref group="n">En cela, il s'éloigne d'Aristote en ajoutant à la vie de l'homme une part surnaturelle dans sa fin dernière et ne fait pas du bonheur terrestre la fin unique et Somme contre les Gentils, IV, I.</ref>. C'est la fin de tous les hommes : Modèle:Citation<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu. 1, art. 8, rép.</ref>. Pourquoi cette seule fin, alors qu'il est clair que tous les hommes ne s'accordent pas sur leurs fins ? Parce que la raison formelle de fin dernière est le bien parfaitement comblant, et seul Dieu est parfaitement comblant<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu. 1, art. 7.</ref>. Comme la vie surnaturelle est infiniment supérieure à la vie naturelle, la béatitude (appelée « béatitude parfaite » par les commentateurs) est un bien infiniment plus parfait que le bonheur (appelé « béatitude imparfaite » par les commentateurs).

Tous les biens sont relatifs au bonheur et à la béatitude

Fichier:Saint-Thomas d'Aquin 2.jpg
Saint Thomas d'Aquin (v. 1224/1225-1274).

Modèle:Citation<ref name="scg-iii-cxli"/>. Le bonheur est la fin ultime et dernière de l'homme. En effet, tous les biens n'ont en vue que le bonheur, par un mode de relativité : la santé est en vue d'avoir une bonne vie sociale, qui elle-même permet l'épanouissement, qui lui-même permet d'être heureux ; la connaissance, bonne en elle-même, qui est la perfection de l'intelligence, permet de jouir de ce qui est connu : cette jouissance rend heureux Modèle:Etc. Les exemples peuvent s'étendre à tous les biens transcendantaux et toutes les perfections. Ainsi les biens prennent leur valeur selon leur proximité avec le bonheur.

Thomas d'Aquin explique pourquoi certains biens inférieurs dont on est privé causent plus de désagrément que la privation d'un bien supérieur : Modèle:Citation<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, éditions Vrin, 2000, p. 430.</ref>,<ref name="scg-iii-cxli"/>.

Et leur jugement est faussé par l'immédiateté de la privation inférieure, par leur non-capacité d'abstraction. Ainsi ne pas être riche, pécuniairement parlant, cause plus de peines que de ne pas être vertueux, par exemple, et Modèle:Citation<ref name="scg-iii-cxli" />. Et cette « fausse injustice » leur cause plus de peine que la privation même de la vertu car ils ne considèrent pas la hiérarchie des biens à sa véritable valeur.

On voit bien que cette considération de la hiérarchie des biens se fait sous le mode intellectuel, et que seule la raison pratique permet d'en rendre compte. Le statut de la raison prend alors une nouvelle dimension. Ce n'est plus seulement la faculté de juger ce qui est bon ou non, mais aussi d'embrasser la vie tout entière par une objectivité abstractive et de replacer chaque bien à sa véritable place, celle qui est voulue par l’ordonnateur de toutes choses et qui constitue l’essence même du Bien unique à partir duquel tous les autres biens prennent de la valeur : Dieu.

L'amour

La notion d'amour chez Thomas d'Aquin pose problème aux commentateurs : certains considèrent qu'il faut placer Thomas dans les conceptions physiques de l'amour, comme le père Rousselot ; d'autres, comme Étienne Gilson, le placent plutôt dans la conception « extatique », c'est-à-dire qui nous fait sortir de notre être ; ou bien encore comme le P. Geiger qui considère que l'amour est une notion qui touche le bien dans toute son universalité<ref>P. Rousselot dans l'ouvrage Pour l'histoire du problème de l'amour au Moyen Âge ; Étienne Gilson, L'Esprit de la philosophie médiévale, au chapitre 14 : L'amour et son objet (spéc. Modèle:P. s.) ; P. Geiger : Le Problème de l’amour chez S. Thomas d'Aquin (Montréal et Paris, 1952).</ref>.

L'ouverture sur l'autre : l'amour comme fondement

L'amour (en latin Modèle:Latin, Modèle:Latin, Modèle:Latin, Modèle:Latin)<ref>Sur cette distinction, voir Somme théologique, Ia, IIae, qu. 26, art. 3, resp. et Étienne Gilson, Le thomisme, Modèle:P. et 338.</ref> est un mouvement interne ou externe de l'être humain. Il comprend en lui toutes les formes d'appétits, qu'ils soient sensibles ou rationnels, mais ne se réduit pas à eux.

L'amour et le bien sont corrélatifs : tous deux sont des notions analogiques, des transcendantaux, et Dieu les possède en absolue plénitude : ce qui veut dire que la béatitude, en tant que connaissance de Dieu, est le Bien suprême de l'homme, mais que l'amour de Dieu est partie constituante de la béatitude, car c'est le propre de l'homme que d'aimer ce qu'il juge comme bien, et plus encore lorsque ce bien le dépasse infiniment.

L'amour est d'abord une passion, en tant qu'il est le principe premier de tout mouvement de la volonté ou d'une faculté appétitive quelconque vers le Bien : Modèle:Citation<ref>Somme théologique, I pars, Qu. 20, art. 1, concl.</ref>. L'amour, en sa dimension de principe des actes humains, constitue dès lors le fondement de toute morale. Il n'y a rien qui se fasse sans amour, et il n'y a pas de bien s'il n'est aimé auparavant. L’amour est donc principe de l’agir en général. Il y a autant de qualités d’amour que de qualités de bien : l’amour porte vers le bien, mais reçoit sa dignité du bien vers lequel il porte.

L'amour volontaire n'est donc pas déterminé uniquement par le bien individuel et égoïste, mais par le Bien et l'être en général : l'amour est donc dans un lien de dépendance avec la connaissance. C'est ainsi qu'il devient un amour rationnel, ou volontaire (il se nomme alors Modèle:Latin)<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu. 26, art. 3, resp. et Étienne Gilson, Le thomisme, Modèle:P..</ref>. Il devient un pouvoir psychologique autonome par rapport à l'appétit sensible : ce dernier n'étant un bien qu'en vertu de l'ordre ontologique du sujet, c'est-à-dire de ce qui lui convient en propre, alors que la Modèle:Latin est une réalité psychologique autonome car reposant sur l'intellect et le libre-arbitre. Il en résulte que cet amour est amour de soi mais essentiellement « amour objectif » ; il surpasse l’appétit, le désir ou la convoitise, tout en les incluant. Dans cette perspective, un amour désintéressé ne fait aucune difficulté ; et un amour désintéressé prend son objet dans sa qualité de bien honnête.

L'amour pousse donc au bien, en sa qualité de puissance motrice ; il permet une constance dans la recherche vertueuse du bien, en sa qualité de puissance appétitive rationnelle, et il permet d'ouvrir la sphère purement individuelle de la recherche et de la jouissance du bien à une sphère élargie à l'autre, individu ou communauté, en tant qu'aimé. La notion d'amour introduit également de l'altérité et de l'éthique (Modèle:Latin) dans les comportements moraux. En effet, aimer quelque chose dans l'ordre du bien honnête, c'est lui vouloir du bien : Modèle:Citation<ref>Somme contre les Gentils, III, XC.</ref>. Le bien particulier est inférieur au bien politique ou communautaire, et plus encore, il y tend : Modèle:Citation<ref>Somme contre les Gentils, III, XVII.</ref>. Ainsi le bien se diffuse à travers toutes les réalités qui entourent l’être humain sous la modalité de l’amour (c’est tout le sens du Modèle:Latin de Thomas d'Aquin), et prend par là même le rôle de principe fondateur de toute sociabilité et de toute vie communautaire : la vie de famille, la vie sociale, la vie politique, et même tout rapport singulier d’un individu à l’autre, qui ont une visée constructive et bonne, reposent sur l’amour en tant qu’il est partage de bien (bien matériel, utile, agréable, intellectuel, intéressé, vertueux, jouissifModèle:Etc.)

La charité fondement des vertus morales

L'amour devient charité (Modèle:Latin) lorsqu'elle est une vertu théologale, c'est-à-dire une vertu qui vient de Dieu et qui a pour objet Dieu. Thomas d'Aquin se situe donc sur un registre surnaturel lorsqu'il parle de la charité. Les vertus morales ne peuvent exister sans la charité<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu. 65, art. 2 : les vertus morales peuvent-elles exister sans la charité ? ; sur ce sujet, voir le cours de Michel Labourdette o.p. : Théologie morale sur la Charité (année 1959-1960).</ref>. C'est donc que des vertus naturelles, immanentes à la nature humaine (les vertus morales) ont un fondement surnaturel en tant qu'elles reposent sur la charité, qui est une vertu théologale<ref>Modèle:Ibid. voir fin de la respondeo.</ref>. La charité est une amitié avec Dieu, c'est-à-dire une réciprocité fondée sur la grâce. Fondamentalement, elle repose sur le fait que Dieu doit un jour partager sa béatitude avec l'homme<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, Modèle:P..</ref>. Nous nous trouvons encore une fois dans le registre du partage et de l'ouverture, qui est permis par l'amour. De plus, elle ajoute une certaine perfection à l'amour passion (Modèle:Latin)<ref>Somme théologique, Ia, IIae, qu. 26, art. 3, resp. (fin du paragraphe).</ref>.

Philosophie politique

Fichier:Saint Thomas d’Aquin, Fontaine de Sagesse.jpg
Saint Thomas d’Aquin, Fontaine de Sagesse. Antoine Nicolas, 1648.

La conception politique de Thomas d'Aquin se dessine de façon très nette dans son œuvre, bien qu'il n'ait pas consacré un ouvrage à ce sujet. Sa réflexion politique est bien sûr nourrie par celle d'Aristote, notamment lorsqu'on considère que Thomas a commenté le Livre sur les politiques, ou Politique. La politique est enracinée dans la question de la communauté de nature entre les êtres humains, d'où la question de l'amitié (en grec philia), et se développe jusqu'à la sphère de communauté divine et religieuse.

La communauté est naturelle à l'être humain : sa conception politique repose donc sur une anthropologie naturaliste. En effet, Thomas fait sienne cette parole d'Aristote<ref>Première leçon du Commentaire de la Politique d'Aristote.</ref> : l'homme est un être social, ou plus précisément : Modèle:Citation. C'est ainsi que la société s'établit sur un penchant naturel et bon de la nature humaine.

Thomas dit, lors de son prologue au Commentaire du livre de la Politique d'Aristote : Modèle:Citation ; ainsi l'institution de la cité n'est pas un processus purement artificiel, mais se fonde sur les communautés naturelles telles que la famille<ref>Première leçon du Commentaire de la Politique d'Aristote : Pour tout le monde, il y a deux sortes de communautés évidentes : la famille et la cité.</ref>. Mais plus que le lien communautaire familial, qui est naturel par excellence, le lien politique est la raison<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, éditions Vrin, 1997, Modèle:P..</ref>. Et cette institution politique qu'est la cité a en vue le bien de tous, visé de façon raisonnable : Modèle:Citation<ref>F. Daguet, article dans le Bulletin thomiste, Modèle:N°1 de l'année 2007 : principes d'anthropologie politique chez saint Thomas d'Aquin et première leçon du Commentaire de la Politique d'Aristote.</ref>. Plus encore, elle poursuit le bien suprême : Modèle:Citation, c'est-à-dire le bien divin : tout, dans la cité, doit permettre à l'individu de pratiquer bien sa religion, et doit viser le bien de la communauté, qui est supérieur au bien individuel. Le bien commun ne doit pas être sacrifié au bien d'un seul : Modèle:Citation<ref>Somme contre les Gentils, III, CXXV, CERF, 1993, p. 686.</ref>. Chaque individu est une partie organique du tout que constitue la société ; il est de l'essence même d'une structure organisée que chacun n'y occupe pas la même place et qu'il y ait une structure hiérarchique entre les éléments, bien que la société vise un même bien : celui de tous.

Contempler et transmettre

La contemplation, activité supérieure à toutes les autres, est celle du dominicain. Plus encore, le dominicain doit transmettre ce qu'il a contemplé aux autres :

Modèle:Début citationEn effet, il est plus beau d’éclairer que de briller seulement ; de même est-il plus beau de transmettre aux autres ce qu’on a contemplé que de contempler seulement.Modèle:Fin citation

Cette citation<ref>Somme théologique, IIa, IIae, qu. 188, art. 6.</ref> résume le dynamisme intellectuel et religieux de Thomas d'Aquin : les fruits de la contemplation peuvent être partagés avec les autres et le sont. C'est ainsi que le théologien et philosophe Thomas d'Aquin, en enseignant et en cherchant, ne fait qu'approfondir, scruter et partager les fruits de la connaissance de Dieu, qui sont les fruits les plus parfaits en ce monde et en l'autre. Faire profiter autrui des fruits de la contemplation, par le prêche et par l'enseignement, ce n'est pas partager sa vie active et sa vie contemplative, c'est additionner les deux : la vie active dérive, en quelque sorte, de la vie contemplative et s'y coordonne<ref>Étienne Gilson, Le thomisme, éditions Vrin, 1997, Modèle:P..</ref>.

Le vocabulaire scolastique de Thomas d'Aquin

Fichier:Gentile da Fabriano 052.jpg
Saint Thomas d'Aquin, docteur de l'Église catholique, de Gentile da Fabriano, 1400, Modèle:Dunité, Milan, pinacothèque de Brera.

Quelques termes sont importants et couramment utilisés par Thomas d'Aquin, leurs sens a beaucoup changé pendant les siècles qui nous séparent de Thomas d'Aquin. Ils proviennent pour la plupart du vocabulaire d'Aristote, que Thomas d'Aquin s'est permis de préciser.

Être (ens ou esse)

L'être est la notion fondamentale de la philosophie thomiste. Mais l'ontologie développée par Thomas d'Aquin est complexe et nécessite de considérer plusieurs aspects différents de ce terme.

  • L’ens dans le sens du concept (conceptus entis) signifie l'être pensé dans toute sa généralité, ou plutôt l'acte d'être commun à tous les étant, après abstraction. C'est le concept central de toute la métaphysique de Thomas. L'être se dit de manière analogique<ref>Sur les problèmes soulevés par la doctrine de l'analogie de l'être chez Thomas, voir l'ouvrage de synthèse de B. Montagnes, La doctrine de l’analogie de l’être d’après saint Thomas d’Aquin, Paris, Vrin, 1963, rééd. 2008 ({{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Pdf metataphysica.free.fr). Voir le chapitre sur l'analogie de l'être. Les partisans de deux thèses fondamentales s'affrontent sur ce point : celle de Thomas d'Aquin (suivi par E. Gilson) et celle de Cajetan au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, suivie par J. Maritain, par exemple ; cf. la Somme théologique, Ia, qu. 13.</ref>, c'est-à-dire qu'il se hiérarchise à divers degrés selon les étant. Dieu, en tant que sommet de l'analogie de l'être, est l'ipsum esse, l'acte pur d'exister, Celui en qui se confond l'essence et l'existence<ref>Somme théologique, Ia, qu. 3, art. 4 : « l'essence et l'existence en Dieu ».</ref>.
  • L’esse est l'acte même d'exister d'un étant.
  • L’essentia ou quidditas est une des significations du mot être en tant qu'une chose est ce qu'elle est : c'est l'essence de la chose, ce que l'intelligence va atteindre de la chose par le procédé d'abstraction.
  • Enfin l'être se confond avec la réalité même en tant qu'elle est pensée (être de raison) ou en tant qu'elle est simplement (être réel).

Les causes (causa)

Cette théorie des quatre causes provient d'Aristote. Elle faisait partie du bagage de l'enseignement des écoles parisiennes de théologie au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle dès avant l'arrivée de Thomas qui la reprit à son compte et l'approfondit.

  • La « cause matérielle » est ce qui dans le sujet est susceptible de recevoir une détermination ;
  • la « cause formelle » est ce en quoi l'effet est, ce qui fait qu'il est ce qu'il est ;
  • la « cause efficiente » est ce qui effectue le changement ;
  • la « cause finale » est ce vers quoi le changement se produit.

Les deux premières causes sont dites « intrinsèques » en ce qu'elles constituent le sujet en son être même, et les deux dernières causes sont dites « extrinsèques », car elles ne sont pas constitutives de l'être de la chose. La cause est l'objet de plusieurs autres distinctions chez Thomas d'Aquin (cause première et cause seconde : soit Modèle:Citation<ref>Thierry Dominique-Hulmbrecht, Théologie négative et noms divins chez saint Thomas d'Aquin, Paris, Vrin, 2005, p. 710.</ref>, cause per se et per accidens, cause instrumentale, cause dispositive, cause exemplaire, etc.).

Matière et forme (materia et forma)

Ces concepts sont également repris d'Aristote :

  • Modèle:Refnec ;
  • la « matière » est ce qui dans un être reçoit la forme, c'est-à-dire une détermination quelconque<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Acte et puissance (actus et potentia)

Ces termes sont eux aussi aristotéliciens, ils ont de nombreuses significations :

  • l’« acte » signifie l'achèvement, quel qu'il soit (moral, ontologique, etc.) de l'être d'une chose : il est donc pris en ce sens de l'entéléchie. Mais il signifie également le fait même d'exister ou encore le simple fait d'agir ;
  • la « puissance » signifie ce qui peut être déterminé par un acte, ou par un passage à l'acte. Elle représente ou dévoile en quelque sorte un inachèvement ontologique mais qui peut potentiellement recevoir un perfectionnement. Il y a des puissances passives et des puissances actives<ref>De potentia, qu. 1.</ref>.

Substance et accident (substantia et accidens)

  • Modèle:Refnec.
  • Modèle:Refnec. Ainsi, un homme possède par nature deux yeux, mais si un concours de circonstances l'en prive, il ne perd en rien son essence d'homme.

Intellect passif et intellect agent

  • L’« intellect possible » (ou en puissance, selon la terminologie d’Aristote pour l’intellection des intelligibles) est l'activité de l'intellect conditionnée par la réception des images sensibles<ref>Somme théologique, Ia, qu. 79, art. 2.</ref>. C'est en quelque sorte une table rase dans laquelle sont imprimées les images sensibles extraites par les sens. Les sciences cognitives en ce Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle le désignent par les notions de perception et de mémoire.
  • L’« intellect agent » (ou en acte) est l'opération de l'intellect qui va abstraire les caractéristiques sensibles des images sensibles<ref>Somme théologique, Ia, qu. 79, art. 3, sed contra ; Aristote, De anima, V, 1, 430 a 10.</ref>. Il sépare l'élément universel de l'élément singulier de ce que lui fournissent les sens. Il recoupe assez bien ce que nous nommons de nos jours apprentissage profond.

Méthode

Thomas d'Aquin est resté fidèle à la méthode<ref>Marie-Dominique Chenu, Introduction à l'étude de saint Thomas d'Aquin, éditions VRIN.</ref> qui lui a été inculquée par Albert le Grand :

Modèle:Début citationEn matière de foi et de mœurs, il faut croire Augustin d'Hippone plus que les philosophes, s'ils sont en désaccord ; mais si nous parlons médecine, je m'en remets à Galien et à Hippocrate, et s'il s'agit de la nature des choses, c'est à Aristote que je m'adresse, ou à quelque autre expert en la matière.Modèle:Fin citation

La rédaction de la Somme théologique montre cependant que même en matière de foi et de mœurs, il préféra apporter sa propre compilation d'arguments et ses propres conclusions que de s'en remettre à saint Augustin, sans toutefois jamais l'avoir directement contredit. On sait aussi par ailleurs qu'il avait toujours critiqué le point de vue d'Augustin qui se gaussait qu'on pût croire habités les antipodes, eux-mêmes conséquence de la rotondité de la Terre admise par Aristote.

Le recours aux autorités patristiques est néanmoins considérable dans l'œuvre de Thomas d'Aquin, conformément à la méthode générale de la scolastique, où les arguments se trouvent souvent introduits ou soutenus par des autorités<ref>Marie-Dominique Chenu, Introduction à l'étude de saint Thomas d'Aquin, VRIN, chapitre sur la question des autorités au Moyen Âge.</ref>.

Postérité

Fichier:Le triomphe de Saint-Thomas d'Aquin.jpg
Le Triomphe de saint Thomas d'Aquin, de Benozzo Gozzoli (1468-1484), Paris, musée du Louvre.

Modèle:Article détaillé

L'œuvre de Thomas suscite de grands débats théologiques et philosophiques, d'abord à l'intérieur de l'ordre dominicain. Puis, les autorités de l'ordre prenant la défense de Thomas pour des raisons politiques et ecclésiologiques, le débat opposa de plus en plus dominicains et franciscains. En 1321, dans la Divine Comédie, Dante donne à Thomas d'Aquin la première place parmi les philosophes théologiens. Les querelles théologiques et philosophiques sont intenses, avec notamment des discussions entre thomistes, scotistes (école de John Duns Scot), Nicolas de Cues et Guillaume d'Ockham.

La contre-réforme catholique du Concile de Trente en 1545 provoque un retour considérable au travail de Thomas d'Aquin, afin de lutter contre les thèses de Luther, qui récusait en théologie l'usage de la raison sans la révélation et de la philosophie antique non chrétienne. La Somme théologique devient très tardivement un manuel de référence des études de théologie. L'École de Salamanque, avec des commentateurs tels que Francisco Suárez, le cardinal Cajetan, qui commente la Somme théologique et qui tente de ramener Luther à la foi catholique avec des arguments thomistes, propulse Thomas d'Aquin au-devant de la scène intellectuelle. Le pape Modèle:Noble, dans son encyclique Æterni Patris<ref>Modèle:Noble, encyclique Æterni Patris, le 4 août 1879.</ref> écrivit trois siècles plus tard : Modèle:Citation.

Le Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle voit renaître le thomisme, après deux siècles d'abandon partiel, afin de lutter contre le modernisme, l'idéalisme, le positivisme et le matérialisme, notamment depuis l'encyclique Æterni Patris (« Sur la restauration dans les écoles catholiques de la philosophie chrétienne selon l'esprit du docteur angélique ») du pape Modèle:Noble en 1879 qui préconise un retour à Thomas d'Aquin : c'est ce que l'on va appeler le néothomisme. Le pape confie aux dominicains la tâche de publier une édition scientifique et critique des œuvres de Thomas d'Aquin en fondant la Commission léonine.

Le Modèle:Date- Modèle:Noble- déclare le patron des études dans les écoles catholiques (Cum hoc sit). Le Modèle:Date-, dans son motu proprio, le pape Modèle:Noble demande aux professeurs de philosophie catholique d'enseigner les principes du thomisme dans les universités et les collèges ; cette même année, la Congrégation romaine des Séminaires et Universités promulgua une liste de 24 thèses thomistes considérées comme normæ directivæ tutæ : ce sont les thèses de 1914.

Naît ainsi le néothomisme. Les principales figures de ce renouveau sont notamment Jacques Maritain, qui proposa un retour au réalisme philosophique de Thomas d'Aquin, et Jean Daujat, qui développa l'enseignement de la philosophie thomiste, notamment en créant le Centre d'études religieuses. Le Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle voit également un renouveau des études universitaires sur Thomas d'Aquin, soit centré sur sa philosophie (Étienne Gilson) soit sur sa pensée prise dans son contexte scolastique (Modèle:Nobr et Modèle:Nobr). Les dominicains fondent le Bulletin thomiste. Certains, comme Joseph Maréchal, tentent de concilier les thèses de Kant et celles du thomisme en fondant le courant appelé thomisme transcendantal.

Depuis le concile [[IIe concile œcuménique du Vatican|Modèle:Nobr rom]], Thomas d'Aquin devient une figure essentielle (mais non plus obligatoire) de la vie intellectuelle de l'Église catholique. La philosophie contemporaine, par son retour à l'étude des philosophes médiévaux, prend en compte de plus en plus l'influence de Thomas d'Aquin.

Quelques-unes des approbations pontificales du « Docteur commun »

Critique de Bertrand Russell

Pensant que Thomas considérait les Saintes Écritures comme vraies a priori, sans justification rationnelle, Bertrand Russell rappelle que Modèle:Citation<ref>Modèle:Lang (Russell, 1967, p. 463).</ref>. Cependant, Thomas affirme que croire aux Écritures demande bel et bien d'avoir des raisons de croire (Modèle:Lang, liv.1, chap. 6), et ajoute que la vérité étant une, Modèle:Citation<ref>Modèle:Lang (cité dans Beyond Illusion and Doubt, Modèle:P.).</ref>.

Citations, avis, anecdotes

  • Lors de ses études, ses camarades l'appelaient le Modèle:Citation ou Modèle:Citation<ref>Jules Michelet, Œuvres complètes, 1893, Flammarion, Histoire de France, Tome 2, « Éclaircissements », Modèle:P. (lire sur Wikisource).</ref> en raison de sa corpulence, de sa discrétion, de son humilité qui pouvait passer pour de la timidité et de son goût pour la réflexion solitaire. Son maître Albert le Grand, apprenant que ses camarades le nommaient ainsi, déclara : Modèle:Citation La postérité considérable de son jeune étudiant lui donna raison<ref>Guillaume de Tocco, Histoire de saint Thomas d'Aquin de l'Ordre des frères prêcheurs, (écrit en 1323) : chapitre X : l'élève de saint Albert le Grand.</ref>.
  • Deux novices voulant plaisanter lui dirent de regarder à la fenêtre, car on voyait, disaient-ils, un bœuf en train de voler. Thomas se déplaça à la fenêtre, et leur répondit : Modèle:Citation (la nomenclature des péchés en répertoriait alors un véniel qui se nommait le mensonge joyeux)<ref>Chesterton, Le bœuf muet, chapitre 1.</ref>.
  • Un jour, quelqu'un lui demanda s'il aurait voulu posséder toutes les richesses de Paris. Thomas d'Aquin répondit : Modèle:Citation<ref>Chesterton, Le bœuf muet, chapitre 2.</ref>.
  • Alors qu'il résidait à Naples (1272-1274), un de ses confrères affirma l'avoir vu en lévitation devant le Crucifix qui lui disait : Modèle:Citation, Thomas d'Aquin aurait alors répondu : Modèle:Citation<ref>Guillaume de Tocco, Ystoria sancti Thome, chap. 34.</ref>. À une autre occasion, aux alentours du Modèle:Date-, il eut une extase en célébrant la messe. Après cela, il cessa d'écrire et de dicter. À son secrétaire qui s'en inquiétait il répondit : Modèle:Citation<ref>Procès de canonisation, § 79, Modèle:P. et Guillaume de Tocco, Ystoria sancti Thome, chap.47 (écrit en 1323).</ref>.

Dans les arts

Fichier:Santa Maria del Rosario (Venice) Sebastiano Ricci - St Pius, St Thomas of Aquino and St Peter Martyr.jpg
Le Pape Modèle:Noble et
les saints Thomas d'Aquin et Pierre martyr

Sebastiano Ricci, 1732-1733
Église Sainte Marie du Rosaire, Venise

Musique

Marc-Antoine Charpentier a composé 5 motets sur le texte de Saint Thomas d'Aquin destiné à la fête du Saint Sacrement, ils portent les numéros de catalogue H 61, H 62, H 64, H 68, H 58.

Œuvres

Œuvre de référence :

  • {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Thomas d'Aquin, Somme théologique [1266-1273], trad. fr. par A. M. Roguet, Modèle:Unité., éd. du Cerf, Paris, 1984-1986.

Modèle:Article détaillé

Fichier:Incipit livre thomas d'aquin (1646) sur saint Calmin.jpg
Incipit du livre Histoire de la vie de sainct Calmine […] « par le Révérend Père Frère Thomas d'Aquin de Saint-Joseph Carme Déchaussé, définiteur de la province d'Aquitaine », 1646

Pour un catalogue critique daté et raisonné, voir Jean-Pierre Torrell, Initiation à saint Thomas d'Aquin (1993), Paris, Éditions du Cerf, Modèle:P.479-525, avec les mises à jour de la seconde édition (2002).

Au sujet des éditions critiques (c'est-à-dire établies à partir des manuscrits) de Thomas : Modèle:Article détaillé

Notes et références

Notes

Modèle:Références

Références

Modèle:Références nombreuses

Annexes

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Bibliographie

Voici une sélection de textes sur sa vie et le contexte de son œuvre.

  • Hubert Jacobs, Bibliographie pour l'étude de saint Thomas en langue française reprenant des publications parues depuis une soixantaine d'années (liste non exhaustive), Bruxelles, Institut d'études théologiques ; Namur, Facultés Notre-Dame de la Paix, 2010.
  • Jean-Pierre Torrell, o.p., « Situation actuelle des études thomistes », Recherches de sciences religieuses no 91, 2003, p. 343-371.

Vie de saint Thomas d'après les auteurs du Moyen Âge

  • Guillaume de Tocco, l'Histoire de saint Thomas d'Aquin (Vie écrite en vue du procès de canonisation de Thomas. Ce livre propose la traduction française du dernier état du texte (1323) avec introduction et notes par Claire Le Brun-Gouanvic). – Paris : les Éditions du Cerf, coll. « Sagesses chrétiennes », 2005, 223 p., Modèle:Unité. Modèle:ISBN. – Titre original : Ystoria sancti Thomæ de Aquino.

Introductions à la lecture de Thomas d'Aquin

  • Jean-Pierre Torrell, o.p., Initiation à saint Thomas d'Aquin. Sa personne et son œuvre, Initiation 1. (Pensée antique et médiévale, Vestigia 13), Paris-Fribourg, Les Éditions du Cerf - Éditions Universitaires, 1993, Modèle:2e 2002, XVIII-650. voir site.
  • Modèle:Ouvrage voir site.
  • Marie-Dominique Chenu, Introduction à l'étude de saint Thomas d'Aquin, éditions VRIN. Introduction méthodologique et historique menée par le biais d'une étude des méthodes scolastiques du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle . Modèle:Commentaire biblio.
  • Otto Hermann Pesch, Thomas d'Aquin, Cerf, Cogitatio fidei, Paris, 1994.
  • René-Antoine Gauthier, Saint Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, Introduction, Éditions universitaires, Paris, 1993. Introduction historique à la lecture de la Somme contre les Gentils.
  • Michel Nodé-Langlois, Le Vocabulaire de saint Thomas d'Aquin, Ellipses, 1999.

Essais de synthèse de la pensée de Thomas d'Aquin

Œuvres de vulgarisation

Études spécialisées

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Commentaires philosophiques d'œuvres de Thomas d'Aquin

  • Cajetan, Commentaria in Summam Theologiam, ed. H. Prosper (Lyræ, 1892), repris dans l'Editio leonina de Thomas d'Aquin, vol. IV-XII ; commentaire analytique de chaque article de la Somme théologique de Thomas d'Aquin.
  • Alain de Libera, « Thomas d’Aquin. Somme contre les Gentils », Gradus philosophique, dir. L. Jaffro et M. Labrune, Flammarion, GF 773, Paris, 1995, Modèle:P.765-783 [Introduction philosophique à la lecture de la Somme contre les Gentils].
  • Alain de Libera, L'Unité de l'intellect de Thomas d'Aquin, Paris, Vrin, 2004.

Articles connexes

Sources de sa pensée

  • La foi de l'Église catholique exprimée par les symboles de foi, les décrets des papes et des conciles.
  • La Révélation biblique. Source première, principale et fondamentale de toute l'œuvre de Thomas d'Aquin.
  • Les Pères de l'Église. Thomas connaissait et maniait constamment le corpus patristique accessible à son époque. De nombreux textes ne lui étaient pas accessibles ou étaient mal identifiés. Il a néanmoins manifesté un intérêt hors pair pour ce type de sources, sans cesse à la recherche d'une documentation plus riche et mieux traduite (voir notamment l'entreprise de la Catena aurea).
  • L'enseignement commun des écoles du Moyen Âge, reçu et critiqué.
  • Platon, ses thèses étant connues de façon indirecte par l'intermédiaire des néo-platoniciens.
  • Aristote, le principal philosophe non-chrétien que Thomas reprend en le modifiant sur de nombreux points et qu'il lit à travers :
  • Les commentaires d'Averroès et d'Avicenne
  • La philosophie néo-platonicienne, notamment Proclus.
  • Pseudo-Denys l'Aréopagite, auquel il accorde l'autorité d'un Père de l'Église, identifié au Moyen Âge comme étant disciple immédiat de saint Paul ; Denis compte parmi les auteurs les plus cités par Thomas.
  • Saint Augustin, principale source de pensée de toute la pensée chrétienne occidentale jusqu'à la fin du Moyen Âge.
  • Albert le Grand, le maître de saint Thomas d'Aquin.

Influences

Questions théologiques

Liens externes

Bases de données et dictionnaires

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