Syndrome de Stendhal

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Fichier:Stendhal.jpg
Stendhal, par Johan Olaf Sodemark (1840).

Le syndrome de Stendhal, également appelé « syndrome de Florence », est un ensemble de troubles psychosomatiques (accélération du rythme cardiaque, vertiges, suffocations, voire hallucinations) survenant chez certains voyageurs exposés à une œuvre d'art qui prend une signification particulière pour eux, ou à une profusion de chefs-d'œuvre en un même lieu dans un même temps.

Le syndrome de Stendhal, assez rare, fait partie de ce qu’on appelle les syndromes du voyageur ou voyage pathogène : c'est le voyage lui-même qui suscite des troubles psychiatriques chez un sujet sans antécédents. Ce voyage pathogène s'oppose au voyage pathologique, qui est un voyage causé par des troubles psychiatriques préexistants.

Le syndrome de Stendhal ne doit pas être confondu avec le syndrome de Brulard, qui se réfère aussi à Stendhal, mais concerne des troubles mémoriels<ref> {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Lang.</ref>.

Origine

Fichier:Volterrano, Incoronazione della Vergine e Sibille nella volta della cappella niccolini, 1653-61, 06.JPG
La Vierge Marie couronnée par la Trinité et quatre Sibylles (1653-1661) de Volterrano (1611-1689).

Le nom du syndrome renvoie à l'expérience vécue par l'écrivain français Stendhal (1783-1842) lors de son voyage en Italie, à l’étape de Florence, en 1817<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Lors de la visite de la Basilique Santa Croce, il s'agenouille sur un prie-dieu, la tête renversée en arrière, pour contempler les fresques de la coupole de la chapelle Niccolini : les Sibylles de Volterrano. Pris de vertiges, il ressent un moment sublime de proximité du paradis<ref name=":0">Modèle:Article</ref>,<ref name=":1" />. Il écrit alors : Modèle:Citation bloc

Stendhal n’a rien fait pour s’en prémunir puisque, s’asseyant sur un banc de la place, il lut un poème pour se remettre, et vit que ses visions empiraient à la lecture de cette somme de culture ambiante dans les lieux : il fut épris et malade à la fois de tant de profusion.

Le critique Julian Barnes a recherché l'événement dans la version originale du journal d'Henri Beyle sans le retrouver. Il faudrait alors considérer au moins que « si Beyle a bien vécu cette expérience, elle a été réécrite par Stendhal », car Modèle:Citation<ref name=":2" />.

Identification

Le syndrome est décrit, vers la fin des années 1980, par la psychiatre et psychanalyste Graziella Magherini, chef du service de psychiatrie de l'hôpital Santa Maria Nuova du centre historique de Florence. Sa première publication fait état de 106 cas similaires reçus en urgence, tous des touristes étrangers, en 20 ans d'observations<ref name=":0" />,<ref name=":1" />,<ref name=":2">Modèle:Article</ref>.

Fichier:9754 - Firenze - L'Arno e gli Uffizi - Foto Giovanni Dall'Orto, 27-Oct-2007.jpg
Florence et le fleuve Arno au niveau des Offices, du Ponte Vecchio et du corridor de Vasari.

Sa description figure dans un livre homonyme qui classe les cas de manière statistique selon leur provenance et leur sociologie. En résumé :

  • les touristes provenant d’Amérique du Nord et d’Asie n’en sont pas touchés, il ne s’agit pas de leur culture ;
  • les touristes nationaux italiens en sont également immunisés ; ils baignent dans cette atmosphère depuis leur enfance ;
  • parmi les autres, sont plus touchées les personnes vivant seules et ayant eu une éducation classique ou religieuse, indifféremment de leur sexe.

Selon Magherini, il s'agit d'une décompensation aiguë bénigne, qui frappe des sujets sensibles et passionnés, ayant une relation particulière à l'art, et en situation de voyage, loin de chez eux et de leurs repères habituels. Elle regroupe les symptômes en trois catégories<ref name=":0" /> :

Le facteur déclenchant de la crise a lieu le plus souvent lors de la visite de l’un des cinquante musées de la ville. Le visiteur est subitement saisi par le sens profond que l’artiste a donné à son œuvre et perçoit toute l’émotion qui s’en dégage d’une façon exceptionnellement vive qui transcende les images et le sujet de la peinture. Les réactions des victimes subjuguées sont très variables : des tentatives de destruction du tableau ou des crises d’hystérie ont été observées. En effet, le regard d'un autre peut, à leurs yeux, mettre en danger leur propre perception de l’œuvre.

D'autres sont exposés à une surcharge de chefs-d'œuvre sur une courte période. Florence représente la plus grande concentration mondiale d'art de la Renaissance, un art compréhensible par tous, à la différence de l'art abstrait ou conceptuel dont il faut connaître les codes de compréhension<ref name=":5">Modèle:Lien web</ref>.

Les gardiens de musée de Florence sont formés à l’intervention auprès de visiteurs victimes du syndrome de StendhalModèle:Refnec, bien que cela reste assez rare.

Par la suite, Magherini a proposé une variante du syndrome, le « syndrome du David », le David de Michel-Ange dont la perfection esthétique est susceptible de toucher la libido du spectateur jusqu'à la syncope<ref name=":1">Modèle:Article</ref>.

Place du syndrome

Doute

Fichier:David, Miguel Ángel, Florencia, Italia, 2019 30.jpg
Le David de Michel-Ange (Florence, 2019): la chaleur, l'affluence et l'attente, ou la beauté comme « promesse de bonheur », pourraient provoquer une syncope chez les sujets hypersensibles.

On peut cependant douter de l'existence réelle du syndrome de Stendhal<ref name="zetet">Modèle:Lien web</ref>. Graziella Magherini n'a suivi que deux cents personnes, un échantillon d'autant plus faible quand on le met en rapport avec le nombre total de touristes : dix millions de nuitées par an rien qu'à Florence.

On peut également mettre en question la délimitation très subjective du syndrome de Stendhal, ses manifestations variant beaucoup d'un individu à l'autre. Pour certains, l'explication du « syndrome » n'aurait même rien à voir avec l'art et serait beaucoup plus pragmatique : les touristes soumis à la fatigue et au stress (enchaînement des visites, foule, chaleur…) seraient naturellement plus sujets aux malaises<ref name="zetet" />,<ref>Encyclopédie Vulgaris Médical : « Syndrome de Stendhal : Symptômes »</ref>.

Interprétation psychanalytique

Selon Magherini, le syndrome de Stendhal serait un processus de mentalisation. Une forte émotion doit être transformée par la psyché en symboles qui se rassemblent pour donner naissance à des pensées qui doivent pouvoir s'exprimer en mots. Par exemple, les expériences émotionnelles du tout petit enfant le rendent capable de penser et de parler<ref name=":5" />.

Il existe cependant un risque dans ce processus continu : lorsque l'émotion, ici artistique, ne peut émerger en idée ou être verbalisée. Elle est alors confrontée dans l'inconscient avec les émotions du passé, l'œuvre d'art devient le réceptacle symbolique de souvenirs émotionnels incapables de se transformer en mots<ref name=":5" />.

Hypothèse des neurones miroirs

Le syndrome de Stendhal n'est pas défini comme un trouble psychiatrique spécifique<ref name=":3">Modèle:Article</ref>, il n'est pas mentionné dans le DSM-5<ref name=":2" />.

Outre les premières interprétations psychanalytiques, il a fait l'objet d'interprétations neurobiologiques, notamment par le fait que les aires cérébrales impliquées dans les réactions émotionnelles sont les mêmes qui sont activées dans la contemplation des œuvres d'art (émotion esthétique)<ref name=":3" />.

Le fonctionnement physiologique du cerveau, notamment celui des neurones miroirs, pourrait donner une explication scientifique au syndrome de Stendhal. Dans l’article Motion, emotion and empathy in esthetic experience<ref>Modèle:Lien web</ref>, deux auteurs, l’un professeur d’histoire de l’art et l’autre neurologue, cherchent à comprendre la part qu’a l’empathie dans l’expérience esthétique avec, notamment, son implication possible dans les mécanismes neuronaux. Ils font une hypothèse empirique à partir des recherches scientifiques actuelles. Après la découverte des neurones miroirs en 1996 par l'équipe de Giacomo Rizzolatti, directeur du département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme, David Freedberg et Vittorio Gallese s’intéressent à l’effet de ces mêmes neurones dans l’expérience esthétique.

Pratique

En pratique – Médecine des voyages –, le syndrome de Stendhal relève de la psychopathologie des voyages dans la catégorie du voyage pathogène, groupe de symptômes mentaux déclenchés par le voyage, chez une personne sans antécédents psychiatriques et sans consommation de drogues ou de toxiques<ref name=":4" />.

Le voyage pathogène induit des troubles aigus, en général transitoires et qui disparaissent spontanément au retour. Deux types de voyages pathogènes sont distingués : le voyage touristique et culturel (dont le syndrome de Stendhal) et le voyage religieux ou mystique<ref name=":4">Modèle:Article</ref>.

Ce type de syndrome serait à rapprocher du stress émotionnel dans le cadre de troubles de l'adaptation.

Diagnostic différentiel

Avant d'évoquer une cause purement psychologique ou psychiatrique, il faut d'abord éliminer une pathologie organique, en commençant par les plus graves<ref name=":4" />,<ref>Modèle:Article</ref> :

Avant d'évoquer un syndrome de Stendhal ou un syndrome du voyageur (voyage pathogène), il faut éliminer :

  • une décompensation psychiatrique par arrêt volontaire du traitement en voyage, ou involontaire (produit indisponible) ;
  • un voyage pathologique (causé par des troubles psychiatriques), par exemple : fugue réactionnelle (trouble de la personnalité), fugue impulsive (épilepsie), fugue dissociative.

Autres voyages pathogènes<ref name=":4" /> :

  • Syndrome des Japonais à Paris ;
  • Syndrome des îles ou syndrome insulaire : le touriste expatrié de longue durée se retrouve « prisonnier » de son fantasme insulaire avec un vécu dépressif après une première période de bonheur, notamment à Hawaï, Tahiti, La Réunion, Mayotte... Le cas le plus célèbre serait celui de Paul Gauguin ;
  • Syndrome d'Ulysse : c'est un voyageur au long cours qui, à son retour, se retrouve étranger dans son propre pays, avec des difficultés de se réadapter à sa culture d'origine ;

Prévention et traitement

Il est recommandé aux touristes d'être reposés avant les visites (éviter les voyages aux programmes surchargés en peu de jours), de s'hydrater et de s'alimenter correctement, et de se protéger du soleil<ref name=":1" />.

Le phénomène se traite principalement par le repos et une écoute psychologique, parfois par des psychotropes. Modèle:Citation. En cas de doute diagnostique, une hospitalisation, en général brève, peut être nécessaire pour éliminer ou traiter une autre cause<ref name=":0" />.

Émois littéraires

« Le syndrome de Stendhal est une marque de fabrique, celle de la beauté à travers une reconstruction douloureuse de moments utopiques apportés par l'art. Selon Stendhal lui-même : "la beauté n'est rien d'autre qu'une promesse de bonheur" »<ref name=":1" />.

Alors que pour Emmanuel Kant (1724-1804), la contemplation de la beauté provoque : Modèle:Citation (Critique de la faculté de juger). De même pour le poète autrichien Rainer Maria Rilke (1875-1926) : Modèle:Citation (Élégies de Duino)<ref name=":2" />.

Fichier:View of Delft, by Johannes Vermeer.jpg
Vue de Delft, par Johannes Vermeer.

Il existe de nombreux cas littéraires, proches de celui de Stendhal :

Selon Magherini, le phénomène est lié à une résonance, à un moment donné, de l'œuvre d'art avec l'histoire particulière et l'inconscient du sujet qui la regarde. Toute œuvre d'art peut être signifiante pour une personne à un moment de son histoire, provoquant des « turbulences »<ref name=":0" />, jusqu'à l'extase ou l'angoisse... D'autant plus que l'on est loin de chez soi, en dehors de ses repères habituels<ref name=":1" />.

Dans la fiction

Au cinéma

Dans la littérature

  • Journal intime (2005) de Chuck Palahniuk décrit ce syndrome et évoque son histoire, notamment avec la visite de Stendhal à Florence.
  • Dans les forêts de Sibérie (2011), récit de Sylvain Tesson. L’auteur arrive à cette réflexion depuis sa cabane où il s’est retiré au bord du lac Baikal : Modèle:Citation.
  • La légèreté (2016) BD de Catherine Meurisse (Dargaud). Traumatisée après l'attentat de Charlie Hebdo, la dessinatrice de l'hebdo séjourne à la Villa Médicis à la recherche d'une réparation par le syndrome de Stendhal.
  • Le syndrome de Stendhal (2017), BD de Aurélie Herrou et de Sagar (Glénat/Centre Georges Pompidou). Victime du syndrome de Stendhal, le héros est capable de se projeter mentalement à l’intérieur des œuvres qu’il regarde.
  • Henri Beyle et son curieux tourment (2019), roman de Charles Duttine, actualise le syndrome de Stendhal. Le personnage principal, un psychiatre, analyse différents cas de victimes de ce syndrome. Au cours d'un voyage en Italie, de Bologne à Naples en passant par Florence, sur les pas de Stendhal, ce personnage connaîtra des symptômes proches de ceux vécus par Stendhal<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Notes et références

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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

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