Mythe fondateur de Marseille

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La légende de Gyptis et Protis est le mythe fondateur qui raconte la fondation légendaire de Marseille (Massalia) vers 600 av. J.-C. par des colons grecs venus de la cité de Phocée en lonie.

Nous ne disposons désormais que de deux sources principales du mythe : l'histoire décrite par Aristote (384-322 Modèle:Av JC) dans « La Constitution des Massaliotes », la plus ancienne, et celle de Trogue Pompée (Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle Modèle:Av JCModèle:Vérification siècle) dans ses « Histoires philippiques », aujourd'hui perdues mais résumées par l'historien romain Justin ({{#switch: -

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}}).

Si les deux versions présentent quelques différences, elles racontent toutes deux le mariage de Gyptis (ou Petta), fille de Nann, chef des autochtones Ségobriges, avec Protis (ou Euxène), un marin originaire de Phocée. Lors de ses noces, la princesse choisit alors d'épouser l'étranger en lui présentant une coupe emplie d'eau au cours d'un repas<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Plusieurs hypothèses s'affrontent pour expliquer l'origine de ce mythe, lequel possède des éléments similaires à d'autres récits légendaires de l'Antiquité. Cependant des faits historiques avérés confirment une partie de la légende puisque les fouilles attestent de la présence de colons grecs au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle Modèle:Av JCModèle:Vérification siècle autour du Lacydon, en ce compris la colline sur laquelle se trouve le quartier du Panier.

Version d'Aristote (La Constitution de Marseille)

Version originale d'Aristote Modèle:Citation bloc

Fichier:Aristotle Altemps Inv8575.jpg
Aristote nous rapporte une version du mythe.

Traduction en français<ref name=":1">Modèle:Ouvrage</ref>Modèle:Citation bloc

Ce fragment de « La Constitution des Massaliotes » d'Aristote est cité en grec par Athénée à la fin du Modèle:Sap- dans ses Deipnosophistes (livre XIII)<ref>Athenaeus, Deipnosophistæ XIII, 576a (éd. G. Kaibel, Leipzig, BT, 1890, lll, 269).</ref>. L'histoire d'Aristote prend la forme d'un résumé sec, elliptique et disloqué par des ajouts d'informations mineures. Le texte d'Athénée est lui-même mal transmis, le récit ressemblant plus à une note de travail qu'à une narration composée<ref name=":1" />.

Fichier:Justin, L’histoire de Trogue Pompée, impression Jehan Olivier, 1519 seul exemplaire connu.jpg
Histoires philippiques de Trogue Pompée résumées par Justin. Édition de 1519.

Version de Trogue Pompée rapportée par Justin (Abrégé des histoires philippiques)

Version originale agrégée par Justin<ref name=":3">Modèle:Lien web</ref> :Modèle:Citation bloc

Fichier:Colonie Grecque à Marseille - Puvis de Chavannes.jpg
Colonie grecque à Marseille par Puvis de Chavannes.

Traduction en français<ref name=":3" />

Modèle:Citation bloc

La version de l'historien gallo-romain Trogue Pompée est abrégée en latin par Justin dans Epitoma Historiarum Philippicarum (« Abrégé des histoires philippiques » - La Fondation de Marseille, XLIII, 3). L'original a été perdu<ref name=":0">Modèle:Ouvrage</ref>.

Version de Strabon

Strabon, géographe et historien rapporte dans ses écrits une autre version du mythe fondateur faisant intervenir Aristarchè, prêtresse du temple d'Artémis d'Éphèse<ref>Modèle:Article</ref>.

Différences entre les deux versions

Malgré une trame narrative identique, les deux versions du récit comportent plusieurs différences notables et traduisent peut-être une évolution du mythe à différentes époquesModèle:Note :

Version d'Aristote Version de Trogue Pompée-Justin
La princesse se nomme Petta puis Euxène change son nom en Aristoxène (Aristoxénè, Ἀριστoξενην) La princesse se nomme Gyptis
Le chef des Phocéens se nomme Euxène (Eúxenos, Εὔξενος) Il y a deux chefs : Prôtis et Simos
Prôtis est le fils d'Euxène et l'ancêtre des Prôtiades Protis épouse Gyptis
Euxène se trouve au mariage par hasard et Petta choisit son époux de la même façonModèle:Note. Nanos pense que « le don a été fait avec l'accord de la divinité » Un hasard fait que Protis se trouve chez les Ségobriges durant les noces de Gyptis. Nannus lui donne un emplacement pour fonder une ville

Analyses

Légendes semblables

La trame du mythe s'apparente à d'autres récits de la culture grecque. On y retrouve des héros aristocratiques, un roi indigène et un peuple qui s'hellénisent pacifiquement, ainsi qu'une union scellée par une dot et une alliance politique<ref name=":4">Modèle:Ouvrage</ref>.

La mythologie comparée nous indique aussi que le choix de la princesse pour son époux se retrouve dans d'autres récits des mythologies indo-européennes, avec des variations à chaque fois. Soit les prétendants sont mis en compétition, soit le père laisse le choix à la jeune fille, ce qui revient à s'en remettre aux auspices et à une décision divine. Les Massaliotes attribueraient donc inconsciemment une faveur divine à leur présence et celle de leurs ancêtres<ref name=":1" />.

Dans sa version, Aristote insiste d'ailleurs beaucoup sur le hasard (Τύχη, « la fortune ») : celui qui mène Euxène au mariage, puis la princesse à le choisir pour époux. Il précise d'ailleurs que le père accepte l'union en pensant que Modèle:Citation. La version de Trogue Pompée n'insiste pas autant sur cet élément mais le hasard fait aussi en sorte que Protis se trouve chez les Ségobriges durant les noces de Gyptis.

Charès de Mytilène raconte une histoire semblable à celle de Protis et Gyptis dans le livre X des Histoires d'Alexandre Modèle:Citation bloc

De même, Euripide atteste que Tyndare avait laissé sa fille Hélène choisir son mari : Modèle:Citation bloc

Les Indiens appellent cette tradition le svayamvara (स्वयं‍वर, « choix personnel »). Dans le Mahabharata, la princesse Damayanti (दमयंती) choisit le beau Nala, qu'elle avait perçu en songe, après l'avoir distingué de quatre dieux qui se sont donné l'apparence du jeune prince pour la tromper.Modèle:Citation bloc

Fichier:Marseille Bourse intérieur sculpture voussure 2.jpg
Sculpture des voussures du plafond du Palais de la bourse de Marseille célébrant la fondation de la ville.

Le récit d'Aristote précise qu'il y a, à son époque à Massalia, une famille issue d'Aristoxène appelée les Prôtiades. L'affirmation de certaines familles d'avoir parmi leurs ancêtres les fondateurs de la cité, souvent déifiés, se retrouvent en d'autres lieux. La famille des Julii (dont fait partie Jules César) remonte sa supposée origine généalogique à Énée<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, fondateur mythique de Lavinium et aïeul de Romulus et Remus selon Virgile<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Relations avec les autochtones

Le mariage du chef des colons avec la fille du souverain local reflète les rapports pacifiques qu'ont voulu entretenir les Phocéens avec les autochtones, contrairement à d'autres colonies où ils s'emparent du territoire par la force ou la ruse<ref name=":4" />. Les marins cherchent à commercer avec eux et s'installer durablement et pacifiquement sur leur territoire. Grâce à la force créatrice du mythe, descendants de colons et d'indigènes se dessinent une origine commune dans leur mémoire collective<ref>Modèle:Lien web</ref>.

D'ailleurs, quand Euxénos prend Petta pour femme, Aristote en parle en utilisant le verbe συνοικείν (« cohabiter »), qui peut servir à désigner la cohabitation de deux personnes, mais aussi de deux groupes. Et lorsque celle-ci épouse Eúxenos (Εὔξενος, « le bon hôte »), il fait changer son nom en Aristoxénè (Αριστοξενη, « la meilleure des hôtesses »)<ref name=":0" />.

Le mariage de Protis et de Gyptis, fille du roi Nann symboliserait donc l’alliance des deux peuples, où l'étranger se fond parmi les indigènes. Prôtis « d'hôte devient gendre » nous dit d'ailleurs Trogue Pompée. On pourrait aussi y voir la volonté des Phocéens de s'approprier l'identité des autochtones dès le début<ref>Modèle:Lien web</ref>, ou bien au contraire de conduire à leur hellénisation<ref name=":1" />. Le recours aux mariages mixtes est en outre nécessaire et courant dans les premiers temps de la colonisation<ref name=":2">Modèle:Article</ref>.

Hypothèse d'une domination tardive de la culture phocéenne

Modèle:Encadré texte

Pour Henri Tréziny, Marseille a peut-être d'abord été une colonie de culture ionienne au sein de laquelle la spécificité phocéenne n'y acquièrent une place importante que progressivement, notamment après la chute de Phocée et l'arrivée possible de nombreux colons vers 546 av. J.-C. Fuyant les invasions de l'Asie mineure par les Perses conduits par Cyrus II et la destruction de leur ville, nombre d'entre eux rejoignent leurs colonies méditerranéennes, dont Massalia, événement que certains historiens ont nommé la Modèle:Citation de Marseille<ref>Modèle:Harvsp</ref>,<ref name=":2" />.

Cette hypothèse expliquerait la présence de deux chefs phocéens, Simos et Protis, dans la version de Trogue Pompée, ce dernier devenant dans le récit d'Aristote le fils du fondateur Euxène. Il est donc possible que l'un des deux personnages ait été introduit par les Phocéens après la création du mythe, puis que Protis (Πρῶτις, qui ressemble à protos, πρῶτος , « le premier ») ait supplanté Simos plus tardivement, à la suite d'une nouvelle vague possible de colons fuyant leur cité après la seconde chute de Phocée en 494 av. J.-C<ref name=":2" />..

Mythe du colon

Colonies phocéennes.
Colonies phocéennes.

Bertrand Westphal raconte que pour le colon phocéen quittant sa terre natale hellénisée pour des contrées inconnues celtes ou barbares, il faut croire à des mythes pour se donner le courage de s'élancer vers d'autres rivages où l'attend la promesse d'une princesse et d'une postérité. Contrairement aux auteurs précédents, il estime que ces mythes sont sans doute antérieurs à la création historique des cités, dans le but de constituer un appel à lever l'ancre pour les migrants<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Fichier:Le musée d'Histoire de Marseille (14017826868).jpg
Petit navire de commerce de la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle Modèle:Av JCModèle:Vérification siècle Musée d'Histoire de Marseille

Recherches

Fichier:Amphores-Musée d'histoire de Marseille.jpg
Amphores retrouvées à Marseille ou dans des épaves de bateau. La plus ancienne, d'origine étrusque, date de 600/550 av. J.-C. Musée d'Histoire de Marseille.

Preuves de la présence de colons phocéens il y a 2600 ans

Si la plupart des éléments du récit relèvent de la légende, la présence de colons phocéens dans la baie du Lacydon au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle avant notre ère est bien attestée par des fouilles archéologiques menées à l’emplacement du tunnel de la Major, sur le parvis de l’église Saint-Laurent ou encore à l’esplanade de la Major. La datation de Trogue Pompée parait donc plausible puisqu'il nous indique que l'histoire se passe sous le règne du mythique roi de Rome Tarquin l'Ancien (616-579 av. J.-C.)<ref>Modèle:Lien web</ref>

En 1993, à l'occasion de la construction d'un parking sous la place Jules-Verne, près du Vieux-Port, on découvre les vestiges du port antique. Deux épaves de bateaux datant de la deuxième génération des fondateurs sont également retrouvées : un petit voilier de commerce et une grande barque côtière. Une équipe d’archéologie navale propose à l'époque de construire une réplique de la barque pour vérifier si les marins phocéens ont pu traverser la Méditerranée dans ce genre d'embarcation.

Après deux décennies de recherche, la construction du Gyptis démarre en février 2013. Huit mois sont nécessaires à la construction du navire. Les historiens se mettent même à la place des artisans de l'époque et n'utilisent aucune méthode et outils anachroniques. En octobre 2013, Gyptis est mis à l’eau et les premières expérimentations commencent.

Pour les archéologues, il ne fait aucun doute que ces pentécontores ont pu traverser la Méditerranée et que les Modèle:Citation<ref>Modèle:Lien web</ref>

Si l'on n'a par contre pas retrouvé de traces d'occupation permanentes ligures sur le site de Marseille, les fouilles sédimentaires ont montré que les rives du Lacydon ont été utilisées à partir du {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | IIe{{#if:|  }} }} millénaire avant notre ère pour des activités saisonnières liées à la mer (consommation de fruits de mer) mais sans que l'on puisse détecter d'exploitation des sols (déforestation, cultures, décapages) avant la fondation de la ville grecque<ref>Modèle:Article</ref>.

Une étude publiée en 2011 montre que 4 % des hommes dans la région marseillaise et 4,6 % de ceux de la région d'Aléria en Corse, autre destination des navigateurs phocéens, sont des descendants directs des Phocéens<ref>Étude dont l'un des coauteurs est Jacques Chiaroni, directeur de l'Établissement français du sang de Marseille publiée dans Molecular Biology and Evolution</ref>.

Antériorité de l'oppidum Saint-Blaise

Ce mythe pourrait être cependant contredit par l'interprétation de fouilles récentes sur le site de l'oppidum de Saint-Blaise. En effet, selon Jean Chausserie-Laprée, conservateur en chef du patrimoine de la Ville de Martigues, les découvertes archéologiques publiées en 2019 pourraient indiquer que cet oppidum, situé sur l'embouchure du Rhône, à une cinquantaine de kilomètres du port antique de Marseille, était la capitale des Ségobriges, et que les Phocéens avaient donc rencontré les Gaulois et installé leur première forteresse là-bas, avant de fonder Marseille<ref>Gilles Rof, L’histoire de la création de Marseille revisitée, Le Monde, 17 décembre 2019. Consulté le 29 décembre 2019.</ref>,<ref>C. Lombard, La fondation de Marseille décidée sur une colline du Pays de Martigues, Maritima, 27 décembre 2019.</ref>,<ref>Jean Chausserie-Laprée, Sandrine Duval, Marie Valenciano, Saint-Blaise en Provence, capitale gauloise des Ségobriges, dans Archéologia, Modèle:N°, novembre 2019, pp.44-51/74.</ref>.

Héritage et culture populaire

Version de Guillaume Apollinaire

Dans son ouvrage historique La Fin de Babylone, publié en 1914, Apollinaire revisite avec humour le mythe fondateur de Marseille. Quelques années après la création de la ville, le narrateur s'arrête à Massalia avant de prendre le large vers Babylone. Il y rencontre un vieillard qui se présente comme le jeune Ligure qui devait recevoir la coupe nuptiale de la belle Gyptis et l'épouser. Le prétendant autochtone, prince de Lassiotâh (en référence à la ville de La Ciotat), étant trop ivre au cours de cette soirée, celle-ci finit par choisir d'offrir sa main au marin grec Euxène.Modèle:Citation bloc

Marseille, terre d'accueil

Modèle:Article connexeLe mythe fondateur s'inscrit dans l'image de terre d'accueil, d'exil et de métissage que représente Marseille. Dans l'inconscient collectif, la ville apparait depuis longtemps comme une « terre promise » pour les migrants, un lieu où, selon Jean-Claude Izzo, Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage</ref>

Fichier:Dellepiane-Fondation-Marseille.jpg
Affiche réalisée par David Dellepiane en 1899 pour le Modèle:25e centenaire de la fondation de Marseille.

Célébrations

2 500 ans après sa fondation, la ville fête, en 1899, le Modèle:25e centenaire de l'arrivée des Phocéens. L'anniversaire est célébré avec faste et le bateau de Protis accoste sur le quai de la Fraternité devant une Canebière bondée<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

En 1999, de nombreuses manifestations se tiennent tout au long de l'année dans les domaines du théâtre, de la musique, de la littérature, de la poésie, des musées, du sport et de l'économie. Marseille met en valeur tous ses monuments et sites et les musées présentent quelques-unes des œuvres de leurs réserves<ref>Modèle:Lien web</ref>. En 2001, le maire Jean-Claude Gaudin inaugure le [[Parc du 26e Centenaire|Parc du {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | XXVIe{{#if:|  }} }} Centenaire]], dont les travaux ont débuté en 1999.

Autres

Le Gyptis est le nom d'une salle de cinéma populaire et d'auteur, situé dans le quartier de la Belle de Mai<ref>Modèle:Lien web</ref>.

En 1993, le Badaboum Théâtre joue ce mythe au Jardin des Vestiges du Musée d'histoire de Marseille devant 4000 spectateurs<ref>Modèle:Lien web</ref>.

En 2017, le mythe est le ressort de l'une des intrigues de Plus belle la vie.

Articles connexes

Bibliographie

Notes et références

Modèle:Références

Modèle:Palette Modèle:Portail