Autodafé

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Fichier:Condenados por la Inquisición.jpg
Condamnés par l'Inquisition, d'Eugenio Lucas Velázquez (1862), musée du Prado.

Un autodafé (mot portugais « auto de fé » venant du latin « actus fidei », c'est-à-dire « acte de foi ») est une cérémonie de pénitence publique organisée par le tribunal de l'Inquisition espagnole ou portugaise, durant laquelle celle-ci proclamait ses jugements<ref name=Herodote/>.

Dans le langage populaire, ce terme est devenu synonyme d'une exécution publique par le feu de personnes jugées hérétiques. Ce glissement de sens est dû au fait que les condamnés relaps ou refusant de se rétracter étaient remis par l'Inquisition aux mains des autorités civiles, qui, parfois, les envoyaient au bûcher.

Avant même l'existence de l'Inquisition, les Hérésies du XIe siècle en Occident ont donné lieu à plusieurs exécutions par le feu, comme lors de l’Hérésie d'Orléans en 1022 (10 à 14 chanoines de la cathédrale d’Orléans brûlés dans une cabane sur décision du roi Robert II le Pieux après réunion d’un synode) ou peu après en 1028 à Monteforte dans le Piémont (bûcher à Milan) <ref>Modèle:Chapitre</ref>.

À Blois, le 26 mai 1171, 32 membres de la communauté juive, hommes, femmes et enfants, accusés de crime rituel, furent condamnés à mort et furent brûlés vifs sur ordre du comte Thibaut V de Blois. Les condamnations au bûcher des cathares, de Jeanne d'Arc ou Giordano Bruno ont été prononcées en référence à une théologie romaine, mais Michel Servet a subi le même supplice en 1553 après une condamnation pour hérésie par le Petit Conseil, calviniste, de Genève. Le premier autodafé sous l'Inquisition espagnole a lieu à Séville en Espagne en 1481.

Par extension, « autodafé » désigne l'action de détruire par le feu<ref>Modèle:Lien web</ref>. Ainsi, le concept d'autodafé est couramment utilisé pour caractériser la destruction publique de livres ou de manuscrits par le feu. Les plus anciennes mentions de ce type de pratiques se rencontrent en Chine au IIIe siècle avant J.-C., lorsque l'empereur Qin Shi Huang décide de liquider les écrits confucéens, ou plus tard, dans un contexte de guerre culturelle entre chrétiens et païens dans l'Empire romain.

Le mot auto da fé apparaît en France au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.

Origine

L'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492 – dite année cruciale (« Año crucial») – par le décret de l'Alhambra des rois catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand II d'Aragon convaincus par le grand Inquisiteur Torquemada, suivie par celle au Portugal où s'étaient exilés les expulsés, par le roi [[Manuel Ier (roi de Portugal)|Manuel {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | Ier{{#if:|  }} }}]] en 1497, puis par l'expulsion des musulmans en 1502, en 1525, puis en 1609, obligent les juifs et les musulmans restés sur place à se convertir ou à mourir. Cette situation amène à ce que l'Inquisition persécute sévèrement tous ceux qui sont suspectés de ne pas suivre l'orthodoxie catholique en voulant « extirper tout élément hétérogène » de la société<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref name=":4" />.

Organisation

Modèle:Article détaillé

Cérémonial

Fichier:The procession of the Inquisition in Goa entering th Wellcome V0041645.jpg
Procession de l'Inquisition portugaise à Goa avec les frères dominicains, le grand Inquisiteur, les soldats, « les criminels ayant évité le feu par la confession », et derrière la croix, les condamnés au bûcher et les petits cercueils des accusés et condamnés post mortem ou de ceux qui seront brûlés en effigie, 1783.

Sous l'Inquisition, la cérémonie d'auto da fé aussi appelée « sermo generalis », se déroulait en grande pompe et de façon de plus en plus élaborée le temps passant, afin qu'elle apparût spectaculaire aux centaines de spectateurs placés selon leur rang, et quelquefois, en présence de monarques ou autres seigneurs.

La cérémonie se composait d'une longue procession constituée des membres de l'Église et des pénitents, suivie d'une messe solennelle, d'un procès, d'un serment d'obéissance à l'Inquisition (réconciliation des pécheurs), d'un sermon et de la lecture des sentences. Cette séance solennelle de l'Inquisition procédait habituellement sur la grand place de la ville et pouvait mener jusqu'à l'église ou tribunal d'audience du lieu<ref name=Herodote>Modèle:Lien web.</ref>,<ref name=":0">Modèle:Article.</ref>,<ref>A. Gonzalez-Raymond, Modèle:Opcit, Modèle:P..</ref>.

Fichier:Costumes de Differents Pays, 'Homme Condamne au Feu par l'Inquisition de Goa' LACMA M.83.190.209.jpg
Tenue d'un condamné au feu par l'Inquisition de Goa, 1797.

Costume

Les personnes accusées d'hérésie (terme large) devaient faire la preuve de leur bonne foi (acte de foi, auto da fe), se confesser et faire pénitence. Pour ce faire, elles pouvaient arriver sur place nus pieds, le corps à moitié dénudé et portant un cierge allumé. Elles étaient revêtues d'un accoutrement humiliant avec des symboles de l'infamie, composé d'une sorte de chasuble ou poncho appelé sambenito aux couleurs différentes selon l'accusation, où figuraient une grande croix de saint-André ou des dessins symbolisant la liste de leurs crimes assortis de leurs noms<ref>Après la peine purgée (même la mort), le sambenito était exposé ad perpetuam rei memoriam dans l'église paroissiale afin que la famille et les descendants du condamné reçoivent toute leur vie, eux aussi l’opprobre de la société. J. Perez, 2012, Modèle:P.. Lire en ligne.</ref>,<ref name=":4">Modèle:Ouvrage.</ref> et arboraient sur la tête un haut chapeau pointu appelé coroza<ref name=":0" />.

Fichier:Ф.Гойя. Из цикла Los Caprichos 1797-98.jpg
Port du coroza, No hubo remedio (« Il n'y avait pas de remède »), Goya, 1797-1798.

Pour que l'humiliation soit complète, le dessin de leurs sentences (flammes, démons) figurait sur la chasuble des condamnés au bûcher et une sorte d'attelle pouvait maintenir leur menton haut afin qu'ils affrontent le regard et les huées de la foule le long de leur parcours.

Accusés ou victimes

Modèle:Article détaillé Selon les différents tribunaux, les accusés sont le plus souvent d'anciens Juifs convertis plus ou moins de force (conversos), accusés de judaïser, pareillement d'anciens musulmans apostats, de protestants (calvinistes, luthériens), d'hérétiques du catholicisme, de mystiques (notamment illuministes alumbrados), de « sorcières » et « sorciers », de blasphémateurs (délit de paroles), de bigames, de fornicateurs (pour les relations hors-mariage), de zoophiles (délit dit de « bestialité »), de sodomites (dont homosexuels), de pédérastes, de personnes dénoncées pour motifs divers, etc.<ref name=":0" />,<ref>S'y ajoutent ou détaillent les renégats (« vieux-chrétiens » ayant renié plus ou moins volontairement leur foi catholique, notamment ceux pris par des pirates barbaresques), d'esclaves ou captifs obligés de passer d'une religion à l'autre ; les bouchers degüella a la morisca (égorgeurs à la musulmane, majoritairement « vieux-chrétiens »sacrifiant les bêtes selon la demande de leurs clients) ; les sorcières brugeria capables de voler la nuit et se transformer en animaux et les sorciers et sorcières hechiceria usant d'artifices magiques ou divinatoires, astrologues... A. Gonzalez-Raymond, Modèle:Opcit, Modèle:P. ?, 45 et suiv.</ref>.

Les accusés ou victimes déjà morts sous la torture ou déjà enterrés et dont l'Église veut récupérer les biens, sont déterrés ou leurs restes récupérés pour que se tiennent à eux aussi leur procès inquisitoire post mortem et leur condamnation, comme on peut le constater sur la gravure ci-dessus.

Toute personne peut être accusée et condamnée quel que soit son âge, enfant ou vieillard. Les archives montrent des condamnés de Modèle:Nombre (une fillette) et d'autres avouant 102 printemps (un homme)<ref name=":2" />.

Attitude

Fichier:La Inquisicion en lima.jpg
À Lima, condamnés encordés portant sambenito, coroza, cierge ; certains étant bâillonnés de fer.

Lors de leur procès, les accusés, femmes comme hommes, adoptent l'une des quatre attitudes suivantes face aux « crimes » qui leur sont reprochés :

  • ils se confessent ;
  • Ils se confessent puis nient ;
  • ils nient puis se confessent ;
  • ils nient<ref>A. Gonzalez-Raymond, Modèle:Opcit, Modèle:P..</ref>.

Dans son étude sur les procès des auto da fe de l'Inquisition à Valence entre 1566 et 1700 Modèle:Incise, l'historienne Anita Gonzalez-Raymond remarque que les femmes sont plus résistantes à la torture (la « question ») et nient plus fréquemment que les hommes<ref>A. Gonzalez-Raymond, Modèle:Opcit, Modèle:P. et Modèle:P..</ref>.

Pénologie

Fichier:Gregorio Fosman-auto de fe del tribunal de la inquisición-madrid-1680.jpg
Auto de fe au tribunal de l'inquisition de Madrid, 1680.

Les sentences prononcées sont diverses et se déploient ainsi : absolution, admonestation, pénitence, réconciliation, relaxe, condamnation en effigie, condamnation, ajournement, etc<ref>A. Gonzalez-Raymond, Modèle:Opcit, Modèle:P. et suiv.</ref>.

La remise en liberté pour ceux qui se sont « réconciliés » par la confession de leurs « crimes » peut être assortie d'une obligation de porter le sambenito pendant plusieurs années ou toute leur vie dans toutes les activités de leur quotidien, sauf au domicile du pénitent<ref name=":3">Joseph Pérez, Breve Historia de la Inquisición en España, Barcelone, 2009 et 2012 Modèle:ISBN, Modèle:P..</ref>.

Peines

Fichier:1806-1820, Voyage pittoresque et historique de l'Espagne, tomo II, Auto de fe en Valladolid (cropped).jpg
Auto de fe en Valladolid, 1806-1820.
Fichier:An auto-da-fé of the Spanish Inquisition and the execution o Wellcome V0041892.jpg
Exécution de juifs dite auto-da-fé sur la place du marché en Espagne.

Les condamnations sont variées et leur sévérité diffère d'un tribunal à l'autre, d'une époque à l'autre :

  • le bûcher : se convertir avant de mourir permet d'être étranglé avant d'être livré aux flammes ; les autres condamnés sont brûlés vifs ;
  • les galères : d'un an à plusieurs années ;
  • la flagellation publique : de quelques coups de fouet à plusieurs centaines<ref>Chaque nœud de la corde autour du cou de l'accusé figurait 100 coups de fouet à lui administrer.</ref> ;
  • la prison : d'un an à perpétuité ;
  • l'exil ;
  • les autres peines : réclusion dans un monastère de quelques mois à plusieurs années, jeûnes, obligation d'assister (et quelquefois à financer) à des messes et offices en habit de pénitent (sambenito et coroza), port perpétuel de ce vêtement d'infamie, interdiction d'exercer un ministère religieux, etc.<ref name=":3" />.

La peine de mort ne pouvant être appliquée par l'Église, cette dernière livre ses victimes au pouvoir séculier<ref name=":0" />.

L'exécution des peines capitales n'a très généralement pas lieu le jour de l'auto da fé, comme aussi la remise des condamnés aux autorités civiles, contrairement à ce que laissent supposer certaines représentations iconographiques. Il existe toutefois des cas où l'auto da fe durant jusqu'au soir, l'on remette les condamnés à ceux qui allaient les exécuter à minuit.

Que ce soit les condamnés ou les « réconciliés » et relaxés, tous doivent payer des amendes ou voir tout ou partie de leurs biens confisqués par l'Inquisition — ces fortunes alimentant les caisses de l'Inquisition et des couronnes royales, outre la corruption du clergé<ref name=":2">Modèle:Ouvrage.</ref>,<ref name=":1" />.

Historique

Espagne wisigothique

Selon la Chronique de Frédégaire, le roi wisigoth [[Récarède Ier|Récarède {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | Ier{{#if:|  }} }}]], premier roi catholique d'Espagne (586-601), ordonna, après avoir abjuré l'arianisme et s'être converti au catholicisme ([[IIIe concile de Tolède|{{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | IIIe{{#if:|  }} }} concile de Tolède]] de 589), de brûler tous les livres et manuscrits ariens de son royaume ; ils furent regroupés à Tolède (capitale wisigothe) dans une maison qui fut incendiée<ref>Chronique de Frédégaire, sur remacle.org.</ref>,<ref>Judith Herrin, The Formation of Christendom, Princeton University Press, 1989, Modèle:P..</ref>.

Savonarole

Le dominicain Jérôme Savonarole a organisé un autodafé appelé « bûcher des Vanités », le 7 février 1497 à Florence, où les habitants durent apporter bijoux, cosmétiques, miroirs, livres immoraux, robes trop décolletées ou richement décorées, images licencieuses, etc. De nombreuses œuvres d'art produites à Florence au cours de cette décennie, dont notamment une partie de celles de Sandro Botticelli, ont disparu à cette occasion.

Péninsule ibérique et Inquisition

Fichier:Contemporary illustration of the Auto-da-fe held at Validolid Spain 21-05-1559..jpg
L'Autodafé de protestants du 21 mai 1559 à Valladolid, gravure de Jan Luyken.

Fin de la Reconquista

Peu de temps après l'année cruciale et la chute du royaume nasride de Grenade, Modèle:Refnec.

Faux-semblants

L'objet des tribunaux inquisitoriaux était précis : il s'agissait de rechercher les juifs non convertis au catholicisme (et fallacieusement accusés de meurtres ou de profanations) et ceux qui ne s'étaient convertis que sous la contrainte (pour ne pas être forcés à l'exil ou pour sauver leur vie) tout en continuant à adhérer secrètement au judaïsme. Ces derniers étaient appelés péjorativement les « marranes » (porcs).

Les conversions de façade avaient tendance à se répandre, déclenchant l'animosité populaire (troubles de Tolède et Cordoue en 1449, de Ségovie en 1474), mais également les protestations des juifs sincèrement convertis au christianisme, pour qui l'attitude des marranes jetait le discrédit sur l'ensemble des « nouveaux chrétiens ». C'est pour cette raison que l'on trouve à l'époque de nombreux conversos parmi les promoteurs de l'Inquisition, plus virulents encore que les chrétiens d'origine.

Les tribunaux inquisitoriaux instituèrent des sortes de « jurys ». Ces jurys étaient constitués de notables locaux Modèle:Incise, voire de juristes qui pouvaient poser des questions au suspect, questions à charge ou à décharge. Les faux témoins, s'ils étaient découverts, s'exposaient à de très lourdes sanctions, en principe les mêmes que celles qui auraient été infligées à l'accusé<ref>Cf. les Constitutiones du Grand Inquisiteur le cardinal Torquemada et ses instructions aux responsables inquisiteurs ; consulter aussi les comptes-rendus d'audiences de l'Inquisition française durant l'affaire des Albigeois.</ref>,<ref>Sources : Archives espagnoles déposées à Séville, actes des procès inquisitoriaux en France au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle)</ref>.

Condamnations au bûcher

Fichier:História de Lisboa, por Nuno Saraiva (Arco da Rua Norberto de Araújo) 14.png
Histoire de Lisbonne par Nuno Saraiva, 2008.

Tout comme les Juifs, de nombreux morisques, musulmans contraints de se convertir au christianisme, ont été condamnés à être brûlés vifs par l'inquisition espagnole de 1502 à 1750. Il leur était reproché de continuer à pratiquer dans le secret les rites de la religion musulmane.

En 1499, l'inquisiteur Diego Rodrigues Lucero connu par la suite pour sa cruauté, condamna à être brûlés vifs 107 juifs conversos, convaincu qu'ils étaient en réalité des marranes, restés fidèles à leur ancienne religion. Ce fut un des plus meurtriers autodafés du pays.

Au Portugal, il n'y eut pas d'autodafé avant 1540 (quatre ans après la création de l'Inquisition portugaise) mais durant les Modèle:Nombre qui suivirent, il y en eut environ quarante, avec « seulement » 170 condamnations au bûcher parmi les 2 500 condamnations prononcées. Par la suite (1580), Modèle:Souverain2 envahit le Portugal : le roi garantit aux juifs qu'ils pourraient continuer à pratiquer leur religion. Mais ceux qui se convertissent doivent le faire sincèrement, sous peine de risquer d'encourir les foudres de l'Église. Et de fait, en vingt ans, 3 200 condamnations (dont, ici encore, « seulement » 160 au bûcher) seront prononcées.

Fichier:Francisco rizi-auto de fe.jpg
Autodafé sur la Plaza Mayor de Madrid, Francisco Ricci (1683).

Les autodafés continueront dans la péninsule Ibérique pendant toute la Renaissance et jusqu'au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.

En 1639, au Pérou, le père franciscain Ioseph de Zisneros, qui était à la tête de l’Inquisition, condamna à Lima neuf marchands juifs au bûcher ; le dixième se suicida dans sa cellule et il fut brûlé en effigie. Au préalable, les condamnés avaient été conviés à faire acte de foi (auto da fé), pour mériter leur « rachat » dans l’au-delà. Leurs biens furent comme à l'habitude confisqués afin de renflouer le Trésor<ref name=":1">de Zisneros (Ioseph), Inquisition : Apologie de l'autodafé célébré à Lima en 1639 - Criminocorpus, collection Zoummeroff.</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>.

L'exécution des accusés ne faisait pas partie de l'auto da fé et avait lieu lors d'une cérémonie ultérieure, normalement à l'extérieur de la ville, où la pompe de la procession principale était absente. Les principaux éléments de la cérémonie de l'auto da fé étaient la procession, la messe, le sermon à la messe et la réconciliation des pécheurs. Il serait faux de supposer, comme il l'est souvent fait, que les exécutions étaient au centre de l'événement<ref>Henry Kamen, The Spanish Inquisition: An Historical Revision, 2000, Orion Publishing Group, Modèle:P..</ref>, bien que certains auteurs, tels que Voltaire dans son conte philosophique Candide, répandront l'idée contraire.

Autodafé de livres

Fichier:Nuremberg chronicles - Suns and Book Burning (XCIIv).jpg
Livres brûlés, Nuremberg chronicles, 1440-1514.

On nomme autodafé la destruction par le feu de livres ou d'autres écrits. Il s'agit d'un rituel qui se déroule habituellement en public<ref name=":02">Modèle:Ouvrage</ref>, par lequel on témoigne d'une opposition culturelle, religieuse ou politique vis-à-vis des documents que l'on brûle. On considère donc généralement l'autodafé comme une méthode de censure visant à faire taire des voix considérées comme dissidentes ou hérétiques et qui menacent l'ordre établi<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

L'autodafé se rattache au phénomène plus général de la destruction de livres ou biblioclasme<ref>Modèle:Article</ref>, que certains auteurs appellent aussi libricide<ref name="Knuth" />, bibliocauste<ref>Modèle:Ouvrage</ref> ou biblioclastie<ref>Modèle:Article.</ref>.

En général, ce n'est pas le livre en tant qu'objet matériel qui est visé, mais plutôt le livre comme porteur d'un contenu ou comme symbole d'une culture particulière<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Il peut ainsi s’agir d’un acte de mépris envers l’auteur ou le contenu de son œuvre.

La portée de ces destructions est variable. Dans certains cas, les écrits sont irremplaçables et leur destruction constitue une grave perte pour le patrimoine culturel d’une communauté. Dans d’autres cas, des exemplaires des livres détruits sont aujourd'hui accessibles, car des copies ont subsisté à l'attaque. Lorsque la destruction est étendue et systématique, l’autodafé constitue un élément significatif d’un ethnocide ou génocide culturel<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>,<ref name="Knuth" />.

La volonté d'intimider<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> ou de rallier un plus large public à ses idées peuvent constituer d'autres objectifs de l'autodafé.

Ce phénomène peut se rattacher à l'iconoclasme, c'est-à-dire la destruction des images ou des représentations<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. En effet, des similitudes existent quant à leur ancrage culturel, religieux ou politique. De plus, à différents moments de l’histoire, comme lors de la Révolution française, la destruction de livres va de pair avec la destruction d’autres symboles culturels<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Historique

Cette pratique possède une longue histoire qui prend place dans différentes régions du monde et sous différents régimes idéologiques et politiques.

Destruction du paganisme dans l'Empire romain

En 391 à Alexandrie, l'évêque Théophile voulut d'abord faire confisquer le temple de Dionysos pour le transformer en église et obtint pour ce projet l'approbation de l'empereur chrétien [[Théodose Ier|Théodose {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | Ier{{#if:|  }} }}]], mais les païens de la ville se mobilisèrent et se barricadèrent dans l'enceinte du Serapæum, un bâtiment massif sur un terrain surélevé surnommé « l'Acropole d'Alexandrie ». Le Préfet d'Égypte et le commandant en chef de l'armée provinciale refusèrent d'intervenir sans un ordre exprès de l'empereur, que Théophile sollicita et obtint : un décret impérial approuva la démolition des temples d'Alexandrie.

Alors l'évêque, sans attendre l'intervention des autorités civiles et de l'armée, prit lui-même la tête d'une foule de chrétiens exaltés et se présenta devant le Serapæum où il lut à haute voix le décret de l'empereur devant une foule terrifiée. Ensuite il se précipita dans le temple et donna lui-même le premier coup à la statue du dieu Sérapis ; ses partisans, en état de frénésie, se ruèrent derrière lui et entreprirent de saccager et de démolir complètement le sanctuaire, lequel contenait, selon le témoignage du rhéteur contemporain Aphthonios d'Antioche, une importante bibliothèque où des milliers d'ouvrages furent apparemment détruits<ref>Modèle:Ouvrage</ref>,<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Conquête arabe en Perse

En 637, le palais de Ctésiphon (le Taq-e Kisra), capitale de l'Empire perse sous les Sassanides est détruit par les Arabes. Selon les historiens, l'autodafé des immenses bibliothèques perses par les troupes musulmanes, contenant tout le savoir de l'empire sassanide dura plus de six semaines, d'un feu continu, nuit et jour<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Fichier:Dresden codex, page 2.jpg
Codex de Dresde (Modèle:P.).

Les débuts de la colonisation espagnole en Amérique

Modèle:Article détailléÀ la suite de la conquête espagnole du Mexique actuel au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, les écrits des civilisations préhispaniques tels que ceux des Mayas et des Aztèques ont subi plusieurs autodafés de la part des religieux européens, convaincus que les codex étaient associés aux démons et aux superstitions.

L'évêque de Mexico à l'époque, Juan de Zumárraga, a fait brûler en 1530 tous les écrits et les idoles des Aztèques en mettant feu aux maisons royales qui hébergeaient les codex<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

En juillet 1562, le franciscain Diego de Landa ordonna un autodafé de l'ensemble des documents afin d'assurer une meilleure évangélisation des populations autochtones<ref>L'écriture maya livre ses secrets - Le Monde, 30 novembre 2008</ref>. Seuls quatre codex mayas sur les 27 recensés ont été sauvés des flammes<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Révolution française

Plusieurs autodafés eurent lieu durant la Révolution française, principalement commis par les révolutionnaires envers les institutions qui représentaient le régime féodal, comme la noblesse et le clergé. La première vague eut lieu durant le mouvement de la Grande Peur, qui vit les paysans entrer dans les châteaux des seigneurs et détruire les registres féodaux<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, appelés les livres terriers.

Les bibliothèques ont également été ciblées : on estime que Modèle:Nombre ont été détruits rien qu'à Paris, et que pour l'ensemble du pays, le nombre de livres disparus grimpa à Modèle:Nombre<ref name="Báez" />. Par exemple, l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés fut incendiée en 1794 et tout le contenu de sa bibliothèque Modèle:Incise a été brûlé<ref name="Báez" />.

Les portraits de saints ont aussi été touchés, dans un mouvement de déchristianisation.

Nazisme

Modèle:Article détaillé

Fichier:1933-may-10-berlin-book-burning.JPG
Berlin, 10 mai 1933.
Fichier:Bundesarchiv Bild 102-14597, Berlin, Opernplatz, Bücherverbrennung.jpg
Berlin, 11 mai 1933.

Modèle:Citation bloc Par analogie des méthodes, le terme auto da fe fut employé pour désigner la destruction par le feu que les nazis appliquèrent aux ouvrages dissidents ou dont les auteurs étaient juifs, communistes, modernes, féministes ou pacifistes<ref>Cf. le film Apocalypse, Hitler.</ref>.

Fichier:Pogrom d'Anvers - 14 avril 1941 - autodafé.jpg
Autodafé lors du pogrom d'Anvers, le 14 avril 1941.

Le premier autodafé nazi eut lieu le Modèle:Date- à Berlin (Opernplatz)<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, et fut suivi par d'autres à Brême, à Dresde, à Francfort-sur-le-Main, à Hanovre, à Munich et à Nuremberg.

Furent ainsi condamnés au feu les ouvrages, entre autres, de Bertolt Brecht, d'Alfred Döblin, de Lion Feuchtwanger, de Sigmund Freud, d'Erich Kästner, de Heinrich Mann, de Karl Marx, de Friedrich Wilhelm Foerster, de Carl von Ossietzky, d'Erich Maria Remarque, de Kurt Tucholsky, de Franz Werfel, d'Arnold Zweig et de Stefan Zweig, considérés comme « dégénérés »<ref>Ian Kershaw, Hitler, tome 1 : 1889-1936, Flammarion, Paris, 2000, Modèle:P..</ref>.

Franquisme

La phalange franquiste organisa le Modèle:Date- un autodafé de style nazi à l'université centrale de Madrid où furent notamment brûlés des livres de Maxime Gorki, Sabino Arana, Sigmund Freud, Alphonse de Lamartine, Karl Marx, Jean-Jacques Rousseau et Voltaire<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Chine

Le premier empereur de Chine, Qin Shi Huang brûla les écrits confucéens pour asseoir son pouvoir et l'idéologie du légisme<ref>Modèle:Ouvrage;</ref>.

Des corans furent détruits dans de grands autodafés<ref>Collectif, Le Livre noir du communisme, Paris, Robert Laffont, 1998, Modèle:P.</ref>. Des manuscrits bouddhistes et des bibles furent également brûlés<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Chili

Modèle:Article détaillé

Fichier:Chile quema libros 1973.JPG
Soldats chiliens procédant à des autodafés en 1973.

Plusieurs autodafés ont été perpétrés lors du régime militaire de Pinochet. Les militaires contrôlaient l'activité éditoriale et plusieurs écrits de tendance socialiste ou contestataire ont été détruits, comme les œuvres de Pablo Neruda et Gabriel García Márquez. Par exemple, les autorités ont brûlé Modèle:Nombre de L'Aventure de Miguel Littin, clandestin de ce dernier auteur<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Histoire récente

Fichier:Destruction d'ouvrages du Falun Gong lors de la répression de 1999 en Chine.jpg
Destruction d'ouvrages du Falun Gong lors de la répression de 1999 en Chine.

Autodafé des livres par leurs auteurs

En 1588, le cardinal britannique William Allen écrit pendant son exil « Modèle:Lien », un ouvrage critiquant la reine Élisabeth Ire{{#if:|  }}. Il a l’intention de le publier en Angleterre pendant l’occupation des Espagnols à la suite d’une invasion victorieuse par l’Invincible Armada. À la suite de la défaite de l’Armada, Allen prend le soin de passer sa publication au feu. Elle n’est désormais connue que par l’un des espions d’Élisabeth qui en a volé une copie<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Le rabbin hassidique Nahman de Bratslav aurait écrit un livre qu’il aurait lui-même brûlé en 1808. Aujourd’hui, ses adeptes pleurent « Le livre brûlé » et cherchent dans les écrits du rabbin des indices sur ce que contenait le volume perdu et pourquoi il a été détruit<ref>Modèle:Lien web</ref>.

En Modèle:Date-, Nicolas Gogol fait imprimer à compte d’auteur son poème Hans Küchelgarten. Le livre est si mal reçu par la critique que Gogol rachète lui-même les exemplaires des librairies pour les passer au feu<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. La nuit du Modèle:Nobr, soit une semaine avant sa mort, après une longue prière, Gogol jette au feu la très attendue deuxième partie de son magnum opus, Les Âmes mortes. Il s’y prend à deux fois pour enflammer le manuscrit. Ensuite, il se signe et se couche en sanglotant. Il dira plus tard au comte Alexandre Tolstoï que c’est le Malin qui l’a poussé à l’acte<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Ce geste a grandement influencé Mikhaïl Boulgakov, qui le met en scène dans son roman Le Maître et Marguerite. Le personnage principal, le Maître, brûle son propre manuscrit, mais à l’inverse du récit de Gogol, c’est le Diable qui lui permet de le retrouver lui disant que les manuscrits ne brûlent pas<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Dans un élan dramatique, Boulgakov déchire et jette les deux premières versions de Le Maître et Marguerite au printemps 1930. Dans une lettre écrite au gouvernement de l'URSS, il dit avoir brûlé son roman sur le diable. Il va ensuite réécrire le roman au complet<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Avant sa mort en 1924, Franz Kafka écrit à son ami Max Brod : Modèle:Citation. Brod ne suit pas les souhaits de Kafka, croyant que l'auteur lui a donné ses directives en sachant qu'elles ne seraient pas honorées. Si Brod avait suivi les indications de Kafka, la plus grande partie des œuvres de Kafka Modèle:Incise aurait été perdue pour toujours<ref>Modèle:Lien web;</ref>.

Autodafés dans la fiction

Livres

Dans le roman Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, le thème principal est la destructions de livres par le feu, effectué par le protagoniste.

Films

Mise en scène des autodafés nazis dans le film d'aventures Indiana Jones et la Dernière Croisade (1989) de Steven Spielberg.

Notes et références

Modèle:Références nombreuses

Annexes

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