John Keats

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Modèle:En-tête label Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Écrivain John Keats (Modèle:MSAPI<ref group=N>Prononciation en anglais britannique (Received Pronunciation) retranscrite selon la norme API. Écouter sur Forvo.</ref>), né le Modèle:Date de naissance à Londres et mort le Modèle:Date de décès à Rome, est un poète anglais considéré comme un romantique de la deuxième génération, celle de Lord Byron et de Percy Bysshe Shelley. Il commence à être publié en 1817, soit quatre années avant sa mort de la phtisie, à vingt-cinq ans<ref>Modèle:Harvnb.</ref>.

La poésie de John Keats se réclame de nombreux genres, du sonnet et de la romance spensérienne jusqu'à l'épopée inspirée par John Milton et qu'il remodèle selon ses exigences. Ses œuvres les plus admirées sont les six odes datées de 1819 : l'Ode sur l'indolence, l'Ode sur la mélancolie, l'Ode à Psyché, l'Ode sur une urne grecque, l'Ode à un rossignol et l'Ode à l'automne, souvent considérée comme le poème le plus abouti jamais écrit en anglais.

De son vivant, Keats n'est aucunement associé aux principaux poètes de la mouvance romantique, et lui-même se sent mal à l'aise en leur compagnie. En dehors du cercle d'intellectuels libéraux gravitant autour de son ami, l'écrivain Leigh Hunt, son œuvre se voit critiquée par les commentateurs conservateurs comme étant mièvre et de mauvais goût, de la « poésie de parvenu » selon John Gibson Lockhart, et, d'après John Wilson Croker, « mal écrite et vulgaire ».

En revanche, à partir de la fin de son siècle, la gloire de Keats ne cesse de croître : il est alors compté parmi les plus grands poètes de langue anglaise et ses œuvres en vers, tout comme sa correspondance Modèle:Incise, figurent parmi les textes les plus commentés de la littérature anglaise.

Modèle:Référence nécessaire

Modèle:Sommaire

Biographie

Dans la longue lettre-journal que John Keats adresse à son frère George et sa belle-sœur Georgiana en 1819 se trouve une remarque glissée au milieu d'une anecdote concernant le jeune pasteur Bailey, son ami : Modèle:Citation. La vie de Keats est elle aussi une allégorie : Modèle:Citation. C'est dire qu'il existe une image temporelle de lui, mais que l'ensemble de son être se construit par étages successifs et que son sens Modèle:Citation.

Naissance et fratrie

Vue de face, église, fronton à la romaine flanqué de deux tours en retrait avec portes et fenêtres de style roman, pendule et clocher composé de quatre superstructures dont la dernière est une petite coupole.
St Botolph-without-Bishopsgate, Londres.

Les preuves manquent pour situer exactement le jour de la naissance de l'enfant. Sa famille et lui ont toujours indiqué que son anniversaire tombait le Modèle:Date-, mais les registres de la paroisse de St Botolph-without-Bishopsgate où il est baptisé font état du Modèle:Date-Modèle:Sfn,<ref name="NDB">Modèle:Lien web.</ref>. Aîné de quatre enfants ayant survécu Modèle:Incise, John Keats a pour frères George et Tom (Thomas), et pour sœur Frances Mary, dite Modèle:Langue (1803-1889), qui épouse plus tard l'écrivain espagnol Valentín Llanos Gutiérrez<ref>Modèle:Article.</ref>, auteur de Modèle:Langue et de Modèle:Langue<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Jeunes années

Le Cygne et le Cerceau

Plaque de faïence bleue, portant en lettres blanches la mention nécessaire
Plaque commémorative de la naissance de John Keats (site de l'« Auberge du Cygne et du Cerceau »).

Son père, Thomas Keats, commence sa carrière comme garçon d'attelage à l'enseigne de l'« Auberge du Cygne et du Cerceau » (Modèle:Langue), tenue par son beau-père à Modèle:Langue, LondresModèle:Sfn. Devenu ensuite gérant de l'établissement, il s'y installe pendant quelques années avec sa famille qui s'agrandit. Keats garde sa vie durant la conviction qu'il est né dans une écurie, ce qui, à ses yeux, constitue une stigmatisation sociale, mais aucune preuve ne corrobore les faits<ref name="NDB"/>. Le site est maintenant occupé par Modèle:Langue, près de Modèle:Langue, à quelques mètres de la gare ferroviaire et métropolitaine de Moorgate (Modèle:Langue)<ref>Modèle:Article.</ref>.

La famille Keats est aimante et soudée, les alentours bruissent de vie et d'allées et venues. Le père est travailleur et espère un jour inscrire son fils aîné dans une école prestigieuse, Modèle:Langue ou Modèle:Langue de préférenceModèle:Sfn. En attendant, le jeune garçon fréquente une Modèle:Langue, école primaire privée tenue par une femme chez elle. Toutes ces écoles ne se ressemblent pas ; beaucoup sont de simples garderies tenues par des analphabètes, mais certaines offrent un enseignement de qualité. Tel est le cas pour celui que reçoit John Keats qui apprend à lire, manie le calcul et a même des notions de géographie. Le moment venu de quitter le foyer approche et, faute de moyens pour bénéficier d'une éducation dans une Modèle:Langue<ref group="N">Leur titre laisse entendre qu'il s'agit d'écoles publiques, alors que dans les faits, elles sont sélectives puisqu'elles n'accueillent que 10 % de la population estudiantine du Royaume-Uni.</ref>, il entre à l'été de 1803 à l'école du Révérend John Clarke dans le bourg de Enfield, non loin de l'endroit où habite son grand-père à Modèle:Langue. Il y sera rejoint par George, puis, quelques années plus tard, par TomModèle:Sfn.

L'école de John Clarke à Enfield

C'est une petite école Modèle:Incise modelée sur les Modèle:LangueModèle:Sfn, connues pour leurs idées libérales et offrant un programme d'études plus moderne que celui, traditionnel, des prestigieuses institutions. De fait, si prévalent les disciplines classiques, l'école de Keats est aussi largement ouverte aux langues modernes, au français en particulier (Keats lira plus tard Voltaire et traduira RonsardModèle:Sfn), à l'histoire, à la géographie, aux mathématiques et aux sciences physiques et naturellesModèle:Sfn. L'enseignement tente de se rationaliser, encourageant le doute, le questionnementModèle:Sfn. Le caractère y a autant d'importance que l'intellect<ref name="C.">Modèle:Chapitre.</ref> et la discipline reste peu stricte, en grande partie assurée par les élèves que récompensent divers prix (l'évaluation s'étend de O à X, soit de « Très bien » [Modèle:Langue] à « Insuffisant » [Modèle:Langue]Modèle:Sfn) selon leur conduite et leurs résultats<ref name="C."/>. Un grand jardin est mis à leur disposition, où ils cultivent des légumes, et que John Keats fréquente assidûmentModèle:Sfn,<ref name="C."/>. L'atmosphère familiale qui règne permet une grande liberté de choix : c'est ainsi que Keats s'intéresse aussi à l'histoire et la littérature antique, engouement qui ne le quittera plus. Il apprend le latin mais pas le grec ancien, Modèle:Mr., responsable des études classiques, ne l'ayant jamais étudié. Cette lacune ne manquera pas de lui être reprochée, surtout lors de la parution d'Endymion et même de celle des grandes odes de 1819Modèle:Sfn. Il lit Robinson Crusoé, les Mille et une nuits, les champions du gothique, [[Ann Radcliffe|Modèle:Mrs]], Monk Lewis, Beckford, Maria Edgeworth (qu'il finit à Rome) ; mais sa passion l'entraîne ailleurs : il dévore le Panthéon de Tooke<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> et le Dictionnaire classique de Lemprière, offrant de brefs portraits des dieux et des déesses<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Le Panthéon, en particulier, lui fournit, dans les premières scènes du poème épique Endymion, les éléments nécessaires au récit des festivités données en l'honneur du dieu Pan et se trouve encore sur ses étagères lorsqu'il meurt en ItalieModèle:Sfn. Il traduit en prose près de la moitié de l'Énéide de VirgileModèle:Sfn et s'initie avec ferveur au français. Pour lui, la littérature Modèle:Incise est bien plus qu'un refuge, c'est un savoir qui exige un effort et une farouche détermination, une constante exploration dont la récompense, pour qui veut s'en donner la peine, surpasse toute autre expérience, ce qu'il appelle plus tard des « filons d'or », des « eldorados » (Modèle:Langue), expression d'abord employée dans le vers d'ouverture du sonnet Après avoir ouvert pour la première fois l'Homère de ChapmanModèle:Sfn.

C'est vers ses treize ans que ses maîtres remarquent son zèle, couronné par le prix du meilleur essai lors de ses deux ou trois derniers trimestresModèle:Sfn pour lesquels il reçoit le Dictionnaire de la marchandise de C. H. Kauffman et, l'année suivante, l'Introduction à l'astronomie de BonnycastleModèle:Sfn. Entretemps, le fils du directeur, alors âgé de quinze ans, Charles Cowden Clarke, le prend en amitié et lui sert de mentor, le guide dans ses lectures, lui fait découvrir les auteurs de la Renaissance, Le Tasse, Edmund Spenser et les traductions d'Homère par George Chapman. Charles Cowden se souvient de Keats comme d'un garçon déterminé, sans timidité, se faisant volontiers des amis qu'à l'occasion il défend avec impétuosité<ref name="C."/>, exempt de la moindre mesquinerie, apprécié de tous, camarades aussi bien que maîtres et personnel d'intendance. Cela dit, un autre ami, Edward Holmes, le décrit comme « changeant et divers » (Modèle:Langue), « toujours porté aux extrêmes » (Modèle:Langue), se laissant volontiers aller à l'indolence, et ne craignant pas de faire le coup de poingModèle:Sfn, même avec un maître de l'école lorsque, un jour, il entend réparer une injustice faite à son frère TomModèle:Sfn.

Décès accidentel du père

Alors que John Keats n'a que huit ans et demi, survient le premier événement d'une série de deuils et de dislocations familiales qui le hanteront toute sa courte vie. Dans la nuit du Modèle:Date-, au retour d'une visite à l'école de son fils, où il se rend régulièrement, après avoir dîné à Southgate, son père fait une chute de cheval sur Modèle:Langue à une heure du matin. Un veilleur de nuit, John Watkins, remarque le cheval qui rentre seul à l'écurie, et trouve le cavalier inconscient. Victime d'un traumatisme crânien avec fracture de l'occiput, il meurt au matin dans son auberge, où il a été transportéModèle:Sfn,<ref>Modèle:Article.</ref>.

Le choc est rude, tant émotionnellement que financièrement. Le Modèle:Date-, Frances Keats, qui vient de se remarier, confie ses enfants, John, George, sept ans, Tom, cinq ans, et Fanny, un an, à sa mèreModèle:Sfn, Alice Whalley Jennings, soixante-quinze ans, veuve depuis 1805 et ayant déménagé à Edmonton au nord de LondresModèle:Sfn. Cette grand-mère a hérité de son défunt mari une somme considérable et s'est tournée vers un négociant en thé en qui elle a toute confiance, Richard Abbey, associé à John Sandell, qu'elle nomme tuteur des enfants. La plus grande partie des ennuis financiers de Keats découle de cette décision. Non qu'Abbey ait été malhonnête, mais plutôt borné, peu enclin à dépenser et parfois menteur. L'argent qui revient aux enfants est dispensé avec une parcimonie frisant l'avarice et ce n'est qu'en 1833, bien après avoir atteint sa majorité, que Fanny force par voie judiciaire le marchand à abandonner sa tutelleModèle:Sfn.

Mort de la mère

La mère de John Keats se remarie deux mois après la mort brutale de son époux avec un certain William Rawlings, ancien responsable d'écurie devenu petit employé de banqueModèle:Sfn. Le mariage est malheureux : Frances quitte son nouveau foyer en 1806, non sans avoir laissé une bonne part des écuries et de son héritage à son second mari, puis disparaît, peut-être pour suivre un autre homme, un certain Abraham, habitant Enfield, selon AbbeyModèle:Sfn. Ce qui est certain, c'est qu'elle sombre dans l'alcoolismeModèle:Sfn et revient en 1808, encore jeune femme, de Modèle:Unité, mais déprimée, éteinte, percluse de rhumatismesModèle:Sfn et minée par la phtisie dont elle meurt deux ans plus tard chez sa mèreModèle:Sfn le Modèle:Date-<ref name="NDB"/> (John a remplacé sa grand-mère pendant ses absences et il s'est occupé de la malade avec un dévouement passionné)Modèle:Sfn. D'après Andrew Motion, dans la mesure où, entre deux crises, il lui lit des romans, il commence à associer la littérature à la possibilité d'une guérison, l'un des thèmes courants dans son œuvre. La contemplation de la souffrance lui apprend aussi qu'elle peut être source de savoir, non pas seulement sur soi-même mais aussi sur l'humaine condition. Il prend ainsi conscience que le plaisir est indissociable de la douleur, le gain de la perte. C'est ce qu'il exprime plus tard lorsqu'il écrit : « […] les difficultés affermissent l'énergie intérieure d'un homme Modèle:InciseModèle:Note. »

La double perte de la mère, d'abord lorsqu'elle se donne à Rawlings, puis après son retour quand elle meurt, crée en Keats un schéma de possession et d'abandon courant tout au long de son œuvre, dans La Belle Dame sans Merci comme dans Lamia, Endymion et même Othon le Grand, son unique pièce de théâtre composée à deux mains avec Charles BrownModèle:Sfn. De plus, comme il l'écrit à Bailey en Modèle:Date-, il ressent « un sentiment injuste envers les femmesModèle:Note » : pour lui, les femmes se rangent en deux catégories, ou elles sont parfaites, ou elles sont corrompuesModèle:Sfn. La phrase est extraite d'un long document dans lequel Keats use d'un procédé qui anticipe la psychanalyse, car il remonte à l'enfance pour tenter d'expliquer sa gêne et son opinion. En ses plus jeunes années (Modèle:Langue), explique-t-il en substance, la femme est pour lui une déesse éthérée, bien au-dessus de l'homme. À l'adolescence (Modèle:Langue), le mythe s'est écroulé et il a connu la déception. Depuis, il constate qu'en compagnie des hommes, il se sent libre et à l'aise, mais qu'avec les femmes, il reste sans voix, gauche, soupçonneux, il n'a pas confiance. Il y a là ce qu'il appelle « une perversité » ou « un préjugé » qu'il laisse en suspens, car après tout, il doute « que la gent féminine se préoccupe de savoir si Modèle:Langue John Keats, taille cinq pieds, l'apprécie ou nonModèle:Note ». À cela, Andrew Motion ajoute que bien lui en prend de ne rien vouloir changer : La Belle Dame sans Merci, Lamia et plusieurs des odes composées en 1819 dépendent précisément de ce qu'il critique en lui-mêmeModèle:Sfn.

Désormais orphelin, John Keats assure farouchement le rôle de protecteur à l'égard de ses frères et sœur, particulièrement de la jeune Fanny. Signe de sa confiance en eux, ses méditations sur son art les plus approfondies leur sont presque exclusivement réservées, par exemple la très longue lettre-journal traitant de ses odes, écrite pour George et sa femme GeorgianaModèle:Sfn.

Vraisemblablement sous la pression de Richard Abbey, Keats quitte Modèle:Langue en 1811 pour entrer en apprentissage chez Thomas Hammond, établi à Edmonton, voisin de la grand-mère Jennings, chirurgien et apothicaire respecté, médecin de la famille. Le nouvel apprenti loge dans une mansarde surplombant le cabinet au Modèle:Langue, où il demeure jusqu'en 1815Modèle:Sfn. Son ami Charles Cowden déclare qu'il s'agit de « la période la plus placide de toute sa douloureuse vieModèle:Note ». Par là, il entend que, dans l'ensemble Modèle:Incise, les choses se passent bien : les Hammond sont hospitaliers et les méthodes d'apprentissage mises en œuvre très progressives ; Hammond, praticien consciencieux, reste en relation avec l'hôpital qui l'a formé et qu'il recommande ensuite à KeatsModèle:Sfn.

Premiers pas

Modèle:Images En 1814, John Keats dispose de deux donations importantes disponibles à sa majorité : une de Modèle:Unité, laissée par son grand-père John Jennings, et une part de l'héritage de sa mère, Modèle:Unité, somme estimée à environ Modèle:Unité au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, encore accrue par le décès de Tom en 1818<ref name="NDB"/>.

Il semblerait qu'il n'en ait jamais eu vent, car il n'a fait aucune démarche pour entrer en possession de son argent. L'histoire a tendance à blâmer Abbey pour sa négligence en tant que tuteur légal, mais certains critiques lui accordent le bénéfice du doute et supputent qu'après tout, il aurait été lui-même mal, voire pas du tout informé<ref name="NDB"/>.

En revanche, le notaire de la mère et de la grand-mère de Keats, William Walton, tenu par obligation de diligence, aurait dû le lui faire savoirModèle:Sfn. Cet argent eût pu changer le cours de sa vie, car il se débat contre de multiples difficultés, entre autres financières, et son vœu le plus cher eût été de vivre dans une totale indépendance<ref name="NDB"/>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Chez Hammond et à la table des Clarke

L'apprentissage chez Hammond se poursuit et John Keats étudie l'anatomie et la physiologie. À l'époque, la profession de chirurgien ne requiert pas de diplôme universitaire, mais une simple homologation, et Keats est parfois tenté de suivre cette voie<ref name="Poetry">Modèle:Lien web.</ref>. Il sait panser les plaies, dispenser les vaccins, réduire une fracture des os, poser des sangsuesModèle:Sfn. Cependant, au fil des mois et des ans, son enthousiasme pâlit, il souffre de solitude dans sa petite pièce et passe de plus en plus de temps dans les forêts ou à sillonner la campagne. Très souvent, il trouve refuge chez les Clarke à Enfield, distante d'environ sept kilomètres. Lorsque les soirées sont belles, la famille s'assoit sous une tonnelle au fond du vaste jardin. C'est l'époque où Keats termine sa traduction de l'Énéide et lit Modèle:Incise, les Métamorphoses d'Ovide, les Bucoliques de Virgile et le Paradis perdu de John Milton. La Reine des fées de Spenser, cependant, lui révèle soudain la puissance poétique de sa propre imagination. Après cette lecture, rappelle Cowden Clarke, John Keats ne fut plus jamais le même et devint un autre être, entièrement absorbé par la poésie, « galopant de scène en scène […] comme un jeune cheval dans une prairie de printempsModèle:Note ».

Ainsi, l'influence de John Clarke et de son fils Cowden est remarquable à ce stade de sa vie : cette intimité entre ancien élève et professeur, les soirées passées à la table familiale, les longues conversations nocturnes où se discutent les livres empruntés à la bibliothèqueModèle:Sfn font beaucoup pour qu'éclose sa passion poétique et que se confirme sa vocation<ref name="Poetry"/>. En Modèle:Date-, Keats écrit une Épître à Charles Cowden Clarke et évoque ces visites avec reconnaissanceModèle:Sfn.

La médecine au Modèle:Langue

Grande cour flanquée de vastes bâtiments, grand et haut portail en fer forgé.
Entrée du Guy's Hospital vers 1820 (estampe de William Woolnoth).

La période d'apprentissage avec Hammond ayant pris finModèle:Note, il s'inscrit en Modèle:Date- comme étudiant en médecine au Guy's Hospital de Londres. Au bout d'un mois, il est considéré comme assez compétent pour servir d'assistant aux chirurgiens pendant les opérations. C'est là une promotion significative, dénotant une réelle aptitude pour la médecine, mais aussi le chargeant de nouvelles responsabilités<ref name="NDB"/>. La famille de Keats est convaincue qu'après le coûteux apprentissage chez Hammond et le non moins onéreux séjour au Modèle:Langue, le jeune étudiant a trouvé sa voie, gage d'une longue et fructueuse carrière, et il semble que Keats avalise alors cette opinion<ref name="NDB"/>. À cette époque, il partage un logement proche de l'hôpital au 28 Modèle:Langue à Modèle:Langue ; parmi les locataires figure en particulier Henry Stephens, futur inventeur de grande renommée et magnat de l'industrie de l'encreModèle:Sfn. Il suit les cours du chirurgien le plus coté de la place, le Modèle:Dr, et approfondit ses connaissances dans nombre de matières scientifiques et dans la pratique de l'art<ref name="Poetry"/>.

Le conflit des vocations

Pour autant, au printemps 1816, il ressent une impatience de plus en plus exigeante, se comporte envers ses camarades étudiants en chevalier de la poésie, celle de Wordsworth en particulierModèle:Note, qui le plonge dans une excitation tenant de l'exaltation. Il est fasciné par le naturalisme du poète, son appel à une imagination séculaire, son usage d'une langue simple et naturelle Modèle:Incise<ref name="Poetry"/>. Bref, la poésie l'habite tout entier : « La science médicale échappe à son attention, écrit Henry Stephens, […] Pour lui la poésie représente le summum des aspirations humaines […], la seule qui soit digne d'un esprit supérieur […] il parle et marche parmi ses camarades d'études comme s'il était un dieu condescendant à se mélanger aux mortelsModèle:Note. »

Si la vocation de la médecine faiblit en lui, s'éveille avec force Modèle:Incise celle de la poésieModèle:Sfn. Son poème imité de Spenser (Modèle:Langue) date de 1814 alors qu'il a Modèle:Unité. Désormais, il fréquente les cercles de Leigh Hunt et de façon plus espacée, car le jeune lord s'absente souvent, de Lord Byron, fort appréciés de ses amis Clarke, eux-mêmes très libérauxModèle:Sfn. Le choix de carrière à faire, la pression des créanciers aussi, John Keats connaît des moments de franche dépression. Son frère George écrit qu'il « craint de ne jamais devenir un poète et que si tel est le cas, il mettra fin à ses joursModèle:Note ». Les études se poursuivent néanmoins et en 1816, Keats reçoit sa licence d'apothicaire qui lui donne le droit d'exercer la médecine, la pharmacie et la chirurgie<ref name="NDB"/>.

Pendant les mois de surmenage et de mélancolie, George Keats présente son frère à ses amies Caroline et Anne Mathew, filles d'un négociant en vinModèle:Sfn, et leur cousin, le « soi-disant<ref name="Poetry"/> » poète George Felton Mathew. L'amitié qui se noue entre ces jeunes gens est brève mais réelle, et sans doute apporte-t-elle à Keats quelque divertissement<ref name="Poetry"/>. Il entretient avec les deux sœurs une relation littéraire badine et taquine, leur adressant de petits mots écrits en anapestes, soit [∪ ∪ —], comme Modèle:Langue ou encore Modèle:Langue, dans le style de Thomas More, populaire sous la régence. Du cousin Mathew, il reçoit des encouragements d'autant plus appréciés que les deux jeunes gens partagent les mêmes vues politiques, et beaucoup d'entrain. John Keats lui fait découvrir Shakespeare. Trente ans plus tard, Mathew rend compte de ses impressions au biographe Richard Monckton Milnes et lui assure que Keats « avait une santé solide, se sentait bien en compagnie, savait s'amuser de bon cœur avec les frivolités de la vie et avait toute confiance en lui-mêmeModèle:Note ». Il ajoute que sa sensibilité restait en plein éveil et que, par exemple, lorsqu'il lisait à haute voix des passages de Cymbeline, ses yeux se mouillaient de larmes et sa voix trébuchait d'émotionModèle:Sfn.

L'influence de Leigh Hunt

Deux plaques de bronze côte à côte fixées sur une façade
Charles Lamb et John Keats, plaques de bronze par George Frampton, exposées à Edmonton.

En Modèle:Date-, Charles Brown présente John Keats à Leigh Hunt, ami de Byron et Shelley, fort influents dans les cercles littéraires<ref name="Poetry"/>. Ces deux derniers poètes, malgré leur réserve de classe envers le cockney, le londonien de basse couche, éprouvent de la sympathie pour lui : le premier se dit « son admirateur », le second « son ami »<ref name="Suied">Modèle:Ouvrage.</ref>. Trois années plus tôt, en 1813, Leigh Hunt et son frère John ont connu la prison pour avoir publié un manifeste contre le RégentModèle:Sfn,Modèle:Sfn. Cet épisode avait donné l'occasion à Keats de composer un poème, Sonnet écrit le jour où Hunt est libéré de prison, Modèle:1er. Depuis, s'il écrit divers petites pièces comme son Épître à George Felton Mathew (Modèle:Langue)Modèle:Sfn, sa première œuvre connue est un sonnet, O Solitude !, que Leigh Hunt offre de publier dans son magazine littéraire Modèle:Langue, de tendance très libéraleModèle:Sfn, ce qui est fait le 3 maiModèle:Sfn. Après une nuit de septembre passée à lire avec Clarke la traduction d'Homère de George Chapman, paraît le Modèle:Date- par la même voie Après avoir ouvert pour la première fois l'Homère de Chapman (Modèle:Langue) : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin

Jeune homme debout, l'air soigné, réfléchi, vêtements marron, légèrement appuyé sur un grand bureau
Charles Cowden Clarke vers 1841.

Charles Cowden Clarke écrit que pour John Keats le jour de la parution est à marquer d'une pierre blanche (Modèle:Langue), qu'il y a ici la première manifestation reconnue de la validité de ses ambitionsModèle:Sfn. Ce Modèle:Citation sonnet affiche une réelle unité, l'image de la découverte, qui culmine dans le tableau de Cortés debout sur la cime, se trouvant implicite dès le premier versModèle:Sfn ; le huitain et le sixain ont chacun leur crescendo, et le poète va de l'exploration à la révélation, sa quête passionnée trouvant son Graal dans le dernier vers du second quatrain : Avant d'entendre la voix haute et forte de Chapman. Alors, l'explorateur des mers tourne le regard vers le ciel et semble entrevoir une nouvelle planèteModèle:Sfn. Comme souvent dans ses poèmes à venir, il répond ici à la puissance imaginative d'un autre poète. L'imparable diction poétique, l'agencement même des sons, par exemple la vision métaphorique de l'océan d'émerveillement amplifiée par des voyelles longues, Modèle:Langue ({{#ifeq:1|0|waɪld|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}), Modèle:Langue ({{#ifeq:1|0|sɜː'maɪz|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}), qui bientôt s'éteignent en une série de syllabes faibles, Modèle:Langue ({{#ifeq:1|0|ˈsaɪlənt|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}), Modèle:Langue ({{#ifeq:1|0|piːk|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}), Modèle:Langue ({{#ifeq:1|0|'darɪən|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}), témoignent de sa maestria<ref name="Poetry"/>.

Albert Laffay loue l'influence de Leigh Hunt sur John Keats. Il évoque le ravissement du jeune homme lorsqu'il se rend à son cottage de Hampstead, Modèle:Citation. Keats décrit des retours de nuit à pied vers Londres et leur consacre deux sonnets à l'automne de 1816, Modèle:Langue (« Rafales capricieuses et glaciales ») et Modèle:Langue (« Après avoir pris congé d'un ami au bout de la nuit »). Hunt, ce Modèle:Citation (Modèle:Langue), lui inspire une véritable fascinationModèle:Sfn.

En revanche, l'auteur (anonyme) de l'article que la Modèle:Langue lui consacre émet certaines réserves sur ce modèle alors que se construit la personnalité littéraire du poète : il déplore son style luxuriant qu'ornent trop d'adjectifs en « –y » ou « –ly », comme Modèle:Langue (« [Traduction littérale] à la poitrine généreuse, éparpillant, de façon tremblante »), son emploi systématique d'un anglais non châtié, la coloration militante de ses vers, non pas tellement par les mots que par leur structure prosodique, d'où l'usage obligé de l'enjambement, du rejet de la césure hors du médian du vers pour la poser après une syllabe faible, ce qui revient à « casser » l' « aristocratique » distique héroïque toujours en faveur chez les poètes plus conservateurs<ref name="Poetry"/>. Pour autant, John Keats a d'autres modèles que lui, et à tout prendre, l'un des rôles de Hunt consiste à entretenir en lui la foi poétique et finalement Modèle:Incise à l'inviter à le surpasser<ref name="Poetry"/>.

Fin des études et débuts d'un poète

Contours et quelques ombres représentant un jeune homme de fière allure aux traits réguliers, les cheveux partagés au milieu, légèrement penché, l'air avenant et décidé
Leigh Hunt, estampe par H. Meyer d'après un dessin de J. Hayter.

S'il se consacre surtout à la poésie, John Keats n'en poursuit pas moins sa formation au Modèle:Langue (deux trimestres par an, octobre - mi-janvier et Modèle:Date- - mi-maiModèle:Sfn), car il envisage de devenir membre du célèbre Collège royal de chirurgie (Modèle:Langue)Modèle:Sfn.

Un séjour à Margate

En 1816, il publie le sonnet Modèle:Langue (« À mes frères »)<ref>Modèle:Lien web</ref> et emménage au début de l'été au 8 Modèle:Langue près du Modèle:Langue à SouthwarkModèle:Sfn. Le Modèle:Date-, Keats passe avec succès les épreuves du certificat de chirurgie : l'année a été rude (son ami Stephens échoue). Puis il part au bord de mer avec Clarke pour échapper à la touffeur crasseuse de son borough londonien, reprendre ses esprits et écrire<ref name="Poetry"/>. D'abord, les deux jeunes gens séjournent à Carisbrooke dans l'île de Wight, puis à Margate où les rejoint TomModèle:Sfn et, après un détour par CanterburyModèle:Sfn, Keats renvoie Tom à Londres et gagne le sud sur le conseil de HaydonModèle:Sfn. Sa destination est un petit village, Modèle:Langue, également connu sous les noms de Modèle:Langue, Modèle:Langue, Modèle:Langue, Modèle:Langue, ou Modèle:Langue, près de Hastings dans le SussexModèle:Sfn. Là, il rencontre Isabella Jones, belle, talentueuse et plutôt cultivée, qui reste une figure énigmatiqueModèle:Sfn. Sans être issue de la meilleure société, elle jouit d'une réelle aisance financièreModèle:Sfn. John Keats ne fait pas mystère du désir qu'elle éveille en lui, encore que d'après Gittings, les rencontres s'en tiennent à des jeux préliminaires. Il écrit à son frère George qu'il « rend visite à sa chambre » (Modèle:Langue) au cours de l'hiver 1818-1819, qu'il « s'échauffe avec elle et l'embrasse » (Modèle:Langue) ; bref, ajoute Robert Gittings, c'est sans doute là son initiation sexuelleModèle:Sfn. Isabella lui tient même lieu de muse, a l'idée des thèmes de La Vigile de la sainte Agnès<ref>Modèle:Lien web.</ref>, de La Vigile de la saint MarcModèle:Sfn, et même du court poème Modèle:Langue (Chut ! chut ! […], ô douce Isabelle)<ref>Modèle:Lien web.</ref>, la première version de Modèle:Langue (Modèle:Langue)Modèle:Sfn. En 1821, Isabella Jones est la première à être informée de la mort de KeatsModèle:Sfn.

Tout au long de ce séjour, il écrit beaucoup, des poèmes, Modèle:Langue par exempleModèle:Sfn, et aussi des lettres, dans lesquelles il déploie une réelle virtuosité à enchaîner plaisanteries et anecdotes, coquineries ou paillardises, des imitations de la verve comique de Shakespeare, du commérage et de la moquerie, et beaucoup de Modèle:LangueModèle:Sfn.

De retour à Modèle:Langue au début de juinModèle:Sfn, il n'en a pas fini avec la médecine, se rapproche encore de l'hôpital au Modèle:Langue et reprend son activité d'assistant médecin parmi les sombres ruelles, ce qui lui permet de survivre avant que sa majorité à vingt-et-un ans ne lui ouvre le plein exercice de sa science<ref name="Poetry"/>.

Nouvelles publications

La fin de l'année 1816 et le début de 1817 sont riches en publications plus ou moins réussies. Après le premier succès du sonnet consacré à la traduction d'Homère, paraît un recueil comprenant Modèle:Langue (« Je me tenais sur la pointe des pieds ») et Modèle:Langue (« Sommeil et poésie »), tous les deux portant l'influence de Leigh HuntModèle:Sfn. Lors des séjours de Keats à son cottage, un petit lit est ouvert pour lui dans la bibliothèque et c'est là que les sonnets sont écrits. John Hamilton Reynolds est le seul à leur consacrer un compte rendu favorable dans Modèle:Langue, mais Charles Cowden Clarke déclare que, vu son succès, « à la rigueur, le livre aurait eu une chance à TombouctouModèle:Note ». Les éditeurs de Keats, Charles et James Ollier, ont honte de cet échec et d'après Andrew Motion, prient le poète de s'en allerModèle:Sfn. Ils se voient aussitôt remplacés par Taylor et Hessey de Fleet StreetModèle:Sfn qui, eux, s'enthousiasment pour cette poésie. Aussitôt, ils prévoient un nouveau volume payé d'avance et Hessey se lie d'amitié avec Keats. D'ailleurs, leur maison d'édition réserve des pièces où les jeunes écrivains peuvent se rencontrer et travailler. Peu à peu, leur liste d'auteurs finit par comprendre Coleridge, William Hazlitt, John Clare, Thomas Jefferson Hogg, Thomas Carlyle et Charles LambModèle:Sfn.

John Taylor et Hessey présentent John Keats à leur conseiller, l'ancien étonien Richard Woodhouse, qui s'avère être un excellent guide littéraire et précieux en affaires juridiques. Fort admiratif des Poèmes récemment publiés, il ne manque pas, cependant, de remarquer chez l'auteur « l'instabilité, les tremblements, la tendance à facilement se découragerModèle:Note », mais se persuade de son génie qui en fera, prédit-il, un maître de la littérature anglaise. Peu après, se scelle entre les deux jeunes gens une amitié indéfectible. Woodhouse entreprend de collectionner tous les écrits de Keats et les documents relatifs à sa poésie (Modèle:Langue). Cette archive subsiste, l'une des principales sources d'information sur son art<ref name="NDB"/>. Andrew Motion compare Woodhouse à James Boswell au service d'un nouveau Samuel Johnson, n'ayant de cesse de promouvoir les œuvres du maître et de prendre sa défense lorsque des plumes malfaisantes se lèvent pour l'attaquerModèle:Sfn.

Peu importe les piques de la critique lors de la parution du recueil Modèle:Langue, Leigh Hunt publie un essai intitulé Trois jeunes poètes (Modèle:Langue), Shelley, John Keats et John Hamilton Reynolds. Il y ajoute le sonnet Après avoir ouvert pour la première fois l'Homère de Chapman (Modèle:Langue) et conclut que l'avenir poétique est gros de promessesModèle:Sfn. Il présente Keats à nombre de personnalités de l'Modèle:Langue, le rédacteur-en-chef du Times, le journaliste Thomas Barnes, l'écrivain Charles Lamb, le chef d'orchestre Vincent Novello<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> et le poète John Hamilton ReynoldsModèle:Sfn. John Keats fréquente aussi William Hazlitt, l'un des régents des lettres de l'époque. Désormais, il est perçu par le public éclairé comme faisant partie de la « nouvelle école de poésie » (Modèle:Langue), comme l'appelle HuntModèle:Sfn. C'est l'époque où, le Modèle:Date-, il écrit à son ami Benjamin Bailey : « Je ne suis sûr de rien sinon du caractère sacré des affections du cœur et de la vérité de l'imagination. La beauté que capte l'imagination est à coup sûr la véritéModèle:Note », passage qui annonce la fin de l'Ode sur une urne grecqueModèle:Sfn.

Abandon de la médecine

Au début de Modèle:Date-, poussé de façon pressante par ses amis, Keats annonce à Richard Abbey qu'il abandonne la médecine pour se consacrer à la poésie. Abbey est furieuxModèle:Sfn, d'autant que de longues années d'apprentissage et d'études ont fait du jeune homme un bon praticienModèle:SfnModèle:Note. De plus, il est en proie à d'énormes difficultés d'argent, endetté mais toujours généreux, prêtant de grosses sommes au peintre Benjamin Haydon, Modèle:Unité à son frère George émigré en Amérique, au point qu'il n'est plus capable d'honorer les intérêts de ses propres emprunts<ref name="NDB"/>. John Keats donne plus tard une explication à cette décision : elle ne serait pas seulement due à sa vocation de poète, mais aussi le résultat de son dégoût pour la chirurgieModèle:Sfn.

Modèle:Date- : l'hôpital n'est plus qu'un souvenir ; John Keats, qui souffre de rhumes incessants, quitte l'appartement humide de Londres et s'installe avec ses frères au Modèle:Langue à Hampstead village, un quartier cossu du nord de Londres. Tom est malade et ses deux frères prennent soin de lui. La maison est proche de celle de Leigh Hunt et de celles des poètes qu'il protège. Coleridge, aîné des romantiques de la première génération, ne réside pas loin, à Highgate, et le Modèle:Date-, Keats et lui font une longue promenade sur la lande. Dans une lettre à George, Keats raconte qu'ils ont parlé de « mille choses, […] des rossignols, de la poésie, de la sensation poétique, de métaphysiqueModèle:Note ». À cette époque, il est aussi présenté à Charles Wentworth Dilke, écrivain et critique de tendance libérale, et son épouse Maria<ref>Modèle:Lien web.</ref>, et James RiceModèle:Sfn pour lequel il compose un sonnet<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Au Pays des lacs

D'une hauteur, vue sur une petite ville au bord de l'eau, vaste panorama de collines et verdure, ciel dégagé
Vue panoramique sur la ville de Keswick, nichée entre le fell de Skiddaw et le lac Derwentwater, depuis les pentes du Walla Crag. Parc national du Lake District, Cumbrie (Royaume-Uni).

En Modèle:Date-, John Keats laisse Tom, qui va mieux, aux bons soins de la logeuse Modèle:MrsModèle:Sfn et entreprend une grande randonnée à pied dans le Pays des lacs et en Écosse en compagnie de Brown. Son frère George et sa toute jeune femme GeorginaModèle:Sfn les accompagnent jusqu'à Lancaster, puis poursuivent leur route en diligence jusqu'à Liverpool d'où ils s'embarquent pour l'AmériqueModèle:Sfn. De fait, ils ont décidé de s'expatrier pour devenir fermiers à Louiseville dans le Kentucky. George y devient peu à peu une personnalité respectée, d'abord à la tête d'une scierie, puis d'une entreprise de bâtiments. Ruiné pour s'être porté garant d'emprunts contractés par des amis, il meurt sans le sou, de la phtisie comme ses deux frères selon certains critiquesModèle:Sfn,Modèle:Sfn, ou selon d'autres, d'une affection gastro-intestinale<ref name="Crutcher">Modèle:Ouvrage.</ref>. Quant à Georgina, elle épouse deux ans après la mort de George, un certain Modèle:Mr. en 1843, chez qui elle emménage à Cincinnati, Ohio, puis à Lexington, Kentucky, où elle meurt<ref name="Crutcher"/>.

Mort de Tom

Noir et blanc, sentier sinueux et escarpé sur petite montagne vue d'une certaine aisance à droite
Sentier conduisant au sommet du Ben Nevis, Modèle:Unité.

En Modèle:Date-, sur l'île de Mull, Keats prend froid et souffre d'un mal de gorge persistantModèle:Sfn. « Trop maigre et trop fiévreux, il ne peut poursuivre le voyageModèle:Note ». « C'est sur l'île de Mull, écrit Andrew Motion, que commence la fin de sa brève vie et que débute sa lente mortModèle:Note ». Le Modèle:Date- au matin, il gravit les pentes du Ben Nevis et écrit un sonnet sur sa cime. Peu après qu'il a quitté Inverness, arrive une lettre de Dilke : Tom est au plus malModèle:Sfn. John Keats rentre seul à Londres et ce qu'il trouve chez lui l'horrifie : son petit frère alité, émacié, sans force, fiévreux, comme vieilli, et avec une douleur intolérable aux côtés et dans les épaulesModèle:Sfn. Il entreprend aussitôt de le soigner, s'exposant à la contagion de manière d'autant plus risquée qu'il est lui-même affaibli : la consomption est la malédiction de cette familleModèle:Sfn,Modèle:Sfn, et cette maladie, qui ne recevra le nom de tuberculose qu'en 1839, demeure stigmatisée, supposée trahir une faiblesse de constitution congénitale, des désirs sexuels refoulés, l'habitude de la masturbation. D'ailleurs, Keats ne la nomme jamaisModèle:Sfn,Modèle:Sfn. Tom meurt le Modèle:Date-Modèle:Sfn.

Wentworth Place

Belle maison double de style georgien modernisé, peinte en blanc, dans parc arboré
Wentworth Place, désormais le Modèle:Langue (à gauche), Modèle:Langue (à droite).

En octobre 1818, John Keats a fait la connaissance de Fanny Brawne, fille d'une ancienne locataire estivale de son ami Charles Armitage Brown qui, comme beaucoup de Londoniens, loue sa maison pendant ses absences à la belle saison. Conquise par Hampstead, Modèle:Mrs s'y est installée et est devenue une voisineModèle:Sfn.

Depuis le mois de février 1819, il a rejoint sur son invitation Charles Brown dans sa demeure flambant neuve de Modèle:Langue, une villa de style georgien située au bord de la lande de Hampstead (Modèle:Langue), à quinze minutes de marche de son ancienne maison de Modèle:Langue. C'est une construction double dont les Dilke occupent l'autre moitiéModèle:Sfn ; le loyer annuel s'élève à Modèle:UnitéModèle:Note et comprend le partage des factures de boisson<ref name="clayfox">Modèle:Lien web.</ref>. De toute façon, c'est Brown qui entretient quasi complètement le jeune poète, lui consent des prêts et veille également à ses manuscrits. Les deux amis entreprennent d'écrire à deux mains une tragédie, Otho le Grand (Modèle:Langue)<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Ils espèrent qu'elle sera jouée par le célèbre Kean et tiendra suffisamment l'affiche pour rapporter quelque argentModèle:Sfn.

1819 : Modèle:Langue

Pendant l'hiver 1818–1819, Keats commence à écrire ses œuvres les plus mûresModèle:Sfn, inspiré par une série de conférences données par William Hazlitt sur les poètes anglais et l'identité poétique, et par sa fréquentation plus régulière de William WordsworthModèle:Sfn. Déjà auteur de très grands poèmes, comme Modèle:Langue, adaptation de Pot de Basile du Décaméron (IV, V) de Boccace, il entreprend de terminer Endymion dont il reste peu satisfait et que rosse la critiqueModèle:Sfn. Pour autant, c'est au cours de l'année 1819, et singulièrement au printemps, que sa plus grande poésie est composée ou terminéeModèle:Sfn, Lamia, les deux versions de Hyperion, commencée en Modèle:Date-Modèle:Sfn, La Vigile de la sainte Agnès et surtout les six grandes odes, Ode à Psyché, Ode sur une urne grecque, Ode sur l'indolence, Ode sur la mélancolie, Ode à un rossignol et Ode à l'automne, cette dernière par une belle soirée de septembreModèle:Sfn : toutes sont transcrites par Charles Armitage Brown, puis présentées à l'éditeur Richard Woodhouse. La date exacte de composition reste inconnue : seule la mention « Modèle:Date- » figure sur les cinq premières. Si l'ensemble partage la même structure formelle et la même thématique, rien au sein de cette unité ne laisse transpirer l'ordre dans lequel elles ont été accompliesModèle:Sfn. L'Ode à Psyché ouvre peut-être la série. L'Ode à un rossignol donne lieu à une polémique posthume entre voisins qui diffèrent quant au lieu où le poème voit le jour. Charles Brown, qui loge Keats, déclare que l'épisode se passe à Modèle:Langue, sa maison de HampsteadModèle:Sfn, sous un prunier du jardinModèle:SfnModèle:Note. Il ajoute que le poète rédige le poème en une seule matinée : Modèle:Citation bilingue bloc Brown s'enorgueillit de ce que le poème n'ait été préservé que par ses soins et se soit trouvé directement influencé par sa demeure ; mais selon Andrew Motion, ceci demeure subjectif, Keats ayant plutôt compté sur sa propre imagination Modèle:Incise pour méditer sur le chant du rossignolModèle:Sfn. Quant au voisin, Charles Wentworth Dilke, il dément les dires et l'anecdote de Brown, rapportés dans la biographie de Richard Monckton Milnes publiée en 1848 ; pour lui, il s'agit là de « pure délusion » (Modèle:Langue)Modèle:Sfn, ce qui implique en anglais comme en français, une illusion des sens<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Fanny Brawne

Buste de femme encore jeune, en bonnet, sans trait distinctif particulier
Fanny Brawne, aquarelle miniature, 1833 (elle a Modèle:Unité).

C'est par l'intermédiaire des Dilke que John Keats rencontre en Modèle:Date- Fanny Brawne, jeune fille de dix-huit ansModèle:Sfn (née le Modèle:Date-Modèle:Sfn). Sa mère, Modèle:Mrs, veuve depuis 1810Modèle:Sfn, apprécie le poète et en parle souvent en bien à ses connaissancesModèle:Sfn. Fanny, la langue bien pendue, avec de l'entrain, parlant français et allemand, grande admiratrice de Shakespeare et Byron, avec une prédilection pour les romans à deux sous (Modèle:Langue), spirituelle et viveModèle:Sfn, se plaît à discuter de politique ou de littérature avec lui, comme elle le fait avec ses voisins anglais et aussi les exilés français qui, après la Révolution, se sont installés à HampsteadModèle:Sfn. Plus tard, elle souligne l'allant et la bonne humeur de son interlocuteur, seulement assombris lorsque la santé de Tom le préoccupeModèle:Sfn. Après la mort de ce frère aimé, pour soulager sa souffrance Modèle:Incise, elle l'encourage à se détourner du passé et de l'introspection, et sa vivacité lui redonne l'amour de la vie : « bientôt, il retrouva sa gaietéModèle:Note ». Sans tarder, il s'éprend passionnément de la jeune fille ; d'après Richardson, il l'idéalise jusqu'à la profonde souffrance et son imagination la métamorphose en princesse de légendeModèle:Sfn. John Keats lui demande sa main le Modèle:Date- ; Fanny la lui accorde, et les fiancés gardent le secretModèle:Sfn.

Fanny se rend souvent à Wentworth Place. Le poète danse mal et, de toute façon, se sent trop fatigué pour la sortir. Aussi, elle se laisse parfois inviter par des officiers, amis de sa mère et des DilkeModèle:Sfn, ce qui plonge Keats dans l'angoisse. Pourtant, il juge que sa présence, agréable et quasi constante, le distrait de sa vocation de poète. Mai a vu naître sous sa plume une succession de chefs-d'œuvreModèle:Sfn, mais juillet Modèle:Incise l'envoie à l'île de WightModèle:Sfn, et pendant plusieurs mois, avec quelques interruptionsModèle:Sfn, les deux jeunes gens échangent une correspondance riche d'émotions, de réflexions (sur l'amour et la mort), et parfois de piques de jalousieModèle:Sfn. Las de l'île, Charles Armitage Brown et lui marchent jusqu'à Winchester où ils terminent leur tragédie (Modèle:Langue), et en Modèle:Date-, après un voyage à Londres pour discuter avec Abbey des difficultés rencontrées par George et GeorgianaModèle:Sfn, Keats s'en revient épuisé, transi, fiévreux, titubant au point que Brown le croit ivreModèle:Sfn.

Alors qu'il se met au lit, il a un léger accès de toux et, à la vue d'une goutte de sang sur le drap, effectue immédiatement sur lui-même, en tant que médecin, son propre diagnostic avec le pronostic fatal qui l'accompagne, déclarant à Brown : « Je connais la couleur de ce sang ; cela vient d'une artère […] Cette goutte de sang est un arrêt de mortModèle:Note ». Plus tard dans la nuit survient une abondante hémorragie pulmonaire qui le fait suffoquer. Fanny raréfie ses visites par crainte de le fatiguer, mais passe parfois devant sa fenêtre en revenant de promenade, et tous deux échangent de fréquents petits motsModèle:Sfn.

Derniers mois, dernières amours, la fin

Le Modèle:Date-, alors que s'accentue la fréquence des crachements de sang, Keats offre à Fanny de lui rendre sa parole, ce qu'elle refuse. En mai, alors que Brown voyage en Écosse, il demeure à Kentish Town près de Leigh Hunt, puis chez Hunt mêmeModèle:Sfn. De plus en plus, les médecins recommandent un climat clément, par exemple celui de l'Italie. Shelley, qui se trouve à Pise, invite le malade à le rejoindre, mais il répond sans enthousiasme. En août, Modèle:Mrs le fait revenir à Hampstead et, aidée par Fanny, s'occupe de luiModèle:Sfn. Le Modèle:Date-, il est de retour à Modèle:Langue pour la dernière foisModèle:Sfn.

Les adieux du 13 septembre

Modèle:Mrs ne consent toujours pas au mariage, même si elle promet qu'« au retour de John Keats d'Italie, il épousera Fanny et vivra avec euxModèle:Note ». Le Modèle:Date-, Fanny transcrit l'adieu que John Keats dicte pour sa sœur, puis brûle les lettres d'amour qu'elle lui a adresséesModèle:Sfn. Ils échangent des cadeaux : Keats offre son exemplaire de Modèle:Langue, la tragédie en vers de Shelley publiée en 1819, son folio de Shakespeare annoté, sa lampe étrusque et sa propre miniature ; Fanny présente un carnet neuf, un coupe-papier, une boucle de cheveux, et en prélève une en échange ; elle double la casquette de Keats de soie et garde un morceau de tissu en souvenir ; enfin, dernière offrande, elle lui confie une cornalineModèle:Sfn. Selon Plumly, ces adieux marquent pour le poète son entrée dans ce qu'il appelle « son existence posthume » (Modèle:Langue)Modèle:Sfn.

L'Italie

Deux grandes maisons côte à côte, mais légèrement décalées l'une de l'autre, peintes en ocre et rose, à droite des escaliers (en montant) ; trois étages, trois piliers de soutènement
Maison de John Keats à Rome, vue des escaliers de la Trinité des Monts.

Charles Armitage Brown est en vacances, Leigh Hunt indisponible, et c'est Joseph Severn, peut-être le moins proche des amis mais, en définitive, le plus dévoué<ref name="Suied"/>, qui, contre la volonté de son père, l'accompagne le Modèle:Date- sur la Modèle:Langue à destination de l'ItalieModèle:Sfn. Des vents contraires retiennent le navire dans la Manche pendant une semaine et les passagers débarquent à nouveau à Portsmouth. John Keats et Severn en profitent pour aller voir des connaissances. Nouvel appareillage et mêmes bourrasques, et cette fois, c'est Lulworth Cove qui accueille le voilier. Keats y recopie son sonnet Étincelante étoile (Modèle:Langue)Modèle:Sfn. Naples est en vue le Modèle:Date-, mais le navire est retenu en quarantaine pendant six semaines en raison d'une flambée de typhus à LondresModèle:Sfn. Ce n'est que le 4 ou le Modèle:Date- que commence l'ultime étape vers Rome dans une petite voiture de louage. Severn passe son temps à distraire au mieux son compagnon de voyage ; il attire son attention sur les buffles, les villages tout blancs, les vignobles ; parfois, il saute de la calèche et court, ramasse des fleurs des champs et les jette à l'intérieurModèle:Sfn. Arrivés le Modèle:Date-, les deux voyageurs consultent le médecin de la colonie anglaise, le Modèle:Dr, et s'installent au 26 Place d'Espagne, au pied des escaliers de la Trinité des Monts dans un appartement donnant sur la Fontaine BarcacciaModèle:Sfn. Les semaines qui suivent se ressemblent : Keats crache le sang, surtout le matin ; mais il termine les romans de Maria Edgeworth, écrit à ses amis et se préoccupe du moral de Joseph Severn, cloué dans son rôle de garde-malade. Le médecin passe quatre ou cinq fois par jour. Noël est « des plus étranges et tristes » (Modèle:Langue), écrit SevernModèle:Sfn. L'argent vient à manquer et une souscription est lancée à Londres. Le malade s'affaiblit, devient morose et parfois coléreuxModèle:Sfn.

« Les pâquerettes poussent sur moi » (John Keats)

deux tombes côte à côte ; carré d'herbe ; quelques arbres ; une rose appuyée sur un vase vide
Tombe de John Keats (à droite, celle de Joseph Severn).

Severn s'occupe de tout, fait la cuisine, essuie les lèvres souillées, éponge le front en feu. Au début de Modèle:Date-, Keats déclare que les Modèle:Citation (Modèle:Langue)Modèle:Sfn et donne ses instructions. Le Modèle:Date- vers seize heures, il murmure : Modèle:Citation ; à onze heures, le bouillonnement du mucus ralentit, et Keats sombre dans la mort, si doucement que Severn, qui le tient dans ses bras, le croit toujours endormiModèle:Sfn,Modèle:Sfn. Comme l'écrit Alain Suied, son plus récent traducteur en français, Modèle:Citation.

Ses dernières volontés sont à peu près respectées. Keats repose au cimetière protestant de Rome (Modèle:Langue). Comme il l'a demandé, aucun nom ne figure sur sa tombe et y est gravée l'épitaphe Modèle:Citation, phrase sibylline rappelant le poète latin Catulle (LXX) : Modèle:Citation. Alain Suied interprète le mot Modèle:Langue différemment, non pas « nom » mais « réputation » ; aussi traduit-il : Modèle:Citation<ref name="Suied"/>.

Joseph Severn Modèle:Incise, et Charles Brown Modèle:Incise, font inscrire au-dessus de l'épitaphe : Modèle:Citation bilingue bloc

Par cet ajout, Severn et Brown entendent lancer au monde une protestation contre les critiques que Keats a dû endurer, en particulier lors de la publication d'Endymion, sous la plume de John Gibson Lockhart dans le Modèle:Langue<ref name="SC">Modèle:Article.</ref> : Modèle:Langue, de l'école Modèle:Langue (efféminée et sans éducation, politiquement infréquentableModèle:Sfn), un impudent valet des lettres, un apothicaire spécialisé dans la poésie diurétique et soporifique<ref name="SC"/>. Leigh Hunt rend même le magazine responsable de cette mort prématurée, ce qui conduit à un passage d'une méchante ironie à propos de (Modèle:Langue : « mouché comme une chandelle ») dans le Don Juan de Lord Byron (Modèle:Nobr, Modèle:Nobr, Modèle:Nobr) : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin

Dans l'indignation de la souffrance, Brown et Severn ont peut-être surinterprété les malheurs éditoriaux de Keats. En réalité, il ne raille que peu les attaques dont il est l'objet et son épitaphe n'est pas le fruit de l'amertume. Il adapte la traduction d'un proverbe grecModèle:Sfn et reste volontairement ambigu : c'est « dans » et non « sur » l'eau que s'inscrit son nom, ce qui le voue à une dissolution immédiate, mais par sa réintégration au sein de la nature, lui confère l'éternité. Comme l'écrit Andrew Motion, Modèle:Citation.

Sept semaines après les funérailles, en juillet, Shelley écrit Modèle:Langue ({{#ifeq:1|0|æ'doʊ'neɪᵻs|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}), élégie à la mémoire de Keats<ref>Modèle:Lien web.</ref>. C'est un long poème de Modèle:Unité et de Modèle:Unité, à la manière pastorale de Milton dans Lycidas ({{#ifeq:1|0|'lɪsɪdəs|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}})<ref name="englishhistory2004">Modèle:Lien web.</ref>, qui pleurent la tragédie, à la fois publique et personnelle, d'une mort si prématurée<ref name="englishhistory2004"/> : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin

Charles Cowden Clarke fait semer des pâquerettes sur la tombe, ce que John Keats, assure-t-il, aurait apprécié. Pour des raisons de santé publique, les autorités italiennes brûlent le mobilier du malade, changent les fenêtres, les portes et le parquet, décapent les mûrs, et envoient la facture à ses amisModèle:Sfn.

Stefanie Marsh décrit le site tel qu'il se présente au visiteur : Modèle:Citation.

En 1828, les Réminiscences de Leigh Hunt accentuent la légende d'un Keats fragile et terrassé par le sortModèle:Sfn, mais dans une lettre à Brown écrite en 1829, Fanny Brawne s'insurge et explique que si faiblesse il y a pu avoir, elle ne saurait être imputée qu'à la maladie. Il serait temps, ajoute-t-elle, que la personnalité du poète fût présentée au grand jour telle qu'elle avait vraiment étéModèle:Sfn. Elle forme aussi le vœu, à l'occasion de l'imminente publication d'un recueil réunissant des œuvres de Keats, de Coleridge et de Shelley, « [que ces écrits] le sauvent de l'obscurité et de l'image fausse qu'on en donneModèle:Note ».

Fanny Brawne, après

Charles Armitage Brown redoute d'annoncer la triste nouvelle à Fanny. La lettre de Joseph Severn met trois semaines pour atteindre LondresModèle:Sfn. Fanny tombe malade, perd beaucoup de poids, coupe ses cheveux et prend le deuil, comme si elle était l'épouse du défuntModèle:Sfn. Elle passe des heures seule à relire ses lettres et erre sur la lande, souvent tard dans la nuit. Elle entretient une correspondance affectueuse avec Fanny Keats, la petite sœur du poète. Ce n'est qu'au bout de trois années qu'elle sort officiellement de son deuil. Deux malheurs l'accablent presque simultanément : son frère Sam meurt de la phtisie en 1828 et sa mère trouve la mort l'année suivante, brûlée vive.

Peu à peu, son entrain revient et en 1833, elle épouse Louis Lindo, juif séfarade Modèle:Incise qui change ensuite son nom en « Lindon »Modèle:Sfn, et lui donne deux enfants. La famille passe de nombreuses années en Europe, puis revient à Londres en 1859. Fanny meurt en 1865 et repose au cimetière de Brompton. Toute sa vie, elle garde le souvenir de Keats vivant en elle, mais n'en fait pas étatModèle:Sfn. Ce n'est qu'en 1878 que les lettres qu'elle a reçues de Keats sont publiées et curieusement, elles déclenchent un scandaleModèle:Sfn : si John Keats est traité de « mal élevé », de « pleurnicheur »Modèle:Etc., Fanny se voit vilipendée pour son inconstance et surtout sa froideurModèle:Sfn. Cette rumeur, quoique atténuée, persiste lors d'une réédition de 1936Modèle:Sfn. La discrétion de Fanny Brawne demeure donc incomprise : non pas de l'indifférence Modèle:Incise, mais la crainte, comme elle l'a exprimée en 1829, qu'il ne se voie exposé à encore plus de ridicule ; « [i]l lui est insoutenable, écrit Motion, qu'il puisse être aussi grotesquement incompris en son « existence posthume » qu'il l'avait été de son vivantModèle:Note ».

Keats et la poésie anglaise

John Keats lit les grands poètes qui l'ont précédé avec une « exquise voracité » (Modèle:Langue')Modèle:Sfn. Les extraits qu'il copie fourmillent d'annotations à la fois enthousiastes et critiques. C'est là une véritable manne poétique évoquée avant de noircir une page, rituel de bienvenue aux « foules de bardes » (Modèle:Langue), ou refuge lors des périodes de désespoir, ou encore inspiration pour traiter un nouveau thème. Ces interactions lui paraissent relever d'une fraternité, une « immortelle franc-maçonnerie » (Modèle:Langue), comme il l'écrit dans son compte rendu sur l'acteur Edmund KeanModèle:Sfn.

Geoffrey Chaucer

Keats lit Geoffrey Chaucer dès 1817 et y revient plus tard, surtout lors de sa rencontre avec Fanny Brawne, qui lui donne l'occasion de s'identifier au Troïlus de Troïlus et Criseyde<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Le décor de La Vigile de la sainte Agnès doit beaucoup aux splendeurs gothiques de Geoffrey Chaucer et sa Vigile de la saint Marc a pour sous-titre Modèle:Langue (« Imitation des auteurs du temps de Chaucer »)Modèle:Sfn. Cet emballement pour les histoires de chevalerie médiévale se voit encore accentué par la lecture de L'Histoire de Rimini de Leigh Hunt de 1816, inspirée par l'épisode tragique de Francesca da Rimini raconté dans l'Enfer, première partie de la Divine Comédie de Dante. La préférence de Hunt va résolument au style des vers de Chaucer, adapté à l'anglais moderne par John Dryden, en opposition au couplet épigrammatique d'Alexander Pope qui l'avait remplacé<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Edmund Spenser

Autre grand inspirateur, Edmund Spenser, particulièrement dans La Reine des fées, qui pousse John Keats à embrasser la poésie. Ses manuscrits révèlent qu'au cours de ses lectures, il marque la césure de certains vers, ou les sonorités de berceuse dans les passages rythmés, les cadences et les passages euphoniques. Dans une lettre en vers à Charles Cowden Clarke de Modèle:Date-<ref>John Keats, To Charles Cowden Clarke, Sandbox Networks Inc., 2000-2017.</ref>, il évoque Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin

De fait, c'est à Edmund Spenser qu'il doit en partie son style sensuel, dense et mélodieux, plus encore lorsqu'il écrit en la strophe de son modèle, comme dans La Vigile de la sainte Agnès. Spenser est une passion dans le cercle de Leigh Hunt et de William Hazlitt, mais si l'enthousiasme pour son esthétique est total, l'allégorie morale intéresse peuModèle:Sfn. Certains lieux emblématiques de la Reine des fées, comme le « Bosquet des délices » (Modèle:Langue), se retrouvent dans la poésie de John Keats, de Modèle:Langue, poème homonyme du chevalier de Spenser (Modèle:Langue)<ref>Modèle:YouTube.</ref> à Modèle:Langue et l'Ode à un rossignol. Keats vante la proverbiale gentillesse d'Edmund Spenser et ne se prive pas de le parodier, par exemple dans Modèle:Langue, Modèle:Date-<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

William Shakespeare

John Keats a une profonde affinité avec William ShakespeareModèle:Sfn. Dans l'une de ses lettres, il l'appelle Modèle:Langue, celui qui préside à la table des convivesModèle:Sfn, et il trouve en son œuvre une mine de trésors poétiques, parmi lesquels des leçons de psychologie humaine et aussi de politique. Pendant longtemps, Shakespeare lui paraît « suffire à ses desseins » (Modèle:LangueModèle:Sfn), et écrire quelques belles pièces (Modèle:LangueModèle:Sfn) devient sa « plus grande ambition » (Modèle:LangueModèle:Sfn).

La diction théâtrale d'Edmund Kean, l'acteur shakespearien le plus en vue, dont Keats rend compte lors d'un compte rendu publié le Modèle:Date dans le Modèle:Langue, le fascine. De son court écrit, Modèle:Langue, se détache une phrase impliquant qu'à qui sait les déchiffrer, des signes secretsModèle:Sfn se dévoilent lors d'une telle déclamation : Modèle:Citation bilingue bloc

Un fragment de pièce, Modèle:Langue<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, tragédie historique, demeureModèle:Sfn, mais ce qui compte, c'est l'ardeur que met Keats à lire et relire et annoter Shakespeare, pièces et sonnets, dans son édition en sept volumes de 1814, emportée en Italie lors de son ultime voyageModèle:Sfn. Saturées de phrasé, d'allusions et de jeux de mots shakespeariens, ses lettres et ses poèmes engagent un véritable dialogue à distance : Endymion regorge d'expressions redevables au barde de Stratford-upon-Avon, Modèle:Langue (Cleopatra, I, 5, 29), Modèle:Langue (King Lear, IV, 2, 50)Modèle:Etc., bref tous les « Modèle:Page h' de beauté » (Modèle:Langue) ci-dessus mentionnésModèle:Sfn.

De Shakespeare, John Keats retient aussi l'idée de l'inévitabilité de la souffrance inhérente à la condition humaine. Il s'en entretient dans sa lettre en vers à John Hamilton Reynolds en Modèle:Date-, alors que son frère Tom est malade. Un an plus tard, en Modèle:Date-, il explique s'être réconcilié avec cet état de fait, convaincu désormais qu'à l'instar des enseignements de King Lear, l'homme a besoin de la souffrance pour « se forger une intelligence et s'en faire une âme » (Modèle:Langue) (II, 101, 2)Modèle:Sfn.

John Milton

Si Edmund Spenser lui paraît bienveillant, John Milton impressionne John Keats par sa force d'expression, intimidante, presque menaçante, non pas dans les poèmes courts tel Lycidas ou L'Allegro et Il Penseroso, mais dans Le Paradis perduModèle:Sfn. Avec Milton, Keats reste sur ses gardes : « La vie pour lui serait la mort pour moi » (Modèle:Langue), écrit-ilModèle:Sfn. Cette sainte terreur est largement partagée par tous les aspirants poètes épiques qui, d'une manière ou d'une autre (imitation, suppléments, parodies, révision) s'obligent à se confronter à l'inaccessible présence juchée au faîte de la tradition poétique anglaise. Keats entreprend le défi de réécrire la cosmologie miltonienne en la sécularisant. Ses premières approches restent prudentes, des allusions, Modèle:Langue (« noble chant ») et Modèle:Langue (« tonnerres mélodieux ») dans l'Ode à Apollon, Modèle:Langue (« Vieil érudit des sphères ») dans À la vue d'une boucle de cheveux de MiltonModèle:Sfn. Bientôt, son ambition se durcit, sous l'influence de William Wordsworth, le « nouveau génie et guide »Modèle:Sfn, qui a défini un mode épique différent, « la passion épique » (Modèle:Langue), non plus consacré au grand dessein de la Providence, mais réservé aux « tortures du cœur humain, source principale de son chant » (Modèle:Langue)<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Telle est la gestation de la seconde version d'Hypérion, le plus miltonien des poèmes de Keats, structuré en calque des trois premiers livres du Paradis perdu, avec un vers blanc musclé de trochées (– u), des inversions empreintes de latinismes (Modèle:Langue (« gronde avec réticence ») au Modèle:Nobr, par exempleModèle:Sfn, qui rappelle les flammes réticentes accompagnant la colère de Dieu (Modèle:Langue ([Traduction littérale] « Avec des flammes réticentes, se réveilla le signal de sa colère »)<ref>John Milton, Paradise Lost, Modèle:Nobr, Modèle:Nobr.</ref>. D'ailleurs, dès le premier vers, l'imitation, consciente ou non, se fait sentir : avec ses trois assonances et l'adjectif destiné au vallon (concret) reporté sur la tristesse (abstrait), Modèle:Langue (« Au plus profond des ombres d'une triste valléeModèle:Sfn »)Modèle:Sfn.

Thomas Chatterton

John Keats dédie son Endymion à Chatterton. Ce n'est pas seulement la mort tragique de ce jeune poète qu'il honore, mais aussi sa langue, comparable, selon lui, à celle de Shakespeare (Modèle:LangueModèle:Sfn). L'influence de Chatterton se décèle dans La Vigile de la saint Marc et, immédiatement après avoir composé son Ode à l'automne, Keats écrit à Reynolds « En quelque sorte, j'associe toujours Chatterton à l'automne » (Modèle:Langue)<ref>Lettre à Joshua Reynolds, Modèle:Date-.</ref>,Modèle:Sfn,Modèle:Sfn.

La conversation que Keats a toute sa jeune vie menée avec les poètes porte surtout sur sa passion pour une langue complexe et somptueuse, sa fascination pour les contrastes, l'intense souci d'être inclus parmi la confrérie de la poésie anglaiseModèle:Sfn. Au-delà des aspects formels de son art, prévaut en permanence la faculté qu'a la poésie d'exprimer le pathétique de l'expérience. À défaut de pouvoir écrire au terme de son existence, il choisit de beaux passages dans La Reine des fées d'Edmund Spenser pour signaler leur pertinence à Fanny Brawne, et l'un des derniers qu'il lui adresse concerne Marinell, au cœur brisé d'avoir rejeté Florinell (IV, 12, 10), dont la description rappelle ce que lui-même est devenu, rongé par la maladie, frustré dans son ambition et meurtri par le déni d'amourModèle:Sfn : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin

Œuvre poétique

visage de profil, tourné vers la gauche, une branche de laurier en forme de palme de chaque côté
Médaillon en relief sur le mur près de la tombe de Keats à Rome.

À sa mort à vingt-cinq ans, Keats n'a que six années de pratique poétique sérieuse, de 1814 à 1820, et quatre publications. Selon Andrew Motion, la vente des trois volumes de ses œuvres ne dépasse pas deux cents exemplairesModèle:Sfn.

Un fonds plutôt mince

Alain Suied, le plus récent traducteur de Keats en français, écrit que Modèle:Citation.

De fait, son premier poème, Modèle:Langue, paraît dans l'Examiner de Leigh Hunt en Modèle:Date-, et son recueil Modèle:Langue est publié en Modèle:Date-, peu avant son départ pour Rome. Que sa maturité poétique ait pu se compresser en un laps de temps si bref est en soi un phénomèneModèle:Sfn. Dans cette courte carrière, se dessinent des périodes, une évolution et des progrès : Modèle:Citation. Ainsi, la réputation de l'un des poètes les plus étudiés et admirés de la littérature britannique repose sur un fonds plutôt minceModèle:Sfn. D'Endymion, écrit en 1817, avec des promesses mais qui demeure flou, en passant par Isabella, adaptée du Décaméron (IV-V) et datée du printemps 1818, déjà un chef-d'œuvre mais où le poète, selon Laffay, Modèle:Citation et Hyperion, grande parenthèse miltonienne qui tourne court, le Keats suprême se révèle en un espace de quelques mois, de Modèle:Date- à septembre de la même année, de la Vigile de la sainte Agnès à l'Ode à l'automneModèle:Sfn.

Ce n'est donc que dans ses toutes dernières années que l'intensité qui l'habite donne sa pleine mesureModèle:Sfn. Le poète, quant à lui, reste convaincu qu'il n'a laissé aucune marque dans l'histoire littéraire : Modèle:Citation

Les sonnets

John Keats cherche une forme poétique susceptible d'exprimer l'instantModèle:Sfn. C'est ainsi qu'il se tourne vers le sonnet qui, comme l'écrit Dante Gabriel Rossetti, Modèle:Citation. Le genre, tombé en désuétude pendant la Restauration, connaît un renouveau au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle et les poètes romantiques cèdent tous à son attraitModèle:Sfn. Le sonnet demande une discipline stricte, quatorze vers, dix syllabes par vers, un rythme iambique, une rime bien marquée<ref name="Johnson">Modèle:Lien web.</ref>. Keats consacre au genre beaucoup de soin et d'énergie et l'illustre par soixante-quatre compositions<ref name="Johnson"/>, dont trente-cinq sur trente-sept répondent au modèle pétrarquien (octave + sizain), de Modèle:Date- à Modèle:Nobr, ensuite, de janvier à Modèle:Date-, puis de Modèle:Date- jusqu'à sa mort, en suivant la forme shakespearienne (12 + 2)<ref name="Johnson"/>. Les premiers relèvent d'une humeur clairement exprimée dans une lettre du Modèle:Date- à son ami Benjamin Bailey : Modèle:Citation De fait, la pensée en cette période se convertit en symboles, la logique en images et sentiments<ref name="Johnson"/>. En contraste, les sonnets dits shakespeariens reflètent une intense réflexion comme annoncée dans la lettre du Modèle:Date- à John Taylor : Modèle:Citation

Cela dit, Keats n'est vraiment satisfait ni d'une structure, ni de l'autre : la forme italienne l'oblige, pense t-il, à des rimes trop « avides de se placer » (Modèle:Langue), et la forme shakespearienne demeure trop élégiaque, sans compter que le distique final n'est jamais parfait, pas même chez ShakespeareModèle:Sfn. Aussi fait-il des expériences, tente une forme en ABC ABD CAB CDE DE, écrit Ce que m'a dit la grive (Modèle:Langue) (Modèle:Date-) en vers blancs, c'est-à-dire en décasyllabes non rimés, à l'exception du distique final, ici avec une rime assez fantaisiste ({{#ifeq:1|0|ˈaɪdl|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} / {{#ifeq:1|0|əˈsliːp|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}})Modèle:Sfn : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin

Salle commune du restaurant, au fond sur papier ou écran blanc, le sonnet en question
Sur un mur au 13 Beestraat à Leyde (Hollande), le sonnet Sur la mort.

Parmi les sonnets de John Keats, certains<ref name="Sonnets">Modèle:Lien web.</ref> sont consacrés à des amis, comme Benjamin Haydon, Leigh Hunt, esq., ses frères, George en particulier, des poètes admirés (Lord Byron, Thomas Chatterton, Edmund Spenser), l'un au chat de Modèle:Mrs, d'autres au Nil, au sommeil, à la mort, au dégoût de la superstition, et d'autres encore à des questions littéraires, philosophiques ou événementielles, la renommée, les frises du Parthénon, le Roi Lear de Shakespeare, la paix, la solitude, l'Angleterre, le sonnet lui-mêmeModèle:Etc. Figurent aussi la traduction d'un sonnet de Ronsard et un sonnet écrit au bas d'une page contenant un conte de Chaucer<ref name="Sonnets"/>.

Le sonnet qui a révélé John Keats d'abord à lui-même, ensuite au monde littéraire, est Après avoir ouvert pour la première fois l'Homère de Chapman (Modèle:Langue), brièvement analysé Modèle:Langue (L'influence de Leigh Hunt)<ref name="Poetry"/>. D'autres ont célébré divers enthousiasmes, par exemple la découverte des « marbres d'Elgin »Modèle:Sfn, comme en témoigne ce sonnet ekphrastique de 1817 de style pétrarquien, où la rencontre avec la grandeur grecque induit le sentiment de la mort. Les vastes étendues de l'histoire conduisent au vertige et à un conflit entre l'esprit et le cœur, le premier anticipant une mort prochaine et le second reculant avec horreur à cette perspective. C'est le cœur qui l'emporte, et les derniers vers s'abîment dans le désespoir, le désordre de la syntaxe reflétant la confusion de l'être<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Modèle:Centrer Modèle:Vers

Modèle:Centrer Modèle:Vers

Un exemple de sonnet de type shakespearien, dont se remarque le distique final avec la rime en {{#ifeq:1|0|ɛθ|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} (Modèle:Langue), est le célèbre Étincelante étoile (Modèle:Langue) :

Modèle:Centrer Modèle:Vers

Modèle:Centrer Modèle:Vers

D'après Joseph Severn, il s'agit là du dernier poème écrit par Keats, mais la critique ne s'accorde pas sur ce point, non plus que sur sa destinataire, généralement considérée comme étant Fanny Brawne. Quoi qu'il en soit, ce qui ressort du texte est la virtuosité de l'écriture, ses images lumineuses et surtout une seule phrase qui serpente en liant tour à tour le cosmique et le domestique, l'amour et la mort, le désir et le temps. Fait rarissime pour un poème si court, Étincelante étoile a inspiré le film de Jane Campion qui porte son titre anglais (2009)<ref>Modèle:Lien web.</ref>, et il s'en trouve des échos dans le Modèle:Nobr de Pablo Neruda<ref>Modèle:Lien web.</ref> comme dans Modèle:Langue, le dernier opus de James Merrill<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Les grands poèmes narratifs

Pour qu'un auteur soit consacré au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, il lui faut composer un poème d'une longueur certaine. Les pensions gouvernementales se raréfient, le titre de Poète lauréat paraît discrédité, mais la poésie nourrit son homme pour qui réussit. Keats, qui entend voler de ses propres ailes, aspire à un tel succès apportant à la fois l'aisance matérielle et la confirmation moraleModèle:Sfn.

Modèle:Langue

Modèle:Article détaillé

femme vue de profil, robe diaphane, cheveux roux, fond de nuit, croissant de lune. En bas, eau sombre avec fleurs aquatiques
Endymion, Séléné, la lune, par William James Neatby dans Un jour avec Keats.

Endymion a pour sous-titre « romance en vers » (Modèle:Langue)<ref name="enotes">Modèle:Lien web.</ref>, ce qui laisse entendre qu'il s'agit d'une histoire d'amour. De fait, comme l'indique le livre I, l'un de ses thèmes principaux concerne la nature du bonheur : d'ailleurs, le Modèle:Date-, Keats écrit à son éditeur John Taylor que le rôle de Peona, sœur du héros alors désemparé, consiste Modèle:Citation (Modèle:Langue). Au bas de l'échelle, la relation entre l'homme et la nature, ensuite l'amour de l'humanité en général et le sentiment éprouvé pour un être particulier, enfin la passion pour un immortel, dieu ou déesse. Ainsi, l'amour du héros pour Psyché représente le summum de l'extase, ce qui donne du sens à sa vie et dévalue Modèle:Langue son rôle de berger qui en est désormais dénué<ref name="enotes"/>.

La légende d'Modèle:Langue intéresse Keats depuis toujoursModèle:Note, et il s'en est déjà servi dans le sonnet Modèle:Langue. Le mythe fait florès dans la poésie anglaise depuis la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, chez John Lily, Modèle:Langue, Shakespeare, Le Marchand de Venise, V, I, 19, Fletcher, La Bergère fidèle, Drummond, des sonnets d'amourModèle:Note, Michael Drayton, L'Homme dans la Lune. Pourtant, d'après Laffay, Modèle:Citation. Œuvre de Modèle:Unité vers, le récit se présente comme une déambulation sinueuseModèle:Sfn et luxurianteModèle:Sfn dans ce que Keats appelle « une petite région » (Modèle:Langue) où les amoureux de la poésie se promènent librementModèle:Sfn. S'y mêlent les aventures de Vénus et Adonis, Pan, Cybèle, Neptune, le cortège de Bacchus. L'ouverture, qui contient le plus célèbre vers du poème, Modèle:Citation (Modèle:Langue) donne la conception de la beauté que Keats s'est alors forgée, une réalité qui, malgré le mal inhérent à l'ordre des choses, lie l'homme à la terre et lui permet de Modèle:Citation.

écriture légèrement penchée, nombreuses ratures
Endymion, première page du manuscrit.

Comme son héros qui, au bout de son périple, rencontre le succès, Keats arrive après plus de Modèle:Nobr au but qu'il s'est fixé, ce « chant premier-né » (Modèle:Langue). Son personnage l'a aidé (Modèle:Langue (Modèle:Nobr). D'après Ramadier, la conclusion du poème préfigure son esthétique à venir, certains passages de Hyperion, l'Ode à Psyché et Modèle:Citation.

Endymion échoue : les attaques du Modèle:Langue et de la Modèle:Langue sont féroces<ref>Modèle:Langue, avril 1818, Modèle:P. ; John Gibson Lockhart, Modèle:Langue, août 1818 [1]</ref> et Keats lui-même juge sévèrement son œuvre. Selon Laffay, Modèle:Citation, trouvant son style diffus et sans attrait. Sans regretter de l'avoir écrite, car ce « saut dans l'océan » lui a permis d'aguerrir sa plume, il déplore de l'avoir livrée au public<ref name="enotes"/>.

Modèle:Langue

Modèle:Article détaillé Hyperion existe en deux versions, la seconde, révisée, avec un long prologue. Commencé à l'automne de 1818, le premier manuscrit s'achève en Modèle:Date-. John Keats écrit à Reynolds qu'il l'a abandonné, mais il le reprend sous une autre forme, délaissée à son tour, selon une lettre du 22 à Bailey, en septembre : c'est le second Hyperion, devenu La Chute d'Hypérion (Modèle:Langue). Mis en chantier alors que Keats est au chevet de son frère Tom, les deux premiers livres ont été composés durant sa longue agonieModèle:Sfn.

Le poème se veut une épopée en vers, contrairement à Endymion, présenté comme une « romance ». Ici encore, Keats emprunte beaucoup aux auteurs élisabéthains, en particulier aux traductions d'Ovide de George Sandys, sans compter celle d'Hésiode par George Chapman. La Reine des fées de Spenser, qui contient des allusions à la guerre des Titans, se trouve mentionnée en marge d'un feuillet, et s'ajoute à cette liste l'Ode à Michel de l'Hospital de Pierre de Ronsard<ref>Pierre de Ronsard, Ode a Michel de l'Hospital, [Odes 9-11], Livre V des Odes, Paris, Guillaume Cavellart, 1550, transcription d'après l'exemplaire de la Bibliothèque nationale de France, Rés P Ye 1482(lire en ligne), consulté le 3 novembre 2018.</ref>,Modèle:Sfn. La plupart des noms des Titans cités viennent directement de l'ouvrage Recherches Celtiques d'Edward Davies<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Enfin, Le Paradis perdu de Milton prête au moins un épisode au poème de Keats, celui du grand « Conseil de l'Enfer » (II, 5, 110sq)Modèle:Sfn.

Femme de l'antiquité, chevelure frisée et nouée
Mnémosyne (?) sur une mosaïque murale du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, musée national archéologique de Tarragone.

Apollon, c'est-à-dire le poète, accède à la divinité, grâce à Mnémosyne, la MémoireModèle:Sfn. Dans la mythologie, Mnémosyne, fille d'Ouranos (le Ciel) et de Gaïa (la Terre), appartient d'abord à l'ordre ancien, mais elle abandonne les Titans pour veiller sur Apollon et la beauté qu'il incarne. Lui, rêve d'elle avant de la connaître, ce qui en fait aussitôt un poète Modèle:Incise. Torturé de ne pas « savoir » (Modèle:Langue), la science qu'il voit passer dans les yeux de Mémoire recèle tous les malheurs de l'histoire, ceux des dieux et ceux des hommes, tous les événements terrestres passés et futurs. Keats appelle cette connaissance Modèle:Citation, autrement dit l'accession à la sagesseModèle:Sfn.

Diverses thèses concernant le poème se trouvent rappelées dans l'analyse d'Albert Laffay à son propos : réfutation, avec Ernest de Sélincourt, des déclarations de William Wordsworth et d'éditeurs, ces derniers par une note jointe à l'édition de 1820, prétendant que l'ouvrage est à l'origine destiné à couvrir dix chantsModèle:Sfn ; affirmation par John Middleton Murry que le premier Hypérion est un ouvrage achevéModèle:Sfn Modèle:Incise, que le véritable héros en est Apollon, dieu de la musique et de la poésie, John Keats lui-même en sommeModèle:Sfn Modèle:Incise ; révélation par le même Murry de « la face cachée du poème » et du rôle joué par les « abstractions miltoniennes »Modèle:Sfn,Modèle:Sfn.

Le jeune poète veille son frère mourant ; de plus, s'il n'a encore jamais aimé, il connaît les emportements de son âge. Nonobstant sa méfiance envers les femmes, il est tiraillé pour une certaine Miss Cox, rencontre fugitive mais révélatrice du désir et de la peur d'aimer : Modèle:Citation, écrit-il à John Hamilton Reynolds. Ainsi, par l'imitation de Milton, langue noble, syntaxe elliptique, latinismes et inversions Modèle:Incise, réminiscences directes, Keats Modèle:Citation ; déguisement protecteur donc, mais, selon Laffay (qui se contredit sur ce point juste après : voir ci-dessous), dès que Fanny Brawne apparaît, Modèle:Citation.

Modèle:Langue

Modèle:Article détaillé Nouvel ouvrage narratif, Modèle:Langue, fable elle aussi mythologique, écrite en 1819 entre les cinq odes du printemps et l'Ode à l'automne de septembre<ref name="Bartleby">Modèle:Lien web.</ref>, raconte l'histoire du dieu Hermès en quête d'une nymphe surpassant toutes ses sœurs en beauté. Il rencontre Lamia, métamorphosée en serpent, qui lui révèle la nymphe tant convoitée et à laquelle, en retour, il prête une forme humaine. Aussitôt, elle part rejoindre Lycius, jeune homme de Corinthe, tandis d'Hermès et sa nymphe s'enfoncent dans la forêt. L'amour trop vite partagé de Lycius et de Lamia s'effondre lorsque, à la célébration de leur mariage, est révélée la véritable identité de la fiancée (c'est une « lamie ») qui disparaît aussitôt et laisse Lycius mourir du chagrin de l'avoir perdue<ref name="Bartleby"/>.

À la fin du poème (vers 354), John Keats laisse entendre quelles sont ses sources, l'Anatomie de la mélancolie de Robert BurtonModèle:Note.

Commencé à Hampstead, le premier livre de Lamia est terminé le Modèle:Date- à Shanklin dans l'île de Wight et ce n'est qu'à la fin du mois d'août, à Winchester, que John Keats le complèteModèle:Sfn. Il ajoute aux données de Burton (voir note ci-dessus), Appolonius, maître du héros, l'épisode d'Hermès et de la nymphe, la mort de LyciusModèle:Etc. Les sources classiques sont les mêmes que pour les précédents poèmes mythologiques, Sandys, Spenser, avec en plus le traité de John Potter Modèle:Langue. Les Fables (1698) de Dryden servent de modèle pour la versification, alexandrin, triple rime et distiques. À vrai dire, écrit Laffay, Modèle:Citation. Keats a toujours dit sa préférence pour ce poème par rapport aux œuvres telles que La Vigile de la sainte Agnès.

Chants de « romance » (exemples)

Parmi les poèmes les plus gothiques de Keats figurent, entre autres, La Vigile de la sainte Agnès et La Belle Dame sans MerciModèle:Sfn.

La Vigile de la sainte Agnès

Modèle:Article détaillé Modèle:Langue connaît des variantes de titres en français : « Veille de / de la sainte / Sainte Agnès /Agnes », « Veillée de / de la sainte / Sainte Agnès / Agnes », « Vigile de / de la de / de la sainte / Sainte Agnès /Agnes ». Sans doute inspirée par un épisode de Il Filocolo de Boccace, connu de Keats dans sa version française, Le Philosophe, datant de 1542Modèle:Sfn, c'est un poème de quatre-vingt deux strophes de neuf vers, huit pentamètres iambiques et un alexandrin final (hexamètre iambique), selon un schéma de rimes croisées ABAB BCBC C, écrit très vite, sans doute du Modèle:Date-Modèle:Sfn au Modèle:Date- et revu dans le courant de septembreModèle:Sfn.

L'attention de John Keats se trouve vraisemblablement sollicitée, lors d'une visite à Londres, par son amie Isabella Jones qui lui rappelle que le Modèle:Date- est la veille de sainte Agnès et lui prête un livre de colportage évoquant la légende de cette nuit, Le Placard de la Mère Bunch de nouveau forcé à votre attentionModèle:Sfn. De plus, l'Anatomie de la mélancolie en contient une esquisse : Modèle:Citation

Keats commence par bâtir un décor de Moyen Âge dont il peut vérifier l'authenticité alors qu'il déambule avec Charles Wentworth Dilke dans les rues étroites de briques rouges de ChichesterModèle:Sfn. Quelques réminiscences de Chatterton et des romans gothiques lui fournissent lune pleine, corridors ténébreux, nourrice transie de peur mais fidèle, et le plan dramatique requis, digne de Mrs Radcliffe. Dans la grande lettre-journal à son frère George, datée du Modèle:Date-Modèle:Date-, il écrit : Modèle:Citation C'est dans cet esprit qu'il met en place l'histoire de « la pensive Madeline » (Modèle:Langue).

pièce richement ornée et meublée, jeune homme précautionneux et jeune fille apeurée au milieu de convives ivres gisant sur le sol
Fuite de Madeline et Porphyro pendant la beuverie des convives, par William Holman Hunt.

Lors de sa parution, le poème fait scandale, trop de sensualité affichée par le couple des jeunes gens<ref name="gradesaver">Modèle:Lien web.</ref>. En fait, une seule scène passionnée est décrite, entourée d'épisodes glacés. Le bedeau au rosaire demeure ambigu, inspirant le respect ou Modèle:Incise le ridicule. En contraste, les hôtes du château affichent de riches parures (Modèle:Langue) (vers 37-38) et s'adonnent à de grossières frivolités ; nouveau contraste, la piété de Madeleline qui jeûne, prie à genoux, une sainte, un ange du ciel, toute de pureté (vers 219-225), et enfin, contraste suprême, le cœur en feu (Modèle:Langue) (vers 75) de Porphyro, celui qui veut parler, s'agenouiller, toucher et embrasser (Modèle:Langue (vers 81). La pureté de Madeline cède dès lors que son rêve se confronte à la réalité et la fuite des deux amants laisse le monde ancien à son luxe ou son ascèse, et finalement à la mort<ref name="gradesaver"/>.

Si La Vigile de la sainte Agnès emprunte aux Mystères d'Udolpho, à Roméo et Juliette (par la nourrice), au Lai du dernier ménestrel (Modèle:Langue) de Walter Scott, s'il partage l'atmosphère romantique de l'époque, c'est encore à Edmund Spenser qu'il est sans doute le plus redevable, ne serait-ce que par sa strophe spensérienne : la dextérité de Keats à user des possibilités de pentamètres iambiques scellés par l'ampleur de l'alexandrin final déroule un récit à tableaux, chacun indépendant mais relié à l'ensemble, qui bâtit sur le contraste, froid (gel, vieillesse, mort) – chaleur (passion, couleurs, vitrail, richesse gustative), nuancé délicatement tout au long, Modèle:Citation.

La Belle Dame sans Merci

Modèle:Article détaillé

Couple sur un cheval ; disposition rappelant une fleur de lys
Illustration inspirée du poème par Rosseti (encre et crayon), 1855.

Dans un paysage aride et froid, un chevalier inconnu rencontre une mystérieuse jeune femme aux Modèle:Citation (Modèle:Langue) qui se dit Modèle:Citation. Il la prend sur son cheval et elle l'entraîne au galop jusqu'au gouffre ElfeModèle:Citation. Il s'endort et a une vision de chevaliers qui le narguent en criant Modèle:Citation. Il se réveille enfin, mais se retrouve sur le flanc de la même Modèle:Citation (Modèle:Langue). La jeune dame sans merci a disparu et il poursuit son errance.

La Belle Dame sans merci compte parmi les œuvres les plus célèbres de la langue anglaise. L'école préraphaélite s'en réclame. Pourtant, le poème n'est pas retenu pour l'édition de 1820 et c'est Leigh Hunt qui le publie en mai dans son journal l'Indicator. Le titre est dû à un poème d'Alain Chartier composé en 1424<ref>Arthur Piaget, « La Belle Dame sans merci et ses imitations », Romania XXX (1901), XXXI (1902), XXXIII (1904), XXXIV (1905).</ref>, et il se trouve mentionné à la strophe XXXIII de La Vigile de la sainte AgnèsModèle:Sfn. John Keats l'écrit sans doute directement dans sa lettre-journal de février-mai à George et Georgina. L'influence de Coleridge s'y retrouve, une sorte de Modèle:CitationModèle:Sfn héritée de l'école allemande. Sa cadence s'inspire en partie d'un pastiche de John Hamilton Reynolds du Peter Bell de Wordsworth, conte éponyme en vers avec pour protagoniste un piètre héros que les circonstances amènent à faire la différence entre le bien et le mal, et connaître la compassion : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin à quoi s'ajoute le rythme des vieilles ballades anglaisesModèle:Sfn.

Dans La Belle Dame sans Merci, divers procédés visent à suggérer une impression d'inquiétude et aussi d'envoûtement : choix du vers, trois tétramères suivis d'un dimètre, répétitions de mots et reprise de strophe en strophe d'expressions similaires, usage d'un spondée [– –] pour terminer chacune, parfois remplacé par un anapeste [u u –], un iambe augmenté, qui prolonge l'effetModèle:Sfn. Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin (strophes 1 et 2 sur 12)

La Belle Dame sans merci est l'un des poèmes les plus musicaux de Keats. Dans la description initiale du chevalier Modèle:Citation (Modèle:Langue), la consonance du {{#ifeq:1|0|l|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}, chantante et répétée trois fois, sans compter le transfert de la pâleur sur l'errance, et l'adresse Modèle:Langue, rimant en interne avec Modèle:Langue (vers 2), ajoutent, par accrétions successives, à la langueur. La pâleur, qui revient cinq fois, et l'adjectif Modèle:Langue (« sauvage ») qualifiant les yeux de la belle créature (vers 16 et 31) augurent d'une félicité tragique, ce que souligne encore le silence des oiseaux. La phrase du début se répète de strophe en strophe, d'où un rythme de berceuse propre à la balladeModèle:Sfn.

Les grandes odes de 1819

Modèle:Article détaillé

Pour beaucoup de commentateurs, les textes les plus achevés sont les odes écrites en 1819 : Ode sur l'indolence, Ode sur la mélancolie, Ode sur une urne grecque, Ode à un rossignol, Ode à Psyché, Ode à l'automneModèle:Sfn. Toutes Modèle:Incise sont publiées en 1820, mais nul ne sait dans quel ordre elles ont été composées. Pour l'essentiel, leur thèmes sont éminemment romantiques : beauté de la nature, relation entre imagination et créativité, réaction à la passion de la beauté et de la souffrance, passage de la vie à travers le temps<ref name="Spark">Modèle:Lien web.</ref>.

Prises ensemble, les odes ne racontent pas vraiment une histoire. Elles n'ont ni intrigue, ni personnages ; et rien ne laisse à penser que John Keats désirait qu'elles fussent un ensemble cohérent, encore que les multiples interrelations qui les relient rendent l'interprétation délicate<ref name="Spark"/>. Peu ou prou, les mêmes thèmes s'y retrouvent, les images se ressemblent et, de l'une à l'autre, prise dans n'importe quel ordre, se détecte une évolution psychologique. La critique s'interroge sur les voix narratives : qui parle dans ces odes, le même narrateur de bout en bout, ou différent à chacune d'entre elles ? La conscience qui conçoit, écrit et parle, reste évidemment celle de l'auteur, Keats lui-même, mais l'ensemble n'est pas forcément autobiographique, certains des événements mentionnés n'ayant jamais été vécus<ref name="Spark"/>.

Pourtant, l'Ode sur l'indolence, l'Ode sur la mélancolie, l'Ode à un rossignol et l'Ode sur une urne grecque partagent un décor naturel, esquissé dans l'Ode à Pyché, qui semble plaire à Keats. Gittings parle même d'un sentiment de « retour aux sourcesModèle:Note » : les jardins luxuriants de Wentworth Place Modèle:Incise, leurs pelouses, fleurs, fruits, les sous-bois, le chant des oiseaux, rappellent les sites de sa prime jeunesse, ceux d'Enfield et d'EdmontonModèle:Sfn. À cet enchantement s'ajoutent la présence aimée de Fanny Brawne et le confort quelque peu maniaque qu'offre le maître de maison, si bien que sourd de leurs vers comme une nouvelle « joie de vivre » (Modèle:Langue), ce que Gittings appelle une « réconciliation des lumières et des ombres de sa vieModèle:Note ».

Walter Jackson Bate parle de « perfection » à leur propos. C'est ainsi qu'il range l'Ode à l'automne au sommet de la hiérarchie et ajoute qu'« il n'est pas indécent de considérer que l'Ode à un rossignol est « moins parfaite » que la précédente, tout en étant un meilleur poèmeModèle:Note ». Charles Patterson poursuit dans la veine des jugements de valeur et conclut qu'à considérer la complexité de la sagesse humaine, c'est l'Ode sur une urne grecque qui mérite la palmeModèle:Sfn. Plus tard, Ayumi Mizukoshi déclare que les contemporains de John Keats ont eu du mal à accepter l'Ode à Psyché parce que « son intériorité réflexive l'empêche d'être savourée comme un tableau mythologiqueModèle:Sfn ». Quant à Herbert Grierson, il place l'Ode à un rossignol au plus haut niveau en raison d'une « argumentation logique supérieureModèle:Note ».

Indépendamment de leur valeur intrinsèque, les odes doivent beaucoup aux connaissances médicales de Keats qui utilise souvent des termes Modèle:Incise fondés sur des bases scientifiques<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. L'exemple le plus frappant est celui de l'Ode à Psyché où sont explorés les passages obscurs de l'esprit, ses régions inviolées (Modèle:Langue). Keats les habille d'abeilles, d'oiseaux, de Dryades et de fleurs surnaturelles, et passe ainsi de la science au mythe avec des topoi poétiques traditionnels. Le titre du poème, Ode Modèle:Souligner, contient en soi, par l'ambivalence du nom propre, l'essence du problème : Psyché, c'est la déesse attardée de l'Olympe, mais aussi la « psyché », l'esprit non désincarné, autrement dit le cerveau. Ce refus de la séparation entre l'esprit et le corps se retrouve dans nombre des œuvres de Keats, dans les « fronts rougis » (Modèle:Langue), le « pouls palpitant » (Modèle:Langue) des amants en feu, les références aux effets des substances délétères, le vin, l'opium, la ciguë (voir les premiers vers de l'Ode à un rossignol). Aussi, une grande partie du pouvoir poétique des odes se fonde-t-elle sur l'aptitude du poète-médecin à exprimer les impressions du corps en une « heureuse combinaison d'audace lexicale et de tact prosodiqueModèle:Note ».

Après les avoir composées, John Keats se désintéresse quelque peu de ses odes et revient à un style narratif plus dramatiqueModèle:Sfn. Pourtant, chacune de façon différente, elles explorent la nature et la valeur du processus de la création ainsi que le rôle joué par la « capacité négative ». Elles concernent les forces de la conscience et celles de l'inconscient, les rapports entre l'art et la vie. Elles mettent en parallèle la sexualité et l'activité mentale, s'efforcent de transcender le temps, tout en sachant qu'elles lui sont rivées. À contempler Psyché, scruter les détails de l'urne grecque, écouter le chant du rossignol, analyser la mélancolie et l'indolence, elles permettent à Keats de se définir en tant que « moi », tout en prenant compte de sa dépendance du monde extérieur. Sa quête de vérité et de beauté (Ode sur une urne grecque#La mise au point d'Albert Laffay (1952, 1968)) est à la fois, comme l'exprime Andrew Motion, « une lamentation sur les idéaux perdus et une célébration de leur permanence transfiguréeModèle:Note ».

La correspondance de John Keats

Trois cent-vingt lettres de Keats survivent et quarante-deux sont connues bien qu'elles aient disparu. La dernière à avoir été écrite, à Rome, est destinée à Charles Armitage Brown et date du Modèle:Date-, moins de trois mois avant sa mortModèle:Sfn.

Cette correspondance, publiée en 1848 et en 1878, demeure négligée par le Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle et ne suscite un réel intérêt qu'au siècle suivant, qui la considère comme un modèle du genreModèle:Sfn. C'est elle la source principale des données factuelles de la vie de Keats et, surtout, de ses conceptions philosophiques, esthétiques et poétiques. Les lettres les plus riches sont destinées aux frères du poète, plus particulièrement à George et sa femme Georgiana Modèle:Incise, à l'occasion aussi à sa sœur Fanny et à sa fiancée Fanny BrawneModèle:Sfn. Ces missives deviennent alors un véritable journal intimeModèle:Sfn et servent de brouillon, voire de laboratoire d'idées pour les poèmes en gestationModèle:Sfn.

Dans ces milliers de feuillets cependant, pas un mot sur ses parents, à peine quelques aperçus de son enfance, une gêne palpable à discuter de ses embarras financiers<ref name="NDB"/>. En la dernière année de sa vie, alors que sa santé l'abandonne, John Keats cède parfois au désespoir et à la morbidité. La publication en 1870 de ses lettres à Fanny Brawne se focalise sur cette période dramatique, ce qui, en son temps, déclenche une vive polémiqueModèle:Sfn.

Une œuvre littéraire à part entière

Beaucoup vont à des amis proches, anciens camarades de l'école de John Clarke ou poètes établis. Chaque jour, ces intellectuels échangent au moins une lettre pour relayer les nouvelles, se livrer à la parodie ou commenter l'actualité sociale. Brillantes, étincelantes d'humour, intelligentes et critiques, elles nourrissent les projets et entretiennent l'émulation<ref name="NDB"/>. Celles de John Keats, spontanées, impulsives, se déroulent selon le flux des pensées, lucides sur lui-même, ses faiblesses y compris, reflétant l'évolution de sa pensée et de ses conceptions, tout en préservant une liberté de ton originale, faite de vive spontanéité Modèle:Incise, de légèreté souvent (parler populaire, jeux de mots, vulgarités, poèmes sans queue ni tête pour sa sœur FannyModèle:Sfn), ce qui les range, comme le remarque T. S. Eliot, parmi les meilleures jamais écrites par un poète anglais<ref name="TSE">T. S. Eliot The Use of Poetry and the Use of Criticism, 1937, Modèle:P..</ref>,<ref name="Lectures">The Charles Eliot Norton Lectures, livre 39, Harvard University Press, 1986, Modèle:P.Modèle:ISBN.</ref>. C'est pourquoi cette correspondance mérite en soi d'être considérée comme une œuvre littéraire à part entièreModèle:Sfn. Selon John Barnard, ces lettres peuvent être comparées au Prélude de William Wordsworth et, comme ce poème, correspondent à son sous-titre : Modèle:Langue (« Croissance de l'esprit d'un poète »)Modèle:Sfn.

La qualité littéraire de la correspondance de Keats se révèle dans un petit poème (ou fragment) où le correspondant imagine sa mort et exige celle de son lecteur pour que son sang puisse le réanimer. Grotesque dans son argument, mais adroite dans son agencement et sa pseudo-démonstration, elle fait office de parabole, la réciprocité étant de mise lorsque passe le message de l'un à l'autre, ce qu'exprime, toute bienséance oubliée, l'image de la circulation sanguine partagéeModèle:Sfn : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin

Un laboratoire d'idées

Le sujet principal de la correspondance tourne autour du concept de poésie, alors que la plupart des interlocuteurs de Keats se passionnent plus volontiers pour la science, la politique, la métaphysique ou encore la mode. La justesse de ses analyses est soulignée par T. S. Eliot qui relève aussi leur maturité<ref name="TSE"/>,Modèle:Sfn,<ref name="Lectures"/>. De février à Modèle:Date-, c'est une avalanche d'idées qui assaille John Keats<ref name="NDB"/> : ainsi, le dimanche Modèle:Date-, il expose à son frère George sa conception de la « vallée où se forge l'âme » (Modèle:Langue) qui contient en germe les grandes odes de maiModèle:Sfn.

Bien des lettres, en effet, rendent compte des concepts dont s'arme Keats pour étayer sa création poétique. C'est ainsi qu'à John Hamilton Reynolds, le dimanche Modèle:Date-, il expose sa théorie du « manoir aux multiples chambres » (Modèle:Langue), et à Richard Woodhouse le Modèle:Date- de la même année, celle du « poète caméléon » (Modèle:Langue), autant d'idées mentionnées une seule fois, mais qui, par leur pertinence et leur originalité, font mouche auprès des critiques et du publicModèle:Sfn.

Le manoir à plusieurs appartements

Le « manoir à plusieurs appartements » (Modèle:Langue) est une métaphore de la vie humaine, passant de l'innocence à l'expérience, qui n'est pas sans rappeler la vision de William Blake et de William Wordsworth Modèle:Sfn : Modèle:Citation

Le poète-caméléon

Le « poète-caméléon » est une éponge ; sans ego, il est tout ou rien, qu'il pleuve ou qu'il neige, dans la lumière ou à l'ombre, qu'il soit riche ou misérableModèle:Etc., il prend un plaisir égal à dépeindre le méchant ou la vierge, Iago (Othello) le fourbe ou Imogène la vertueuse (Cymbeline) ; ce que choque le philosophe vertueux l'enchante ; il se régale du côté sombre des choses comme de leur face solaire. Il est l'être le moins poétique qui soit, car dépourvu d'identité, sa mission consiste à habiter d'autres corps, le soleil, la lune, la mer, et des hommes et des femmes, des dieux aussi, Saturne ou Ops (Rhéa)<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

La capacité négative

Modèle:Article détaillé Dans son ouvrage sur Keats, Albert Laffay explicite le cheminement du concept de la « capacité négative » dans l'esprit du jeune poèteModèle:Sfn. Il rappelle l'importance, après celle à Bailey du 22 novembre 1817Modèle:Sfn, de la lettre-journal du 21 décembre 1817 à son frère George et sa belle-sœur Georgiana. De ce « poème en prose », comme il l'appelle, il cite la conversation tenue entre Keats et son voisin Dilke où l'expression « capacité négative » est pour la première Modèle:Incise fois employée. De cet échange, Keats garde l'impression que des « raccords » se sont opérés dans son esprit (Modèle:Langue) et qu'il est parvenu à la certitude qu'un « Homme de Réalisation », Shakespeare au premier plan en littérature, doit sa suprématie à la faculté qu'il a Modèle:CitationModèle:Note. Autrement dit, ajoute Laffay, Modèle:Citation. Le pouvoir d'inspiration de la beauté transcende la recherche de l'objectivité : comme l'exprime l'Ode sur une urne grecque dans sa conclusion, Modèle:Langue

Thématique

Les thèmes constituant la substance de la poésie de John Keats sont nombreux, mais la plupart relèvent de quelques grands concepts ou perceptions dans lesquels mythe et symbolisme se mêlent : la mort, la beauté et, plus accessoirement l'Antiquité gréco-latine qui se présente comme un thème en soi, mais aussi un fonds dans lequel puiser pour des décors et des personnages<ref name="Snotes">Modèle:Lien web.</ref>.

La mort

Même avant que ne se déclare sa maladie, Keats est hanté par l'inévitabilité de la mort<ref name="Snotes"/>. Pour lui, dans l'ordinaire des jours, de petites morts se produisent constamment, qu'il enregistre avec soin : la fin d'un baiser aimant, l'image d'une urne antique, la moisson des grains à l'automne, non pas des signes ou des symboles de la mort, mais autant de morts accumulées<ref name="Snotes" />. Que s'offrent au poète des objets d'une grande beauté artistique, et la mort se présente pour accompagner sa pensée ; ainsi, dans À la vue des marbres d'Elgin (1817), la méditation conduit d'emblée à l'idée de disparition : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin La seconde partie du sonnet apporte quelque réconfort par le spectacle de tant de prodiges accumulés, mais c'est pour aussitôt l'entacher de l'inévitable flétrissure du temps<ref name="Granger"/>. Sur le plan personnel, Keats espère vivre assez longtemps pour émuler la gloire de William Shakespeare et de John Milton, comme il l'exprime dans Sommeil et poésie (Modèle:Langue) où il se donne une décennie pour lire, apprendre, comprendre et surpasser ses prédécesseurs<ref name="Snotes" />. Le poème (dix-huit strophes de différentes longueurs) contient entre autres une feuille de route poétique très précise : trois étapes, d'abord dépasser le stade de Flora, c'est-à-dire de la romance pastorale, puis celui de Pan, soit du récit épique, pour parvenir enfin à la maturité qui sonde les reins et les cœurs : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin Cohabitant avec ce rêve initiatique, rôde l'impression que la mort peut mettre un terme à ces projets, prémonition que Keats rend plus explicite encore dans son sonnet de 1818, Quand j'ai peur, parfois, de cesser d'être (Modèle:Langue) : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin L‘Ode à un rossignol reprend certaines notions entrevues dans Sommeil et poésie, par exemple le simple plaisir de vivre et, de façon générale, l'humeur optimiste qu'apporte la création poétique, mais c'est pour mieux les rejeterModèle:Sfn : impression de perte du monde physique, conscience d'entrer dans un état de mort et, en particulier, la métaphore finale de la « motte de terre », Modèle:Langue, mot qui connote aussi la bêtise et la vilénie<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Ainsi, c'est perché sur ce petit tas de cendres Modèle:Incise que chante le bel et invisible oiseauModèle:Sfn.

Semblable démarche se retrouve dans l‘Ode sur la mélancolie, où le vocabulaire, focalisé sur l'idée de la mort et des ténèbres, évoque sans les nommer les Enfers, avec le Léthé et Proserpine<ref>Modèle:Lien web.</ref>, dans un décor réduit à un simple if, l'arbre qui assure le lien entre les vivants et les morts, et comme accessoires de scène, pléthore de poisons délétères ou d'insectes porteurs d'obscurité et de trépasModèle:Sfn. Ainsi la mort, même élevée à la hauteur d'une volupté suprême, Modèle:Citation. Se retrouve ici l'argument d'Épicure : « Le plus effrayant des maux, la mort ne nous est rien, disais-je : quand nous sommes, la mort n'est pas là, et quand la mort est là, c'est nous qui ne sommes pas<ref>Lettre à Ménécée, no 125 citée par Jean-François Balaudé dans « Épicure », Gradus philosophique, Paris, Garnier Flammarion, 1996, Modèle:P..</ref> ».

Quoi qu'il en soit, mort et douleur, Modèle:Citation, les deux fascinent : chute irréparable de la durée, comme dans J'ai peur parfois de cesser d'être (voir ci-dessus), certes plaisir reconnu, mais aussi redouté car voué à la corruption, qui se dérobe ou s'adultère. Ainsi, dans l'Ode à un rossignol, « J'ai été à demi amoureux de la mort secourable »Modèle:Sfn, ou encore dans Pourquoi ai-je ri cette nuit, « La mort est la grande récompense de la vie »Modèle:Sfn.

Il est certain que Keats qui à un moment charnière de sa vie, perd presque tous les gens qu'il aime, ses parents, son frère en particulier, s'est laissé habiter par l'obsession de la mort Modèle:Incise et a souvent fait partager à ses lecteurs les pensées positives ou négatives qui l'assaillent sur le sujet. Dans l'ensemble, il lui paraît anormal qu'un individu se complaise dans « la vallée des larmes » (Modèle:Langue) et ne chemine que sur « le sentier du malheur » (Modèle:Langue)<ref name="UKessays">Modèle:Lien web.</ref>.

La contemplation de la beauté

La contemplation de la beauté se propose, non pas de retarder l'ultime étape, mais de valoriser la vie par la jouissance esthétique<ref name="Snotes"/>. Objets d'art, paysages de la nature, le narrateur se pâme devant une urne post-hellénique (Ode sur une urne grecque), s'enfièvre à la lecture d'un recueil traduit d'Homère par George Chapman (1816) (À la première lecture de l'Homère de Chapman), s'exalte une fois encore devant le King Lear de Shakespeare (S'asseoir pour lire King Lear une nouvelle fois), ou rend grâce à la brillance de l'Étoile du berger (Étincelante étoile), ou encore aux mélopées de l'oiseau chanteur (Ode à un rossignol)<ref name="Snotes"/>. À la différence des mortels qui, comme le narrateur, sont condamnés aux blessures et au naufrage du temps, ces beautés appartiennent à l'éternité. Le narrateur de l'Ode sur une urne grecque envie les arbres qui jamais ne perdront leurs feuilles ou les joueurs de pipeau dont les accents transcendent les âges. Leur chant exacerbe l'imagination au point que leurs mélodies se font encore plus douces du fait qu'elles sont figées dans le silence. Si l'amant ne rejoint jamais son amante, du moins reçoit-il l'assurance qu'elle est toujours aussi séduisante, tout comme l'urne vouée à l'éternelle beauté et à l'admiration générale<ref name="Snotes"/>.

Il arrive que le sentiment esthétique exerce un effet si profond sur le narrateur qu'il quitte le monde réel pour gagner le royaume de la transcendance et du mythe, et qu'à la fin du poème, il s'en revienne armé d'un nouveau pouvoir de compréhension. Si l'absence n'est matérielle, du moins prend-elle la forme d'une rêverie portant la conscience hors de la sphère rationnelle pour gagner l'imaginaire. Ainsi, dans Étincelante Étoile, se crée un état de « délicieuse inquiétude »Modèle:Sfn (Modèle:Langue) (vers 12) qui le maintient à jamais bercé par la houle de la respiration de la beauté qu'il aime<ref name="Snotes"/>.

L'aphorisme concluant l'Ode sur une urne grecque cristallise en deux vers la conception que Keats a de la beauté : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin C'est bien l'urne qui parle, autrement John Keats aurait utilisé le pronom personnel Modèle:Langue au lieu de Modèle:LangueModèle:Sfn. L'aphorisme « la Vérité est la Beauté » ne se comprend qu'en relation avec cette « capacité négative » imaginée par Keats. Rien ne s'atteint par une chaine de raisonnement et, de toute façon, « la vie du sentir est préférable à la vie de la pensée » (Modèle:Langue)<ref>John Keats, [[s:en:Letter to Benjamin Bailey, November 22, 1817|Lettre à Benjamin Bailey, Modèle:Date-]].</ref>. Ainsi, l'Ode sur une urne grecque est une tentative pour capturer un instant dans une forme d'artModèle:Sfn. Quant à la vérité, Modèle:Citation. John Keats, en effet, fuit les dogmes, les définitions et les prises de position définitivesModèle:Sfn : la « capacité négative » l'aide à accepter le monde tel qu'il est, lumineux ou obscur, joyeux ou douloureuxModèle:Sfn.

La nature

Tout comme ses confrères romantiques, John Keats voue à la nature un véritable culte et y trouve d'infinies sources d'inspirationModèle:Sfn. À la différence de William Wordsworth, il ne discerne pas en elle la présence d'un Dieu immanent, mais y voit simplement une source de beauté qu'il transforme en poésie sans passer par la mémoire, ce que son aîné appelle Modèle:Langue<ref name="Voigt">Modèle:Lien web.</ref>. Lui préfère l'imagination qui rehausse la beauté de toute chose, comme ces accents émanant de l'urne grecque d'autant plus suaves qu'on ne les entend pas<ref name="Voigt"/>.

Outre les sentiments que la nature suscite, amour, indifférence, haine parfois, s'établit entre le poète et le monde qui l'entoure un dialogue, toujours anthropomorphique Modèle:Incise, la grande question concernant sa réaction aux élans ou affres du poète : sympathie, amour, indifférence, impassibilité ? La même inquiétude habite William Wordsworth (Tintern Abbey), Coleridge (Gel à minuit), Shelley (Ode au vent d'ouest) en Angleterre et Lamartine (Le Lac), Hugo (Tristesse d'Olympio), Musset (La Nuit de décembre) et Vigny (La Maison du berger) en FranceModèle:Sfn.

Chez Keats, la fréquentation de la nature appelle invariablement des comparaisons avec l'art et/ou la condition humaine. Dans l'Ode à l'automne, une fois les fruits de la saison engrangés, autant de petites morts effectives, l'automne frissonne déjà de l'hiver annoncé ; et l'Ode à un rossignol, par le chant de l'oiseau, induit une méditation sur l'immortalité de l'art et la mortalité du poète ; l'Ode sur la mélancolie, évoque la maladie du spleen au Modèle:Nobr par l'image du « nuage en pleurs » (Modèle:Langue), puis énumère les fleurs traditionnellement liées à la tristesse. De même, c'est à la nature que l'Ode à Psyché emprunte la double métaphore rendant compte de l'adoration du poète, lorsque l'étincelante étoile se métamorphose en un ver luisant dans la nuit<ref name="Voigt"/>. Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin

Paysage agreste, homme jeune vu d'en haut
L'Allegro de Milton, illustration de Thomas Cole, 1845.

Souvent, les décors naturels surgissent de la seule imagination. Modèle:Langue (Imagination) en offre un exemple éloquent. Composé juste après les fiançailles secrètes du poète avec Fanny Brawne, le poème s'intitule Modèle:Langue et non Modèle:Langue, ce qui renvoie à la distinction établie par Coleridge : Modèle:Citation. Divergeant quelque peu de la conception de Coleridge, Modèle:Langue met l'accent sur le détachement par rapport à ce qui est : consommation imaginaire de l'amour, fuite devant la vie. Ici encore, l'influence de John Milton se fait sentir, dans un bonheur mesuré rappelant le bucolique L'Allegro, avec un rythme allant mais calme, Modèle:CitationModèle:Note.

De plus, John Keats y décline un à un les détails des « délices » propres à chaque saison, les fleurs de mai, la claire chanson des moissonneurs, l'alouette des premiers jours d'avril, la pâquerette et le Modèle:Page h', les lys, primevères, Modèle:Page h'Modèle:Etc. S'adressant à « eux » (Modèle:Langue), sans doute les poètes, il exhorte à laisser libre cours à la « Douce imagination ! Donnez-lui liberté ! […] Que l'Imagination ailée te retrouve doncModèle:Note… » Cependant, l'imagination ne se nourrissant que de perceptions vécues, il y a là un processus de reviviscence semblable à celui de saint Augustin qui, dans ses Confessions, convoque à volonté ses souvenirs dans les immenses chambres à trésor de sa mémoire :

Modèle:Citation bloc

L'Antiquité gréco-latine

Dès son enfance, passion encore confirmée lors des années passées dans l'école de John Clarke, John Keats vit en imagination dans les splendeurs et misères de la mythologie et de la littérature de l'Antiquité. C'est surtout, par la force des choses puisqu'il n'a pas étudié le grec, à la partie romaine qu'il s'intéresse<ref name="Snotes"/>. Ovide, Virgile sont ses préférés, et pour la partie grecque, il trouve nombre de renseignements dans Modèle:Langue de John Potter<ref name="cdl">Modèle:Lien web.</ref>. Le fonds classique sert de décor ou de sujet à de nombreux poèmes, sonnets et épopées<ref name="cdl"/>. Ses plus longs poèmes, La Chute d'Hypéron et Lamia, par exemple, se déroulent dans un espace historique mythique proche de celui de Virgile, et la mythologie n'est jamais loin lorsqu'il évoque Psyché ou l'urne grecque. De fait, si l'urne peut encore parler à des observateurs deux millénaires après sa création, il est à espérer qu'un beau poème ou quelque œuvre d'art réussie franchissent les limites de la postérité<ref name="Snotes"/>. Dans une lettre à son frère George, datée du 14 ou Modèle:Date-, il prophétise qu'il sera « parmi les poètes anglais les plus reconnus de son tempsModèle:Note ».

Forme dans l'œuvre poétique

« Pour Keats, les voyelles sont une passion, les consonnes l'extase, la syntaxe est une force de vieModèle:Note ». L'oralité domine chez lui et, écrit Marc Porée, Modèle:Citation, est-il dit dans l'Ode sur la mélancolie Modèle:Sfn.

L'anatomiste de la langue

Anatomiste intuitif de la langue, de son squelette si finement articulé, de ses ligaments et ses fibres, de ses tensions musculaires et ses relâchements, des couloirs du souffle rythmique, Keats est aussi un spécialiste inné des origines du vocabulaire et de ses mutations. Avec sa plume Modèle:Incise, il prend le pouls de chaque vocable, l'écoute et pose un diagnosticModèle:Sfn.

Keats cultive son don du verbe avec minutie, mettant les tours de phrases à l'épreuve, jaugeant le pouvoir de suggestion des images. Chez lui, les mots se rendent inévitables au sein de l'immense espace de liberté qu'est son imagination. D'après Stewart, cela vaut pour ses lettres comme pour sa poésie : les manuscrits abondent en commentaires marginaux, sa verve s'exerçant surtout à propos de Shakespeare et Milton, à moins qu'elle ne se focalise sur lui-mêmeModèle:Sfn.

Prédilection pour la sonorité

Dans belle chambre puée, avec de beaux meubles et de riches rideaux, jeune homme habillé de somptueux vêtements bleu étendu sur un lit défait, le bras droit tombant sur le côté
Thomas Chatterton, par Henry Wallis.

De toujours, John Keats place la sonorité au centre de ses préoccupations, mais Modèle:Incise jamais au détriment de la tradition anglaise. Depuis son Modèle:Langue, ses poèmes reste disciplinés, malgré quelques ruades parfois. Ainsi, Modèle:Langue, sonnet dédié à un poète suicidé à dix-huit ans, sonne comme un cri, un hymne à la pureté d'une langue sans emprunts étrangers, ni latin, ni grec ne polluant la belle séquence anglo-saxonne. Voilà qui autorise de subtils raccourcis phonétiques, comme dans la phrase Modèle:Langue (« O combien proche / Était la nuit de ton beau matin ») (vers 6-7), où Modèle:Langue et Modèle:Langue (« proche / nuit »), voisins, s'entremêlent par leur sonorité ({{#ifeq:1|0|naɪt / naɪ|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}), fusion qu'accuse tragiquement la liaison Modèle:LangueModèle:Sfn.

Le mot comme théâtre du monde

Chez Keats, écrit Stewart, « les mots sont le théâtre d'un monde prégnant d'affectsModèle:Note ». Le poème Modèle:Langue en donne un exemple éloquent par ses légers glissements de mots qui soulève aussitôt de nouvelles implications, cela par la métaphore et ses approximations, ses inversions et suspensions syntaxiques, ses rimes internes, ses étymologies ironiques, son excentricité prosodique, ses enjambements. À quelques vers de l'extrême fin, sous les yeux du philosophe Apollonius, parodie d'Apollon, meurt Lycius, après l'évanescence de Lamia. Les limites de l'émotion sont atteintes grâce à un zeugma stylistique, associant les registres abstrait et concret en une même construction : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin De fait, l'expression Modèle:Langue, littéralement « vide de », désigne l'objet des étreintes et, appliqué aux membres, signifie « vidé de la vie ». Ainsi, la mort biologique est instantanée, mais c'est la grammaire qui la rend concomitante de la perte subieModèle:Sfn.

Le poète du silence

Modèle:Langue (« vide de ») ici, Modèle:Langue (« espace silencieux ») dans Sommeil et poésie, silence Modèle:Langue de la poésie conventionnelle du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, mais surtout réflexion sur l'art du poèteModèle:Sfn. Keats a l'intuition d'un vide (Modèle:Langue) au cœur d'un texte poétique ou de l'expérience qui y conduit, lorsqu'il prend conscience que les visions fuient pour laisser la place au néant (Modèle:Langue) de la réalité (II, 155-159)Modèle:Sfn. La poésie sert à remplir les vides de l'âme par l'émerveillement, comme dans le sonnet sur l'Homère de Chapman, dans Modèle:Langue, À la vue des marbres d'Elgin, certains passages d'EndymionModèle:Sfn.

Dans chacun, cependant, Keats dit le choc ressenti à la vue d'un objet de beauté (Modèle:Langue) capable à la fois de dispenser le plaisir et de submerger l'être par ce que Keats appelle un « étonnement en suspens » (Modèle:Langue), un état de stupéfaction né de l'ambivalence à laquelle l'observateur se voit confronté. L'urne grecque relève du sublime, mais reste un vase funéraire ; et dans l'Ode à un rossignol, le bonheur envahit le narrateur au chant de l'oiseau, mais un bonheur trop intense (Modèle:Langue) au regard de la souffrance d'appartenir à un monde si imparfait (strophe 3 et 4). En fin de compte naît le désir ambigu de « cesser d'exister à minuit sans douleurModèle:Note », de Modèle:Citation, comme l'écrit LaffayModèle:Sfn.

L'Ode sur l'indolence fait montre d'une résolution plus affirmée : au lieu de se rendre à l'imaginaire discours des fantômes sans voix (Modèle:Langue), Keats met fin à son poème par une véhémente rétractation. Que les tentations de l'imagination disparaissent : Modèle:Langue (I. 59-60)(« Disparaissez, vous les fantômes ! / Quitter mon esprit oisif, Dans le ce nuage et ne revenez plus ! «). L'agréable des élans imaginaires n'est que leurre, leurs visions restent superficielles : mieux vaut le silence, celui du rossignol à la fin de l'ode, celui de l'urne alors que le poète, lui, ne cesse de s'extasier à haute voixModèle:Sfn.

Dans les derniers textes, l'Ode à l'automne par exemple, la splendeur de la vision est reléguée au second plan par la symphonie sonore qui remplit les espaces vides. C'est là, explique Fournier, une musique qui sait faire la part du silence, annonçant Mallarmé et Rimbaud en France, Swinburne en Angleterre, John Cage en Amérique. Cette poésie malmène la scansion, sans cesse disloquée : dans les grandes odes, l'agencement prosodique reste souvent indistinct, que ce soit par défaut ou excès. Incertitude au Modèle:Nobr de l'Ode à un rossignol : Modèle:Langue ou Modèle:Langue ? Débauche de syllabes accentuées du Modèle:Nobr : Modèle:Langue. Voilà qui relève d'une expérience poétique nouvelle, à donner le tournis, comme si, écrit Fournier, « l'esprit vacillait lui-même dans la briseModèle:Note ».

Le poète de la lenteur

Charles Du Bos écrit à propos de Keats que son Modèle:Langue laisse chaque terme, l'un après l'autre, Modèle:Citation. Laffay explique en effet que Keats est un poète d'une extrême lenteurModèle:Sfn. Comparé à Shelley, aérien, fulgurantModèle:Sfn, il peut paraître terrestre. Chez lui, les syllabes ont du poids et, selon Sidney Colvin, « [Keats] distille plus qu'il ne décritModèle:Sfn ». Ainsi, dans cet extrait de la première strophe de l'Ode sur une urne grecque, Modèle:Nobr et 5 : Modèle:Vers , les iambes [u —], de par leur pesanteur pourtant non innée, se distinguent mal des spondées [– –], ce qui conduit à une érosion du rythme prosodique, alors que le trochée (– u), plus habituel lors des substitutions, surtout en début de vers, le casse momentanément pour bientôt le restituer à son élan ïambique. De plus, la finale vocalique « Modèle:Langue », comme dans Modèle:Langue (même si le « e » élidé ampute le mot de la syllabe « {{#ifeq:1|0|/id/|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} », que Keats utilise souvent à la différence des autres grands romantiques anglais), augmente le volume du mot et en prolonge la résonanceModèle:Sfn. Ce procédé de substitution et d'augmentation est fréquent chez Keats, inspiré des Élisabéthains, surtout de ShakespeareModèle:Sfn, et se retrouve dans toutes les grandes odes, au premier vers de l'Ode à un rossignol par exemple (Modèle:Langue ({{#ifeq:1|0|maɪ hɑːt eɪks ən ə ˈdraʊziˈ nʌmnɪs peɪnz maɪˈsɛnsɪz|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}), et, autre exemple dans l'Ode sur la mélancolie, l'ajout des longueurs des Modèle:Langue ({{#ifeq:1|0|taɪt-ˈruːtɪd|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}), Modèle:Langue ({{#ifeq:1|0|ˈgləʊbd-ˈpɪəniz|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}})Modèle:Etc.Modèle:Sfn.

Nouvelle caractéristique, mais reliquat des premières œuvresModèle:Sfn, l'abondance des phonèmes {{#ifeq:1|0|ɪ|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} et {{#ifeq:1|0|iː|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}, comme dans Modèle:Langue et Modèle:Langue, qui, combinés aux participes passés adjectivaux, se retrouvent dans beaucoup de poèmes. Il y a une explication historique à cela qu'a mise en lumière De Sélincourt : Modèle:Citation. À ce compte, renchérit Garrod, la poésie de Keats « ne chante pas » (Modèle:Langue)Modèle:Sfn.

La lenteur chez Keats n'est pas seulement affaire de rythme. La cadence mesurée se double d'une quasi-immobilité des images. Au début de l'Ode à un rossignol, l'accumulation d'assonances sourdes crée et soutient un état semi-hypnotique (Modèle:Langue). Cette stase apparente recèle une dynamique en puissance. Ainsi, dans l'Ode à Psyché, le couple Cupidon et Psyché, figé dans une « immobilité frémissante »Modèle:Sfn, présente une virtualité de mouvement. De plus, les objets apparaissent comme gonflés de sensations, chargée d'une intensité que la poésie s'emploie à capter : dans le sonnet Modèle:Langue (« À propos d'un rêve »), concernant un poète qui s'endort, c'est le monde qui perd le premier connaissance. Laffay résume cette interaction entre le sujet et l'objet extérieur : Modèle:Citation.

Le tressage des sens

Pour Keats, l'expérience sensorielle prime sur la pensée<ref>Lettre à Benjamin Bailey, Modèle:Date-.</ref>. La sensation, elle aussi, s'avère porteuse d'un sens philosophique nécessaire à la création poétiqueModèle:Sfn;

La vue

Comme pour la majeure partie des poètes, c'est d'abord la vue qui entretient une étroite relation avec l'imagination et la création. Il s'agit de former des images dans l'esprit, démarche contenue dans la locution anglaise Modèle:Langue (« l'œil de l'esprit »), apparue chez Chaucer vers 1390 et consacrée dans le Hamlet de William Shakespeare. Imaginer, c'est voir de l'intérieurModèle:Sfn, rapport illustré dans plusieurs écrits du poète, pour qui l'imagination a une fonction visuelle propre, liée de façon intime à la création. La vision poétique constitue ce que seul le poète peut percevoir et rendre apparent dans son art. Dans sa lettre-journal destinée à George et Georgiana du 17 au Modèle:Date-, John Keats compare la façon d'écrire de Lord Byron à la sienne : « Il décrit ce qu'il voit – je décris ce que j'imagine – ce qui est bien plus arduModèle:Note ».

L'ouïe

Ce rapport imagination-perception est étendu aux autres sens, l'ouïe que Keats appelle Modèle:Langue (« l'oreille de mon imagination »). Dans Modèle:Langue (« Combien de poètes chantent les filles du temps »), le poète s'apprête à composer quand il est interrompu par les bardes d'antan qui murmurent à son oreille. Les bruits de la nature viennent jusqu'à lui et ses vers se portent vers le chant des oiseaux, le roulement des vagues, tous transformés en musique. La mélodie enveloppe son oreille qui, aussitôt, se met à l'œuvre et commence à créerModèle:Sfn.

Le toucher

Keats a déjà remarqué différentes formes de toucher dès 1816, au Modèle:Langue, qu'il met en relation avec les papilles (Modèle:Langue), où qu'elles se trouvent, dans le palais, les doigts et les orteils. Aussi, quand il se réfère au « palais de mon esprit » (Modèle:Langue), au Modèle:Nobr de son poème Vers adressés à Fanny (Modèle:Langue), il dévoile une imagination de l'odorat et du toucher, et au Modèle:Nobr, il ajoute que « le toucher a une mémoire »Modèle:Note,<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Ainsi, la poitrine, le souffle chaud, les lèvres, c'est le souvenir de ces sensations tactiles qui exalte sa création poétiqueModèle:Sfn.

Dans la première strophe de l'Ode à Psyché, le tableau de Cupidon et Psyché enlacés regorge de mots et d'expressions d'abord relatifs au toucher, puis accessoirement à l'ouïe et à l'odoratModèle:Sfn : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin

La synesthésie

À vrai dire, ici tous les sens se voient sollicités et le tableau devient synesthésiqueModèle:Note. Le narrateur s'adresse à l'héroïne en décrivant son Modèle:Langue (« oreille à la conque délicate »), puis il évoque subtilement sa couche partagée, les amants se trouvant « étendus côte côte », Modèle:Langue. Les sonorités des deux expressions se répondent, le second participe passé ({{#ifeq:1|0|kaʊtʃt|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}) faisant écho au premier ({{#ifeq:1|0|kɒŋkt|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}), un écho légèrement altéré comme par diffraction acoustique. En ce rapprochement, la vue et le toucher (ce dernier virtuel) s'entremêlent et s'unissent : il ne s'en faut que d'une substitution de lettre, « n » cédant la place à « u », pour que la fusion soit complèteModèle:Sfn. Plus loin, dans Modèle:Langue (« les silencieuses fleurs, aux fraîches racines, aux taches parfumées »), l'association de deux adjectifs composés, que sépare le nom commun Modèle:Langue (« fleurs »), convoque au moins trois sens, le toucher (le frais, la préhension), la vue (l'œil) et l'odorat (le parfum), si bien que l'œil devient la pseudo-métaphore d'une carpelle de fleurModèle:Sfn. De même en fin de strophe, tout semble être vu par un Modèle:Langue (un/e « aurore-œil »), que génère spontanément le mélange de l'aube (Modèle:Langue), de l'aurore (Modèle:Langue), de l'amour (Modèle:Langue), de la tendresse (Modèle:Langue) et de la vision (Modèle:Langue) : Modèle:Langue (« tendrement l'amour ouvre les yeux du matin »)Modèle:Sfn.

Dans l'Ode à un rossignol, faute que la vue ne s'impose, l'imagination olfactive aide à comprendre le monde et créer le poèmeModèle:Sfn. S'ajoute à la panoplie des sens, la respiration, déclinée sous diverses formes, l'air, le soufffle, les vapeurs. Dans le sonnet Après que de noires vapeurs ont oppressé nos plaines (Modèle:Langue), le poète évoque le passage de l'hiver au printemps, mais plutôt que de peindre le chaud soleil et le bourgeonnement, il se concentre sur les effluves nauséabonds du reste de froidure qui oppressent et angoissent ; bientôt, le vent doux du sud, par son souffle apaisant, redonne à la nature et aux hommes la santé heureuse que symbolise la respiration douce d'un enfantModèle:Sfn. De fait, tout est souffle et respiration dans l'œuvre de John Keats, respiration apaisante des boudoirs végétaux dans Modèle:Langue (vers 5), de la poitrine de l'amante dans Étincelante étoile (vers 13), ou alors souffle de la mort dans Modèle:Langue quand se volatilise la créature et que meurt Lycius (vers 299)Modèle:Sfn.

Dans l'ensemble, l'expérience sensorielle se présente sous la forme d'entrelacs, de tressage, de guirlande. La racine Modèle:Langue (« guirlande, couronne ») et le préfixe Modèle:Langue reviennent à de multiples reprises, comme dans Modèle:Langue avec Modèle:Langue (vers I, 813, II, 412, 604, 666). Enveloppement, enchevêtrement, l'expérience fait s'enlacer les sens, et la synesthésie apparaît comme un hypersens, Modèle:Citation. Dans Je me tenais sur la pointe des pieds au sommet d'une petite colline se trouve une charmille faisant office de boudoir végétal d'où le poète recueille un bouquet enchevêtré de rose de mai, de souci, de jacinthe des bois et de cytise, entourés d'une herbe parsemée de violettes, de pois de senteur, de chèvre-feuille et de mousse. Le trou de verdure s'illumine (Modèle:Langue), s'adoucit (Modèle:Langue), se colore (Modèle:Langue), sollicitant quatre domaines sensoriels, la vue, le goût, le toucher, l'odorat : la barrière a disparuModèle:Sfn, et les sensations se mêlent à l'image de la végétationModèle:Sfn.

L'adjectif Modèle:Langue qui qualifie la cytise fait appel à la fois au toucher et au goût, mais Keats l'emploie aussi pour les couleurs vives. Il ne s'agit plus là de synesthésie, mais d'hyperesthésie selon John Barnard, un tout englobant l'ensemble des domaines sensitifsModèle:Sfn. À l'inverse, si un sens manque à l'appel, s'effectue un transfert, comme le montre Helen Vendler à propos de l'Ode à un rossignol, où le narrateur perd la vue et le toucher, peu à peu remplacés par l'ouïe (les mouches qui volètent) (Modèle:Langue) (vers 50), puis l'odorat grâce auquel il « devine » (Modèle:Langue) le nom et la couleur des fleurs, églantines, aubépine, violettes et autres roses musquéesModèle:Sfn.

Prosodie

John Keats utilise divers schémas prosodiques au cours de sa carrière, ne serait-ce que dictés par les genres auxquels il s'intéresse.

Genres privilégiés

Du sonnet, il retient toutes les formes, d'abord l'italienne ou pétrarquienne ou encore pindarique, puis la shakespearienne<ref>Modèle:Lien web.</ref>, enfin la spensérienne proche de la précédente avec trois quatrains soudés et un distique, ce qui donne comme schéma de rimes ABAB, BCBC, CDCD, EE<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Modèle:Langue est de facture pétrarquienne, avec un schéma de rimes en ABBA ABBA CDCDCD ; en revanche, Modèle:Langue, un Modèle:Langue (« sonnet irrégulier »), présente ironiquement un agencement de rimes inusité, ABCADE CADC EFEF<ref>Modèle:Lien web.</ref>

Autres ensembles prestigieux, la strophe spensérienne, composée de huit pentamètres iambiques et d'un alexandrin final (un hexamètre iambique) selon un schéma de rimes croisées : ABAB BCBC C (La Vigile de la sainte Agnès). Parmi les configurations traditionnelles demeurent le pentamètre ïambique non rimé (Hypérion), le distique héroïque rimant par paire (Endymion) et la ballade (La Belle Dame sans Merci), une strophe en quatrain de deux tétramères ïambiques alternant avec deux trimètres, selon la séquence ABCDModèle:Sfn.

L'innovation dans les odes de 1819

En réalité, ce n'est que dans ses odes de 1819 que John Keats innoveModèle:Sfn. En voici trois exemples :

Ode sur une urne grecque

Elle reflète au mieux l'évolution de son style poétique. Par exemple, alors que ses premières compositions en abondent, elle ne présente qu'un exemple d'inversion médiane, soit la substitution d'un iambe (u –) au milieu du vers, alors que trente trochées (– u) se voient incorporées dans l'ensemble des deux-cent cinquante pieds, et la césure ne tombe jamais avant la quatrième syllabeModèle:Sfn.

Ode à l'automne

Elle se compose de trois strophes comprenant chacune onze vers. En ce sens, elle suit le schéma de l'ode antique, une triade à la fois chantée et dansée, la « strophe » (un tour à gauche), l'« antistrophe » (un tour à droite) et l'« épode », chantée après coup (retour au point de départ)Modèle:Sfn. Cette strophe diffère de ses homologues en ceci qu'elle a un vers de plus qu'elles, ce qui permet d'insérer un distique (Modèle:Langue), soit deux pentamètres iambiques rimés avant le dernier versModèle:Sfn. De plus, n'ayant ni narrateurModèle:Sfn ni phases dramatiques, elle se focalise sur des objets concrets. Paradoxalement, elle progresse alors que les objets évoqués ne se modifient pas. Il y a là, selon Walter Jackson Bate, « une union du mouvement et de la staseModèle:Note », une concentration d'énergie au repos, effet que Keats appelle lui-même Modèle:Langue, progression interne sans référence au temps chronologiqueModèle:Sfn. Au début de la troisième strophe, Keats emploie le processus dramatique dit ubi sunt, « où sont(-ils) »Modèle:Note, qu'il associe à un sentiment de mélancolie, pour interroger le sort sur le destin des choses disparues, en l'occurrence les chants du printempsModèle:Sfn.

John Keats privilégie les monosyllabes, tels que dans le vers : Modèle:Langue (« […] pour dispenser tes bienfaits / Aux treilles qui courent au bord des toits de chaume »). D'autre part il peut y avoir appesantissement sur les mots du fait d'une insistance sur les consonnes bilabiales, par exemple dans Modèle:Langue (« […] Car l'Été a gorgé leurs alvéoles sirupeux »), où Modèle:Langue fixe le vers en son milieu. Se trouvent également utilisées les voyelles longues qui règlent le flux rythmique du vers, le forçant à garder un tempo lent et mesuré : Modèle:Langue (« Pendant que de longues nuées fleurissent le jour qui mollement se meurt »)Modèle:Sfn.

Comme pour les autres odes, le vers choisi est le pentamètre iambique, avec cinq accents toniques précédés par une syllabe inaccentuée [u –]Modèle:Sfn. Keats varie ce schéma par l'inversion dite « augustienne », issue de la Modèle:LangueModèle:Note des siècles précédents, en substituant un spondée à un iambe ([– –], surtout en début de vers, comme dans Modèle:Langue, qui se scande [– –/u –/u –/u –/– u], procédé répété pour chacune des questions posées, dont l'avantage est de retarder l'envolée iambique et de lester le sens dès l'ouverture du versModèle:Sfn.

Ode sur la mélancolie

Reconnue comme l'un des plus beaux poèmes de Keats, compacte, dramatique, solide, les vers s'enchaînant avec une félicité rare. Cette déambulation poétique tient surtout à la régularité iambique des pentamètres, dont la pesanteur tient à deux procédés complémentaires : le iambe et le spondée ou le trochée, pourtant antagonistes, se ressemblent et il s'avère parfois difficile de faire la part de l'un et de l'autre, tant s'accentuent les syllabes supposées atones et Modèle:LangueModèle:Sfn. Ainsi, dans le premier vers, les pieds du premier hémistiche sont tous accentués car monosyllabiques, accentuation ne pouvant qu'être mélodique : Modèle:Citation étrangère [{{#ifeq:1|0|nəʊ|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}{{#ifeq:1|0|nəʊ|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} — / {{#ifeq:1|0|gəʊ|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}{{#ifeq:1|0|nɒt|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} — / {{#ifeq:1|0|tuː|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} u / {{#ifeq:1|0|ˈliː|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}{{#ifeq:1|0|θi|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} —], avec l'accent sur {{#ifeq:1|0|nɒt|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} plutôt que {{#ifeq:1|0|gəʊ|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} ; le second hémistiche, réduit à deux mots, comprend un trochée et une syllabe accentuée : [{{#ifeq:1|0|ˈnaɪ|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}{{#ifeq:1|0|ðə|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} u / {{#ifeq:1|0|twɪst|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} —]. Ainsi, le vers entier peut se lire avec chaque syllabe détachée, comme martelée au lecteur, poète potentiel à qui s'adresse le narrateur pour le mettre en garde. Le deuxième vers Modèle:Citation étrangère affiche un rythme semblable, les mots doubles se comportant comme des assemblages de monosyllabes dans le premier hémistiche : [{{#ifeq:1|0|wʊlf|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}{{#ifeq:1|0|beɪn|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} — / {{#ifeq:1|0|taɪt-|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}{{#ifeq:1|0|ˈruː|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} — / {{#ifeq:1|0|tɪd|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} —], tandis que dans le second, l'adjectif Modèle:Langue, qui se prononce en deux syllabes, le {{#ifeq:1|0|[ɔ]|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} étant éludé, est suivi d'un nom commun : [{{#ifeq:1|0|fɔːr|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} u {{#ifeq:1|0|ɪtsˈ|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} — / {{#ifeq:1|0|'pɔɪznəs|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} — u / {{#ifeq:1|0|waɪn|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}} —], lui-même monosyllabique. Il y a là un tempo volontairement lent, un débit engourdi, comme si le poète désirait ardemment laisser chaque terme Modèle:Citation.

L'irruption de la négation frappe d'autant plus par sa soudaineté : répétée sur huit vers, elle plonge d'emblée le lecteur dans un univers de protestation enflammée qui s'amplifie au fil des exemples : évocation des EnfersModèle:Note et des poisons, elle-même corsée par la sémantique négative des adjectifs ou des adverbes (Modèle:Langue, Modèle:LangueModèle:Etc. que répète en assonance le Modèle:Langue qui suit : Modèle:Col-début Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-2 Modèle:Vers Modèle:Col-fin

Se relèvent également les sons en [{{#ifeq:1|0|ɪ|[[Alphabet phonétique international|Modèle:Nobr]]}}] répétés, essentiellement sous leur forme brève : certains servent à la rime, les autres restent enchâssés dans le corps du vers, mais le plus souvent dans une position exposée, par exemple en fin d'hémistiche (Modèle:Langue, Modèle:Langue, Modèle:Langue, Modèle:Langue). Comme dans l'Ode sur une urne grecque, il y a une explication historique à cette pléthore : d'après De Sélincourt, Modèle:Citation.

À ce compte, l'Ode sur la mélancolie ne diffère pas de ses consœurs qui, selon Garrod, « ne chantent pas » (Modèle:Langue)Modèle:Sfn, ni n'emboîte le pas à aucune des traditions de l'ode ; en contradiction avec par exemple l'œuvre de ShelleyModèle:Sfn, ce n'est pas, léger, aérien, fugitif, un poème « lyrique » au sens premier du terme, destiné à être accompagné de la lyre. Elle se déclame et se déguste en même tempsModèle:Sfn : voir l'hémistiche Modèle:Langue, image d'une abeille aspirant le nectar de la fleur déjà porteur de la suavité gluante au palaisModèle:Sfn. Dans son Études sur le genre humain, Georges Poulet compare cette technique d'écriture à celle de Proust qui dans À la recherche du temps perdu écrit : Modèle:Citation. Comme Proust, Keats Modèle:Citation.

Accueil

« La critique vaut-elle quelque chose »Modèle:Note ? », écrit Keats en marge de son exemplaire de l'étude de Samuel Johnson sur Comme il vous plaira (Modèle:Langue) de Shakespeare ; et dans une lettre à son éditeur John Taylor, il ajoute : « Il est plus facile de se faire une idée de ce que la poésie devrait être que de l'écrireModèle:Note ».

La férocité des premières attaques

Comme le montre sa biographie, si le génie de John Keats est apprécié de plusieurs de ses contemporains, en particulier Shelley et Leigh HuntModèle:Sfn qui admirent sa pensée impulsive et son style sensuel, voluptueux Modèle:Incise, les critiques officiels ne sont pas tendres envers le jeune Keats. John Wison Croker vilipende en avril 1818 son premier volume de poèmes dans le Modèle:Langue, mais il semble qu'il ne s'est guère donné la peine de le lire en entier (en particulier Endymion) et que sa cible était plutôt la poésie de Leigh Hunt<ref name="Hanson"/>. Dans la même veine, John Gibson Lockhart, du Modèle:Langue, s'il profère en août sous le pseudonyme « Z » nombre d'outrances langagières à l'égard de ses vers, attaque surtout le cercle de ses compagnons. Keats, cependant, garde la tête raisonnablement froide : dans une lettre à James Hessey, il dit en substance que la louange et le blâme ne sont rien au regard des critiques que l'amoureux de la beauté s'adresse à lui-même<ref name="Hanson"/> ; et en 1819, dans sa lettre-journal à George, il compare ces attaques à la « superstition » qui enfle en proportion de son inhérente inanité (Modèle:Langue)<ref name="Hanson"/>.

Un adolescent autodidacte

Si Keats écrit que « si la poésie ne vient pas aussi naturellement que les feuilles vont à l'arbre, mieux vaut qu'elle ne vienne pas du toutModèle:Note », son œuvre est le fruit d'une longue érudition autodidacte. Sa sensibilité innée est exceptionnelle, mais ses premiers poèmes sont clairement dus à un adolescent encore en apprentissage, qui cultive le vague, une sorte de langueur narcotiqueModèle:Sfn, et cela en conformité avec les conseils prodigués par son ami Charles Cowden Clarke qui l'a initié aux classiques. Les articles du journal, Modèle:Langue, de son autre ami Leigh Hunt, participent de cette manière d'écrireModèle:Sfn : en effet, Hunt méprise la poésie dite de l'« école française » et attaque les premiers romantiques comme Wordsworth et Coleridge, ce qui vaut à Keats un froid passager de la part de ces poètes et aussi de Lord Byron, autant d'armes fourbies pour les futures attaques du Blackwood's et du QuarterlyModèle:Sfn.

La Modèle:Langue

À sa mort, l'œuvre de John Keats se trouve entachée par deux influences jugées irrecevables. D'abord, une obscurité présumée pour avoir lui aussi rompu avec la tradition d'Alexander Pope et rejeté le langage obligé, la Modèle:Langue du siècle précédent, tout en se démarquant de la simplicité d'expression recherchée par la première vague romantique de Wordsworth, Coleridge et, dans une moindre mesure, Robert Southey ; ensuite, la tendance volontairement roturière de l'école dite Modèle:Langue (Modèle:Langue) Modèle:Incise cultivée par Leigh Hunt et son cercle, auquel se joint William HazlittModèle:Sfn.

De fait, comme la première, mais avec des différences, cette deuxième génération romantique se prétend elle aussi politiquement et esthétiquement révolutionnaire, remettant en cause le Modèle:Langue, de quoi, craint l'« établissement », promouvoir les classes dites inférieures (Modèle:Langue)Modèle:Sfn. D'où la création par des critiques conservateurs de l'épithète Modèle:Langue, référence belliqueuse aux bas-fonds de Londres. Ironiquement, le terme est repris dans les années 1890 par des poètes issus de la classe ouvrière<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, mais, malgré cette vogue de la Belle Époque, il reste attaché à la génération des poètes dont John Keats fait alors partieModèle:Sfn. Rien d'étonnant, à ce compte, que sa réputation posthume se voie longtemps brocardée par la verve de caricaturistes le dépeignant en simpliste empoté que tue un surplus de sensibilitéModèle:Sfn.

Années 1830 : enfin des éloges

Parmi les admirateurs inconditionnels de Keats figurent dans les années trente, les Apôtres de Cambridge (Modèle:Langue). À leur tête, se trouve le jeune Tennyson qui imite sa manière et essuie les mêmes critiques que lui, mais qui, devenu plus tard un populaire Poète lauréat, le range parmi les plus grands poètes de son siècleModèle:Sfn. Constance Naden, grande admiratrice de son œuvre, pense que son génie repose sur son « exquise sensibilité à tout ce qui touche à la beautéModèle:Note ». En 1848, vingt-sept années après la mort de Keats, Richard Monckton Milnes publie sa biographie, ce qui contribue à le ranger dans les canons de la littérature anglaise. La confrérie préraphaélite, comprenant John Everett Millais et Dante Gabriel Rossetti, s'inspire de son œuvre et peint des tableaux illustrant La Vigile de la sainte Agnès, Isabella et La Belle dame sans Merci, luxuriants, voluptueux, en parfait accord avec la lettre et l'esprit du texte de l'auteurModèle:Sfn.

Litanie de jugements de valeur

En 1882, Algernon Swinburne écrit dans l'Encyclopædia Britannica que l'Ode à un rossignol compte parmi les plus grands chefs-d'œuvre de tous les temps jamais écritsModèle:Sfn. Au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, John Keats devient le poète-culte de Wilfred Owen, le poète-soldat, qui prend le deuil à chaque anniversaire de la mort de son idole, avant que lui-même ne soit tué au front deux jours avant l'[[Armistice de 1918|armistice du Modèle:Date-]]. Quant à William Butler Yeats et T. S. Eliot, ils n'ont de cesse d'exalter la beauté des odes de 1819Modèle:Sfn. Dans la même veine, Helen Vendler juge que de tels poèmes incarnent la langue anglaise dans sa plus profonde plénitudeModèle:Sfn, et Jonathan Bate de renchérir en faisant remarquer que « chaque génération a vu dans Ode à l'automne le poème le plus proche de la perfection de toute la littérature anglaiseModèle:Note », ce que corrobore M. R. Ridley lorsqu'il ajoute à son propos : Modèle:Citation.

Liste des principales œuvres

Modèle:Article détaillé

Conservation des archives

La plupart des lettres, manuscrits et documents de John Keats sont conservés à la bibliothèque Houghton de l'Université Harvard. D'autres collections sont archivées à la bibliothèque britannique de la Maison Keats de Hampstead, à la Maison Keats-Shelley de Rome et aussi à la bibliothèque Pierpont Morgan de New-York.

Texte

Profil droit, encre de chine sur fond blanc, cheveux ondulés, large front, lèvres charnues, nez légèrement retroussé, traits réguliers
John Keats en 1819.

Traductions en français

  • John Keats, traduit par Élisabeth de Clermont-Tonnerre, Paris, Émile-Paul frères éd., 1922 (1923?) (Modèle:3e éd. ; nouv. éd.)
  • Albert Laffay, Keats, Selected Poems, Poèmes choisis, collection bilingue Aubier, Paris, Aubier-Flammarion, traduction, préface et notes, 1968, 375 pages.
  • John Keats, Seul dans la splendeur, traduit et préfacé par Robert Davreu, éd. bilingue, Éditions de la Différence, coll. « Orphée », Paris, 1990.
  • John Keats, Poèmes et poésies, préface de Marc Porée, traduction de Paul Gallimard, Paris : Mercure de France, 1910 (lisible sur WIKISOURCE) ; réédition NRF. Poésie/Gallimard, 1996.
  • John Keats, Ode à un rossignol et autres poèmes, édition bilingue, traduit par Fouad El-Etr, La Délirante, 2009.
  • John Keats, Les Odes, édition bilingue, traduit par Alain Suied, Arfuyen, 2009.
  • John Keats, La poésie de la terre ne meurt jamais, extraits de correspondances et florilège de poèmes, traduits par Thierry Gillybœuf et Cécile A.Holdban, Conception, choix des textes et avant-propos de Frédéric Brun, Poesis, 2021.

Keats dans la culture

La vie et l'œuvre du jeune poète ont inspiré la trame des romans de l'auteur de science-fiction Dan Simmons, notamment dans les cycles Hypérion et Endymion, ainsi que certains passages du concept-album The Lamb Lies Down on Broadway du groupe de musique anglais Genesis.

Bright Star, le film de Jane Campion, sélectionné pour le festival de Cannes 2009, met en scène le poète, au moment de sa rencontre avec Fanny Brawne, qui avait déjà inspiré à Rudyard Kipling sa nouvelle Modèle:Nobr<ref name="SansFil">Modèle:Ouvrage.</ref>.

Tim Powers a également intégré des éléments réels de la vie de John Keats, ainsi que d'autres auteurs comme Percy Shelley et Lord Byron, dans un roman de fiction Le Poids de son regard (Modèle:Lien).

Il est possible que le nom du poète ait inspiré celui du professeur de littérature anglaise John Keating, incarné par Robin Williams, dans le film Le Cercle des poètes disparus.

De nombreuses citations ou allusions à des poèmes de Keats figurent dans différentes œuvres. À titre d'exemples :

Keats dans l'enseignement

Le Curriculum national en Angleterre répertorie John Keats dans les listes des poètes et des écrivains importants d'avant 1914 dans le programme de l'enseignement de la langue anglaise des Modèle:Lien 2, 3 et 4<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Aux États-Unis et au Canada, le Modèle:Lien a inclus John Keats dans les poètes représentatifs pour son Modèle:Lien<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} English literature and composition - Course description.</ref>.

Le poème Bright star, would I were steadfast as thou art est étudié par les élèves néo-gallois de douzième année qui passent le Modèle:Lien en anglais avancé<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Year 12 English advanced Module A – Textual conversations.</ref>.

Recherche

La première biographie de Keats, due à Richard Monckton Milnes, est publiée en 1848Modèle:Note sous le titre de Modèle:Langue, à partir des documents fournis par l'ami du poète, Charles Armitage Brown<ref name="lien web Milnes"/>. Cependant, d'après Robert Gittings, elle voit le « John Keats de la Régence [1811-1820] avec des lunettes victoriennes, ce qui a donné le ton à presque toutes les biographies qui ont suivi »Modèle:Note : la raison en serait la brouille ayant sévi entre les amis du poète peu après sa mort et ayant retardé la mise en chantier d'un tel ouvrageModèle:Sfn.

Dans l'avant-propos à sa biographie de Keats (édition de 1968), le même Robert Gittings rend hommage à trois de ses prédécesseurs, tous Américains : C. L. Finney, W. J. Bate et Aileen Ward. Il explique que l'intérêt des critiques d'outre-Atlantique porté au poète tient à « un paradoxe de l'histoire littéraire » : en effet, la plus grande partie des manuscrits de Keats, poèmes, lettres, notes, est conservé aux États-Unis, alors que les éléments relatifs à sa vie restent dispersés en Angleterre dans diverses collectionsModèle:Sfn.

Le poète français Albert Erlande est l'auteur d'une biographie intitulée La vie de John Keats<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, traduite en anglais sous le titre The life of John Keat, préfacée par John Middleton Murry<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

W. J. Bate a reçu en 1964 le prix Pulitzer de la biographie ou de l'autobiographie pour sa biographie de Keats<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

La page du Modèle:Langue recense 91 articles concernant les diverses facettes de Keats : Modèle:Lien web.

Le chapitre 17 du Modèle:Langue, Modèle:P., présente sous la plume de Susan J. Wolfson une bibliographie sélective mais abondante, comprenant les éditions, les fac-similés, les principales biographies, les articles publiés du vivant du poète, les références bibliographiques et les études critiques recensés jusqu'en 2001, date de publication de l'ouvrage.

Une bibliographie critique de Keats, datant de 2008, est proposée par Modèle:Ouvrage.

Le site de Modèle:Langue offre un panorama global de la recherche concernant Keats : Modèle:Lien web.

À l'occasion du bicentenaire des odes datées de 1819, la Société des Anglicistes de l'Enseignement Supérieur (SAES), sous les auspices des universités de Caen-Normandie et de Grenoble-Alpes, a organisé le Modèle:1er février 2019 un colloque présidé par Stanley Plumly (Université du Maryland), auteur, entre autres, d'une Biographie personnelle de Keats (Modèle:Langue) publiée chez Norton en 2019.

Hommages

La Modèle:Lien contient une citation tirée de la conclusion de l'Ode sur une urne grecque : Modèle:Langue.

La Royal Mail émet un timbre à l'effigie du poète à l'occasion du Modèle:150e anniversaire de sa mort en 1971<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Depuis 1998, l'Association britannique Keats-Shelley (Modèle:Langue) organise chaque année un prix du meilleur poème romantique<ref>The Keats-Shelley Poetry Award, consulté le 9 novembre 2018.</ref>, et à l'initiative de l'Association royale pour l'encouragement des arts, une plaque bleue commémorant la mémoire de Keats est apposée en 1896 sur la façade de la maison où il a vécu<ref name='EngHet'>Modèle:Lien web.</ref>.

Ont été baptisées de son nom :

Annexes

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Bibliographie

Ouvrages et articles généraux

Ouvrages et articles spécifiques

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Articles connexes

Liens externes

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Référence à l'article en anglais

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Notes et références

Notes

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Références

Fanny Brawne: A Biography, 1952

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John Keats, Cambridge Mass., Belknap Press of Harvard University Press, 1963

Modèle:Références

John Keats, Londres, Heinemann, 1968

Modèle:Références

Keats, Selected Poems, Poèmes choisis, 1968

Modèle:Références

Poèmes et lettres choisis de Keats, Londres, Heinemann, 1987

Modèle:Références

Keats, Londres, Faber & Faber, 1997

Modèle:Références

Keats and Language, Cambridge, Cambridge University Press, 2001

Modèle:Références

Keats and English Poetry, Cambridge, Cambridge University Press, 2001

Modèle:Références

Tressage de sensations et hypersensibilité dans la poésie Keatsienne, 2015, chap. 36

Modèle:Références

Autres sources

Modèle:Références

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