Jaufré Rudel
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Jaufré Rudel ou Jaufre Rudel (en occitan Jaufre Rudèl), né au début du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle (entre 1110 et 1130) à Blaye, et mort selon la légende pendant la deuxième croisade (vers 1148 ou vers 1170<ref>Modèle:Lien web</ref>), est un troubadour aquitain de langue occitane.
Il est principalement connu pour avoir développé le thème de "l'amour de loin" (en ancien occitan : amor de lonh) dans ses pièces lyriques.
Biographie
La vie de Jaufré Rudel est peu renseignée, et les informations glanées sont sujettes à caution dans la mesure où le troubadour comptait de nombreux homonymes. L'hypothèse la plus vraisemblable est avancée par le critique Roy Rosenstein :
Jaufré Rudel est surnommé "le Prince de Blaye", d'après la ville dont il est le seigneur. Il reste toutefois longtemps dépossédé de son domaine, parce que Guillaume IX d'Aquitaine, surnommé le Troubadour, avait pris au père de Rudel la forteresse de Blaye, et en avait détruit les murs et la tour. Elle ne lui est restituée que sous le règne de Guillaume X.
Il commence son activité de troubadour à partir des années 1120. Roy Rosenstein dresse un parallèle entre la jeunesse du comte de Blaye privé de ses biens, et sa carrière de troubadour :
- On peut supposer que Jaufre Rudel a pu s'être tourné vers la cour de Poitiers où le comte Guillaume, le premier troubadour dont les œuvres nous soient connues, aurait été alors son maître de poésie ainsi que son suzerain.<ref>François Pirot Recherches sur les connaissances littéraires des troubadours occitans et catalans, Barcelone, 1972</ref>.
Il semblerait que Jaufré Rudel ait finalement été accueilli par la cour d'Ebles II, vicomte de Ventadour, rivale de celle de Guillaume de Poitiers<ref> Que sait-on aujourd'hui sur le troubadour Jaufre Rudel ?, PATRIMOINE & CONNAISSANCE DE LA CIVILISATION OCCITANE [1]</ref>.
Un poète contemporain, Marcabru, décrit Jaufré Rudel comme un musicien "oltra mar", c'est-à-dire "de l'autre côté de la mer", ce qui suggère qu'il aurait pris part à la deuxième croisade<ref>Modèle:Ouvrage</ref> (v. 1147-1149). Il aurait accompagné Louis VII et Aliénor d'Aquitaine lors de leur expédition, et serait mort dans l'entreprise, vers 1148 ou vers 1170.
Légende
D'après la légende relatée dans sa Vie, composée par un rédacteur anonyme au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Jaufré Rudel aurait écrit des chansons d'amour et serait parti en croisade après avoir entendu les rumeurs véhiculées par des pèlerins de retour d'Antioche, qui rapportaient la beauté extraordinaire de la comtesse Hodierne de Tripoli. Selon Mistral (1878), Rudel aimait sa fille Mélisende de Tripoli<ref>Frédéric Mistral. Lou Tresor dóu Felibrige, vol. 2, 1878.</ref>
Jaufré Rudel aurait été si malade pendant le voyage (perdant l'usage de sa vue et de son odorat ou de son ouïe et de son odorat) qu'il serait arrivé mourant à Tripoli. La comtesse, en entendant parler, se serait alors rendue à son chevet pour lui permettre de mourir dans ses bras<ref>Camille Chabaneau Biographies des troubadours en langue provençale</ref>.
En présence de sa dame, il aurait retrouvé une dernière fois l'usage de ses sens avant d'expirer ; tandis que face à la mort de son amant, la comtesse se serait retirée au couvent pour devenir religieuse.
Œuvres
Seulement six poèmes (cansons) de Jaufré Rudèl sont parvenus jusqu'à nous, dont quatre avec des notations musicales :
- L'œuvre qui nous a été transmise est très courte, mais d'une perfection inégalée. Elle demeure d'une interprétation très difficile<ref>Robert Lafont, Trobar, 1972</ref>.
Les deux plus célèbres<ref name=":0">Modèle:Ouvrage</ref> sont :
- "Lanquan li jorn son lonc en may" ("Quand les jours sont longs en mai")
- "Quand lo rius de la fontana" ("Quand le ruisseau de la fontaine")
Suivies par :
- "Belhs m'es l'estius e l temps floritz" ("L'été et le temps fleuri me sont agréables")
- "No sap chantar qui so non di" ("Il ne sait pas chanter celui qui n'exécute pas de mélodie")
- "Proi ai del chan essenhadors" ("J'ai assez de maîtres de chant")
- "Quan lo rossinhols el folhos" ("Alors que le rossignol dans le bois feuillu")
S'y ajoute encore un poème apocryphe.
Quan lo rius de la fontana
Per vos totz lo cors mi dol ; E no·n puesc trobar mezina Si non au vostre reclam Ab atraich d’amor doussana Dinz vergier o sotz cortina Ab dezirada companha. |
Quand le ruisseau de la fontaine Amour de terre lointaine, pour vous tout mon cœur est dolent ; je n’y puis trouver de remède si je n’écoute votre appel, par attrait de douce amour, en verger ou sous tenture avec la compagne désirée. |
L'amour de loin
Jaufré Rudel chante non seulement l'amour courtois, mais plus particulièrement ce qu'il appelle l'"amor de lonh" ("amour de loin"), un amour éventuellement non-réciproque qui n'existe qu'à distance, et ne se concrétise jamais par aucune rencontre directe.
Cette situation est source de détresse et de bonheur à la fois pour l'amant, car, comme le remarque le médiéviste Michel Zink, "l'amour tend vers son assouvissement et en même temps le redoute, car il entraînera sa mort en tant que désir<ref>Modèle:Ouvrage</ref>." Il ressent ce qu'on appelle alors le joi, sentiment ambivalent entre la souffrance et le plaisir, comme l'écrit Jaufré Rudel :
D'quest amor suy cossiros Vella e pueys somphnan dormen, Quar lai ay joy meravelhos. |
Cet amour me tourmente quand je veille et quand, endormi, je songe : c'est alors que mon joi est extrême. |
Cet amour de loin peut également être interprété sur le plan spirituel, l'affection portée à une dame inaccessible représentant métaphoriquement l'amour voué à Dieu : "l'un des copistes de la pièce Lanquan li jorn son lonc en mai a osé accomplir ce pas en ajoutant une strophe où l'amor de lonh devient amour de la Terre sainte<ref name=":0" />".
Postérité
Le Romantisme du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle s'est emparé de la légende de Jaufré Rudel : Heinrich Heine, Robert Browning (Rudel to the Lady of Tripoli) et Giosué Carducci (Giaufredo Rudel) lui ont consacré des poèmes, tandis qu'Algernon Swinburne reprend l'histoire pas moins de six fois dans ses œuvres. En France, elle inspire à Edmond Rostand une pièce, La Princesse lointaine, dans laquelle il remplace le personnage de la comtesse de Tripoli par la fille, Melisende, incarnée par Sarah Bernhardt. Au-delà de l'Europe, Sir Nizamat Jung Bahadur écrit Rudel of Blaye en 1929.
Plus récemment, la compositrice finnoise Kaija Saariaho a adapté la légende en montant l'opéra L'Amour de loin, sur un livret d'Amin Maalouf, en 2000<ref>Modèle:Lien web</ref>. La compositrice s'est également inspiré de l'œuvre du troubadour pour ses pièces musicales Lonh (1996) et Oltra Mar (1999).
En 2013, la Principauté d'Hélianthis, une micronation, est créée en hommage à la Principauté seigneuriale de Blaye et Jaufré Rudel<ref>Modèle:Lien web</ref>.
En 2020, il est cité dans la chanson de Francis Cabrel "Rockstars du Moyen-Âge", single de l'album "A l'aube revenant" qui évoque la filiation de l'artiste avec les troubadours occitans<ref>Livret de l'album - Chandelle Productions 2020</ref>
Bibliographie
- Alfred Jeanroy, Les Chansons de Jaufre Rudel, Paris, Honoré Champion, 1965.
- Yves Leclair, Roy Rosenstein, Chansons pour un amour lointain de Jaufre Rudel, édition bilingue occitan-français, présentation de Roy Rosenstein, préface et adaptation d'Yves Leclair, éditions fédérop, 2011 Modèle:ISBN.
- Michel Zink, Bienvenue au Moyen Âge, Éditions des Équateurs/France Inter, 2015, chap. 16 (L'amour lointain) & 17 (Jouissance et souffrance), Modèle:ISBN.
Notes et références
Liens externes
- Modèle:Autorité
- Ses œuvres poétiques (texte occitan et anglais, mélodies)
- Jaufré Rudel/Un amour de loin
- Jaufré Rudel sur Troubadours d'Aquitaine
- Jaufré Rudel