Protectorat français du Cambodge

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Modèle:Infobox Ancienne entité territoriale Le Protectorat français du Cambodge était le régime politique en vigueur au Cambodge à partir de 1863, quand la France (alors le Second Empire) établit sa protection sur le Royaume, jusque-là vassal du Siam (Thaïlande). Le Cambodge est intégré en 1887 à l'Indochine française lors de la création de cette dernière. En novembre 1949, le système de protectorat laisse la place à un statut d'État associé de l'Union française, toujours au sein de la Fédération indochinoise. En 1953, pendant la guerre d'Indochine, le roi Norodom Sihanouk proclame l'indépendance du pays, que les accords de Genève réaffirment l'année suivante.

Contexte

[[Fichier:King Norodom.jpg|thumb|left|Le roi [[Norodom Ier|Norodom {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | Ier{{#if:|  }} }}]].]] Au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, le Royaume du Cambodge vit sous la suzeraineté du Royaume de Rattanakosin, qui l'a amputé de ses provinces occidentales, annexant notamment Angkor : l'influence de l'empire d'Annam est également très prégnante, et menace le pays de dépècement, à la suite de la guerre entre le Viêt Nam et le Cambodge (1813-1845). Le roi du Cambodge [[Norodom Ier|Norodom {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | Ier{{#if:|  }} }}]], monté sur le trône en 1860, cherche un moyen pour sortir de l'étau formé par ses deux voisins<ref name="HEDUY 1998 HdlIlPdlE P178-183">Modèle:Ouvrage</ref>.

Pour les Français, asseoir leur influence sur le Cambodge présentait plusieurs avantages. Si l’on excepte le lobbyisme des missions étrangères de Paris qui sous l’impulsion de Jean-Claude Miche, vicaire apostolique de Phnom-Penh et de Saïgon, voyait dans le protectorat un moyen d’en finir avec l’instabilité politique ambiante entravant leur apostolat, les autres raisons sont liées directement ou indirectement à l’implantation des troupes coloniales françaises en Cochinchine. Les expéditions françaises avaient pour objectif d'accéder au centre de la Chine en empruntant le Mékong. Au début des années 1860, la volonté de contrôler les rives du fleuve pouvait encore se justifier. Mais l’expédition d'Ernest Doudart de Lagrée démontrera en 1868 l’impossibilité d’une telle entreprise. D’autre part, la présence française dans le delta du Mékong avait provoqué quelques réactions de rebelles qui prenaient l’habitude, une fois leurs forfaits accomplis, de se réfugier en territoire cambodgien. Le fait de contrôler les deux côtés de la frontière permettait de faciliter les poursuites. De plus, les plantations qui se développaient dans la nouvelle colonie de Cochinchine gagnaient à pouvoir s’étendre plus facilement dans le royaume khmer et enfin, il convenait d’investir le terrain avant que les Anglais ne s’y installent. Ces derniers étaient alors soupçonnés à Paris et à Saïgon d’avoir déjà mis sous tutelle le Siam voisin par le biais des nombreux conseillers sujets de la reine Victoria que le roi Rama IV avait appelés à ses côtés pour moderniser son pays<ref name="FOREST 1993 lCelCFHduCsH P5-6">Alain Forest, Le Cambodge et la colonisation française : Histoire d'une colonisation sans heurts (1897 - 1920), Modèle:Chap. (Modèle:Citation), Modèle:Pp.</ref>.

Mise en place de la tutelle française

Le vice-amiral Pierre-Paul de La Grandière, gouverneur de la Cochinchine, délègue à Phnom Penh le capitaine Ernest Doudart de Lagrée, qui présente au roi les avantages de passer sous la protection de l'Empire français. Le Modèle:Date, le roi Norodom signe un traité de protectorat que La Grandière est venu personnellement lui apporter. Le 11 août, une convention franco-khmère fixe les conditions du protectorat, le Cambodge s'interdisant toutes relations avec une puissance étrangère sans l'accord de la France, et acceptant l'installation d'un résident général dans la capitale<ref name="CADY 1968 RoFIiEA P87-103">Modèle:Ouvrage</ref>. Les sujets français obtiennent au Cambodge le droit de libre circulation, celui de posséder des terres, et d'être jugés par un tribunal mixte. Le gouvernement de Napoléon III tarde cependant à ratifier le traité, craignant des réactions du Royaume-Uni par le truchement du Siam : inquiet, le roi Norodom envisage de se raviser et de se tourner à nouveau vers le Siam, dont il est toujours censé tenir sa légitimité, ne s'étant pas encore fait couronner. Il se rend à Bangkok pour sa cérémonie de couronnement, entraînant une réaction de Doudart de Lagrée, dont les matelots investissent le palais royal à Oudong pour forcer le roi à revenir. Napoléon III ayant donné son accord, les ratifications interviennent en avril 1864. La France obtient du Siam la restitution des insignes royaux cambodgiens et Norodom peut être couronné le Modèle:Date, dans sa nouvelle capitale de Phnom Penh. Le Siam reconnaît le protectorat français par un traité en 1867, en échange de la confirmation de ses droits sur les provinces de Battambang et d'Angkor, ainsi que la promesse de la France de ne pas annexer le Cambodge<ref>Philippe Franchini, Les guerres d'Indochine : des origines de la présence française à l'engrenage du conflit international, Modèle:P.</ref>,<ref>Pierre Montagnon, La France coloniale : la gloire de l'empire, du temps des croissades à la seconde guerre mondiale, Modèle:Pp.</ref>.

Gestion du protectorat

La révolte de 1885-1886

Fichier:Lettre du Roi Norodom 1884.png
Protestation du roi Norodom au Président de la République

Les premières décennies du protectorat sont l'occasion de frictions entre les autorités françaises de Saïgon et la cour de Phnom Penh. La France, trouvant la monarchie cambodgienne trop dispendieuse, impose une réduction de son train de vie et des réformes structurelles, incluant notamment l'abolition de l'esclavage au Cambodge. Après vingt ans d'administration indirecte, les autorités du Protectorat souhaitent rationaliser le système d'exploitation et l'étendre au pays tout entier. Le Modèle:Date-, le gouverneur de Cochinchine Charles Thomson se rend à Phnom Penh avec des troupes et exige du roi Norodom, alors malade et alité, qu'il signe une convention sur les douanes en vue d'une union douanière de l'Indochine française. À l'aube du Modèle:Date-, le palais du roi est envahi par des troupes françaises et Thomson, alléguant que le roi aurait manqué de respect à la République lors d'une audience antérieure et l'informant qu'il renonce à la convention des douanes déjà signée, ordonne au roi de signer dans la demi-heure un nouveau traité qui renforce le protectorat en donnant la gestion des affaires intérieures aux Français<ref name="Montagnon147" />. Malgré les protestations du roi adressé au Président de la République<ref>Journal des débats du 17 décembre 1884, qui reproduit la lettre du roi.</ref>, le traité, qui transforme le protectorat du Cambodge en colonie de fait, est ratifié par le gouvernement français.

Des troubles se manifestent au Cambodge et, le Modèle:Date, une révolte éclate : des partisans du prince Si Votha, demi-frère du roi et lui-même prétendant à la couronne, attaquent les Français dans le district de Sambor. La rébellion s'étend bientôt à tout le pays, tenant les forêts et les rizières. Le port de Kampot est tenu par les rebelles, qui y pillent le télégraphe et l'entrepôt d'opium. La révolte est animée aussi bien par les opposants au roi que par les lettrés partisans de l'ordre traditionnel et par Duong Chac, troisième fils du roi. Les Français, qui doivent dans le même temps gérer en Annam la dissidence de l'empereur Hàm Nghi, mènent une politique de répression implacable<ref name="FOREST 1993 lCelCFHduCsH P11-13">Alain Forest, Le Cambodge et la colonisation française : Histoire d'une colonisation sans heurts (1897 - 1920), Modèle:Chap. (Modèle:Citation), Modèle:Pp.</ref>. Devant les difficultés, les Français négocient en 1886 un nouvel accord avec le roi, qui récupère une partie de ses pouvoirs et appelle les insurgés à déposer les armes, puis s'emploie à pacifier le pays. Les Français ne renoncent cependant pas à réformer le Cambodge et, en 1888, le résident général spécifie que la convention de 1884 demeure valide, mais sera appliquée de manière progressive<ref name="Gilles97-98" />.

Réorganisation administrative

Fichier:Prince Sisawat.jpg
Le roi Sisowath.

En octobre 1887, la France proclame l'Union indochinoise, fédération comprenant le Cambodge et les trois régions constitutives du Viêt Nam actuel, les protectorats du Tonkin et de l'Annam, et la colonie de Cochinchine. Le Protectorat du Laos est ajouté à l’union après avoir été libéré de la suzeraineté du Siam en 1893. Le responsable de l'administration coloniale au Cambodge, subordonné au Gouverneur général de l'Union et appointé par le ministère de la marine et des colonies à Paris, est le Résident supérieur. Les résidents ou gouverneurs locaux sont postés dans tous les centres principaux des provinces. En 1896, un accord entre la France et le Royaume-Uni sur les sphères d'influence au Siam permet au Cambodge de récupérer la province d'Angkor. En 1897, le roi octroie une constitution en vertu de laquelle le Résident supérieur préside le conseil des ministres et contresigne les décisions royales, les nominations et les révocations de fonctionnaires<ref>Philippe Franchini, Les guerres d'Indochine : des origines de la présence française à l'engrenage du conflit international, Modèle:P.</ref>. La France entame une politique de grands travaux au Cambodge, creusant des canaux et construisant des quais pour la navigation. Malgré ces efforts et ce contrôle politique renforcé, les Français doivent gérer un protectorat à l'économie stagnante, qui ne connaît qu'un développement médiocre<ref name="Montagnon147"/>. Le Cambodge ne devient pas une terre de colonisation, au contraire du territoire vietnamien : les missionnaires demeurent peu nombreux et seuls 825 Européens, dont 80 % de fonctionnaires ou de militaires, vivent au Cambodge en 1904<ref name="Gilles97-98"/>. Le recensement de 1937 relève 2 534 Modèle:Citation vivant au Cambodge<ref>Charles Robequain, L'Évolution économique de l'Indochine française, Hartmann, 1939, page 28</ref>.

À la mort de Norodom {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | Ier{{#if:|  }} }} en 1904, la couronne revient à son frère Sisowath plutôt qu'à ses fils. La branche de Sisowath est en effet estimée plus coopérative que les descendants directs de Norodom, dont certains ont pris part à la révolte des années 1880. Le fils favori du roi, le Prince Yukanthor, avait en outre émis des critiques du système colonial. Plusieurs traités, passés par la France avec le Siam, permettent au Cambodge de récupérer les provinces annexées par son ancien suzerain : les traités de 1902 et 1904 lui rétrocèdent les provinces de Melouprey et du Bassac ; celui de 1907 lui permettent de récupérer celles de Battambang, Siem Reap et Banteay Mean Chey<ref>Maurice Zimmerman, Traité du 23 mars 1907 avec le Siam, Annales de géographie, Année 1907, Volume 16, n°87, pp. 277-278, sur Persée.fr</ref>.

Les Français améliorent la collecte des taxes, mais font peu de choses pour changer les structures sociales, demeurées centrées sur le village. Malgré les nombreuses insuffisances structurelles de l'administration et de l'économie du pays, qui demeure déficitaire et en partie soutenue par celle de la Cochinchine voisine, la France parvient à apporter une relative richesse au protectorat, par les importations des cultures de l'hévéa, et du coton<ref>Claude Gilles, Le Cambodge : témoignages d'hier à aujourd'hui , Modèle:P.</ref>. Les taxes par tête sont, au Cambodge, les plus élevées d'Indochine, entraînant des protestations en 1916, une pétition étant apportée au roi pour protester contre cet état de fait. Pour les paysans pauvres le service de la corvée peut se substituer au paiement de l'impôt, les obligeant à participer jusqu’à trois mois par an à des travaux publics. L’industrie demeure rudimentaire et centrée sur le traitement des matières premières comme le caoutchouc<ref name="FOREST 1993 lCelCFHduCsH P412-431">Alain Forest, Le Cambodge et la colonisation française : Histoire d'une colonisation sans heurts (1897 - 1920), Modèle:Chap. (Modèle:Citation), Modèle:Pp.</ref>.

Au Cambodge comme au Laos, les Français délèguent une partie des tâches à des fonctionnaires Viêt, dont la présence entraîne parfois le ressentiment des autochtones, qui se voient privés d'une possibilité d'ascension sociale<ref>Laurent Cesari, L'Indochine en guerres, 1945-1993, Modèle:P.</ref>. Le Cambodge est essentiellement conçu comme un arrière-pays de l'Indochine française : un document de la Résidence supérieure estime en 1942 que « Le rôle économique du Cambodge consiste en partie à ravitailler le marché de Saïgon-Cholon et secondairement de l'Indochine entière, en produits agricoles ainsi qu'en matières premières qui sont exportées, ou lui sont parfois retournées sous forme de produits finis ou demi-finis »<ref>Rémy Prud'homme, L'Économie du Cambodge, Presses universitaires de France, 1969</ref>. Pour développer l’infrastructure économique, l’administration coloniale construit un certain nombre de routes et de lignes de chemin de fer, notamment celle reliant Phnom Penh à la frontière thaïlandaise. Les plantations d’hévéa et de maïs se développent et les provinces fertiles de Battambang et Siem Reap deviennent des greniers à riz de l’Indochine. Les années 1920 sont prospères grâce à la demande extérieure, mais la Grande Dépression vient freiner l’expansion économique du Cambodge. À la mort du roi, en 1927, la couronne revient à son fils Sisowath Monivong.

Naissance du nationalisme khmer

Bien que la vie politique au Cambodge français demeure tranquille, les années 1930 voient se développer l'activité d'intellectuels formés à l'occidentale qui, souvent issus de l'ethnie Khmer Krom, minorité Khmère de Cochinchine, avaient pu subir l'influence des mouvements indépendantistes vietnamiens. L'un des plus actifs, Son Ngoc Thanh, Khmer Krom né dans la province de Trà Vinh, vient s'installer à Phnom Penh pour y travailler à l'Institut bouddhique, nouvellement créé : en 1936, avec ses deux associés Sim Var et Pach Chhoeun, il lance un journal, Nagaravatta ("Notre cité"), dont le succès préoccupe les autorités françaises et qui adopte à partir de 1940 une ligne éditoriale nettement anti-coloniale, mais également anti-vietnamienne<ref name="ReferenceA" />. Le nationalisme khmer, si ses militants multiplient les interventions publiques et les débats sur le colonialisme, reste cependant d'une audience relativement faible, limitée en tout cas aux cercles intellectuels et aux milieux religieux. La mouvance khmère Issarak, plus virulente et envisageant une action violente pour obtenir l'indépendance, apparaît en 1940 à Bangkok.

Le Cambodge durant la Seconde Guerre mondiale

Modèle:Voir aussi En 1940, l'empire du Japon, visant à couper le ravitaillement de la République de Chine dans la guerre sino-japonaise, exige la libre circulation de ses troupes au Tonkin. Les atermoiements de l'administration coloniale mise en place par le gouvernement de Vichy amènent les Japonais, en septembre, à réaliser une invasion de l'Indochine. Le bref conflit aboutit à l'installation des troupes japonaises au Tonkin, puis dans le reste de l'Indochine. Le Modèle:Date, les accords signés par l'amiral Darlan et l'ambassadeur Kato permettent aux troupes japonaises de s'installer en Cochinchine et au Cambodge, dont elles utilisent les pistes d'aviation pour l'invasion de la Malaisie britannique à la fin de l'année<ref>Philippe Franchini, Les guerres d'Indochine : des origines de la présence française à l'engrenage du conflit international, Modèle:P.</ref>.

Entretemps, le Cambodge doit également faire face aux ambitions territoriales de la Thaïlande (ex-Siam), où le régime nationaliste du maréchal Plaek Pibulsonggram souhaite récupérer les territoires naguère abandonnés au Cambodge et au Laos lors des traités avec la France. En octobre 1940, un mois après l'invasion japonaise, la Thaïlande attaque l'Indochine française. Plusieurs mois d'affrontements sporadiques aboutissent à une médiation du Japon qui, désireux de s'allier avec la Thaïlande, donne raison aux exigences de cette dernière. Le Cambodge doit rétrocéder à son ancien suzerain les provinces de Battambang et Siem Reap. Poc Khunn, chef du mouvement khmer Issarak, apporte une caution nationaliste à ces annexions en devenant le représentant de Battambang au parlement thaï. En avril 1941, le roi Sisowath Monivong, miné par les préoccupations face aux impérialismes japonais et thaïlandais, meurt à l'âge de soixante-cinq ans. L'un de ses fils, le prince Sisowath Monireth, apparaît comme le successeur le plus probable au sein de la très nombreuse famille royale. Mais le gouverneur général Jean Decoux, chargé de superviser la succession au trône, préfère faire accéder au trône un petit-fils de Monivong et neveu de Monireth, le prince Norodom Sihanouk, alors âgé de dix-huit ans et jugé plus facilement malléable<ref>Philip Short, Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar, Modèle:Pp.</ref>.

Durant la Seconde Guerre mondiale, l'Indochine française est largement coupée de sa métropole. L'amiral Decoux, tout en faisant de réels efforts pour développer l'éducation et l'économie de l'Union, mène avec zèle une politique fidèle aux mots d'ordre de la Révolution nationale : le portrait de Philippe Pétain et la propagande vichyste sont très présents au Cambodge comme dans le reste de l'Indochine<ref>Jacques Dalloz, La guerre d'Indochine, 1945-1954, Modèle:Pp.</ref>,<ref>Philip Short, Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar, Modèle:Pp.</ref>.

La révolte des ombrelles

Au Cambodge, désireux de se concilier les populations locales face aux colonisateurs européens, les Japonais jouent la carte de l'alliance avec le clergé bouddhiste, s'attirant la sympathie d'une partie des bonzes, et notamment celle du dignitaire Hem Chieu, professeur de l'Institut bouddhique. Le Modèle:Date, Hem Chieu et un autre bonze sont soupçonnés d'activités subversives et arrêtés par les Français, qui ne prennent pas la peine d'avertir la hiérarchie bouddhiste comme le voudrait la coutume. Deux jours plus tard, Pach Chhoeun, rédacteur en chef de Nagaravatta, prend la tête dans les rues de Phnom Penh de deux mille manifestants, dont de nombreux moines, pour protester auprès du résident général. L'évènement est désigné sous le nom de Modèle:Citation, en référence aux ombrelles brandies par une partie des moines : la manifestation s'achève en émeute, et la répression policière entraîne de nombreuses arrestations, dont celle de Pach Chhoeun. Hem Chieu est déporté au bagne. Son Ngoc Thanh, lui, s'enfuit en Thaïlande puis au Japon, où il reçoit le soutien des autorités impériales<ref name="ReferenceA"/>. La Modèle:Citation est considérée comme la première manifestation publique du jeune nationalisme khmer<ref>Jacques Dalloz, La guerre d'Indochine, 1945-1954, Modèle:P.</ref>.

L'indépendance de 1945

Fichier:Flag of Cambodia under Japanese occupation.svg
Drapeau utilisé par le gouvernement indépendantiste en 1945.

En 1945, l'empire du Japon, dont la situation est critique dans la guerre du Pacifique, souhaite éviter une incursion alliée sur le territoire de l'Indochine française. Le Modèle:Date, l'Armée impériale japonaise réalise un coup de force contre les Français et prend le contrôle de la totalité du territoire. Les civils, fonctionnaires et militaires français survivants sont internés. Les Japonais poussent à l'indépendance des composantes de l'Indochine française, en vue de susciter de nouveaux États souverains membres de la Sphère de coprospérité de la grande Asie orientale<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Le 14 mars, Norodom Sihanouk en profite pour faire abroger deux lois émises par les Français en 1943 et 1944 et qui concernaient la romanisation obligatoire de l'alphabet dans les documents officiels et la suppression du Calendrier luni-solaire basé sur les fêtes du bouddhisme theravāda au profit du calendrier grégorien. Si les deux réformes avaient été initiées dans un but de moderniser les institutions du pays, elles avaient provoqué l'ire des responsables bouddhistes qui estimaient qu'elles allaient à l'encontre des traditions séculaires qu'ils étaient chargés de maintenir<ref name="CHANDLER 1993 tToCHPWaRST P15">Modèle:The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945</ref>. Quelques jours plus tard, le 18 mars, pressé par les Japonais, Norodom Sihanouk proclame l'indépendance du Cambodge<ref>Hans Köchler, The use of force in international relations: challenges to collective security, International Progress Organization, 2005, page 68</ref> et crée un poste de premier ministre, prenant lui-même la tête du gouvernement : il s'abstient néanmoins de trop s'engager dans la collaboration avec les Japonais<ref name="MONTAGNON 1997 lFCRalH P243">Pierre Montagnon, La France coloniale : retour à l'Hexagone , Modèle:P.</ref>. Son Ngoc Thanh, ramené au Cambodge par les Japonais qui misent sur son envergure de dirigeant indépendantiste, prend en mai le ministère des affaires étrangères et joue bientôt les premiers rôles au sein du gouvernement. Dans la nuit du 8 au 9 août, quelques heures avant le bombardement atomique de Nagasaki, Son Ngoc Thanh s'auto-proclame premier ministre avec le soutien des militaires japonais<ref name="MONTAGNON 1997 lFCRalH P127">Pierre Montagnon, La France coloniale : retour à l'Hexagone , Modèle:P.</ref>. Son gouvernement prend ses fonctions le 14 août, la veille de l'annonce officielle de la capitulation du Japon<ref>Jacques Dalloz, La guerre d'Indochine, 1945-1954, Modèle:P.</ref>.

Après la défaite japonaise, Son Ngoc Thanh tente de maintenir son pouvoir en s'appuyant sur les différents groupes khmers issarak, mais son gouvernement est éphémère : alors que les Français commencent difficilement à reprendre pied en Indochine, le Cambodge se tourne vers eux par le biais de Norodom Sihanouk. Le roi dépêche Monireth auprès des Français pour leur faire savoir que son royaume désirerait mettre un terme à l'indépendance de facto et demeurer auprès de la France. Le général Leclerc, chef du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient, se rend lui-même à Phnom Penh pour neutraliser Son Ngoc Thanh, qu'il arrête sans coup férir le 15 octobre. Le protectorat est rétabli, en attendant la définition d'un nouveau statut pour le Cambodge<ref>Jean-Christophe Fromentin, Leclerc, Perrin, 2005, page 372</ref>. Le prince Sisowath Monireth devient premier ministre et le général Marcel Alessandri, revenu de Chine après avoir réchappé du coup de force japonais, commissaire de France à Phnom Penh.

L'après-guerre et la marche vers l'indépendance

Les nouvelles institutions du pays

Si la situation du Cambodge à la fin de la Seconde Guerre mondiale est loin d'être aussi tendue que celle du Viêt Nam, la France a pris en compte la nécessité de faire évoluer le statut du pays. La France autorise la création de partis politiques, et d'une assemblée consultative<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Le Modèle:Date rapide, un modus vivendi est signé avec Sihanouk, définissant un nouveau statut du royaume, selon le principe de l'autonomie interne. Le pays devient un état associé au sein d’un groupement qui devient en octobre l’union française; le modus vivendi rompt aussi avec certaines pratiques du passé, en remplaçant les résidents français par des fonctionnaires khmers, eux-mêmes doublés de conseillers français. Sihanouk et les Français s'accordent pour mettre en place un régime représentatif, et faire du Cambodge une monarchie constitutionnelle<ref>Jacques Dalloz, La guerre d'Indochine, 1945-1954, Modèle:Pp.</ref>.

Un projet de constitution est rédigé par une commission franco-khmère. Elle prétexte l’immaturité politique de la majeure partie de la population pour préconiser une élection de l’assemblée au scrutin censitaire. Les responsabilités de ce parlement sont d’autre part limitées au profit du gouvernement et du roi. Mais Norodom Sihanouk insiste pour que les futurs députés soient néanmoins choisis au suffrage universel direct et pour que ce soit l’assemblée élue qui adopte la constitution<ref name="SIHANOUK 1984 SDeA P135">Modèle:Ouvrage</ref>.

Les élections de septembre 1946 voient la nette victoire (50 des 67 sièges) du parti démocrate dirigé par le prince Sisowath Youtevong. Il choisit de purement et simplement ignorer les travaux de la commission et de rédiger une constitution plus proche de celle de la quatrième République française dont son programme s’inspire<ref name="CROUZATIER 2014 TPeAdSElIPeJdC P39">Modèle:Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge</ref>.

À la fin 1947, la Thaïlande opère la rétrocession des provinces annexées en 1941<ref name="CROCHET 1997 lC P79">Modèle:Ouvrage</ref>. La question du statut de la Cochinchine, où vit une importante minorité Khmer Krom, est par ailleurs le sujet de débats<ref name="CAMBACERES 2013 SlRI P78">Modèle:Sihanouk : le roi insubmersible</ref>.

Le Cambodge dans la guerre d'Indochine

Sur le territoire vietnamien, l'indépendantisme Việt Minh aboutit fin 1946 au déclenchement de la guerre d'Indochine. Bien qu'étant nettement moins menacé par le conflit que les autres composantes de l'Indochine, le Cambodge doit compter avec l'activisme des différentes bandes khmères Issarak, mouvement indépendantiste disparate comportant aussi bien des nationalistes de droite que des sympathisants de gauche ou communistes. Les Khmers Issarak opérant à la frontière thaïe sont, jusqu'en 1947, soutenus par le gouvernement de la Thaïlande, qui apporte également son aide au mouvement indépendantiste laotien Lao Issara. Abandonné par la Thaïlande à la fin 1947 lors du retour au pouvoir du maréchal Plaek Pibulsonggram, le mouvement khmer issarak se tourne vers le Việt Minh<ref name="Cesari86" />. Avec l'aide du mouvement de Hô Chi Minh, les groupes khmers issarak sont fédérés au début 1948 sous l'égide du Comité de libération du peuple khmer, dont la présidence est confiée à Son Ngoc Minh, militant indépendantiste de gauche issu d'une famille mixte khméro-vietnamienne. Plusieurs zones du Cambodge, au sud-ouest, au sud-est et au nord-ouest, font l'objet d'activités des Khmers Issarak. Les indépendantistes établissent, dans les localités sous leur contrôle, un embryon de gouvernement révolutionnaire, mais leur mouvement demeure assez faible malgré le soutien du Việt Minh et les incursions sur le territoire cambodgien de l'Armée populaire vietnamienne. À la fin des années 1940, le mouvement de guérilla cambodgien ne compte que quelques milliers de combattants, pour la plupart Viêts : seuls une minorité d'entre eux sont Khmers, la plupart de ces derniers étant des Khmers Krom venus du territoire vietnamien<ref>Philip Short, Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar, Modèle:Pp.</ref>.

Le rôle politique accru de Sihanouk

Sur le plan politique, le Cambodge souffre d’une instabilité gouvernementale comparable à celle de la quatrième République française dont les institutions s’inspirent. En outre, l’omission de certaines réalités du royaume khmer par le législateur va aggraver la situation, notamment l’assise populaire quasi inexistante de partis auxquels la constitution accorde des pouvoirs considérables. La politique cambodgienne se limite de fait à des luttes de pouvoir au sein de l’Assemblée nationale, bien loin des préoccupations des campagnes où vivent la majeure partie de la population. Le parti démocrate, pour sa part, malgré sa situation de mouvement majoritaire, a rapidement perdu de la cohérence dans son action. Les rivalités entre les branches de la famille royale cambodgienne, qui se transposent à l'intérieur du parti, s'ajoutent aux querelles de clans et de clientèles. Si la formation bénéficie toujours du soutien d’une classe moyenne embryonnaire, elle s’est aliéné les principaux acteurs économiques du pays. Le palais royal lui reproche le rôle limité qu’elle entend faire jouer au monarque ; les autorités coloniales sont agacées par le volet indépendantiste de son programme ; enfin, la communauté chinoise s’inquiète des troubles que l’instabilité fait peser sur ses commerces<ref name="CROUZATIER 2014 TPeAdSElIPeJdC P40-41">Modèle:Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge</ref>. La mort de Sisowath Youtevong en Modèle:Date rapide contrarie un peu plus l’unité de la formation et même la nouvelle victoire aux élections de novembre ne pourra pas ramener la sérénité au sein du parti<ref name="CHANDLER 1993 tToCHPWaRST P36">Modèle:The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945</ref>.

Le roi Norodom Sihanouk, profitant des dissensions au sein du parti majoritaire, décide finalement de dissoudre l'assemblée le Modèle:Date. Prétextant de l'insécurité régnant dans certaines régions, il s'abstient d'organiser de nouvelles élections, ce qui lui laisse les mains libres pour négocier directement avec les Français le statut du pays, souhaitant évoluer à sa manière vers l'indépendance<ref>Jacques Dalloz, La guerre d'Indochine, 1945-1954, Modèle:P.</ref>.

La position de Sihanouk est encore renforcée par la défection de Dap Chhuon, l'un des chefs Khmers Issarak, qui annonce son ralliement au gouvernement royal le 1er octobre. Chhuon devient le commandant du Corps franc khmer et contrôle la zone nord de la province de Siem Reap. Il y fait cependant preuve d'une indépendance et d'une indiscipline totales, faisant à l'occasion double jeu avec les Issarak qu'il ravitaille de temps à autre et menace de rallier en cas d'atteinte à sa liberté d'action<ref>Guerres mondiales et conflits contemporains, Numéros 145 à 148, Institut d'histoire des conflits contemporains, Presses universitaires de France, 1987</ref>. Le Modèle:Date, Sihanouk signe avec la France le traité franco-khmer, qui abolit formellement le protectorat et reconnaît l'indépendance du Cambodge dans le cadre de l'Union française. Le texte stipule également que le Cambodge ne renonce pas à ses droits sur la Cochinchine<ref>Jacques Dalloz, La guerre d'Indochine, 1945-1954, Modèle:Pp.</ref>,<ref>Repères chronologiques de la civilisation angkorienne</ref>. Dans le courant du mois de mai 1950, Sihanouk est à nouveau lui-même brièvement premier ministre, cédant ensuite le poste à son oncle le prince Sisowath Monipong, puis à un technocrate, Oum Cheang Sun<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

L'indépendance définitive

Malgré leur faiblesse et leurs grandes divisions, les rebelles indépendantistes ne désarment pas : en 1950, les Khmers issarak de gauche, désormais séparés du Comité de libération du peuple khmer, créent le Front uni Issarak, dirigé par Tou Samouth, et un gouvernement révolutionnaire provisoire présidé par Son Ngoc Minh. Le mouvement indépendantiste khmer demeure cependant sous l'influence à peu près totale du mouvement de Hô Chi Minh. En Modèle:Date-, le Parti communiste indochinois renaît officiellement sous forme du Parti des travailleurs du Viêt Nam : au cours du même congrès, il est décidé de réorganiser les mouvements indépendantistes laotiens (Pathet Lao) et cambodgiens selon la même formule. À l'été 1951 est formé le Parti révolutionnaire du peuple khmer, dont Son Ngoc Minh devient le secrétaire général<ref>Philip Short, Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar, Modèle:Pp.</ref>.

Irrité que le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient ne consacre pas plus d'efforts à l'éradication du maquis khmer issarak<ref name="Cesari86"/>, le roi Norodom Sihanouk doit en outre gérer une situation politique agitée : le retour à l'ordre constitutionnel amène à de nouvelles élections, remportées à nouveau par le Parti démocrate. En octobre 1951, Huy Kanthoul, le chef du parti démocrate, forme un nouveau gouvernement, qui s'oppose à la fois au roi et aux Français. Le même mois, le commissaire de la République Raymond est assassiné par un domestique agent du Việt Minh. Son Ngoc Thanh, autorisé à revenir au Cambodge après plusieurs années d'exil en France, se lance lui aussi dans une surenchère nationaliste puis, six mois après, prend le maquis en appelant au soulèvement, prenant la tête de ses propres troupes, les Khmers Serei. Norodom Sihanouk décide de reprendre la situation en main et, le Modèle:Date, avec l'appui d'unités françaises, il congédie le gouvernement et se proclame lui-même premier ministre, assumant le poste pour la troisième fois en sept ans. Le Modèle:Date, il dissout l'assemblée nationale jusqu'à nouvel ordre. Il annonce en outre une série de réformes, et l'évolution vers une indépendance Modèle:Citation<ref name="Cesari86"/>,<ref>Jacques Dalloz, La guerre d'Indochine, 1945-1954, Modèle:Pp.</ref>.

En Modèle:Date-, Sihanouk part pour la France et rencontre les responsables de la politique indochinoise, plaidant la cause d'un Cambodge totalement indépendant pour éviter de faire le jeu du Việt Minh. N'ayant obtenu aucune concession, il part pour les États-Unis, où il n'obtient pas davantage de soutien, le chef de la diplomatie américaine John Foster Dulles ne souhaitant pas occasionner un différend avec la France, qui ferait le jeu des communistes dans le cadre de la guerre froide. Le roi joue alors la carte de l'agitation médiatique, et accorde au New York Times une interview retentissante, dans laquelle il dénonce l'attitude des Français et menace de s'entendre avec le Việt Minh. De retour au Cambodge, il s'exile brièvement en Thaïlande, puis revient dans son pays et s'installe dans la Province de Battambang : entouré de troupes khmères, il appelle à la Modèle:Citation et refuse tout contact avec les officiels français<ref>Jacques Dalloz, La guerre d'Indochine, 1945-1954, Modèle:P.</ref>. L'attitude résolue de Sihanouk lui vaut le ralliement de divers opposants, dont Son Ngoc Thanh<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Le contexte en Indochine, dont la situation économique est aggravée par l'affaire des piastres, amène le gouvernement français à négocier avec les différents États au sujet de leur statut. Si le passage du Laos à un traité d'amitié et d'association se passe sans difficulté, les choses sont plus délicates au Cambodge, où Penn Nouth, représentant de Sihanouk, réclame pour le pays Modèle:Citation, demandant concrètement la dévolution de toutes les compétences exercées encore par la France. En août, un accord est trouvé sur le transfert des derniers pouvoirs en matière de police et de justice. Le 17 octobre, après des difficultés sur la question des forces armées et une médiation des États-Unis, une convention est signée. Le 8 novembre, Norodom Sihanouk fait une rentrée triomphale dans Phnom Penh et, le 9 novembre, l'indépendance du Cambodge est proclamée. Au début de 1954, de nouveaux transferts en matière diplomatique et économique viennent consacrer la pleine indépendance du royaume, que les accords de Genève, en juillet, réaffirment et font reconnaître sur le plan international<ref>Jacques Dalloz, La guerre d'Indochine, 1945-1954, Modèle:Pp.</ref>,<ref>9 novembre 1953 Proclamation de l'indépendance du Cambodge, site de l'Université de Sherbrooke</ref>.

Administration coloniale du Cambodge

Institutions

L’ordonnance du Modèle:Date rapide maintient la monarchie élective et définit les modalités du vote d’un nouveau souverain. Il sera choisi par un organe qui ne s’appelle pas encore le conseil du trône et qui comprend le premier ministre, les responsables des deux ordres religieux, Dhammayuttika Nikaya et Maha Nikaya et du chef des bakous, les brahmanes du palais. Si aucun ressortissant français ne fait partie de ce collège, la puissance protectrice garde une influence sur la nomination de ces électeurs et indirectement sur le choix du monarque. D’autre part, l’ordonnance confirme également que la présence du roi n’est pas requise lors des conseils des ministres présidés par le résident supérieur<ref name="CAMBACERES 2013 SlRI P27">Modèle:Sihanouk : le roi insubmersible</ref>,<ref name="FOREST AARSSE BROCHEUX 2000 HdlAdSE RRR P63-67">Modèle:Ouvrage</ref>.

Les attributions des différents ministres sont pour leur part formellement définies en 1905, date à laquelle il est de surcroit mis fin à leur administration directe de certaines provinces<ref name="CROUZATIER 2014 TPeAdSElIPeJdC P35">Modèle:Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge</ref>.

En 1920, les autorités imposent une séparation des fonctions juridictionnelles et administratives en deux corps distincts. En 1924, le code pénal reprend ce principe et Modèle:Citation. Un Modèle:Traduction est créé, chargé Modèle:Citation. Mais la distinction n’est pas totale, vu que l’appel des décisions se fait devant le conseil des ministres (qui n’a plus de fonction politique), tout comme celui des autres institutions judiciaires<ref name="GOUR 1962 HdTeRdlLeDPC P7">Modèle:Ouvrage</ref>. De fait, le Krom Viveat aura une activité réduite, les Cambodgiens préférant continuer à trouver des arrangements à l’amiable avec la hiérarchie du fonctionnaire ou de l’organisme en cause. Il sera réformé le Modèle:Date rapide ; son champ de compétence est alors étendu aux fautes personnelles de l’agent ; à la possibilité du recours en annulation est ajouté celui du plein contentieux ; enfin, les appels des décisions sont transférés à une section du conseil du trône. Mais ces changements n’apporteront pas de progrès notables. Tout d’abord, les juges administratifs ne peuvent intervenir que dans la zone et l’organisme qui leur a été alloués. De surcroit, leur nomination doit plus à leur accointance avec le pouvoir qu’à leur compétence. Les démissions sont fréquentes et la désignation de nouveaux titulaires prend du temps, allongeant d’autant le règlement des litiges<ref name="CROUZATIER 2014 TPeAdSElIPeJdC P149-151">Modèle:Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge</ref>. Déjà en temps normal, le plaignant doit d’abord faire une demande auprès de l’administration concernée et ce n’est que s’il n’a pas obtenu de réponse satisfaisante dans les deux mois qu’il peut saisir le Krom Viveat. Débute alors une tentative de conciliation entre les deux parties qui se traduit par un échange de missives qui durent plusieurs mois, jusqu’à ce que la requête soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine session de la chambre. Si la plainte est jugée recevable, la décision à l’origine du litige peut être annulée voire l’administration fautive condamnée à payer un dédommagement, mais les mesures de recouvrement restent limitées<ref name="WashingtonForeignLawSociety 1956 SitLotFEaSA">Modèle:Ouvrage</ref>.

Entre 1921 et 1925, un ensemble de textes officialise la gestion des provinces et des districts telle qu’elle est pratiquée de facto depuis 1897. Le résident français de chaque province doit avant tout assurer la présence de l’autorité coloniale, mais il est également chargé de collecter les impôts et contrôler que les actions de tous les fonctionnaires locaux, du gouverneur au simple agent territorial, sont en phase avec la politique définie à Phnom Penh par le résident supérieur. Il a également une fonction judiciaire et doit contresigner tous les jugements émis par les tribunaux locaux. Dans le même temps, l’ordonnance royale du Modèle:Date rapide avait fixé le statut des communes. Il délègue à son chef (Mekhum) le maintien de l’ordre, la perception au niveau local de l’impôt et le règlement des litiges à l’amiable<ref name="CROUZATIER 2014 TPeAdSElIPeJdC P35-36">Modèle:Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge</ref>.

Les avis, arrêtés et autres décrets émis par les différents corps législatif sont rationalisés le Modèle:Date rapide par la création d’une hiérarchie entre eux. Au plus haut niveau se trouve dorénavant le Kram qui découle du seul monarque, mais ne peut être proclamé qu’après accord du résident ; le Kret est également l’œuvre du roi, mais après consultation du conseil des ministres et nécessite lui aussi l’approbation du résident avant sa promulgation. Le Samrach concerne une décision prise en conseil des ministres. Les Prakas viennent pour leur part d’un ministre et concerne son domaine d'activité alors que le Deka n’a qu’une valeur locale (province, district, commune…)<ref name="GOUR 1962 HdTeRdlLeDPC P6">Modèle:Ouvrage</ref>. Un train de réformes est aussi engagé pour codifier les différents droits coutumiers. Ainsi sont créés des Modèle:Page h', foncier, Modèle:Page h' et des affaires, mais ils seront en contradiction avec les lois édictées en métropole ou celles qui s’appliquent à l’ensemble de l’Indochine française<ref name="PINTO 1977 AdlEGdlIF">Modèle:Ouvrage</ref>.

D’autre part, l’influence que le bouddhisme peut avoir dans la vie quotidienne des Cambodgiens ne laisse pas indifférente l’administration coloniale, qui y voit une institution à même de contester son autorité. En 1916, alors que des moines avaient été impliqués dans la plupart des troubles ayant eu lieu jusque-là, une nouvelle loi oblige toute personne désireuse de rejoindre une pagode à produire une attestation Modèle:Citation visé par le chef de son village. Il recevra alors un certificat d’ordination pour la durée de son séjour et devra signaler tous ses déplacements au responsable de sa localité de résidence. Ce dispositif sera complété en 1919 par la création de structures hiérarchiques au sein d’un clergé qui n’était jusqu’alors organisé que sur un plan horizontal. Les chefs de pagodes restent nommés par les villageois, mais une fois désignés, doivent rendre des comptes à un responsable de diocèse lui-même choisi par le vénérable de l’ordre (Maha Nikaya ou Dhammayuttika Nikaya) après accord du ministère de l’intérieur et des cultes<ref name="CROUZATIER 2014 TPeAdSElIPeJdC P36">Modèle:Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge</ref>. En 1930, pour contrer l’influence francophobe que le Siam exerce sur les hauts dignitaires du bouddhisme cambodgien au travers des formations qu’ils vont fréquemment suivre à Bangkok, un Modèle:Citation qui deviendra rapidement l’institut bouddhique est inauguré à Phnom Penh<ref name="JEZEQUEL BARJOT FREMEAUX 2012 lSCalAdE P270">Modèle:Ouvrage</ref>.

Les tentatives de scolarisation sont pour leurs parts trop timides pour pouvoir être couronnées de succès. Au début des années 1930, il est finalement décidé de confier l’enseignement primaire aux écoles de pagodes, officiellement au nom du respect des traditions, mais le faible coût de la mise en place a également dû entrer en ligne de compte. Des Modèle:Citation sont ainsi créées afin de Modèle:Citation. Pour les niveaux supérieurs, le Lycée Sisowath ouvre à Phnom Penh en 1933, mais les élites préfèrent envoyer leurs enfants aux lycées Chasseloup-Laubat à Saïgon ou Albert Sarraut à Hanoï, puis, à partir de 1946, à Đà Lạt. Concernant l’université, pour ceux qui ne sont pas assez fortunés ou qui n’ont pas la chance d’avoir obtenu une bourse pour aller étudier en France, la seule alternative est d’aller à Hanoï<ref name="BILODEAU SOMLITH LE-QUANG 1955 EslSO lOSaCaLeaV P20-25">Modèle:Ouvrage</ref>,<ref name="BEZANCON 2002 uCE lEIMM P356-369">Modèle:Ouvrage</ref>.

Représentants du Protectorat au Cambodge (1863-1885)

Liste des Représentants du Protectorat au Cambodge
Nom Durée du mandat
Ernest Doudart de Lagrée Modèle:Date - Modèle:Date
Armand Pottier Modèle:Date - Modèle:Date
Jean Moura Modèle:Date - Modèle:Date
Armand Pottier (par intérim) Modèle:Date - Modèle:Date
Jules Marcel Brossard de Corbigny (par intérim) Modèle:Date - Modèle:Date
Jean Moura Modèle:Date - Modèle:Date
Étienne François Aymonier (par intérim) Modèle:Date - Modèle:Date
Augustin Julien Fourès (par intérim) Modèle:Date - Modèle:Date

Résidents généraux (1885-1889)

Liste des Résidents généraux
Nom Durée du mandat
Jules Victor Renaud (intérim) Modèle:Date - Modèle:Date
Pierre de Badens (provisoire) Modèle:Date - Modèle:Date
Jules Georges Piquet Modèle:Date - Modèle:Date
Louis Eugène Palasne de Champeaux Modèle:Date - Modèle:Date

Résidents supérieurs (1889-1945)

Liste des Résidents supérieurs (subordonnés aux Gouverneurs-généraux de l'Indochine française)
Nom Durée du mandat
Louis Albert Huÿn de Vernéville Modèle:Date - Modèle:Date
Félix Léonce Marquant Modèle:Date - Modèle:Date
Louis Albert Huyn de Vernéville Modèle:Date - Modèle:Date
Alexandre Antoine Étienne Gustave Ducos Modèle:Date - Modèle:Date
Louis Paul Luce Modèle:Date - Modèle:Date
Léon Jules Pol Boulloche Modèle:Date - Modèle:Date
Charles Pallier Modèle:Date - Modèle:Date
Henri Félix de Lamothe Modèle:Date - Modèle:Date
Jules Louis Morel Modèle:Date - Modèle:Date
Olivier Charles Arthur de Lalande de Calan Modèle:Date - Modèle:Date
Louis Paul Luce Modèle:Date - Modèle:Date
Ernest Outrey Modèle:Date - Modèle:Date
Xavier Tessarech Modèle:Date - Modèle:Date
Maurice Le Gallen Modèle:Date - Modèle:Date
François Marius Baudoin Modèle:Date - Modèle:Date
Joseph Létang (en place de Baudoin) Modèle:Date - Modèle:Date
Victor Édouard Marie L'Helgoualc'h (en place de Baudoin) Modèle:Date - Modèle:Date
Aristide Eugène Le Fol Modèle:Date - Modèle:Date
Achille Louis Auguste Silvestre Modèle:Date - Modèle:Date
Fernand Marie Joseph Antoine Lavit Modèle:Date - Modèle:Date
Achille Louis Auguste Silvestre (jusqu'au Modèle:Date) Modèle:Date - Modèle:Date
Henri Louis Marie Richomme Modèle:Date - Modèle:Date
Léon Emmanuel Thibaudeau Modèle:Date - Modèle:Date
Jean de Lens Modèle:Date - Modèle:Date
Georges Armand Léon Gauthier Modèle:Date - Modèle:Date
André Joseph Berjoan (prisonnier des Japonais 9 mars/Modèle:Date) Modèle:Date - Modèle:Date
Kubo (Japonais) Modèle:Date - Modèle:Date
André Joseph Berjoan 1945 - Modèle:Date

Commissaires de la République au Cambodge (1945-1953)

Liste des Commissaires de la République au Cambodge (subordonnés aux Hauts-Commissaires de France en Indochine)
Nom Durée du mandat
Huard Modèle:Date - Modèle:Date
Romain Victor Pénavaire Modèle:Date - Modèle:Date
Léon Marie Adolphe Pascal Pignon Modèle:Date - Modèle:Date
Lucien Vincent Loubet Modèle:Date - Modèle:Date
Jean de Raymond (assassiné) Modèle:Date - Modèle:Date
Yves Digo Modèle:Date - Modèle:Date
Jean Risterucci Modèle:Date - Modèle:Date

Bilan

Si Alain Forest a sous-titré un de ses livres sur le sujet « histoire d’une colonisation sans heurts », l’ouvrage en lui-même s'attache à démontrer les limites de cette idée reçue<ref name="FOREST 1993 lCelCFHduCsH P10-16">Alain Forest, Le Cambodge et la colonisation française : Histoire d'une colonisation sans heurts (1897 - 1920), Modèle:Chap. (Modèle:Citation), Modèle:Pp.</ref>,<ref name="FOREST 1993 lCelCFHduCsH P386-431">Alain Forest, Le Cambodge et la colonisation française : Histoire d'une colonisation sans heurts (1897 - 1920), Modèle:Chap. (Modèle:Citation), Modèle:Pp.</ref>.

Au rang des actifs du protectorat, même si des troubles ont émaillé la période, ils n’avaient aucune commune mesure avec ceux des époques précédentes et le Cambodge a inauguré une ère de paix relative comme il n’en avait plus connue depuis longtemps<ref name="CROUZATIER 2014 TPeAdSElIPeJdC P38">Modèle:Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge</ref>.

On peut aussi citer la mise en place de services publics tels la poste ou un réseau ferré qui fonctionneront de manière correcte jusqu’en 1970, ainsi que la réfection de routes dont, à la fin des années 1850, Henri Mouhot déplorait l’état. Mais ces dernière tâches étaient généralement réalisées dans le cadre de corvées, des journées de travail que chaque villageois devait à l’administration<ref name="FOREST 2008 CC H PClHCdC P43">Modèle:Cambodge contemporain</ref>,<ref name="MOUHOT 2010 VdlRdSdCdL eAPCdlIMM P133-137">Modèle:Ouvrage</ref>.

La présence française a également permis l’implantation de l’école française d'Extrême-Orient qui, par ses recherches sur les temples angkoriens a rétabli le lien de paternité qui relie l’empire khmer avec le Cambodge contemporain et, par contrecoup, donner à ses habitants un motif de fierté qui paradoxalement sera utilisé par les militants indépendantistes<ref name="RAMOUSSE MissionsEtrangeresDeParis lC lRdCSlPF">Modèle:Lien web</ref>. Dans le même temps, à partir de 1904 et alors que depuis l’avènement de Sisowath les relations des autorités coloniales avec le palais s’améliorent nettement, les Français s’évertuent à restaurer la personne royale dans un prestige qu’elle avait perdu au fil des ans<ref name="FOREST 2008 CC H PClHCdC P44">Modèle:Cambodge contemporain</ref>.

Revers de la médaille, alors que le colonisateur lui a ressuscité une histoire prestigieuse, les Cambodgiens vont se retrouver cantonnés à faire perdurer ces traditions et les modes de vie ancestraux qui y sont attachés. Les activités artistiques sont alors réduites à reproduire à l’infini des motifs angkoriens au détriment de toute créativité<ref name="GROSLIER 1911 RslC P176-184">Modèle:Ouvrage</ref>. Cet immobilisme ne sera pas pour rien dans le reproche fait à la France par les milieux indépendantistes quant à la persistance de structures archaïques au lieu de préparer le Cambodge à affronter les réalités du monde moderne<ref name="CROCHET 1997 lC P71-74">Modèle:Ouvrage</ref>.

Dans le domaine économique, il faudra attendre les années 1920 pour voir les premières initiatives privées de développement, mais ces dernières restent essentiellement cantonnées dans des plantations d’hévéas à l’est du pays et emploient avant tout une main d’œuvre tonkinoise, réputée plus travailleuse que les Cambodgiens<ref name="TULLY 2003 FotM aHotPiC P321-325">Modèle:Ouvrage</ref>. Ce parti pris va d’ailleurs alimenter le ressentiment ancestral des Cambodgiens à l’égard des Vietnamiens qui en outre monopolisent les emplois dans l’administration et de nouveaux secteurs d’activités tels la mécanique, l’électricité ou la maçonnerie. L’immigration qui en découle, favorisée par le protecteur, si elle ne donne pas lieu à des incidents notoires durant la période concernée, porte néanmoins en elle les germes de futurs troubles<ref name="FOREST 2008 CC H PClHCdC P45-46">Modèle:Cambodge contemporain</ref>.

D’un point de vue territorial, si la restitution par le Siam des territoires à l’ouest du pays est à mettre incontestablement au crédit des autorités coloniales<ref name="FOREST 1993 lCelCF HduCsH P172-173">Alain Forest, Le Cambodge et la colonisation française : Histoire d'une colonisation sans heurts (1897 - 1920), Modèle:Chap. (Modèle:Citation), Modèle:Pp.</ref>, la situation à l’est est plus délicate. Outre les Modèle:Citation de frontière, pour la plupart au détriment du Cambodge, dans les régions peu peuplées, habitées par des minorités ethniques<ref name="FOREST 1993 lCelCFHduCsH P441-442">Alain Forest, Le Cambodge et la colonisation française : Histoire d'une colonisation sans heurts (1897 - 1920), Modèle:Chap. (Modèle:Citation), Modèle:Pp.</ref>, se pose le problème plus délicat de la Cochinchine. Ces anciennes possessions de l’empire khmer ont été conquises par l’Annam du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle au début du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle<ref name="BLANCHARD 2000 VCuFC P33-43">Modèle:Ouvrage</ref> puis, à partir de 1858, par la France qui y établit une colonie<ref name="FRANCHINI 1997 lGdI dOdlPFalEdCI P82-87">Philippe Franchini, Les guerres d'Indochine : des origines de la présence française à l'engrenage du conflit international, Modèle:Pp.</ref>. L’immigration vietnamienne au Cambodge favorisée par les autorités du protectorat conjuguée à la volonté de couper les liens des bouddhistes theravādins de l’Indochine française avec le Siam, coupable de soutenir les mouvements anticolonialistes, conduit à un rapprochement des Khmers du delta du Mékong (Khmers Krom) avec leurs homologues cambodgiens qui partagent la même crise identitaire et va réveiller les prétentions de Phnom Penh sur la Cochinchine<ref name="FOREST 2008 CC H PClHCdC P46-47">Modèle:Cambodge contemporain</ref>.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Notes et références

Modèle:Références nombreuses

Modèle:Palette Modèle:Portail