Jacques Ellul

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Jacques Ellul, né le Modèle:Date de naissance à Bordeaux et mort le Modèle:Date de décès à Pessac, est un historien du droit, sociologue et théologien protestant libertaire français.

Professeur d'histoire du droit, surtout connu comme penseur de la technique et de l'aliénation au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, il est l’auteur d’une soixantaine de livres (la plupart traduits à l’étranger, notamment aux États-Unis et en Corée du Sud) ainsi que de plusieurs centaines d’articles.

Auteur profondément original, atypique et inclassable, il a été qualifié d'« anarchiste chrétien » et se disait lui-même Modèle:Citation, mais rejette tout recours à la violence.

Fervent lecteur de Karl Marx auquel il a consacré un enseignement à l'IEP de Bordeaux pendant plus de trois décennies, et tout en étant lui-même un théoricien de la révolution politique et sociale, il s'est cependant toujours tenu à l'écart du marxisme, au motif qu'il n'y voyait qu'une idéologie comme une autre, une Modèle:Citation. Certains le rangent par conséquent dans la catégorie des marxiens.

Converti au protestantisme à l'âge de 18 ans, sa posture est également surprenante pour certains du fait qu'il s'est livré à une critique du christianisme, dont il considérait qu'à partir du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, sous Constantin, il a été « subverti » par sa collusion avec l'État, allant même jusqu'à affirmer, deux ans avant sa mort, que Modèle:Citation.

Sa pensée est profondément ancrée dans le christianisme et il n'a cessé de témoigner de sa foi dans les Évangiles. Il établit un parallèle entre les textes bibliques et le rejet des institutions, en refusant tout amalgame entre foi et analyse politique mais en établissant leur mise en relation dialectique, notamment dans son ouvrage Anarchie et Christianisme, dans lequel il considère la Bible comme un livre libertaire.

Ayant adopté comme devise « exister, c’est résister » Modèle:Incise, il disait de son œuvre qu'elle est entièrement axée autour de la notion de liberté : « Rien de ce que j’ai fait, vécu, pensé ne se comprend si on ne le réfère pas à la liberté<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.»

Jacques Ellul a été honoré du titre de Juste parmi les nations en 2001<ref>« Jacques Ellul », site de Yad Vashem.</ref>.

Biographie

Origines familiales et jeunesse

Né le Modèle:Date-, à Bordeaux<ref name="Baudet_2015_Ellul">Modèle:Ouvrage.</ref>, fils de Joseph Ellul et de Marthe Mendès, tous deux issus de grandes familles ayant connu de graves revers de fortune, Jacques César Émile Ellul est élevé dans les valeurs aristocratiques de la droite. La famille de son père, d'origine maltaise, a émigré à Trieste à la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref group="note">Modèle:Lien web Dans cette interview, Jacques Ellul ajoute que son nom, "Eloul", a une signification en hébreu, où ce mot désigne un mois de l'année, point repris par Frédéric Rognon (Modèle:Harvsp). L'étymologie juive de ce nom de famille peut toutefois être considérée comme douteuse du fait que la langue maltaise étant sémitique, ce nom peut avoir de multiples origines. La racine du mot maltais pour "juillet" ("lulju", sans doute aussi influencé par l'italien "luglio") n'est pas non plus très éloignée.</ref>,<ref name=":0">Modèle:Ouvrage.</ref>. Le grand-père de Jacques Ellul est italien, marié à une Serbe, descendante de la famille Obrenović. Le père de Jacques Ellul, Joseph Ellul, né à Trieste, est élevé dans la religion orthodoxe, mais ses convictions personnelles sont déistes et voltairiennes. Après des études à Vienne, Joseph Ellul, qui est à la fois citoyen austro-hongrois et sujet britannique, est recruté comme fondé de pouvoir par la maison de négoce Louis Eschenauer à Bordeaux. En raison d’une intransigeance de caractère qui lui fait placer le sens de l’honneur au-dessus de toute autre considération, il est confronté plusieurs fois au chômage. Pour subvenir aux besoins du ménage, Marthe, son épouse, enseigne le dessin dans un établissement privé et donne également des leçons de peinture à domicile<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>,<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Marthe Mendès est d'origine portugaise et française ; elle est protestante non pratiquante<ref name=":0" />.

Scolarisé à Bordeaux au lycée Longchamp (aujourd'hui lycée Montesquieu), puis au lycée Montaigne, le jeune Jacques Ellul brille dans toutes les matières littéraires et en histoire<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Il en sort bachelier en 1929, à l'âge de 17 ans. Attiré par une carrière dans la marine, il est cependant orienté vers le droit par son père<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Études et début de carrière universitaire

Ellul s'inscrit à la faculté de droit de Bordeaux en 1929. Il obtient une licence en 1932<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Il se lie d'amitié pendant ses études avec Bernard Charbonneau, et tous deux organisent des camps de vacances avec la Fédération française des associations chrétiennes d'étudiants, Modèle:Citation<ref>Modèle:Lien web</ref>. En 1936, Jacques Ellul présente sa thèse de doctorat en droit et est admissible à l'agrégation, ce qui lui permet d'obtenir un poste de chargé de cours à la faculté de droit de 1937 à 1940. Il est ainsi chargé de cours à la faculté de droit de Montpellier, puis de Strasbourg, qu'il suit dans son repli à Clermont-Ferrand en 1940. A la suite d'un discours devant les étudiants alsaciens, leur conseillant de ne pas retourner en Alsace afin d'échapper à l'incorporation dans l'armée allemande, il est révoqué sur dénonciation d'un de ses étudiants<ref name=":1">Modèle:Ouvrage</ref>,<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. A cette occasion, l'administration vichyste découvre que le père de Jacques Ellul n’a jamais été naturalisé. Il est arrêté en Modèle:Date-, puis interné et déporté<ref name="AJPN">« Jacques Ellul », www.ajpn.org, consulté le Modèle:Date-.</ref>.

Privé d'emploi et chargé de famille (son épouse Yvette née Lensvelt, qu'il a rencontrée pendant ses études, lui a déjà donné un fils, Jean, né en 1940), Jacques Ellul survit grâce à des amis qui lui permirent d'exploiter une petite ferme à Martres, en Gironde<ref name=AJPN/>,Modèle:Sfn. Sa maison est le centre d’un réseau de résistance formé par d’anciens éclaireurs unionistes et d'autres membres de l’Église réformée de France. Il recueille, fournit de faux papiers et oriente des résistants, des évadés et des juifs (il a été proclamé Juste parmi les nations par le mémorial Yad Vashem le Modèle:Date-)<ref>Jacques Ellul, Comité français de Yad Vashem, consulté le Modèle:Date-.</ref>. Grâce à l’assesseur du doyen, il donne des cours semi-clandestins dans la faculté de droit de Bordeaux, sous influence pétainiste<ref name=AJPN/>.

Il réussit le concours d’agrégation de droit romain et d’histoire du droit en 1943, tout en sachant que Laval a fait en sorte qu'il ne puisse être embauché à l'université<ref name=":1" />.

À la Libération, en tant que secrétaire général régional du Mouvement de libération nationale, il siège à plusieurs procès de la collaboration où il s'assure que l’épuration se fasse avec dignité et sans excès<ref name=AJPN/>.

À partir de 1944, il enseigne l’histoire des institutions et l’histoire sociale à l'université de Bordeaux puis, à partir de 1948, à Sciences Po Bordeaux (IEP). Il reste en poste à Bordeaux jusqu'en 1980. Il meurt le Modèle:Date-, à Pessac, en France<ref name="Baudet_2015_Ellul" />.

Double influence

Fichier:Karl Marx 001.jpg
Ellul construit sa critique sociale sur une réactualisation de la pensée de Marx. Il lui consacrera tout un cursus à l'IEP de Bordeaux, de 1947 à 1979.

Dès sa jeunesse, Ellul s'engage sur deux terrains habituellement considérés comme antagonistes. En 1930 (âgé de 18 ans), il vit une expérience personnelle qui le met sur la voie du christianisme et l'amène peu à peu à s'engager dans le protestantisme, en l'occurrence l'Église réformée de France. L'année suivante, ayant lu le Capital de Karl Marx, il entreprend une étude exhaustive de l'œuvre du philosophe allemand. Par la suite, et durant plus de trois décennies, il lui consacrera un cours lorsqu'il enseignera à l'IEP de Bordeaux. Jacques Ellul Modèle:CitationModèle:Sfn.

Ellul vit cette double influence comme Modèle:Citation. Elle se concrétisera plus tard par le souhait que l'on distingue, dans son œuvre, Modèle:Citation : le volet sociologique (centré sur Marx et le souci de l'actualiser), et le volet théologique (axé sur la notion de liberté).

Responsabilités

De 1937 à 1938, il est chargé de cours à la faculté de droit de Montpellier.

À la Libération, pendant six mois, de 1944 à 1945, tenté par l'action politique, il est adjoint au maire de Bordeaux. Il démissionne car il constate qu'on lui demande de valider des dossiers alors qu'il estime que certains sont « biaisés » et qu'il n'a pas la capacité de vérifier la pertinence des autres. Cette expérience de la vie politique le déçoit. Pour lui, l'homme politique est particulièrement démuni car il est mis dans l'impossibilité d'étudier sérieusement les dossiers dont il a la responsabilité, et la mise en œuvre de ses décisions lui échappe, il est un « paravent »<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

De 1944 à 1980, il est professeur à la faculté de droit de Bordeaux.

De 1956 à 1971, il est membre du conseil national de l'Église réformée de France, avec le projet de Modèle:Citation; Ellul vivra finalement cette expérience comme un échecModèle:Sfn.

Engagements

De 1934 à 1939, il est engagé dans la mouvance personnaliste des non-conformistes des années 30, en animant à Bordeaux, avec son ami Bernard Charbonneau, un groupe en liaison d'une part avec la revue Esprit, d'obédience chrétienne, d'autre part avec le groupe Ordre nouveau, qui se focalise sur la critique de la société américaine et les désordres psychologiques causés par son appareil de production, structuré selon les préceptes du taylorisme et du fordisme.

De 1943 à 1945, il participe activement à la Résistance (activités de renseignement, trafic de faux-papiers, accueil de prisonniers évadés et de juifs, aide à leur transfert en zone libre…)Modèle:Sfn

À partir de 1958, il s’engage dans une association bordelaise visant la prévention contre la délinquance dans le milieu de la jeunesseModèle:Sfn.

De 1973 à 1977, avec Bernard Charbonneau, il s'investit dans le Comité de défense de la côte aquitaine, association écologiste qu'ils ont eux-mêmes créée dans le but de contrer l’action de la MIACA (Mission Interministérielle d’Aménagement de la Côte Aquitaine)Modèle:Sfn.

De manière générale, Jacques Ellul peut être considéré comme un précurseur de l'écologie politique et de la décroissance<ref>Modèle:Lien web</ref>, bien qu'il ne souhaitait pas que « l'écologie politique se transforme en partis politiques »<ref>"Patrick Chastenet : « Jacques Ellul ne voulait pas que l'écologie politique se transforme en partis politiques »", Usbek & Rica, TechClash, Modèle:Date-.</ref>.

Descendance

Jacques Ellul et son épouse Yvette Lensvelt (1912-1991) ont quatre enfants : Jean (né en 1940), Simon (1941-1947), Yves (né en 1945) et Dominique (née en 1949). Yvette Lensvelt était d'origine néerlandaise et détentrice d'un passeport britannique<ref name=AJPN/>.

Analyse socio-politique (volet sociologique)

Avec Marx, contre le marxisme

Fichier:TravailEnfantUSXIX.jpg
Ouvriers d'une usine de verre, Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Indiana
Ellul se focalise moins sur les mécanismes du capitalisme que sur les raisons ayant conduit les humains à ériger le travail en valeur et qui, selon lui, constituent les fondements du productivismeModèle:Sfn.

Modèle:Citation écrit Jacques Ellul en 1982Modèle:Sfn. De fait, tout au long de son œuvre, Ellul rappelle sa dette intellectuelle à l’égard de Marx, se faisant l’interprète du philosophe allemand dans son analyse du capitalisme. Notamment en 1982, dans Changer de révolutionModèle:Sfn, où il reprend l’essentiel de ses concepts : l’accumulation primitive, la théorie de la valeur, la distinction entre travail et force de travailModèle:Efn, la valeur d’usage, la plus-value, l’aliénation… En même temps, Ellul s’attache à pointer, dans l’héritage de Marx, ce qui lui apparaît comme une série de contresens. Modèle:CitationModèle:Sfn.

Ellul estime que ce que l’on appelle communément « marxisme » n'est qu'une idéologieModèle:Sfn. Dès 1935, il démystifie le communisme : Modèle:CitationModèle:Sfn.

À ses étudiants bordelais, il précisera plus tard que son choix s’est fait Modèle:Citation mais qu’il était Modèle:Citation avant : Modèle:Citation.

Fichier:Karl Kautsky 01.jpg
Karl Kautsky, selon qui les bolcheviks n'avaient nullement institué une révolution marxiste mais une dictature de type blanquiste.

Il met également l’accent sur la polémique, en 1919, entre Karl Kautsky et Lénine, le premier reprochant au second de ne tenir aucunement compte des recommandations de Marx pour mener à bien une révolution<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>,Modèle:Sfn. Il fallait, rappelait-il, que ce soit le prolétariat et lui seul qui en soit l’origine. Or il n’y avait pas à l’époque de prolétariat en Russie, celle-ci était en effet une nation essentiellement rurale. Il était également nécessaire, précisait Kautsky, que la révolution s’opère au niveau international, argument dont Lénine, selon lui, s’était détourné.

Rappelant que pour Kautsky, Modèle:Citation, Ellul démontre lui-même comment, dès 1918, après que Lénine a créé de toutes pièces le prolétariat en Russie, il exerce sur lui sa dictature.

Revenant sur la célèbre citation de Lénine Modèle:Citation<ref>Modèle:Lien web</ref>, Ellul en donne son interprétation. Modèle:Citation Modèle:Citation. Pour Ellul, la formule de Staline, Modèle:Citation, démontre que le communisme n’est qu’une simple variante du capitalismeModèle:Sfn : il ne s’oppose à lui qu’en tant que simple superstructure. Partant de là, Ellul étend sa critique à l’ensemble du socialisme et, plus généralement encore, à toute forme d’étatisme : Modèle:Citation

Le capitalisme, qu’il soit privé ou étatique, est tout entier focalisé sur l’optimisation de la croissance économique, et donc sur son appareil de production. C’est pourquoi il est entièrement déterminé par le développement de la technique. Ce qui conduit Ellul à conclure : Modèle:Citation

Du capital à la technique

Fichier:More More More More More Production - NARA - 534431.jpg
Affiche américaine de la Seconde Guerre mondiale appelant à augmenter les cadences de production.
Selon Ellul, le problème majeur n'est pas le capitalisme mais ce qui l'englobe : le productivisme.

En 1979, lors d’une interview accordée à Willem Vanderburg à Radio Canada, Ellul explique le cheminement qui l’a conduit de Marx à la technique : Modèle:Citation bloc

Modèle:Citation bloc

De la société industrielle à la société technicienne

Fichier:Kansas City Assembly.png
Une chaîne d'assemblage automobile au Kansas.
Systématisée au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle par l'ingénieur Frederick Taylor, la division du travail est un élément constitutif de l'idéologie technicienne : la « recherche de l'efficacité maximale en toutes choses », dit Ellul, précède la recherche du profit.
L'industrialisation n'est jamais pour Ellul qu'un effet parmi d'autres de l'idéologie technicienne.

En 1935, en compagnie de Bernard Charbonneau, Ellul note que ce qui caractérise en premier lieu la société moderne, c'est une tendance à la « concentration » : concentration de la production (dont les modèles sont l'usine et le travail parcellisé), concentration de l'État (via son administration), de la population (dans les zones urbaines) et concentration du capitalModèle:Sfn. Cette concentration est clairement illustrée dans le phénomène urbain, qui fait dépendre toute la vie de l'homme de la ville, et le labeur du paysan devient un travail au service de la ville, comme l'exprime Charbonneau : Modèle:Citation<ref>Bernard Charbonneau, Le jardin de Babylone, L'encyclopédie des nuisances, Paris, 2002, Modèle:P.).</ref>, à l'image de l'urbain.

En soi, ce constat n'est pas original. Ce qui l'est, en revanche, c'est son interprétation : Modèle:Citation. Par cette formule très « générale », les deux jeunes penseurs entendent démontrer que la technique, au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, dépasse largement le cadre strict du machinisme<ref>À cet égard, Ellul se distingue d'un autre grand critique de la technique : Lewis Mumford (1895-1990), auteur de Le Mythe de la machine</ref> et qu'elle est désormais intégrée dans les consciences. Ils jettent ainsi les prémices de l'histoire des mentalités.

Vingt ans plus tard, en 1954, Ellul estime que la technique a changé de statut : si elle a cessé d'être ce qu'elle était depuis toujours, Modèle:Citation, si elle s'est muée en Modèle:Citation, si elle est désormais un phénomène Modèle:CitationModèle:Sfn,Modèle:Sfn,Modèle:Sfn échappant ainsi de plus en plus au contrôle de l'homme et faisant peser sur lui un grand nombre de déterminations, c'est qu'imperceptiblement elle s'est Modèle:CitationModèle:Sfn.

Fichier:DARK CLOUDS OF FACTORY SMOKE OBSCURE CLARK AVENUE BRIDGE - NARA - 550179.jpg
Photo d'un paysage affecté par la pollution aux États-Unis.
La pollution de la planète est la concrétisation de la désacralisation de la nature par une technique elle-même sacralisée. Le problème perdure et reste insoluble, affirme Ellul, car l'homme moderne est persuadé, à tort, qu'il ne sacralise plus rienModèle:Sfn.

En 1973, Ellul explique en détail ce processus. L'homme ne pouvant s'empêcher de sacraliser son environnement, ce n'est plus la nature qu'il sacralise mais ce par quoi il a désacralisé, profané et même pollué celle-ci : la technique. Et les conséquences de ce « transfert » ne sont pas seulement environnementales, elles sont aussi psychologiques et se traduisent par des comportements de dépendance à l'égard de la technique (que l'on qualifiera plus tard d'addiction). Et cela d'autant plus que, se considérant comme « adulte » par rapport aux périodes du passé<ref>Voir par exemple Edgar Morin, La Complexité humaine, édition Flammarion, champs, Modèle:P.</ref>, il refuse d'admettre qu'il sacralise quoi que ce soitModèle:Sfn.

Observant que son analyse n'est guère partagée dans le champ intellectuel, Ellul en tire ses propres conclusions. Si le processus de sacralisation de la technique n'est pas perçu, c'est, affirme-t-il en 1948, parce que Modèle:Citation<ref>Jacques Ellul, Présence au monde moderne, 1948. Modèle:3e in « Le défi et le nouveau », La Table Ronde, 2008, Modèle:P.</ref>. Selon lui, l’ensemble de l’opinion reste rivé sur l’affrontement idéologique Est-Ouest, symbolisé par le rideau de fer, parce qu’il est spectaculaire<ref>En 1969, dans Autopsie de la Révolution, Ellul ne cache pas son intérêt pour les travaux de Guy Debord, auteur (entre autres) de La Société du spectacle.</ref>. En se focalisant sur les « événements », on contourne, dit Ellul, l’essentiel, à savoir le fait qu'à l’Est comme à l'Ouest, on est passé Modèle:Citation.

Il poursuit : Modèle:Citation

À l'Ouest, l'homme se revendique libéral, à l'Est, il se réclame de la révolution, mais, dans les deux cas, argumente Ellul, tout cela n'est que Modèle:Citation. En réalité, l'homme est Modèle:Citation. En premier lieu par le travailModèle:Sfn ; ensuite, par voie de conséquence, par les outils qu'il s'est lui-même forgé au fil du temps : Modèle:CitationModèle:Sfn. Et c'est parce que ces outils cessent d'être uniquement des moyens pour se muer en finalités à part entière que, d'une part, il est pieds et poings liés à leur « utilité » (qu'Ellul appelle Modèle:Citation) et que d'autre part, Modèle:Citation.

Fichier:Tout est technique.jpg
« Tout est technique ? » : slogan de l'association Technologos, créée
en 2012 et d'inspiration ellulienne.

La technique, ne cessant de s'auto-accroître, en vient à substituer ses propres valeurs (le travail, l'utilité, l'efficacité, la croissance économique, le progrès...) à toutes celles du passé, qu'elles soient chrétiennes (amour du prochain), humanistes (morale) ou républicaines (liberté, égalité, fraternité). Cette idée ne s'imposera pas de son vivant. À fortiori, quand il affirme que Modèle:Citation, sa position reste presque inaudible.

De fait, quand Ellul rappelle que Modèle:Citation, le milieu intellectuel le taxe de technophobeModèle:Sfn,<ref>Voir Michel Puech, Modèle:Lire en ligne.</ref>,<ref>Voir Gilbert Hottois, La technoscience : entre technophobie et technophilie » Modèle:PDF.</ref>, préférant focaliser son attention sur la querelle idéologique Est-OuestModèle:Sfn. Son concept de sacralisation en régime de modernité, déjà développé par Roger Caillois, passe très mal auprès d'un public français acquis aux idéaux rationalistes des Lumières. Et quand il est accueilli favorablement, c'est trop souvent dans des milieux technophobes, comme l'évoque Jean Zin, Modèle:Citation.

Les seules analyses contemporaines dans lesquelles Ellul se retrouve sont celles de l'économiste américain Modèle:Lien et celle du philosophe tchèque Radovan Richta (protagoniste du Printemps de Prague en 1968), à laquelle il consacre une partie de ses cours à BordeauxModèle:Sfn.

Du propagandé au propagandiste

Fichier:Computer keyboard.png
Sans être révolue, la dichotomie propagandiste-propagandé est dépassée, argumente Ellul en 1962. Au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, en effet, la plupart des humains sont les propagateurs inconscients d'une nouvelle idéologie : ils s'obstinent à croire que la technique est un phénomène neutre et que tout dépend de l'usage qu'ils en font, alors qu'en l'absence de toute posture critique à son égard, elle est devenue leur nouveau milieu.
« La technique est désormais un processus autonome : tout problème technique rencontré appelle une solution technique et quasiment l'ensemble des hommes participent à ce cycle incessant, sans discernement »Modèle:Sfn.

Ellul considère que la société technicienne résulte d'un processus de conditionnement des consciences extrêmement complexe, processus appelé propagande. Qualifié d'Modèle:Citation par l'historien Christian DelporteModèle:Sfn, son livre Propagandes (1962, traduit aux États-Unis en 1965) sert toujours de référence à l'étude de ce phénomène complexe et multiforme<ref>Elwis Potier, Propagande et psychologie politique, Cultures & Conflits, Modèle:N°, automne 2007, Modèle:Lire en ligne.</ref>,<ref>Modèle:Citation étrangère écrit Eric A. Seibert in Modèle:Lang, 2006, Modèle:P..</ref>. Ellul est vu comme le théoricien par excellence du phénomène de la propagande et de ses effets<ref>Mark Vollaeger « Conrad's Darkness Revisited: Mediated Warfare and Modern(ist) Propaganda in Heart of Darkness and "the Unlighted Coast" », Conrad in the Twenty-First Century: Contemporary Approaches and Perspectives, Routledge, Modèle:P..</ref> et sa lecture est encore pertinente aujourd'hui, tant pour le critique allemand Norbert Bolz<ref>Modèle:Citation étrangère in Blindflug mit Zuschauer, Fink Wilhelm GmbH + Co.KG, 2004, Modèle:P..</ref> que pour l'Américain Ron Schleifer<ref>Modèle:Citation étrangère écrit in Psychological Warfare in the Intifada: Israeli And Palestinian Media Politics And Military Strategies, 2007, Modèle:P..</ref>, la Britannique Jacquie L'Etang<ref>Modèle:Citation étrangère notent Jacquie L'Etang et Magda Pieczka in Public Relations: Critical Debates and Contemporary Practice, 2006, Modèle:P..</ref> ou la Québécoise Danielle Maisonneuve<ref>Danielle Maisonneuve, Les Relations Publiques Le Syndrome de la Cage de Faraday, 2004, Modèle:P..</ref>.

Dans cet ouvrage, Ellul établit une distinction entre la propagande politique, perceptible à des degrés divers dans tous les régimes (de la dictature à la démocratie avancée) et la propagande sociologique, qui résulte elle-même du développement au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle des sociétés de masse, dans lesquelles l'individu est placé au cœur d'un jeu d'influences multiples. C'est ce deuxième type qu'il s'attache surtout à étudier. Il en montre l'importance croissante, faisant observer que la démocratisation des techniques d'information les plus sophistiquées rend toujours plus relatives et floues les traditionnelles distinctions entre « information » et « propagande » et entre « propagandistes » et « propagandés »<ref group=note>Si l'on adopte les grilles de lecture elluliennes, on peut avancer que toute personne équipée d'internet fait, sans le savoir ni le vouloir, la propagande du système technicien.</ref>.

Son approche de la propagande passe cependant presque inaperçue au regard de positions beaucoup plus connues, comme celles de Noam Chomsky<ref>La Fabrication du consentement : de la propagande médiatique en démocratie, avec Edward Herman, Agone, 2008 Modèle:ISBN</ref>. Elle se démarque radicalement du schéma opposant frontalement dominants et dominés, pour s'inscrire au contraire dans une réflexion sur l'aliénation, dans le sillage d'un Étienne de La Boétie (Discours de la servitude volontaire) : si l'homme se trouve dans une situation de subordination, ce n'est pas seulement consécutivement à une oppression d'autrui mais aussi parce que de manière inconsciente, il refuse d'assumer certaines responsabilités. Sa liberté lui étant au fond insupportable, il préfère s'inventer mille prétextes afin de s'en détourner plutôt que de la vivre pleinementModèle:Sfn.

Ce qu'Ellul appelle Modèle:Citation relève donc de l'idéologie et rejoint le concept contemporain de fuite de soi. C'est pourquoi, insiste-t-il, Modèle:CitationModèle:Sfn, la politique, dans son ensemble, est elle-même une gigantesque illusionModèle:Sfn, ce qui importe fondamentalement, c'est que les hommes, dans leur singularité, revoient chacun leur façon de penser le monde<ref>Changer l'homme, conclusion du Bluff technologique, 1988 ; Modèle:2e en 2008 chez Hachette.</ref>. À cet égard, la pensée d'Ellul rejoint celle de deux de ses contemporains, Guy Debord<ref>Clément Homs, Guy Debord père de la décroissance : sortir de Modèle:Citation, 2006, Modèle:P.. Modèle:Lire en ligne Modèle:PDF.</ref> et Jean Baudrillard<ref>G. Coq, J. Delors et J. Le Goff, Penser notre crise avec Emmanuel Mounier, Article paru dans Le Monde du Modèle:Date-, rubrique Point de vue. Modèle:Lire en ligne</ref> respectivement à l'origine des théories de la société du spectacle et de la simulation, et qu'il mentionne régulièrement dans ses livres. Les trois essayistes ont en commun le fait de privilégier le concept d'aliénation à celui de domination.

La technique au cœur du monde contemporain

Fichier:MOS Technologies large.jpg
Détail d'un circuit imprimé d'ordinateur. C'est une erreur d'analyse très répandue, dit Ellul, que de confondre « la technique » avec « les machines » ou « les techniques », qui n'en sont que les manifestations les plus spectaculaires.

En 1988, Ellul écrit Modèle:Citation<ref>Le bluff technologique 1988; seconde édition 2004, Hachette, coll. Pluriel, Modèle:P..</ref>.

S'il n'évoque pas ici le capitalisme, c'est que, depuis 1935, il considère que tout régime, quelle que soit l'idéologie qu'il propage, ne poursuit d'autre but que de perfectionner sans cesse la technique afin d'accroître sa productivité. Dès lors, à ses yeux, le combat idéologique gauche-droite n'est qu'un épiphénomène tandis que l'essentiel réside dans les consciences, à travers le monde : Modèle:Citation<ref>Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, Directives pour un manifeste personnaliste, 1935, texte dactylographié édité par les groupes d'Esprit de la région du Sud-ouest ; publié en 2003 par les Cahiers Jacques-Ellul Modèle:N°, Les années personnalistes, Modèle:P..</ref>.

En 1954, Ellul pose son diagnostic : Modèle:Citation<ref>La technique ou l'enjeu du siècle, 1954 ; Modèle:3e, 2008, Economica</ref>. Si aujourd'hui l'économie exerce un poids si déterminant sur la politique, c'est que le développement exponentiel de la technique (en particulier en robotique et en informatique) conditionne lui-même l'ensemble de l'économie.

La technique ne se résume donc plus au seul machinisme : l'appareil d'État tout entier constitue son mode de fonctionnement : Modèle:Citation.

Alors que la critique dominante du capitalisme (telle qu'elle s'exprime par exemple à travers le mouvement altermondialiste) se focalise sur la lutte des classes et la dénonciation des marchés financiers, la critique ellulienne fait apparaître que les inégalités sociales ne seraient pas ce qu'elles sont devenues si l'on avait réalisé plus tôt que ces marchés ne sont rien d'autre que d'immenses réseaux informatiques.

Craig Hanks fait remarquer qu'Ellul est, aux côtés de Jürgen Habermas, Martin Heidegger, Gilbert Simondon, André Leroi-Gourhan et Günther Anders, l'un des principaux penseurs de la technique au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Craig Hanks, Technology and Values: Essential Readings, John Wiley and Sons, 2009, Modèle:P..</ref>,<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, dont il a méthodiquement prédit les dérives<ref>Modèle:Lien web</ref>. Toutefois, à l'exception de Simondon, Ellul ne fait guère référence aux autres figures de cette critique en raison d'une Modèle:Citation, qu'il juge trop Modèle:Citation. Il ne cache pas son aversion pour Heidegger, en raison de son affiliation au nazisme. En revanche, il mentionne à de nombreuses reprises les recherches de l'économiste tchèque Radovan Richta (par ailleurs marxiste dissident), en particulier dans ses cours à l'IEP de Bordeaux<ref>Jacques Ellul, Les successeurs de Marx, cours professés à l'IEP de Bordeaux, 2007, La Table Ronde, Modèle:P..</ref>.

Révolte et révolution

Fichier:Serment du Jeu de Paume - Jacques-Louis David.jpg
Le Serment du jeu de paume par David, musée Carnavalet.
Toutes les révolutions, estime Ellul, servent en premier lieu les intérêts d'une classe dominante, et consolident l'appareil d'État, lui-même fondement de l'idéologie technicienne.

L'idéal révolutionnaire accompagne Jacques Ellul depuis ses années d'études jusqu'à la fin de sa vie alors que le mot « révolution » est devenu lui-même extrêmement dévalué. Il consacre trois ouvrages à ce thème : Autopsie de la révolution, en 1969 ; De la révolution aux révoltes, en 1972 ; Changer de révolution. L'inéluctable prolétariat, en 1982<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Le concept ellulien de révolution diffère sensiblement du sens que l’on donne habituellement à ce terme. Il prend naissance dans le mouvement personnaliste des années 1930. Il écrit à cette époque : Modèle:Citation<ref>Jacques Ellul, Le personnalisme, révolution immédiate, Journal du Groupe de Bordeaux des Amis d'Esprit, 1935. Réédité dans les Cahiers Jacques-Ellul Modèle:N°, « Les années personnalistes », 2003.</ref> ».

Ellul avance ainsi l'idée que la révolution authentique se révèle non pas dans des paroles abstraites, quand bien même elles sont argumentées, mais dans les actes personnels et répétés au quotidien. Même s'il rappelle les origines chrétiennes de cette idée, il ne la réduit pas à l'application d'une simple morale individuelle. Il la fonde sur une analyse (une autopsie, comme il l'appelle) du phénomène révolutionnaire tel qu'il se manifeste dans l'Histoire. Distinguant ainsi le concept de révolution de celui de révolte, il les oppose l'un à l'autre.

Deux traits caractérisent la révolte : d'une part, le sentiment de vivre une situation intolérable : Modèle:Citation ; d'autre part Modèle:Citation<ref name="ellul">Jacques Ellul, Autopsie de la révolution, 1969 ; Modèle:2e 2008, La Table Ronde.</ref>.

La révolution, quant à elle, Modèle:Citation. Ce qui la caractérise d'abord, c'est qu'à la différence de la révolte, viscérale et impulsive, elle s’appuie sur une doctrine et cherche à s’appliquer au réel. Elle n’a rien de désespéré. Au contraire, elle cherche à s’institutionnaliser en suivant une méthode et elle vise toujours un certain ordre. Et cet ordre, c'est la constitution étatique<ref>Révolutions ! : Jacques Ellul : « exister, c’est résister » ?, entretien avec Frédéric Rognon, France-Culture, Les nouveaux chemins de la connaissance, Modèle:Date-.</ref>.

Le Modèle:Citation, argumente Ellul, c'est qu'elle est Modèle:Citation. Et c'est pourquoi, conclut-il, Modèle:Citation.

Ellul considère que l'humanité vit aujourd'hui une situation paroxystique : d'une part, pour contrer l'ordre technicien et marchand, une révolution reste Modèle:Citation mais, d'autre part, sous sa forme classique, elle est Modèle:Citation<ref>Jacques Ellul, Changer de révolution. L'inéluctable prolétariat, 1982.</ref>. La seule solution pour que la révolte ne soit pas instrumentalisée par une classe et ainsi détournée de son but premier, c'est une remise en cause radicale de l'État.

Ce serait toutefois un contresens que de ranger Ellul parmi les penseurs libéraux qui fustigent l'État-providence, dans la mesure où il ne conteste pas Modèle:Incise le principe d'une politique redistributive des richesses. Mais, dans le sillage d'un Nietzsche qui ne voyait dans l'État qu'un Modèle:Citation et dans la même optique que Bernard Charbonneau<ref>Bernard Charbonneau, L'État, 1949, texte édité à compte d'auteur, Economica, 1987.</ref>, Ellul fustige l'État en raison de son gigantisme et de son centralisme, lesquels, estime-t-il, réduisent l'individu à n'être qu'un élément impuissant et non un Modèle:Citation, comme il aimerait se le faire croire à lui-même.

Opérant un distinguo entre la politique, qu'il considère comme une illusionModèle:Efn et le politique, Ellul ne cache pas son intérêt pour les écrits de Proudhon et affiche ouvertement ses propres orientations : Modèle:Citation.

De l'aliénation à la liberté

Fichier:Eugène Delacroix - La liberté guidant le peuple.jpg
La Liberté guidant le peuple, de Delacroix, 1830.
Contrairement à ce qu'ils ne cessent de clamer, affirme Ellul, les hommes n'aiment pas la liberté car elle les engage à la responsabilité, posture à laquelle ils préfèrent de loin le bénéfice du confort matériel. Toutes les déclarations relatives à la liberté dans les sociétés modernes ne sont donc que des discours de justification à la gloire de l'individu au détriment des liens communautaires, fortement dévaluésModèle:Sfn.

Aux yeux d’Ellul, ce que l’on appelle individualisme n’est pas une réalité mais une pure construction de l’esprit. Il remet en cause la notion même d’individu, telle qu’inventée par les Lumières, comme un être autonome, rationnel, affranchi de toute pensée religieuse et de tout préjugé, parvenu de ce fait à une forme de maturité. Selon lui, ce concept est apparu dans une société qui s’est massifiée<ref>Cahiers Jacques-Ellul Modèle:N°, Les années personnalistes.</ref> et Modèle:Citation que celle-ci génère immanquablementModèle:Sfn.

Ellul s’emploie à analyser le mythe de l’homme devenu adulte : Modèle:CitationModèle:Sfn.

Ellul associe ces réflexes au fait que Modèle:CitationModèle:Sfn.

Ellul explique ainsi cette « peur de la liberté » : Modèle:Citation bloc

Ellul distingue ainsi la « liberté-prétexte » de la liberté authentique : Modèle:Citation bloc

La sacralisation de la technique par l’homme ne se définit donc pas autrement que comme l’intériorisation et l’acceptation des contraintes que celle-ci exerce sur lui, inconsciemment. Loin de pouvoir conclure à une « haine du travail » chez Ellul, il s'agit d'une critique du caractère aliénant de l'idéologie technicienne : les idéologies « travaillistes » du nazisme et du communisme y sont donc condamnées<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Fichier:Притча о слепых.jpeg
La Parabole des aveugles, de Bruegel, 1568.
Selon Ellul, une nouvelle forme de totalitarisme est à craindre au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle : le conformismeModèle:Sfn.

À partir des années 1980, Ellul apporte sa propre réponse. Modèle:CitationModèle:Sfn.

Ellul témoigne de sa propre expérience : Modèle:CitationModèle:Sfn.

En invoquant l’expérience de la transcendance pour répondre à un problème spécifiquement historique, Ellul en appelle à une dialectique entre le rationnel et l’irrationnel, remettant ainsi en cause les principes de l’humanisme et de la modernité, centrés sur l'exercice du seul entendement. Un important conflit de valeurs l'isole ainsi au sein de la communauté intellectuelle, d’autant que ses arguments prennent pour le non-croyant le sens d’un défi incommensurable. Si en effet, comme il l’affirme, l’aliénation ne vient pas de la technique mais du Modèle:Citation, que lui propose-t-il pour se libérer de ce sacré ? Quelle forme pourrait prendre sa transcendance à lui ? Questions auxquelles Ellul se garde de répondre, au motif qu’il n’entend pas se substituer à la responsabilité de son lecteur.

Approche dialectique

Fichier:Gutenberg Bible, Lenox Copy, New York Public Library, 2009. Pic 01.jpg
Exemplaire de la Bible de Gutenberg exposé à New York.

Ellul voit dans la pensée biblique le fondement de la dialectique : posant beaucoup plus de questions qu'énonçant des sentences, le Livre nous incite à penser le monde de façon duelle, au-delà de toute considération théologique.

En 2005, Patrick Troude-Chastenet écrit : Modèle:Citation<ref>« L'inclassable ».</ref>.

Pour Ellul, ce « statut problématique » prend le nom de dialectique. Il s’en explique lui-même à plusieurs reprises durant les années 1980. Modèle:Citation bloc

C’est donc au nom de la dialectique qu’Ellul se réfère aussi bien à Karl Marx qu’à la Bible, qu’il se démarque de la quasi-totalité des intellectuels de son temps et qu’il leur reproche, lorsqu’ils se posent en spécialistes d’une question, d’idéaliser le principe de l’objectivité et de s’inscrire dans le sillage du scientisme : Modèle:CitationModèle:Sfn. Ce propos dénonce l’étroitesse d’une certaine interprétation du principe de neutralité axiologique, défini en 1919 par le sociologue Max Weber dans Le savant et le politique.

Dans "Le système technicien", Ellul dit : Modèle:Citation bloc

Là où la conception de l'auteur peut sembler purement et simplement négative, Jacques Dufresne affirme que loin d'être trop critique, Modèle:Citation

Fichier:Étienne-Louis Boullée Memorial Newton Night.jpg
Étienne Boullée, Projet de cénotaphe pour Newton, 1784.

Ellul explique : Modèle:Citation bloc

Ellul considère que c’est sous l’effet de la technique que le mode de pensée occidental au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle est devenu de plus en plus exclusif. Non seulement l’intellectuel se voit aujourd’hui sommé de choisir Modèle:Citation mais, entre les deux, il choisira de préférence la science car celle-ci est par nature discriminante<ref>Jacques Ellul, Les nouveaux possédés, 1973, Modèle:2e, 2003, Les Mille et une nuits, tout le chapitre consacré à la science</ref>. Pour Ellul, ce mode de pensée finit par avoir deux effets. Sur le plan psychologique, il « divise » l’homme, le coupe de ses instincts et l’expose à un conflit permanent avec lui-même<ref>Serge Steyer, Jacques Ellul. L’homme entier, 1994, http://www.ellul-dvd.com</ref>. À terme, Modèle:CitationModèle:Sfn. Sur le plan sociologique, ce principe conduit à une situation où il n'y a plus de mystère, par conséquent où il n'y a plus de débat possible : Modèle:Citation, conclut Ellul en 1993, quelques mois avant de s'éteindreModèle:Sfn.

Certes, la dialectique suppose une pratique laborieuse de l’autocritique : Modèle:Citation Mais à terme, cette tension finit par devenir productive dans la mesure où la dialectique met en contact l’extériorité et l’intériorité, qu’Ellul appelle respectivement la « réalité » et la « vérité ». Elle lui garantit son « unité » par le fait qu’elle Modèle:CitationModèle:Sfn.

Ellul insiste sur le fait que la dialectique, ne relevant pas uniquement de l’opération intellectuelle mais engageant celui qui l’assume dans la totalité de son expérience vécue, constitue pour lui une épreuve. Lui-même reconnaît avoir d’abord mal vécu cet écartèlement : Modèle:CitationModèle:Sfn.

Cheminement spirituel (volet théologique)

Bible, liberté et responsabilité

Fichier:Kierkegaard.jpg
Søren Kierkegaard compte parmi les principales sources d'influence de la pensée de Jacques Ellul.

En tant que théologien, Ellul est l'auteur de deux types d'écrits : d'une part des ouvrages centrés sur son analyse critique de l'Église contemporaine ; d'autre part des commentaires de différents textes extraits de la Bible. Notamment la Genèse, le livre de Jonas, le second livre des Rois, l'Ecclésiaste, l'Épître aux Romains et le livre de l'Apocalypse.

On peut retenir quatre caractéristiques de l'approche ellulienne des textes bibliques :

  • tout d'abord, comme le souligne Frédéric Rognon, Modèle:Citation. Très régulièrement, dans ses livres mais aussi lors de ses rares passages à la télévision<ref name="Apostrophes">Notamment lors de l'émission Apostrophes, « le besoin de croire », Modèle:Date-, Antenne 2.</ref>, Ellul présente la Bible comme « un livre de questions », ce en quoi, précise-t-il, Modèle:Citation ;
  • seconde caractéristique : la dialectique entre « réalité » et « vérité ». Ellul rappelle que les faits rapportés dans Le livre de Jonas, par exemple, non seulement ne peuvent être considérés comme réels mais sont tout à fait invraisemblables. Pour autant, précise-t-il, ce récit est « vrai » dans la mesure où son auteur non seulement s'engage à nous parler de sa relation personnelle à Dieu mais où l'on peut y discerner une critique théologique de la technique avant la lettre, l'homme y étant décrit dans sa tentation de conduire sa vie en se passant de Dieu<ref>Jacques Ellul, Le livre de Jonas, 1952.</ref>. De même, le second livre des Rois montre la relativité du politique, en tant que lieu de la plus grande affirmation de cette prétention à l'autonomie<ref>Jacques Ellul, Politique de Dieu, politiques des hommes, 1966</ref>. Quant à l'Apocalypse, qui est à la fois le dernier livre de la Bible et le plus énigmatique, Ellul, qui y consacre deux ouvrages, invite son lecteur à y voir un moyen d'interpréter la réalité en mettant en valeur ce qu'il y a de plus mystérieux en elle ;
  • troisième élément qui singularise l'approche ellulienne : presque tout au fil de son déroulement, la Bible est montrée comme un livre qui fustige la religion tout autant que les pouvoirs en place<ref>Anarchie et christianisme développe surtout cette thèse.</ref> et qui met en valeur le dialogue direct (sans aucun intermédiaire) entre l'homme et Dieu. Tout en reconnaissant sa dette intellectuelle envers Søren Kierkegaard et Karl Barth, Ellul se démarque ici de la plupart des exégèses qui désignent le péché et le salut comme l'alpha et l'oméga de la lecture biblique. L'amour et le pardon de Dieu sont à ses yeux inconditionnelsModèle:Référence nécessaire.
  • enfin, à l'instar de Kierkegaard, Ellul relativise l'importance des exégèses bibliques, y compris la sienne, qu'il range au registre des « vanités »Modèle:Sfn. Il importe, dit-il, Modèle:Citation.

Foi contre religion

Fichier:Apostolic Elemosinary.png
La religion, en tant que phénomène institutionnel, subvertit celui de la foi. "Le christianisme est la pire trahison du Christ" affirme Ellul en 1982<ref>citation extraite de Jacques Ellul, L'homme à lui-même (correspondance avec Didier Nordon), éd. éditions du Félin, 1992, Modèle:P.</ref>.
Sceau du Vatican.

La singularité première d'Ellul en matière théologique est d'affirmer que l'expérience de la foi a si peu de rapport avec le phénomène religieux qu'elle invite à s'en méfier.

Dans sa jeunesse, il vit ce qu'on appelle une « révélation » ou une « conversion ». À Patrick Chastenet qui l'interroge à ce sujet, il répond : Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Par ce « reclassement de la pensée », Ellul signifie que, pour être aussi forte qu'elle soit, la foi doit être quotidiennement à l'épreuve des faits et de la raison critique. Le doute non seulement n'affaiblit pas la foi mais lui seul l'alimente<ref>Jacques Ellul, La foi au prix du doute, 1980. Modèle:2e 2006, La Table Ronde.</ref>.

Tant et si bien qu'Ellul n'hésite pas à se livrer à une critique en règle du christianisme qui va souvent largement au-delà des propos de bien des anticléricaux. Ainsi pose-t-il la question : Modèle:Citation<ref>Jacques Ellul, La subversion du christianisme, 1984. Modèle:2e 2001, La Table Ronde.</ref>.

Ses constats sur le monde, négatifs et désespérants, sont mis en tension avec l'espérance qu'il porte en lui. En effet, Ellul pense que si l'homme se tourne vers Dieu et apprend à Le connaître, il découvrira la liberté qui seule peut l'amener à une véritable révolution. C'est, selon lui, l'appel du chrétien, appel que les églises-institutions ne peuvent pas suivre.

Ne contestant pourtant pas le principe et la nécessité d'une Église (car Modèle:Citation), Ellul est amené à vivre sa foi comme Modèle:Citation et à s'investir en tant que théologien. Très inspiré par deux grandes figures du protestantisme, Søren Kierkegaard et Karl Barth, il écrit dès 1945 plusieurs articles dans le journal Réforme<ref>"Réforme".</ref> et rédige une œuvre aussi abondante que celle consacrée à la technique et à la révolution.

En somme, Jacques Ellul se présente comme un réaliste lucide : « Je vois le réel et dans ce réel je sais distinguer les faits dominants, les tendances à l'avenir, et j'en tire les conséquencesModèle:Sfn». Il a écrit pour avertir et faire réagir, pour prévenir des risques à venir afin qu'idéalement les choses se passent autrement que ce qu'il prévoyait, il a pu dire « ça se passait comme je le disais, mais non comme je l'aurais souhaité ! Je me suis toujours vu dans cette situation qui peut paraître étrange : je travaillais pour que la suite des évènements me donne tort ! D'avoir eu raison ne pouvait que me laisser l'évidence d'un échecModèle:Sfn». Cela dit, s'il fait le constat d'un échec, il garde son espérance chrétienne<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> : Modèle:Citation bloc

Un anti-conformisme viscéral

Fichier:Bakunin.png
Dans Anarchie et christianisme, Ellul révèle sa dette intellectuelle vis-à-vis des grands théoriciens anarchistes.
Ici : Michel Bakounine vu par Nadar.

Politiquement, Ellul ne cache pas son aversion du système étatique et, bien qu'analyste érudit de la pensée de Marx, il estime que celui-ci s'est à maints égards lourdement trompé face à Bakounine et Proudhon. Il affiche clairement son penchant pour les thèses anarchistes : « Une des catastrophes de notre temps, c'est que tout le monde semble d'accord pour considérer l'État-nation comme la norme. Celui-ci a été plus fort que toutes les révolutions marxistes puisque toutes ont conservé la structure nationale et la direction d'un État. Toute volonté de sécession, comme celle de Makhno, a été noyée dans le sang »<ref>Jacques Ellul, Anarchie et christianisme (1988); réed. La table ronde, coll. La petite vermillon, 1992, Modèle:P..</ref>. Dans Anarchie et christianisme, il explique en détail en quoi sa foi chrétienne le conduit en même temps à se rattacher à l'anarchisme et à s'en démarquer.

Totalement atypique, cette position n'est pas sans conséquence sur la réception de l'œuvre ellulienne. Bien qu'Ellul n'ait eu en effet de cesse de faire valoir la césure existant entre le phénomène « social » qu'est la religion et l'expérience « personnelle » qu'est la révélation, mais aussi du fait qu'il évolue dans un pays sensiblement marqué par l'anticléricalisme, le témoignage de sa foi a pour premier effet de l'isoler d'un certain nombre d'intellectuels, athées pour la plupart, mais dont il apprécie pourtant beaucoup l'approche. Très attiré notamment par la pensée des situationnistes, il propose à Guy Debord une collaboration, mais ce dernier refuse au motif qu'Ellul se dit chrétien<ref>Modèle:Citation, Jean-Luc Porquet, « Préface, Ellul l'avait bien dit », Le Système technicien, Le Cherche-Midi, 2004, Modèle:P..</ref>.

Anarchiste chrétien ?

Jacques Ellul affiche sa dette envers les auteurs anarchistes et, en même temps, consacre plusieurs livres à l'exégèse de l'Ancien et du Nouveau testament. Peut-on le qualifier alors d' « anarchiste chrétien » ? C'est l'avis de Jacques de Guillebon et Falk van Gaver<ref>Jacques de Guillebon et Falk van Gaver, L'anarchisme chrétien, Modèle:P., L'œuvre, 2012.</ref>. Mais dans l'introduction d'Anarchie et christianisme, Ellul précise : « Je ne cherche nullement à "convertir" des anarchistes à la foi chrétienne. […] Réciproquement, je ne cherche nullement à dire aux chrétiens qu'ils doivent devenir anarchistes »Modèle:Sfn. Ellul établit une « tension dialectique » entre l'anarchisme et le christianisme mais refuse catégoriquement l'idée même d'une synthèse, ceci à la fois au nom du commandement « Rendre à Dieu ce qui est à Dieu et rendre à César ce qui est à César » et en vertu du principe de laïcité. Qui plus est, bien qu'il établisse une analyse comparée des deux écoles de pensée, il n'est pas un anarchiste et un chrétien au sens commun de ces mots.

Certes, il affirme considérer l'anarchisme comme « la forme la plus complète et la plus sérieuse du socialisme »<ref>Ibid. Modèle:P.</ref>, mais il indique à maintes reprises ne se sentir ni socialiste, ni proche d'aucun parti politique (selon lui, en regard de l'influence souterraine et puissante de l'idéologie technicienne, la politique n'est qu'une pure « illusion »Modèle:Sfn), ni « anarchiste » à proprement parler : Modèle:Citation bloc

Ellul précise : « Pour la réalisation, je me rapproche beaucoup des anarcho-syndicalistes de 1880-1900 »<ref name=PAGE25>Jacques Ellul, Anarchie et christianisme, 1988, p. 25.</ref>, « On ne peut pas créer une société juste avec des moyens injustes. On ne peut pas créer une société libre avec des moyens d’esclaves. C’est pour moi le centre de ma pensée. »<ref>Jacques Ellul, Patrick Chastenet, À contre-courant : Entretiens, Éditions de la Table Ronde, 2014, p. 54.</ref>, « En somme, je ne crois pas à la société anarchiste “pure”, mais à la possibilité de créer un nouveau modèle social. Seulement aujourd’hui, il faut de nouveau tout inventer : les syndicats, les Bourses du travail, la décentralisation, le système fédératif, tout cela est usé, périmé, par l’usage pervers qui en a été fait. Les institutions neuves nécessaires sont à inventer »<ref name="PAGE25" />.

Le qualificatif libertaire semble a priori préférable à celui d'anarchiste : auteur en effet d'une Éthique de la liberté en trois volumes, Ellul écrit en 1981 : « Rien de ce que j’ai fait, vécu, pensé ne se comprend si on ne le réfère pas à la liberté. »Modèle:Sfn. Mais le concept libertaire regroupe des postures extrêmement variées et devient alors l'objet d'un certain nombre de controverses et confusions.

Ellul ne trouve pas davantage sa place au sein du christianisme. Se livrant à une critique des plus sévères de l'Église, il considère que l'accord passé avec l'État sous Constantin constitue la « subversion du christianisme » par excellence. Il ne se fait guère donc beaucoup d'amis chez les chrétiens. Ceux-ci, écrit-il, Modèle:CitationModèle:Sfn. Plus radicalement encore, il affirme en 1992 que « le christianisme est la pire trahison du Christ »<ref name=trahison>Jacques Ellul, L'homme à lui-même, correspondance avec Didier Nordon, Modèle:P., lire en ligne.</ref>. Ce que reproche fondamentalement Ellul aux chrétiens, c'est leur conformisme, c'est leur mépris de la recommandation de l'apôtre Paul : Modèle:Citation. Or non seulement, affirme Ellul, les chrétiens ne se livrent à aucune critique de ce fléau qu'est le libéralisme économique et à ce qui aujourd'hui le dope Modèle:Incise mais ils se situent la plupart du temps parmi leurs partisans les plus zélés, inconscients du fait que plus la technique mais aussi l'État sont sacralisés, plus la parole biblique est bafouée. On retrouve cette même veine chez son ami Ivan Illich.

Ellul établit une parenté forte entre le message du Christ et les fondamentaux de l'anarchisme. Ils ont en commun un sens aigu de la liberté et, sinon un rejet des institutions étatiques et ecclésiales, du moins celui de leur « sacralisation ». Que ce soit donc sur le terrain de la politique ou celui de la foi, ce qui rebute donc Ellul, ce sont les « -ismes » et toutes les sortes de conformisme. En dernière analyse, le terme qui le qualifie le mieux est « inclassable ».

Pour autant, et bien que Anarchie et Christianisme ne soit pas un livre-manifeste, certains auteurs qualifient Ellul d' « anarchiste chrétien », dans la lignée des Kierkegaard et Léon Tolstoï.

Polémique au sujet de l'islam

Fichier:Kaaba at night.jpg
Selon Ellul, l'islam se différencie sensiblement du judéo-christianisme du fait qu'il ne cultive aucun rapport dialectique entre l'homme et Dieu mais un rapport de soumission.
Photo : circumambulation autour de la Kaaba, à La Mecque.

Lors du conflit israélo-arabe, en 1967, Ellul prend fait et cause pour Israël et continuera à défendre cette position dans de nombreux articles<ref>Compilation dans Modèle:Harvsp, publié en 2008.</ref> ainsi que dans le livre Un chrétien pour Israël<ref>Publié en 1986, cet ouvrage a été réédité en 2007 dans l'ouvrage de compilation Modèle:Harvsp, 2007.</ref>.

Juste après sa mort est également publié un ouvrage compilant différents articles dans lesquels il se livre à un véritable réquisitoire contre l'islam dans Modèle:Harvsp<ref>Ce livre inclut sa préface (publiée en 1983, en version anglaise) au livre de Bat Ye'or, The Dhimmis : Jews and Christians under Islam.</ref>. Ellul expose ce qu'il tient pour une incompatibilité entre le judéo-christianisme et l'islam : selon lui, ce dernier réclamerait tous les droits pour lui-même quand il est minoritaire et les refuserait aux autres quand il est ou devient majoritaireModèle:Sfn. Il dénonce les intellectuels qui établissent une parenté entre le judéo-christianisme et l'islam arguant que l'unicité de Dieu est battue en brèche dès qu'on pose la question de sa nature, et relevant une différence de nature dans la filiation abrahamique des trois religions dites « du Livre » dont, précisément, les textes ne sont pas de nature équivalente. Dans une note de bas de page de L'Espérance oubliée, il écrit : Modèle:Citation bloc

Ellul considère l'islam comme un danger pour l'Occident, Modèle:Citation. Dans le même temps, il parle d'une Modèle:Citation qui Modèle:Incise accueille celui qui va l'« égorger » et l'« anéantir ». Ellul considère cependant le racisme Modèle:Citation, mais s'élève contre l'idée d'une société pluriculturelle, comprenant la culture comme Modèle:Citation En 1988, il estime en outre que d'ici vingt-cinq ans l'Occident sera, sur le plan mondial, dans une situation comparable à celle de l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid. Ces positions radicales reposent, selon certains chercheurs, sur des connaissances parcellaires et approximatives de l'islam et sur des présupposés favorables à Israël. C'est le cas notamment de Frédéric Rognon, un universitaire spécialiste d’EllulModèle:Sfn, qui n'hésite pas à parler d'absence de recul critique d'Ellul à ce sujet, ou Jean-Luc Porquet, qui invite à « démentir EllulModèle:Sfn». D'autres chercheurs partagent en revanche ses inquiétudes, tels le pasteur protestant d'origine musulmane Assan Merabti<ref>Jacques Ellul : un chrétien contre l'Islam ?, Université March Bloch, 2005, cité par Frédéric Rognon</ref>, Jean Alcader<ref>Le vrai visage de l'Islam, 2005.</ref>, Nahed Mahmoud Netwali<ref>La violence de l'Islam, 2006.</ref> ou Wafa Sultan<ref>L'Islam en question, 2011.</ref>.

Cependant, Ellul a pu affirmer en 1980, lors de son passage à Radioscopie, que Modèle:Citation.

Réception

Fichier:V.l.n.r. E. Jonckheer, koningin Juliana, dr. Martin Luther King , prins Bernhard, Bestanddeelnr 918-3397.jpg
Ellul (deuxième à droite sur la photo) reçoit son doctorat honoris causa de l'Université d'Amsterdam le Modèle:Date-, en même temps que Martin Luther King (au centre).

Très tôt, Ellul a été abondamment traduit aux États-Unis, première nation industrielle du monde. Une grande partie de son œuvre y est rééditée. Dans son pays, alors qu'il était un auteur prolifique, Ellul a été également publié, notamment au Seuil, où son ancien élève Jean-Claude Guillebaud était éditeur. Mais son œuvre a été très peu commentée. Modèle:Citation, selon ses propres termes, par ceux qui se cantonnent dans le « dogmatisme » et le « conformisme », qui Modèle:Citation et Modèle:Citation, Ellul estime que sa position de provincial lui est également préjudiciable : du fait du Modèle:Citation, il estime que son travail est Modèle:Citation.

Son audience croît au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, avec l'affirmation des crises écologiques<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. En 2000, Bruno Latour écrit : Modèle:Citation. Et les Éditions de la Table ronde, dirigées par Denis Tillinac, mènent une politique de réédition de la plupart de ses ouvrages.

En nombre de traductions d'ouvrages d'Ellul, la Corée du Sud est le deuxième pays étranger, après les États-Unis. Ce sont dans un premier temps les livres de théologie qui ont été diffusés.

Postérité

« Héritage ellulien »

Fichier:National Park Service 9-11 Statue of Liberty and WTC fire.jpg
En 2003, Patrick Chastenet, président de l’Association Internationale Jacques Ellul<ref>Modèle:Lien web.</ref>, offre une lecture ellulienne du 11 SeptembreModèle:Sfn.

Bien qu'ayant produit une œuvre considérable (plus d'une cinquantaine de livres et plusieurs centaines d'articles), la notoriété d'Ellul reste assez faible en France, ne dépassant guère le périmètre aquitainModèle:Efn.

L'impact d'Ellul reste très limité dans le paysage intellectuel. Comme l'écrit Jean-Pierre Jézéquel dans un article de la Revue du Mauss, Modèle:CitationModèle:Sfn.

On note en revanche une grande diversité de courants qui se réclament de sa pensée. La revue Esprit, dans laquelle il a publié quelques articles durant les années 1930, le cite régulièrement comme l'une de ses références immédiates. Le philosophe chrétien Ivan Illich lui a rendu un vibrant hommage lors du colloque international « Technique et société dans l'œuvre de Jacques Ellul » qui s'est tenu à Bordeaux en 1993Modèle:Sfn. Dans un tout autre registre, le mouvement américain Jesus Radicals, qui prône pour les pays développés l'établissement d'un anarchisme personnaliste d'inspiration christologique, se revendique ouvertement et essentiellement des travaux d'Ellul.

Fondées conjointement en 2000, l'AIJE (Association Internationale Jacques Ellul) et l'IJES (International Jacques Ellul Society) entretiennent l'essentiel de l'héritage ellulien. Toutes deux s'assignent l'objectif de faire connaître l'œuvre d'Ellul et de démontrer en quoi elle reste aujourd'hui éclairante. Elles sont présidées respectivement par Patrick Troude-Chastenet et David W. Gill. L'AIJE promeut activement l'héritage et l'actualité de la pensée de Jacques Ellul<ref>Modèle:Lien web</ref>. Elle regroupe quelques groupes locaux. Le groupe Marseille / Aix en Provence<ref>Modèle:Lien web.</ref> a été pendant quatre ans (2008-2012) le plus actif. Après avoir coorganisé le Modèle:Date- à l'EHESS (avec le groupe Paris / Île-de-France) un colloque consacré aux rapports entre technique et économie, il s'est dissous en septembre pour rejoindre Technologos, une association fonctionnant sur le mode fédératif et consacrée à l'analyse du phénomène technicien depuis les diagnostics elluliens mais également les analyses d'autres penseurs, tels Bernard Charbonneau, Ivan Illich, Martin Heidegger, Günther Anders ou Hannah Arendt.

Sur le plan militant, l'auteur de L'Illusion politique n'a jamais été « récupéré » par aucun parti, ce qui est conforme à ses vœux. Notons toutefois que c'est dans les milieux préconisant la décroissance qu'il est le plus connu et respecté. Ellul n'a toutefois jamais milité pour la décroissance, considérant en effet dès les années 1930 que le préalable indispensable à l'abandon du productivisme est un Modèle:Citation : Modèle:Citation. Modèle:Citation.

Actualité récente

L'année 2012, qui marque le centenaire de la naissance d'Ellul, est saluée sur le plan éditorial. Revoient le jour plusieurs ouvrages majeurs : Le système technicien, Le Bluff technologique, les cours sur Marx ainsi que le livre de Jean-Luc Porquet, Jacques Ellul - L'homme qui avait (presque) tout prévu. Sont également édités Jacques Ellul, L'espérance d'abord de Stéphane Lavignotte et Générations Ellul : soixante héritiers de la pensée de Jacques Ellul, de Frédéric Rognon. Partant d'une soixantaine de portraits, ce dernier fait le point sur la réception de l'œuvre ellulienne en France et à travers le monde, diffusée notamment grâce à l’Association internationale Jacques Ellul<ref>Modèle:Lien web</ref>. À l’initiative de Patrick Chastenet est organisé un colloque international : « Comment peut-on (encore) être ellulien au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle ?»<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>.

En 2013, Pour qui, pour quoi travaillons-nous ?<ref>Modèle:Lien web.</ref> constitue une compilation de textes d'Ellul (dont certains restaient inédits) traitant de l'articulation entre idéologie du travail et idéologie technicienne. Déviances et déviants et Le Vouloir et le Faire sont réédités et les premières assises de Technologos, sur le thème La question de l'autonomie de la technique<ref>Modèle:Lien web ont lieu.</ref>Modèle:Secnec.

En 2014 sort un texte inédit, Théologie et technique, où Ellul développe l'idée que seule une Modèle:Citation peut valoir d'antidote à l'idéologie technicienne. En février paraît l'ouvrage A contre-courant : Entretiens, réédition (révisée et augmentée) de l'ouvrage de Patrick Chastenet en 1994<ref>Modèle:Lien web</ref>. L’auteur est invité en avril par France Culture (Les Chemins de la philosophie) pour évoquer les deux livres<ref>Modèle:Lien web</ref>.

En septembre ont lieu les deuxièmes assises de Technologos à l'EHESS, sur le thème Technique, croissance et décroissanceModèle:Secnec.

En 2015 sont réédités Changer de révolution et La foi au prix du doute. Quelques penseurs, tel l'historien des sciences américain George Dyson, reprennent l'argument ellulien selon lequel l'essor des technologies est essentiellement un phénomène religieuxModèle:Sfn. Les 4 et Modèle:Date-, les Modèle:3e de Technologos traitent des rapports entre technique et guerre<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Le Modèle:Date-, France Culture consacre une émission (Les nouveaux Chemins de la connaissance) à l'approche ellulienne de la révolution<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

En 2019, à l’occasion du Modèle:25e de sa mort, et à l’initiative de Patrick Chastenet, est créé un Prix Jacques Ellul. Le Prix Jacques Ellul est destiné à récompenser une œuvre originale - sans limitation de genre littéraire - évoquant, illustrant, actualisant ou prolongeant l’œuvre de Jacques Ellul. Le Modèle:Date-, son président remet le prix à Olivier Rey pour son livre Leurre et malheur du transhumanisme<ref>Modèle:Lien web</ref>.

En 2020, TV7 Bordeaux propose le Modèle:Date- un entretien avec le professeur Patrick Chastenet, qui introduit au grand public la pensée de Jacques Ellul dans le contexte de la pandémie de Covid-19<ref>Modèle:Lien web</ref>.
Le Modèle:Date- France 3 Nouvelle Aquitaine diffuse le documentaire Exister, c'est résister<ref>Modèle:Lien web.</ref> de Pierre-Oscar Lévy et Noël Mamère, produit par Filmica Productions<ref>http://filmicaproduction.com/index.php/catalogue-catalog/</ref>.

Une Introduction à Jacques Ellul est publiée en 2020<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>, soulignant l'actualité du penseur au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle par rapport à son exposition relativement limitée<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Autres influences

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La télésurveillance et les OGM contribuent à développer des postures technophobes, critiquant davantage les conséquences que les causes de l'idéologie technicienne, ce que récusait Ellul.

Les courants anti-industriels font une large place aux travaux d'Ellul.

Le terroriste américain Theodore Kaczynski, surnommé Unabomber, qui a déjoué les recherches du FBI de 1978 à 1996, a été influencé par les écrits d'Ellul. Dans un essai de 1971, il fait référence à La Technique ou l'enjeu du siècle, traduit aux États-Unis en 1964 sous le titre The Technological Society<ref>Kaczynski, Progress vs. Liberty.</ref>. Son manifeste a été publié par l'Encyclopédie des Nuisances. Ce personnage a fait l'objet de la série Manhunt: Unabomber, sortie en 2017.

Le critique social américain Neil Postman se réfère régulièrement à Ellul, notamment dans son livre Technopoly: The Surrender of Culture to Technology (1993).

Lecteur d'Ellul, l'agronome et économiste Jean-Pierre Berlan assimile les biotechnologies à des Modèle:Citation, contrairement à ce que leur étymologie entend signifier : des Modèle:Citation. Mais il se démarque d'Ellul par le fait qu'il limite sa critique aux marchés, quand Ellul insiste sur le fait que ceux-ci, en tant que vastes Modèle:Citation, ne sont qu'une déclinaison parmi d'autres de la technique<ref>Le Bluff technologique, 1988. Modèle:2e.</ref>.

Dans une mouvance proche, le collectif grenoblois Pièces et main d'œuvre s'engage dans une critique radicale de la recherche scientifique, qu'il perçoit comme exclusivement instrumentalisée par les puissances économiques avec le soutien actif des États. Se défendant d'être technophobes, tout comme le faisait Ellul en son temps, ses membres critiquent l'industrie nucléaire, les OGM, les nanotechnologies, le fichage électronique, le téléphone portable. Ils se différencient toutefois d'Ellul en ce qu'ils qualifient notre société d'« industrielle » ou de « post-industrielle », quand Ellul affirme que ces qualificatifs sont dépassés depuis longtemps et qu'il convient de la comprendre comme « technicienne ».

Le cinéaste Godfrey Reggio rend hommage à Ellul dans le générique de son film Koyaanisqatsi, le désignant comme l'un de ses principaux inspirateurs.

Œuvre

Institutions et société

Technique et politique

Théologie

Ouvrages posthumes

Articles et chapitres de livres

Ellul a écrit plus d'un millier d'articles. Certains ont été publiés après sa mort dans des ouvrages de compilations, reprenant notamment les articles publiés dans Sud-ouest et Ouest France, des numéros spéciaux de la revue Réforme ou les Cahiers Jacques-Ellul, mais la majorité d'entre eux restent inédits. Ne sont cités ici que les articles importants par leur volume ou leur intérêt présumé.

Pour une approche plus approfondie, on se référera au site de l’AIJE (voir-ci-dessous) et à l'ouvrage de la critique américaine Joyce M. Hanks, qui répertorie de façon exhaustive l'ensemble des publications d'Ellul. La liste complète des articles est également consultable à la fin de l'ouvrage de Frédéric Rognon, Générations Ellul.

Entretiens et correspondance

Films, DVD, émissions de radio

N.B. Accès payant à cinq enregistrements vidéo et trois enregistrements audio sur le site de l'INA

Notes et références

Notes

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Références

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Voir aussi

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Bibliographie

Articles connexes

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Liens externes

Notices

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