Potager (cuisine)
Le potager est un appareil de cuisson ancestral en maçonnerie, sorte de table de cuisson servant à faire cuire le potage, mais aussi toutes préparations contenues dans des marmites, grils ou poêles à frire. Dans cet ancêtre du fourneau et de la cuisinière apparu au Moyen Âge (mentionné comme four à potages dans les textes de cette époque)<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, la chaleur était fournie par des braises placées dans la partie basse du dispositif.
Les potagers étaient construits en pierre, comportant un ou plusieurs emplacements (creusets) pour les braises et surmontés d'un plan de cuisson percé de trous pour poser les marmites. Ils pouvaient être de dimensions modestes ou au contraire très imposants. On les trouvait dans les foyers de toutes origines sociales.
Les potagers de cuisine ont été progressivement remplacés au cours de la révolution industrielle par des cuisinières en fonte. En Suisse, le mot est encore usité dans l'expression « potager à bois ».
Usages
La dénomination de « potager » convient bien aux potages, bouillons, veloutés, bisques, consommés, bouillies, polentas ou tous plats à surveiller durant la totalité du temps de cuisson.
Le nom de « potager » pour désigner un fourneau n'apparaît qu'au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref name="brieuil"/>. Il se présentait le plus souvent sous la forme d'un petit fourneau en maçonnerie percé sur le dessus de trous carrés munis de grilles sous lesquelles on plaçait les braises prélevées de la cheminée.
Au-dessous se trouvait un cendrier dissimulé par des portes en fer ou un simple rideau<ref name="patrimoine">Chantal Lombard, Modèle:Opcit.</ref>. Le potager et sa paillasse servaient aussi de surface de rangement. On y trouvait la cruche en terre et le broc en fer émaillé, les marmites, un petit four de ménage à poser sur les braises. Dans les niches du dessous étaient placées diverses poteries comme le poêlon, la daubière, la cocotte, le tian<ref>Modèle:Lien web.</ref>.
L'art de la cuisson ne se limitait pas à une technique rustique. Le cuisinier maîtrisait ses flux thermiques avec précision, grâce à des ustensiles semblables aux nôtres (poêles, casseroles, daubières), mais plus lourds que ceux que nous manions au-dessus de nos feux modernes.
Situation géographique
Les régions de France ont des traditions culinaires variées. Certaines régions ont développé des arts ruraux nécessitant une bonne maîtrise des cuissons. Par exemple, jusqu'en 1880, l'usage des potagers s'est perpétué dans certaines hautes vallées alpines comme la vallée de l'Ubaye, obligées à de longues périodes d'autarcie. Toutes les maisons y disposaient d'un potager.
Les fouilles archéologiques (villages, demeures nobles, couvents et abbayes) ont permis d'étudier les poteries ou les ustensiles de cuisine retrouvés in situ. Elles ont permis de relier ces découvertes à celles des historiens qui ont analysé livres de comptes et testaments et étudié l'iconographie (fresques, miniatures, etc.)<ref name="brieuil">Modèle:Lien brisé.</ref>. Classiquement, Modèle:Citation.
L'iconographie montre des représentations de foyers maçonnés différents des potagers les plus récents. Généralement, on identifie un foyer surélevé servant à recevoir les braises ou les bûches enflammées. Celui-ci est situé soit sous une cheminée, soit dans la pièce même sans évacuation prévue des fumées, celles-ci se faisant par la cheminée voisine ou par la fenêtre<ref name="brieuil"/>. En effet, la combustion des braises ne produit pas du tout les mêmes fumées que celle du foyer : elle ne produit pas (ou très peu) de goudrons salissants, ni de monoxyde de carbone. Cette phase terminale de la combustion du bois peut aussi produire des températures plus élevées que les autres.
Les premiers potagers (foyers maçonnés) ont été identifiés en Suisse et datés du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle. Cette pratique culinaire se retrouve au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle dans une cuisine urbaine de la province de Murcie<ref name="brieuil"/>. Daté du même siècle, le couvent des dominicaines de Notre-Dame-de-Nazareth, à Aix-en-Provence, a été fouillé entre 1990 et 2001. Dans la zone identifiée comme étant celle des cuisines, les archéologues ont découvert des pierres de calcaire (0,30 x 0,30 ou 0,40 m).
Elles constituaient Modèle:Citation.
En France, on retrouvait ces potagers dans toutes les cuisines du royaume à partir du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle. Ils ont été identifiés dans la cuisine palatiale des ducs de Bourgogne à Dijon, au château de Montreuil-Bellay et singulièrement en milieu alpin, dans le village abandonné de Lazer<ref name="brieuil"/>. Dans les maisons individuelles, il n'existait pas de tradition généralisée du potager avant les années 1500 : ce n'est qu'à partir du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle qu'il est devenu un ajout important dans la cuisine<ref name="pyromasse"/>.
Avant l'essor industriel, toutes les cuisines en comportaient. Modèle:Citation
Au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, la cuisine ou salle du premier étage d'une maison de Saint-André-les-Alpes est Modèle:Citation.
En Ubaye, vallée du nord des Alpes-de-Haute-Provence, les chemins charretiers n'ont été ouverts qu'autour de 1880, aucune maison n'ayant alors de poêle. Cela a eu pour conséquence le prolongement de cette technique de cuisson jusqu'au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle. Mais jusqu'au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, en Haute et Basse-Provence, il remplaçait la cheminée durant les périodes estivales. Il permettait aussi de pouvoir utiliser plusieurs modes de cuisson d’intensités différentes. Cet usage allait permettre de donner naissance à la cuisine provençale et à toute une série d’ustensiles culinaires comme la daubière ou comme le service à bouillabaisse<ref>Modèle:Lien web.</ref>.
Le potager caractéristique de l'équipement citadin a pu se répandre après les années 1820 dans la campagne provençale en même temps que les ruraux s'équipaient en vaisselle de terre et en plats qu'ils pouvaient utiliser dans la cuisine sur le potager au feu de bois ou charbon de bois<ref name="patrimoine"/>.
Dans le département de l'Isère, des potagers ont été répertoriés et préservés dans le Trièves, à Beaurepaire, à Saint-Martin-d'Uriage, dans les pays de Domène et de Bourgoin-Jallieu, en Valbonnais, Matheysine et pays de Corps<ref name="pyromasse"/>.
Arts des cuissons alimentaires de cette époque
Trois procédés principaux se côtoient à cette époque : l'âtre (avec les outils spécifiques, tels que grilles, trépieds, chaudrons, crémaillère, tourne-broche, poêles à longues queues et poêles percées à châtaignes), le potager (avec la daubière, la bouilloire) et le four (avec les plats à tartes, à gratins, à terrines, séchoirs).
Âtre
L'âtre, indispensable, nécessite une cheminée chargée d'évacuer les fumées. Il est le lieu de production des braises. Celles-ci sont obtenues après la phase de combustion primaire qui volatilise thermiquement les fractions les plus légères des composés comme aussi le reste d'humidité. Cette seconde phase de combustion donne des braises rougeoyantes.
Les demeures nobles, ecclésiastiques et bourgeoises avaient toutes une pièce particulière réservée à la cuisine. En Europe centrale, elle était appelée cuisine noire. Dans certaines maisons modeste, l'évacuation des fumées se faisait par une fenêtre. Quelques maisons bourgeoises, pour éviter les incendies, possédaient un lieu réservé uniquement à la cuisine et séparé du reste des bâtiments<ref name="brieuil"/>. C'était le cas du palais des papes de Sorgues, dont la première enceinte fortifiée coiffée de créneaux et de mâchicoulis jouxtait la Sorgue. C'est sur cette partie que s'appuyaient les communs dont une vaste cuisine équipée d'une grande cheminée pyramidale<ref>Modèle:Article.</ref>.
La cuisine pouvait être aussi reléguée en rez-de-chaussée ou à l'arrière du château, dans une sorte de cave voûtée. Mais les cuisines des souverains les plus fastueux étaient monumentales et installées dans un bâtiment octogonal avec plusieurs cheminées dans des absidioles. C'est le cas du grand tinel<ref>Modèle:CNRTL.</ref> du palais des papes d'Avignon qui donne dans la tour des cuisines. Celle-ci est équipée d'une cheminée centrale dont les foyers se situent le long des parois<ref name="brieuil"/>.
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Hotte de la cuisine de Clément VI, à l'intérieur de la tour des cuisines du palais d'Avignon.
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Un des foyers de la cheminée du palais des papes d'Avignon.
L'âtre dispose donc d'un système de captage de fumée. Cet âtre avait des fonctions multiples :
- c'était le lieu de la production des braises pour le potager ;
- les cuissons à la crémaillère et au chaudron pour les bouillons et les pot-au-feu (mode de cuisson éponyme de ce plat). Tous les ustensiles-interfaces de cuissons (contenants) s'y noircissaient énormément au contact de la flamme. Extrêmement difficiles à nettoyer côté extérieur, ils restaient donc dans l’âtre et n'étaient quasi jamais nettoyés. Ils étaient réservés aux cuissons dans cet espace ;
- d'autres cuissons se faisaient au trépied. Le potager servait pour les cuissons plus délicates. Le trépied servait lorsque le potager n'était pas mis en service ;
- les cuissons « grille-sur-braise » (style barbecue) ;
- cuissons suspendues : tourne-broches, cuissons à la ficelle ;
- toutes ces cuissons se faisaient en se battant avec la fumée, car on devait se baisser ou se courber pour surveiller ;
- cela servait aussi au fumage et au séchage de divers aliments ;
- lié à l'âtre, il faut aussi ne pas oublier, les fonctions induites par la combustion : l'évacuation des fumées. Enfin une autre fonction induite par le type d'habitat : fonction essentielle de l'aération. Les cuisines étaient rarement séparées (l'habitat était peu cloisonné entre fonctions). Ces combustions non enfermées avaient un rendement de chauffage très limité.
Les seuls moments des combustions secondaires permettent des rayonnements montant à des températures plus élevées. Les débits de renouvellement d'air des cheminées étaient colossaux. De nuit, il était intéressant de les obturer partiellement, mais ils étaient d'une nécessité impérieuse pour l'hygiène (sol de terre battue, chaleur animale et humaine indispensable). L'endothermie des évaporations permanentes était une conséquence subie, liée à la sur-ventilation d'assèchement.
Potager
Le potager, lui, alimenté uniquement de braises, était un plan muni de trou-creuset. Il y avait un creuset, mais très souvent plusieurs (parfois de tailles variées). Ces creusets comportaient toujours un canal inférieur d'arrivée d'air et de décendrage. Ce canal était parfois muni d'une petite porte de réglage de l'arrivée de l'air primaire<ref>Il alimente la base des flammes pour assurer la combustion du bois.</ref>. Au départ, c'était un élément purement maçonné d'éléments réfractaires. Avec l'industrialisation, ce système fut complété d’abord d'un creuset de fonte puis d'une grille supérieure prolongeant le plan du potager. Le potager permettait donc les cuissons difficiles demandant vigilance et une veille attentive. Muni d'une interface réfractaire (pierre plate ou poterie), il permettait aussi de garder au chaud les plats déjà cuisinés.
Modèle:Citation Il est à souligner que César-Pierre Richelet en donna, en 1680 dans son Dictionnaire françois, une nouvelle définition : Modèle:Citation Quant à Florence Sarremejeanne et Yves Esquieu, ils expliquent : Modèle:Citation
Pour comprendre le fonctionnement du potager, il est intéressant de parler de son fonctionnement qui était séquentiel : le feu était fait directement dedans, puis les braises en étaient retirées (extraites) ou mises d'un côté. Dans le potager, c'est la phase secondaire de la combustion du bois qui permettait d'évacuer les fractions odorantes et goudronnantes de la combustion du bois (fractions volatiles).
Le village troglodytique de Barry, près de Bollène, a des maisons qui possèdent un nombre important de ces potagers. Modèle:Citation
Paillasse
Le maintien au chaud des mets se fait sur la paillasse au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècleModèle:Ref. Cette dalle variante de la sole de four ou ce massif en maçonnerie à hauteur d'appui reçoit directement les braises pour faire griller les viandesModèle:Ref. Ce nom de « paillasse » est aussi donné à la grille en fer qui est mise sur cet ouvrageModèle:Sfn.
Évolution du potager
Sa disparition dans la cuisine
Modèle:Citation Les poêles de fonte ont amélioré le rendement. Le dispositif de cuisson s'est alors doublé d'une fonction de chauffage.
Ce fut alors la succession des cuisinières à bois, à charbon, à mazout, à gaz puis électriques. Cette combustion enfermée a amélioré la sécurité. Elle a beaucoup abaissé le besoin de renouvellement de l'air intérieur (fumées, hottes…). Le fourneau potager, quant à lui, va être utilisé jusqu'au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, période où il fut petit à petit remplacé par le fourneau en fonte. Si cette explication vaut pour les zones fortement urbanisées, en réalité, il n'en était pas de même à la campagne. En milieu rural, l'utilisation du potager perdurait car il était plus économique d'en construire un, alors qu'on devait acheter le fourneau en fonte. Cette réalité économique préserva l'utilisation des potagers jusqu'au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref name="brieuil"/>.
Techniques similaires utilisées en extérieur
Le barbecue est le pendant extérieur du potager.
Cuisine dans les pays en voie de développement
Ces techniques de cuissons à la braise perdurent aujourd'hui dans de nombreux pays du monde qui ont peu accès aux énergies élaborées. Cette technique est autant citadine que campagnarde. Selon Yann Arthus-Bertrand, dans son film Home, un tiers de la population mondiale utilise le bois pour sa cuisine (2 milliards de personnes en 2009). En Haïti, il ne reste que 2 % de la forêt de 1900.
La pertinence du charbon de bois se trouve dans la limitation du poids transporté pour la livraison, la limitation de la fumée et la suppression du besoin d'un véritable foyer à bois qui prend de la place.
Dans les pays disposant de peu de ressources, il est courant de voir des femmes sur les trottoirs passant des heures à entretenir un petit feu dans un mini brasero :
- fatapera de Madagascar ;
- kanoun en Afrique, avec bouilloire et avec le plat à tajine ou à couscous, etc.
Le WWF de Madagascar a réalisé une vidéo en français à destination des populations autochtones utilisant ce mode de cuisson<ref>Modèle:Lien web.</ref>.