Mot épicène
Un mot épicène est un mot désignant un être animé qui est identique pour les deux genres grammaticaux. Il peut être employé au masculin et au féminin sans variation de forme.
Par extension, en linguistique, on qualifie également d’« épicènes » les mots où la distinction de genre grammatical n'est pas apparente, malgré leur appartenance à une classe lexicale où le genre est susceptible d’être marqué : cela concerne non seulement les noms, mais aussi les adjectifs et les pronoms.
Les mots homophones, qui ont une prononciation similaire sans être homographes puisqu'ils s’écrivent différemment au masculin et au féminin, ne sont pas épicènes, comme en français un aïeul et une aïeule, un apprenti et une apprentie, Michel et Michelle et Michèle.
Étymologie et histoire
L'adjectif « épicène » est un emprunt au latin classique Modèle:Langue<ref name="Gaffiot">Entrée Modèle:Lien web, dans Modèle:Ouvrage.</ref>, issu du grec ancien Modèle:Grec ancien / epikoinos, « possédé en commun »<ref name="TLFI">Modèle:CNRTL. Modèle:Commentaire biblio</ref>,<ref>Entrée Modèle:Lien web, dans Modèle:Ouvrage.</ref>,<ref name="Larousse">Entrée Modèle:Lien web.</ref>, « qui s'emploie également pour les deux genres »<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, de Modèle:Grec ancien / epi- et Modèle:Grec ancien / koinos, « commun »<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
La classe des noms Modèle:Citation a été introduite, à l'époque hellénistique, par les grammairiens grecs de l'Modèle:Page h' philologique alexandrine d'Aristarque de Samothrace (Modèle:Circa Modèle:Date- – Modèle:Circa Modèle:Date-) pour désigner un éventuel cinquième genre grammatical distinct tant des trois genres Modèle:Incise que de l'éventuel Modèle:CitationModèle:Sfn. La Téchnē grammatikḗ, un bref traité didactique de grammaire grecque que la tradition manuscrite attribue à Denys le Thrace (Modèle:Circa Modèle:Date- – Modèle:Circa Modèle:Date-), disciple d'Aristarque de SamothraceModèle:Sfn, expose la doctrine de l'écoleModèle:Sfn : Modèle:Citation bloc
Dans la Téchnē grammatikḗ, un nom « épicène » est un nom d'animaux de genre féminin Modèle:Incise ou masculin Modèle:Incise qui peut désigner, sans variation dans l'accord, le mâle ou la femelleModèle:Sfn Modèle:Incise. Un nom « épicène » se distingue ainsi d'un nom (de genre) « neutre » qui, par définition, n'est ni masculin ni féminin. Mais il se distingue aussi d'un nom (de genre) « commun » qui Modèle:Incise qui admet l'accord avec l'article masculin ou féminin Modèle:InciseModèle:Sfn.
En français
Le français compte deux genres grammaticaux : le masculin et le féminin. Les mots épicènes y sont minoritairesModèle:Refnec. Environ la moitié des noms désignant des humains sont du genre indifférencié, comme « journaliste » ou « juge »<ref>Modèle:Lien web.</ref>.
La terminologie employée en grammaire française diffère de la terminologie des grammairiens grecs, Modèle:Référence souhaitée :
- le fait pour un mot d’être identique pour les deux genres grammaticaux est appelé l’épicène en français, mais le « genre commun » en grec ancien ;
- le fait pour un mot d’un genre grammatical donné de pouvoir désigner indifféremment des individus de tout sexe ou genre social est appelé le masculin générique en français, mais l’« épicène » en grec ancienModèle:Refnec.
Mot générique, mot épicène et masculin utilisé comme générique
Le genre grammatical ne doit être confondu ni avec le sexe ni avec le genre social du référent. Ainsi une perdrix, qui est du genre grammatical féminin, est un mot épicène qui peut aussi bien désigner un individu mâle que femelle<ref name="TLFI" />.
Il existe des mots génériques, pouvant être des hyperonymes :
- alter ego, animal, âme, créature, être, parent, personne, individu, sujet sont des noms de genre grammatical défini qui permettent toutefois des formulations non sexistes dites épicènes en éludant la binarité masculin / féminin<ref name=Alpheraz>Modèle:Lien web.</ref> ;
- les organismes vivants sont désignés par des noms dont le genre grammatical n'est pas nécessairement liés à leur sexe. Des noms d'animaux grammaticalement masculins ou féminins peuvent désigner des individus hermaphrodites, femelles ou mâles. Ainsi, une limace ou un escargot sont hermaphrodites, et une écrevisse, une girafe, une hirondelle, de même qu’un criquet, un hippopotame, un python, désignent n'importe quel individu de l'espèce sans considération de ses organes sexuels. De même chez les végétaux, le Houx et la Mercuriale annuelle sont des espèces dioïques dont les individus ne portent que des fleurs soit mâles, soit femelles.
- Pour certains animaux, il peut exister, en plus du nom générique, un mot désignant spécifiquement un sexe ou l’autre. Par exemple une cane signifie précisément « un canard femelle », tandis qu’un canard désigne un mâle, un individu de sexe non spécifié ou l’espèce en général. De même pour une jument (« un cheval femelle »), un jars (« une oie mâle »)Modèle:Etc. Certaines espèces n’ont pas de nom pour les désigner sans préciser le sexe, par exemple : une poule (femelle) et un coq (mâle) ; une vache (femelle), un taureau (mâle non castré) et un bœuf (mâle castré). Toutefois en boucherie et en cuisine, la « viande de bœuf » provient fréquemment de vaches réformées (reproductrices ou laitières<ref>https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/02/28/la-viande-de-boeuf-dans-votre-assiette-de-la-vieille-vache_1839589_3244.html</ref>) ; c'est ainsi que la viande de pis de vache ou tétine de vache est classée dans les abats de bœuf<ref>Modèle:Lien web.</ref> ;
- ces mots différent des mots de genre grammatical masculin, désignant à l'origine le genre social masculin, mais utilisés pour désigner un groupe comprenant des personnes des deux genres, en fonction de la règle de l'emploi générique du masculin<ref name=Alpheraz /> ;
- de nombreux titres de fonctions tels que professeur, docteur, maire ou ministre sont considérés comme des masculins génériques par l’Académie française, qui préconise de dire par exemple « Madame lModèle:Souligner maire ». Cependant, l’usage actuel tend à rendre ces noms épicènes (la maire) ou à utiliser des formes féminines qui étaient oubliées (la professeuse) ou a créer des formes féminines (la professeure)<ref>Modèle:Article.</ref>. Voir la section « #Noms de métiers, fonctions et titres ».
Là où l’emploi générique d’un genre est un phénomène sémantique (il porte sur le sens des mots, en l’occurrence le sexe de l’individu désigné), l’épicène est un phénomène purement morphosyntaxique (il ne se définit qu’en fonction des genres grammaticaux, indépendamment du sens des mots).
Prénoms
Modèle:Article détaillé Un prénom épicène est un prénom mixte dont l'orthographe est identique quel que soit le genre de la personne qui le porte.
Camille, Modèle:Page h' ou Modèle:Page h' sont des prénoms épicènes usuels dans le monde francophone.
Maxime, Maxence, Philippe, Modèle:Page h' ou Stéphane sont des prénoms essentiellement masculins dans le monde francophone, mais parfois utilisés au féminin.
Anne<ref group="N">Exemple masculin au Modèle:S mini- : Anne de Montmorency ou au Modèle:S mini- : Anne de Joyeuse.</ref>, Modèle:Page h'<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> ou Modèle:Page h'<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> furent également épicènes, bien que devenus essentiellement féminins Modèle:Refsou.
Marie, Marion, prénoms féminins, sont aussi épicènes, dans la mesure où ils sont parfois utilisés comme masculins, surtout en prénoms composés : Modèle:Page h', par exemple.
Noms communs
Adulte, bénévole, collègue, élève, enfant, gosse, malade, nomade, partenaire sont quelques exemples de substantifs épicènes, identiques au masculin et au féminin :
- un élève studieux, une élève studieuse ;
- un enfant heureux, une enfant heureuse Modèle:Incise.
Noms d'habitants, de peuples, de communautés
Sont épicènes les quelques gentilés et ethnonymes se terminant par :
- -ache (Apache, Bimbaches d'El Hierro, Malgache, Tchouvache), -anche (Comanche, Guanche), -iche (Yéniche) ou -ouche (Ingouche, Manouche) ;
- -aque (Bosniaque, Canaque, Cosaque, Slovaque), -èque (Aztèque, Guatémaltèque, Tchèque) ou -ique (Asiatique, Britannique, Hispanique, Nordique) Modèle:Incise ;
- -[voyelle]re (Berbère, Bulgare, Celtibère, Ibère, Tartare, Maure ou More — le féminin peut aussi être Mauresque ou Moresque) ;
- -(i)ate (Asiate, Bouriate, Croate, Dalmate, Éléate, Spartiate) ou plus souvent -(i)ote (Cairote, Chypriote ou Cypriote…) ;
- -ave (Moldave, Morave, Slave) ;
- -ène (Madrilène, Slovène, Tchétchène, Turkmène) ;
- -ite (Moscovite, Yéménite…) Modèle:Incise ;
- -r[consonne]e (Corse, Kurde, Perse, Serbe, Sarde — bien que -arde indique presque toujours un féminin, par exemple Savoyarde…) ;
- -(a)sque (Basque, Étrusque, Monégasque, Morisque, Osque…) ;
- -ste (Douarneniste, Pauliste) ;
- -sse (Biélorusse, Russe, Suisse — le féminin est parfois Suissesse<ref>Modèle:Lien web.</ref>),
ainsi que : Afrikaner et Boer, Arabe, Belge, Celte, Copte, Druze, Ouïghour (le féminin peut aussi être Ouïghoure), Rom ou Tzigane, Pied-noir.
Noms de métiers, fonctions et titres
Les noms de métiers, fonctions ou titres qui se terminent par une consonne suivie de -e muet au masculin (par exemple : athlète, cadre, diplomate, funambule, gendarme, interne, mime, modèle, pilote, porte-parole, responsable), ou par -que (domestique, énarque, scientifique) sont généralement épicènes. En particulier ceux qui se terminent par les suffixes suivants : Modèle:Col-début Modèle:Col-2
- d'origine latine :
- d'origine grecque :
Des noms qui étaient historiquement masculins sont devenus épicènes et sont maintenant utilisés par de nombreux journalistes au féminin (par exemple : une clown, une juge, une ministre, une torero) ainsi que le préconisaient plusieurs directives et guides de féminisation des noms de métiers en français publiés à partir de la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref>Modèle:Lien web, Modèle:Ouvrage.</ref>,<ref name="guideDF">Modèle:Ouvrage.</ref>. L’Académie française a vigoureusement protesté contre cette pratique<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Cependant, pour la première fois dans la neuvième édition de son dictionnaire Modèle:Incise, elle note par exemple : Modèle:Citation, sans information de genre (ce qui n'est pas le cas de gendarme, juge, ministre ou torero).
Évolution du féminin marqué vers l’épicène
Masculin générique
Traditionnellement, de nombreux noms masculins ne possèdent pas de formes correspondantes au féminin et s'emploient aussi bien pour des femmes, s'il y a lieu. Il ne s’agit pas alors d’épicènes, mais de masculins génériques. Cette évolution est apparue au fil des siècles, particulièrement au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, avec la création en 1634 de l'Académie française (non-mixte, composée exclusivement d'hommes), qui participe notamment à la disparition du mot « autrice » pour désigner le féminin d'« auteur », allant à l'encontre de l'usage qui différenciait bien les deux genres, et qui eut pour résultat la suppression du mot « autrice » dans les manuels de langue au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref>Modèle:Article.</ref>.
Des noms masculins sont parfois employés pour désigner des femmes lorsque le féminin, bien qu’attesté, est considéré par certains comme péjoratif ou dévalorisant : cuisinier, couturier, savant qui donne cuisinière, couturière, savante.
Autres noms avec suffixe grec désignant des personnes
Sont également épicènes les noms qui peuvent désigner des personnes et se terminent par les suffixes grecs suivants :
- -anthrope (philanthrope, misanthrope…) ;
- -crate (aristocrate, bureaucrate, démocrate…) ;
- -gène (aborigène, indigène) ;
- -mane Modèle:Incise ;
- -naute Modèle:Incise ;
- -pathe Modèle:Incise ;
- -phile Modèle:Incise ;
- -phobe Modèle:Incise.
Mots composés
De nombreux mots composés d'un verbe au présent et désignant des personnes sont épicènes : couche-tard, lèche-bottes, pince-sans-rire, pique-assiette, rabat-joie, va-nu-pieds…
Certains noms dont le genre grammatical est défini ont néanmoins une forme épicène lorsqu'ils sont employés :
- dans un nom composé Modèle:Incise ;
- en apposition Modèle:Incise.
Noms admettant l'usage des deux genres pour le même référent
Les rares noms de la langue française pour lesquels l'usage des deux genres est admis pour le même référent Modèle:Refnec, par exemple :
- un après-midi pluvieux ou une après-midi pluvieuse<ref>Modèle:Académie</ref> (composé à partir du substantif masculin midi)<ref group="N">Modèle:Ref necModèle:Passage non pertinent</ref> ;
- enzyme et ses dérivés apoenzyme, coenzyme, lysoenzyme… (plus souvent masculin mais plutôt féminin selon plusieurs décisions académiques<ref>Modèle:Lien web.</ref>) ;
- hymne (masculin, pouvant s'employer au féminin<ref>Modèle:Académie.</ref>) ;
- pop (féminin, parfois masculin<ref>Modèle:Académie.</ref>) ;
- réglisse (féminin, pouvant s'employer au masculin<ref>Modèle:Académie.</ref>) ;
- Covid-19 (féminin ou masculin selon l'usage<ref>https://dictionnaire.orthodidacte.com/article/definition-covid-19</ref> ; l'Académie française analyse les causes de ce flottement, en prend acte, mais recommande et justifie l'emploi du féminin, celui du masculin étant vu comme installé mais fautif<ref>https://www.academie-francaise.fr/le-covid-19-ou-la-covid-19</ref>).
Pronoms
Sont épicènes :
- les pronoms personnels de la première et de la deuxième personne du singulier et du pluriel : je, j’, me, m’, moi, tu, te, t’, toi, nous, vous.
- Pour la troisième personne du singulier et du pluriel, tandis que les pronoms personnels ayant fonction de sujet sont différenciés (elle(s) / il(s)), certains pronoms personnels compléments sont épicènes : se, s’, soi, l’, les, leur, ainsi que lui en situation de complément d'objet indirect précédant le verbe<ref>Modèle:CNRTL</ref>, ou encore en et y.
- Exemples :
- Elles Modèle:Soulignerentraident, ils Modèle:Soulignerentraident. Elle me demande de Modèle:Soulignerécouter et de Modèle:Souligner répondre, il me demande de Modèle:Soulignerécouter et de Modèle:Souligner répondre.
- Des amies, j’Modèle:Souligner ai peu ; des amis, j’Modèle:Souligner ai peu. C'est mon amie, j’Modèle:Souligner suis attaché ; c'est mon ami, j’Modèle:Souligner suis attaché ;
- les pronoms relatifs : dont, où, que, qui (invariables en genre et en nombre, à la différence des formes composées : lequel, laquelle, lesquels, lesquelles, auquel, à laquelle, auxquels, auxquelles, duquel, de laquelle, desquels, desquelles).
- Exemples : Celle Modèle:Souligner je parle, celui Modèle:Souligner je parle. La ville Modèle:Souligner j'habite, dans le pays Modèle:Souligner je vis. La / le thérapeute Modèle:Souligner je consulte. Des hyènes Modèle:Souligner hurlent et des lions Modèle:Souligner rugissent ;
- les pronoms possessifs pluriels de la première, de la deuxième et de la troisième personnes du pluriel : les nôtres, les vôtres, les leurs.
- Exemples : Ces ancêtres sont Modèle:Souligner. Mes cousines sont aussi Modèle:Souligner, mes cousins sont aussi Modèle:Souligner. Les amies qui sont Modèle:Souligner, les amis qui sont Modèle:Souligner ;
- certains pronoms indéfinis : autre(s), autrui, on, personne, plusieurs, qui, quiconque… ainsi que les locutions pronominales indéfinies n’importe qui, qui que ce soit, quelque personne que ce soit.
Application en littérature
Dans son premier roman Sphinx, publié en 1986, Anne F. Garréta recourt à des mots et tournures syntaxiques épicènes pour se référer aux deux protagonistes, de sorte que leur identité de genre Modèle:Incise soit indéfinissable. Cette contrainte constitue une prouesse stylistique en français<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref>Modèle:Article.</ref>.
En 2018, la romancière belge Amélie Nothomb a publié un roman intitulé Les Prénoms épicènes.
Autres langues
Modèle:Section vide ou incomplète Le hongrois, le basque et le turc font partie des langues sans genre.
En persan, il n'existe pas de genre pour les noms, les pronoms et les adjectifs.
Dans plusieurs langues construites, comme l’espéranto et le pandunia, le genre grammatical n’est pas marqué sur la plupart des mots. Par exemple, ceux indiquant une profession sont neutres sémantiquement<ref>Modèle:Lien web.</ref>.
En anglais, le genre féminin ou masculin ne concerne pratiquement que le pronom personnel sujet, complément, réfléchi ou possessif et l'adjectif possessif de la troisième personne du singulier (respectivement : she / he, her / him, herself / himself, hers / his et her / his). En outre, il existe un pronom personnel sujet ou complément, un pronom personnel réfléchi et un adjectif possessif épicènes : one, oneself et one's.
Notes et références
Notes
Références
Voir aussi
Bibliographie
Ouvrages
Articles
Articles connexes
- Liste de mots à double genre
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- Genre grammatical
- Langue sans genre
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- Féminisation des noms de métiers en français
- Québécisme
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