Robert-François Damiens
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Modèle:Infobox Biographie2 Robert François Damiens, né le Modèle:Date de naissance à La Thieuloye, près d'Arras (Pas-de-Calais) et exécuté le Modèle:Date de décès à Paris, condamné par la Justice pour avoir tenté d'assassiner le roi Louis XV, fut la dernière personne, en France, à subir l'écartèlement, supplice réservé au régicide sous l'Ancien Régime<ref>L'Ancienne France. La Justice et les tribunaux. Impôts, monnaies et finances, t. 9, Paris, Firmin-Didot, 1888, Modèle:P.79 sv.. – En ligne sur Gallica.</ref>.
Biographie
Robert François Damiens est originaire d'une famille nombreuse de l'Artois, le huitième de dix enfants. Son père, fermier ruiné car ayant mal géré son domaine, devient travailleur journalier agricole, puis gardien de prison. Sa mère meurt lorsqu'il a seize ans ; il est alors élevé par un oncle à Béthune. Enfant turbulent, ses frères et sœurs le surnomment « Robert le Diable »<ref name="Bellemare">Modèle:Ouvrage.</ref>.
Contrairement à ce qu'affirme Voltaire, Damiens n'a jamais été soldat, mais il a servi un militaire qu'il avait suivi en Saint-Empire lors du siège de Philippsbourg en 1734. Traumatisé par l'expérience, il devient valet à Louis-le-Grand, collège de jésuites situé à Paris. Il doit bientôt quitter l'établissement, car il s'est marié, et la règle impose aux valets le célibat. Il sert alors comme domestique chez de nombreux conseillers du Parlement de Paris, dont certains, au nombre desquels le comte de La Bourdonnais et Bèze de Lys<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, comptent parmi les plus virulents contre le roi.
Damiens est grand, mince et brun. Il a un nez aquilin et le visage marqué de petite vérole<ref name="Perrault">Modèle:Ouvrage</ref>. Il forme avec sa femme, cuisinière, et sa fille unique, apprentie couturière, une famille unie, et il doit lutter, au fil de ses emplois, pour ne pas trop s'éloigner d'elles. Il passe beaucoup de temps au palais de Justice, s'enquérant des nouvelles et faisant le coursier pour tel ou tel magistrat, ou la mouche (le mouchard, l'indicateur) pour la police<ref>Robert Muchembled, Les Ripoux des Lumières, Paris, Modèle:Abrd le Seuil, 2011.</ref>. En ces temps de conflit entre le Parlement et le roi, Damiens vit au cœur de l'opposition parlementaire. D'une piété fervente, il tient des discours religieux exaltés, notamment au cours de ses beuveries<ref name="Bellemare"/>.
En Modèle:Date-, il se réfugie chez sa famille à Arras après avoir volé 240 louis à son dernier maître<ref name="Bellemare"/>.
L'attentat
Le mercredi Modèle:Date, alors que la cour en effectif réduit est au Grand Trianon plus facile à chauffer que Versailles et que la famille royale s'apprête, ironie de l'histoire, à « tirer les rois », Louis XV rend visite à sa fille, Madame Victoire, qui est restée alitée au château de Versailles. Damiens loue épée et chapeau dans une boutique sur la place d'armes devant le château, entre au palais de Versailles, parmi les milliers de personnes qui essayent d'obtenir des audiences royales<ref>Alain Baraton, Vice et Versailles. Crimes, trahisons et autres empoisonnements au palais du Roi-Soleil, Grasset, 2011, 208 p.</ref>. Vers 18 heures, alors qu'il fait nuit, Louis XV va regagner son carrosse, Damiens fend la haie des gardes, le chapeau sur la tête, frappe le roi et recule par la trouée qu'il a pratiquée. Louis XV croit d'abord à un coup de poing, puis trouve son côté ensanglanté. Le dauphin et ses compagnons maîtrisent Damiens qu'ils remettent aux gardes alors que le roi s'écrie : « Qu'on l'arrête et qu'on ne lui fasse pas de mal ! ». Le roi retourne à sa chambre et, se croyant moribond, demande un confesseur et l'extrême onction<ref name="Perrault"/>.
L'arme du crime est un canif à deux lames rétractables acheté chez une marchande de quincaillerie, trouvé dans la poche de Damiens. Celle qui a frappé le roi mesure Modèle:Unité. La blessure, située du côté droit, se trouve entre les Modèle:4e et Modèle:5e. Les nombreuses couches de vêtements, notamment celles en soie et en velours, nécessaires à cause de l'hiver rigoureux, ont amorti la plus grande force du coup. La Martinière, premier chirurgien, sonde la blessure : aucun organe n'est atteint. Il s'agit donc d'une blessure sans gravité, à moins que la lame n'ait été empoisonnée préalablement, ce qui n'est pas le cas. Le roi, cependant, restera cloîtré dans sa chambre pendant dix jours. Impopulaire depuis une dizaine d'années, il est prêt à changer d'attitude en marquant plus de dévotion, en renonçant à ses maîtresses et en préparant le dauphin à sa succession<ref>1757 Attentat de Damiens contre Louis XV</ref>. Un courtisan se précipite auprès de l'assassin que l'on a traîné jusqu'à la salle des gardes. Interrogé sur de possibles complicités, l'homme s'écrie : « Non, sur mon âme, je jure que non<ref name="Bellemare"/> ! »
Damiens, alors que les gardes lui tenaillent les pieds avec des pincettes rougies au feu, s'écrie : « Qu'on prenne garde à M. le Dauphin ! » pour faire cesser la torture. Le garde des sceaux, Machaut d'Arnouville, arrivé peu de temps après, ordonne qu'on mette un gros fagot dans le feu et qu'on l'y jette. Il est interrompu par l'arrivée du grand prévôt de l'hôtel, qui prend en charge le prisonnier<ref name="Lever">Évelyne Lever, « L'attentat de Damiens », émission Au cœur de l'histoire sur Europe 1, 23 octobre 2012.</ref>.
L'instruction
À Paris, l'agitation est grande. On accuse d'abord les AnglaisModèle:Refsou, ensuite les jésuites ou les jansénistes actifs dans les milieux parlementaires<ref name="Perrault"/>. Louis XV déclare tout de suite qu'il pardonne. Il aurait sans doute préféré une peine symbolique pour une blessure bénigne, mais ce genre de décision ne lui revenait pas personnellement. Légalement, le crime de Damiens relève de la prévôté de l'Hôtel du roi, chargée de la police dans les résidences royales. Les premiers conseils tenus par le dauphin évoquent une commission de conseillers d'État et de maîtres des requêtes. Mais des tractations secrètes entre le Parlement de Paris et le roi permettent au premier d'être finalement chargé de l'instruction qu'il mène dans le plus grand secret.
Le Modèle:Date, des lettres patentes ordonnent donc que Damiens soit jugé par la grande chambre du Parlement, au lieu de la Tournelle, salle ordinaire des audiences criminelles. Le chef d'accusation de cette justice d'exception est le régicide. Louis XV précise en préambule :
La torture, le procès, la sentence
Dans la nuit du Modèle:Date au Modèle:Date, Damiens est transféré de Versailles à la Conciergerie à Paris, là où Ravaillac avait été enfermé. Il est torturé, attaché sur son lit par un assemblage inouï de courroies de cuir qui lui tiennent chaque membre et sont retenues par des anneaux scellés au plancher. Mais les deux médecins qui s'assurent de sa santé obtiennent des magistrats qu'il lui soit permis de se déplacer dans sa chambre et de marcher chaque jour.
Tandis que les magistrats instructeurs entendent le prisonnier dans le plus grand secret et font arrêter tous ses proches, tous également mis au secret, le procès s'ouvre à la Grand'chambre le Modèle:Date.
Dix audiences se passent, et Damiens n'est entendu que le Modèle:Date. Harcelé de questions interro-négatives (« s'il n'est pas vrai qu'il a dit que... », ou « s'il n'a pas dit que... ») ne lui permettant pas de s'exprimerModèle:Pas clair, il réussit tout de même à dire : Modèle:Citation.
Damiens est condamné pour régicide à Modèle:Citation, où il doit être Modèle:Citation puis, Modèle:Citation<ref>« Pièces originales et procédures du procès fait à Robert-François Damiens, 1757, Modèle:Abrd III, Modèle:P.372-374 », cité dans Michel Foucault, Surveiller et punir.</ref>.
Le Modèle:Date, la sentence est exécutée, dans des conditions particulièrement atroces. Les seize bourreaux venus de toute la France, sans réelle pratique de ce genre de torture, attachent quatre chevaux rétifs conduits par des cavaliers enivrés, probablement pour les besoins de la cause. Une foule immense assiste à ce spectacle ; les balcons des maisons de la place de Grève sont loués jusqu'à 100 livres (un homme se serait défenestré par accident, tuant deux personnes en tombant). Alors que des femmes du grand monde croient se faire bien voir du roi en trouvant plaisant le spectacle, la foule gronde car les exécuteurs, horrifiés, ne réussissent leur besogne qu'au bout de soixante reprises<ref name="Lever" />. En effet, l'homme est de constitution extrêmement robuste, et le supplice dure deux heures et quart, les bourreaux ayant l'interdiction des juges de couper d'abord les tendons des membres pour faciliter l'arrachement ; ils finissent toutefois par en obtenir l'autorisation, après consultation des médecins, et comme le jour s'achève<ref>Modèle:Lien web</ref>. La mort de Damiens survient seulement à la tombée de la nuit, à l'enlèvement du bras droit, le dernier membre. Une image qui hantera le jeune bourreau Charles-Henri Sanson, alors tout juste âgé de dix-huit ans<ref>Jean-Baptiste Raymond, Louis XIV et la société du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, 1843, Modèle:P.281-283.</ref> ; chargé d'assister son oncle Nicolas-Charles-Gabriel Sanson, il ne peut s'acquitter de cette tâche jusqu'au bout (tandis que son oncle cesse définitivement son activité à l'issue de cette exécution).
Après sa mort, sa maison natale est rasée avec interdiction de rebâtir. Sa femme, sa fille et son père sont bannis du royaume, sous peine de mort immédiate en cas de retour (le roi, par mansuétude, leur accorde toutefois une pension importante afin de leur épargner la misère), et le reste de sa famille est contraint de changer de nom. Plusieurs branches de la famille ont repris le nom de Damiens pendant la Révolution française.
Notes et références
Voir aussi
- Surveiller et punir (p. 9-12) s'ouvre sur la scène de torture de Robert-François Damiens, vue par l'officier Bouton, témoin supposé. Michel Foucault cite alors, comme l'indique la première note de l'ouvrage, Damien le régicide (1937) de A.L. Zevaes (p. 201-214).
Bibliographie
Sources primaires
- René-Louis de Voyer, marquis d'Argenson, « 1757 », dans Journal et mémoires du marquis d'Argenson. Tome neuvième, publiés par E.J.B. Rathery, Paris, Vve Jules Renouard, 1867, Modèle:P.377 sv. – en ligne sur Gallica.
- Edmond Jean François Barbier, « Année 1757 », dans Chronique de la régence et du règne de Louis XV (1718-1763), ou Journal de Barbier. t. 6 (1754-1757), Paris, Charpentier, 1866, Modèle:P.424 sv. – en ligne sur Gallica.
- Emmanuel de Croÿ-Solre, « Du Modèle:1er janvier au 28 mars 1757 », dans Journal inédit du duc de Croÿ (1718-1784). tome 1, introduction, notes et index par le vte de Grouchy et Paul Cottin, Paris, Flammarion, 1906, Modèle:P.362-404 (voir aussi le chapitre suivant). – en ligne sur Gallica.
- Précis historique, concernant Robert-François Damiens ; Avec les principales Pieces de la Procédure instruite contre lui & les Co-accusés. Extrait du recueil général, [S.l.], [s.n.], 1757. – en ligne sur le site de l'Université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées. – Rééd. accompagnée d'une table, sous le titre Pièces originales et procédures du procès, fait à Robert-François Damiens, tant en la Prévôté de l'Hôtel qu'en la Cour de Parlement, Paris, Pierre-Guillaume Simon, 1757. – en ligne sur Internet Archive.
- Henri-Clément Sanson (éd.), « François Damiens - Le procès - L'écartèlement », dans Sept générations d'exécuteurs, 1688-1847 : mémoires des Sanson. Tome deuxième, Paris, Dupray de La Mahérie, 1862, Modèle:P.275-355. – en ligne sur Gallica.
- Voltaire, « Attentat de Damiens sur la personne du roi », dans Œuvres complètes de Voltaire. Tome vingt-sixieme. Histoire du parlement de Paris, [S.l.], Société littéraire-typographique, 1784, Modèle:P.321-333. – en ligne sur E-rara.
Études et essais
- Modèle:Ouvrage.
- Modèle:Ouvrage, Modèle:Lire en ligne.
- Michel Antoine, Louis XV, Paris, Fayard, 1989 Modèle:ISBN.
- Modèle:Ouvrage.
- Berthe Thelliez, L'Homme qui poignarda Louis XV, Robert François Damiens, Paris, Tallandier, 2002.
- Claude Quétel, « On a voulu tuer Louis XV ! », L'Histoire Modèle:N°, janvier 2007, Modèle:P.23–24.
- Modèle:Chapitre.
- Michel Porret, « À la une de "Surveiller et punir" : l'anachronisme du supplice de Damiens », dans Michel Porret avec Marco Cicchini, Les sphères du pénal avec Michel Foucault : histoire et sociologie du droit de punir, Lausanne, Antipodes, 303 p.
Littérature
- Henri Béraud, Le Vitriol de Lune, Roman, Albin Michel, prix Goncourt 1922.
- Jacques Delaye, Louis XV et Damiens, Paris, Gallimard, 1986.
- Claire Fourier, Tombeau pour Damiens, La Journée sera rude, éd. du Canoë, mai 2018.
- Pierre Légier, « Vers sur le parricide de Damiens », dans Amusements poétiques, Orléans, Couret de Villeneuve, 1769, Modèle:Lire en ligne p. 6-8.
- Simon Hache, Hautes Œuvres - Petit traité d'humanisme à la française, éditions La Boîte à bulles, 2008.
- Shin’ichi Sakamoto, Innocent T. 3 & T. 4, Delcourt Manga.
Liens externes
- Modèle:Autorité
- Modèle:Dictionnaires
- Modèle:Bases
- première page de l'arrêt du Parlement contre Damiens sur le site du ministère de la Justice français.
- récit de l'affaire transcrit dans le registre paroissial de Javron (Mayenne).