Micromégas
Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Livre Micromégas : histoire philosophique est un conte philosophique de Voltaire paru en 1752. Sa première version pourrait avoir été écrite en 1738 ou 1739. Sacrifiant à la mode des voyages extraordinaires, il décrit la visite de la Terre par deux géants : Micromégas, venu d'une planète de Sirius, et le secrétaire de l'Académie de Saturne.
Micromégas est à la fois l'un des premiers contes philosophiques et l'un des ouvrages les plus représentatifs de l'esprit des Lumières, car il concentre des réflexions de critique sociale, religieuse, morale, philosophique et des éléments de réflexion sur l'homme, sans oublier l'aspect scientifique, primordial pour les Encyclopédistes. Il souligne la notion philosophique de relativisme. Il écarte comme vaine la spéculation métaphysique, lui préférant l'observation et l'expérimentation scientifiques.
Genèse
Contexte scientifique et philosophique
Durant la période classique, l'exigence critique et la passion de la découverte marquent une pause, sans disparaître complètement. Puis, à la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle et au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, les tendances novatrices reprennent leur élan. L'esprit d'examen progresse, les croyances traditionnelles sont critiquées. Tout doit être examiné à la lumière de la raison, pour en tirer des conclusions pratiques<ref>André Lagarde, Laurent Michard, Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, coll. « Textes et littérature », Bordas, 1961, Modèle:P.13.</ref>. Pris dans l'effervescence du développement des sciences, les philosophes se donnent un nouveau rôle : non seulement expliquer le monde, mais l'aider à progresser<ref name="ac-rouen fiche complém.">« Fiche complémentaire à l'étude de Micromégas », sur lettres.ac-rouen.fr.</ref>. Bayle et Fontenelle Modèle:Citation. Nombre de philosophes condamnent la métaphysique, estimant qu'il ne sert à rien de spéculer sur l'insaisissable<ref>Pierre-Georges Castex, Paul Surer, Manuel des études littéraires françaises : Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Hachette, 1949, Modèle:P.1.</ref>. Le métaphysicien est tourné en dérision — notamment par Voltaire<ref name="ac-rouen fiche complém."/>.
- Dès les années 1670, Leeuwenhoek et Hartsoeker perfectionnent des microscopes et se passionnent pour l'observation des êtres minuscules<ref>René Pomeau, in Voltaire, Micromégas, Zadig, Candide, Flammarion, 1994, Modèle:P.15.</ref>.
- En 1686, Fontenelle publie les Entretiens sur la pluralité des mondes, ouvrage d'astronomie vulgarisant les travaux de Descartes et de Copernic. Il manifeste son scepticisme à l'égard de la métaphysique et du merveilleux, sa foi dans la méthode scientifique. Il se moque de l'homme qui se croit au centre de l'univers, il affirme le relativisme<ref>André Lagarde, Laurent Michard, Modèle:Opcit, Modèle:P.26.</ref>.
- En 1687, Newton publie les Principes mathématiques de la philosophie naturelle, où il expose sa loi universelle de la gravitation. En une formule mathématique, il explique la mécanique céleste. C'est un profond bouleversement. Une nouvelle physique s'impose, dépouillée des préjugés, une physique autonome où religieux et métaphysiciens n'ont plus leur mot à dire<ref name="ac-rouen fiche complém."/>. Voltaire publie en 1738 les Éléments de la philosophie de Newton, et en 1740 la Métaphysique de Newton. De 1745 à 1749, la scientifique Émilie du Châtelet, compagne de Voltaire, traduit en français le livre de Newton<ref>La traduction est publiée en 1756, puis sous sa forme définitive en 1759. Claudine Hermann, « La traduction et les commentaires des Principia de Newton par Émilie du Châtelet », sur bibnum.education.fr, Modèle:P.6.</ref>.
- En 1689, le philosophe anglais Locke publie son Essai sur l'entendement humain, l'un des ouvrages fondateurs de l'empirisme<ref>« Résumé de : Essai sur l'entendement humain », sur les-philosophes.fr.</ref>. En évitant toute idée préconçue, en écartant les problèmes métaphysiques parce qu'insolubles, il tente de prouver, avec prudence et méthode, que les idées viennent de l'expérience et des faits<ref name="Petit Œuvres p 30 n 3">Roger Petit, in Voltaire, Œuvres philosophiques, coll. « Classiques Larousse », Larousse, 1934, Modèle:P.30, note 3.</ref>. Il rappelle ainsi la philosophie à l'exigence du concret<ref>Laffont, Bompiani, Le Nouveau Dictionnaire de tous les temps et de tous les pays, coll. « Bouquins », Bompiani, Laffont, 1994, Modèle:T.II, Modèle:P.2401.</ref>. Cet essai a une influence importante sur la pensée du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref name="Petit Œuvres p 30 n 3"/>, et notamment sur Voltaire<ref name="Van den Heuvel Voltaire dans contes p 80">Jacques Van den Heuvel, Voltaire dans ses contes : de Micromégas à L'Ingénu, sur books.google.fr, Armand Colin, 1967, Modèle:P.80.</ref>. Celui-ci fait l'éloge de Locke dans ses Lettres philosophiques<ref>Voltaire, Lettre XIII, « Sur M. Locke », Lettres philosophiques, sur ebooksgratuits.com, Modèle:P.19-25.</ref> (1734) et dans Micromégas.
- En 1732, Maupertuis répand les théories de Newton dans Discours sur les différentes figures des astres, ce qui lui vaut l'admiration de Voltaire<ref>Christiane Mervaud, « Maupertuis, Pierre Louis Moreau de », in Jean Goulemot, André Magnan, Didier Masseau (dir.), Inventaire Voltaire, coll. « Quarto », Gallimard, 1995, Modèle:P.905.</ref>. En 1736 et 1737, il mène une expédition en Laponie qui permet, en comparant les mesures de deux degrés de méridien (l'un en France, l'autre dans le grand nord), de confirmer une déduction de Newton : la terre est aplatie aux pôles<ref>Albane Cogné, Stéphane Blond, Gilles Montègre, Les Circulations internationales en Europe : 1680-1780, Atlande, 2011, Modèle:P.270.</ref>. Voltaire parle de ce voyage dans les Éléments de la philosophie de Newton, puis dans Micromégas.
- En 1734, Pope, dans son poème Essai sur l'homme, transpose la vision newtonienne de l'univers Modèle:Citation — une conception optimiste, car suggérant un homme libéré de la malédiction du péché originel<ref>Louis Lanoix, « Pope, poète des Lumières », sur persee.fr, dans Revue de la Société d'études anglo-américaines des {{#switch: XVIII
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}}, 1985, Actes 1985, Modèle:P.157 Modèle:Nobr.</ref>. Voltaire envisage un moment de traduire le poème, puis il imite Pope dans Discours en vers sur l'homme (1738)<ref name="Van den Heuvel Micromégas p 11-12">Jacques Van den Heuvel, in Voltaire, Micromégas, L'Ingénu, coll. « Folio classique », Gallimard, 1979, Modèle:P.11 et 12.</ref>.
Sources
La tradition du voyage extraordinaire connaît une vogue croissante au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, et se teinte déjà de philosophie. Et les progrès de l'astronomie et de la cosmographie favorisent l'essor, à la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle et au début du Modèle:S mini-, de la tradition du voyage interplanétaire<ref>Jacques Van den Heuvel, in Voltaire, Micromégas, L'Ingénu, Modèle:Opcit, Modèle:P.12.</ref>.
Livre très personnel, très original dans sa facture, Micromégas rappelle pourtant, dans ce qui concerne les affabulations, Les Voyages de Gulliver de Swift, paru en 1726. (Voltaire a rencontré Swift en Angleterre<ref name="Petit Contes p 86"/>.) Le conte fait penser aussi aux livres qui ont pu inspirer Swift : l'Histoire véritable de Lucien, le Roland furieux de l'Arioste, le Pantagruel et le Gargantua de Rabelais, l'Histoire comique des États et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac<ref name="Petit Contes p 86"/>.
Les thèmes abordés peuvent renvoyer à l'« Apologie de Raimond Sebond » de Montaigne (Essais, liv. II, chap. XII), à la Physique de Gassendi, aux « Deux Infinis » de Pascal (Pensées, chap. I), à l'Histoire comique des États et Empires de la Lune, mais surtout aux Entretiens sur la pluralité des mondes de Fontenelle — en dépit des taquineries dont le vieux philosophe est l'objet dans le conte<ref name="Petit Contes p 86">Roger Petit, in Voltaire, Contes, coll. « Classiques Larousse », Larousse, 1939, Modèle:T.I, Modèle:P.86.</ref>. Micromégas est placé sous le signe du système de Newton, de la méthode de Locke et de l'optimisme de Pope<ref name="Van den Heuvel Micromégas p 11-12"/>.
Composition
On ignore la date de la composition de Micromégas. On a longtemps cru qu'il avait été écrit vers 1750, c'est-à-dire après Zadig (1747) et avant Candide (1759). Mais en 1950 Ira Owen Wade fait le rapprochement avec un texte disparu dont il est question dans la correspondance de Voltaire<ref>Jean Goulemot, in Voltaire, Micromégas, coll. « Le Livre de poche - Libretti », Librairie générale française, 2000, Modèle:P.7.</ref>. Le Modèle:Date, celui-ci adresse au prince héritier Frédéric de Prusse ce qu'il appelle une Modèle:Citation : le Voyage du baron de Gangan. Le manuscrit est aujourd'hui perdu. D'après la réponse de Frédéric (Modèle:Nobr), il s'agit de l'histoire d'un voyageur céleste, où Voltaire rabaisse Modèle:Citation, où il réduit à sa juste valeur Modèle:Citation, où il abat Modèle:Citation<ref name="Caen Gangan">« Micromégas et Le Voyage du baron de Gangan », sur lettres.ac-rouen.fr.</ref>. Il pourrait bien s'agir du premier état de Micromégas<ref name="Caen Gangan"/>. D'ailleurs, on retrouve dans Micromégas l'enthousiasme pour les sciences du Voltaire de 1738, celui des Éléments de la philosophie de Newton<ref name="Caen Gangan"/>, qui dit : Modèle:Citation Et les événements évoqués dans le conte sont principalement de la période 1736-1738 (expédition en Laponie de Maupertuis, guerre russo-turque de 1735-1739)<ref name="Caen Gangan"/>. Écrit dans sa plus grande partie vers 1738-1739, quelque peu remanié vers 1750, Micromégas pourrait donc être le premier conte philosophique développé de Voltaire<ref>Jacques Van den Heuvel fait remarquer que Songe de Platon (1756) reflète les préoccupations de Voltaire en 1737, et qu'il pourrait avoir été écrit cette année-là. René Pomeau quant à lui se demande si ces trois pages, qui ne constituent pas un récit à épisodes, peuvent être considérées comme un conte. René Pomeau, Modèle:Opcit, Modèle:P.8, Modèle:Nobr.</ref>.
Publication
Les commentateurs ont des avis divers sur le lieu de publication.
En juillet 1750, Voltaire répond à l'invitation de son correspondant, le roi Frédéric de Prusse. Il se rend à Berlin. En février 1751, il fait porter à l'éditeur parisien Michel Lambert divers manuscrits, dont Micromégas. Le conte est imprimé. Prévenu de ce qu'il y est tourné en dérision, Fontenelle porte plainte. Voltaire renonce à la publication<ref name="Pomeau p 13">René Pomeau, Modèle:Opcit, Modèle:P.13.</ref>. Micromégas ne figure donc pas dans les onze volumes des Œuvres de Voltaire que Lambert publie en avril et Modèle:Date-<ref>René Pomeau, Modèle:Opcit, Modèle:P.11 et 12.</ref>.
Grangé, un autre libraire parisien, se procure le manuscrit (sans doute l'achète-t-il à Lambert), et tire une édition subreptice. Fontenelle intervient à nouveau, et les livres sont détruits. Un exemplaire épargné prend le chemin de l'Allemagne<ref name="Pomeau p 13"/>.
Micromégas ne paraît qu'en 1752, en trois éditions.
- Une première est revêtue de la mention « Londres, 1752 ». Elle comporte, en plus de Micromégas, une Histoire des croisades (un fragment de l'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations qui sera publié quatre ans plus tard).
- Une deuxième porte l'indication de lieu « À Londres », mais pas de date.
- Une troisième porte l'indication « À Londres, 1752 »<ref name="Pomeau p 12">René Pomeau, Modèle:Opcit, Modèle:P.12.</ref>.
En 1950, Ira Owen Wade établit une édition critique<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Ira Owen Wade, Voltaire's Micromégas, a study in the fusion of science, myth and art, Princeton University Press, 1950. Édition critique avec commentaire.</ref> à partir de ces trois éditions.
En 1966, Modèle:Lien apporte des vues nouvelles sur ces trois éditions<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Lien, Voltaire in Berlin. Zur Geschichte der bei G. C. Walther veröffentlichten Werke Voltaires, Berlin, Rütten und Loening, 1966.</ref>. Selon lui, elles n'auraient pas été publiées à Londres, mais en Allemagne, presque en même temps, en Modèle:Date-. René Pomeau, en 1994, le suit dans cette idée<ref name="Pomeau p 12"/>.
- L'édition qui comporte l'Histoire des croisades, édition que selon Pomeau Modèle:Citation, serait due à Mevius et Modèle:Lien, de Gotha. Ils l'auraient établie à partir de l'exemplaire Grangé sauvé de la destruction<ref name="Pomeau p 13"/>.
- Les deux autres éditions auraient été confiées par Voltaire (peut-être sous forme de manuscrit) à son éditeur habituel, Georg Conrad Walther<ref>« Georg Konrad Walther », sur data.bnf.fr.</ref>, à Dresde<ref name="Pomeau p 12"/>.
D'autres commentateurs ne prennent pas en compte cette thèse de Fontius agréée par Pomeau. Ainsi, en 2000, Jean Goulemot affirme que l'édition sans date de Londres Modèle:Citation, ajoutant que la critique l'Modèle:Citation<ref>Jean Goulemot, in Voltaire, Micromégas, Modèle:Opcit, Modèle:P.77, 79.</ref>. La Bibliothèque nationale de France estime pour sa part que cette édition sans date est l'Modèle:Citation<ref>« Le Micromégas de M. de Voltaire », sur catalogue.bnf.fr. On peut consulter cette édition en ligne : Le Micromégas de M. de Voltaire, sur gallica.bnf.fr.</ref>.
Résumé
Chapitre I
Micromégas est un géant de trente-neuf kilomètres de haut<ref name="Taille Micromégas">Modèle:Citation La lieue est variable selon les provinces. Elle doit être ici de Modèle:Unité. Un pas géométrique est égal à cinq pieds, soit Modèle:Nombre. Micromégas mesure donc Modèle:Nombre. Roger Petit, in Voltaire, Contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.87, note 4. — « Les mesures », sur lettres.ac-rouen.fr.</ref>, jeune savant doté d'environ mille sens et habitant une gigantesque planète de Sirius. À la suite de travaux d'entomologie contestés par un fanatique du clergé de sa planète, il est chassé de la cour. Il part alors en voyage dans l’univers Modèle:Citation.
À son arrivée sur Saturne, le géant sirien se moque d’abord de la petite taille des habitants, qui ne mesurent que deux kilomètres de haut. Il perd néanmoins ce sentiment de supériorité en s’apercevant Modèle:Citation. Il se lie d’amitié avec le secrétaire de l’Académie de Saturne, un Modèle:Citation à ses yeux.
Chapitre II
Micromégas et le nain discutent des différences entre leurs planètes. Cet échange permet de constater que le secrétaire est inférieur en tout à Micromégas. Néanmoins, il va suivre le Sirien dans sa quête philosophique, et se montrer bon compagnon de voyage.
Chapitre III
Ensemble, les deux philosophes visitent Jupiter pendant un an. Ils souhaitent publier un livre tiré de leurs observations sur cette planète. Mais les inquisiteurs en décident autrement. Micromégas et le nain poursuivent leur voyage. Ils dédaignent Mars, qui leur paraît trop petite. Ils débarquent alors sur la Terre.
Chapitre IV
Le nain considère un peu vite que cette planète est inhabitée. En fait, les hommes sont trop minuscules pour que ses yeux les détectent. Micromégas casse son collier de diamants. Le nain se rend compte que ces diamants font office de microscope. Ainsi les deux géants découvrent-ils une baleine, puis un bateau de philosophes revenant du cercle polaire.
Chapitre V
Micromégas saisit le bateau dans sa main. Il croit que c'est un animal. L'équipage prend peur, son agitation chatouille la main du géant. Celui-ci découvre alors les hommes.
Chapitre VI
Les voyageurs interstellaires entreprennent de communiquer avec les membres de l'expédition : contre toute attente, ces Modèle:Citation, ces Modèle:Citation se révèlent intelligents. Ils sont capables de mesurer les deux géants avec une grande précision. Ils connaissent les distances entre les planètes, ou le poids de l'air.
Chapitre VII
S’ils parlent fort bien de sciences, ces microbes, hélas, provoquent l'indignation des voyageurs lorsqu’ils évoquent les massacres auxquels certains de leurs semblables se livrent. Micromégas leur demande alors ce que c'est que leur âme, et comment ils forment leurs idées. Les philosophes ont tous des avis différents. Ils sont manifestement moins à l'aise sur ce terrain que sur celui des sciences. Micromégas démonte tour à tour leurs systèmes. Seul un disciple de Locke trouve grâce à ses yeux. Un docteur de Sorbonne intervient de manière fort impolie pour soutenir que l'univers entier a été créé par Dieu pour les hommes, ce qui provoque l'hilarité des deux géants.
Micromégas et son compagnon laissent aux Terriens un livre qui doit leur permettre de voir Modèle:Citation, c'est-à-dire les causes finales, les raisons pour lesquelles les choses existent telles qu'elles sont<ref name="Rouen texte">« Texte intégral conforme à l'édition de René Pomeau », sur lettres.ac-rouen.fr, § 7.9, note « bout des choses (le…) » (consulté le 24 mai 2019).</ref>. Les deux géants quittent ces petites créatures imbues d’elles-mêmes. Ils reprennent leur route interstellaire. Leur livre est porté à l'Académie des sciences, où le secrétaire découvre que le livre est Modèle:Citation, ce qui signifie que les causes finales nous échapperont toujours : voilà pourquoi Voltaire estime qu'il est vain de se poser des questions métaphysiques<ref name="Rouen texte"/>. Cette image d'un Modèle:Citation où Dieu aurait détaillé le Modèle:Citation, où il aurait précisé quelles étaient ses intentions en créant l'univers, Voltaire l'utilise également dans Zadig<ref>Modèle:Citation Voltaire, « Zadig », Zadig, Candide, Micromégas, sur gallica.bnf.fr, Paris, Marpon et Flammarion, sans date, Modèle:P.84.</ref>, et Diderot dans les Pensées sur l'interprétation de la nature<ref name="Pensées sur"/> et dans Jacques le Fataliste<ref>Modèle:Citation Denis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître, sur archive.org, Internet archive, 2020, Modèle:P.231.</ref>. L'image semble provenir d'Alexander Pope<ref>Modèle:Citation Alexander Pope, Essai sur l'homme, sur archive.org, Lausanne, Chapuis, 1762, Modèle:P.8.</ref>,<ref>Paolo Quintili, Modèle:Opcit, Modèle:P.79 et Modèle:Nobr.</ref>.
Personnages
- Micromégas est un jeune homme de beaucoup d'esprit, qui vit sur une planète de Sirius. Âgé de Modèle:Unité, il mesure huit lieues, soit près de Modèle:Unité<ref name="Taille Micromégas"/>. Il n'est pas exempt de défauts. Bien qu'il affirme ne mépriser personne<ref>Voltaire, Micromégas, Zadig, Candide, Modèle:Opcit, Modèle:P.60.</ref>, il ne peut réprimer un sourire de supériorité devant la petite taille de Saturne et de ses habitants<ref name="Micromégas Flammarion p 49"/>. Ancien enfant précoce<ref>Il devine 18 propositions d'Euclide de plus que Pascal enfant. Dans sa Vie de monsieur Pascal, Gilberte Périer écrit que son frère, passionné de géométrie, n’ayant encore que douze ans Modèle:Citation Gilberte Périer, citée par Charles-Augustin Sainte-Beuve, Port-Royal, Paris, Renduel, 1842, t. II, Modèle:P..</ref>, très savant, très observateur, Micromégas est passionné d'entomologie. Il écrit un livre sur les insectes qui lui attire les foudres du muphti. Depuis le Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, les perfectionnements apportés aux microscopes permettent de découvrir tout un monde nouveau. Le livre d'entomologie écrit par Micromégas fait songer aux Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, publiés de 1734 à 1742 par Réaumur, que Buffon méprisait<ref>Buffon aurait dit : Modèle:Citation L'Agrion de l'Oise, « Réaumur l'entomologiste », sur lagriondeloise.over-blog.com, 23 février 2014. Outre ce livre de Réaumur, on peut citer la Bible de la nature ou Histoire des insectes (1737-1738) de Jan Swammerdam ; la Théologie des insectes (1742) de Friedrich Christian Lesser, illustrée par Pierre Lyonnet ; l'Histoire naturelle des abeilles (1744) et l'Abrégé de l'histoire des insectes (1747-1751) de Gilles Augustin Bazin ; le Traité d'insectologie (1745) de Charles Bonnet.</ref>. Un des savants de l'expédition évoque les travaux de Swammerdam et de Réaumur<ref>Voltaire, Micromégas, Zadig, Candide, Modèle:Opcit, Modèle:P.62.</ref>. Le narrateur parle de Leuwenhoek et de Hartsoeker, qui ont observé des spermatozoïdes<ref>René Pomeau, Modèle:Opcit, Modèle:P., note 26.</ref>. Comme dans les autres contes de Voltaire, on reconnaît l'auteur à travers le personnage principal<ref>Pierre-Georges Castex, Paul Surer, Modèle:Opcit, Modèle:P.72.</ref>.
- Le muphti du pays de Micromégas, Modèle:Citation. Certains commentateurs voient dans ce personnage un ennemi de Voltaire, le théatin Jean-François Boyer, qui avait attaqué les Lettres philosophiques (parues en 1734)<ref name="Laffont p 4668">Laffont, Bompiani, Modèle:Opcit, Modèle:T.IV, Modèle:P.4668. — Modèle:Citation Note de l'édition de Kehl, in Œuvres complètes de Voltaire, sur books.google.fr, Paris, Armand-Aubrée, 1830, Modèle:T.XXXVI, Modèle:P.119.</ref>. Le muphti personnifie le religieux inculte et intolérant. Il se mêle, à grand renfort d'arguments spécieux, de juger et de faire condamner un livre d'entomologie, ce qui n'est ni de son ressort ni de sa compétence. La justice, lente, peu scrupuleuse, est à ses ordres<ref name="Micromégas Flammarion p 48"/>.
- Le secrétaire de l’Académie de Saturne, dit « le nain ». Pour Micromégas, il est un nain, car il ne mesure que mille toises, soit un peu moins de deux kilomètres. Homme de beaucoup d'esprit, il n'a certes rien inventé, mais il sait parler des inventions des autres. Moins intelligent que Micromégas, il partage avec lui le goût de la connaissance. Il juge parfois un peu vite, et il raisonne assez mal<ref>Voltaire, Micromégas, Zadig, Candide, Modèle:Opcit, Modèle:P.55.</ref>. Si Micromégas ressemble à Voltaire, le nain, qui est lui est inférieur en tout, est sans le moindre doute Fontenelle, longtemps secrétaire de l'Académie des sciences de Paris<ref>René Pomeau, Modèle:Opcit, Modèle:P., note 11.</ref> : dès qu'il se livre à des comparaisons entre brunes et blondes et la nature, le lecteur reconnaît en effet le style fleuri du « Premier soir » des Entretiens sur la pluralité des mondes<ref>Roger Petit, in Voltaire, Contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.85.</ref>. Voltaire a de l'admiration pour Fontenelle en tant que philosophe (il reprend dans Micromégas les idées des Entretiens), mais il n'apprécie guère son bel esprit<ref>Jacques Van den Heuvel, Voltaire dans ses contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.75, note 35.</ref>. Il reproche par ailleurs au vieux philosophe de s'être allié à ses ennemis<ref name="Laffont p 4668"/>. Voltaire se permet donc de petites moqueries : il juge pataude et mondaine la façon de vulgariser de Fontenelle, ne recule pas devant une allusion gaillarde<ref>René Pomeau, Modèle:Opcit, Modèle:P.259, note 27.</ref> et va jusqu'à prêter à Fontenelle des préjugés antiscientifiques que celui-ci a toujours combattus<ref>Roger Petit, in Voltaire, Contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.86, 96, note 1.</ref>.
- La maîtresse du nain, jolie brune de petite taille : elle ne mesure pas plus de Modèle:Unité (Modèle:Unité). Elle pleure beaucoup le départ de son amant, et se console très vite dans les bras d'un autre.
- Les membres de l'expédition. Le lecteur reconnaît l'expédition en Laponie de Maupertuis, en 1736-1737<ref>René Pomeau, Modèle:Opcit, Modèle:P..</ref>. En effet, Micromégas et son compagnon arrivent sur le bord septentrional de la mer Baltique le Modèle:Nobr 1737, ce qui est très proche de la date de l'échouage en Westrobothnie<ref>La Westrobothnie, ou Botnie occidentale, Modèle:Citation Antoine-René de Voyer de Paulmy d'Argenson, André-Guillaume Contant d'Orville, Mélanges tirés d'une grande bibliothèque : de la lecture des livres français, sur books.google.fr, Modèle:T.XXVII, Paris, Moutard, 1786, Modèle:P.239.</ref> de Maupertuis, le Modèle:Date- de la même année<ref>Regnaud Outhier, Journal d'un voyage au nord, en 1736 et 1737, sur books.google.fr, Amsterdam, Löhner, 1746, Modèle:P.261.</ref>.
- Un physicien hardi et raisonneur. La précision de ses calculs fait l'admiration de Micromégas et de son compagnon.
- Un péripatéticien, le plus vieux des philosophes de l'expédition. Il cite Aristote en grec, bien qu'il ne comprenne pas le grec : Modèle:Citation
- Le disciple de Descartes. Il défend de façon caricaturale la théorie des Modèle:Citation, à laquelle s'oppose l'empirisme : les idées sont acquises par l'expérience<ref>André Lagarde, Laurent Michard, Modèle:Opcit, Modèle:P.139, note 16.</ref>.
- Le disciple de Malebranche, dont l'âme ne s'occupe de rien : Dieu prend toutes les décisions à sa place<ref name="Micromégas Flammarion p 65">Voltaire, Micromégas, Zadig, Candide, Modèle:Opcit, Modèle:P.65.</ref>. C'est la « vision en Dieu<ref>René Pomeau, Modèle:Opcit, Modèle:P., note 35.</ref> », le panthéisme de Malebranche<ref>Roger Petit, in Voltaire, Contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.105, note 2. — Voltaire a déjà critiqué Malebranche dans la lettre XIII des Lettres philosophiques et, en 1744, dans la Courte réponse aux longs discours d'un docteur allemand. Selon René Pomeau (La Religion de Voltaire, Nizet, 1995), il va se rapprocher ensuite de Malebranche. Jean Goulemot, in Voltaire, Micromégas, Modèle:Opcit, Modèle:P.58, note 1.</ref>.
- Le disciple de Leibniz donne de son âme une définition particulièrement confuse, dont il estime qu'elle est claire. Il tente d'expliquer « l'harmonie préétablie » de Leibniz : il y a certes accord, mais sans communication, entre l'âme et le corps<ref>André Lagarde, Laurent Michard, Modèle:Opcit, Modèle:P.140, note 18.</ref>.
- Le Modèle:Citation de Locke est le seul, selon Micromégas, à parler de l'âme avec sagesse. Voltaire, dans sa Modèle:Nobr des Lettres philosophiques, a cité une phrase de Locke : Modèle:Citation Depuis, Voltaire ne cesse de revenir sur cette proposition qu'il a isolée de son contexte, la rendant plus audacieuse que Locke n'aurait voulu<ref>Roger Petit, in Voltaire, Œuvres philosophiques, Modèle:Opcit, Modèle:P.31, note 1.</ref>, la faisant concorder avec le matérialisme<ref>Roger Petit, in Voltaire, Contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.105, note 4.</ref>. Grand admirateur du philosophe anglais, Voltaire a contribué à lui tailler une réputation d'empiriste radical et de sensualiste<ref>Cédric Brun, « La Méthode simple et historique de Locke dans l'Essai et la Royal Society », sur philosophicalenquiries.com, Philosophical Enquiries - Revue des philosophies anglophones, no 3, décembre 2014, Modèle:P.90 et 91.</ref>. (Pour les sensualistes, la connaissance vient des sensations, les idées viennent des sens<ref>Jean Goulemot, in Voltaire, Micromégas, Modèle:Opcit, Modèle:P.19, note 1 ; Modèle:P.58, notes 4 et 5.</ref>.) À la suite de Locke, Voltaire tient à fixer des limites au champ d'investigation, pour ne pas tomber dans la métaphysique — mais sans prétendre limiter la puissance de Dieu.
- Modèle:Citation, autrement dit un docteur en théologie de la Sorbonne<ref name="Pomeau p 260 n 37">René Pomeau, Modèle:Opcit, Modèle:P., note 37.</ref>, en appelle à la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin. Ce dernier représente pour Voltaire l'orthodoxie scolastique<ref name="Petit Contes p 106 note 2">Roger Petit, in Voltaire, Contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.106, note 2.</ref>. Le docteur déchaîne l'hilarité de Micromégas et de son compagnon en soutenant que tous les mondes, tous les soleils, toutes les étoiles sont faits Modèle:Citation. Les progrès des connaissances scientifiques rendent caduque cette vision anthropocentrique<ref name="Pomeau p 260 n 37"/>. Voltaire souligne ainsi le poids de préjugés hérités du Moyen Âge<ref name="Petit Contes p 106 note 2"/>.
Forme
Le livre brille par la pureté du style et par un esprit rusé, mordant, malicieux. Tapi derrière le masque de l'ingénuité, Voltaire peut, en quelques lignes, faire s'effondrer tout un système de pensée<ref name="Laffont p 4669">Laffont, Bompiani, Modèle:Opcit, Modèle:T.IV, Modèle:P.4669.</ref>.
Néanmoins le récit a un caractère un peu abstrait. La narration s'efface au profit des dialogues. Il est trop évident que l'auteur cherche à répandre des idées plus qu'à faire vivre des personnages. Ce défaut sera gommé dans Zadig et Candide<ref name="Laffont p 4669"/>.
Thèmes principaux
Micromégas est un conte philosophique. Sous le couvert du divertissement, il se propose donc de dénoncer les maux dont souffre la société (préjugés, obscurantisme, fanatisme, bellicisme) au profit des idées des Lumières (raison, tolérance, foi dans le progrès, esprit d'observation et d'expérimentation). Léger, fantaisiste, plein d'ironie, Micromégas est un méli-mélo où l'on trouve du fantastique dans la tradition de Rabelais, de Cyrano de Bergerac et de Swift, mais aussi l'écho des dernières avancées scientifiques, des règlements de compte, une méthode d'investigation, une critique des systèmes philosophiques traditionnels… Il contient deux thèmes que l'on retrouvera dans Zadig et Candide : Modèle:Citation et Modèle:Citation<ref>René Pomeau, Modèle:Opcit, p. 7 et 8.</ref>.
Le thème qui donne son unité au récit est le relativisme<ref>André Lagarde, Laurent Michard, Modèle:Opcit, Modèle:P.130.</ref>.
Point de vue de Sirius
Le docteur de Sorbonne défend la thèse anthropocentrique (l'homme est le centre de l'univers), combattue depuis le Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle par le mouvement libertin, puis philosophique<ref>Jean Goulemot, in Voltaire, Micromégas, Modèle:Opcit, Modèle:P.59, note 1.</ref>. Voltaire répond à cette façon de voir en inversant le procédé de Swift. Ce n'est plus un humain qui s'en va dans un pays mystérieux observer des êtres étranges ; c'est un être venu d'ailleurs qui porte un regard étonné sur des êtres étranges : les humains<ref>Jean Goulemot, in Voltaire, Micromégas, Modèle:Opcit, Modèle:P.14 et 15.</ref>.
Voltaire estime que ceux qui jugent d'après un point de vue particulier ont toutes les chances de tomber dans l'erreur<ref name="Van den Heuvel Voltaire dans contes p 80"/>. Mieux vaut toucher à l'universel. Il se propose donc, dès le Traité de Métaphysique (paru en 1734, c'est-à-dire après les Éléments de la philosophie de Newton et avant Micromégas), de prendre de la hauteur : Modèle:Citation C’est le procédé de l’œil neuf, déjà employé par Montesquieu dans ses Lettres persanes. On l'appelle aussi le « point de vue de Sirius ». Cette expression pourrait d'ailleurs, selon Pierre Hadot, venir de Micromégas (même si Voltaire ne l'emploie pas dans le conte)<ref>Pierre Hadot, N'oublie pas de vivre : Goethe et la tradition des exercices spirituels, sur books.google.fr, coll. « Bibliothèque Idées », Paris, Albin Michel, 2008, Modèle:P.85 et 86.</ref>.
Relativisme
Le nom du personnage principal est composé de deux mots grecs : mikros (« petit ») et megas (« grand »). Chaque composant de l'univers est un micromégas<ref name="Beaumarchais">Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty, Dictionnaire des littératures de langue française, Larousse-Bordas/HER, 1999, Modèle:P.1282.</ref>, à la fois grand par rapport à plus petit que lui et petit par rapport à plus grand. Le livre est une leçon de relativisme<ref>Jean Goulemot, « Micromégas », in Jean Goulemot, André Magnan, Didier Masseau (dir.), Inventaire Voltaire, coll. « Quarto », Gallimard, 1995, Modèle:P.923.</ref> : le grand et le petit n'ont rien d'absolu. La croyance en un absolu fait naître des préjugés<ref>Roger Petit, in Voltaire, Contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.87, note 3.</ref>. À la fin du conte, Micromégas laisse aux hommes un livre qui doit leur permettre de voir Modèle:Citation. Ce livre est tout blanc, car le savoir n'est ni absolu ni définitif<ref>Jean Goulemot, in Voltaire, Micromégas, Modèle:Opcit, Modèle:P.23.</ref> : il n'épuisera jamais la réalité, il restera toujours relatif<ref name="Lagarde p 138">André Lagarde, Laurent Michard, Modèle:Opcit, Modèle:P.138.</ref>.
Système de Newton
Voltaire, au château de Cirey, se fait expliquer par Émilie du Châtelet les Principes mathématiques de la philosophie naturelle de Newton<ref>Marcelo Wesfreid, « Émilie du Châtelet, la lumière de Voltaire », sur lexpress.fr, 19 octobre 2012.</ref>. Il publie en 1738 les Éléments de la philosophie de Newton. C'est l'enthousiasme de ce livre qui s'exprime dans Micromégas.
Micromégas se sert, pour cheminer, des Modèle:Citation et de Modèle:Citation<ref name="Micromégas Flammarion p 48"/>. Les proportions entre les astres, les distances d'une planète à l'autre sont exactes<ref>Jacques Van den Heuvel, in Voltaire, Micromégas, L'Ingénu, Modèle:Opcit, Modèle:P.93 et 94.</ref>. Modèle:Citation
Rappel à l'exigence du concret
La science est valorisée dans Micromégas. Les deux géants, pleins de bon sens, sont avides de découvrir. Et les humains font leur admiration pour la précision de leurs connaissances scientifiques. Mais les systèmes philosophiques traditionnels sont tournés en dérision. Voltaire, comme Locke, juge vain de s'adonner à la spéculation métaphysique, qui n'aboutit à aucune certitude. Mieux vaut se consacrer à ce qui est à sa portée : observer et expérimenter<ref name="Lagarde p 138"/>. Dans une lettre, Voltaire dit : Modèle:Citation
La philosophie du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, et particulièrement celle de Voltaire, s'appuie sur l'expérience<ref>Roger Petit, in Voltaire, Contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.91, note 2.</ref>. Après s'être épuisés en conjectures, Modèle:Citation, Micromégas et le nain conviennent qu'il faut en Modèle:Citation. Et, plus tard, quand ils découvrent les hommes, le nain déclare : Modèle:Citation Micromégas et son compagnon accèdent donc lentement à la vérité<ref>Jacques Van den Heuvel, Voltaire dans ses contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.81.</ref>, par une Modèle:Citation. La « méthode des essais et des erreurs » de Locke devient ici méthode Modèle:Citation<ref name="Van den Heuvel Voltaire dans contes p 80"/>. Les deux géants vont peu à peu mettre au point la méthode d'observation idéale : en évitant de céder aux préjugés comme l'a d'abord fait le nain (il a conclu qu'il n'y avait personne sur terre, puisque ses yeux n'avaient décelé personne), elle combine les données fournies par les sens (Micromégas sent un picotement dans sa main) et celles obtenues grâce à la technique (un diamant lui sert de microscope)<ref>Jean Goulemot, in Voltaire, Micromégas, Modèle:Opcit, Modèle:P.20.</ref>.
Curiosité, tolérance
Chassé de la cour par l'obscurantisme et le fanatisme, Micromégas répond par la Modèle:Citation. Le Modèle:Citation va lui permettre d'observer, de questionner, de comparer<ref>Jean Goulemot, in Voltaire, Micromégas, Modèle:Opcit, Modèle:P.39, note 2.</ref>. En découvrant les mœurs d'autres vivants, il va se former à la tolérance.
Absurdité de la guerre
Voltaire a déjà condamné plusieurs fois la guerre, notamment à la fin de la première des Lettres philosophiques et dans sa correspondance avec Frédéric de Prusse<ref>Roger Petit, in Voltaire, Œuvres philosophiques, Modèle:Opcit, Modèle:P.19, note 2.</ref>. Il le fait dans Micromégas, en soulignant les enjeux dérisoires de conflits absurdes. Il le fera en 1759 dans Candide, et en 1764 dans le Dictionnaire philosophique (article « Guerre »). Il n'oublie pas de faire partager l'opprobre au clergé, puisque dans la première des Lettres philosophiques le massacre est salué d'actions de grâce, de cloches et d'orgues<ref>Lettre première, « Sur les quakers », Lettres sur les Anglais, in Œuvres complètes de Voltaire, sur books.google.fr, Paris, Furne, 1835, Modèle:T.V, Modèle:P.4.</ref>, puisque dans Micromégas Dieu est remercié solennellement<ref>Voltaire, Micromégas, Zadig, Candide, Modèle:Opcit, Modèle:P.63.</ref> et puisque dans Candide des Te Deum sont chantés dans les deux camps<ref>Voltaire, Micromégas, Zadig, Candide, Modèle:Opcit, Modèle:P.152.</ref>.
Misère de l'homme
Le Saturnien se lamente de ne pouvoir compter que sur Modèle:Unité d'espérance de vie. Micromégas l'appelle à relativiser : sur certaines planètes, elle est Modèle:Unité plus longue, et certains trouvent encore moyen de s'en plaindre<ref>Voltaire, Micromégas, Zadig, Candide, Modèle:Opcit, Modèle:P.50 et 51.</ref>. Voltaire vise ici les auteurs qui insistent sur la misère de l'homme : Sénèque, Montaigne, Bossuet, Pascal<ref>Roger Petit, in Voltaire, Contes, Modèle:Opcit, Modèle:P.91, note 3.</ref>.
Rappel à l'humilité
Voltaire jette un regard consterné sur l'orgueil démesuré de ces êtres microscopiques, les humains, par rapport à leur place dans l'univers<ref name="Laffont p 4669"/>. Pascal a déjà rappelé l'homme à l'humilité, évoquant la Modèle:Citation entre l'homme et la nature. Mais il dramatisait : Modèle:Citation
L'homme est à sa place dans la nature
Alexander Pope, dans son poème Essai sur l'homme a rappelé à son tour l'homme à l'humilité. Mais il ne cède pas à l'angoisse et au vertige comme l'a fait Pascal<ref>Laffont, Bompiani, Modèle:Opcit, Modèle:T.II, Modèle:P.2456.</ref>. Grâce au système de Newton, l'univers s'explique, et devient rassurant<ref name="Van den Heuvel Micromégas p 11-12"/>. Et Voltaire, saisi par l'optimisme de Pope<ref name="Van den Heuvel Micromégas p 11-12"/>, a déjà répondu à Pascal dans les Lettres philosophiques : Modèle:Citation Le temps du pessimisme viendra plus tard pour Voltaire, avec le Poème sur le désastre de Lisbonne (1756). Pour Jacques Van den Heuvel, Micromégas Modèle:Citation.
Hommage
L'astéroïde (224617) Micromégas, découvert le 22 décembre 2005 par Jean-Claude Merlin, est nommé en l'honneur du conte<ref>Modèle:Lien web</ref>.
Notes et références
<references />
Pour approfondir
Bibliographie
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Ira Owen Wade, Voltaire's Micromégas, a study in the fusion of science, myth and art, Princeton University Press, 1950. Édition critique avec commentaire.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Lien, « The genesis of Voltaire's Micromégas », in French Studies, no 11, 1957, Modèle:P.1-15.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Lien, Voltaire in Berlin. Zur Geschichte der bei G. C. Walther veröffentlichten Werke Voltaires, Berlin, Rütten und Loening, 1966.
- Jacques Van den Heuvel, Voltaire dans ses contes : de Micromégas à L'Ingénu, Armand Colin, 1967.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Lien, « Voltaire's Micromégas (1739-1752): Composition and publication », Modern Language Quarterly, no 33, Modèle:Date-, Modèle:P.113-118.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Peter Lester Smith, « New Light on the Publication of Micromégas », Modern Philology, vol. 73, no 1, The University of Chicago Press, Modèle:Date-, Modèle:P.77-80.
- Ahmad Gunny, À propos de la date de composition de Micromégas, coll. « Studies on Voltaire and the Eighteenth Century », no 140, Oxford, Voltaire Foundation, 1975, Modèle:P.73-83.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} David Warner Smith, The Publication of Micromégas, coll. « Studies on Voltaire and the Eighteenth Century », no 219, Voltaire Foundation, 1983, Modèle:P.63-91.
- Robert Lowell Walters, « La métaphysique de Newton et les premiers contes de Voltaire », in Colloque 76, no 34, 1983, Modèle:P.155-171.
- Jean Macary, « Statut des personnages dans Micromégas et Candide », in Colloque 76, no 34, 1983, Modèle:P.173-183.
- Daniel Acke, « Micromégas », in Raymond Trousson, Jeroom Vercruysse et Jacques Lemaire (dir.), Dictionnaire Voltaire, Bruxelles, Espace de Libertés, 1994, Modèle:P.132 et 133.
- Jean Goulemot, « Micromégas », in Jean Goulemot, André Magnan, Didier Masseau (dir.), Inventaire Voltaire, coll. « Quarto », Gallimard, 1995, Modèle:P.922-924.
Articles connexes
- Entretiens sur la pluralité des mondes de Fontenelle
- Philosophiae naturalis principia mathematica de Newton
- Essai sur l'entendement humain de Locke
- Pierre Louis Moreau de Maupertuis
- Alexander Pope
- Les autres contes philosophiques de Voltaire :
Lien externe
Modèle:Icône audio Version audio de Micromégas.