Pierre Bonnard

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Modèle:En-tête label Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Artiste Pierre Bonnard, né le Modèle:Date à Fontenay-aux-Roses (Seine) et mort le Modèle:Date au Cannet (Alpes-Maritimes), est un peintre, décorateur, illustrateur, lithographe, graveur et sculpteur français.

Issu de la petite bourgeoisie, esprit à la fois modeste et indépendant, il se met très tôt à dessiner et à peindre. Il participe à la fondation du groupe postimpressionniste des nabis, qui entendent exalter les couleurs dans des formes simplifiées. Vénérant toutefois les impressionnistes, Bonnard va tracer son chemin personnel à l'écart des avant-gardes qui suivront : fauvisme, cubisme, surréalisme. Il produit énormément et connaît le succès dès le tournant du siècle. Grand voyageur amoureux de la nature, il se retire volontiers dans sa maison de Normandie mais découvre aussi la lumière du Midi : gardant un pied à Paris, il s'installe en 1927 au Cannet, avec Marthe, sa compagne et son modèle durant près de cinquante ans.

Très actif dans les arts graphiques et décoratifs, tenté un temps par la sculpture, Pierre Bonnard est avant tout peintre. Observateur doué d'une grande mémoire visuelle et sensitive, il ne travaille qu'en atelier, privilégiant les genres classiques de la peinture figurative : paysage, marine, nature morte, portrait et nu féminin, qu'il combine aussi dans ses scènes d'intérieur. Ses sujets tirés de la vie quotidienne et sa façon de les traiter lui ont valu les étiquettes de « peintre du bonheur », « intimiste bourgeois » ou « dernier des impressionnistes ». Aussi la question a-t-elle été posée à sa mort : était-il un grand artiste, ou du moins un peintre moderne ?

Études et rétrospectives révèlent une œuvre plus complexe et novatrice qu'il n'y paraît : prééminence de la sensation sur le modèle, affirmation de la toile comme surface à travers la composition, maîtrise incomparable de la lumière et de la couleur Modèle:Incise. Indifférent aux critiques comme aux modes, peu porté aux spéculations sans être étranger aux débats esthétiques de son temps, Pierre Bonnard est un peintre passionné qui n'a cessé de réfléchir à sa pratique et à la façon de rendre vivante, selon ses propres termes, non la nature, mais la peinture même.

Biographie

Les photographies montrent de Bonnard son allure dégingandée, et un air comme étonné derrière les lunettes cerclées de métal. Son journal est avare de détails personnels mais l'homme se laisse entrevoir à travers sa correspondance et des témoignages auxquels s'ajoutent les souvenirs d'un neveu historien d'art et d'un petit-neveu spécialiste du postimpressionnisme, Antoine Terrasse. Doux, discret et solitaire mais de bonne compagnie, plein d'humour avec des accès de gaieté et d'enthousiasme juvéniles, Pierre Bonnard est également enclin à une certaine mélancolieModèle:Sfn. S'il se confie peu à ses proches, notamment sur sa relation complexe avec Marthe, il le fait à travers sa peintureModèle:Sfn.

Les années de jeunesse (1867-1887)

Pierre, Eugène, Frédéric<ref>Registre d'état civil des Hauts-de-Seine, Modèle:P./19</ref> Bonnard, né Modèle:Nobr de ChâtenayModèle:Note à Fontenay-aux-Roses, est le fils d'Eugène Bonnard (1837-1895), chef de bureau au ministère de la Guerre, et d'Élisabeth Mertzdorff (1840-1919). Il a un frère aîné, Charles (1864-1941), mais se sent plus proche de leur cadette, Andrée (1872-1923). Les informations, parcellairesModèle:Sfn, indiquent une enfance heureuse, et une vocation encouragée d'abord par les femmes de la famille, jusqu'à la rencontre avec les nabis.

Vie de famille

Photo en couleur d'une petite maison à un coin de rue, crépie de blanc et aux volets sombres.
La maison natale de Bonnard a peu changé hormis le chien-assis et la plaque commémorativeModèle:Sfn.
Tableau représentant des bosquets d'arbres sur fond de ciel bleu avec une prairie au premier plan.
Paysage du Dauphiné (v. 1888, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).

La vie de cette famille parisienne unie et ouverte est ponctuée de séjours à la campagne.

Fontenay, village de Modèle:Nombre où la culture maraîchère a chassé celle des roses, est sous le Second Empire relié à Paris par un tramway hippomobile : Eugène Bonnard s'y est installé pour partager sa vie entre ses livres et son jardin. Pourtant les Bonnard quittent dès 1870 Fontenay-aux-Roses, d'ailleurs évacué au moment du siège de ParisModèle:Sfn.

Peinture d'une tête d'homme brun et barbu, vue de trois quarts gauche.
Claude Terrasse vers 1895, par Renoir (huile sur toile, coll. privée).
Tableau étroit et haut représentant une femme et deux chiens sur fond de feuillage éparpillé.
Andrée Bonnard avec ses chiens (1890, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).

Il est difficile de savoir s'ils ont vécu ensuite dans une autre banlieue proche ou à Paris même, peut-être un temps rue de Parme chez la mère d'Élisabeth : le fait que celle-ci y mette au monde Andrée ne prouve pas qu'ils y aient résidé durablementModèle:Sfn. Caroline Mertzdorff, d'une famille alsacienne fixée à Paris, est très attachée à son petit-fils Pierre, qu'elle hébergera durant ses études et qui tiendrait d'elle son sens de la discrétion et de l'indépendanceModèle:Sfn.

Le grand-père paternel, Michel Bonnard, était agriculteur et marchand de grain dans le Dauphiné. Chaque été voit revenir la famille dans la demeure du Grand-Lemps, dont le vaste jardin jouxte une ferme où Pierre Bonnard enfant découvre les animauxModèle:Sfn. Adolescent, il trouve là du temps pour peindre ; adulte, il y retrouve les siens à la belle saison, jusqu'à la vente du « Clos » en 1928 : c'est pour lui comme un retour au paradis terrestreModèle:Sfn. Modèle:Citation

Le peintre s'inspire beaucoup du cercle familial. Sa mère n'aime pas poser et son père, bourgeois sévère, est amateur d'art mais préférerait une autre voie pour son fils : ils figurent peu sur ses tableaux, à l'inverse de sa grand-mère, de sa cousine Berthe Schaedlin (son premier amour), de sa sœur Andrée puis du mari et des enfants de celle-ci. Bonne pianiste, elle épouse en 1890 un professeur de musique, ami de Pierre, le futur compositeur d'opérettes Claude Terrasse<ref>Modèle:Lien web.</ref> ; offrant à Bonnard un véritable second foyer, ils sont d'emblée ses plus fervents admirateursModèle:Sfn.

Essor d'une vocation

La vocation précoce de Bonnard le conduit à une sorte de double vie : étudiant sage d'un côté, artiste en herbe de l'autre.

Écolier puis collégien à Vanves, il est mis en pension à dix ans, comme beaucoup de petits bourgeois de son temps, puis fréquente les lycées Louis-le-Grand et Charlemagne. C'est un très bon élève, épris de langues anciennes, de littérature classique et de philosophie. Bachelier en 1885, il rassure son père en s'inscrivant à la faculté de droitModèle:Sfn, où il obtient sa licence en 1888. Il prête serment d'avocat en 1889, mais s'il se rend chaque jour au prétoire, c'est plutôt pour y croquer les hommes de loiModèle:Sfn. Cette année-là il travaille à temps partiel chez un receveur de l'EnregistrementModèle:Note mais n'est pas reçu au concours d'entrée de cette administration fiscale, ce qui est pour lui un soulagementModèle:Sfn.

Portrait peint d'un jeune homme en buste, de face, brun avec des lunettes, vêtu de sombre avec un col dur, palette et pinceaux à la main.
Autoportrait (1889, huile sur bois, Modèle:Dunité, coll. privée).

Bonnard observe et dessine depuis qu'il est tout jeune, sans cesse, partout, des scènes saisies au vol. Un carnet d'esquisses de 1881 contient sa première aquarelle de la Seine à ParisModèle:Sfn. Les étés suivants il dessine autour du Grand-Lemps et jusqu'au lac de PaladruModèle:Sfn. De 1887 ou 1888 datent ses premières huiles, petits paysages du Dauphiné dans le genre de Corot, probablement peints en plein airModèle:Sfn comme il fait aussi à Chatou ou à BougivalModèle:Sfn.

Peinture dans les bruns et ocre représentant une tête de jeune homme de trois-quarts face, baissée, front dégarni, grand nez, longue barbe rousse.
Portrait d'Édouard Vuillard par Vallotton (1893, huile sur panneau, coll. privée).

Rétrospectivement, Bonnard relativise sa vocation par rapport à l'attrait de la bohèmeModèle:Sfn : Modèle:Citation. Art et liberté semblent pourtant aller de pair : Modèle:CitationModèle:Sfn.

Peut-être après un passage aux Arts décoratifs, Bonnard entre en 1886 aux Beaux-Arts, où il noue une amitié indéfectible avec Édouard Vuillard et Ker-Xavier RousselModèle:Sfn. Séduit par l'enseignement, assez large, il boude toutefois les cours et les séances au Louvre, échouant au concours du prix de Rome. Son attachement ultérieur à deux principes classiques Modèle:Incise a néanmoins pu être attribué à ce bref contact avec la tradition académiqueModèle:Sfn.

Pierre Bonnard préfère l'atmosphère de l'Académie Julian, école d'art privée où l'on travaille d'après modèles le nu et le portrait, sans obligation d'être assidu ni de rendre des travauxModèle:Sfn. Il y retrouve Maurice Denis, Paul Sérusier, Henri-Gabriel Ibels et Paul-Élie Ranson, pour d'ardentes discussions qui se prolongent au café et, le samedi, chez Ranson et sa femme. Bonnard écoute plus qu'il ne parle mais manie l'humour et le trait d'esprit. Tous rêvent de renouveler la peintureModèle:Sfn.

Bonnard et les nabis

Pierre Bonnard est de ceux qui créent le mouvement nabi en référence à l'art de Paul Gauguin.

En Modèle:Date-, Paul Sérusier, massier à l'académie Julian, revient de Bretagne, où il a peint sur le couvercle d'une boîte à cigare et sous la direction de Paul Gauguin L'Aven au bois d'amour : pour ses camarades qui ignorent tout des évolutions récentes en peinture, ce tableautin est une révélationModèle:Sfn et ils en font leur « talisman »Modèle:Note.

Tableau avec des femmes en noir et en coiffes blanches observant deux personnages en train de lutter à l'arrière-plan sur un fond rouge vif.
Bonnard est très frappé par la Vision après le sermon de Gauguin (1888, huile sur toile, Modèle:Dunité, Galerie nationale d'Écosse)Modèle:Sfn.

Sérusier, Bonnard, Denis, Ranson et Ibels fondent un groupe informel qui se baptise « nabi », d'un mot hébreu signifiant « initié » et « prophète ». « Prophètes » de l'art de Gauguin, dont ils admirent les œuvres chez Boussod et ValadonModèle:Note puis à l'exposition Volpini de 1889 ; « initiés » en ce qu'ils découvrent chez Durand-Ruel les grands impressionnistes méconnus de leurs professeurs, puis, dans la boutique du Père Tanguy par exemple, Cézanne et van GoghModèle:Sfn. Dès 1889 les premiers nabis sont rejoints par Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel, Félix Vallotton et d'autresModèle:Note, sans compter les visites d'Odilon Redon ou de Gauguin lui-mêmeModèle:Sfn.

Peinture avec personnages en uniformes colorés, les uns alignés au fond, les autres de dos au premier plan.
L'Exercice (1890, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).

Le mouvement nabi s'inscrit dans le symbolisme, qui vise à exprimer les mystères du monde, à retrouver la spiritualité dont l'auraient vidé un matérialisme étroit et, en art, le naturalisme. C'est ce que cherche Gauguin en exaltant les couleurs pour leur potentiel d'émotion et de réflexionModèle:Sfn. Ses œuvres confirment les nabis dans leurs principes : refus de copier servilement la nature, blocs de couleurs virulentes pas toujours réalistesModèle:Sfn, aplats gommant la profondeurModèle:Sfn, formes schématisées, cloisonnées par un traitModèle:Sfn.

Le groupe s'est offert un tableau de Gauguin que chacun emporte à tour de rôle, mais Bonnard l'oublie souvent : sa mémoire lui suffit et il n'a pas besoin d'icône chez luiModèle:Sfn. L'Exercice, peint au Modèle:Nobr pendant sa période militaireModèle:Note, est l'un de ses premiers essais pour jouer des couleurs vives en alignant avec humour sur trois plans des petits soldats aux contours bien marquésModèle:Sfn.

Lors des réunions en leur « temple », l'atelier de Ranson boulevard du Montparnasse, se profilent deux tendances : l'une spirituelle voire ésotérique, derrière le catholique Maurice Denis ; l'autre tournée vers la représentation de la vie moderne, incarnée par BonnardModèle:Sfn Modèle:Incise. Francis Jourdain et Octave Mirbeau ont témoigné de la profonde estime mutuelle qui soudait les nabis et de leur ouverture dénuée d'arroganceModèle:Sfn. Bonnard se distingue par son absence de prosélytisme, ayant selon le mot de son ami Thadée Natanson Modèle:CitationModèle:Sfn.

Le « nabi japonard »

Au sein du groupe, Bonnard est le plus influencé par l'art japonais.

Modèle:Double image

La vogue du japonisme, lancée au milieu du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle et culminant vers 1890, séduit les nabis par l'emploi de couleurs pures sans dégradés, le renouvellement de la perspectiveModèle:Sfn, un sujet saisi en plongée ou contre-plongée avec un horizon très bas ou très hautModèle:Sfn. Leur production s'élargit aux objets décoratifsModèle:Sfn : dès 1889 Bonnard réalise des paravents librement inspirés des motifs qu'il a pu découvrir dans la revue Le Japon artistique éditée par Siegfried BingModèle:Sfn.

Tableau représentant dans les verts et bruns quatre personnages avec des cannes au premier plan, à demi-masqués par la verdure, et au loin une ronde de jeunes filles.
La Partie de croquet (1892, huile sur toile, Modèle:Dunité, musée d'Orsay).

Au printemps suivant, l'exposition qu'organise Bing à l'École des beaux-arts est pour lui un choc esthétique. Il tapisse ses murs de reproductions d'Utamaro, Hokusai, Hiroshige, et d'images populaires sur papier de riz froissé, dont l'enchantent le travail sur les étoffes et la puissance évocatrice des couleurs, sans relief ni modelé : il a l'impression de quelque chose de savant mais de vivantModèle:Sfn. Il emprunte aux estampes, développe des arabesques sur des supports tout en hauteur inspirés des kakemonosModèle:Sfn : le jeune critique Félix Fénéon le surnomme « le nabi très japonard »Modèle:Sfn.

L'influence de Gauguin se sent encore dans La Partie de croquet (composition rappelant la Vision après le sermon, hiératisme des personnages de gauche, ronde des jeunes filles), mais les tissus évoquant des collages et l'absence de modelé tiennent de l'art japonaisModèle:Sfn.

Celui-ci marque davantage Femmes au jardin, paravent pour lequel Bonnard fait poser sa sœur et sa cousine en 1890, avant d'en séparer les panneaux : sur fond de motifs stylisés, les quatre figures féminines Modèle:Incise, vêtues de robes très graphiques, semblent dessinées d'un seul jet sinueux comme chez HokusaiModèle:Sfn. Les tissus en aplats, presque sans plis, sont la marque de Bonnard durant cette périodeModèle:Sfn. Quant aux Deux chiens jouant, destinés à un concours d'art décoratif en 1891, ils font penser à des laques japonaisesModèle:Sfn.


Vers la reconnaissance (1887-1900)

Au cours des dix ans d'existence du groupe nabi, Bonnard reste très lié à Vuillard par son besoin d'indépendance et sa méfiance envers les théoriesModèle:Sfn. Il s'associe souvent avec lui aux projets collectifs. Il se fait connaître par les arts graphiques et décoratifs, sans réprimer pour autant son admiration pour les impressionnistes ni son attirance pour des sujets intimistes, notamment après sa rencontre avec Marthe.

Travaux de groupe

Bonnard participe aux activités des nabis, dont il résume ainsi le fil rouge : Modèle:Citation.

Affiche sépia avec des lettres blanches et derrière, une femme en robe longue emmitouflée et chapeautée tenant une feuille, et un gamin des rues.
La Revue blanche (1894, lithographie, Modèle:Dunité, coll. privée).

Le Barc de Boutteville, leur jovial défenseur, expose les nabis avec d'autres peintres (Toulouse-Lautrec, Émile Bernard, Louis Anquetin…) de 1891 à 1896Modèle:Sfn. En 1897 et 1898, le marchand d'avant-garde Ambroise Vollard leur ouvre sa récente galerie de la rue Laffitte. En Modèle:Date- enfin, alors que le mouvement s'essouffle, Durand-Ruel les fait figurer avec Signac, Cross ou Rysselberghe autour d'Odilon RedonModèle:Sfn. Pour les nabis comme pour leurs contemporains anglais du mouvement Arts and Crafts, il faut en finir avec le clivage entre arts majeurs et mineurs, et faire entrer l'art dans le quotidien à travers les arts décoratifs, voire appliquésModèle:Sfn ; au sein des beaux-arts même doit s'instaurer un dialogue entre peinture, musique, poésie, théâtre.

Bonnard fait sienne cette quête Modèle:Citation. Il travaille d'abord gracieusement avec Denis et Vuillard pour le Théâtre-Libre d'AntoineModèle:Sfn. Dans la soupente de la rue Pigalle loge aussi Lugné-Poe qui, après avoir créé Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, s'installe en 1893 à la Maison de l'Œuvre : Pierre Bonnard dessine la vignette et Vuillard les programmes de ce théâtre où vont se jouer les pièces d'Henrik Ibsen ou August Strindberg. En Modèle:Date- c'est la première d'Ubu roi : Claude Terrasse a signé la musique, Bonnard a aidé Sérusier et Jarry pour les masques et les décors. Alfred Jarry redonne sa pièce Modèle:Nobr au « théâtricule » des Pantins, dans l'appartement des Terrasse rue Ballu : le compositeur accompagne au piano les marionnettes, confectionnées cette fois par son beau-frère à l'exception de celle d'Ubu. Bonnard, proche de Jarry, collaborera à L'Almanach du Père Ubu illustré (1901) et aux divers écrits d'Ambroise Vollard sur ce personnage littéraireModèle:Sfn.

Les nabis se retrouvent dans les intentions de La Revue blanche, mensuel artistique et littéraire que viennent de fonder les frères Natanson : intégrer tout ce qui se fait ou s'est fait pour développer sans combat sa personnalitéModèle:Sfn. Thadée Natanson a spécialement remarqué chez Le Barc de Boutteville et au Salon des indépendants les œuvres de Bonnard, devenant son premier collectionneurModèle:Sfn. Il lui confie la réalisation de l'affiche de 1894. Elle doit encore aux estampes japonaises, mais texte et image se mêlent de façon humoristique : ombre d'une chauve-souris, regard équivoque de la jeune femme, « l » pendant à son bras et « a » enroulé autour de sa jambeModèle:Sfn.

Le modèle en est sans doute Misia, l'épouse de Thadée Natanson, qui reçoit rue Saint-Florentin. Pianiste de talent d'une beauté un peu canaille, elle est l'égérie parfois cruelle des jeunes artistes et intellectuels des Modèle:NobrModèle:Note. Bonnard a laissé d'elle plusieurs dessins dont un nu, et continue à la peindre après son divorce de NatansonModèle:Sfn.

Arts graphiques

Bonnard commence à vivre de ses productions graphiques plus ou moins japonisantes.

Tableau en hauteur montrant en gros plan une femme en corsage à carreaux rouges et blancs, attablée avec un chat, l'air un peu désabusée.
Le Corsage à carreaux (1892, huile sur toile, Modèle:Dunité, Musée d'Orsay).
Affiche avec lettres noires sur fond jaune et dessin d'une femme souriante tenant une coupe dont la mousse envahit tout le bas de l'image.
France-Champagne (1891, lithographie, Modèle:Dunité, coll. privée).

Chaque année il prépare le Salon des indépendants. En 1891 il envoie L'Exercice, le portrait de sa sœur avec ses chiens, les Femmes au jardin, L'Après-midi au jardin qu'achète le peintre Henry Lerolle. Interviewé par L'Écho de Paris, Bonnard déclare avec assurance : Modèle:CitationModèle:Sfn L'année suivante, son envoi comporte entre autres La partie de croquet et Le corsage à carreaux, où il a peint Andrée d'un point de vue légèrement surplombantModèle:Sfn dans un vêtement qui semble une mosaïque posée à platModèle:Sfn.

Modèle:Nobr, Bonnard vend 100 francsModèle:Note à l'entreprise France-Champagne une affiche en trois couleurs placardée sur les murs de Paris. Malgré ses volutes très « fin de siècle », elle frappe alors par sa sobriété, comparée aux affiches d'un Jules Chéret ; la courbe du bras, la mousse débordante, le lettrage animé sont perçus comme des audaces joyeusesModèle:Sfn. Toulouse-Lautrec, admiratif, cherche à faire la connaissance de celui qui signe encore « PB » : Bonnard s'effacera bien volontiers devant son nouvel ami pour ce qui est de représenter la Goulue ou Valentin le Désossé pour le Moulin-Rouge. Dans l'immédiat, France-Champagne lui commande la couverture d'une « Valse de salon »Modèle:Sfn. Dès 1892 il prend un atelier rue des BatignollesModèle:Sfn.

De 1892 à 1893 il s'applique à illustrer Le Petit Solfège de son beau-frère. Suivent d'autres albums et des scènes amusantes inspirées par le couple Terrasse et leurs bébésModèle:Sfn. En outre, Modèle:Citation. Captivé par le ballet des bourgeois comme du peuple autour de la place de Clichy, il ne cesse d'en Modèle:Citation, selon le mot de Claude Roger-Marx en 1895Modèle:Sfn. Aux lithographies en deux tons de La Revue blanche succèdent celles, polychromes, des cahiers d'estampes édités par Vollard, où les nabis côtoient Edvard Munch ou Redon : ainsi en 1899 Quelques aspects de la vie de ParisModèle:Sfn.

Tous les genres de productions populaires ou usuelles intéressent Bonnard, qui tire des enseignements de chaque technique d'illustrationModèle:Sfn. Quand Durand-Ruel lui offre en Modèle:Nobr sa première exposition individuelle, il tient à montrer, en marge de cinquante toiles et dessins, plusieurs affiches et lithographies, le Solfège et deux paravents.

Marthe

En 1893, Pierre Bonnard s'éprend de celle qui restera son principal modèle et, malgré ses mystères, la femme de sa vie.

Tableau en couleur figurant une femme vêtue de noir contre une roue.
L'Omnibus (1895, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).

Probablement au Modèle:NobrModèle:Sfn, Bonnard ose aborder une jeune fille qui descend d'un tramway : séduit par sa grâce fragile, il lui demande de poser pour lui. Vendeuse dans une boutique de fleurs artificielles, elle lui dit avoir seize ans, s'appeler Marthe de Méligny et être une aristocrate orpheline. Le modèle devient vite la maîtresseModèle:Sfn.

Tableau en couleur figurant la croisée d'une fenêtre avec son bord et la vue des toits d'une ville.
La Fenêtre (1925, huile sur toile, Modèle:Dunité, Tate Modern).

C'est apparemment lorsqu'il l'épouse en Modèle:Date- que le peintre découvre qu'elle se nomme Maria Boursin, avait vingt-quatre ans au moment de leur rencontre, et est issue d'une modeste famille du Berry. À moins qu'il n'ait su et voulu protéger son secret, ce mensonge de trente-deux ans laisse supposer chez Marthe aussi bien une honte sociale viscérale qu'un goût pathologique de la dissimulationModèle:Sfn. Selon Olivier RenaultModèle:Note, Bonnard exprime de façon cryptée son bouleversement dans La Fenêtre : sa femme (sur le balcon) reste « Marthe » à l'extérieur ; à l'intérieur, un carton béant voisine (tel une boîte de Pandore) avec le roman Marie du Danois Peter Nansen, que Bonnard a illustré en 1897 en s'inspirant de sa compagneModèle:Note, et avec une feuille vierge où devra s'écrire la suite de leur histoireModèle:Sfn.

Cette relation aide Bonnard à oublier sa cousine Berthe, dissuadée semble-t-il par les siens d'accorder sa main à un artisteModèle:Sfn. Les convenances bourgeoises le retiennent longtemps de leur présenter sa concubine : les premières photos de Marthe chez les Bonnard datent de 1902Modèle:Sfn. La jeune femme tisse avec le peintre un lien obscur et exclusif, au risque de le couper de ses amis. Vallotton et Vuillard Modèle:Incise ne l'apprécient guèreModèle:Sfn. Natanson décrit une créature légère aux allures d'oiseau effarouché, à la voix aiguë mais sourde, aux poumons délicats : sa fragilité physique, voire psychiqueModèle:Note, est sans doute ce qui attache Bonnard et le pousse au dévouementModèle:Sfn. Marthe lui offre tantôt une présence discrète propice à la créationModèle:Sfn, tantôt l'image d'un érotisme sans artificeModèle:Sfn.

Dès 1893 le nu apparaît massivement dans son œuvre : si plusieurs tableaux reprennent le topos des bas noirs, La Baignade montre Marthe en nymphe dans un cadre de verdureModèle:Sfn, et dans L'Indolente elle gît alanguie sur un lit défaitModèle:Sfn. C'est à partir de Marthe que Bonnard crée Modèle:Citation récurrente dans sa peinture : corps juvénile et élancé, longues jambes, petits seins haut placésModèle:Sfn. Figurant sur quelque 140 tableaux et 700 dessins, en train de lire, de coudre ou à sa toiletteModèle:Sfn, la compagne de Bonnard a pu aussi lui inspirer des passantes comme celle de L'OmnibusModèle:Sfn.

Pour l'écrivain Alain Vircondelet, l'intrusion de Marthe dans sa vie révèle Bonnard aux dimensions majeures de son art, intimiste et lumineux. Pas besoin de séances de pose : Modèle:Citation et la peint de mémoire dans son décor et ses gestes quotidiens, par quoi elle semble incarner la simple plénitude du bonheur présentModèle:Sfn. Les commentateurs s'accordent à dire qu'avec Marthe il choisit la peintureModèle:Sfn. Isabelle Cahn et Guy CogevalModèle:Note sont plus sévères : si Bonnard prétextait peut-être la sensibilité de sa compagne pour s'éloigner du monde et se réfugier dans la peinture, elle lui a quand même Modèle:Citation Modèle:InciseModèle:Note.

La crise de 1895

Cet été marque pour Bonnard le tournant où Modèle:Citation.

Peinture à l'huile, deux femmes en noir à table avec deux jeunes enfants.
Le Repas des enfants (1895, huile sur carton monté sur bois, Modèle:Dunité, Metropolitan Museum of Art).

La fin du siècle voit décliner les courants du postimpressionnisme. Bonnard date de cette époque sa vraie découverte des grands peintres impressionnistes, à travers notamment le legs Caillebotte au musée du Luxembourg Modèle:NobrModèle:Sfn. Modèle:Citation, analyse-t-il plus tardModèle:Sfn, ajoutant : Modèle:Citation. Bonnard en apprend selon Watkins à utiliser la peinture en touches visibles et à se détacher de l'objet pour privilégier l'atmosphèreModèle:Sfn. Camille Pissarro lui trouve alors Modèle:Citation prometteurModèle:Sfn.

Dessin au crayon rouge figurant une femme nue allongée.
Le dessin ornant ce poème de Verlaine fait écho à L'IndolenteModèle:Sfn.

En novembre s'éteint Eugène Bonnard mais la famille continue à s'agrandir : Charles a trois enfants, Andrée cinqModèle:Note. À Paris, au Grand-Lemps où sa mère lui a ménagé un atelier, Pierre Bonnard peint des moments d'un quotidien paisible, groupant autour d'une lampe ou de sa grand-mère encore vivante les neveux qui le consolent de n'avoir pas d'enfantModèle:Sfn. L'organisation spatiale de ces scènes d'intérieur en clair-obscur lui vient entre autres de son compagnonnage avec Édouard Vuillard, au point que certaines de leurs toiles d'alors peuvent se confondreModèle:Sfn.

En 1897 Ambroise Vollard sollicite Bonnard pour une édition du recueil Parallèlement de Paul Verlaine. Prenant Marthe comme modèle, le peintre passe deux ans à mêler au texte 109 lithographies voluptueuses, tirées en rose sanguine pour, dit-il, Modèle:Citation. Le marchand d'art réitère l'expérience, malgré l'insuccès de cet ouvrage considéré depuis comme un des plus beaux livres de peintre du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècleModèle:Sfn : le Daphnis et Chloé de Longus sort en 1902 orné de 156 lithographies en bleu, gris ou noir, évoquant la Lesbos antique à partir de paysages du Dauphiné et de l'Île-de-FranceModèle:Sfn. Après Marie de Peter Nansen, Bonnard illustre Le Prométhée mal enchaîné d'André Gide (1899) et les Histoires naturelles de Jules Renard (1904).

En 1899 il a installé son atelier au pied de la butte Montmartre, 65 rue de DouaiModèle:Sfn. Modèle:Citation Admirateur de Rodin, il va s'essayer un court moment à la sculptureModèle:Note. Il s'adonne en outre à la photographie jusque vers 1916, réalisant quelque 200 clichés avec son appareil Kodak portatif, non dans un but artistique Modèle:Incise mais pour capter des instants de vie intime ou familiale pouvant servir à ses tableauxModèle:Sfn.

La maturité (1900-1930)

Pierre Bonnard se cherche de nouveaux horizons en France comme à l'étranger, et entretient des liaisons en marge de son union avec Marthe. Il se rapproche de la nature dans sa maison normande puis dans sa villa du Midi. Sa maturité artistique semble atteinte vers 1908 : les aplats nabis ne dominent plus, sa palette s'est éclaircie et il soigne la compositionModèle:Sfn. Juste avant la Première Guerre mondiale, il réinterroge ses rapports avec l'impressionnisme, redécouvrant la nécessité du dessin, mais en lien avec les couleurs. Les Modèle:Nobr lui apportent aisance et notoriété.

Le nomade

Pérégrinations

Dès 1900, pris d'une frénésie de voyages, Bonnard prend l'habitude de quitter Paris du printempsModèle:Sfn à l'automneModèle:Sfn.

DPeinture en couleur figurant, dans un décors coloré trois femmes dont l'une porte un perroquet.
La Femme au perroquet (1910) condense des visions du Maghreb et de la Côte d'AzurModèle:Sfn (huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).

En 1899 Bonnard et Vuillard sont allés à LondresModèle:Sfn, puis en Italie avec Ker-Xavier Roussel : Bonnard rapporte des croquis de Milan et VeniseModèle:Sfn. Au Modèle:Nobr, tous trois visitent en compagnie des princes Emmanuel et Antoine Bibesco Séville, Grenade, Cordoue, Tolède, Madrid. C'est en comparant au musée du Prado le Titien et Vélasquez que l'artiste a l'intuition de ce qui le guidera désormais : tâcher comme le maître vénitien de « se défendre » face au motif, pour le transformer en suivant l'idée qu'on s'en faitModèle:Sfn.

En 1905 et 1906, Misia, remariée avec le patron de presse Alfred Edwards, l'invite sur son yacht avec Maurice Ravel ou Pierre Laprade pour des croisières en mer du Nord : quelques dessins serviront à illustrer La 628-E8 d'Octave MirbeauModèle:Sfn. Bonnard reverra plusieurs fois les musées de Belgique, des Pays-Bas et de BerlinModèle:Sfn. En Modèle:Date-, il emmène Marthe un mois en Algérie et en Tunisie, où il trouve que Modèle:Citation coexistent mal. Au retour le couple passe par l'Italie, puis le peintre repart à Londres en compagnie de Vuillard et EdwardsModèle:Sfn.

Dans les Modèle:Nobr Bonnard va beaucoup en Normandie : Criquebeuf et Vasouy avec Vuillard, L'Étang-la-Ville chez Roussel, Varengeville-sur-Mer près de chez Vallotton, Colleville-sur-Mer, Honfleur, etc.

De 1904 date son premier séjour à Saint-Tropez, où il rencontre Paul Signac, qui lui reproche encore des couleurs ternes et un laisser-aller dans les formesModèle:Sfn. Suivent des séjours à Marseille, Toulon, Banyuls-sur-Mer chez MaillolModèle:Sfn. C'est en juin et Modèle:Date- que Bonnard, revenant à Saint-Tropez chez un ami Modèle:Incise, dit avoir éprouvé un éblouissement, Modèle:CitationModèle:Sfn. Dès lors, tous les hivers et parfois à d'autres saisons, il loue au moins un mois par an à Saint-Tropez, Antibes ou CannesModèle:Sfn.

Sans renoncer à l'étranger, Bonnard ne cesse plus de sillonner la France, de Wimereux à la Côte d'Azur, et d'Arcachon, où ont résidé les Terrasse, aux villes d'eau comme Uriage-les-Bains, où Marthe fait des curesModèle:Sfn. Il continue malgré les difficultés pendant la Première Guerre mondiale.

À près de Modèle:Nobr il a échappé à la mobilisation : réserviste, il n'est pas appeléModèle:Sfn,Modèle:Note. La guerre a épargné ses neveux et son entourage immédiat, mais l'Modèle:Nobr est marquée par la mort de sa mèreModèle:Sfn. Le double deuil qui le frappe en 1923 est pour lui plus terrible encore : Claude Terrasse meurt fin juin, et Andrée trois mois plus tardModèle:Sfn.

Ville et campagne, Nord et Sud
Tableau représentant une voiture et des personnages en train de marcher, avec à l'arrière-plan des immeubles sombres.
La place de Clichy vue de l'intérieur de la brasserie Wepler (1912, huile sur toile, Modèle:Dunité, musée de Besançon).

Le spectacle et l'air de Paris ne suffisent plus à Bonnard mais il ne s'éloigne jamais longtemps de son effervescenceModèle:Sfn.

De tous les nabis il était le plus fasciné par l'atmosphère des rues et des places parisiennes, montmartroisesModèle:Sfn. Modèle:Citation : cette dimension humaine le ramène en ville même s'il trouve difficile d'y travaillerModèle:Sfn.

Tableau représentant des arbres au crépuscule avec au premier plan une table et une femme assise dans l'herbe.
Marthe sur La Terrasse à Vernon (1923, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).

Il change souvent d'atelier et en sépare son habitation. Vers 1905, gardant comme logement la rue de Douai, il transfère son atelier en face, dans un ancien couventModèle:Sfn, et le conserve quand il emménage, en Modèle:Date-, au 49 rue LepicModèle:Sfn. Un an plus tard l'atelier est installé chez Misia, quai VoltaireModèle:Sfn, puis en Modèle:Date- à la cité d'artistes des Fusains, 22 rue Tourlaque : Bonnard s'en sert peu mais le gardera toute sa vieModèle:Sfn. En Modèle:Date- il se rapproche des Terrasse en allant habiter 56 rue MolitorModèle:Sfn ; après leur disparition, il quitte Auteuil pour le 48 du boulevard des BatignollesModèle:Sfn.

Dès 1900 Bonnard loue une maison à Montval, sur le coteau de Marly-le-Roi, et y retourne plusieurs années, aimant à faire poser Marthe dans le jardinModèle:Sfn. Ce seront ensuite, le long de la Seine, Médan, Villennes-sur-SeineModèle:Sfn, Vernouillet de 1907 à 1912Modèle:Sfn, Saint-Germain-en-Laye de 1912 à 1916Modèle:Sfn. Bonnard loue aussi à Vernonnet, sur la commune de Vernon, et y acquiert en 1912 la maisonnette qu'il nomme « Ma Roulotte ». Marthe a exigé une salle d'eau mais le confort reste sommaire. Pour le peintre compte le jardin luxuriant, et le balcon courant qui lui offre une vue panoramique sur le fleuve, où il aime canoter, et sur la campagne, où il se promène chaque matin quel que soit le tempsModèle:Sfn. Le couple a toujours choisi des maisons modestes, au début par nécessité, ensuite par rejet des bâtisses bourgeoisesModèle:Sfn, et n'y a jamais installé qu'un mobilier légerModèle:Sfn.

La révélation pour Bonnard de la lumière éclatante du Midi, estime l'historien d'art Georges RoqueModèle:Note, s'est érigée en un mythe qu'il a conforté lui-même, alors que la lumière changeante du Nord l'attirait au moins autantModèle:Sfn. Watkins, rappelant l'admiration de Bonnard pour Eugène BoudinModèle:Sfn, pense aussi que les ciels nuageux et les paysages verdoyants du Nord sont dans son art un complément nécessaire à la chaleur du Sud Modèle:Incise.

De fait, le peintre, sans exclure d'autres destinations, n'a plus cessé de se partager entre ces trois pôles : la Ville (Paris), le Nord (la Normandie) et le Sud (la Côte d'Azur). Il transportait ses toiles d'un endroit à l'autre roulées sur le toit de sa voitureModèle:Sfn.

Vies parallèles

Pierre Bonnard ne s'est pas épanché sur sa vie avec Marthe, apparemment tranquille : seule sa peinture offre peut-être quelques clés.

Tableau représentant à gauche d'un paravent replié une femme nue sur un lit avec des chatons, et à droite un homme nu debout.
L'Homme et la Femme (1900, huile sur toile, Modèle:Dunité, Musée d'Orsay).
Reflet dans un miroir d'un nu féminin en buste, traité en couleurs chaudes.
La Cheminée (1916, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).
Tableau très coloré représentant devant une table garnie de fruits une jeune femme blonde assise en buste, penchée et souriante, avec en bas à droite le visage coupé d'une autre, brune.
Jeunes femmes au jardin (Renée Monchaty et Marthe Bonnard) (1921-1946, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).

Bonnard s'habille avec une élégance de dandyModèle:Sfn mais ne s'intéresse guère à l'argent, confiant un temps la gestion de ses revenus aux frères Gaston et Josse Bernheim, qui l'exposent à la galerie Bernheim-Jeune depuis 1906Modèle:Sfn. S'il se réjouit de pouvoir s'acheter en 1912 sa première automobile Modèle:Incise et sa première maison, lui et Marthe vivent sans ostentation et n'ont personne à leur serviceModèle:Sfn. S'accommoder au quotidien d'une vaisselle dépareilléeModèle:Sfn n'empêchera pas le peintre, qui adore conduire, de rouler en Ford puis en Lorraine-Dietrich, ni de descendre en voyage dans de grands hôtelsModèle:Sfn.

Sa carrière l'oblige à une vie mondaineModèle:Sfn, mais son amour du calme et de la nature ainsi que la sauvagerie grandissante de sa compagne l'inclinent à garder ses distancesModèle:Sfn : un tableau comme La Loge s'attache ainsi moins aux portraits (les Bernheim à l'opéra de Paris) qu'à l'ambiance d'un lieu où s'exhibe l'opulenceModèle:Sfn.

Concernant leur vie privée, L'Homme et la Femme a souvent été interprété de façon dramatique, sachant que les modèles en sont précisément Marthe et Bonnard : le paravent dressé entre eux symboliserait la solitude qui naît parfois après le plaisir, chacun replongeant dans son Modèle:CitationModèle:Sfn. À l'inverse des tableaux d'un Edvard Munch, note Watkins, l'attitude de la femme jouant sur le lit avec des chatons n'exprime aucune culpabilitéModèle:Sfn. Olivier Renault, sensible à la rareté Modèle:Incise d'un autoportrait nu, décèle une certaine sérénité dans cette scène énigmatique, qui suggérerait simplement que l'amour n'est pas la fusionModèle:Sfn,Modèle:Note.

De 1916 à 1918, Bonnard a une liaison avec Lucienne Dupuy de Frenelle, épouse de son médecin de famille, dont il fait de nombreux portraitsModèle:Sfn. Dans la Cheminée, vue de face dans le miroir tandis qu'une psyché reflète un bout de son dos, elle dresse un buste sculpturalModèle:Note sous un tableau de Maurice Denis appartenant à Bonnard, une femme nue allongée, plus minceModèle:Sfn : au-delà de la mise en abyme, Renault pense là encore à un message codé, d'autant que le peintre montre volontiers, dans des scènes à la toilette, deux femmes ensemble dont parfois une seule nueModèle:Sfn.

Sans doute en quête de modèles plus en chair que Marthe, Bonnard s'adresse en 1916 à Renée Monchaty<ref>Bonnard et sa muse, une idylle artistique.</ref>, jeune artiste de 22 ans vivant avec le peintre américain Harry Lachman. Elle devient sa maîtresse, sans qu'il soit possible de savoir si Marthe était au courant, subissait ou consentait, voire s'il s'agissait d'un ménage à troisModèle:Sfn. Bonnard peint beaucoup la blonde Renée, qui l'accompagne deux semaines à Rome en Modèle:Nobr. Toutefois, loin de quitter Marthe, Pierre l'épouse le Modèle:Nobr : Renée se suicide Modèle:Nobr. Profondément bouleversé, Bonnard ne se séparera jamais de certaines toiles qu'elle lui avait inspiréesModèle:Sfn.

L'artiste

La crise de 1913

Entre 1913 et 1915, son ambivalence vis-à-vis de l'impressionnisme provoque chez Bonnard une crise plus profonde que celle des Modèle:Nobr car elle touche à Modèle:Citation.

Au début du siècle Bonnard se cherche encore : il élargit ses vues de Paris, ajoute les marines aux paysages, associe scènes intimistes, nus, natures mortesModèle:Sfn. Modèle:Citation, selon le mot d'Antoine Terrasse, il s'interroge avec Vuillard sur les défis de la modernitéModèle:Note. À l'époque où Pablo Picasso et Georges Braque lancent le précubisme, il développe Modèle:Incise un sens nouveau de la composition, Modèle:Citation selon luiModèle:Sfn : il découpe ses paysages en plans successifs, inaugure des cadrages de type photographiqueModèle:Sfn, imagine des intérieurs où un miroir occupe l'espace et médiatise la représentation des objetsModèle:Sfn. Toutefois il prend peu à peu conscience qu'il a pu négliger les formes au profit de la couleur.

Modèle:Citation : Bonnard réalise qu'à vouloir dépasser le naturalisme des couleurs, le risque est de voir l'objet se dissoudre dans celles-ci. Pourtant elles restent le seul moyen d'exalter la lumière et l'atmosphère, que la forme ne doit pas non plus étoufferModèle:Sfn.

Aussi revient-il au dessin, développant l'art du croquis jusqu'à y noter les variations de climat et d'ambianceModèle:Sfn. Lui qui ne peint plus jamais sur le motif a toujours en poche un agenda Modèle:Incise : les pages se couvrent d'observations sur ce qui l'entoure et le temps qu'il fait, ainsi que d'indications sur les effets de couleurs et de lumière à prévoir. Le code est précis : points pour les impacts de lumière, hachures pour les zones d'ombre, croix pour indiquer qu'il faudra trouver une teinte distincte proche de la couleur inscrite au crayon ou à l'encre. Rentré à l'atelier, Bonnard esquisse l'ensemble du tableau puis pose les couleurs à la fois de mémoire et dessin en main ou punaisé au mur. Son carnet devient une sorte de répertoire de formes et d'émotions remplaçant les étudesModèle:Sfn.

Décorateur en vogue

L'un des plus recherchés parmi les (anciens) nabis, Bonnard reçoit des commandes pour de vastes décors.

Tableau représentant un paysage luxuriant avec au premier plan des personnages allongés et une femme trayant une vache.
La Symphonie pastorale (1916, huile sur toile, Modèle:Dunité, Orsay).

Entre 1906 et 1910, il réalise pour Misia Edwards quatre grands panneaux dans le goût baroque de la « reine de Paris »Modèle:Sfn : Le Plaisir, L'Étude, Le Jeu et Le Voyage (ou Jeux d'eau)Modèle:Sfn. Le thème y compte moins que les variations sur une Arcadie mythiqueModèle:Sfn : enfants, baigneuses, nymphes, faunes et animaux folâtrent dans des paysages de fantaisie bordés de singes et de pies voleusesModèle:Sfn. Présentés au Salon d'automne, les panneaux sont installés lors d'une fête quai Voltaire où le Tout-Paris peut les voirModèle:Sfn.

Bonnard travaille aussi pour l'homme d'affaires Ivan Morozov, grand collectionneur d'art moderne. C'est d'abord, en 1911, un triptyque pour l'escalier de son hôtel particulier à Moscou : reprenant L'Allée peinte l'année précédente à Grasse, l'artiste l'encadre de deux autres panneaux à peine plus larges pour constituer Méditerranée. Cette mise en scène de femmes et enfants au jardin, renouant dans des teintes adoucies avec un certain réalisme, est exposée au Salon et complétée ensuite par Le Printemps et L'AutomneModèle:Sfn.

En 1916, loin de l'actualité, un ensemble destiné aux frères Bernheim revient à un âge d'or évoquant VirgileModèle:Sfn : Symphonie pastorale, Monuments, Le Paradis terrestre, Cité moderne juxtaposent ou combinent art et nature, travail et loisir, références classiques et bibliques, temporel et éternelModèle:Sfn. En 1917 Bonnard décore la Villa Flora des époux Hahnloser, qui lui ont permis d'exposer à WinterthourModèle:Sfn, et en 1918 il entreprend à Uriage-les-Bains six grands paysages pour un autre amateur suisseModèle:Sfn.

En Modèle:Date-, il livre le décor de Jeux, spectacle monté à Paris par les Ballets suédois : le poème qu'a mis en musique Debussy est chorégraphié par Jean Börlin et dansé dans des costumes signés Jeanne LanvinModèle:Sfn.

Suivent encore quelques créations, Le Café du Petit Poucet étant par exemple la dernière scène parisienne exécutée, en 1928, pour George et Adèle Besson. Pierre Bonnard retrouvera Édouard Vuillard et Ker-Xavier Roussel pour travailler au palais de Chaillot en vue de l'Exposition universelle de 1937Modèle:Sfn : La Pastorale restera son plus grand panneau (Modèle:Dunité)Modèle:Sfn.

Peintre installé
Nature morte avec une assiette de fraises sur une nappe blanche irisée, et autour quelques fragments d'objets - pain, tasse.
Assiette de fraises (1922, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).

Bonnard peint toujours énormément. S'il fuit de plus en plus la vie publiqueModèle:Sfn, il reste proche de ses amis et connaît le succès.

Durant les Modèle:Nobr, le peintre multiplie les paysages sur lesquels il reste longtemps, laissant à l'occasion les couleurs et la lumière du Sud envahir les tableaux peints dans le Nord, et réciproquementModèle:Sfn. Ses nus, moins voluptueux, s'intéressent davantage à la beauté plastique, non sans suggérer au passage la mélancolie de Marthe. Le peintre approfondit enfin son travail sur les natures mortes, soit isolées, soit au premier plan de ses scènes domestiques, s'attachant à rendre ce que Pierre Reverdy appelle Modèle:CitationModèle:Sfn.

Modeste et conscient des difficultés du métier, Bonnard s'est toujours abstenu de critiquer ses amis peintres. Fidèle toute sa vie aux compagnons de la première heure, il lui arrive encore de travailler avec Vuillard, sans doute le plus proche. À Vernon défilent les amis du couple, même si Marthe prend de plus en plus ombrage de toute présence : Natanson, Misia, les Besson, les Hahnloser, les Bernheim, Ambroise Vollard ou Jos HesselModèle:Sfn.

Photographie coloriée d'un vieillard à barbe blanche devant un petit pont courbe entouré de verdure.
Étienne Clémentel, Monet dans son jardin, vers 1917.

Claude Monet vient aussi, quand ce n'est pas Bonnard qui se rend à Giverny. Nonobstant leur différence d'âge et leurs divergences sur la composition ou la peinture en plein air, ces deux artistes peu bavards se comprennent : le maître s'enquiert des travaux de son cadet toujours déférent, exprimant son avis d'un geste ou d'un sourire. Leur complicité s'augmente des explorations chromatiques de BonnardModèle:Sfn Modèle:Incise.

Bonnard poursuit en parallèle un dialogue artistique avec Henri Matisse, entamé vers 1905 en dépit de leurs parcours distincts (période fauve de Matisse par exemple). Chacun a acquis chez Bernheim des toiles de l'autre et suit avec intérêt son évolution. Leur correspondance avait commencé par une carte postale de Matisse ne contenant que les mots Modèle:Citation : elle durera jusqu'à la finModèle:Sfn.

En mai et Modèle:Date-, les frères Bernheim exposent vingt-quatre toiles de Bonnard en plus des panneaux conçus pendant la guerreModèle:Sfn, et organisent cinq ans plus tard une exposition « Bonnard : œuvres récentes »Modèle:Sfn. L'artiste envoie régulièrement des tableaux au Salon d'automne et sa cote grimpe sur le marché de l'art. En 1927, suivant celles de François Fosca et de Léon Werth en 1919 puis de Claude Roger-Marx en 1924, l'importante monographie de Charles Terrasse, illustrée et supervisée par son oncle, fait dateModèle:Sfn.

En Modèle:Date-, la galerie Eugène Druet présente la première rétrospective des œuvres de Pierre Bonnard. Les 68 tableaux exposés, peints entre 1890 et 1922, font dire à Élie Faure que Modèle:Citation, parce qu'il voit les choses d'un œil neuf et rythme surtout de façon nouvelle les couleurs et les harmonies : l'éminent critique s'oppose à ceux qui, pour louer Bonnard, parlent de son Modèle:Citation, voire d'un Modèle:CitationModèle:Sfn.

Tableau avec une porte-fenêtre ouverte sur un balcon, un palmier et quelques toits, et au premier plan à droite une petite table et derrière un chien tête dressée.
La Porte-fenêtre au chien (1927, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).

Cet événement étend la réputation de Bonnard au-delà des frontières. Ayant reçu en 1923 un prix Carnegie du Musée des Beaux Arts de Pittsburgh Modèle:Incise, il est sollicité en 1926 pour faire partie du jury : il traverse donc l'Atlantique, découvrant Pittsburgh, Philadelphie, Chicago, Washington, New York. Il rencontre à cette occasion Duncan Phillips, qui depuis deux ans collectionne ses œuvres. La première grande exposition Bonnard à l'étranger se tient en 1928 à la galerie que César Mange de Hauke a ouverte à New YorkModèle:Sfn.

En Modèle:Date-, Bonnard a acquis au Cannet, 29 avenue Victoria, une villa crépie de rose et ressemblant à un chalet, qu'il baptise Le Bosquet du nom du quartier<ref>Modèle:Base Mérimée.</ref>. Entourée d'un vaste jardin, elle jouit d'une large vue sur la baie de Cannes et le massif de l'EsterelModèle:Sfn. Il y fait faire de gros travaux avant d'emménager un an plus tard : balcons, portes-fenêtres, électricité, chauffage, eau courante, salle de bain, garageModèle:Sfn. Il a peint plus de cent fois le jardin et les pièces de la maison, à l'exception de la chambre de MartheModèle:Sfn ; celle-ci est omniprésente, réduite parfois à une ombre, sur les tableaux du salon ou de la salle à manger ; le temps qu'elle passe dans son bain (par plaisir, nécessité médicaleModèle:Sfn ou obsession maladive pour la propretéModèle:Sfn) inspire à son mari ses fameux nus à la baignoireModèle:Sfn.

Bonnard, qui cherche chez lui comme en promenade, les points de vue dégagés ou en hauteur, n'aime pas davantage être contraint par l'espace de la toile. Il achète celle-ci au mètre, en découpe un morceau plus grand que nécessaire, et l'accroche au mur sans châssis de façon à pouvoir modifier le format de sa peinture. Dans le petit atelier du Bosquet Modèle:Incise se voient encore les traces de punaisesModèle:Sfn. Il fait de même à l'hôtel, assurant que les ramages des papiers peints ne le gênent en rienModèle:Sfn.

Modèle:Citation (1930-1947)

Modèle:Citation Très actif jusqu'à la fin, il maintient son cap en dépit des critiques. De plus en plus souvent retiré au Cannet, il affronte, non sans angoisse parfois, les difficultés de l'âge, la guerre, et la mort de ses proches. Il se réfugie dans sa peinture, toujours plus rayonnante.

Fidèle à lui-même

Travailleur inlassable

Modèle:Citation

Marine où une ligne d'horizon violacée sépare une mer bleu sombre et un ciel tirant sur le vert, des personnages se tenant au premier plan contre des rambardes blanches.
Le Débarcadère (vers 1934, huile sur toile, coll. privée).

Cela ne l'empêche pas de voyager encore beaucoup : en plus des villes d'eau pour Marthe, il peut faire au volant de sa voiture, en quinze jours et dans le désordre, Toulon, Arles, Montpellier, Pau, Bayonne, ArcachonModèle:Sfn. Il a découvert La Baule, où il séjourne notamment d'Modèle:Date- à Modèle:Date-. Sur les traces d'Eugène Boudin, il loue régulièrement à Deauville entre 1935 et 1938 Modèle:Incise. C'est à Deauville qu'en 1937 la journaliste Ingrid Rydbeck l'interviewe pour une revue d'art suédoise : il évoque sa période nabi, ses recherches postimpressionnistes, son ambition de tout exprimer à partir des couleurs, l'organisation et la lenteur de son travailModèle:Sfn, concluant dans un rire qu'Modèle:CitationModèle:Sfn.

Les carnets de Bonnard révèlent Modèle:Citation. Ainsi, en 1930, une maladie l'oblige à garder la chambre : Arthur Hahnloser, le voyant anxieux de ne rien faire, lui prescrit de se remettre à l'aquarelle. Déçu par sa fluidité, Bonnard réclame de la gouache, et n'a de cesse d'explorer les possibilités de rehausser d'un blanc opaque les couleurs transparentesModèle:Sfn. Hedy Hahnloser témoigne qu'il peut travailler sur commande mais a toujours besoin pour commencer du déclic de l'émotion, de ce qu'il appelle Modèle:Citation : Modèle:Citation, écrit-ilModèle:Sfn. L'exécution peut ensuite s'avérer très longue car il retravaille sans cesse les détails, les couleurs, ayant l'impression que le motif Modèle:Incise lui échappe : il sera resté près d'un an sur un Nu au bain et le couple suisse a dû attendre sept ans Le DébarcadèreModèle:Sfn.

Bonnard va d'un sujet et d'une toile à l'autre, ses enthousiasmes et son exigence l'obligeant à des interruptions, reprises et chevauchements qui Modèle:Citation. Les « périodes » qui se distinguent chez d'autres peintres ne se manifestent chez lui Modèle:Citation. Modèle:Citation Ainsi n'est-il pas rare que Bonnard demande à retoucher une de ses œuvres chez un particulier ou dans une galerieModèle:Sfn ; George Besson raconte que même au musée, il lui arrivait de guetter le départ du gardien pour tirer de sa poche une minuscule boîte de couleurs et reprendre furtivement un détail qui le préoccupait, avant de quitter la salle comme s'il avait fait une farceModèle:Sfn. Cette habitude est à l'origine du verbe bonnarder<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Renommée et critiques

Si sa cote a pu pâtir de la Grande DépressionModèle:Sfn comme d'une désaffection pour les Impressionnistes auxquels il est assimilé, Bonnard demeure l'un des peintres les plus connus de sa générationModèle:Sfn.

En Modèle:Date-, tandis que George Besson rassemble quarante portraits à la Galerie Braun, Bernheim dévoile une trentaine de tableaux récentsModèle:Sfn. Durant les années qui suivent, Bonnard expose avec Édouard Vuillard (galerie Rosenberg, 1936), Kees van Dongen puis Albert Marquet (galerie Jacques Rodrigues-Henriques, 1939 et 1945). Pierre Berès fait connaître son œuvre graphique fin 1944Modèle:Sfn et en Modèle:Date-, les fils Bernheim lui consacrent leur première grande rétrospective d'après-guerreModèle:Sfn.

Tableau très coloré avec formes évoquant des arbres sur fond bleu soutenu où la mer se distingue à peine du ciel.
Paysage de la Côte d'Azur (1943, huile sur toile, coll. privée).

À New York, sept de ses toiles sont montrées au Museum of Modern Art en 1930 (Modèle:Citation étrangère), et quarante-quatre à la galerie de Nathan Wildenstein au Modèle:Nobr. Un galeriste de Zurich lui a ouvert ses portes en 1932, et en Modèle:Date- il se rend à Londres pour le vernissage de son exposition chez Reid & LefèvreModèle:Sfn. Élu à l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique en Modèle:Date-, il voit ses œuvres exposées à Oslo et à Stockholm Modèle:Nobr et devient membre de l'Académie royale des arts de Suède en avrilModèle:Sfn.

Cette publicité l'embarrasse : Modèle:CitationModèle:Sfn En marge d'articles élogieux, les critiques ne semblent pas l'affecter : il s'est habitué par exemple à être blâmé pour un manque de rigueurModèle:Sfn. Modèle:Citation qui, résume Olivier Renault, lui reproche d'obéir à la nature sans la transcenderModèle:Sfn. C'est l'époque où l'avant-garde considère que peindre « de nature » n'est plus possible et où Aragon prédit que cet art ne sera bientôt plus qu'Modèle:CitationModèle:Sfn. Bonnard pousse pourtant de plus en plus loin la simplification des formes, certaines de ses toiles devenant presque abstraitesModèle:Sfn.

Il continue imperturbablement à peindre sa maison, les fleurs, les fruits de son jardin, renouvelant les alliances de couleurs dans ces sujets répétitifsModèle:Sfn. Modèle:CitationModèle:Sfn Le Boxeur déjà, autoportrait de 1931, le montrait amaigri et comme prêt à une lutte dérisoireModèle:Sfn.

Années de guerre au Cannet

Bonnard rejoint Le Cannet dès Modèle:Date- et n'en bouge plus jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, essentiellement occupé à peindreModèle:Sfn.

Tableau représentant sous une bande de ciel au soleil couchant une masse d'eau avec de petites taches de couleurs vives et claires qui sont les baigneurs.
Baigneurs à la fin du jour (1945, huile sur toile, Modèle:Dunité, Le Cannet, Musée Bonnard).

Guy Cogeval pense que Bonnard, dont la peinture ne répercute aucun des événements tragiques contemporains, en était inconscient : Modèle:Citation, ce qui aura pu le desservirModèle:Sfn. Antoine Terrasse le croit au contraire très affecté par le conflit, surmontant ses angoisses dans le spectacle de la nature Modèle:Incise, dans un travail acharné, et dans des liens resserrés avec Matisse : les deux peintres s'écrivent beaucoup et se voient au Cannet, à Nice ou à Saint-Paul-de-VenceModèle:Sfn. Olivier Renault pour sa part, à la suite de l'historien de la Résistance Thomas Rabino, prête à Bonnard Modèle:Citation, à sa manière non frontale mais déterminéeModèle:Sfn.

Il ne participe pas comme d'autres artistes français au voyage à Berlin de Modèle:Date-, puis refuse d'exécuter un portrait de Pétain : il exige des séances de pose et compensations en nature qui découragent l'émissaire de Vichy. Il s'abstient surtout de vendre des tableaux pendant toute la guerre. C'est à son corps défendant qu'il figure en Modèle:Date- dans l'exposition inaugurale du Palais de Tokyo. La seule galerie où on le voit est celle qu'a ouverte à Nice Jean Moulin, venu Modèle:Nobr lui demander des toiles, ainsi qu'à Matisse. L'ancien dreyfusard enfin s'inquiète du sort de ses galeristes les Bernheim, témoignant par écrit de leur soutien à l'art françaisModèle:Sfn.

En Modèle:Date-, Bonnard est heureuxModèle:Note de retrouver pour une semaine le pavé et le peuple parisiens. Il séjourne plus longtemps à Paris l'année suivante, entre la rétrospective chez Bernheim et une exposition à la toute nouvelle galerie MaeghtModèle:Sfn.

Peintre jusqu'au bout

Les deuils

Les dernières années du peintre sont assombries par l'insociabilité de Marthe puis sa disparition, après celle de plusieurs amis.

Pierre Bonnard apprend au Cannet qu'Édouard Vuillard est mort à La Baule le Modèle:Date-. Sandrine MalinaudModèle:Note décèle une ressemblance entre son compagnon de toujours et le Saint-François de Sales barbu et dégarni qu'il peint de 1942 à 1945 pour l'église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du plateau d'AssyModèle:Sfn. Entre 1940 et 1944, Bonnard perd son ami peintre Józef Pankiewicz, son frère Charles, Joseph Bernheim, Maurice Denis, Félix Fénéon, et l'autre grand complice qu'était Ker-Xavier Roussel. Ses lettres à Besson et Matisse se font l'écho de sa tristesse, accrue par la mort de MartheModèle:Sfn.

La pudeur de leurs proches et de Bonnard lui-même empêche de cerner exactement les pathologies de Marthe. Thadée Natanson salue l'abnégation de son ami, qui n'a jamais voulu la laisser seule dans un sanatorium, que ce soit pour ses bronches ou, plus tard, ce que Hedy Hahnloser nommait ses « troubles mentaux ». Le peintre se confie ainsi à l'épouse de Signac : Modèle:Citation Il lui conseille de feindre de les rencontrer par hasard. Et depuis longtemps il doit parfois prétexter la promenade des chiens pour retrouver au café ses propres amisModèle:Sfn.

Les restrictions dues à la guerre aggravent l'état de Marthe. Soignée et veillée par son mari, elle meurt le Modèle:Date. Bonnard marque ce jour d'une croix dans son agenda et organise des obsèques discrètes. Son désarroi est patent dans certaines lettres : Modèle:Citation, Modèle:CitationModèle:Sfn Il sacralise la chambre de Marthe en en scellant la porteModèle:Sfn.

Ses derniers autoportraits trahissent la mélancolie de Bonnard. Il n'accepte d'être photographié, par Gisèle Freund ou Brassaï, en 1946, que dans son atelier, en train de peindre. Pourtant, la couleur explose sur ses paysages et il confie à un visiteur : Modèle:CitationModèle:Sfn Il a encore l'énergie de rencontrer de jeunes peintresModèle:Sfn et d'aller voir à Paris ses expositions ou d'autres, comme le premier Salon des réalités nouvellesModèle:Sfn.

Tableau montrant une tête de cheval blanche sur un fond coloré où se distinguent d'autres chevaux dans des stalles.
Le Cheval de cirque (1936-1946, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).
La fin
Tableau représentant un arbre au tronc noir et aux nombreuses fleurs blanches figurées par des taches.
L'Amandier en fleur (1946-1947, huile sur toile, Modèle:Dunité, Musée national d'Art moderne).

Du 7 au 20 Modèle:Date-, Bonnard monte une dernière fois à Paris.

Il s'arrête au passage chez son neveu Charles Terrasse, conservateur du château de Fontainebleau, et retouche L'Atelier au mimosa, envahi de jaune, ou encore Le Cheval de cirque, souvent rapproché de l'autoportrait de 1945 et présenté avec d'autres toiles au Salon d'automneModèle:Sfn. Il accepte l'idée d'une rétrospective organisée par le MoMa à New York pour son quatre-vingtième anniversaireModèle:Sfn.

De retour au Bosquet, où sa nièce Renée s'est installée depuis la fin de la guerre, il sent ses forces décliner rapidement. Alité, il songe à L'Amandier en fleur peint au printemps précédent : Modèle:Citation, dit-il à Charles venu le voir. Celui-ci l'aide à tenir son pinceau pour en ajouter, à gauche du pied de l'arbre. Pierre Bonnard s'éteint quelques jours plus tard, le Modèle:Date-Modèle:Sfn.

Il est inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Anges du Cannet : la dalle porte simplement son nom et ses dates, sous ceux de MartheModèle:Sfn.

La succession Bonnard

L'existence insoupçonnée d'héritières du côté de Marthe suscite un imbroglio juridique qui va durer plus de quinze ans.

Photo en couleur d'un bout de façade claire sous un toit pointu émergeant de massifs d'arbres et de verdure.
La villa Le Bosquet, aujourd'hui classée monument historique.

Le peintre et sa compagne s'étaient mariés sans contrat : selon le régime de la communauté, Marthe était propriétaire de la moitié des œuvres de son mari, y compris celles qui n'avaient jamais quitté l'atelier et sur lesquelles un artiste n'avait à l'époque aucun droit moral. Après son décès, un notaire conseille à Bonnard, qui l'a toujours crue sans famille, de rédiger un papier où elle aurait déclaré lui léguer tout ce qu'elle possédait : ceci pour éviter la mise sous séquestre de l'atelier le temps d'une recherche en héritiersModèle:Sfn.

À la mort du peintre se font connaître quatre nièces de Marthe, du nom de Bowers. Elles découvrent que le testament, signé « Marthe de Méligny » et daté par inadvertance du jour de la visite au notaire, est apocryphe. Elles vont en justice tandis que la villa du Bosquet est placée sous scellés. Pour Maurice Garçon, représentant les huit neveux et petits-neveux de Bonnard, la communauté de biens devrait exclure les œuvres qui n'ont jamais été exposées, reproduites ou vendues ; Vincent de Moro-Giafferri, défenseur des sœurs Bowers, accuse de recel les ayants droit de l'artiste et exige qu'ils soient frustrés de la totalité. Les héritières de Marthe obtiennent gain de cause à l'issue d'une longue procédure<ref name="DW">D. Wildenstein, L'Express, 05.08.1999.</ref>.

Daniel Wildenstein, familier de Bonnard depuis l'enfance, achète alors aux Terrasse leurs droits successifs pour un million de dollars, et tente de faire valoir en appel qu'un document daté de plusieurs mois après la mort de sa supposée signataire n'est pas un vrai faux. En 1956, « l'arrêt Bonnard » rendu par la Cour de cassation reconnaît le « droit de finition » : les œuvres picturales font partie des biens communs mais l'auteur peut en user à sa guise. La cour d'appel d'Orléans ajoute en 1959 que la communauté n'inclut que les œuvres déjà divulguées. Wildenstein récupère presque tout : il en restitue 28 % aux Bowers, une autre part à la famille Terrasse, et garde 180 toiles<ref name="DW" />.

Un arrêt faisant jurisprudence porte donc le nom de celui qui avait jadis fui le droitModèle:Sfn, et dont quelque 600 tableaux, plus quantité de dessins et aquarelles, sont restés jusqu'en 1963 cachés au publicModèle:Sfn.

L'œuvre

Bonnard laisse une œuvre énorme, essentiellement picturale, dont la filiation impressionniste a pu occulter sa volonté de Modèle:Citation en marge des évolutions du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle. Outre les souvenirs familiaux, sa correspondance et ses notes, les spécialistes disposent, en plus de son entretien avec Ingrid Rydbeck en 1937, d'une interview de 1943 pour la revue Verve où, sans éluder comme souvent les questions, il explique à la journaliste et critique d'art Angèle Lamotte sa conception de la peinture, ses références en la matière et ses procédésModèle:Sfn. Peu enclin aux théorisations, c'est palette en main qu'il réfléchissaitModèle:Sfn.

L'œuvre peint

Modèle:Citation rappelle Bonnard, pour qui la toile est avant tout une surface décorative à regarder comme telle. Il vise non l'imitation de la nature mais sa transposition à partir d'une idée, et moins la captation d'instants heureux que la réminiscence de sensations vécues. Témoin des révolutions picturales de son temps, il pervertit, dans un rapport distancié à l'objet, l'illusion de la perspective et la vraisemblance des couleursModèle:Sfn. Celles-ci sont d'un bout à l'autre l'alpha et l'oméga de sa peintureModèle:Sfn.

Peindre la sensation

Saisir le temps

Bonnard disait Modèle:Citation mais ses tableaux sont plus que l'expression colorée d'un bonheur désuet.

Tableau représentant en plongée une femme nue assise sur le rebord d'une baignoire.
Marthe a soixante ans quand est peint ce Nu à la baignoire (1931, huile sur toile, Modèle:Dunité, Musée national d'Art moderne).

Sa fidélité aux sujets de tous les jours l'a longtemps fait considérer comme le peintre attardé des rituels et plaisirs bourgeois d'avant la Première Guerre mondialeModèle:Sfn. Ses scènes d'intérieur peuvent passer pour Modèle:Citation, et il s'est de plus en plus limité à la représentation d'un quotidien sans aspérités, qui semble magnifier un bien-être rassurant, et où l'homme paraît en adéquation avec son environnementModèle:Sfn. Ses thèmes et sa palette chatoyante lui ont acquis une Modèle:Citation du carpe diemModèle:Sfn.

Souscrivant à l'idée commune, Bonnard définit l'œuvre d'art comme Modèle:CitationModèle:Sfn, et la sienne Modèle:Citation. Marthe en tout cas n'y vieillit pas, Modèle:Citation sans Modèle:Citation, même sur la fin de sa vie Modèle:Incise. Peut-être le peintre tentait-il de conjurer les tourments liés à sa santéModèle:Sfn : Modèle:Citation, écrivait-il en 1944Modèle:Sfn.

Pour autant, la nostalgie comme l'Histoire sont absentes de sa peintureModèle:Sfn. Ce qu'il cherche à rendre avant tout, c'est Modèle:Citation et la fraîcheur d'une image conceptuelleModèle:Sfn. Il ne s'agirait pas tant pour lui d'essayer comme les Impressionnistes de saisir le réel à travers un moment, que de se laisser envahir par lui pour le faire renaître à l'occasionModèle:Sfn. Modèle:Citation Ses toiles, qui ne peignent en définitive Modèle:Citation, se rapprocheraient plutôt des tentatives pour isoler, dans À la recherche du temps perdu, Modèle:CitationModèle:Sfn,Modèle:Sfn.

Peindre un objet sous l'aspect du souvenir, c'est rappeler qu'il n'existe plus même si l'œil s'en réjouit encore : Jean Clair n'est pas loin de voir en Bonnard Modèle:Citation, et Ann Hindry perçoit une expression d'angoisse dès son premier autoportrait, où il tient les outils de son art. Modèle:Citation, conclut-elleModèle:Sfn.

Se défendre contre l'objet

Modèle:Citation : il se défie même du modèle Modèle:Incise.

Nature morte représentant des fleurs dans un pot en verre sur une table.
Iris et lilas (1920, huile sur toile, Modèle:Dunité, Fond. Bemberg).

En 1933 il confie à Pierre Courthion qu'à son avis les jeunes artistes se laissent absorber par le monde, Modèle:Citation. Son but à lui n'est pas tant de montrer l'objet à travers sa sensibilité (subjectiviser l'objectif) que d'extérioriser une idée (objectiver le subjectif)Modèle:Sfn ; l'art doit dépasser l'impression brute (Modèle:Citation) pour viser la sensation, qui en est une image mentale enrichie (Modèle:Citation)Modèle:Sfn.

À l'en croire, s'il essaie de peindre directement, par exemple un bouquet de roses, il est vite submergé par la vue des détails, s'y égare, et se Modèle:Citation sans retrouver ce qui l'avait séduit d'abord. Le paradoxe est, selon ses propres termes, que l'objet et Modèle:Citation ont inspiré l'idée du tableau, mais que leur présence risque de la lui faire perdre : il doit lutter contre l'influence du modèle extérieur pour faire prévaloir son modèle intérieur. Selon lui, rares sont les peintres capables de conserver leur vision sans être gênés par l'objet : après le Titien, Cézanne ; mais ni Monet, qui passait peu de temps devant le motif, ni Pissarro ou Seurat, qui composaient à l'atelierModèle:Sfn.

Bonnard veut retrouver la vérité du sentiment éprouvé face à l'objetModèle:Sfn mais craint de faiblir devant celui-ci et d'oublier son idée initiale : c'est pourquoi il recourt au dessin, en codifiant les valeurs et en analysant les rapports entre les tons, l'effet de chacun sur les autres, leurs combinaisonsModèle:Sfn. Modèle:Citation : ce n'est pas par bravade qu'il inverse l'équation académique liant émotion et couleur, dessin et pensée, mais pour résoudre une difficultéModèle:Sfn. Antoine Terrasse parle d'un Modèle:Citation.

Un monde en deux dimensions

Surface plane

L'ambition de Bonnard est de Modèle:Citation.

Maurice Denis tenait celle-ci pour Modèle:Citation ; de même Bonnard affirme que Modèle:CitationModèle:Sfn. Durablement marqué par les principes nabis, il en garde un intérêt pour le « monde flottant » des estampes, la frontalité et la planéitéModèle:Sfn. Or voir d'abord le tableau comme un objet décoratif plat entre en contradiction avec le goût de la nature, chez ce peintre attaché à l'art figuratif : d'où une tension perpétuelle dans son œuvre entre surface (décorative) et profondeur (vraisemblable)Modèle:Sfn.

Plans juxtaposés sans perspective, stylisation et absence de modelé, impression de collage de tissus imprimés, telles sont les caractéristiques de ses toiles japonisantes d'avant 1900 : tout est quasiment plat et oblige l'œil à balayer la surface sans pouvoir se diriger vers un point de fuiteModèle:Sfn. Si Bonnard abandonne ensuite ces techniques, il continue à gommer la profondeur et à rabattre les plans vers la surface Modèle:Incise.

Terrasse, balustrade ou arbres au premier plan d'un paysage bloqueront l'envol du regard malgré la profondeur de champModèle:Sfn. Le motif du damier Modèle:Citation : présent dans les corsages des Modèle:Nobr puis dans les nappes à carreaux, il le cède à la table elle-même, parfois redressée de façon presque parallèle au plan du tableauModèle:Sfn. Quant au miroir, s'il ouvre une échappée sur le volume de la pièce, il la ramasse aussi dans l'espace de son cadre verticalModèle:Sfn,Modèle:Sfn. Jusqu'à la fin de sa vie Bonnard quadrille ses toiles de manière plus ou moins apparente. Il structure notamment ses intérieurs par des motifs orthogonauxModèle:Sfn. Le point de vue en surplomb accentue l'effet de verticalité, comme dans L'Atelier au mimosa vu depuis sa mezzanineModèle:Sfn, tandis que des aplats de couleurs réaffirment la planéitéModèle:Sfn.

Vision mobile
Tableau en clair-obscur où on distingue plusieurs personnages autour d'une table ronde et sous une lampe à suspension.
La Lampe (vers 1899, huile sur bois, Modèle:Dunité, FIA, Flint, Michigan).

Modèle:Citation

Certains cadrages surprennent (plongées, contre-plongées, angles inattendusModèle:Sfn, personnages coupés), certaines figures sont à peine perceptibles, projetées en ombres chinoises, à demi cachées par un objet : c'est qu'une composition trop flatteuse nuirait à l'impression d'instantané. Bonnard organise rigoureusement ses scènes mais les détails ne s'y liront pas tous d'embléeModèle:Sfn : la question se pose de ce qu'il veut exactement montrerModèle:Sfn.

Modèle:Citation Très tôt Bonnard intègre ce qu'il appelle la vision Modèle:Citation ou Modèle:Citation, c'est-à-dire le fait que tout sollicite le regardModèle:Sfn. Il aurait été l'un des premiers à tenter de représenter sur la toile Modèle:Citation voire Modèle:Citation, à savoir qu'il n'y a pas de point de vue privilégié et que le monde existe autour de nous tout autant que sous nos yeuxModèle:Sfn.

Dans ses tableaux la perspective n'est pas fixe. Tout point de fuite crée une profondeur mais limite le champ visuel, alors que la vision binoculaire permet de voir aussi ce qui est sur les côtésModèle:Sfn : Bonnard étend son attention sur tout, et rapproche de l'œil ce que la perspective classique tenait éloigné. Jean Clair compare ses tableaux à une feuille de papier froissé qu'on aplatirait de la main : l'espace s'y déplie du centre vers la périphérie, où les figures se déforment légèrement comme par anamorphoseModèle:Sfn.

Il a été remarqué que les toiles de Bonnard se construisent volontiers autour d'une sorte de vide, qui joue un rôle structurel, chromatique et distributif. Ainsi du motif récurrent de la table : elle rappelle que le tableau est une surface plane ; elle renforce le clair-obscur ou illumine les couleurs si la nappe est blanche ; et elle rejette les personnages tout autour, si bien que l'œil se porte d'abord sur les objets. Chez Bonnard Modèle:Citation, notait déjà Jean Cassou, mais le spectateur est obligé d'aller de l'un à l'autreModèle:Sfn ; s'arrêter au sujet serait perdre de vue le but : Modèle:Citation

Couleurs et lumière

Des couleurs rayonnantes
Peinture en couleur figurant le corps nu d'une femme en pieds de trois-quarts arrière dans une chambre.
Nu à contre-jour (1908, huile sur toile, Modèle:Dunité, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique).

Dès le tournant du siècle Modèle:Citation.

La rencontre avec Gauguin, les nabis et l'art japonais a convaincu Bonnard de l'infini potentiel expressif de la couleur, même sans recours aux valeursModèle:Sfn. Il déclarait avoir aussi beaucoup appris de son expérience de lithographe, qui l'obligeait à Modèle:CitationModèle:Sfn. Les valeurs font leur retour dès les Modèle:Nobr : il use abondamment du clair-obscur dans ses portraits comme dans ses scènes de rue ou de familleModèle:Sfn.

C'est du Nu à contre-jour (ou L'Eau de Cologne, ou Le Cabinet de toilette au canapé roseModèle:Sfn) que daterait sa véritable Modèle:Citation, comme l'écrivait son neveu Charles Terrasse, au sens où il y aurait expérimenté pour la première fois Modèle:Citation : celle-ci ne se traduit plus par un clair-obscur, la fenêtre ne découpant pas une zone sombre et une zone éclairée ; toute la scène baigne dans une lumière égale, rendue par les teintes et les valeurs même là où il y a ombre portéeModèle:Sfn. L'engouement de Bonnard pour le Midi va renforcer sa quête d'un Modèle:Citation.

Bien qu'il dise redouter Modèle:Citation et le risque de Modèle:Citation, la couleur devient chez Bonnard, après la crise de 1913, moins imitative et plus plastiqueModèle:Sfn. Comme pour Matisse et Vuillard, ce qui compte n'est plus l'exactitude des couleurs par rapport au modèle mais leurs rapports entre ellesModèle:Sfn, qui créent à la fois l'espace et l'atmosphère en plus de l'harmonieModèle:Sfn. Modèle:Citation

Sa palette devient de plus en plus vive au cours des Modèle:Nobr et 1930Modèle:Sfn. Des éclats jaunes ou orangés illuminent ses tableaux et, dans les scènes d'intérieur en particulier, le blanc voisine avec les couleurs vives pour une plus grande luminositéModèle:Sfn. Modèle:Citation Ses dernières toiles sont inondées d'une lumière doréeModèle:Sfn et une photographie de l'atelier du Cannet en 1946 montre épinglés au mur les petits morceaux de papier d'argent qui lui servaient à jauger l'intensité de la lumièreModèle:Sfn.

Plus que ses sujets en eux-mêmes ou ses sentiments personnels, ce sont la combinaison et l'éclat de ses couleurs qui autorisent à voir en Bonnard le « peintre de la joie », en ce qu'ils l'aident à exprimer une sensation de plaisirModèle:Sfn.

Le travail de la couleur

Modèle:Citation, écrit BonnardModèle:Sfn : la couleur est chez lui le moteur de la compositionModèle:Sfn.

Tableau représentant une fenêtre qui ouvre sur des arbres et un ciel bleu, avec un store noir un peu baissé de travers, et au premier plan quelques objets, un petit chat noir et la tête d'une femme allongée.
La Fenêtre ouverte (1921, huile sur toile, Modèle:Dunité, The Phillips Collection, Washington, DC).

Une fois ébauché son sujet, Bonnard en étudie isolément chacune des parties, redessinant à l'occasion les éléments un à unModèle:Sfn. Il commence alors à peindre en employant d'abord des couleurs très diluées, puis des pâtes plus épaisses et opaques. Il travaille à l'intérieur des plages de couleur délimitées par les motifs, et le sujet peut demeurer longtemps confus aux yeux du spectateur, rapporte Félix Fénéon. À partir du moment où les formes ont émergé, Bonnard cesse de se reporter au croquis et repose des touches de temps à autre, parfois au doigt.

Même s'il pratique encore les aplats, sa technique, sous l'influence de l'Impressionnisme et peut-être des mosaïques byzantines vues à Venise, a évolué vers la multiplication de petites touches Modèle:Citation, irisant la surfaceModèle:Sfn. Le foisonnement de couleurs pommelées à partir du moment où il s'est éloigné des nabis prouve l'impact sur sa peinture de son amitié avec le Monet des NymphéasModèle:Sfn. Le fait qu'il navigue entre plusieurs toiles, menées de front ou laissées un temps de côté, permet aux huiles de sécher et au peintre de superposer les couleurs pour modifier des harmoniesModèle:Sfn.

Il a pu lui arriver d'utiliser des assiettes en guise de palette, une par toile, un schéma chromatique pouvant plus aisément en surgir. Si Watkins voit son art comme essentiellement Modèle:Citation, avec une prédilection pour le triangle structurant violet-vert-orangeModèle:Sfn, Roque nuance un peu : Bonnard, après avoir joué des contrastes entre couleurs complémentaires, a exploré petit à petit les accords de couleurs proches sur le cercle chromatique (rouge-orangé / orangé-jaune / bleu-violet). Peut-être se rappelait-il les mises en garde de Gauguin lui-même contre les heurts possibles entre couleurs complémentairesModèle:Sfn ; il n'en avait pas moins relevé ce précepte de Delacroix : Modèle:CitationModèle:Sfn.

La toile se construit par glissements de couleurs qui peuvent gommer la perspectiveModèle:Sfn : le schéma chromatique suit sa propre logique et non l'observation de la natureModèle:Sfn. Bonnard fait à l'occasion des rappels de couleur, y compris de noir et de blanc, pour équilibrer la compositionModèle:Sfn. Il soigne en particulier le haut et le bas du tableau, en accentuant les couleurs intenses et en s'aidant d'éléments structurels (fenêtres, portes, rebords de baignoire) afin de contenir le regard et de le ramener vers la toile. Modèle:Citation, écrivait-ilModèle:Sfn.

Motifs récurrents

Nus féminins
Tableau montrant un coin de chambre dans la pénombre, avec un grand lit et un fouillis de draps blancs où une femme est allongée sur le ventre, la tête sur ses bras, jambe gauche repliée sur l'autre.
La Sieste (1900, huile sur toile, Modèle:Dunité, Melbourne, National Gallery of Victoria).

La manière dont Bonnard renouvelle le genre du nu féminin est représentative de ce qu'il cherche en peinture.

Il a abordé le nu entre réalisme et stylisation avec La Baignade. Bientôt, en dehors de la sensualité innocente des compositions pastoralesModèle:Sfn, il exploite l'iconographie classique du plaisir sexuel (bas noirs, draps froissés) pour réinventer des tableaux à forte charge érotiqueModèle:Sfn. L'Indolente, vue en plongée sur une couche qui semble un champ de batailleModèle:Sfn, invite au plaisir ou vient de l'éprouverModèle:Sfn ; La Sieste suggère la volupté du moment : André Gide louait les couleurs et lumières douces du décor familier où repose, sur un lit en désordre, une femme tenant par sa pose de l'Hermaphrodite BorghèseModèle:Sfn.

Bonnard explore ensuite le thème traditionnel de la toilette, qu'il a pu voir décliné notamment par Edgar Degas dans des séries exposées durant les Modèle:Nobr. Reprenant inlassablement ce sujet, il a de toile en toile comme fait le tour de la salle de bainModèle:Sfn. Certains clichés un peu posés de Marthe ont dû servirModèle:Sfn aux scènes qui semblent la confidence d'un moment intime saisi au volModèle:Sfn. Le resserrement des compositions autour du modèle évoque DegasModèle:Sfn mais l'approche est moins crue que chez celui-ci, souligne Bertrand Tillier : les postures peu académiques voire maladroites ne paraissent pas impudiques, les angles insolites émanent d'un regard qui veut rester discretModèle:Sfn. Dans le miroir du Nu à contre-jour se voit une chaise vide là où devait être placé le peintreModèle:Sfn.

À une inspiration naturaliste (sujets) et impressionniste (instantané de la vision), Bonnard ajoute l'art de la suggestion plus ou moins énigmatique chère au symboliste Mallarmé, dont il admirait les poèmesModèle:Sfn. L'œil met parfois quelques instants à repérer où sont le miroir, le modèle, le refletModèle:Sfn. Pendant ses vingt dernières années, le peintre revisite le motif occidental de la baigneuse : Marthe « trempe » régulièrement, comme dit Olivier Renault, et la baignoire, qui permet d'ajouter une surface émaillée à celles des carrelages et de l'eauModèle:Sfn, finit par ressembler à un sarcophage où cette Ophélie moderne paraît noyéeModèle:Sfn,Modèle:Sfn.

Dans sa quête pour se remémorer la sensation, Bonnard souhaite Modèle:Citation, jusqu'à négliger, dans certaines formes à peine modeléesModèle:Sfn, l'exactitude anatomiqueModèle:Sfn. Traduire le flottement d'un corps dans l'eau par une légère distorsion, de la jambe par exemple (Nu dans le bain au petit chien), semble obéir à cette idée qu'il notait aussi : Modèle:CitationModèle:Sfn

Intérieurs et natures mortes

Modèle:Citation, écrit Adrien Goetz au sujet de Bonnard.

Nature morte comportant sur une nappe blanche et un fond plutôt sombre un récipient à pied rempli de formes rondes aux couleurs chaudes.
Le Compotier (1924, huile sur toile, Modèle:Dunité, coll. privée).
Tableau aux couleurs vives avec une table devant une fenêtre donnant sur un jardin et la mer, et à droite une silhouette de femme.
La Salle à manger à la campagne (1935, huile sur toile, Modèle:Dunité, Musée Guggenheim).

L'univers de la maison est un champ privilégié pour ce peintre du souvenir qui ne sort presque jamais pour travailler. Il poursuit sa quête intérieure et picturale de la salle à manger au salon, de la salle de bain au balcon ou au jardin, d'où il aperçoit le panorama. Ses intérieurs répétés d'une toile à l'autre sont une abstraction en ce qu'ils ne donnent pas à voir des anecdotes du quotidien mais une vision hors du temps de l'existence qui s'y dérouleModèle:Sfn. Marthe y figure souvent, fût-elle réduite dans une sorte de présence-absenceModèle:Sfn à une ombre, une tête ou une silhouette coupée dans un coin ; mais ces témoignages de vie conjugale sont avant tout des constructions géométriques et scéniques.

Cercles et ovales aux contours « mous » viennent rompre les lignes horizontales et verticales qui cadrent et quadrillent la scène, créant des espaces imbriqués les uns dans les autres. La Nappe à carreaux rouges de 1910 serait moins un portrait de Marthe et de son chien Black que Modèle:Citation. Dans Intérieur blanc, l'œil néglige le paysage maritime visible par la fenêtre ou Marthe penchée vers le chat : il suit surtout les rectangles gigognes que forment en se chevauchant cheminée, porte, radiateur, angle des fenêtres, coin de la tableModèle:Sfn. Quant au dispositif du miroir, son inclinaison peut introduire un jeu permettant d'apercevoir des objets ou personnages invisibles depuis le point de vue du peintreModèle:Sfn.

Bonnard pratique la nature morte pour elle-même, peignant des bouquets de fleurs, des fruits. Ses compositions s'inscrivent d'une certaine manière dans la lignée de Chardin et plus encore de Cézanne pour la rigueurModèle:Sfn : Le Compotier de 1924 met particulièrement en évidence le fait que Modèle:Citation, et que chez lui aussi Modèle:Citation.

Souvent la nature morte devient le premier plan autour duquel s'organise la toile. Dans les nombreux tableaux représentant une table devant une fenêtre, telle la Salle à manger à la campagne de 1935, la surface soutenant les objets semble un tremplin vers l'extérieurModèle:Sfn. Le peintre glisse d'une toile à l'autre sans vraiment changer d'espace, et ses intérieurs deviennent des Modèle:Citation.

Paysages et fenêtres

Bonnard est peut-être homme des jardins plus que des paysages, et de la nature familière plus que des espaces viergesModèle:Sfn.

S'il est attiré par les ciels changeants du nord, il est fasciné par la nature architecturale de la végétation méditerranéenne : dans les premiers, son souci majeur est de traduire les variations du temps, alors que la permanence du climat méridional le conduit, même en dehors des grands panneaux décoratifs, à évoquer des visions relevant d'un Âge d'or classiqueModèle:Sfn. Il partage avec d'autres anciens nabis comme Maurice Denis le désir de réactiver les mythes grecs : il y ajoute dès les Modèle:Nobr celui d'éviter l'austérité chromatique et thématique des cubistes ; ses paysages mêlant les tons froids et chauds se peuplent de figures plus ou moins mystérieuses, parfois minuscules ou à peine esquisséesModèle:Sfn.

Ils sont surtout saturés de couleurs, voire traités selon Nicholas Watkins à la manière d'une tapisserie : ainsi du Paysage d'automne, des arbres de La Côte d'Azur à la texture laineuseModèle:Sfn, ou de maints jardins et paysages dont la perspective débouche non pas sur un point de vue mais sur des masses coloréesModèle:Sfn. Modèle:Citation et qui se construit à partir de la couleurModèle:Sfn.

Bonnard s'intéresse au motif de la fenêtre peu après Matisse, qui dès 1905 renouvelait ce thème hérité du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle en expliquant qu'il pouvait réunir dans un tableau l'intérieur et l'extérieur puisqu'ils ne faisaient qu'un dans sa sensation. Bonnard conserve une vision plus naturalisteModèle:Sfn mais unifie les espaces au moyen de la couleur, et de la lumière qu'il fait entrer par de larges ouverturesModèle:Sfn. Ainsi dans La salle à manger à la campagne peinte en 1913, la clarté du jardin envahit la pièce, teintant de vert la porte et de bleu la nappe, qui irradie la lumière au lieu de réfléchir le rouge des murs ; ce rouge Modèle:Incise se retrouve dans la robe de Marthe, qui fait elle-même le lien entre le dedans et le dehorsModèle:Sfn,Modèle:Sfn. D'analogues renvois de couleurs entre intérieur et extérieur se remarquent dans La Porte ouverte à VernonModèle:Sfn.

Modèle:CitationModèle:Sfn. La Salle à manger sur le jardin peinte en 1930 à Arcachon offre un véritable condensé de son art : la table en perspective et les discrètes rayures de la nappe forment la base architecturale de la fenêtre et de sa balustrade, tandis que les éléments apparemment désordonnées d'un petit déjeuner donnent les tons de l'ensemble ; la fenêtre ouvre sur le jardin extérieur, à moins qu'elle ne l'invite à entrer dans la pièce ; le tableau réunit en définitive trois sujets : nature morte, intérieur, paysageModèle:Sfn.

Portraits et autoportraits
Dessin et peinture en couleur figurant un homme en buste de profil portant des lunettes.
Autoportrait de l'artiste par lui-même (1930, crayon et gouache sur papier, Modèle:Dunité, coll. privée).
Peinture en couleur figurant une femme êtue d'une robe blanche assise sur un divan.
Portrait de Misia Godebska (1908, huile sur toile, Modèle:Dunité, Thyssen-Bornemisza).

Bonnard rechignait tant à se peindre en artiste qu'à faire le portrait de ses proches.

Passé l'autoportrait de 1889, Pierre Bonnard attend la maturité pour se représenter lui-même. L'Autoportrait de l'artiste par lui-même, seul à être daté et à renvoyer par son titre à son activité, est une référence avouée dans ses carnets au Portrait au chevalet de Chardin, qu'il venait de revoir dans une expositionModèle:Sfn. Toutefois, outre l'inversion de la composition, les outils de la création ont disparu, hormis une toile vide accrochée au mur ; le regard est comme embué derrière les lunettes et le poing crispé n'est pas prêt à peindre : Pierre Bonnard semble se refermer sur lui-même et ses douleurs intimesModèle:Sfn. De même, dans les tableaux ultérieurs dont les fonds jaunes contrastent avec la mélancolie de l'expression, le miroir est un écran qui authentifie le modèle tout en le mettant à distance, et les yeux Modèle:Incise s'effacent peu à peu jusqu'à devenir dans le dernier autoportrait des orbites noires, aveuglesModèle:Sfn.

Parmi les portraits anonymes, certains revisitent des motifs classiques, la lettre ou la penseuse par exemple. Pour ce qui est de peindre ses amis, Bonnard semble ressentir un conflit entre sa vision et le souci de la ressemblance. S'il travaille toujours à son atelier, il multiplie d'abord dans son carnet des dessins de ses sujets, faits chez eux ou dans le décor qui aide à cerner leur personnalité et leur statut social. Ainsi des frères Bernheim dans leur loge à l'opéra ou dans le vaste bureau attenant à leur galerieModèle:Sfn. De même Bonnard a-t-il peint Ambroise Vollard sous ses tableaux, avec son chat, dans la toile intitulée Ambroise Vollard, puis vingt ans plus tard dans le Portrait d'Ambroise Vollard au chat. Pour le grand portrait qu'il fait d'elle en 1908, il place Misia Godebska dans son salon du quai Voltaire, devant l'un des panneaux ornementaux qu'il a exécutés pour elleModèle:Sfn.

L'œuvre gravé

Pierre Bonnard et la gravure

Pierre Bonnard se fait d'abord remarquer pour ses talents de dessinateur et de graveur : en plus d'une dizaine d'affiches publicitaires, il produit beaucoup de lithographies dans les Modèle:Nobr et ne délaissera jamais complètement la gravure.

Affiche avec lettres noires sur fond jaune et dessin d'une femme souriante tenant une coupe dont la mousse envahit tout le bas de l'image.
Affiche de 1891 pour France-Champagne.

Dans l'affiche lithographiée pour France-Champagne en 1891, le nombre de couleurs limité et l'utilisation de lettres dessinées et arrondies au pinceau plutôt que de caractères d'imprimerie séduisent. Si Félix Fénéon en critique le fond jaune, Octave Mirbeau estime qu'elle réinvente l'art de la lithographie : c'est en la voyant que Toulouse-Lautrec aurait décidé de s'y adonner aussi Modèle:Incise.

Ses dessins aux rythmes nouveaux et aux harmonies subtiles se ressentent de son appartenance au groupe des nabis, qui usent de tons purs et de lignes arbitraires dans leur quête d'applications décoratives de la peinture<ref name="bouvet5"/>. Ses simplifications expressives, dans les Scènes de famille par exemple, sont également influencées par les estampes japonaises vues aux Beaux-Arts en 1890 : utilisation du noir, Modèle:Citation. Mais au contraire des Japonais, Bonnard se renouvelle sans cesse<ref name="bouvet7">Antoine Terrasse dans Modèle:Harvsp.</ref>.

De trois il passe à quatre, cinq, voire six ou sept couleursModèle:Sfn. Son trait reçoit les mêmes influences que sa peinture tout en s'adaptant au sujet : les aplats ou motifs en damier japonisants se retrouvent dans les scènes de famille comme dans Le Paravent des NourricesModèle:Sfn ; si La Petite Blanchisseuse surprend par sa raideurModèle:Sfn, son goût du mouvement pousse Bonnard à alléger les lignes<ref name="bouvet6" /> dans les lithographies très vives et dynamiques qui ornent les Petites Scènes familières de son beau-frère Claude Terrasse<ref name="bouvet8">Antoine Terrasse dans Modèle:Harvsp.</ref> ; le dessin se fait Modèle:Citation dans le recueil Parallèlement de Verlaine, mais moins précis, procédant par masses confuses, pour représenter les gradins d'un champ de course ou des rangées d'arbresModèle:Sfn.

Bonnard se distingue par le faible nombre d'états réalisés avant l'estampe finale : il la prépare en effet par de nombreuses esquisses à la plume, au crayon, à l'aquarelle<ref name="bouvet7"/>. Tirant une leçon de chaque expérience, il dit avoir beaucoup appris pour sa peinture de la rigueur qu'imposent les procédés de gravure et les jeux de tons limités de la lithographie<ref name="bouvet8"/>. L'illustration l'intéresse d'un point de vue artistique sans que lui échappe son aspect à la fois commercial et démocratique. Il rêve en 1893 Modèle:Citation et de les répandre dans Paris à prix modique : Modèle:Citation, écrit-il alorsModèle:Sfn.

Des liens se créent entre les estampes et les tableaux, les sujets étant les mêmes et certaines parties reprises, transposées : L'Indolente du tableau de 1899 réapparaît parmi les illustrations lithographiées de Parallèlement (1900), le bestiaire de Daphnis et Chloé (1902) dans un paysage peint les années suivantes<ref name="bouvet8"/>, certains détails et la vivacité des toiles citadines dans Quelques aspects de la vie de Paris Modèle:Incise.

Plusieurs chiens se retrouvent au centre d'une place de village, dans un style monochrome très épuré.
Eau-forte illustrant Dingo d'Octave Mirbeau (1924, Metropolitan Museum of Art).

Les différents éléments des compositions sont unis en outre de façon à ce que, comme dans les toiles, Modèle:CitationModèle:Sfn. Bonnard cherche à rapprocher le spectateur du sujet puisé dans ses expériences personnelles, tout le laissant interpréter ce qui n'est que suggéré<ref name="bouvet8" />. En dehors des visions édéniques empreintes de nostalgie et des scènes familiales humoristiques, les scènes de rue et les personnages populaires saisis sur le vif assurent le succès de ses productions graphiques comme picturales durant cette décennieModèle:Sfn.

En 1909 Bonnard se lance dans l'eau-forte, procédé qui le pousse à plus de rigueur encore dans le dessin. Il illustre de cette façon Dingo d'Octave Mirbeau et Sainte Monique de Vollard. Si ses petits paysages de Dingo sont d'une grande finesse, il expérimentera peu cette technique. Après 1923, ses lithographies se font plus graves : il s'intéresse davantage à la lumière, à la compréhension des êtres et des choses<ref name="bouvet9">Antoine Terrasse dans Modèle:Harvsp.</ref>. Retiré au Cannet en 1939, il s'inspire principalement des intérieurs ou des paysages alentour<ref name="bouvet10">Antoine Terrasse dans Modèle:Harvsp.</ref>. En 1942, Louis Carré lui commande des dessins, que Bonnard réalise à la gouache et dont Jacques Villon, en collaboration permanente avec lui, tire des lithographies en 80 exemplaires numérotés jusqu'en 1946<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Bouvet rassemble dans son catalogue raisonné un total de 525 estampes<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, parmi lesquelles Watkins compte Modèle:Unité. Celles-ci dominent cependant dans un œuvre gravé assez dense, et dans deux des trois ouvrages que Bonnard a le plus richement illustrés, Parallèlement et Daphnis et ChloéModèle:Sfn,Modèle:Sfn. Quant aux Aspects de la vie de Paris, ils prouvent à quel point l'œuvre gravé rejoint l'œuvre peint pour ce qui est de la Modèle:Citation<ref name="bouvet10"/>. Modèle:Citation, résume Antoine TerrasseModèle:Sfn.

Les séries

Séries à proprement parler ou illustrations, l'œuvre gravé de Bonnard est remarquable pour ces ensembles variés dont certains contiennent bon nombre d'estampes.

Image en noir sur fond crème d'un loup de dos sous des branches avec une file de corbeaux, ayant pour titre Paysage de neige
Couverture d'une chanson (1898, Metropolitan Museum of Art).
Petites scènes familières (1893)

Vingt lithographies en noir (dont la couverture) ornant un album de musique de son beau-frère Claude Terrasse<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Répertoire des Pantins (1898)

Pour les représentations d'Ubu roi au Théâtre des Pantins cofondé par Claude Terrasse, Alfred Jarry et Franc-Nohain, Bonnard non seulement participe à la réalisation des marionnettes et des peintures murales mais compose aussi, en noir, les couvertures de six chansons, se représentant lui-même dans le dessin intitulé La Vie du peintre<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Quelques aspects de la vie de Paris (1899)

Cette suite de treize planches en couleur exposées chez Ambroise Vollard est tirée à Modèle:Unité en 1899. Plusieurs lithographies reprennent des sujets déjà abordés dans les tableaux : on retrouve ainsi la scène de Coin de rue dans le panneau gauche du triptyque Aspects de Paris ; des détails de Maison dans la cour sont semblables à ceux des Toits ; la Rue, le soir, sous la pluie et Coin de rue vue d'en haut sont respectivement comparables à Place Pigalle, la nuit et Rue étroite de Paris<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Parallèlement (1900)

Pour le recueil de Verlaine, Bonnard réalise Modèle:Unité et Modèle:Unité (gravés sur bois par Tony Beltrand)Modèle:Note. Deux cents exemplaires de l'ouvrage sont imprimés et numérotés sur des supports variés Modèle:Incise, les lithographies étant tirées en rose sanguine. Modèle:Citation Ces lithographies, Modèle:Citation Bonnard s'y est inspiré notamment de ses nus, photographiant sa compagne pour ses dessins préparatoires ; il a aussi été influencé par les personnages de Watteau (Gilles, Assemblée dans un parc, L'embarquement pour Cythère, L'Enseigne de Gersaint) pour les scènes du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Page de livre avec un peu de texte et, au-dessus, le dessin d'un homme et d'une femme conversant et se tenant les mains dans un paysage bucolique
Une page de Daphnis et Chloé (1902, MET).
Daphnis et Chloé (1902)

Très satisfait de leur collaboration, Ambroise Vollard s'adresse de nouveau à Bonnard pour cette pastorale. Les Modèle:Unité en noir, bleu clair ou gris sont là encore éditées sur plusieurs supports (papier japon, chine, vélin de Hollande). Le peintre adopte cette fois un format rectangulaire unique, évitant la monotonie grâce à la variation des sujets ou de leur interprétationModèle:Sfn. Il dit avoir créé ces scènes Modèle:Citation<ref>Bonnard à Marguette Bouvier, Comœdia, 23 janvier 1943, cité dans Modèle:Harvsp.</ref>. Contrairement aux Quelques aspects de la vie de Paris, ce sont les personnages de Daphnis et Chloé qui seront repris plus tard dans ses peintures<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Dingo (1924)

Pour le roman d'Octave Mirbeau Dingo, Bonnard réalise Modèle:Unité et quelques héliogravures. Vollard en édite les Modèle:Unité sur les divers supports des ouvrages précédents. À noter qu'Modèle:Citation

La Vie de sainte Monique (1930)

Vollard demande à Bonnard d'illustrer son livre La vie de sainte Monique : tiré à Modèle:Unité, celui-ci incorpore des médiums très différents puisqu'il compte Modèle:Unité, Modèle:Unité et Modèle:Unité sur bois, pour Modèle:Citation<ref>Bonnard à Marguette Bouvier, Comœdia, 23 janvier 1943, cité dans Modèle:Harvsp.</ref>. Mélanger ainsi les techniques est très rare et Vollard a beaucoup réfléchi à la façon d'obtenir une certaine homogénéité, ne plaçant notamment hors-texte que les lithographies<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Cette série commencée vers 1920 aurait traîné dix ans avant d'être publiée<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Le Crépuscule des nymphes (1946)

Pour Le crépuscule des nymphes de Pierre Louÿs, paru chez Pierre Tisné, Bonnard réalise Modèle:Unité. Les trente premiers des cent vingt exemplaires comportent une suite de lithographies sur papier de chine numérotées<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Modernité et postérité

À la mort de Bonnard surgit un débat sur sa modernité : qu'il soit Modèle:Citation aux yeux de ceux qui cherchent à définir sa place et son importance dans l'histoire de l'art. La polémique se poursuit sans empêcher que l'œuvre soit appréciée tant par le public que par certains peintres contemporains.

Impressionniste ou moderne ?

Lors de l'exposition qui a lieu d'octobre à Modèle:Date- au musée de l'Orangerie, le critique Christian Zervos titre ainsi l'éditorial de sa revue Cahiers d'art : Modèle:Citation Modèle:Incise.

Comme Apollinaire avant luiModèle:Note, Zervos voit dans l'œuvre de Bonnard une peinture plaisante et facile d'accès, qui sans bousculer les acquis de la tradition permet au grand public de croire qu'il comprend l'art moderne. Considérant que l'art pictural ne s'est régénéré au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle qu'en combattant l'impressionnisme, ce qu'incarnent Henri Matisse d'un côté et les cubistes de l'autre, le critique reproche à Bonnard d'être demeuré un néo-impressionniste débordé par ce qu'il ressent : il lui dénie toute puissance ou génie. Matisse lisant cela se serait mis en rage : Modèle:CitationModèle:Sfn. À l'instar de Picasso qui dit ne pas vouloir être touché par BonnardModèle:Sfn, Zervos méconnaît le parcours, les intentions et la méthode de celui-ci : il l'imagine sur le motif, posant ses couleurs au gré de ce qu'il voit sans affirmer la moindre visionModèle:Sfn.

La peinture de Bonnard continue durant quelques décennies à être perçue comme une prolongation en quelque sorte anachronique de l'Impressionnisme. Proches du peintre, critiques et artistes s'emploient à en montrer la complexité sans toujours la faire sortir de ce cadreModèle:Sfn. Pierre Francastel souligne que c'est cette filiation qui l'a fait admettre par des critiques aux goût plutôt classiques, et Maurice Raynal estime qu'il a assuré le passage vers l'art contemporainModèle:Sfn. Claude Roger-Marx le situe par son imagination plus près d'Odilon Redon que de VuillardModèle:Sfn, tandis qu'André Lhote lui trouve une place dans l'art moderne en le rangeant avec Marc Chagall du côté des peintres naïfs. Quant au critique d'art américain Clement Greenberg, il voit en Bonnard un héritier de l'impressionnisme plus novateur que ce que laissent croire ses sujets, et un peintre presque majeur en ce qu'il a su renouveler sans la chahuter la veine dont il était issuModèle:Sfn.

Difficilement classable, l'œuvre de Bonnard semble avoir cristallisé des luttes idéologiquesModèle:Sfn. Quand Balthus déclare en 1954 préférer Bonnard à Matisse, il adopte selon Georges Roque la posture de ceux qui refusent de faire de Matisse et Picasso les deux monstres sacrés du modernismeModèle:Sfn,Modèle:Note, voire souhaitent opposer un nouveau réalisme au cubisme et à l'art abstraitModèle:Sfn. Roque se demande si ce n'est pas Modèle:Citation, du moins celui d'un cubisme déjà sur le déclin : selon son analyse, le statut de peintre moderne que refusaient à Bonnard les tenants du cubisme allait paradoxalement lui être accordé par les partisans de l'art abstraitModèle:Sfn. En 1924 déjà, Claude Roger-Marx voyait un lien entre la fin du cubisme, un renouveau de la sensibilité, et la découverte de BonnardModèle:Sfn.

Le peintre de la peinture

Bonnard s'est intéressé à l'abstraction et de plus en plus à la peinture pour elle-même.

tableau fait de masses de masses de couleurs vives circulaires ou allongées, dans lesquelles on distingue des objets posés sur une table et un dossier de chaise.
Coin de table (1935, huile sur toile, Modèle:Dunité, Musée national d'Art moderne).

La connaissant malModèle:Sfn, il voyait d'un mauvais œil la peinture abstraite pour ce qu'elle lui paraissait coupée du réel, Modèle:Citation dans lequel il ne souhaitait pas s'enfermerModèle:Sfn. Il n'en notait pas moins dans ses carnets : Modèle:CitationModèle:Sfn, ou encore Modèle:Citation Modèle:Incise. Sur la fin de sa vie il déclarait à Jean Bazaine que, plus jeune, il eût travaillé dans cette directionModèle:Sfn. Une toile comme Coin de table donne l'impression qu'il s'est bel et bien affranchi de la réalité en se laissant porter par les couleursModèle:Sfn ; de même pour certaines portions de tableaux tels L'Atelier au mimosaModèle:Sfn. Bazaine, dissociant la question de l'abstraction et celle de la figuration, admire justement chez Bonnard son travail proprement plastique et son exaltation de la couleur, non dans un jeu gratuit mais comme un équivalent de la réalité qui, combiné à des formes également transfigurées, renoue avec celle-ciModèle:Sfn.

Un peu plus tard le peintre anglais Patrick Heron observe que l'influence de Picasso sur les européens de sa génération décline au profit de celle de Matisse et de BonnardModèle:Sfn. Il relève chez nombre d'entre eux (Maurice Estève, Gustave Singier, Alfred Manessier, Serge Rezvani, François Arnal) ce qu'ils doivent aux « éléments abstraits » de Bonnard, et distingue chez celui-ci les sujets qu'ils a traités, hérités du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, de leur traitement plastique, toujours nouveau et surprenantModèle:Sfn. Enfin, s'il resterait à déterminer l'influence exacte de Bonnard sur l'art contemporain américain et le courant de l'expressionnisme abstrait (Jackson PollockModèle:Sfn, Morris LouisModèle:Sfn, Barnett Newman, Sam FrancisModèle:Sfn), Jean Clair discerne par exemple chez Mark Rothko des dispositifs de grands champs chromatiques de couleurs saturées et posées en aplats qui font penser à Matisse mais aussi à BonnardModèle:Sfn.

S'il se défiait des théories, Bonnard n'avait rien d'Modèle:Citation. Il a contribué avec les nabis à faire sortir la peinture de son « cadre » conventionnel pour qu'elle se déploie dans le quotidienModèle:Sfn. Le siècle était par ailleurs à la subversion voire l'agonie du sujet au profit du travail pictural lui-mêmeModèle:Sfn. Loin d'être étranger à ce bouleversement, Bonnard pratique selon Ann HindryModèle:Note Modèle:Citation à travers les multiples variations de sujets retreintsModèle:Sfn : le peintre n'y a d'autres préoccupations que des ajustements, parfois infimes, de composition ou de palette ; Modèle:Citation, au point que celle-ci devient son propre objet. Aux critiques de Picasso Bonnard répondait d'ailleurs : Modèle:Citation

Succès croissant

« J'espère que ma peinture tiendra, sans craquelures. Je voudrais arriver devant les jeunes peintres de l'an 2000 avec des ailes de papillon », souhaitait Bonnard à la fin de sa vieModèle:Sfn.

Dès 1947 son œuvre voyage aux Pays-Bas et en Scandinavie, avant d'être montrée au musée de l'Orangerie d'octobre à décembre, puis à Cleveland et à New York. Elle sera dès lors régulièrement exposée tant en Europe qu'en Amérique du Nord, depuis l'exposition « Bonnard and his Environment » qui en 1964-1965 part du MoMA pour aller à Chicago et Los Angeles, jusqu'à la quarantaine de toiles, sans compter les estampes et photographies, présentées d'Modèle:Date- à Modèle:Date- au pavillon Pierre-Lassonde du musée national des beaux-arts du Québec<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Depuis le milieu des Modèle:Nobr, c'est au petit-neveu de Bonnard Antoine Terrasse que la France doit le plus grand nombre de monographies sur ses peintures, dessins, photographies et correspondances. Après les expositions « Pierre Bonnard : Centenaire de sa naissance » à l'Orangerie (janvier-Modèle:Date-) et « Bonnard et sa lumière » à la Fondation Maeght (juillet-Modèle:Date-), a lieu au Centre Georges-Pompidou du Modèle:Date- au Modèle:Date- une grande rétrospective qui sera exportée à Washington et à Dallas : elle illustre Modèle:Citation.

Photo en couleurs d'un bâtiment clair avec des parties modernes, quelques palmiers et une vieille église sur fond de ciel bleu.
Le musée Bonnard en 2011.

En 2006, c'est sur quatre-vingt-dix toiles de Bonnard que le musée d'Art moderne de Paris rouvre ses portes après travaux, l'exposition « L'Œuvre d'art : un arrêt du temps » s'y tenant du Modèle:Date- au Modèle:Date-. Du Modèle:Date- au Modèle:Date-, le musée des impressionnismes Giverny en organise une sur « Bonnard en Normandie ».

En 2015, le musée d'Orsay Modèle:Incise entend montrer la cohérence et l'originalité de cette œuvre étalée sur six décennies : l'exposition « Pierre Bonnard : Peindre l'Arcadie » attire plus de Modèle:Unité visiteurs du Modèle:Date- au Modèle:Date-Modèle:Sfn. Du Modèle:Date- au Modèle:Date-, 25 tableaux et 94 dessins de Bonnard issus de la collection de Zeïneb et Jean-Pierre Marcie-Rivière<ref>« Bonnard / Vuillard. La donation Zeïneb et Jean-Pierre Marcie-Rivière » sur le site d'Orsay.</ref> y sont visibles à côté d'œuvres de Vuillard.

Le Modèle:Date-, le premier musée consacré à Pierre Bonnard ouvre au Cannet dans un hôtel particulier 1900 rénové. Depuis 2003, où le conseil municipal a voté le projet validé en 2006 par la Direction des musées de France, la ville n'a cessé d'enrichir le fonds grâce à des achats, dons et dépôts, privés comme publics. Partenaire d'Orsay, le musée Bonnard monte aussi des expositions en résonance avec son œuvreModèle:Sfn,<ref>Site du musée Bonnard.</ref>.

Bonnard atteint une certaine cote sur le marché de l'art. En 1999, Daniel Wildenstein situe la valeur de ses toiles entre Modèle:Unité et 2 millions de dollars, et jusqu'à 7 millions pour les plus grandes<ref name="DW" />. En 2015, à Fontainebleau, deux tableaux de Bonnard créent toutefois la surprise en s'envolant aux enchères à près d'un million d'euros chacun<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Principales expositions Bonnard au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle

Aperçu des œuvres

Peintures

Modèle:Annexe

Illustrations

Des têtes d'enfants et de femmes stylisées s'adonnent à la musique entourés d'instruments disposés au hasard.
Couverture du Petit Solfège de Claude Terrasse (1893, lithographie, coll. privée).
Lithographie en couleur d'un paysage verdoyant bucolique.
Le Verger (1899, lithographie).

Lithographies

Lithographie figurant des silhouettes de femmes et d'enfants avec quelques véhicules dans un paysage.
Avenue du Bois (1899, lithographie).

Objets décoratifs

Sculptures

Photographe d'une sculpture.
L'Olympe (1902, surtout de table, bronze et miroir, Musée d'Orsay).

Hommages

Peinture en couleur figurant des hommes d'âge mûr debout autour d'un tableau sur chevalet.
Maurice Denis, Hommage à Cézanne (1900) (De gauche à droite : Redon, Vuillard, Mellerio, Vollard, Denis, Sérusier, Ranson, Roussel, Bonnard et Marthe Denis).

Filmographie

Notes et références

Notes

Modèle:Références

Références

Modèle:Références nombreuses

Voir aussi

Modèle:Autres projets

Bibliographie sélective

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Liens externes

Modèle:Liens

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