Thériaque
La thériaque (appelée Modèle:Lang par les Grecs) est une préparation, connue depuis l’Antiquité, contenant une cinquantaine de composants, dont une assez forte dose d'opium, à laquelle on prêtait des vertus toniques et efficaces contre les poisons, les venins et certaines douleurs<ref>Thériaque, sur le site du CNRTL.</ref>.
Apportée à Rome par Pompée, elle fut plus tard complétée par Andromaque, médecin de Néron.
Description
S'inspirant du contrepoison de Mithridate VI, le médecin Andromaque<ref>[1] Modèle:P. Du Mitridat, ou Thériaque in : Œuvres complètes de Bernard Palissy, par Bernard Palissy, Paul-Antoine Cap</ref> dressa la recette en vers élégiaques d'un mélange de plus de cinquante drogues, plantes et autres ingrédients dont le castoréum, l'opium, la vipère et la scille. Pline l'Ancien, dans son Histoire naturelle (livre XXIX, VIII, 8)<ref>Lire l'extrait de Pline ici (en anglais)</ref>, fustige déjà la multiplicité des ingrédients de la thériaque qu'il considérait comme une Modèle:Cita. Au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, le médecin grec Galien compose pour les empereurs romains une nouvelle recette de thériaque comme antidote contre les poisons.
Elle était réputé efficace contre l’empoisonnement par le pavot, la ciguë, la jusquiame, l'aconit ; contre la cantharide, les morsures de la vipère et du chien enragé, contre la piqûre du scorpion et autres animaux venimeux, contre toutes sortes de venin. Elle aurait été efficace contre la peste et de nombreuses autres maladies<ref>Les Médicaments oubliés. La thériaque, étude historique et pharmaceutique par J. Bernhard: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61381374/f65.item.r=cigue.vertical#</ref>.
À l'époque moderne, la composition de la thériaque, préparée par les apothicaires, a beaucoup varié. Celles de Venise et Montpellier étaient très réputées.
Du fait de nombreuses fraudes dans sa fabrication, les apothicaires parisiens décidèrent au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle de la préparer en public devant des médecins et des représentants des autorités. C'est Moyse Charas qui le premier, en 1667, rendit sa formule publique. Il la préparait au cours de la semaine de la thériaque, vers le mois de février. Sa préparation nécessitait plus d'un an et demi (car elle devait fermenter) et faisait appel à plus de soixante-quatre ingrédients végétaux, minéraux et animaux des plus variés, sans compter le vin et le miel : gentiane, poivre, myrrhe, acacia, rose, iris, rue, valériane, millepertuis, fenouil, anis ainsi que de la chair séchée de vipère, de l'opopanax et des "rognons de castor"<ref>La vie parisienne à travers les âges, Tome 1, par Jacques Milley, coll. Connaissance du Passé, 1965, page 275.</ref> (probablement des glandes à castoréum).
À côté de la « grande thériaque » existait une thériaque diatessaron (« thériaque des pauvres » ou encore « thériaque des Allemands ») composée de quatre plantes : aristoloche ronde, baies de laurier, myrrhe, gentiane réduites en poudre et mélangées à du miel et à du genièvre pour constituer un électuaire liquide.
La thériaque était reconnue à l'époque comme une panacée en vertu de son action contre les poisons et les venins, mais aussi contre de nombreuses maladies. Elle contenait de l'extrait d'opium, environ Modèle:Unité/2 pour Modèle:Unité (opiat<ref>J. Flahaut « La thériaque diatessaron ou thériaque des pauvres » Revue d'histoire de la pharmacie 1998;46(318):173-82.</ref>).
Elle ne fut supprimée du Codex medicamentarius, Pharmacopée française, qu'en 1884 pour diverses raisons, à une époque où la médecine empirique commence à être rejetée.
Composition
La formule de la thériaque telle que la donne Galien se retrouve exactement dans divers ouvrages, dont la pharmacopée de Johann Zwelfer (Modèle:Lang, 1653) et le Codex français de 1758. Il y entre des trochisques (rondelles desséchées) de scille, de vipère et de pavots, les trois ingrédients majeurs. Depuis Zwelfer, la formule primitive a été modifiée peu à peu, sur des points de détail seulement : certains composants ne se rencontrant plus dans le commerce de la droguerie, on leur a substitué des produits équivalents. La modification la plus importante fut, dans la seconde moitié du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, l’abandon de la chair de vipère. Jusqu'à quatre-vingt-sept plantes aromatiques entraient dans la préparation de la thériaque, composée dans la pharmacie d'un monastère.
À la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, selon le Codex<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, la formule légale de la thériaque était la suivante :
Ingrédient | Grammes |
---|---|
Opium de Smyrne | 120 |
Gingembre | 60 |
Iris de Florence | 60 |
Valériane | 80 |
Acore aromatique | 30 |
Rapontic (rhubarbe) | 30 |
Quintefeuille (potentille) | 30 |
Racine d’aristoloche Modèle:Référence nécessaire | 10 |
Racine d’asarum | 10 |
Racine de gentiane | 20 |
Racine de meum | 20 |
Bois d’aloès | 10 |
Cannelle de Ceylan | 100 |
Squammes de scille | 60 |
Dictame de Crète (marjolaine) | 30 |
Feuilles de laurier | 30 |
Feuilles de Modèle:Lang (Modèle:Lang) | 60 |
Sommités de calament | 30 |
Sommités de marrubes (Modèle:Lang) | 30 |
Sommités de pouliot des montagnes (peut-être une espèce de menthe ou de germandrée) | 30 |
Sommités de germandrée petit-chêne (« chamaedrys ») | 20 |
Sommités de chamaepitys (un bugle soit Ajuga iva, soit Ajuga chamaepitys) | 20 |
Sommités de millepertuis | 20 |
Rose rouge | 60 |
Safran | 40 |
Fleurs de stoechas (lavande) | 30 |
Écorce sèche de citron | 60 |
Poivre long | 120 |
Poivre noir | 60 |
Fruits de persil | 30 |
Fruits d’ammi | 20 |
Fruits de fenouil | 20 |
Fruits d’anis | 50 |
Fruits de « séseli de Marseille » (Modèle:Lang) | 20 |
Fruits de daucus de Crète (carotte) | 10 |
Fruits d’ers (Modèle:Lang) | 200 |
Fruits de navet | 60 |
Fruits de petit cardamome | 80 |
Agaric blanc (champignon de Paris) | 60 |
Suc de réglisse | 120 |
Cachou | 40 |
Gomme arabique | 20 |
Myrrhe | 40 |
Oliban | 30 |
Sagapénum (gomme séraphique) | 20 |
Modèle:Lang (extrait de férule) | 10 |
Opopanax | 10 |
Benjoin | 20 |
Castoréum | 10 |
Mie de pain | 60 |
Terre sigillée | 20 |
Sulfate de fer sec | 20 |
Bitume de Judée | 10 |
On pilait toutes ces substances, convenablement desséchées, puis on les passait au tamis de soie de manière à obtenir une poudre très fine et à laisser le moins possible de résidus : c’était la poudre thériacale. On prenait alors Modèle:Unité de cette poudre, Modèle:Unité de térébenthine de Chine, Modèle:Unité de miel blanc et Modèle:Unité de vin de Grenache.
On liquéfiait dans une bassine la térébenthine, et on y ajoutait assez de poudre thériacale « pour la diviser exactement ». D’autre part on faisait fondre le miel et, tandis qu’il était assez chaud, on l’incorporait peu à peu au premier mélange ; on y ajoutait alors par petites quantités le reste de la poudre et du vin, ce qui devait donner finalement une pâte un peu molle, appelée électuaire.
Après quelques mois, on triturait de nouveau la masse dans un mortier pour la rendre parfaitement homogène.
Thériaque minérale de Robin
Cette formule est extraite du Formulaire pratique de thérapeutique et de pharmacologie de A. Gilbert et P. Dion, Octave Doin éditeur, 1907.
Ingrédient | Grammes |
---|---|
Chlorure de sodium | 15 |
Chlorure de potassium | 10 |
Phosphate de soude desséché (phosphate de sodium anhydre) | 13 |
Phosphate de potasse (phosphate de potassium) | 6 |
Glycérophosphate de chaux (glycérophosphate de calcium) | 1 |
Glycérophosphate de magnésie (glycérophosphate de magnésium) | 1 |
Sulfate de potasse (sulfate de potassium) | 1 |
Carbonate de fer | 0,5 |
Hémoglobine | 2,5 |
Glycérophosphate de fer | 15 |
Jaune d'œuf desséché | 15 |
Lactose | 10 |
Caséine | 5 |
Rhubarbe pulvérisée | 4 |
Sulfate de strychnine | 0,05 |
Méthylarseniate disodique (méthylarséniate de disodium) | 1 |
La posologie est de Modèle:Unité/2 deux fois par jour avant les repas. La formule est donnée avec les appellations de l'époque telle qu'elle figure dans le formulaire et entre parenthèses leur dénomination chimique standard.
Mode d’administration et doses
La thériaque était un électuaire, c’est-à-dire une pâte de consistance un peu plus solide que le miel, assez molle quand elle était récente, assez ferme lorsqu’elle avait vieilli (souvent de plusieurs années). Sa couleur était noirâtre en raison du suc de réglisse qu’elle contenait.
Pour les affections internes, on l’administrait ordinairement à raison de Modèle:Unité chez l’adulte, et de 50 centigrammes à Modèle:Unité chez les enfants, selon l’âge. On la faisait prendre soit nature, soit en potion en la délayant dans de l’eau.
Pour les affections externes, elle pouvait s’employer en pommade, ou en teinture après l’avoir délayée dans de l’eau-de-vie (dans la proportion d’une partie de thériaque pour 6 d’eau-de-vie).
Annexe
1724 - Question des médecins de Saragosse aux médecins de Montpellier
M.Chicoyneau, chancelier et juge, lui écrivit : Modèle:Citation<ref>Archives de la Faculté de Médecine de Montpellier.</ref>.
Citation, France, 1840
Notes et références
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Documents anciens
La composition et le mode d’administration de la thériaque sont extraits de :
La composition de la thériaque telle qu'elle était habituellement préparée au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle figure dans :
- Études modernes
- La thériaque : histoire d'un remède millénaire / sous la direction de Véronique Boudon-Millot et Françoise Micheau, Paris, Les Belles lettres, 2020, 434 p. Modèle:ISBN https://www.sudoc.fr/251139611
Liens externes
- Mandragore BNF Enluminures arabes Man. Arabe 2964 Galien (pseudo-), Thériaque (trad. anonyme) Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle D - hégire 595 = 1198-1199
- La Thériaque d'Andromachus Paris, 1668, par Moyse Charas
- Histoire générale des drogues simples et composées, Paris, 1735, Pierre Pomet
- Encyclopédie universelle
- Société d'Histoire de la Pharmacie