Edith Stein

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Edith Stein, en religion sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, née le Modèle:Date à Breslau, ville silésienne du royaume de Prusse dans l'Empire allemand, déportée le Modèle:Date, puis internée au camp d'extermination nazi d'Auschwitz où elle fut assassinée le Modèle:Date, est une philosophe et théologienne allemande d'origine juive devenue religieuse carmélite. Elle a été canonisée par le pape Modèle:Souverain2 le Modèle:Date. Modèle:Citation<ref>Joachim Bouflet, Edith Stein : philosophe crucifiée, Presses de la Renaissance, 1998, Modèle:ISBN.</ref>, faite co-sainte patronne de l'Europe par le pape Modèle:Souverain- le Modèle:Date, à l'ouverture du synode des évêques sur l'Europe, en même temps que Brigitte de Suède et Catherine de Sienne<ref>Lettre apostolique en forme de «Modèle:Latin» pour la proclamation de Sainte Brigitte de Suède, Sainte Catherine de Sienne et Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix co-patronnes de l'Europe</ref>.

Née dans une famille juive, elle passe par une phase d'athéisme. Étudiante en philosophie, elle est la première femme à présenter une thèse dans cette discipline en Allemagne, puis continue sa carrière en tant que collaboratrice du philosophe allemand Edmund Husserl, le fondateur de la phénoménologie.

Une longue évolution intellectuelle et spirituelle la conduit au catholicisme auquel elle se convertit en 1921<ref group=Note>« Devenue catholique, Edith Stein se considère toujours comme appartenant au peuple juif » ; voir également l'exemple de Jean-Marie Lustiger : Modèle:Citation.</ref>. Elle enseigne alors et donne des conférences en Allemagne, développant une théologie de la femme, ainsi qu'une analyse de la philosophie de Thomas d'Aquin et de la phénoménologie.

Interdite d'enseignement par le régime national-socialiste, elle demande à entrer au Carmel, où elle devient religieuse sous le nom de Sœur « Thérèse-Bénédicte de la Croix ». Arrêtée par la SS, elle est déportée et meurt Modèle:Citation<ref group=Note>Marike Delsing, témoin de la scène, a transmis ses dernières paroles.</ref> à Auschwitz.

Biographie

Enfance et études

Son père, Siegfried Stein (1844-1893) est commerçant en bois dans une scierie. Il épouse le Modèle:Date Augusta Courant (1849-1936), et s'installe à Gleiwitz (Haute-Silésie), où naissent leurs six premiers enfants :

  • Paul (1872-1943, mort au camp de concentration de Theresienstadt),
  • Selma (1873-1874),
  • Else (1876-1954),
  • Hedwig (1877-1880),
  • Arno (1879-1948),
  • Ernst (1880-1882)<ref group="A" name="p.16">Modèle:P.</ref>.

En 1882, la famille s'installe à Lublinitz, où Siegfried fonde sa première entreprise avec l'aide de sa belle-famille. C'est une période difficile pendant laquelle l'aide familiale lui permet de ne pas sombrer dans la misère. C'est là que viennent au monde les derniers enfants du couple Stein :

  • Elfriede (1881-1942, morte en camp de concentration),
  • Rosa (1883-1942 qui rejoint au carmel sa sœur Edith et meurt avec elle à Auschwitz),
  • Richard (1884, mort-né),
  • Erna (1890-1978)<ref group="A" name="p.16"/>.
  • Edith (1891-1942)
Fichier:DomEdytyStein.jpg
Maison de famille d'Édith Stein à Wroclaw.

Édith Stein naît le Modèle:Date à Breslau, jour de l’expiation, le Kippour<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Uitgeverij De Moas et Waler Drten, Aus dem Leben einer jüdische Familie. Das Leben Edith Steins: Kindheit und Jugend, Verlag Herder, Fribourg, Bâle, Vienne, 1985, Modèle:P..</ref>, ce qui la rend particulièrement chère à sa mère, juive pratiquante<ref name="Biographie Vatican">{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Lien web</ref>. Son père, Siegfried Stein, meurt d'une insolation quand Édith n'a pas encore trois ans<ref group="A" name="p.16"/>. Sa mère, femme très pieuse, doit alors subvenir aux besoins de sa famille et diriger l'entreprise familiale. Cette lourde tâche demande beaucoup de rigueur et de travail, discipline qu'Augusta Stein essaie de transmettre à ses enfants, ainsi que sa foi juive. Édith Stein raconte d'ailleurs que comme elle est la dernière de sa famille, c’est à elle qu'il revient, d'après la tradition juive libérale, de poser les questions liturgiques lors des fêtes juives, questions qui donnent lieu à des explications plus complètes par le célébrant.

Edith Stein entame sa scolarité à l'école Victoria en 1896, année où, pour la première fois en Prusse, les filles sont autorisées à passer le baccalauréat. Elle se retrouve très vite dans la classe supérieure. Une camarade de classe dit d'elle : Modèle:Citation<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Posselt, Teresia Renata, Edith Stein, eine grosse Frau unseres Jahrhunderts, Nuremberg, 1952.</ref>. À partir de 13 ans, elle commence pour Kippour à jeûner jusqu'au soir, suivant la tradition juive. Elle conserve cette pratique même lorsqu'elle quitte sa famille et ne prie plus<ref group="B">Modèle:P..</ref>.

Fichier:Saint Edith Stein.jpg
Edith Stein (en 1920).

À partir de 1904, les filles sont admises au lycée. Toutefois, arrivée à l'adolescence, Edith Stein refuse de rentrer au lycée et demande à arrêter ses études en 1906 à l'âge de 15 ans. Elle part dix mois à Hambourg aider sa sœur Else qui vient d'avoir un enfant. C'est à cette époque qu’Edith Stein cesse de prier<ref group="A">Modèle:P..</ref> : Modèle:Citation<ref name="Biographie Vatican"/>.

En Modèle:Date, elle revient à Breslau. Elle retrouve un grand appétit de savoir et, alors qu'elle a quitté le collège volontairement, se remet avec brio aux études. Elle rattrape rapidement son retard et intègre le lycée en Modèle:Date. Pendant cette période, Édith lit et étudie beaucoup. Elle affirme plus tard que Modèle:Citation<ref group="C">{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Nobr romains, Stein Edith, Welt und Person. Beitrag zum christlichen Wahrheitsstreben, Herder Freiburg, 1962, Modèle:P..</ref>. C'est pendant cette période qu'elle commence aussi à découvrir la philosophie et notamment la lecture de Friedrich von Schiller, disciple d'Emmanuel Kant.

Edith Stein prend alors un engagement politique, en devenant membre de la section locale de « L'Association prussienne pour le vote des femmes »<ref group="A" name="p.40">Modèle:P.</ref>. Elle soutient, avec sa sœur Erna et ses amies, l'aile la plus radicale du mouvement féministe autour d'Anita Augspurg, d'Hélène Stöcker et de Linda Gustava Heymann<ref group="A" name="p.40"/>. (L'aile est radicale dans le sens où elle réclame une égalité totale entre hommes et femmes.)

Édith Stein obtient son baccalauréat avec succès en 1911 et décide de poursuivre des études universitaires en philosophie.

La philosophe

Fichier:Praha edith stein.JPG
Plaque commémorative d'Édith Stein à Prague.

Université à Breslau

Edith Stein est persuadée que Modèle:Citation<ref group="A">Modèle:P..</ref>,<ref group="C">{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Edith Steins Werke VII.Aus dem Leben einer jüdischen Familie - Das Leben Edith Steins; Kindheit und Jugend Louvain/ Freiburg, Nauwelaerts/ Herder, 1965. Modèle:P..</ref>. Elle entame alors de brillantes études à l'université de Breslau, aidée par l'argent (plusieurs milliers de marks) légué par sa grand-mère Johanna Stein<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Elle décide d'étudier de nombreuses matières : les langues indo-européennes, l'allemand ancien, l'histoire du drame allemand, l'histoire de la Prusse et de Frédéric le Grand, l'histoire de la constitution anglaise, la philosophie de la nature, l'introduction à la psychologie, l'initiation au grec ancien enfin. Édith Stein étudie particulièrement l'histoire, se considérant comme « passionnée aux événements politiques du présent considérés comme l'histoire en devenir »<ref group="C">{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Edith Steins Werke VII.Aus dem Leben einer jüdischen Familie - Das Leben Edith Steins; Kindheit und Jugend Louvain/ Freiburg, Nauwelaerts/ Herder, 1965, Modèle:P..</ref>. Elle tire de cette période de sa vie les nombreux exemples historiques qu'elle utilise par la suite dans ses conférences. Elle étudie aussi la psychologie auprès de William Stern<ref>Edith Stein, Vie d'une famille juive, traduction de C. et J. Rastoin, 2001, Ad Solem Cerf, Modèle:P. Modèle:ISBN.</ref>, et la philosophie dispensée par Richard Hönigswald. C'est au cours de ces études de psychologie qu'elle se déclare athée<ref group=Note>Déclaration d'Édith Stein faite à Philomene Steiger en 1918, soulignée dans sa thèse en 1916 où elle affirme que Modèle:Citation.</ref>. Son ami d'études, Georg Moskiewicz, qui étudie la psychologie avec elle, lui parle en 1912 de l'orientation philosophique nouvelle que présente la phénoménologie d'Edmund Husserl. Elle décide alors de l'étudier et se trouve séduite par le procédé de réduction phénoménologique<ref group= Note>La réduction phénoménologique, ou épochè phénoménologique, consiste dans Modèle:Citation. Voir Modèle:Article</ref>. C'est cette découverte qui la pousse à aller à Göttingen<ref group="B">Modèle:P..</ref>.

Elle participe aussi à deux associations<ref group="C">{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Edith Steins Werke VII.Aus dem Leben einer jüdischen Familie - Das Leben Edith Steins; Kindheit und Jugend Louvain/ Freiburg, Nauwelaerts/ Herder, 1965. Modèle:P..</ref> : la première est l'association Humboldt d'éducation populaire, qui donne gratuitement des cours de soutien scolaire à des ouvriers et des employés. Elle y donne des cours d'orthographe. La seconde est une association de femmes, visant à l'égalité des sexes et organisant des petits débats. Elle fait la connaissance à Breslau de Kaethe Scholz, une enseignante qui anime des cours de philosophie auprès de femmes. Son exemple inspire Édith Stein dans la fondation de son « Académie » en 1920.

Études à Göttingen

Edith Stein poursuit ses études à Göttingen, où elle suit, à partir de 1913, les cours du philosophe Leonard Nelson, l'historien Max Lehmann (élève de l'historien Leopold von Ranke), dont Édith Stein se dit « la petite fille spirituelle »<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Grâce à son ami Georg Moskiewicz<ref group="A">Modèle:P..</ref> Édith Stein est acceptée dans la Société de philosophie de Göttingen, qui rassemble les principaux membres de la phénoménologie naissante : Edmund Husserl, Adolf Reinach, et Max Scheler principalement. De ces rencontres, elle garde une correspondance personnelle et approfondie avec Roman Ingarden, Hans Lipps, Alexandre Koyré, parmi les plus importants. Elle fera par la suite connaissance avec Dietrich von Hildebrandt, et surtout Hedwig Conrad-Martius, Théodor Conrad, qui deviendront des amis très proches.

Edith Stein décide alors de préparer son examen d'État, première étape avant la thèse. Elle suit les conférences de Max Scheler, juif convertiModèle:Sfn qui organise ses allocutions à partir de son nouvel essai intitulé « Le formalisme en éthique et l'éthique matérielle des valeurs » (1913-1916), et à la lecture duquel Édith Stein trouve de nombreuses inspirations pour ses travaux sur l'empathie. Malgré de grosses difficultés, elle poursuit ses études avec l'aide de Reinach. L'examen est prévu pour Modèle:Date.

Première Guerre mondiale

Lors de la Première Guerre mondiale, Edith Stein a 23 ans et décide de retourner à Breslau. Dans l'immédiat, elle veut servir et aider de son mieux. Elle fréquente un cours d'infirmière. Pour elle, ce sont des temps difficiles.

Elle écrit : « Quand la guerre sera finie, si je vis encore, je pourrai à nouveau penser à mes occupations personnelles »<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Elle retourne à Göttingen pour passer son examen d'État, passe les épreuves et, début janvier, obtient le diplôme avec la mention « très bien ».

À la suite de son examen, elle postule à nouveau à la Croix Rouge, et est envoyée à l'hôpital militaire de Mährish-Weisskirchen, en Autriche. Elle soigne les malades du service des maladies infectieuses, travaille en salle opératoire, voit mourir des hommes dans la fleur de l'âge, issus de toute l'Europe de l'Est. Cette expérience la marque profondément. C'est une sorte d'expérience pratique d'empathie : comment communiquer avec des hommes dont on connaît peu la langue ?

Elle obtient la médaille de la bravoure pour son dévouement<ref group="B" name="pp. 33-34">Modèle:P.</ref>. Épuisée, elle est invitée à rentrer chez elle et n'est plus rappelée.

Thèse de philosophie

Par la suite, elle décide de se consacrer sérieusement à sa thèse. Elle fait désormais partie du cercle intime de ses maîtres. Son ami Adolf Reinach, au début de la guerre de 1914<ref>Adolf Reinach, Œuvres complètes, Modèle:P..</ref>, se convertit au protestantisme, envisagé simplement, selon son propre aveu, comme une transition du judaïsme au catholicismeModèle:Sfn. Il est baptisé le Modèle:Date-. Édith Stein côtoie de plus en plus de chrétiens dans le cercle de philosophes.

Elle poursuit sa thèse tout en étant professeur remplaçant à Breslau. Elle décide de suivre Edmund Husserl à Fribourg-en-Brisgau, où elle est l'une des premières femmes à obtenir sa thèse summa cum laude en 1917 avec le soutien de Edmund Husserl<ref group="F">Modèle:P.</ref>. Celle-ci est intitulée : « Sur le problème de l'empathie », qu'elle définit comme « une expérience sui generis, l’expérience de l'état de conscience d'autrui en général (…) L'expérience qu'un moi en général a d'un autre moi semblable à celui-ci ».

Elle fréquente beaucoup un étudiant polonais, Roman Ingarden, dont elle devient amoureuse<ref>Vincent Aucante, Le discernement selon Edith Stein, 2003, éditions Parole et Silence Modèle:ISBN, Modèle:P..</ref>. Son travail enthousiasme Husserl qui a l’impression qu'elle anticipe sur une partie de ses Idées<ref group="B" name="pp. 33-34"/>.

Collaboration avec Husserl

Fichier:Edmund Husserl 1900.jpg
Edmund Husserl en 1900.

Elle devient ensuite l'assistante d'Edmund Husserl en lui proposant ses services après avoir soutenu sa thèse, en 1916<ref group="F" name="p. 52">Modèle:P..</ref>. Elle apprend la sténographie afin de pouvoir lire les notes de Husserl<ref group="F" name="p. 52"/>. Elle donne des cours d'initiation à la pensée du philosophe. Elle synthétise les tomes 2 et 3 des Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures.

Sa recherche philosophique porte essentiellement sur la personne humaine, les relations interpersonnelles, les communautés d’appartenance (État, peuple, groupe ethnique, religieuxModèle:Etc.). Elle insiste sur le sens des valeurs, la liberté, le refus du totalitarisme.

Au cours de ces années de recherche elle tente de synthétiser avec ses propres notes l'ensemble de la pensée de Husserl. Elle remanie cet ouvrage tout au long de sa vie. Il est publié en 1991 sous le titre « Introduction à la philosophie »<ref group="A">Modèle:P..</ref>.

Edmund Husserl écrit au sujet d'Edith Stein : Modèle:Citation<ref>Edith Stein, Correspondance I. 1917-1933, Ad Solem, Éditions du Cerf, Éditions du Carmel, 2009, Modèle:P..</ref> Cependant Husserl refuse de soumettre Edith Stein à l'habilitation, ce qui lui permettrait d'être titulaire d'une chaire. Son opposition semble fondée sur sa crainte de voir échouer ce processus, dans la mesure où encore aucune femme n'est titulaire de chaire de philosophie en Allemagne<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Theresia Wobbe, « Sollte die akademische laufbahn für Frauen geöffnet werden. Edmund Husserl und Edith Stein », in Edith-Stein-Jahrbuch tome 2, Modèle:P., 1996.</ref>. De plus, comme beaucoup des nombreux professeurs juifs, Husserl est lui-même en position difficile.

Edith Stein est très touchée par la mort au front, en 1917, de son ami Reinach<ref group=Note>Roman Ingarden affirme : Modèle:Citation, in Edith Stein, Waltraud Herbstrith.</ref>. Elle « hérite » de ses notes philosophiques, où Reinach essaie de comprendre sa propre évolution religieuse vers le christianisme. C'est elle qui met en ordre et fait connaître ses notes.

Elle rédige aussi à partir des notes de Husserl l'ouvrage Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, ouvrage qui est édité par Martin Heidegger en 1928. Ce dernier<ref>Pierre Bourdieu et Roger Chartier, Le sociologue et l'historien, Agone & Raisons d'agir, 2010, Modèle:P..</ref> ne mentionnera pas correctement la contribution d'Edith Stein.

Conversion et engagements

Engagement politique et féminisme

Édith Stein s'intéresse beaucoup aux questions concernant les femmes. Elle milite ainsi pour le droit de vote des femmes (qui est obtenu en 1919 en Allemagne). Elle entre dans l'organisation « Association prussienne pour le droit des femmes au vote ». En Modèle:Date-, elle s’engage au « DDP », le Parti démocrate allemand, un parti de centre-gauche qui abrite des féministes ainsi que des personnalités juives. Alors que dans sa jeunesse elle se dit sensible à l'idéal prussien, elle devient de plus en plus critique devant le militarisme de la Prusse et l'antisémitisme ambiant. Elle écrit en 1919 : « De toute façon, nous (les Juifs) ne pouvons attendre aucune sympathie plus à droite ». Elle dénonce à son ami polonais Roman Ingarden « l'effroyable antisémitisme qui règne ici ». Progressivement, la grande idéaliste est déçue par la réalité de la politique<ref group="E">Modèle:P..</ref>. Plus tard, elle écrit : Modèle:Citation<ref name="Biographie Vatican"/>.

Elle continue d'être européenne, de refuser le triomphalisme prussien à propos de Sedan et écrit devant le carnage de la Première Guerre mondiale : Modèle:Citation<ref>Lettre à Roman Ingarden, 1917.</ref>. Dans ses lettres des années 1930, elle parle des auteurs polonais, du français Romain Rolland qu'elle apprécie, et refuse de voir la communauté humaine se déchirer à cause de nationalismes exacerbés. C'est sans doute l'origine commune de son féminisme comme de son pacifisme. Elle dit ainsi qu'elle a « de chaudes discussions »<ref name="ReferenceA">Édith Stein, Vie d’une famille juive.</ref> au sein de ce parti.

Edith Stein est la première femme devenue docteur en philosophie en Allemagne et la première à avoir demandé officiellement que les femmes soient admises à présenter une habilitation au professorat. Au cours des années 1918 à 1919, elle publie L'Individu et la communauté, sous le titre Contributions à un fondement philosophique de la psychologie et des sciences humaines, se détachant de la pensée d'Husserl, et évoquant la religion. Face aux discriminations sur son habilitation, elle écrit au Ministre de la Culture allemand, qui lui donne raison, affirmant la possibilité pour une femme d'être professeur d'université. Cependant, malgré toutes ses démarches elle est refusée à Kiel, Hambourg, et Göttingen<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Face à cette opposition elle fonde une académie privée, et accueille trente auditeurs chez elle, dont le futur sociologue Norbert Elias<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Elle poursuit sa réflexion en publiant Étude sur l'État, où elle décrit les différentes notions d'individu, de communauté, de masse et d'État. Elle s'oppose donc à l'idéologie du national socialisme allemand, ainsi qu'aux idéologies marxistes.

Elle observe vers la fin de sa vie le chemin parcouru concernant les droits obtenus par les femmes et le changement de mentalités et rédige un nouvel ouvrage : Formation de femme et profession de femme où elle explique que Modèle:Citation<ref>Voir également l'article « Édith Stein une pédagogie féminine », in Revue Carmel, no 120, Modèle:Date-.</ref>.

Rencontre du Christ

Fichier:Frankfurt Dom 1866.jpg
Cathédrale de Francfort-sur-le-Main en 1866.

La conversion d'Edith Stein est précédée d'une longue recherche intellectuelle et spirituelle, qui s'étend des années 1916 à 1921 ; en 1917, dans sa thèse sur Le Problème de l’empathie, elle n’a pas encore cessé de se considérer elle-même, par une sorte d'incapacité personnelle, comme foncièrement irréligieuseModèle:Sfn. Elle affirmera plus tard, dans un écrit objectif, que Modèle:Citation<ref group="G">Modèle:P..</ref>. Mais en 1919, elle découvre les Exercices spirituels d'Ignace de Loyola, et c’est une révélation qui la pousse à faire une retraite de trente jours comme le prescrit le fondateur des JésuitesModèle:Sfn ; elle étudie aussi L'École du christianisme de Kierkegaard et Les Confessions de Saint AugustinModèle:Sfn. La première étape de sa conversion est une expérience marquante lors de la visite d'une cathédrale à Francfort-sur-le-Main où elle rencontre une femme venant du marché qui entre, fait une courte prière, comme une visite, puis s'en va. Modèle:Citation<ref name="ReferenceA"/>.

Elle est aussi profondément marquée par la mort au front, en 1917, de son ami le philosophe Modèle:Lien ; mais c'est le rayonnement moral de la veuve de celui-ci, Anna, qui est, selon ce qu'Edith Stein affirmera elle-même, l'élément le plus déterminant : Modèle:Citation<ref group=Note>Confidence faite au professeur Hirchmann, jésuite, au parloir du Carmel d'Echt.</ref>. Anna Reinach, qui deviendra bénédictine, croit en la vie éternelle, et trouve une consolation et un courage renforcé dans sa foi en Jésus : Modèle:CitationModèle:Sfn. À travers cette expérience, elle découvre l'existence d'un amour surnaturel<ref>Andreas Uwe Müller, Édith Stein une femme dans le siècle.</ref>.

Dans le cercle des phénoménologues, les conversions au christianisme se sont multipliées (ses amies Anne et Pauline Reinach, F. Hamburger et H. Conrad notamment)<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref group="B">Modèle:P..</ref> quand en Modèle:Date Edith Stein opte définitivement pour la foi catholique. Entre le Modèle:Date- et le Modèle:Date-Modèle:Sfn, durant un séjour à Bergzabern chez ses amis Theodor et Hedwig Conrad-Martius, Edith Stein lit, ou relit, le livre d'adieu qu'elle a choisi dans la bibliothèque des Reinach : le Livre de la vie de sainte Thérèse d'Avila, par elle-même. Sainte Thérèse répond aux problèmes existentiels et philosophiques que se pose Edith Stein concernant une anthropologie intégrale, qui prenne en compte la vie intérieure des mystiquesModèle:Sfn. Décidée à Modèle:Citation, elle y découvre un monde infini qui n’est autre que le Château de l’âme décrit par Thérèse d’AvilaModèle:Sfn. Au-delà de l'analyse et de la compréhension des seuls concepts, elle fait une lecture « sapientielle » du Livre de la vie, c'est-à-dire qu'elle le lit avec passion comme une parole qui s'adresse à elle, personnellement : à travers la rencontre avec sainte Thérèse, elle rencontre la parole du ChristModèle:Sfn. Cet épisode est l’aboutissement de sa longue quête de la vérité<ref group="E">Modèle:P..</ref>. Dès lors, elle comprend que la vérité qu’elle a tant poursuivie dans la philosophie est une Personne et que cette Personne est AmourModèle:Sfn : Modèle:Citation

Dès ce moment elle veut être carmélite. Comme préparation à son baptême, elle écrit en 1921 un essai intitulé Liberté et grâce où elle affirme que Modèle:Citation, puisqu’en lui se réalise l’ultime libérationModèle:Sfn. Annoncer sa conversion à sa mère est très difficile : Modèle:Citation<ref>Archive d'Édith Stein à Cologne (ESTA) C VII Modèle:P..</ref>. Elle reçoit le baptême au sein de l'Église catholique le Modèle:Date et prend les noms de baptême : Edith, Theresia (même nom que Sainte Thérèse d'Avila), Hedwig (nom de sa marraine Hedwig Conrad-Martius). Elle fait sa première communion le lendemain et est confirmée le Modèle:Date- par Modèle:Lien, évêque du diocèse de Spire<ref group="A">Modèle:P.</ref>.

Fichier:Bergzabern Edith-Stein Secretum-meum-mihi.jpg
Mémorial à Bad Bergzabern, où Edith Stein a été baptisée.

Conférences

Après son baptême elle veut entrer dans l'Ordre du Carmel, mais son père spirituel, Modèle:Lien, le vicaire général de Spire, le lui déconseille et lui demande d'enseigner l'allemand et l'histoire au lycée et à l'école normale féminine du couvent des dominicaines de la Madeleine de Spire<ref group="A">Modèle:P..</ref>, ce qu'elle fait de 1922 à 1933. C'est un grand centre de formation des enseignantes catholiques, religieuses et laïques, de l'Allemagne du Sud. Edith Stein se plonge ainsi dans la pédagogie tout en essayant de vivre ses journées comme les religieuses, priant régulièrement et cherchant à être religieuse selon le cœur<ref group="C">Elle veut être, selon ses mots, Modèle:Citation, in {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Selbstbildnis in Briefen, Zweiter Teil 1934-1942, 1977, Modèle:P..</ref>. Elle décide de traduire en allemand, pendant ses temps libres, les œuvres de John Henry Newman, anglican converti au catholicisme<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Elle poursuit sa traduction pour une maison d'édition intéressée par le travail de Newman<ref group="C">« Entrer en contact étroit comme celui que donne la traduction avec un Esprit comme Newman, est merveilleux pour moi. Sa vie tout entière a été une recherche constante de la vérité en matière de religion », {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Briefe an Roman Ingarden 1917-1938, Einleitung von Hanna-Barbara Gerl, Anmerkungen von Maria Amata Neyer o.c.d., 1991. Modèle:P..</ref>.

Elle poursuit son travail de traduction encouragé par son père spirituel, le jésuite Erich Przywara, en traduisant pour la première fois les écrits de saint Thomas d'Aquin du latin en langue allemande (notamment les Quæstiones disputatæ de veritate). L'Église catholique ayant, en 1879, choisi, dans l'encyclique Æterni Patris, la philosophie de saint Thomas d'Aquin comme doctrine officielle de sa théologie, Édith Stein tente donc l'idée d'une « discussion entre la philosophie catholique traditionnelle et la philosophie moderne »<ref group="C">{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Selbstbildnis in Briefen, Zweiter Teil 1934-1942, 1977, Modèle:P..</ref>. Ce travail durera plus de huit ans, et conduira aux écrits : Les Questions de saint Thomas d'Aquin sur la Vérité, La Phénoménologie de Husserl et la philosophie de saint Thomas d'Aquin, Essai d'étude comparée, Puissance et acte, et L'Être fini et l'Être éternel. Le père Erich Przywara l'encourage à confronter saint Thomas d’Aquin et la philosophie moderne. Elle écrira plus tard à propos de ces études : Modèle:Citation<ref group="G">Modèle:P..</ref>.

Fichier:Beuron Ansicht.jpg
L'abbaye de Beuron.

Dès 1926 on la sollicite pour faire des conférences. C'est l'amorce d'une carrière de conférencière qui la conduira à faire plus de trente conférences à travers l'Allemagne<ref group="A">Modèle:P..</ref>. L'archiabbé Raphaël Walzer de l'abbaye de Beuron, son père spirituel à partir de 1928, et le P. Erich Przywara l’encouragent à répondre positivement à ces invitations. Elle commence alors à donner des conférences, faisant de longs voyages en Allemagne et dans d'autres pays. Nombre de ses enseignements portent sur la place de la femme dans la société et dans l'Église, sur la formation des jeunes et sur l'anthropologie. Elle prend résolument position contre le nazisme et rappelle la dignité de tout être humain.

Au cours de ces conférences, elle affirme que l'éducation ne peut pas tout obtenir par la force, mais doit aussi passer par le respect de chaque individu et la grâce. Elle met donc en garde contre la surveillance des étudiants, et montre le rôle exemplaire du professeur dans l'éducation, plus que les moyens coercitifs<ref>Conférence de 1929 intitulée « La part des institutions religieuses dans l'éducation religieuse de la jeunesse ».</ref>. Son père spirituel lui conseille de continuer son œuvre, du fait de son statut de laïc dans la société, fait rare à l'époque<ref group="A" name="p.179">Modèle:P.</ref>. Elle prend ainsi parti pour le dialogue entre catholiques et protestants au sein de l'éducation<ref>Feuille épiscopale de Spire, in Le Pèlerin, no 30, Modèle:Date-, 699, 700 p., repris par EWS Modèle:Nobr romains, Modèle:P..</ref>. Édith Stein obtient une notoriété importante au cours d'une conférence en 1930 sur « L'éthique des métiers féminins ». Seule femme à prendre la parole au cours du Congrès, elle parle des métiers féminins et refuse la misogynie de l'époque en affirmant qu'Modèle:Citation<ref>Conférence d'Édith Stein le Modèle:Date à Salzbourg intitulée « L'éthique des métiers féminins ».</ref>. Les comptes-rendus de cette conférence sont repris dans de nombreux journaux de l'époque. Au cours d'une de ces conférences<ref group="A">Modèle:P., Modèle:Date- conférence intitulée « Pour quoi la femme est-elle faite ? ».</ref> elle discute avec Gertrud von Le Fort, amie poétesse. Dans la Positio, Gertrud von le Fort affirmera même (mais c'est de mémoire quarante ans plus tard) qu'elle a été en contact avec Edith Stein dès 1925-26 par le biais du P. Przywara. De cette rencontre naît l'inspiration de l'œuvre La Dernière à l'Échafaud, dont Georges Bernanos s'inspire pour écrire les Dialogues des Carmélites. En 1932 elle continue ses conférences demandant une éducation précoce de la sexualité<ref group="A" name="p.179"/>.

Edith Stein continue parallèlement ses études de philosophie et est encouragée par Martin Heidegger et Modèle:Lien dans ses recherches dans le dialogue entre la philosophie thomiste et la philosophie phénoménologique<ref group="A" name="p.179"/>. En 1931, elle termine son activité à Spire. Elle tente de nouveau d'obtenir l'habilitation pour enseigner librement à Wroclaw et à Fribourg, mais elle ne l'obtient pas. Elle trouve un poste à l'Institut des sciences pédagogiques de Münster<ref group="A">Modèle:P..</ref>, institut géré par l’enseignement catholique (qui sera fermé par le pouvoir nazi quelques années plus tard). Elle participe en Modèle:Date- à une conférence à Juvisy en France, organisée par la société thomiste, où elle intervient principalement sur la phénoménologie, en précisant les pensées de Husserl et de Heidegger<ref>Modèle:Article.</ref> : Modèle:Citation<ref>La Phénoménologie, 1932, éditions du Cerf.</ref>. Elle continue à dialoguer avec ses amis philosophes, dont Hans Lipps qui la demande en mariage en 1932, demande qu'elle refuse<ref>Vincent Aucante, Le discernement selon Edith Stein, 2003, éditions Parole et Silence, Modèle:P. Modèle:ISBN.</ref>, ayant trouvé un « autre chemin ».

Edith Stein prend progressivement son autonomie vis-à-vis de Husserl. Ainsi, elle se trouve en désaccord avec lui sur le rôle de la théologie et de la philosophie. Elle considère que la philosophie a pour objectif d’ « approfondir les nécessités et les possibilités de l’être »<ref group="D" name="ch1 pp37-40">Chapitre 1, Modèle:P..</ref>, par sa fonction de connaissance. La philosophie de Husserl lui semble une impasse dans la mesure où elle ne permet pas d’accéder aux questions de l'éthique et de la philosophie de la religion, ne laissant pas « de place pour Dieu »<ref name="Phénoménologie et philosophie chrétienne">Phénoménologie et philosophie chrétienne, Édith Stein, 1987, éditions du Cerf, Modèle:ISBN, Modèle:P..</ref>. La théologie et la philosophie Modèle:Citation<ref group="D" name="ch1 pp37-40" />. La théologie peut en effet, selon elle, servir d'hypothèse permettant d'accéder au logos. Elle critique aussi le fait que la philosophie de Husserl omette des siècles de recherche chrétienne de la vérité en ne considérant que les philosophes récents<ref group="B">Modèle:P..</ref>. Cette critique se poursuit avec l'analyse de l'œuvre de Martin Heidegger. Elle conteste sa méconnaissance de la philosophie médiévale dans son analyse<ref group="B">Modèle:P..</ref>. Elle lui reproche de Modèle:Citation<ref name="Phénoménologie et philosophie chrétienne"/>.

Très vite après la prise du pouvoir par les nazis, les lois allemandes interdisent aux femmes l'enseignement dans les universités ainsi qu'aux Juifs. Cependant, même lorsqu’elle est interdite d'enseignement en 1933, l’Association des enseignantes catholiques continue à lui verser une bourse<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Édith Stein est activement opposée au nazisme dont elle perçoit très tôt le danger. Interdite d'enseignement du fait de l'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir, elle décide alors d'écrire au pape Modèle:Souverain2 pour demander une prise de position claire de l'Église contre ce qu'elle nomme « l’idolâtrie de la race »<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Lien web.</ref>,<ref> M.A. Neyer, Édith Stein au carmel, Lessius 2003, pp. 9-14.</ref>. Cette prise de position n'aura pas lieu du fait de la mort de Modèle:Souverain2 en 1939, décès qui arrête la rédaction de l'encyclique condamnant l'antisémitisme, Humani generis unitas commencée en mai 1938. Certains pensent que la lettre d'Édith Stein peut avoir eu une influence sur l'origine de cette encyclique<ref group="B">Thèse du jésuite J. H. Nota, dans {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Edith Stein und der Entwurf für eine Enzyclika gegen Rasisismus und Antisemitisismus, Freiburger Rundbrief, pp. 35-41, 1975, cité pp. 107-108.</ref>. La condamnation du nazisme par l'Église catholique a lieu dans l'encyclique Mit brennender Sorge (1937). Comme elle ne peut plus s’exprimer publiquement du fait des lois antisémites, elle redemande alors à l’archiabbé Walzer de Beuron de pouvoir entrer au Carmel.

Elle décide, à la suite d'une conversation avec un religieux, d'écrire un livre sur l'Modèle:Citation<ref group="G">Modèle:P..</ref> afin de rassembler ses souvenirs : sous le titre Vie d'une famille juive, elle décrit l'histoire de sa famille en tentant ainsi de détruire les préjugés antisémites et en décrivant l'humanité juive. Ce récit autobiographique s'arrête en 1916, peu de temps avant sa conversion. En la fête de sainte Thérèse d'Avila, le Modèle:Date, elle réalise enfin son vœu : elle entre au monastère.

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Statue commémorant l’itinéraire d’Édith Stein à Cologne.

Vie religieuse

Le choix du Carmel

Le choix du Carmel peut trouver plusieurs explications. La première raison est la lecture des mystiques du Carmel, dans la mouvance des phénoménologues à partir de 1917. En témoigne une conversation qui a lieu vers 1918<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Elisabeth Otto, Welt, Person, Gott. Eine Untersuchung zur theologischen Grundlage der Mystuk bei Edith Stein, Modèle:P. et suivantes, Vallendar-Schönstatt, 1990.</ref> : dans une période de doute et de difficultés, Philomène Steiger (1896-1985), une amie catholique, lui a parlé de la quête du prophète Élie, le définissant comme le véritable fondateur du Carmel, cherchant dans la solitude l'union à Dieu<ref group="A">Modèle:P..</ref>. À cette époque, Edith Stein connaissait déjà les écrits du Carmel. La deuxième raison, la plus importante, est son admiration pour Thérèse d'Avila et pour son œuvre qui l'ont conduite au Christ. Après la lecture de sa biographie, elle avait fait le choix de devenir catholique et d'entrer un jour au Carmel afin de « renoncer à toutes les choses terrestres et vivre exclusivement dans la pensée du divin »<ref group="C">{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Edith Steins Werke VII. Aus dem Leben einer jüdischen Familie - Das Leben Edith Steins; Kindheit und Jugend Louvain/ Freiburg, Nauwelaerts/ Herder, 1965, Modèle:P..</ref>. Mais, comme elle le dit elle-même, elle découvre que la vocation carmélitaine, loin d'être une fuite du « terrestre » est au contraire une manière concrète d'incarner un « grand amour ».

Entrée au Carmel de Cologne

Modèle:Article détaillé

Fichier:Edith Stein (ca. 1938-1939).jpg
Photographie d'Édith Stein, prise immédiatement avant qu'elle quitte le Carmel de Cologne pour se réfugier au Carmel d’Echt, v. Modèle:Date-.

En 1933, privée désormais comme juive du droit de s’exprimer publiquement, elle demande à entrer au Carmel, malgré ses 41 ans. Elle est donc admise au Carmel de Cologne. Elle prend l’habit le Modèle:Date et reçoit le nom de « Thérèse-Bénédicte de la Croix ». Ses supérieures l’encouragent bientôt à reprendre ses travaux philosophiques. À Pâques le Modèle:Date-, Édith Stein fait ses vœux temporaires. Elle a l'autorisation de poursuivre ses études sur Puissance et Acte, projet d'étude philosophique qu'elle poursuit jusqu'en 1939<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Ses travaux conduisent Édith Stein à remanier de manière complète ce projet, qu'elle renomme L’Être fini et l’Être éternel. Cet écrit peut ainsi être considéré comme son œuvre majeure. Elle y établit le chemin de la recherche de Dieu, qui passe par une recherche de la connaissance de soi. L'ensemble de ses travaux ne pourra cependant être publié, en raison des lois anti-juives du Troisième Reich. Elle renouvelle ses vœux temporaires le Modèle:Date-. Au cours de cette cérémonie, elle affirmera : Modèle:Citation<ref group="G" name="p. 24">Modèle:P.</ref>,<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} R. Leuven, Heil im Unheil. Das Leben Edith Stein: Reife und vollendung, in Edith Steins Werke, t, X Druten, Fribourg-en-Brisgau, Bâle, Vienne, 1983, Modèle:P.</ref>. Elle apprendra quelques jours plus tard que sa mère mourait au même moment. Ce fut pour Edith Stein une profonde consolation<ref group="G" name="p. 24"/>.

Le Modèle:Date-, elle prononce ses vœux définitifs en tant que carmélite. Devant le danger que présentent les lois nazies, Sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix a l'autorisation de partir au carmel d’Echt, aux Pays-Bas, le Modèle:Date<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Sa sœur Rosa, qui s’est convertie elle aussi au catholicisme, l'y rejoint plus tard après un séjour en Belgique (voir Lettres).

Carmel d’Echt

Modèle:Article détaillé Édith Stein arrive au Carmel d'Echt, aux Pays-Bas, mais elle est inscrite auprès des services de l'immigration néerlandais en tant que juive. Elle est de plus en plus inquiète devant le sort de ses amis et sa famille juive. Elle continue ses travaux mais demande à sa supérieure de « s'offrir en sacrifice au Sacré-Cœur de Jésus pour la paix véritable ». Le Modèle:Date-, elle rédige son testament, dans lequel elle « implore le Seigneur de prendre sa vie » pour la paix dans le monde, et le salut des juifs<ref group=Note>Le testament d'Édith Stein peut être problématique quant à la formulation de sa pensée sur le peuple juif. Elle parle ainsi, par exemple, de l'« incroyance (Unglauben) du peuple juif ». L'ensemble de sa vie, ses écrits et son rapport aux juifs permettent de donner une interprétation plus globale et non réductrice de cette formulation traditionnelle de l'Église d'avant le Concile. Le livre : Édith Stein, Une femme dans le siècle développe plus longuement ce passage afin de permettre une interprétation qui semble cohérente avec l'ensemble des écrits et de la vie d'Édith Stein.</ref>. L'annexion des Pays-Bas par l'Allemagne nazie conduit à une situation de plus en plus difficile pour Édith Stein, soumise à un statut particulier du fait de son origine juive. Néanmoins sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix continue d'écrire, conformément aux souhaits de ses supérieurs. Elle est ainsi déchargée de ses travaux manuels par sa supérieure au début 1941<ref group="B">Modèle:P..</ref>. À l'occasion du quatre-centième anniversaire de la naissance de saint Jean de la Croix, sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix entreprend l'étude de sa théologie mystique.

Stein avait préparé la rédaction de ce gros ouvrage par un court essai sur la théologie symbolique du Pseudo-Denys l'Aréopagite, une des sources de la pensée de saint Jean de la Croix<ref group=Note>Essai publié en français sous le titre Voies de la connaissance de Dieu.</ref>. Elle cherche à comprendre, avec le recul, comment certains arrivent à mieux découvrir Dieu à travers la création, la Bible et leurs expériences de vie, alors que pour d’autres, ces mêmes éléments restent totalement opaques. Elle intitule son œuvre sur Jean de la Croix Scientia Crucis (La Science de la Croix). Elle y fait une synthèse de la pensée du carme espagnol avec sa propre étude sur la personne humaine, la liberté et l’intériorité. Contrairement à ce qui fut dit, les dernières études graphologiques et littéraires montrent que l’œuvre est achevée au moment de l’arrestation d’Édith Stein<ref>Steven Payne, Édith Stein et Jean de la Croix dans Édith Stein, disciple et maîtresse de vie spirituelle, Modèle:P.. Voir aussi la dernière édition allemande de Kreuzeswissenschaft.</ref>. C’est une sorte de synthèse de son cheminement intellectuel et spirituel. À travers l’expérience de saint Jean de la Croix, elle cherche à trouver les « lois » générales du chemin que peut faire toute intériorité humaine pour parvenir au royaume de la liberté : comment atteindre en soi le point central où chacun peut se décider en pleine liberté<ref>Voir le paragraphe « L’âme, le moi et la liberté » dans La science de la Croix.</ref>. Cependant Édith Stein cherche à quitter les Pays-Bas afin de partir vers un Carmel en Suisse et vivre sa foi sans la menace des nazis. Ses démarches restent sans succès car elle est privée du droit d'émigrer. Elle écrit en Modèle:Date- : Modèle:Citation<ref>Évangile de saint Matthieu, Chapitre 10, verset 23.</ref>,<ref group="B">Modèle:P..</ref>.

Assassinat durant la Shoah

Photographie d'une parure vestimentaire formée d'une étoile de David dorée
Relique de l'habit de Sainte Thérèse-Bénédicte de La Croix dans la cathédrale de Spire.

Face à l'augmentation de l'antisémitisme aux Pays-Bas, les évêques néerlandais décident<ref group="B">Modèle:P..</ref>, contre l'avis du pouvoir en place, de condamner les actes antisémites par la lecture lors de l'homélie d'une lettre pastorale dans les églises le Modèle:Date-<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Par mesure de répression, un décret du Modèle:Date- conduit à l'arrestation des 1 200 « Juifs de religion catholique »<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Edith Stein, Wie ich in den Kölner Karmel kam, Modèle:P., Maria Amata Neyer.</ref>.

Elle est arrêtée le Modèle:Date par les S.S. avec sa sœur Rosa et tous les Juifs ayant reçu le baptême catholique. Ses dernières paroles sont, d'après un témoin, pour sa sœur : Modèle:Citation<ref group=Note>Une double interprétation de l'expression « notre peuple » est envisageable. Elle peut désigner le peuple allemand comme le peuple juif. Les deux interprétations sont possibles, conformément à son testament.</ref>.

Elle est détenue avec sa sœur dans le camp de transit d'Amersfoort, puis celui de Westerbork<ref group="B">Modèle:P..</ref>. Elle y retrouve deux de ses amies et « filles » spirituelles, deux jeunes filles juives devenues catholiques : Ruth Kantorowicz et Alice Reis. Au camp de Westerbork, elle croise une autre grande mystique juive du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Etty Hillesum, qui vient d’être embauchée par l'antenne du camp du Conseil juif pour aider à l’enregistrement des détenus. Cette dernière consigne dans son Journal la présence d’une carmélite avec une étoile jaune et de tout un groupe de religieux et religieuses se réunissant pour la prière dans le sinistre décor des baraques<ref group="E">Modèle:P..</ref>. Un juif qui put échapper à la déportation raconte : Modèle:CitationModèle:Sfn. À l’aube du Modèle:Date-, Edith et sa sœur Rosa font partie d'un convoi de 987 juifs qui part pour Auschwitz, en Pologne, où elles sont assassinées deux jours plus tard dans une chambre à gaz<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} David M. Wagner, The Church and the Modern Era (1846–2005), Ave Maria Press, 2020, p. 83.</ref>.

Héritage

Théologie d’Edith Stein

Vision de la femme

Fichier:Beuron Gedenktafel Edith Stein.jpg
Mémorial de l'abbaye de Beuron en Allemagne.

Édith Stein a très tôt été marquée par sa condition féminine. Première femme docteur en philosophie d’Allemagne, elle s’est engagée personnellement afin de défendre la possibilité pour les femmes d’aller à l’université et d’y enseigner, malgré les nombreuses réticences du début du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle.

Sa conversion va l’engager sur une autre voie. Elle comprend alors que les revendications féministes<ref group="B">Modèle:P..</ref> ne suffisent pas ; le vrai féminisme consiste à vouloir non pas une femme « masculinisée » ou qui tende à se passer de l’homme, mais une femme complémentaire de l’homme par la libre et complète réalisation de sa nature originaleModèle:Sfn. Edith Stein a donc développé une théologie catholique de la femme, à travers de nombreuses conférences dans toute l’Allemagne.

Certaines de ses conférences ont été regroupées en français dans un premier recueil La Femme et sa destinée, suivi en français de La femme. Ces livres abordent de nombreux thèmes comme l’éducation de la femme, sa vocation, son statut particulier. À partir d’une analyse philosophique, Edith Stein affirme l’unité de l’humanité, puis une différenciation des sexes : après avoir créé l’homme, Dieu a voulu lui donner Modèle:Citation La séparation des sexes postule donc la complémentarité des vocations masculine et féminineModèle:Sfn. Dans la procréation et l’éducation des enfants, Modèle:Citation<ref group="D">Modèle:P..</ref>. Mais la femme a aussi trois vocations fondamentales : « l’épanouissement de son humanité, de sa féminité et de son individualité ». Tournée vers les êtres et le vivant, et douée d’intuition, la femme a la capacité de saisir l’être concret dans sa particularité et dans sa valeur propre, mais aussi dans sa totalitéModèle:Sfn. En se fondant sur le récit de la Genèse et de l’Évangile, démarche reprise par Modèle:Souverain2 dans son magistère, elle prend la Vierge Marie pour modèle, et affirme son rôle essentiel dans l’éducation. Cependant, elle nie l’opposition qui a cours à son époque affirmant que les femmes doivent se cantonner à la seule sphère familiale et affirme que la vocation de la femme peut être une vie professionnelle : « Le but qui consiste à développer les capacités professionnelles, but auquel il est bon d’aspirer dans l’intérêt du sain développement de la personnalité individuelle, correspond également aux exigences sociales qui réclament l’intégration des forces féminines dans la vie du peuple et de l’État »<ref group="D">Modèle:P..</ref>. C’est dans cet esprit qu’Edith Stein a décrit devant des institutrices catholiques de Bavière, dans une conférence en 1928, Modèle:CitationModèle:Sfn. Cette affirmation est d’autant plus forte qu’elle considère comme une perversion de la vocation féminine la vie des « jeunes filles de bonnes familles et des femmes oisives des classes possédantes »<ref group="A">Modèle:P..</ref>.

Elle affirme, en s’appuyant sur saint Thomas d'Aquin, qu’il existe des professions naturelles de la femme<ref>Anima forma corporis, de Thomas d'Aquin.</ref>, s'appuyant sur des prédispositions féminines. Prédispositions qui n’empêchent pas une singularité et des dispositions singulières, comme chez les hommes. En parlant de l’Éthique des professions féminines, elle a voulu montrer que la profession devait être conçue comme le vrai moyen de l’unification du moiModèle:Sfn. Elle affirme qu’« un authentique métier féminin, c'est un métier qui permet à l’âme féminine de s’épanouir pleinement »<ref group="D">Modèle:P..</ref>. La femme doit donc se réaliser dans sa profession en recherchant ce qui est le plus dans sa vocation. Elle doit veiller à conserver « une éthique féminine »<ref group="D">Modèle:P..</ref> dans sa profession, en prenant la Vierge Marie comme modèle de la Femme et dans sa destinée<ref group="D">Modèle:P..</ref>.

Cette réalisation doit aussi comprendre une mission spirituelle de la femme, qui se réalise par la vie en Dieu, la prière et les sacrements. Dans cette logique elle critique le manque d’instruction des femmes, et le manque d’enseignement du catéchisme auprès des femmes<ref group="D">Modèle:P..</ref>, l’éducation se focalisant trop sur la piété. Elle affirme ainsi que « la foi n’est pas une affaire d’imagination, ni un sentiment de piété mais une préhension intellectuelle ». Elle mettra en garde les institutions religieuses, qui, dans l’éducation religieuse, utilisaient trop souvent des moyens coercitifs afin de développer la piété. La foi ne pouvant s’obtenir qu’en vertu de la Grâce, elle affirme la nécessité non pas des contrôles mais de l’exemple dans l’éducation des filles<ref group="A">Modèle:P..</ref>.

Edith Stein la première a su donner une image vraie de la femme et a montré l’importance de sa valeur intrinsèque pour la vie d’un peuple : cette valeur consiste en son Modèle:CitationModèle:Sfn. Cette théologie spécifique à la condition féminine était quasiment inexistante dans l’enseignement catholique ; Modèle:Souverain2, peut-être influencé par l’analyse d’Édith Stein, la développera dans sa lettre apostolique Mulieris dignitatem<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Vision du judaïsme

Fichier:Plum Edith Stein und Maximilian Kolbe.JPG
Vitrail d'Alois Plum représentant Édith Stein et Maximilien Kolbe à Cassel.

La vision du judaïsme d’Édith Stein évolue tout au long de sa vie. Née dans une famille juive, elle abandonne sa foi juive, pour devenir athée, ou en tout cas agnostique, bien qu'elle eût continué à respecter le sabbat comme dans son adolescence. Cet athéisme est remis en question par sa rencontre du Christ. Cette conversion conduit Édith Stein à un approfondissement de sa foi et l'amène à se ré-approprier progressivement ses racines juives et à exprimer sa foi chrétienne d’une manière originale<ref group="E">Modèle:P..</ref>.

Édith Stein ne renie pas son origine juive, mais l’assume, en se considérant toujours comme appartenant au peuple juif. Elle considère ainsi que Jésus de Nazareth est un juif pratiquant, comme ses disciples des premiers temps. Il en va de même de l’Église, le groupe actuel de ses disciples. L’Église doit donc rester pleinement consciente de cet enracinement et doit être solidaire du peuple juif persécuté<ref>Édith Stein, Source cachée, Œuvres spirituelles, in « La Prière de l’Église », 1998, CERF, Modèle:ISBN.</ref>. Ainsi c’est cette réflexion et cette filiation qui conduisent Édith Stein à écrire au Pape Modèle:Souverain2 contre l’antisémitisme<ref group="B">Modèle:P..</ref>, et à agir contre l’antisémitisme tout au long de sa vie<ref>Cécile Rastoin, Édith Stein et le mystère d’Israël, CERF, 1998, Modèle:ISBN.</ref>. Elle revendique par ailleurs son héritage juif, par exemple en 1932. Lors d'un séjour à Paris, elle parle « des nôtres » ou de « nous » lorsqu'elle parle de ses amis philosophes juifs<ref group="B">Modèle:P..</ref>, ce qu'elle fera continuellement tout au long de sa vie.

Dans son œuvre présentée comme autobiographique, Vie d’une famille juive, Édith Stein veut, selon l’avant-propos, produire une réfutation de l’antisémitisme nazi à travers la présentation de la vie de sa famille et de ses amis juifs, dont elle est totalement solidaire, cherchant à faire disparaître les préjugés antisémites. Cet héritage est vécu par Édith Stein de façon plus personnelle ; elle écrit ainsi en 1932 : « J'avais entendu parler de mesures sévères prises à l'encontre des Juifs, mais à ce moment-là l'idée se fit jour en moi, soudainement, que Dieu venait à nouveau de poser lourdement sa main sur mon peuple et que le destin de ce peuple était aussi le mien »<ref group="B">Citation reproduite Modèle:P..</ref>. Elle écrit La Prière de l'Église, où elle réaffirme le lien profond, vital, entre le catholicisme et les juifs, affirmant que « le Christ priait à la manière d'un Juif pieux, fidèle à la Loi »<ref>Édith Stein, La Prière de l'Église, traduit par G. Catala, Ph. Secretan, Ad Solem, 1995, Modèle:ISBN.</ref>. Elle affirme dans la même logique qu'il existe une richesse passée et présente de la liturgie juive. Richesse qui préfigure la richesse de la liturgie catholique<ref group="B">Modèle:P..</ref>. En cela, l'œuvre d’Édith Stein est prophétique, elle annonce les avancées du [[IIe concile œcuménique du Vatican|Concile Modèle:Nobr romains]] et de l'amitié judéo-chrétienne qui suivra.

Enfin sa mort, qu’elle veut vivre comme un holocauste pour « son peuple », montre son attachement profond à ce lien entre christianisme et judaïsme<ref>Édith Stein, De la crèche à la Croix, Ad Solem, 2007, Modèle:P., Modèle:ISBN.</ref>. Elle ne renie pas sa foi catholique, mais s’identifie au Christ, qui meurt pour ses disciples. Édith Stein fait donc de même, en partant aux camps en tant que juive. Le pape Modèle:Souverain2 dans l'homélie de sa béatification affirmera qu'il n'y a pas de contradiction pour Édith Stein dans sa foi : Modèle:Citation<ref>George Weigel, Modèle:Souverain- Témoin de l'espérance, Éditions J.C. Lattès, 1999 Modèle:P.. Modèle:ISBN extrait de l'homélie lors de sa béatification, cité dans le livre de George Weigel.</ref>.

Théologie de la Croix

Dès le début de sa conversion, Edith Stein est frappée par le mystère de la souffrance à travers la mort et par l'expérience de la foi vécue dans l'épreuve. Elle a développé une spiritualité particulière centrée autour de la Passion du Christ comprise à partir de l’élection d’Israël. Elle lie le jour du Grand Pardon, figure du Vendredi saint, avec le sacrifice de la Croix, et assimile le Christ au Grand Prêtre pénétrant dans le Saint des saintsModèle:Sfn. Elle voit dans la mort du Christ sur la Croix, dans ce Modèle:Citation, l’indispensable instrument de la réconciliation entre Dieu et l’homme, et plus spécialement entre Dieu et le peuple des juifs : en avril 1933, elle notait : Modèle:Citation, car il lui semblait incontestable que la persécution des Israélites par les nazis visait d’abord le Christ lui-mêmeModèle:Sfn.

Une fois au Carmel, elle prend le nom de sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, montrant par là-même l'importance pour elle de la théologie de la Croix. La rédaction de La Science de la Croix, sur la spiritualité de Jean de la Croix, permet à Édith Stein de développer une théologie de la Croix. La Croix est, selon Édith Stein, Modèle:Citation. Ainsi, la science de la Croix consiste en l'imitation du Christ, homme des douleurs<ref group="G">Modèle:P..</ref>. La souffrance décrite par Jean de la Croix dans La Nuit obscure est une participation à la Passion du Christ et à Modèle:Citation. Jean de la Croix affirme que pour entrer dans Modèle:Citation<ref group="G" name="p. 56">Modèle:P..</ref>. Pour Édith Stein aussi, la science de la Croix est la possibilité de s'unir à Dieu : l'âme ne peut ainsi s'unir que si Modèle:Citation<ref group="G" name="p. 56"/>. Ces souffrances sont considérées par Édith Stein comme le Modèle:Citation. Jésus en venant sur la Terre a pris le fardeau des péchés de l'homme. Les souffrances du Christ tout au long de sa vie et accentuées au Jardin des Oliviers sont le signe de la douleur qu'il éprouve dans ce délaissement de Dieu<ref group="G" name="p. 57">Modèle:P..</ref>. La mort du Christ, sommet de souffrance, marque aussi la fin de ses souffrances et la possibilité d'union de l'Amour éternel<ref group="G" name="p. 57"/>, union de la Trinité.

Après la nuit obscure qui est purification du cœur, nous accédons à l'Union divine<ref group="G">Modèle:P..</ref>. Édith Stein affirme ainsi : Modèle:Citation<ref group="G">Modèle:P.</ref>,<ref>Mère Thérèse-Renée du Saint Esprit, Édith Stein, Lebensbild einer Philosophin und Karmelitin, cité dans le livre Comme l'or purifié par le feu, Elisabeth Mirabel, 1984, Modèle:Nb p. Modèle:ISBN.</ref>. Dans le poème « Modèle:Latin », elle comprend qu’il faut se tenir avec Marie au pied de la Croix : Modèle:LatinModèle:Sfn. Il ne faut pas pour autant avoir une vision doloriste de ce que dit Édith Stein : le sacrifice de la Croix accomplit l’histoire du salut, et le but est bien la joie d'un amour vécu en plénitude. Tout doit mener à l'amour : « Il est à peine besoin de parler de l'amour : tout l'enseignement de saint Jean de la Croix est un enseignement de l'amour, une manière d'indiquer comment l'âme peut parvenir à être transformée en Dieu, qui est l'Amour ». Du reste, saint Jean de la Croix n'utilise pas l'expression "science de la croix" mais « science d'amour ». Un des plus beaux poèmes d’Édith Stein porte ainsi sur la joie de l'Esprit Saint :

Modèle:Citation bloc

Cette science de la croix conduira Édith Stein à vouloir s'offrir et souffrir en s'unissant au Christ. Dès 1930, elle écrivait : Modèle:Citation<ref group="F">Modèle:P..</ref>. La rédaction de son testament confirmera la volonté d’Édith Stein de vivre jusqu'au bout cette science de la Croix : Modèle:Citation.

La philosophie chrétienne d'Edith Stein

Philosophant en phénoménologue, Édith Stein a été hantée depuis ses débuts par le problème ontologique et épistémologique. Devenue catholique, elle approfondit les philosophies chrétiennes, thomisme, augustinisme et scotisme ; dans les débats qui eurent lieu au cours des Journées d’Études de Juvisy, en Modèle:Date-, elle s’inscrit parmi les défenseurs de la philosophie chrétienne comme Étienne Gilson, Jacques Maritain ou Maurice Blondel. La controverse portait alors sur la façon de concevoir les rapports entre ce que nous savons (épistémé) et ce que nous croyons (doxa), entre raison et révélation, savoir et foi, philosophie et théologie. Edith Stein croit nécessaire de faire dialoguer la philosophie médiévale avec la phénoménologie ; dans cette optique, elle traduit les Modèle:Latin de saint Thomas d'Aquin et écrit La Phénoménologie de Husserl et la philosophie de saint Thomas d’Aquin, Essai de confrontationModèle:Sfn ; dans cet ouvrage, elle souligne la nécessaire collaboration entre philosophie et théologie : Modèle:CitationModèle:Sfn. Sa découverte de la scolastique lui fait envisager le projet d’une Modèle:Citation ou d’une Modèle:Citation<ref group=Note>En Modèle:Lang-de.</ref> de certaines intuitions de la philosophie médiévale et de la philosophie moderne, à l’imitation du Père Erich Przywara dont c’était également la volontéModèle:Sfn : Edith Stein et Erich Przywara cherchent tous deux à faire dialoguer l’ordre de l’être et l’ordre du sens, en d’autres termes l’ontique et le noétique. La philosophie moderne qu’elle conçoit et expose dans L'Être fini et l'Être éternel, achevé en 1936, s’inscrit dans une optique résolument englobante et une scientificité propre à la rationalité moderne. La philosophie doit en effet être considérée, selon Edith Stein, non pas comme une sagesse mais comme la science par excellence : cette science idéale reposera à la fois sur la vérité logique, domaine de la science actuelle, et sur la vérité ontologique et transcendantale, à l’image de la pensée médiévale enracinée dans une théorie de l’êtreModèle:Sfn. La problématique des transcendantaux occupe d’ailleurs le chapitre central de L'Être fini et l'Être éternelModèle:Sfn.
Edith Stein propose alors la définition suivante de la philosophie chrétienne : Modèle:Citation bloc Le recours à la révélation chrétienne est exigé par la faiblesse structurelle de la raison naturelle, faiblesse qui tient à sa finitude même. Laissée à ses propres forces, la raison humaine est incapable de prouver l’existence de Dieu, ou de résoudre la question de l’origine de l’âme. Toute connaissance de Dieu est en effet grâce. Cette faiblesse de la raison humaine est la conséquence logique de la doctrine d’Edith Stein sur la création, marquée par le signe de la contingence radicaleModèle:Sfn. Modèle:Citation bloc La foi étant donc admise comme source de connaissance, la philosophie peut dès lors emprunter certaines données à la théologieModèle:Sfn. La science parfaite pour Edith Stein correspond à ce que la tradition chrétienne nomme « vision béatifique » ou « vision en Dieu ». Une invitation est donc lancée à la raison humaine de prendre conscience de ses limites, et de s’ouvrir à tout ce qui pourrait y remédier ; à condition de se départir de ses préjugés défavorables envers la philosophie chrétienne, un incroyant pourra, sans adopter les vérités de foi, les prendre en compte à titre d’hypothèses pour vérifier ensuite la validité de leurs conséquencesModèle:Sfn. Le théologien Marcel-Jacques Dubois salue l’originalité de cette conception de la philosophie chrétienne, Modèle:Citation de saint Augustin<ref>Modèle:Article.</ref>.

L’âme humaine

En référence à l’œuvre de sainte Thérèse d'Avila, Le Château intérieur, Edith Stein écrit à partir de 1935 un commentaire intitulé Le Château de l’âme, et publié au chapitre Modèle:Nobr romains de L’Être fini et l’Être éternel. Elle y soulève la question suivante : Modèle:Citation À la différence de saint Thomas d'Aquin, elle considère que l’âme n’est pas simplement réductible à un quelque chose : elle est un étant, c’est-à-dire un quelque chose rempli<ref group="Note">En Modèle:Lang-de.</ref>. Car il faut considérer l’âme dans son appartenance au monde de l’esprit, sa vie signifiante et son aptitude à produire du sensModèle:Sfn. Elle reconnaît la qualité religieuse de l’âme humaine, du fait de la relation entre Dieu et nous ; mais le centre de l’âme est aussi le lieu qui nous permet d’entrer en relation avec le monde et avec les personnes, en vérité, dans la connaissance et dans l’amour. C’est à partir du centre de l’âme que se réalise Modèle:CitationModèle:Sfn.

Empathie

L'empathie, ou Modèle:Langue, est un terme emprunté par Husserl à Theodor Lipps, désignant l’expérience intersubjective<ref group="B" name="pp. 33-34"/>. La thèse d'Édith Stein adopte un point de vue différent du philosophe Theodor Lipps<ref name="Biographie Vatican"/>. Elle analyse l'empathie comme le don d'intuition et de rigueur qui permet de saisir ce que vit l'autre en lui-même<ref group="E">Modèle:P..</ref>. L'empathie peut permettre à la personne humaine, considérée comme un univers en soi, de s'enrichir et d'apprendre à se connaître au contact des autres<ref group="D">Modèle:P..</ref>. Ainsi, nous pouvons éprouver de l'empathie pour ce que nous n’avons pas vécu par expérience et qui ne fait pas partie de notre structure personnelle, par exemple être incroyant et pourtant comprendre qu’on puisse tout sacrifier à sa foi. C’est ce qu’Édith Stein appelle « une représentation vide »Modèle:Sfn. Mais aussi Modèle:Citation<ref group="E">Extrait de la thèse d'Édith Stein (1917) : Zum Problem der Einfühlung, Modèle:Nobr romains, Modèle:§), « Les types de personnes et les conditions pour pouvoir comprendre par empathie des personnes », cité Modèle:P..</ref>. De cette analyse, Édith Stein affirme que Modèle:Citation.

C'est l'ouverture aux autres qui permet ainsi de mieux connaître la réalité. Celle-ci ne peut donc pas se fonder uniquement sur le moi pour atteindre la connaissance mais a besoin d'accepter les choses extérieures comme elles sont, ouvrant ainsi la porte à une plus grande connaissance des choses, sinon Modèle:Citation.

Postérité

Reconnaissance posthume

Canonisation

Édith Stein est béatifiée par Modèle:Souverain2, le Modèle:Date, à Cologne, pour l’héroïsme de sa vie et sa mort en martyre, assassinée « ex odio fidei » (en haine de sa foi catholique)<ref> Modèle:Lien web.</ref>. Avec sa béatification dans la cathédrale de Cologne l’Église honore, comme le dit le pape Modèle:Souverain-, Modèle:Citation<ref name="Biographie Vatican"/>. Cette homélie de Modèle:Souverain- montre l'importance reconnue du peuple juif et de la tradition hébraïque dans la vie d'Edith Stein<ref>George Weigel, Modèle:Souverain- Témoin de l'espérance, Éditions J.-C. Lattès, 1999 Modèle:P. Modèle:ISBN</ref>. Elle est par la suite canonisée par le pape Modèle:Souverain2 le Modèle:Date et proclamée co-patronne de l’Europe le 1er octobre 1999<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Le Modèle:Date, le pape Modèle:Souverain2 bénit une grande statue de sœur Thérèse Bénédicte de la Croix placée dans la partie extérieure de l’abside de la basilique Saint-Pierre du Vatican dans une niche entre les patrons de l’Europe<ref>Article du site eucharistiemisericor.free.fr d’Modèle:Date-.</ref>. Modèle:Souverain2 cite par ailleurs en exemple Édith Stein dans son discours lors de sa visite à Auschwitz le Modèle:Date-<ref>Modèle:Lien web</ref> affirmant : Modèle:Citation<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Deux motifs ont été avancés pour expliquer la béatification d'Edith Stein : le premier est celui de la reconnaissance de sa vie vertueuse, le second est celui du martyre<ref>George Weigel, Modèle:Souverain- Témoin de l'espérance, Éditions J.-C. Lattès, 1999 Modèle:P. à 662 Modèle:ISBN</ref>. La canonisation d’Édith Stein est obtenue après la guérison miraculeuse, au General Hospital de Massachusetts<ref name=yh>Modèle:Article</ref>, de la petite Teresa Benedicta McCarty, née le jour anniversaire de la mort d’Edith Stein. À la suite de cette canonisation, en 1998 une polémique est née<ref name=yh/>, certains reprochant au pape Modèle:Souverain2 d'avoir voulu remettre en cause la spécificité de la Shoah. Ainsi des personnalités juives ont critiqué le pape lui demandant d’annuler la canonisation<ref>Modèle:Lien web.</ref>, qu’ils considéraient comme une tentative pour réaliser la « christianisation de la Shoah »<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref name="ReferenceB">Article de l’Arche citant le président du CRIF, intitulé « Juifs et catholiques : le malaise qui perdure » sur le site col.fr.</ref>. Cette polémique semble en partie due à une mauvaise interprétation du discours du pape Modèle:Souverain- qui affirma : Modèle:Citation<ref name="ReferenceB"/>. Certains ont cru y voir l’institution d’une journée commémorant la Shoah, or cette journée n’a jamais été instituée et les propos ont sans doute été sur-interprétés<ref name="ReferenceB"/>.

Fête

La fête d'Édith Stein est fixée au Modèle:Date. Sa fête a rang de mémoire dans l'ordre du Carmel, sauf en Europe, où en tant que co-patronne, sa mémoire, pour toute l'Église, a rang de fête<ref>Modèle:Ouvrage</ref>,<ref>La fête d'Édith Stein est absente de l'ouvrage liturgique de référence : Modèle:Ouvrage car celui-ci a été édité avant sa déclaration comme co-patronne de l'Europe.</ref>.

Hommages

En 2008, Édith Stein entre au Walhalla, mémorial des personnalités marquantes de la civilisation allemande. La chaîne télévisée publique allemande ZDF consacra une émission entière sur Édith Stein dans le cadre d’Unsere Besten, consacrant les plus grands Allemands de tous les temps.

Deux films racontent sa vie : La Septième demeure (1995) dans lequel Maia Morgenstern joue le rôle d'Édith Stein et A Rose in Winter (2018) réalisé par Joshua Sinclair.

En 2014, la paroisse de Bayeux fait l'acquisition d'une nouvelle cloche, nommée « Thérèse-Bénédicte », en hommage à Édith Stein.

À Vienne, la maison Edith-Stein-Haus, située au numéro 8 de la Ebendorferstraße, est le site principal de la paroisse universitaire catholique et de l'aumônerie universitaire de l'archidiocèse de Vienne. Dans l'esprit du modèle de Karl Strobl de « maison d'étudiants catholique », la maison abrite également une chapelle dédiée à Édith Stein ainsi qu'un foyer pour environ Modèle:Nobr et étudiants<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Notes et références

Notes

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Références

Principales sources utilisées

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  • Édition complète des œuvres d'Édith Stein (Edith Stein Werke), éditions du Cerf, 2009

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  • Édith Stein, La Femme et sa destinée, éditions Amiot – Dumont, 1956

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  • Cécile Rastoin, Édith Stein : enquête sur la Source, Cerf, 2007 Modèle:ISBN

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Autres sources

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Annexes

Bibliographie

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Œuvres complètes d'Édith Stein

Traductions des œuvres d’Édith Stein

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Ouvrages sur Edith Stein

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Articles

Articles connexes

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Liens externes

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