Eva Perón

{{#ifeq:||Un article de Ziki, l'encyclopédie libre.|Une page de Ziki, l'encyclopédie libre.}}
Révision datée du 18 septembre 2023 à 23:47 par >Panam2014
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Personnalité politique

María Eva Duarte de Perón Modèle:MSAPI<ref>Prononciation en espagnol d'Amérique retranscrite selon la norme API.</ref>, mieux connue sous le nom d’Eva Perón ou d’Evita, née le Modèle:Date de naissance à Junín ou Los Toldos (province de Buenos Aires)<ref>Certains historiens soutiennent qu’elle naquit sur le domaine La Unión, à une soixantaine de km au sud de Junín et à une vingtaine de km de Los Toldos, d’autres affirmant qu’elle vit le jour à Junín même.</ref> et morte le Modèle:Date de décès à Buenos Aires, est une actrice et femme politique argentine. Elle épousa en 1945 le colonel Juan Domingo Perón, un an avant l’accession de celui-ci à la présidence de la république argentine.

D’origine modeste, elle alla à l’âge de quinze ans s’établir à Buenos Aires, où elle s’initia au métier de comédienne et acquit un certain renom au théâtre, à la radio et au cinéma. En 1943, elle fut l’un des fondateurs de l’Asociación Radial Argentina (ARA, syndicat des travailleurs de la radiodiffusion), dont elle fut élue présidente l’année d’après. En 1944, lors d’une représentation donnée au bénéfice des victimes du tremblement de terre de San Juan de Modèle:Date-, elle fit la rencontre de Juan Perón, alors secrétaire d’État du gouvernement de facto issu du coup d’État de 1943, et l’épousa en octobre de l’année suivante. Elle eut ensuite une part active dans la campagne électorale de son mari en 1946, étant la première femme argentine à jouer un tel rôle.

Elle œuvra en faveur du droit de vote pour les femmes et en obtint l’adoption juridique en 1947. Cette égalité politique entre hommes et femmes réalisée, elle lutta ensuite pour l’égalité juridique des conjoints et pour la patria potestas partagée (c'est-à-dire l’égalité en droit matrimonial), ce qui fut mis en œuvre par l’article 39 de la constitution de 1949. En 1949 encore, elle fonda le Parti péroniste féminin, qu'elle présida jusqu'à sa mort. Elle déploya une ample activité sociale, au travers notamment de la Fondation Eva Perón, qui visait à soulager les descamisados (les sans-chemise), c'est-à-dire les plus démunis de la société. La Fondation fit ainsi construire des hôpitaux, des asiles et des écoles, favorisa le tourisme social en créant des colonies de vacances, diffusa la pratique du sport parmi tous les enfants par l'organisation de championnats accueillant la population tout entière, accorda des bourses d’études et des aides au logement et s’efforça d’améliorer le statut de la femme sur différents plans.

Elle joua un rôle actif dans les luttes pour les droits sociaux et pour les droits des travailleurs et fit office de passerelle directe entre le président Perón et le monde syndical. En 1951, en vue de la première élection présidentielle au suffrage universel, le mouvement ouvrier proposa qu’Evita, comme l'appelait la population, posât sa candidature à la vice-présidence ; cependant, elle dut y renoncer le Modèle:Date-, date connue depuis comme Jour du renoncement, en raison de sa santé déclinante, mais aussi sous la pression des oppositions internes dans la société argentine, ou encore au sein du péronisme lui-même, devant l’éventualité qu’une femme appuyée par le syndicalisme pût se hisser à la vice-présidence.

Elle décéda le Modèle:Date- des suites d’un cancer fulgurant du col de l'utérus, à l’âge de Modèle:Nombre. Il lui fut alors rendu un hommage, tant officiel ‒ sa dépouille fut veillée dans l’édifice du Congrès ‒ que populaire, d’une ampleur sans précédent en Argentine. Son corps fut embaumé et déposé au siège de la centrale syndicale CGT. À l’avènement de la dictature civico-militaire dite Révolution libératrice en 1955, son cadavre fut enlevé, séquestré et profané, puis dissimulé durant seize ans.

Elle écrivit deux ouvrages, La razón de mi vida (La Raison de ma vie) en 1951 et Mi mensaje (Mon message) publié en 1952 et fut plusieurs fois honorée officiellement, notamment par le titre de Jefa Espiritual de la Nación, par la distinction de Mujer del Bicentenario (Femme du bicentenaire de l’Argentine), par la Gran Cruz de Honor de la Croix rouge argentine, par la Distinción del Reconocimiento de Primera Categoría de la CGT, par la Gran Medalla a la Lealtad Peronista en Grado Extraordinario et par le collier de l’ordre du Libérateur San Martín, la plus haute distinction argentine. Son destin a inspiré nombre d’œuvres cinématographiques, musicales, théâtrales et littéraires. Cristina Alvarez Rodriguez, petite-nièce d’Evita, affirme qu’Eva Perón n’a jamais quitté la conscience collective des Argentins<ref name=scots>A nation seeks salvation in Evita By Scotsman.com: "On 26 July 1952, a hushed Argentina heard Eva Perón, the 'spiritual leader of the nation', had died, aged 33.".</ref>, et Cristina Fernández de Kirchner, première femme à être élue présidente de la République argentine, déclara que les femmes de sa génération restaient fortement tributaires d’Evita par « son exemple de passion et de combattivité »<ref name="Cristina Fernandez de Kirchner of Argentina">Modèle:Lien web.</ref>.

Biographie

Naissance

Fichier:Eva Peron birthplaces map.jpg
Lieux de naissance possibles d’Eva Perón: la ville de Junín, ou le campement La Unión, Modèle:Unité plus au sud, à Modèle:Unité de Los Toldos.
Fichier:Evita-Bautismo.png
Acte de baptême d’Eva María Duarte daté du 21 novembre 1919.

Selon l’acte de naissance Modèle:N° de l’état civil de Junín (province de Buenos Aires) naquit en cette ville, le Modèle:Date-, une fille du nom de María Eva Duarte. Cependant, les chercheurs sont unanimes à considérer que cet acte est un faux fabriqué sur les instances d’Eva Perón elle-même en 1945, lorsqu’elle se trouvait à Junín pour y contracter mariage avec Juan Domingo Perón, alors encore colonel<ref>Borroni et al, 23/24.</ref>.

En 1970, les chercheurs Borroni et Vaca<ref>Borroni et al, CEAL, 1970.</ref> ayant établi que l’acte de naissance d’Evita avait été falsifié, il devint nécessaire de déterminer ses véritables date et lieu de naissance. À cet égard, le document le plus important était l’acte de baptême d’Eva, consigné dans le feuillet 495 du registre de baptême du vicariat de Nuestra Señora del Pilar, de 1919, indiquant que le baptême fut accompli le Modèle:Date-.

L’on admet aujourd’hui de manière quasi unanime qu’Evita naquit en réalité le Modèle:Date-, soit trois ans avant la date signalée par l’état civil, avec le nom d’Eva María Ibarguren. Quant au lieu de naissance, certains historiens ont erronément écrit qu’Evita vit le jour dans la petite agglomération de Los Toldos, cette erreur s’expliquant par le fait que peu d’années après la naissance d’Eva la famille alla s’installer dans ce village, dans une maison sise Calle Francia (actuelle Calle Eva Perón) et aménagée entre-temps en musée, le Museo Municipal Solar Natal de María Eva Duarte de Perón<ref>Museo Municipal Casa Natal María Eva Duarte de Perón..</ref>.

Concernant le lieu de naissance, deux thèses ont été retenues par les historiens :

  • Naissance sur le domaine La Unión situé en face des toldos (toldo = grande tente d’Indiens) de Coliqueo.

Quelques historiens soutiennent qu’Eva Perón naquit dans le domaine agricole La Unión<ref>Le domaine où a pu naître Evita se nommait en 2006 La Cautiva (litt. la Captive).</ref>, sur le territoire de Los Toldos, exactement en face du campement (toldería) de Coliqueo, lequel campement fut à l’origine de ce foyer de peuplement, dans la zone connue pour cette raison sous le nom de La Tribu. L’endroit se situe à une vingtaine de km du village de Los Toldos et à Modèle:Unité au sud de la ville de Junín. Le domaine était la propriété de Juan Duarte et hébergeait la famille d’Eva au moins depuis 1908 et jusqu’à 1926. Les historiens Borroni et Vacca, à l’origine de cette hypothèse, arguèrent que la sage-femme mapuche Juana Rawson de Guayquil assista la mère d’Eva lors de l’accouchement, comme elle l’avait pareillement fait avec ses autres enfants.

  • Naissance dans la ville de Junín.

Cette hypothèse est défendue par d’autres historiens, sur la foi de différents témoignages. Selon eux, Evita naquit à Junín, après que sa mère dut, en raison de problèmes liés à sa grossesse, déménager vers la ville de Junín pour y recevoir de meilleurs soins. À l’époque de la naissance d’Evita, il était d’usage que les femmes qui se trouvaient dans l’aire d’influence de Junín et éprouvaient des problèmes lors de leur grossesse se déplacent vers cette ville en vue d’une meilleure prise en charge médicale, et il en est encore souvent de même à l’heure actuelle. Selon cette hypothèse, soutenue principalement par les historiens de Junín Roberto Dimarco et Héctor Daniel Vargas, et par les témoins qu’ils citent, Eva serait née dans un logement sis au Modèle:N° de l’actuelle rue Calle Remedios Escalada de San Martín (pour lors nommée Calle José C. Paz), et une obstétricienne universitaire du nom de Rosa Stuani aurait aidé à l’accouchement. Peu après, la famille se serait installée dans un logement situé au Modèle:N° de la Calle Lebensohn (appelée à l’origine Calle San Martín), jusqu’à ce que la mère se fût entièrement rétablie.

La famille

Fichier:Eva Perón y sus hermanos -carnaval-1921.jpg
Evita (à droite) à l’âge de deux ans, avec ses frères, fêtant le carnaval (1921).

Eva était la fille de Juan Duarte et de Juana Ibarguren, et était inscrite à l’état civil sous le nom d’Eva María Ibarguren (état civil modifié, comme indiqué supra, avant son mariage avec Juan Perón, par substitution de Duarte à son patronyme et par inversion de l’ordre de ses deux prénoms).

Juan Duarte (1858 ‒ 1926), surnommé El Vasco (le Basque) dans le voisinage, était un propriétaire agricole et une importante personnalité politique du parti conservateur de Chivilcoy, ville proche de Los Toldos. Certains historiens ont émis l’hypothèse que Juan Duarte ait pu avoir un ascendant français se nommant D'Huarte, Uhart ou Douart, encore que Duarte soit un patronyme parfaitement espagnol. Dans la première décennie du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Juan Duarte fut l’un de ceux qui bénéficièrent des manœuvres frauduleuses que commença à exécuter le gouvernement à l’effet de spolier de ses terres de Los Toldos la communauté mapuche de Coliqueo, et à la faveur desquelles il s’appropria le domaine où naquit Eva.

Juana Ibarguren (1894 ‒ 1971) était la fille de l’ouvrière agricole créole Petrona Núñez et du roulier Joaquín Ibarguren. Apparemment, elle entretenait peu de rapports avec le village, distant de Modèle:Unité, raison pour laquelle l’on sait peu d’elle, hormis que par la proximité de son domicile avec la toldería de Coliqueo elle avait d’étroits contacts avec la communauté mapuche de Los Toldos, à telle enseigne qu’elle fut assistée lors de l’accouchement de chacun de ses enfants par une sage-femme indienne du nom de Juana Rawson de Guayquil.

Juan Duarte, le père d’Eva, entretenait deux familles, une légitime à Chivilcoy avec son épouse légale Adela D´Huart (‒ 1919) et ses six enfants : Adelina, Catalina, Pedro, Magdalena, Eloísa et Susana ; et une autre illégitime, à Los Toldos, avec Juana Ibarguren. Il s’agissait, dans les campagnes d’avant les années 1940, d’une coutume généralisée chez les hommes de la classe supérieure, et qui se maintient encore dans certaines zones rurales en Argentine. Le couple eut ensemble cinq enfants :

  • Blanca (1908 ‒ 2005) ;
  • Elisa (1910 ‒ 1967) ;
  • Juan Ramón (1914 ‒ 1953) ;
  • Erminda Luján (1916 ‒ 2012) ;
  • Eva María (1919 ‒ 1952).

Eva vécut à la campagne jusqu’à 1926, date à laquelle, par suite du décès de son père, la famille se retrouva subitement sans aucune protection et fut obligée de quitter le domaine où elle vivait. Ces circonstances de son enfance et les discriminations qui s’ensuivirent, habituelles dans les premières décennies du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, laissèrent une marque profonde dans l'esprit d'Eva.

À cette époque en effet, la loi argentine prévoyait une série de qualifications stigmatisantes pour les personnes, nommées génériquement « enfants illégitimes », dont les parents n’avaient pas contracté un mariage légal. Une de ces qualifications était « enfant adultérin », mention que l’on consignait dans l’acte de naissance des enfants concernés. C’était le cas également d’Evita, qui obtint toutefois en 1945 que son acte de naissance original fût détruit afin d’éliminer cette tache infamante<ref>Borroni et al, CEAL, 24/26.</ref>. Une fois arrivés au pouvoir en Argentine, le mouvement péroniste en général et Eva Perón en particulier voulurent faire adopter des législations antidiscriminatoires avancées, propres à instaurer l’égalité entre hommes et femmes et entre tous les enfants, sans considération de la nature des relations entre leurs parents, projets qui furent fortement contrecarrés par l’opposition politique, par l’église catholique et par les forces armées. Finalement, en 1954, deux ans après la mort d’Eva Perón, le péronisme parvint à faire voter une loi portant suppression des désignations officielles les plus infamantes ‒ enfant adultérin, enfant sacrilège, máncer (enfant de femme publique), enfant naturel, etc. ‒, tout en maintenant toutefois la distinction entre enfant légitime et illégitime<ref>Abril de 1919 o mayo de 1922, Eva Perón.</ref>. Juan Perón lui-même, qu’Evita devait plus tard épouser, avait été enregistré à l'état civil au titre d’« enfant illégitime ».

Les années d’enfance à Los Toldos

Fichier:Casa de Eva Perón.jpg
Maison d’Eva Duarte dans la localité de Los Toldos, où elle passa son enfance. La maison a été aménagée en un musée<ref>un musée</ref>.

Le Modèle:Date-, son père périt dans un accident d’automobile à Chivilcoy. Toute la famille d'Eva se rendit alors dans cette ville pour assister à la veillée funèbre, mais la famille légitime lui interdit l’entrée au milieu d’un grand esclandre. Grâce à la médiation d’un frère du père, homme politique lui aussi, qui était alors adjoint à la municipalité de Chivilcoy, la famille d’Eva put accompagner le cortège jusqu’au cimetière et assister à l’enterrement.

Pour Evita, âgée alors de six ans, l’incident eut une profonde signification émotionnelle et fut vécu comme un comble d’injustice, même si Eva n’avait eu que peu de contacts avec son père. Cette séquence d’événements occupe une place importante dans la comédie musicale Evita d’Andrew Lloyd Webber, ainsi que dans le film réalisé à partir de celle-ci.

Elle-même y fera allusion dans son ouvrage la Razón de mi vida :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Eva Perón - 1 comunión.jpg
Première communion d’Eva, âgée de 7 ans (1926).

Après la mort de Juan Duarte, la famille d’Eva resta totalement sans ressources et Juana Ibarguren dut déménager avec ses enfants à Los Toldos, et emménager dans la maisonnette de deux pièces située Calle Francia Modèle:N°, en bordure du village, où elle se mit à travailler comme couturière pour entretenir ses enfants. Ceux-ci, toujours bien vêtus et jamais privés de nourriture, reçurent une éducation très stricte, en accord avec les sentiments d’orgueil de doña Juana, qui était d’autre part très religieuse et pratiquante<ref name="ReferenceA">N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>, ne tolérait pas la moindre forme de relâchement et apprenait à ses enfants comment bien se tenir et à s’occuper d’eux-mêmes. Elle avait coutume de présenter leur pauvreté comme une iniquité qu’ils ne méritaient pas<ref name="Evita">N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Los Toldos, de toldo, grande tente d’Indien, doit son nom au fait qu’il fut un campement mapuche, c'est-à-dire un village indigène. Plus exactement, la communauté mapuche de Coliqueo s’y était installée à la suite de la bataille de Pavón de 1861, par décision du légendaire lonco (chef indien) et colonel de l’armée argentine Ignacio Coliqueo (1786-1871)<ref>«Coliqueo», article de Manuel Andrés, 2006.</ref>, lequel était arrivé en Argentine depuis le sud du Chili. Entre 1905 et 1936, l’on se servit à Los Toldos d’un ensemble d’arguties légales pour écarter le peuple mapuche de la propriété terrienne. Peu à peu, les indigènes furent supplantés comme propriétaires par des fermiers non indigènes. Juan Duarte, le père d’Eva, fut l’un de ceux-là, ce qui explique pourquoi le domaine agricole où naquit Eva se trouvait précisément en face du campement (toldería) de Coliqueo.

Durant l’enfance d’Evita (1919-1930), Los Toldos était une petite localité rurale pampéenne vouée à l’activité agraire et d’élevage, plus spécifiquement à la culture des céréales et du maïs et à l'élevage de bêtes à cornes. La structure sociale était dominée par le fermier propriétaire (estanciero), détenteur de grandes étendues de terre, qui entretenait des rapports de type servile avec les ouvriers agricoles et avec ses métayers. Le type le plus courant de travailleur dans cette zone était le gaucho.

La mort du père avait fortement détérioré la situation économique de la famille. L’année suivante, Eva entra à l’école primaire, dont elle suivit les cours avec difficulté, devant redoubler une année en 1929, quand elle avait 10 ans. Ses sœurs ont relaté que, dès cette époque, Eva manifestait du goût pour la déclamation dramatique et faisait montre de talents de jongleuse. La forme de son visage lui valut le surnom de Chola (métisse d’Européen et d’Indien), par lequel tous à Los Toldos l’appelaient, de même que celui de Negrita (négrillonne), qu’elle devait garder toute sa vie<ref>Solar Natal María Eva Duarte de Perón.</ref>.

Adolescence à Junín

Fichier:Junín Eva 002.jpg
Maison au Modèle:N° de la rue Roque Vázquez à Junín, où Eva habita au début des années 1930.

En 1930, alors qu’Eva avait 11 ans, Juana, sa mère, décida de déménager avec sa famille pour la ville de Junín. Le motif de ce déménagement était le changement d’affectation de la fille aînée Elisa, qui fut mutée de la poste de Los Toldos à celle de Junín, à une trentaine de km de distance<ref name="Evita"/>. Là, la famille Duarte commença à connaître une certaine aisance grâce au travail de Juana et de ses enfants Elisa, Blanca et Juan. Erminda fut inscrite au Collège national (Colegio Nacional) et Evita à l’école Modèle:N° Catalina Larralt de Estrugamou, dont elle devait sortir en 1934, à l’âge de 15 ans, dotée de son certificat d’études primaires complètes.

La première maison où ils emménagèrent, au Modèle:N° de la Calle Roque Vázquez, subsiste toujours. À mesure que la situation économique de la famille s’améliorait grâce aux revenus des enfants devenus majeurs, surtout du frère Juan, vendeur pour le compte de l’entreprise d’articles de toilette Guereño, et bientôt de la sœur Blanca, qui réussit à son examen d’institutrice<ref name="ReferenceA"/>, les Duarte déménagèrent d’abord (en 1932) pour une maison plus grande au Modèle:N° de la rue Lavalle, où Juana mit sur pied un établissement de restauration servant des petits déjeuners, puis changèrent encore de domicile (en 1933) pour le Modèle:N° de la Calle Winter, et finalement (en 1934) pour le Modèle:N° de la rue Arias<ref>Borroni et al.</ref>. Il a été insinué<ref>Cf. María Flores, pseudonyme de Mary Main, romancière anglo-argentine, auteur de The Woman With the Whip, biographie tendancieuse d’Eva Perón (New York 1952), Modèle:P..</ref> qu’il y avait dans la maison de Juana Duarte, de la part de la mère et de ses filles, beaucoup de libertinage et de petites intimités pour la plus grande joie de la clientèle masculine ; cependant, les hôtes de l’établissement étaient tous des célibataires des plus respectables : José Álvarez Rodríguez, directeur du Collège national, son frère Justo, avocat, futur juge à la Cour suprême, qui devait épouser l’une des sœurs d’Eva, et le major Alfredo Arrieta, futur sénateur, qui commandait alors la division cantonnée dans la ville, et qui épousera lui aussi l’une des sœurs d’Eva<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P. et 17.</ref>. En 2006, la municipalité de Junín créa, dans la maison de la Calle Francia (actuelle Calle Eva Perón), le musée Casa Natal María Eva Duarte de Perón.

C’est à Junín que la vocation artistique d’Eva se fit jour. À l’école, où elle eut quelque difficulté à suivre, elle se distingua par une passion affirmée pour la déclamation et la comédie, et ne manquait de participer aux spectacles organisés à l’école, au Collège national ou au cinéma du village, et à des auditions radiophoniques.

Son amie et camarade de collège Délfida Noemí Ruíz de Gentile se souvient :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Junín CTRO 101.jpg
École Modèle:N° Catalina Larralt de Estrugamou à Junín, où Eva acheva ses études primaires en 1934.

C’est à Junín aussi qu’elle participa pour la première fois à une œuvre théâtrale, montée par les élèves et intitulée Arriba estudiantes (Haut les étudiants). Elle jouera ensuite dans une autre petite œuvre de théâtre, Cortocircuito (Court-circuit), destinée à récolter des fonds pour une bibliothèque scolaire. À Junín, pour la première fois, Eva utilisa un microphone et écouta sa voix sortant de haut-parleurs.

À cette même époque, Eva manifesta également des prédispositions de meneuse, s’érigeant en chef de l’un des groupes de son année scolaire. Le Modèle:Date-, jour du décès de l’ancien président Hipólito Yrigoyen, renversé trois années auparavant par un coup d’État, Eva vint à l’école portant une cocarde noire sur son cache-poussière<ref>« Eva Perón, cronología », article dans le Rincón del Vago.</ref>.

Fichier:Eva Perón - Foto escolar 5Grado - Junin 1933 (2) (señalada x mi).jpg
Photo de classe du « Modèle:5e degré », dont fait partie Eva Duarte, Junín 1933. Eva est assise à gauche.

À ce moment-là déjà, Eva rêvait de devenir actrice et d’émigrer à Buenos Aires. Sa maîtresse Palmira Repetti se souvient :

Modèle:Citation bloc

Selon l’historienne Lucía Gálvez, Evita et une de ses amies auraient subi en 1934 une agression sexuelle de la part de deux jeunes gens de la bonne société qui les avaient invitées à voyager à Mar del Plata dans leur voiture. Gálvez affirme qu’après être sortis de Junín, ils tentèrent de les violer, sans y parvenir, puis les abandonnèrent dévêtues à peu de distance de la ville. Un chauffeur routier les ramena à leurs domiciles. Il est probable que cet incident, si on l’admet comme véridique, aura eu une grande influence dans sa vie<ref>Lucía Gálvez: Las mujeres y la patria, nuevas historias de amor de la historia argentina (Modèle:P.). Buenos Aires: Norma, 2001.</ref>,<ref>« Eva Duarte de Perón », article de Matías Calabrese.</ref>.

Cette même année, avant même d’avoir achevé ses études primaires, Eva fit le voyage de Buenos Aires, mais, n’ayant pas trouvé de travail, dut s’en retourner. Elle termina alors ses études primaires, passa en famille les fêtes de fin d’année, puis, le Modèle:Date-, Evita, âgée de 15 ans seulement, alla s’installer définitivement à Buenos Aires.

Dans un passage de la Razón de mi vida, Eva relate quels étaient à ce moment-là ses sentiments :

Modèle:Citation bloc

Le film Evita, ainsi que quelques biographies, soutiennent qu’Eva Duarte voyagea en train pour Buenos Aires en compagnie du célèbre chanteur de tango Agustín Magaldi, après que celui-ci eut effectué un tour de chant à Junín. Cependant, les biographes d’Eva, Marysa Navarro et Nicholas Fraser, ont souligné qu’il n’existe aucune indication de ce que Magaldi eût chanté à Junín en 1934, et sa sœur raconte qu’Eva partit à Buenos Aires accompagnée de sa mère, qui resta ensuite avec elle jusqu’à ce qu’elle eût trouvé une station de radio ayant un rôle à pourvoir pour une jeune adolescente. Elle logea alors chez des amis, tandis que sa mère rentrait courroucée à Junín<ref>Marysa Navarro et Nicholas Fraser: Evita: the real life of Eva Perón, 1981, Modèle:P..</ref>.

Arrivée à Buenos Aires et carrière de comédienne

Fichier:Eva Perón - 15 años.jpg
Eva Duarte à 15 ans, tout juste débarquée à Buenos Aires.
Fichier:Eva Perón - La Capital - 26JUL1936.jpg
Première photographie de presse d’Eva Duarte, parue dans le journal La Capital de Rosario, le 26 juillet 1936.

Eva Duarte, âgée de 15 ans lorsqu’elle arriva à Buenos Aires le Modèle:Date-, était alors encore une adolescente. Son voyage s’inscrivait dans la grande vague migratoire intérieure provoquée par la crise économique de 1929 et le processus d’industrialisation de l’Argentine. Ce puissant mouvement migratoire, fait marquant de l’histoire de l’Argentine, avait pour protagonistes les dénommées cabecitas negras (têtes noires), terme dépréciatif et raciste utilisé par les classes moyenne et supérieure de Buenos Aires pour désigner ces migrants non européens, différents de ceux qui avaient jusqu’alors déterminé l’immigration en Argentine. Cette grande migration intérieure des décennies 1930 et 1940 fournit la main-d’œuvre dont avait besoin le développement industriel du pays et qui devait à partir de 1943 former la base sociale du péronisme.

Peu après son arrivée, Eva Duarte décrocha un emploi d’actrice, pour un rôle secondaire, au sein de la troupe de théâtre d’Eva Franco, l’une des plus importantes de cette époque. Le Modèle:Date-, elle fit ses débuts professionnels dans la pièce La señora de los Pérez au Teatro Comedias. Le lendemain figurait dans le journal Crítica le premier commentaire public connu sur Evita :

Modèle:Citation bloc

Dans les années suivantes, Eva connaîtra un parcours de privations et d’humiliations, se logeant dans des pensions bon marché et jouant de façon intermittente de petits rôles pour diverses troupes théâtrales. Sa principale compagnie à Buenos Aires fut son frère Juan Duarte, Juancito (Jeannot), de cinq ans son aîné, l’homme de la famille, avec qui elle garda toujours des rapports étroits et qui avait comme elle, peu auparavant, migré vers la capitale.

Fichier:Evita - Malla de lunares -Retrato de Annemarie Heinrich - -.jpg
En 1939, photographie d’Annemarie Heinrich.

En 1936, alors qu’elle allait avoir dix-sept ans, elle signa un contrat avec la Compañía Argentina de Comedias Cómicas, dirigée par Pepita Muñoz, José Franco et Eloy Alvárez, en vue de participer à une tournée de quatre mois qui devait la conduire à Rosario, Mendoza et Córdoba. Les pièces qui figuraient au répertoire de la compagnie étaient de pur divertissement et prenaient pour sujet la vie bourgeoise avec ses malentendus et ses divers conflits et frictions. Une des pièces jouées, intitulée le Baiser mortel, adaptation libre d’une œuvre du dramaturge français Loïc Le Gouradiec, traitait du fléau des maladies vénériennes et était subsidiée par la Société prophylactique d’Argentine<ref name="Evita"/>. Pendant cette tournée, Eva fut brièvement mentionnée dans une chronique du quotidien La Capital de Rosario du Modèle:Date-, laquelle commentait la première de la pièce Doña María del Buen Aire de Luis Bayón Herrera, comédie ayant pour sujet la première fondation de Buenos Aires :

Modèle:Citation bloc

Le dimanche Modèle:Date-, le même journal La Capital de Rosario publia la première photo publique connue d’Eva, assortie du titre suivant :

Modèle:Citation bloc

Dans ces premières années de sacrifices, Eva se lia d’une étroite amitié avec deux autres comédiennes, comme elle obscures encore, Anita Jordán et Josefina Bustamente, amitié qui dura tout le reste de sa vie<ref>Borroni, CEAL, 32.</ref>. Les gens qui la connurent alors se la rappellent comme une demoiselle brunette, très maigre et frêle, qui rêvait de devenir une actrice importante, mais possédait aussi une grande force d’âme, beaucoup de gaieté, et le sens de l’amitié et de la justice.

Fichier:Evita - Tapa de Sintonia - 25OCT39 - con Alberto Vila.jpg
Première photo de couverture pour Eva, dans le magazine Sintonía du Modèle:Date-, avec Alberto Vila.

Pierina Dealessi, actrice et importante productrice de théâtre, qui engagea Eva en 1937, se souvient :

Modèle:Citation bloc

Les acteurs et actrices engagés pour de petits rôles pouvaient au maximum gagner cent pesos par mois, c'est-à-dire le salaire habituel d’un ouvrier d’usine<ref name="Evita"/>. Peu à peu, Eva parvint à une certaine reconnaissance, d’abord en participant à des films, comme actrice de deuxième ligne, et ensuite en travaillant parallèlement comme mannequin, apparaissant sur la couverture de quelques revues de spectacle, mais c’est surtout en tant que récitante et actrice dans des dramatiques radiophoniques qu’elle réussit enfin à mener une véritable carrière. Elle obtint son premier rôle dans une dramatique en Modèle:Date-. La pièce, diffusée par Radio Belgrano, s’appelait Oro blanco (Or blanc) et avait pour cadre la vie quotidienne des travailleurs du coton dans le Chaco. Elle participa par ailleurs à un concours de beauté, sans succès, et figura comme présentatrice d’un concours de tango, où elle annonçait les participants et assurait les transitions entre les prestations des danseurs. Elle vécut six mois avec un acteur, qui disait vouloir l’épouser, mais qui l’abandonna brusquement<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

L’éminent acteur Marcos Zucker, compagnon de travail d’Eva, alors que tous deux débutaient dans le métier, se souvient de ces années de la façon suivante :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Peron-Lamarque.jpg
Evita (à gauche) et Libertad Lamarque dans La cabalgata del circo, 1945.

Fin 1938, à 19 ans, Eva réussit à figurer comme tête de liste des comédiens de la troupe Compañía de Teatro del Aire récemment fondée, et ce conjointement avec Pascual Pellicciotta, acteur qui comme elle avait travaillé pendant des années dans des seconds rôles. La première dramatique radiophonique que la troupe mit sur les ondes fut Los jazmines del ochenta, de Héctor Blomberg, pour le compte de Radio Mitre, diffusée du lundi au vendredi. C’est vers cette époque qu’elle commença à acquérir de la notoriété, non en vendant ses charmes comme il a été murmuré, mais en consentant à jouer le jeu du vedettariat, battant notamment les antichambres de Sintonía, revue de cinéma qu’elle avait lue avec avidité quand elle était adolescente, et où elle obtenait que son nom fût cité, ou qu’un reportage ou une photo d’elle parût dans ses colonnes<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Dans le même temps, elle commença à apparaître plus assidument au cinéma, dans des films tels que ¡Segundos afuera! (1937), El más infeliz del pueblo, avec Luis Sandrini, la Carga de los valientes et Una novia en apuros en 1941.

En 1941, la troupe mit sur ondes la pièce radiophonique Los amores de Schubert, de Alejandro Casona, pour Radio Prieto.

En 1942, elle sortit définitivement de la précarité économique grâce au contrat qu’elle signa avec la troupe Compañía Candilejas, placée sous l’égide de l’entreprise de savonnerie Guerreno où travaillait son frère Juan, laquelle troupe diffuserait tous les matins un cycle de dramatiques pour Radio El Mundo, la principale radio du pays. Cette même année, Eva fut engagée pour cinq ans à réaliser quotidiennement, en soirée, une série radiophonique dramatico-historique appelée Grandes mujeres de todos los tiempos (Grandes Femmes de tous les temps), évocations dramatiques de la vie de femmes illustres, dans laquelle elle joua notamment Élisabeth Ire{{#if:|  }} d'Angleterre, Sarah Bernhardt et Alexandra Fedorovna, dernière tsarine de Russie. Cette série d’émissions, diffusée par Radio Belgrano, récolta un grand succès. Le scénariste de ces émissions, le juriste et historien Francisco José Muñoz Azpiri, était celui qui devait, quelques années plus tard, écrire pour Eva Perón ses premiers discours politiques. Radio Belgrano était alors dirigé par Jaime Yankelevich, qui jouera un rôle déterminant dans la création de la télévision argentine.

Entre théâtre radiophonique et cinéma, Eva sut finalement se faire une situation économique stable et confortable. En 1943, au terme de deux ans de travail au sein de sa propre compagnie d’acteurs, elle gagnait de cinq à six mille pesos par mois, ce qui faisait d’elle l’une des actrices radio les mieux payées du moment<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Elle put donc, en 1942, laisser enfin derrière elle les pensions et faire l’acquisition d’un appartement, situé au Modèle:N° de la rue Posadas, en face des studios de Radio Belgrano, dans le quartier exclusif de Recoleta, appartement dans lequel, trois ans plus tard, elle se mettra en ménage avec Juan Domingo Perón. Selon un témoignage, Eva mettait un point d’honneur, en tant qu’actrice exerçant une fonction dirigeante, à ne pas être aperçue dans les mêmes cafés que monsieur Tout le monde, déclarant notamment un jour : « je propose que nous allions à la Confitería au coin de la rue pour prendre le thé, là où les gens ordinaires ne viennent pas »<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P.. Les auteurs s’appuient sur un entretien avec Pablo Raccioppi, ancien collègue d’Eva Perón, dans Borroni et Vacca, La vida de Eva Perón, vol. I, Modèle:P..</ref>.

Le Modèle:Date-, Eva se lança également dans l’activité syndicale, et fut l’une des fondatrices de l’Association radiophonique argentine (ARA, Asociación Radial Argentina), premier syndicat des travailleurs de la radio.

Le péronisme

Modèle:Article connexe

Fichier:Eva&Juan.jpg
Eva Duarte et Juan Perón se rencontrèrent en 1944 et se marièrent le 22 octobre 1945.

Eva fit la rencontre de Juan Perón dans les premiers jours de 1944, alors que l’Argentine traversait une période cruciale de transformation économique, sociale et politique.

La situation politique et sociale en 1944

Au point de vue économique, le pays avait au cours des années précédentes totalement changé sa structure productive par suite d’un fort développement de son industrie. En 1943, la production industrielle avait pour la première fois dépassé la production agricole.

Socialement, l’Argentine connut alors une vaste migration intérieure, de la campagne vers les villes, impulsée par le développement industriel. Ce mouvement entraîna un vaste processus d’urbanisation et un notable changement dans la composition de la population des grandes villes, en particulier de Buenos Aires, consécutif à l’irruption d’un nouveau type de travailleurs non européens, appelés dédaigneusement cabecitas negras (têtes noires) par les classes moyennes et supérieure, pour avoir la chevelure, le teint et les yeux en moyenne plus sombres que la plupart des immigrés venant directement d’Europe. La grande migration intérieure se caractérisait aussi par la présence d’un grand nombre de femmes désireuses de faire leur entrée sur le marché du travail salarié qu’avait fait naître l’industrialisation.

Sur le plan politique, l’Argentine vivait une crise profonde touchant les partis politiques traditionnels, lesquels avaient validé un système corrompu ouvertement basé sur la fraude électorale et le clientélisme. Cette période de l’histoire argentine, connue sous l’appellation de Décennie infâme, qui va de 1930 à 1943, vit gouverner une alliance conservatrice nommée la Concordancia. La corruption du pouvoir conservateur en place entraîna le Modèle:Date- le déclenchement d’un coup d’État militaire, lequel ouvrit une période confuse de réorganisation et de repositionnement des forces politiques. Le lieutenant-colonel Juan Domingo Perón, 47 ans, fera partie de la troisième configuration du nouveau gouvernement mis en place après le coup d’État militaire.

En 1943, peu après le début du gouvernement militaire, un groupe de syndicalistes majoritairement socialistes et syndicalistes-revolutionnaires, menés par le dirigeant syndical socialiste Ángel Borlenghi, prit l’initiative d’établir des contacts avec de jeunes officiers réceptifs aux revendications des travailleurs. Du côté militaire, les colonels Juan Perón et Domingo Mercante prirent la tête du groupe militaire qui décida de conclure une alliance avec les syndicats afin de mettre en œuvre le programme historique porté par le syndicalisme argentin depuis 1890.

Cette alliance militaro-syndicale dirigée par Perón et Borlenghi sut réaliser de grandes avancées sociales (conventions collectives, statut du travailleur agricole, pension de retraite, etc.), s’assurant ainsi un fort appui populaire qui lui permit de s’emparer de positions importantes au sein du gouvernement. Ce fut précisément Perón qui occupa le premier une fonction gouvernementale, lorsqu’il fut désigné à la tête de l’insignifiant département du Travail. Il obtint peu après que ledit département fût élevé au haut rang de secrétariat d’État.

Parallèlement au progrès des droits sociaux et des droits du travail obtenus par le groupe syndicalo-militaire mené par Perón et Borlenghi, et au croissant appui populaire dont bénéficiait celui-ci, commença également à s’organiser une opposition dirigée par le patronat, des militaires et des groupements étudiants traditionnels, avec le soutien ouvert de l’ambassade des États-Unis, et qui jouissait d’un appui grandissant dans les classes moyennes et supérieure. Cet affrontement sera initialement connu sous le nom de les espadrilles contre les livres.

Rencontre avec Juan Domingo Perón

Fichier:Evita y Peron 1950.jpg
Evita et Perón en 1950.

Eva, âgée de 24 ans, fit la connaissance de Juan Perón, veuf depuis 1938, le Modèle:Date-, lors d’un événement organisé dans le stade Luna Park à Buenos Aires par le secrétariat au Travail et à la Prévoyance, lors duquel les actrices qui avaient collecté la plus grande quantité de fonds en faveur des victimes du tremblement de terre de San Juan de 1944 allaient se voir décerner une décoration. Les actrices en haut de ce classement se trouvaient être Niní Marshall, future opposante au péronisme, et Libertad Lamarque<ref>« Niní, Libertad y los celos de Evita », article dans le journal Clarín (Buenos Aires) du 31 décembre 2000.</ref>. Lorsque ces fonds eurent été recueillis, Juan Perón demanda à Eva de venir travailler au secrétariat au Travail. Il voulait y attirer quelqu’un capable d’élaborer une politique du travail à l’intention des femmes et souhaitait que ce fût une femme qui prît la direction de ce mouvement. Il estimait qu’Eva, par ses qualités de dévouement et d’initiative, présentait le profil idoine pour remplir cette tâche<ref>J. Perón, Del poder al exilio, Modèle:P..</ref>.

Peu après, en Modèle:Date-, Juan Perón et Eva s’étaient mis en ménage dans l’appartement d'Eva rue Posadas. Bientôt, Perón, alors encore colonel, satisfaisant la requête de sa compagne, demanda au secrétaire à la radiodiffusion, Miguel Federico Villegas, alors capitaine, de lui trouver un rôle dans quelque pièce radiophonique<ref>Universidad de Buenos Aires et Instituto de Economía de los Transportes, dans La radiodifusión en la Argentina, (Modèle:P., Éd. UBA, Buenos Aires, Modèle:Nb p.., 1944).</ref>.

Entre-temps, Eva poursuivit sa carrière artistique. Au sein du nouveau gouvernement, le major Alberto Farías, patriote inflexible d’origine provinciale, fut chargé de la « communication », sa mission consistant à épurer les émissions et messages publicitaires d’éléments indésirables. Toute émission de radio devait être soumise pour approbation au ministère des Postes et Télécommunications dix jours à l’avance. Néanmoins, grâce à la protection du colonel Anibal Imbert, chargé de l’attribution des temps d’antenne, Eva Perón put mener à bien, en Modèle:Date-, son projet d’une série d’émissions intitulée Héroïnes de l’histoire (retraçant en réalité la vie de maîtresses célèbres), dont les textes étaient rédigés, une fois encore, par Muñoz Azpiri<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Elle signa avec Radio Belgrano un nouveau contrat, à hauteur de 35000 pesos, qui était, selon ses propres dires, le contrat le plus important de toute l’histoire de la radiodiffusion<ref>Entretien dans la revue Radiolandia, 5 février 1945.</ref>

Cette même année, elle fut élue présidente de son syndicat, l’Asociación Radial Argentina (ARA)<ref name="argenpress.info"/>. Peu après, elle ajouta à sa programmation sur Radio Belgrano un ensemble de trois nouvelles émissions radio quotidiennes : Hacia un futuro mejor, à 10h.30, où elle annonçait les conquêtes sociales et du travail obtenues par le secrétariat au Travail ; la dramatique Tempestad, à 18h.00 ; et Reina de reyes, à 20h.30. Elle participa également, plus tard dans la soirée, à des émissions plus politiques, où les idées de Perón étaient explicitement exposées, dans la perspective d’éventuelles élections, et en direction des couches de la population dont il escomptait qu’elles le soutiendraient, qui n’avaient jamais été ciblées par la propagande politique et qui ne lisaient pas la presse. Peu férue de politique, Eva ne discutait pas alors de sujets politiques, se contentant d’absorber ce que savait et pensait Juan Perón et se muant en sa plus grande et plus ardente partisane<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Elle joua aussi dans trois films, La cabalgata del circo, avec Hugo del Carril et Libertad Lamarque, Amanece sobre las ruinas (Aurore sur les ruines, fin 1944<ref>[1] sur La Voz.</ref>), film de nature propagandiste qui prenait pour décor le tremblement de terre de San Juan, et La pródiga, qui ne sortit pas en salle à l’époque de sa réalisation<ref>Le film La pródiga connut sa sortie tardive le 16 août 1984.</ref>. Ce dernier film, dont l’action se situe dans l’Espagne du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle et relate la liaison entre une femme mûre et belle encore et un jeune ingénieur occupé à construire un barrage. La femme était appelée la prodigue en raison de sa grande et insouciante libéralité, qui la portait à dépenser sa fortune pour venir en aide aux villageois pauvres. Le tournage se faisait lorsqu’Eva Perón pouvait se libérer de ses autres obligations et se prolongea par conséquent durant de longs mois. Elle affectionnait ce film, qui fut son dernier, à cause de l’esprit d’abnégation et de la souffrance morale, assez stéréotypée, qui y étaient dépeints, quoique sa personne s’accordât difficilement au rôle d’une femme plus âgée. De plus, son jeu manquait de puissance dramatique, sa voix était monotone, ses gestes figés, et son visage restait peu expressif<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Du reste, elle confia un jour à son confesseur, le jésuite Hernán Benítez, que ses performances étaient « mauvaises au cinéma, médiocres au théâtre, et passables à la radio »<ref>Propos recueillis par N. Fraser et M. Navarro lors d’une entrevue avec Benítez, cf. Evita, note 29 du chap. III.</ref>.

L’année 1945

Modèle:Article détaillé

Fichier:17deoctubre-enlafuente.jpg
La célèbre « foto de las patas », gens pataugeant dans l’eau de la fontaine de la place de Mai le 17 octobre 1945.

L’année 1945 fut une année charnière pour l’histoire argentine. La confrontation entre les différentes fractions sociales s’exacerba, l’opposition entre espadrilles (alpargatas) et livres (libros) se cristallisant dans une opposition entre péronisme et antipéronisme.

Dans la nuit du Modèle:Date- eut lieu le coup d’État, hâtif et mal organisé, du général Eduardo Ávalos, qui exigea sur-le-champ, et obtint le lendemain, la démission de Perón. L’élément déclencheur du putsch fut une affaire de nomination à une haute fonction de l’État, qui avait échappé à certain secteur de l’armée, sur un arrière-plan d’opposition à la politique sociale de Juan Perón, à quoi s’ajoutait l’irritation provoquée par la vie privée de celui-ci, spécifiquement sa vie commune hors mariage avec Eva Duarte, femme d’extraction et d’antécédents obscurs. Pendant une semaine, les groupes antipéronistes eurent certes la maîtrise du pays, mais ne se décidèrent pas à prendre effectivement le pouvoir. Perón et Eva restèrent ensemble, se rendant chez diverses personnes, parmi lesquelles Elisa Duarte, la deuxième sœur d’Eva. Peu avant le coup d’État, Juan Perón reçut la visite du général Ávalos, qui lui conseillait en vain de céder aux desiderata des militaires ; pendant cette vive discussion, Eva prononça, s’adressant à Juan Perón, les paroles suivantes : « ce qu’il faut que tu fasses, c’est tout laisser tomber, partir à la retraite et prendre du repos… Qu’ils se débrouillent tout seuls ». Le Modèle:Date-, Juan Perón signa sa lettre de démission pour les trois fonctions gouvernementales qu’il occupait, en plus d’une demande de mise à disponibilité. Le même jour, l’on fit part à Eva Duarte qu’il avait été mis fin à son contrat avec radio Belgrano<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Le Modèle:Date-, Perón fut assigné à résidence dans l’appartement de la calle Posadas, puis emmené en détention sur la canonnière Independencia, laquelle mit ensuite le cap sur l’île Martín García, dans le Río de la Plata.

Ce même jour, Perón écrivit une lettre à son ami le colonel Domingo Mercante, dans laquelle il évoque Eva Duarte, la désignant par Evita :

Modèle:Citation bloc

Le Modèle:Date-, de Martín García, Perón écrivit à Eva une lettre dans laquelle il lui confia entre autres :

Modèle:Citation bloc

Il semblait à ce moment que Perón se fût définitivement éloigné de toute activité politique et que, si les choses se passaient selon sa volonté, il se fût retiré avec Eva pour s’en aller vivre en Patagonie. Toutefois, à partir du Modèle:Date-, les syndicats se mirent à se mobiliser pour exiger la remise en liberté de Perón, jusqu’à déclencher la grande manifestation du 17 octobre, laquelle aboutit à la libération de Perón et permit à l’alliance militaro-syndicale de recouvrer tous les postes qu’elle détenait auparavant dans le gouvernement, ouvrant ainsi la voie à la victoire à l'élection présidentielle.

Fichier:Junín Ordiales 101.jpg
L’étude de notaire Ordiales à Junín, qui fut chargée de dresser l’acte de mariage civil entre Eva Duarte et Juan Domingo Perón en 1945. L’édifice héberge à l’heure actuelle le siège du conseil de prud'hommes. La maison de la famille Duarte se trouvait en face.

Le récit traditionnel a voulu attribuer à Eva Perón un rôle décisif dans la mobilisation des travailleurs qui occupèrent la place de Mai le Modèle:Date-, mais les historiens s’accordent aujourd’hui à dire que son action ‒ si tant est même qu’il y en eût une ‒ lors de ces journées fut en réalité très limitée. Tout au plus a-t-elle pu participer à quelques réunions syndicales, sans grande incidence sur le cours des événements<ref>«El misterio del 17 de octubre del 45: ¿cuál fue el papel de Evita en ese día histórico?», article du journal Clarín de Buenos Aires du 26 juillet 2002.</ref>. À ce moment-là en effet, Eva Duarte manquait encore d’identité politique, de contacts dans les syndicats et d’un appui solide dans le cercle intime de Juan Perón. Les témoignages historiques abondent qui indiquent que le mouvement qui libéra Perón fut déclenché directement par les syndicats dans tout le pays, en particulier par la CGT<ref>Les versions sur les véritables auteurs du 17 octobre 1945 sont multiples et variées. Le dirigeant syndical de l’industrie de la viande, Cipriano Reyes, soutint que « c’est lui qui fit le 17 octobre », dans un livre intitulé précisément Yo hice el 17 de octubre (litt. C’est moi qui ai fait le 17 octobre). L’historienne Lucía Gálvez pour sa part affirma que la véritable instigatrice du 17 octobre fut une femme quasi inconnue, Isabel Ernst, secrétaire et maîtresse de Domingo Mercante, qui, mettant à profit ses rapports quotidiens avec les militants et dirigeants syndicaux de la CGT, sut les mobiliser à engager les protestations. Cf.: Las mujeres y la patria, nuevas historias de amor de la historia argentina (2001), de Lucía Gálvez. Buenos Aires: Norma, Modèle:P., 2001.</ref>. Le journaliste Héctor Daniel Vargas a révélé que le Modèle:Date-, Eva Duarte se trouvait à Junín, sans doute au domicile de sa mère, et en veut pour preuve un mandat signé par elle dans cette ville le même jour. Il semblerait cependant qu’elle ait pu ensuite se rendre à Buenos Aires et s’y trouver le même soir encore<ref>« Qué hizo Evita el 17 de octubre: Un documento refuta el mito », article d’Héctor Daniel Vargas dans le supplément « Zona » du journal Clarín de Buenos Aires de 1997.</ref>. Mais haïe autant que Perón lui-même, ne se trouvant plus sous la protection de la police, décriée désormais ouvertement par la presse, chassée de Radio Belgrano malgré dix ans de service, elle était seule et apeurée, ne songeant qu’à libérer Juan Perón et craignant pour la vie de celui-ci<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Le Modèle:Date-, elle se retrouva malencontreusement au milieu d’une manifestation anti-péroniste, fut brutalisée et eut le visage tellement tuméfié qu’elle put rentrer chez elle sans plus être reconnue. Le plus vraisemblable est que, ayant échoué à faire libérer Juan Perón par l’entremise d’un juge, elle ait choisi de se tenir coite pour ne pas compromettre les chances d’une libération<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Le moyen conventionnel d’être libéré de prison consistait à solliciter un habeas corpus auprès d’un juge fédéral : dans la plupart des cas, pourvu qu’il n’y eût pas encore d’inculpation, le juge pouvait ordonner la mise en liberté, à la condition que l’intéressé eût préalablement manifesté, par voie d’un télégramme envoyé au ministère des Affaires intérieures, son intention de quitter le pays dans les 24 heures. La procédure était simple et avait du reste été utilisée par maint opposant anti-péroniste dans les deux années précédentes. Eva Duarte se rendit donc à l’office de l’avocat Juan Atilio Bramuglia, qui la fit jeter à la porte. Eva gardera de cet incident une rancune tenace à l’endroit de Bramuglia<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Juan Perón cependant put bientôt quitter l’île Martín García en feignant, avec la complicité du médecin militaire et sien ami le capitaine Miguel Ángel Mazza, une pleurésie, ce qui nécessitait une hospitalisation, c'est-à-dire son transfert (tenu secret) à l’hôpital militaire de Buenos Aires. Entre-temps, des grèves spontanées avaient commencé à éclater, aussi bien dans la banlieue de la capitale que dans les provinces. Les ouvriers redoutaient que les acquis sociaux de ces deux dernières années, dont ils étaient redevables à Juan Perón, ne fussent anéantis. Le Modèle:Date-, la CGT décida, après de longs débats, de proclamer la grève générale pour le Modèle:Date-.

Par l’entremise du Modèle:Dr Mazza, Eva put visiter Juan Perón à l’hôpital ; celui-ci lui enjoignit de rester calme et de ne rien entreprendre de dangereux — raison supplémentaire d’admettre qu’Eva Perón ne joua aucun rôle déterminant dans les événements du Modèle:Date-.

Quelques jours plus tard, le Modèle:Date-, Juan Perón épousa Eva à Junín, ainsi qu’il l’avait annoncé dans ses lettres. L’événement eut lieu dans l’intimité, à l’étude de notaire Ordiales, laquelle était hébergée dans une villa, qui existe encore, sise à l’angle des rues Arias et Quintana, dans le centre de la ville. Le secrétaire utilisé pour dresser l’acte de mariage civil est actuellement exposé au Musée historique de Junín. Les témoins étaient le frère d’Eva, Juan Duarte, et Domingo Mercante, ami de Juan Perón et péroniste de la première heure. À cause d’une tentative d’attentat contre Juan Perón, il fallut surseoir au mariage religieux ; celui-ci fut célébré le dix décembre, lors d’une cérémonie privée, suivie d’une réunion familiale restreinte, en l’église Saint-François-d’Assise<ref>Sise rue Modèle:N°, entre les rues Modèle:N° et 69, l’église néo-romane fut déclarée Monument historique provincial en 1975, mais rayée de la liste en 1955 par le gouvernement militaire, puis rétablie à ce titre en 1987. Restauration lancée en mai 2014.Cf. Article sur le site Telam.</ref> de La Plata, choisie sur recommandation d’un frère franciscain de leurs amis et en raison d’une prédilection d’Eva pour l’ordre des Frères mineurs. Perón était déjà à ce moment-là candidat à la présidence de la République argentine, pays catholique où il était impensable qu’un homme politique vécût avec une femme sans être marié religieusement avec elle.

Parallèlement, Eva s’appliqua à faire disparaître discrètement les traces de sa carrière d’actrice, demandant notamment aux stations de radio de lui renvoyer ses photos publicitaires et empêchant la diffusion de son dernier film La pródiga<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Parcours politique

Eva Perón exerçant le pouvoir d’une manière qui apparaissait très personnelle et sur un mode affectif, il en a été abusivement déduit que son action n’était déterminée que par ses propres opinions et par les caractéristiques psychologiques de sa personnalité ; en réalité, elle œuvrait toujours dans le cadre politique et idéologique défini par Juan Perón<ref name="evita">N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Lors d’un rassemblement le Modèle:Date-, Juan Perón lui-même, évoquant brièvement le rôle politique d’Evita au sein du péronisme, y distingua trois volets : sa relation avec les syndicats, sa fondation caritative, et son action auprès des femmes argentines<ref name="evita2">N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

  • Entretenant d’excellents contacts avec les dirigeants syndicaux, elle permit au péronisme de renforcer son emprise sur le monde ouvrier. Celui-ci en effet, témoin la persistance des grèves, n’était pas inconditionnellement acquis au régime ;
  • Par sa fondation caritative (au demeurant plutôt inutile, ses fonctions ayant pu être remplies par des institutions publiques idoines), elle avait mis en place, entre le dirigeant Juan Perón et le peuple, une interface propre à donner du péronisme un visage charnel, généreux, humain, ce dont une bureaucratie impersonnelle aurait été incapable. De même, elle usait dans ses discours d’un langage émotionnel et direct, au contraire du caractère plus abstrait du discours politique de Juan Perón. Eva figurait ainsi comme trait d’union entre le pouvoir péroniste et les descamisados — « parlant à Juan Perón au nom du peuple, et au peuple au nom de Juan Perón ».
  • La création du Parti péroniste féminin lui permit de mobiliser une majorité du nouvel électorat féminin en faveur de Juan Perón.

On peut y ajouter son rôle de prêtresse des grands rituels du régime péroniste et d’orchestrateur du culte de la personnalité de Juan Perón. Il n’était guère d’événement susceptible d’attirer l’attention du public (inauguration d’une piscine ou d’une usine, remises de médaille etc.) où Evita ne fût présente ; toute occasion de ce type était prétexte à la tenue d’un de ces rituels coutumiers du régime, qui s’accompagnaient immanquablement de force embrassades de bambins et de marques d’amour pour les descamisados et la patrie. Les deux principaux de ces rituels étaient la journée du premier mai et la célébration du Modèle:Date-, dans le cérémonial desquels Eva Perón occupait sa propre place.

Enfin, plus incidemment, elle s’attacha, par sa tournée européenne, à corriger la mauvaise image du péronisme à l’étranger.

Campagne électorale de 1946

Fichier:Evita en el trena - campaña electoral 1946 -Revista 1952 -Biblioteca Juan Alvarez.jpg
Evita saluant à partir d'un train lors de la campagne en vue des élections de 1946.

Eva commença sa carrière politique en accompagnant, en qualité d’épouse, Juan Perón dans sa campagne électorale en vue de l'élection présidentielle du Modèle:Date-<ref name=Vázquez>Modèle:Lien web.</ref>. Leur tournée électorale les conduisit à Junín, Rosario, Mendoza et Córdoba. Juan Perón et sa suite portaient des vêtements ordinaires, orné de badges du nouveau mouvement, afin de prolétariser la vie politique argentine. Eva, sans jamais prononcer elle-même de discours, se tenait auprès de Juan Perón lorsque celui-ci faisait, d’une voix de plus en plus rauque, ses allocutions sur les réformes agraires qu’il projetait comme moyen de briser la puissance de l’oligarchie.

La participation d’Eva dans la campagne de Juan Perón représente une nouveauté dans l’histoire politique de l’Argentine. À cette époque en effet, les femmes étaient (excepté dans la province de San Juan) privées de droits politiques et les apparitions publiques des épouses de candidats à la présidentielle était très restreintes et ne devaient en principe présenter aucun caractère politique. Depuis le début du siècle, des groupes de féministes, parmi lesquelles s’étaient illustrées des personnalités telles que Alicia Moreau de Justo, Julieta Lanteri et Elvira Rawson de Dellepiane, avaient revendiqué en vain que les droits politiques fussent étendus aux femmes. En général, la culture machiste dominante considérait même comme un manque de féminité le fait pour une femme d’exprimer une opinion politique.

Perón fut le premier chef d’État argentin à mettre la question féminine à l’ordre du jour, dès avant qu’Evita n’entre en politique. Depuis de longues années déjà, les féministes et suffragettes argentines exigeaient le droit de vote pour les femmes, mais aussi longtemps que les conservateurs étaient au pouvoir, se voir accorder un tel droit était impensable. Cependant, Perón commença en 1943 à se préocccuper de la question, puis, lorsque Perón et Evita eurent ouvert ensemble la voie à la participation politique des femmes, les avancées sur ce plan seront considérables. Dans la décennie 1950, aucun pays au monde n’avait autant de femmes au parlement que l’Argentine<ref name="Evita y las mujeres">Modèle:Article</ref>.

Eva fut la première épouse d’un candidat argentin à la présidence à marquer sa présence durant sa campagne et à l’accompagner lors de ses tournées électorales. Selon Pablo Vázquez, Perón proposait dès 1943 d’accorder le droit de vote aux femmes, mais l’Assemblée nationale des femmes (en esp. Asamblea Nacional de Mujeres), présidée par Victoria Ocampo, s’alliant de fait aux milieux conservateurs, s’opposa en 1945 à ce qu’une dictature octroyât le suffrage aux femmes ‒ fidèle à la formule : « Suffrage féminin, mais adopté par un Congrès élu à la suite d’un scrutin honnête » ‒ et le projet n’aboutit pas<ref name=Vázquez/>.

Le Modèle:Date-, peu avant la fin de la campagne, le Centro Universitario Argentino, la Cruzada de la Mujer Argentina (Croisade de la femme argentine) et la Secretaría General Estudiantil organisèrent une réunion publique dans le stade Luna Park à Buenos Aires pour manifester le soutien des femmes à la candidature de Perón. Puisque Perón lui-même ne fut pas en état d’y assister lui-même, étant épuisé par la campagne, il fut annoncé que María Eva Duarte de Perón prendrait la parole à sa place — c’eût été la première fois qu’Evita aurait parlé lors d’un rassemblement politique. Cependant, l’occasion ne se réalisa pas, parce que le public réclama à haute voix la présence de Perón lui-même et empêcha Eva de prononcer son discours<ref>Borroni et al, éd. CEAL, Modèle:P..</ref>.

Eva ne put donc guère, durant cette première campagne électorale, sortir de son strict rôle d’épouse du candidat Perón. Toutefois, il était apparu clairement dès cet instant que son intention était de jouer un rôle politique autonome, nonobstant que les activités politiques fussent alors interdites aux femmes. La conception qu’elle-même se faisait de son rôle au sein du péronisme s’exprimera dans un discours prononcé par elle quelques années plus tard, le Modèle:Date- :

Modèle:Citation bloc

Débuts militants

Le Modèle:Date- eurent lieu les élections, qui virent le triomphe de l’alliance Perón-Quijano, avec 54 % des voix. Entre la date de son élection et celle de son investiture le Modèle:Date-, Juan Perón prit un certain nombre de décisions, parmi lesquelles la nomination du frère d’Eva, Juan Duarte, comme son secrétaire privé. Cette nomination de Juan Duarte, qui n’avait aucune expérience politique et de qui des rumeurs disaient qu’il s’était enrichi sur le marché noir en 1945, n’eût jamais eu lieu sans l’intervention d’Eva, et permit à celle-ci d’exercer une certaine influence en décidant, par le biais de son frère, qui devait rencontrer son mari. Quelques concertations politiques eurent lieu dans la résidence secondaire des Perón à San Vicente, où le couple du reste frappait ses interlocuteurs par la simplicité de sa vie privée et le sans-façon de ses contacts, Eva notamment se souciant peu de l’étiquette vestimentaire<ref name="evita101">N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Lors de la cérémonie d’investiture, Eva portait une robe de soie qui laissait dénudée une épaule du côté où se tenait le cardinal, ce qui provoqua un scandale dans les cercles de l’oligarchie.

Au début, le travail politique d’Eva consista (outre une fonction purement représentative) à visiter des entreprises en compagnie de son mari, puis seule, et bientôt elle eut à sa disposition un bureau particulier, d’abord au ministère des Télécommunications, et ensuite dans le bâtiment du ministère du Travail, édifice auquel sa personne restera indissociable par la suite aux yeux de l’opinion populaire. Elle y recevait des gens du peuple venus lui solliciter certaines faveurs, comme l’admission à l’hôpital d’un enfant malade, ou l’octroi d’un logement à une famille, ou une aide financière. Elle se faisait assister par des personnes qui avaient auparavant travaillé au ministère avec Perón, en particulier Isabel Ernst, qui avait d’excellents contacts avec le monde syndical et prenait part à toutes les réunions avec des syndicalistes<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Elle aidait les ouvriers à fonder des syndicats dans les entreprises où il n’y en avait pas encore, ou à en créer de nouveaux, d’obédience péroniste, là où seuls existaient des syndicats non agréés par le pouvoir, communistes ou autres, ou encore, en cas d’élections syndicales, apportait son soutien aux péronistes face aux anti-péronistes.

Juan Perón, en accordant ces libertés à sa femme, poursuivait des buts politiques précis. Les grèves ouvrières continuaient, et Eva devait, par son ascendant sur le peuple et les syndicats, aider Juan Perón à accroître son emprise sur le mouvement ouvrier. En outre, en couvrant son mari d’éloges spontanés et sincères, elle prenait à sa charge tout un pan de la propagande péroniste, que validaient ses origines populaires.

En réaction aux critiques de l’opposition sur le rôle politique exact d’Eva Perón, le gouvernement publia en Modèle:Date- une déclaration indiquant qu’elle n’avait pas de secrétaire, mais un collaborateur ; que, sans faire partie à proprement parler du gouvernement, elle livrait une contribution active à la politique sociale de celui-ci en assumant le rôle d’émissaire du gouvernement auprès des descamisados<ref name="Evita 93"/>.

Pour l’oligarchie toutefois, son action s’expliquait par une volonté d’imiter ceux qui se trouvaient au-dessus d’elle dans la hiérarchie sociale, et par un désir de vengeance contre ceux qu’elle avait essayé d’égaler sans y parvenir. Son ressort résiderait tout entier dans la chaîne de causalité blessure d’amour propre suivi de vengeance, et d’envie suivie de rancœur.

Émancipation des femmes

Fichier:Eva Perón.jpg
Eva Perón vers le milieu des années 1940.

Les historiens argentins sont unanimes à reconnaître le rôle décisif joué par Evita dans le processus d’acceptation de l’égalité entre hommes et femmes au regard des droits politiques et civils en Argentine. Lors de sa tournée européenne, elle usa, pour exprimer son point de vue sur cette question, de la formule suivante : Modèle:Citation

Elle prononça plusieurs discours en faveur du droit de vote des femmes et dans son journal, Democracia, parut une série d’articles exhortant les péronistes masculins à abandonner leurs préjugés contre les femmes. Pourtant elle ne s’intéressait que modérément aux aspects théoriques du féminisme et il était rare que dans ses allocutions elle abordât des questions concernant exclusivement les femmes, et même s’exprimait avec dédain sur le féminisme militant, dépeignant les féministes comme des femmes méprisables incapables de réaliser leur féminité. Néanmoins, beaucoup de femmes argentines, au départ indifférentes à ces questions, sont entrées en politique à cause d’Eva Perón<ref>Pour les biographes N. Fraser et M. Navarro, l’adoption du suffrage des femmes ne doit que fort peu à l’action d’Eva Perón. Son rôle en la matière se serait borné à soutenir le projet de loi d’un de ses soutiens, le journaliste et député national Eduardo Colom (Evita, Modèle:P.).</ref>.

Droit de vote des femmes
Fichier:Museo del Bicentenario - "Retrato de Juan Domingo Perón y Eva Duarte", Numa Ayrinhac.jpg
Portrait officiel de Juan Domingo Perón aux côtés de son épouse Eva, par Numa Ayrinhac. Ce tableau, aujourd’hui exposé au musée du Bicentenaire à Buenos Aires, est le seul portrait officiel d’un président argentin en compagnie de la première dame<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Pendant la campagne pour les élections de 1946, la coalition péroniste avait inscrit la reconnaissance du suffrage féminin dans son programme électoral. Auparavant déjà, Perón avait, en sa qualité de vice-président, tenté de faire adopter une loi instaurant le vote des femmes, mais les résistances au sein des forces armées dans le gouvernement, comme celles de l’opposition, qui alléguait des arrière-pensées électoralistes, avaient fait échouer le projet<ref>Modèle:Lien archive.</ref>. Au lendemain du scrutin de 1946, et à mesure que grandissait son influence dans le mouvement péroniste, Evita commença à faire ouvertement campagne en faveur du droit de vote des femmes, à travers des réunions publiques et des allocutions radiophoniques. Plus tard, Evita allait mettre sur pied le Parti péroniste féminin, groupement de femmes dirigeantes, doté d’un réseau de sections locales, chose qui n’existait nulle part ailleurs au monde. Elle manifesta que les femmes non seulement devaient voter, mais encore qu’elles devaient voter pour des femmes ; de fait, il y aura bientôt en Argentine des femmes députées et des sénatrices, dont le nombre devait aller croissant au fil des élections suivantes, de sorte que l’Argentine apparaissait alors comme fort en avance<ref name="Evita y las mujeres"/>.

Le Modèle:Date-, trois jours après les élections, Evita, âgée de 26 ans, prononça son premier discours politique lors d’une réunion publique convoquée pour remercier les femmes argentines de leur soutien à la candidature de Perón. À cette occasion, Evita exigea l’égalité de droits entre hommes et femmes, et en particulier le suffrage des femmes :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Buenos Aires - Balvanera - Manifestación por el voto femenino en 1948.jpg
Manifestation de femmes devant le Congrès national en faveur de la loi accordant le droit de vote aux femmes, 1948.

Le projet de loi prévoyant le droit de vote pour les femmes fut présenté aussitôt après l’entrée en fonction du nouveau gouvernement constitutionnel, le Modèle:Date-. Les préjugés conservateurs cependant firent obstacle à l’adoption de la loi, non seulement dans les partis d’opposition, mais aussi au sein des partis soutenant le péronisme. Sans désemparer, Evita fit pression sur les parlementaires pour qu’ils approuvassent la loi, jusqu’à finir par susciter leurs protestations par son immixtion.

Bien qu’il s’agît d’un texte très bref, en seulement trois articles, qui ne pouvait pas en pratique donner lieu à discussion, le sénat ne donna le Modèle:Date- qu’une sanction partielle du projet, et il fallut attendre plus d’un an encore pour que la chambre des députés adoptât, le Modèle:Date-, la loi 13.010 portant égalité de droits politiques entre hommes et femmes et instituant le suffrage universel en Argentine<ref>La loi 13.010 dispose : Article Modèle:1er : Les femmes argentines auront les mêmes droits politiques et seront soumises aux mêmes obligations que ceux que les lois accordent ou imposent aux hommes argentins. Article Modèle:2e : Les femmes étrangères résidant dans le pays auront les mêmes droits politiques et seront soumises aux mêmes obligations que ceux que les lois accordent ou imposent aux hommes étrangers, au cas où ceux-ci auraient de tels droits politiques. Article Modèle:3e : À la femme s’appliquera la même loi électorale qu’à l’homme, et il y aura lieu qu’elle reçoive son livret civique correspondant comme document d’identité indispensable à tous les actes civils et électoraux.</ref>. La loi 13.010 fut finalement approuvée à l’unanimité.

À la suite de l’adoption cette loi, Evita fit sur la chaîne nationale la déclaration suivante :

Modèle:Citation bloc

Le Parti péroniste féminin

Modèle:Article détaillé

Fichier:Eva Duarte de Perón 2.jpg
Monumento a Evita, œuvre de Ricardo Gianetti, dans le quartier de la Recoleta à Buenos Aires, près du lieu où se trouvait la maison présidentielle et où mourut Eva Perón.

En 1949, Eva Perón voulut renforcer encore l’influence politique des femmes en fondant, le Modèle:Date- au Théâtre national Cervantes de Buenos Aires, le Parti péroniste féminin (Partido Peronista Femenino, PPF), dont elle serait elle-même présidente. Dans le discours qu’elle prononça lors du congrès fondateur, elle fustigea avec véhémence l’injustice faite aux femmes qui travaillent, mais insista dans le même temps sur le précepte d’une fidélité totale et inconditionnelle à Juan Perón : notre mouvement, dit-elle, est théoriquement et idéologiquement inspiré des paroles de Perón ; être péroniste signifie, pour une femme, être fidèle et avoir une foi aveugle en Perón<ref>Discurso de Eva Perón en el acto inaugural de la primera assemblée nacional del Movimiento Peronista Feminino, Buenos Aires, 26 juillet 1947. Cité par N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Le PPF, qui était sans lien avec son pendant masculin, permit de faire surgir toute une génération de femmes loyales au péronisme. En 1952, le parti comptait Modèle:Nombre et 3 600 bureaux, et amena sur le nom de Juan Perón plus de 63 % des suffrages féminins aux élections de 1951.

Le PPF était organisé autour d’unités féminines de base créées dans les quartiers et les villages et au sein des syndicats, canalisant ainsi l’activité militante directe des femmes<ref>Modèle:Lien web</ref>. Les femmes affiliées au Parti péroniste féminin y participaient par le biais de deux types d’unités de base :

  • Unités de base syndicales, si elles étaient des salariées ;
  • Unités de base ordinaires, si elles étaient des femmes au foyer, employées de maison ou ouvrières agricoles<ref>Modèle:Article</ref>.

Si dans le Parti péroniste féminin n’existait aucune distinction ni hiérarchie entre ses membres, il était exigé de ses affiliées qu’elles fussent de bonnes péronistes, c'est-à-dire des fanatiques, entièrement dévouées au parti, pour qui le parti passait avant toute chose, y compris leur famille et leur carrière. Evita se montra une excellente organisatrice, qui ne se lassait pas d’encourager « ses femmes » et de les pousser à aller toujours plus loin<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Le Modèle:Date- eurent lieu des élections générales. Evita vota à l’hôpital, où elle avait été admise en raison du stade avancé du cancer qui devait mettre fin à sa vie l’année suivante. Pour la première fois, des parlementaires féminines allaient être élues : 23 députées nationales, 6 sénatrices nationales, et si l’on comptabilise également les membres des assemblées législatives provinciales, les femmes totalisaient 109 élues<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Égalité juridique dans le mariage et patria potestas

L’égalité politique entre hommes et femmes fut complétée par l’égalité juridique des conjoints et par la patria potestas partagée, garantie désormais par l’article 37 (II.1) de la constitution argentine de 1949, lequel article cependant ne fut jamais ensuite transposé en règlements. C’est Eva Perón elle-même qui en avait rédigé le texte. Le pouvoir issu du coup d’État militaire de 1955 abrogea ladite constitution, et avec elle la garantie d’égalité juridique entre hommes et femmes au sein du mariage et au regard de la patria potestas, ce qui fit prévaloir à nouveau l’ancienne préséance civile de l’homme sur la femme. La réforme constitutionnelle de 1957 ne rétablit pas davantage cette garantie constitutionnelle, et la femme argentine demeura ainsi discriminée pour le code civil, jusqu’à ce que la loi de patria potestas partagée (en esp. Ley de patria potestad compartida) fût sanctionnée sous le gouvernement de Raúl Alfonsín, en 1985.

Relation avec les travailleurs et les syndicats

Fichier:Museo del Bicentenario - Afiche "Amparo de los Humildes".jpg
Amparo de los humildes (refuge des humbles), affiche de propagande officielle autour de la figure d’Eva Perón.

Eva Perón entretint des rapports forts, étroits et complexes, et très symptomatiques de sa personnalité, avec les travailleurs et avec les syndicats en particulier.

En 1947, Perón ordonna que fussent dissous les trois partis qui l’appuyaient, le Partido Laborista (Parti travailliste), le Parti indépendant (réunissant des conservateurs) et l’Unión Cívica Radical Junta Renovadora (littér. Union civique radicale Comité rénovateur, fondée en 1945 par scission de l’UCR), pour créer le Parti justicialiste. De cette manière, si les syndicats perdaient ainsi de leur autonomie au sein du péronisme, celui-ci en contrepartie se construisit en s’appuyant désormais sur le syndicalisme comme « colonne vertébrale », ce qui en pratique se traduira par la transformation subséquente du Parti justicialiste en un parti quasi-travailliste.

Dans cet assemblage de pouvoirs et d’intérêts hétérogènes et souvent en conflit qui confluaient dans le péronisme, conçu comme un mouvement englobant une multiplicité de classes et de secteurs, Eva Perón joua un rôle de lien direct et privilégié entre Juan Perón et les syndicats, ce qui permit à ces derniers de consolider leur position de pouvoir, quoique partagée.

C’est pour cette raison que le mouvement syndical encouragea en 1951 la candidature d’Eva Perón à la vice-présidence, candidature à laquelle s’opposèrent fortement, y compris dans le Parti péroniste lui-même, les secteurs désireux d’éviter une influence accrue des organisations syndicales.

Evita avait une vision résolument combative des droits sociaux et du travail et pensait que l’oligarchie et l’impérialisme s’appliqueraient, y compris en usant de violence, à en obtenir l’annulation. En conséquence, Eva impulsa, aux côtés des dirigeants syndicaux, la formation de milices ouvrières et, peu avant de mourir, fit l’acquisition d’armes de guerre qu’elle mit aux mains de la CGT<ref>« A 54 años de la muerte de Eva Perón », article d’Hugo Presman sur le site internet Causa Popular, 2006.</ref>.

Ces rapports étroits entre Eva Perón et le syndicalisme trouvèrent, à la mort de celle-ci, leur expression ultime et ostensible en ce que son corps embaumé fut déposé à titre permanent au siège de la CGT à Buenos Aires.

Le journal Democracia

Durant la campagne électorale, la presse avait, de façon générale, été peu favorable à Juan Perón. Début 1947, Eva Perón acquit Democracia, quotidien alors peu important et de qualité moyenne. Eva ne disposant pas de fonds propres, il fut fait appel à la banque centrale (nationalisée) pour obtenir un prêt. Pour le reste, Eva ne joua qu’un rôle mineur dans les destinées du journal et laissa libre carrière à l’équipe rédactionnelle. Cependant, à l’occasion, elle y laissait typiquement son empreinte, comme le relèvent N. Fraser et M. Navarro :

Modèle:Citation bloc

En revanche, il y avait pléthore de photos d’Evita, en particulier de ses toilettes lors des soirées de gala au théâtre Colón de Buenos Aires, galas qui donnaient lieu à des éditions spéciales nocturnes tirant jusqu’à Modèle:Nombre. Le tirage des éditions ordinaires passa de 6 000 à 20 000, puis à 40 000.

Tournée européenne

Fichier:Eva Perón e Eurico Dutra no Palácio do Catete 1.tif
Eva Perón et le président brésilien Dutra en visite au Brésil, 1947

En 1947, Juan Perón, Evita et d’autres dirigeants péronistes conçurent l’idée d’une tournée internationale pour Evita, laquelle tournée, inédite à cette époque pour une femme, serait susceptible de la mettre politiquement au premier plan. L’objectif par ailleurs était, par une offensive de charme, de sortir l’Argentine de son isolement d’après-guerre et de corriger au besoin le soupçon de proximité avec le fascisme qui collait au péronisme. La prémisse du voyage fut une invitation à visiter l’Espagne lancée par le général Francisco Franco à l’intention de Juan Perón, que celui-ci cependant hésitait à accepter, désireux de rompre son isolement, de reprendre ses relations diplomatiques avec l’Union soviétique et d’être admis à l’ONU. Il fut donc convenu qu’Eva irait seule et que son voyage ne se limiterait pas à l’Espagne afin de le dissocier de l’invitation de Franco. Le voyage fut présenté par le gouvernement argentin dans des termes très généraux : elle apporterait un « message de paix » à l’Europe ou jetterait un « arc-en-ciel de beauté » entre l’ancien et le nouveau continent.

La tournée se prolongea pendant Modèle:Nombre, entre le Modèle:Date- et le Modèle:Date-, et permit à Eva Perón de visiter l’Espagne (pendant Modèle:Nombre), l’Italie et le Vatican (Modèle:Nombre), le Portugal (3 jours), la France (Modèle:Nombre), la Suisse (Modèle:Nombre), le Brésil (Modèle:Nombre) et l’Uruguay (Modèle:Nombre). Son but officiel était de remplir un rôle d’ambassadrice de bonne volonté et de se renseigner sur les systèmes d’aide sociale mis en place en Europe, avec le dessein de se rendre capable, à son retour en Argentine, d’impulser un nouveau système d’œuvres sociales. Dans sa suite voyageaient aussi son frère Juan Duarte, en qualité de membre du secrétariat de Perón, le coiffeur Julio Alcaraz, qui créera pour elle les coiffures Pompadour les plus élaborées, deux journalistes appointés par le gouvernement, Muñoz Azpiri et un photographe de Democracia, et le père jésuite Hernán Benítez, ami du couple Perón, qui devança Eva à Rome et par qui elle se fera conseiller, et qui, la tournée achevée, exercera une influence lors de la mise sur pied de la Fondation Eva Perón.

Evita baptisa sa tournée du nom de Tournée arc-en-ciel (en esp. Gira Arco Iris), cette appellation trouvant son origine dans une déclaration que fit Evita, avec candeur, peu après son arrivée en Europe :

Modèle:Citation bloc

L’Espagne, alors dirigée par le dictateur Francisco Franco, fut la première escale de son voyage. Elle fit halte à Villa Cisneros, Madrid (où elle fut acclamée par une foule de trois millions de Madrilènes<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>), Tolède, Ségovie, en Galice, à Séville, Grenade, Saragosse et Barcelone. Pendant son séjour de Modèle:Nombre en Espagne, elle fut honorée par des feux d’artifice, des banquets, des pièces de théâtre et des danses folkloriques. Dans toutes les villes, il y eut des foules énormes et des manifestations d’intense affection ; beaucoup d’Espagnols avaient des proches parents émigrés en Argentine, qui y avaient réussi, de sorte que le pays bénéficiait d’une bonne image en Espagne. À Madrid, en réponse à une allocution de Franco, où celui-ci fit l’éloge des idéaux du péronisme, Evita prononça un hommage assez emphatique à Isabelle de Castille, pour enchaîner avec un discours improvisé de propagande péroniste, affirmant que l’Argentine ayant su choisir entre simulacre de démocratie et démocratie véritable, que les grandes idées y portaient des noms simples, comme alimentation meilleure, logement meilleur, vie meilleure<ref name="evita101"/>.

Il existe des dizaines de témoignages attestant du désappointement d’Eva Perón devant la manière dont en Espagne on traitait les ouvriers et les humbles<ref name="elmundo20020724">« Palacios y chabolas para Evita », article de Ricardo Herren dans le journal El Mundo (Espagne), du 24 juillet 2002.</ref>,<ref>« Eva Perón. Anécdotas, documentos sobre Eva Perón »..</ref>. Elle aurait utilisé sa diplomatie et son influence pour obtenir de Franco la grâce de la militante communiste Juana Doña<ref>« En Madrid - Recordando a Eva Perón (2.ª parte) », article de Martín Desiderio de la Peña, de 2003, sur le site internet Sin Mordaza.</ref>. Elle eut avec l’épouse de Franco, Carmen Polo, un contact tendu, en raison de l’application de celle-ci à ne lui montrer que le Madrid historique des Habsbourgs et des Bourbons, au lieu des hôpitaux publics et des quartiers ouvriers<ref>«Eva Perón. Anécdotas», documentos sobre Eva Perón.</ref>,<ref name="elmundo20020724"/>. De retour en Argentine, elle en fit le récit suivant :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Eva Duarte de Perón en España.jpg
Evita arrivant à Madrid, où elle est reçue par vingt-et-un coups de canon et une foule composée d’ouvriers espagnols.

Néanmoins, Franco fut satisfait de cette visite, et put l’année suivante conclure avec l’Argentine l’accord commercial qu’il avait en vue.

Le voyage se poursuivit en Italie, où elle déjeuna avec le ministre des Affaires étrangères, visita des garderies d’enfants, mais fut aussi bruyamment critiquée par les communistes, qui assimilaient le péronisme au fascisme et voulaient compromettre la réalisation de ce qui était aussi l’un des enjeux de ce voyage : obtenir des prêts et une hausse du quota d’immigrants italiens en Argentine ; des manifestations de communistes sous sa fenêtre entraînèrent l’arrestation de 27 personnes.

Au Vatican, elle fut reçue par le pape Pie XII, qui eut avec elle une entrevue en tête à tête de Modèle:Nombre, à l’issue de laquelle il lui remit le rosaire d’or et la médaille pontificale qu’elle allait tenir dans les mains à l’instant de mourir. De ce dont s’entretinrent le pape et Eva, il n’est resté aucun témoignage direct, à l’exception d’un bref commentaire ultérieur de Juan Perón à propos de ce que sa femme lui avait raconté. Le journal La Razón de Buenos Aires couvrit ainsi l’événement :

Modèle:Citation bloc

Après avoir visité le Portugal, où des multitudes vinrent l’acclamer, et où elle rendit visite au roi d’Espagne en exil, Don Juan de Borbón, elle se dirigea vers la France, où elle fut affectée par la publication dans l’hebdomadaire France Dimanche d’une photo publicitaire pour une marque de savon, prise quelques années auparavant, sur laquelle elle apparaissait avec une jambe dénudée, position peu conforme aux normes morales de l’époque. Elle fut accueillie par le ministre des Affaires étrangères Georges Bidault et eut un entretien avec le président de l’Assemblée nationale, le socialiste Édouard Herriot, entre autres personnalités politiques. Le programme prévoyait que sa présence en France coïncidât avec la signature d’un traité d’échanges entre la France et l’Argentine, ce qui eut lieu effectivement au quai d’Orsay. Eva se vit ensuite décerner la médaille de la légion d’honneur des mains de Georges Bidault<ref name="Evita 105"/>.

Elle logea au Ritz et fut promenée dans Paris à bord d’une voiture qui avait appartenu à Charles de Gaulle et avait été utilisée par Winston Churchill lors de ses visites à Paris. Le Père Hernán Benítez la conduisit à la cathédrale Notre-Dame de Paris pour s’y entretenir avec le nonce apostolique à Paris, monseigneur Angelo Giuseppe Roncalli, futur pape Jean XXIII, qui lui fit la recommandation suivante :

Modèle:Citation bloc

Benítez déclara que Roncalli fut impressionné par la figure d’Evita inclinant la tête devant l’autel à la Vierge Marie tandis que retentissait l’hymne national argentin : Modèle:Citation, se serait exclamé le prélat, selon Benítez<ref>Lucía Gálvez: « Las mujeres y la patria, nuevas historias de amor de la historia argentina » (Modèle:P.). Buenos Aires : Norma, 2001.</ref>.

Intéressée par la création de mode française, Eva organisa un défilé de mode privé dans son hôtel, mais, sur conseil de Hernán Benítez, qui craignait que cela ne fût jugé une inacceptable frivolité, elle préféra l’annuler en dernière minute, décision considérée par beaucoup comme une indélicatesse. Mais elle fit prendre note de ses mensurations chez Christian Dior et Marcel Rochas, qui seront chargés ensuite de confectionner nombre de ses robes<ref name="Evita 105">N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Pour clôturer son séjour en France, une réception fut donnée en son honneur au Cercle d’Amérique latine, où tout le corps diplomatique de l’Amérique latine lui présenta ses hommages et où elle attira les regards par une toilette extravagante, comprenant notamment une robe de soirée moulante, décolletée et terminée par une traîne en forme de queue de poisson.

La tournée se poursuivit par la Suisse, où elle s’entretint avec des dirigeants politiques et visita un atelier d’horlogerie. Il y eut à propos de son passage par ce pays nombre de spéculations tendant à l’associer à des faits de corruption (l’opposition allant jusqu’à affirmer que le but réel du voyage était de permettre à Evita et à son frère Juan de déposer des sommes d’argent sur un compte bancaire), toutefois les historiens n’ont trouvé aucune preuve pour les étayer. Au Royaume-Uni, où les travaillistes étaient au gouvernement, les débats sur l’opportunité d’une visite d’Eva Perón furent les plus vifs, mais finalement, la famille royale anglaise (qui avait d’ailleurs toujours insisté sur le caractère seulement officieux d’une éventuelle visite) se trouvant alors en Écosse, elle renonça, sans doute par blessure d’amour propre<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>, à visiter la Grande-Bretagne, mais fit encore escale au Brésil et en Uruguay avant de rentrer en Argentine.

Si Eva Perón elle-même se montra satisfaite de sa prestation, l’opposition fut très critique, en particulier sur le chapitre des considérables frais de la tournée, et deux journaux furent interdits à la parution par le gouvernement pour des articles irrévérencieux sur Eva Perón<ref name="evita"/>. Au regard du but que le gouvernement s’était assigné, à savoir de rendre le régime péroniste acceptable aux yeux du monde, la tournée était un succès mitigé. L’image véhiculée par Eva Perón ne réussit guère à impressionner les sphères progressistes en Europe, et la presse ne lui était favorable que dans la mesure où l’on prenait soin de distinguer entre la personne d’Evita et le régime politique, avec tous ses côtés moins reluisants, dont elle était la représentante.

Dans la suite, Eva Perón devint de plus en plus Evita, c'est-à-dire une femme se vouant avant tout à son œuvre politique et sociale. Cela se traduisit entre autres par l’adoption d’une apparence plus sobre, par l’abandon de ses coiffures Pompadour et de ses robes voyantes.

La fondation Eva Perón et l’aide sociale

Fichier:Facultad de Ingeniería 01.jpg
Bâtiment érigé spécialement pour la Fondation Eva Perón, au Modèle:N° de l’avenue Paseo Colón, abritant aujourd’hui l’école d’ingénieurs de l’université de Buenos Aires (UBA).
Fichier:Eva Perón reciba a una familia.jpg
Eva Perón travaillait personnellement dans sa fondation, notamment en accueillant des gens et des familles en quête d’aide sociale.

Ce par quoi Eva Perón se singularisa plus particulièrement sous le gouvernement péroniste étaient ses activités de bienfaisance, destinées à soulager la pauvreté ou toute autre forme de détresse sociale. En Argentine, cette activité était traditionnellement confiée à la Sociedad de Beneficencia, association semi-publique déjà fort ancienne créée par Bernardino Rivadavia au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle et dirigée par un groupe choisi de femmes de la haute société. Les fonds de la société ne provenaient plus de ces dames elles-mêmes ou des relations d’affaires de leurs maris, mais de l’État, soit indirectement, par voie d’impôt prélevé sur la loterie, soit directement, par l’octroi de subsides. Dès la décennie 1930, il apparut que la Sociedad de Beneficencia en tant qu’organisation et la bienfaisance en tant qu’activité étaient devenues obsolètes et inadaptées à la société industrielle urbaine. À partir de 1943, l’on commença à réorganiser la Sociedad de Beneficencia, laquelle fit l’objet à cet effet, le Modèle:Date-, d’une intervention fédérale ; depuis lors, le pouvoir péroniste prit en mains le service d’assistance et d’aide sociales en lui donnant un fort contenu populaire. Une partie de cette mission fut accomplie à travers le plan de santé publique mis en œuvre avec succès par le ministre de la Santé Ramón Carrillo ; une autre partie le fut au moyen de nouvelles institutions de sécurité sociale, telles que le système général de pensions de retraite ; une autre partie enfin sera assumée par Eva Perón par la voie de la Fondation Eva Perón.

Lors de sa tournée européenne, elle avait visité nombre d’institutions d’aide sociale, mais il s’agissait principalement d’organisations religieuses, gérées par les classes possédantes. Cela lui permit, dira-t-elle plus tard, de savoir ce qu’elle devait surtout éviter de faire, ces institutions étant « réglées par des normes fixées par les riches. Et lorsque les riches pensent aux pauvres, ils ont des idées misérables ». Sitôt rentrée en Argentine, elle organisa une Croisade d’aide sociale María Eva Duarte de Perón visant à la prise en charge des personnes âgées et des femmes démunies au moyen de subsides et de foyers temporaires. Le Modèle:Date- fut créée la Fondation Eva Perón, présidée par Evita, légalement agréée par Juan Perón et le ministre des Finances, laquelle fondation accomplit une œuvre sociale considérable, dont bénéficieront quasiment tous les enfants, personnes âgées, mères célibataires, femmes comme unique soutien de famille, etc. appartenant aux couches les plus défavorisées de la population.

La fondation, selon les termes de ses statuts, poursuivait les objectifs suivants :

  • Offrir une assistance financière ou mettre à la disposition des moyens en nature et accorder des bourses d’études à qui le sollicite et qui, selon le jugement de la fondatrice, le mérite ;
  • Construire des logements au bénéfice de familles nécessiteuses ;
  • Créer des écoles, des hôpitaux, des asiles et d’autres institutions propres à servir au mieux les buts de la fondation ;
  • Construire des institutions de bien-être social de tous types, lesquelles pourront ultérieurement être transférées, à titre gracieux ou non, aux autorités locales, provinciales ou nationales ;
  • Contribuer par tous moyens ou coopérer à des activités tendant à satisfaire le besoin fondamental d’une vie meilleure pour les classes défavorisées.

Selon ces mêmes statuts, « l’organisation était et resterait aux mains de la fondatrice, qui exercerait cette responsabilité pour une durée indéterminée et détiendrait tous les pouvoirs à elle accordés par l’État et la constitution. »<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. La fondation, qui avait un personnel fixe de plus de Modèle:Nombre, pouvait planifier et accomplir ses propres activités, et imposer ses priorités au gouvernement. Tout ce qui fut jamais mis sur pied par la fondation, le fut à l’instigation d’Eva Perón et sous sa supervision. Une partie de son financement provenait des syndicats ; les dons, d’abord spontanés et erratiques, furent, au bout d’un an de fonctionnement de la fondation, formalisés, en ce sens p.ex. que lorsqu’un syndicat avait obtenu une hausse de salaire, le montant de cette augmentation était retenu pendant les deux premières semaines, en guise de don à la fondation<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Face à l’affluence de milliers de demandeurs, une procédure de sélection finit par être instituée. Les demandeurs étaient exhortés à d’abord faire part à Evita de leurs besoins par écrit, après quoi ils recevaient une invitation à une entrevue, avec lieu et date. Evita réservait ses après-midi à ses activités d’aide directe, et restait invariablement aimable et courtoise envers les sollicitants, à qui elle apparaissait, en dépit de sa position et des bijoux qu’elle portait sur une tenue par ailleurs stricte et sobre, comme une des leurs<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. On lui trouvait des allures de sainte, et son rôle, pourtant laïc, était transfiguré par l’atmosphère religieuse qui entourait ses activités caritatives et en particulier par ses gestes : elle n’hésitait pas à embrasser ses pauvres et semblait vouloir sacrifier sa vie pour eux. Le fonctionnement de la Fondation restait néanmoins pragmatique, et moulé sur les besoins individuels des uns et des autres, mieux que n’aurait pu le faire une organisation bureaucratique.

Fichier:Evita y Golda Meir.jpg
En 1951, Golda Meir en visite en Argentine pour remercier la Fondation Eva Perón de l’appui apporté à Israël.

La Fondation déploya ainsi un large éventail d’activités sociales, depuis la construction d’hôpitaux, de refuges, d’écoles, de colonies de vacances, jusqu’à l’attribution de bourses d’étude et d’aides au logement et à l’émancipation de la femme à divers égards. La Fondation organisait chaque année les célèbres Jeux Evita (Juegos Infantiles Evita, pour enfants) et Jeux Juan Perón (Juegos Juveniles Juan Perón, pour jeunes gens), auxquels prenaient part des centaines de milliers d’enfants et de jeunes issus de milieux modestes, et qui, en même temps qu’ils encourageaient la pratique du sport, permirent également de procéder à des contrôles médicaux massifs<ref>« Juegos Nacionales Evita: los «cebollitas» del ’52 hicieron llorar », article sur le site internet Fútbol 5.</ref>. La Fondation distribuait en outre, à la fin de chaque année, du cidre et du pain d’épices en grande quantité aux familles les plus démunies, action fort critiquée alors par les opposants.

Fichier:Buenos Aires - Enfermeras de la Fundación Eva Perón (restorated version).jpg
Infirmières-soldates formées à la nouvelle école d'infirmières d'Eva Perón.

Evita eut aussi le souci d’améliorer les soins de santé en Argentine. La médecine publique était peu satisfaisante : infrastructure hospitalière vétuste, personnel infirmier mal formé, etc. Eva Perón fit en sorte que les formations d’infirmière, qui avaient dépendu pour partie de la sus-évoquée Sociedad de Beneficiencia et venaient de passer sous la tutelle de l’État, fussent regroupées en un cycle nouveau de formation de quatre ans. Des jeunes filles de tout le pays pouvaient en suivre les cours, frais entièrement couverts par la Fondation. La discipline y était quasi militaire ; les bijoux étaient proscrits, et les étudiantes quittaient l’établissement à la fin de leur cursus avec une conscience mystique de leur fonction et de leur importance sous l’effet d’Evita. Celle-ci voulait que les diplômées devinssent « ses soldats », qu’elles fussent en mesure de remplacer les médecins et de conduire une jeep. Elles participaient aux parades militaires, revêtues d’uniformes bleu ciel, ornés du profil et des initiales d’Evita.

Elle s’efforça d’autre part de hisser le niveau de la médecine gratuite jusqu’aux plus hautes normes internationales, notamment en faisant ériger douze hôpitaux publics excellemment équipés et dotés de personnel médical compétent et bien rémunéré. Les matériels et les médicaments étaient fournis gratuitement par la Fondation. Un train médical fut organisé, qui parcourut tout le pays et examina la population gratuitement, administra des vaccins etc<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Parmi les réalisations de la Fondation qui ont subsisté à ce jour, l’on peut citer le complexe résidentiel Modèle:Lien, cité-jardin située dans le partido de La Matanza, dans le Grand Buenos Aires ; un grand nombre d’hôpitaux, qui portent toujours le nom d’Eva Perón ou d’Evita ; le parc à thèmes República de los Niños à Gonnet, près de la ville de La Plata (province de Buenos Aires), etc.

La Fondation apporta également des assistances solidaires à divers pays comme les États-Unis<ref>« Eva, filantropía de choque », article de Rogelio García Lupo du 10 mars 2002.</ref> et Israël. En 1951, Golda Meir, alors ministre israélienne du Travail et l’une des rares femmes dans le monde ayant atteint une position politique de haut niveau en démocratie, se déplaça en Argentine pour s’entretenir avec Eva Perón et la remercier de ses dons à Israël dans les premiers moments d’existence de cet État<ref>« El peronismo y los judíos », article de Daniel Blinder sur le site Relaciones de Poder, non daté.].</ref>.

La sollicitude spéciale d’Eva Perón pour les personnes âgées la porta à rédiger et à proclamer le Modèle:Date- le dénommé Décalogue du troisième âge (Decálogo de la Ancianidad), un ensemble de droits des personnes âgées, droits qui furent inscrits dans la Constitution argentine de 1949. Ces 10 Droits du troisième âge étaient : assistance, logement, alimentation, habillement, soins de santé physiques, soins de santé psychiques, divertissement, travail, tranquillité, et respect. La Fondation mit sur pied et finança un régime de retraite, avant que l’État ne prît en charge ce service<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. La Constitution de 1949 fut abrogée en 1956 par un décret militaire, les droits du troisième âge cessant alors définitivement d’avoir force constitutionnelle.

La Fondation Eva Perón se trouvait hébergée dans un grand édifice spécialement construit à cette fin et sis au Modèle:N° de l’avenue Paseo Colón à Buenos Aires, à un îlot de distance du syndicat CGT. Lorsqu’eut lieu le coup d’État militaire de 1955, par lequel le président Perón fut renversé, la Fondation subit plusieurs assauts, lors desquels les grandes statues créées par le sculpteur italien Leone Tommasi et apposées à la façade, furent détruites. Le bâtiment échut ensuite à l’université de Buenos Aires (UBA), et à l’heure actuelle, l’édifice abrite la faculté polytechnique de cet établissement. Un comité d’enquête national fut mis sur pied par les nouvelles autorités militaires, et le Modèle:Date-, bien qu’aucun abus n’eût pu être mis au jour, le gouvernement émit un décret disposant que toutes les possessions de la fondation devaient aller au trésor public, en alléguant que « la fondation avait été utilisée à des fins de corruption politique et de collusion, lesquelles constituent le déni d’une conception saine de la justice sociale et sont typiques des régimes totalitaires »<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Candidature à la vice-présidence

Fichier:Cabildo Abierto del Partido Peronista - 1951.jpg
Deux millions de personnes assistèrent à la réunion de présentation de la formule Perón-Eva Perón.

Aux élections générales de 1951, les femmes furent pour la première fois admises non seulement à voter, mais aussi à se présenter à titre de candidates. En raison de la grande popularité d’Evita, le syndicat CGT proposa sa candidature à la vice-présidence de la Nation, aux côtés de Juan Perón, proposition qui, outre qu’elle impliquait à porter une femme au pouvoir exécutif, tendait aussi à conforter la position du monde syndical dans le gouvernement péroniste. Ce coup d’audace déclencha une âpre lutte interne au sein du péronisme et donna lieu à d’importantes manœuvres des différents groupes de pouvoir, par lesquelles les secteurs les plus conservateurs entendaient faire fortement pression pour empêcher cette candidature. En même temps que se déroulaient ces luttes d’influence se développait en Eva Perón un cancer de l’utérus, cancer qui allait mettre un terme à sa vie en moins d’un an.

C’est dans ce contexte que fut tenu, le Modèle:Date-, le Cabildo ouvert du Justicialisme, convoqué par la CGT. La réunion, qui rassembla des centaines de milliers de travailleurs<ref>Plus d’un million de personnes selon N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref> à l’angle de la rue Moreno et de l’avenue du Neuf-Juillet, fut un événement historique hors du commun. Au cours de ce rassemblement, les syndicats, appuyés par la foule, prièrent Evita d’accepter la candidature à la vice-présidence. Juan Perón et Evita — cette dernière non sans s’être fait prier pour la foule, et feignant la modestie et la réserve avant de monter sur le podium —, prirent tour à tour la parole pour faire observer que les postes n’étaient pas si importants et qu’Evita tenait déjà une place supérieure dans la considération de la population. À mesure que les paroles de Juan Perón et d’Evita mettaient en évidence les fortes résistances que suscitait au sein du parti péroniste la candidature d’Eva Perón, la multitude commença à exiger d’elle qu’elle acceptât cette candidature sur-le-champ. À un moment donné, une voix s’éleva dans la foule interpellant Juan Perón :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Evita llorando abraza a Perón - 17OCT1951.jpg
Eva en pleurs serrant Juan Perón dans ses bras lors d’un rassemblement le Modèle:Date-. Sur la photo on aperçoit également le ministre de l’Intérieur Ángel Borlenghi, le président de la Chambre des députés et futur président de la Nation Héctor J. Cámpora, et, tout à droite, le frère d’Evita, Juan Duarte.

C’est alors que se noua entre la foule et Evita un véritable dialogue, totalement inhabituel lors de grands rassemblements de foule :

Transcription du dialogue entre Evita et la multitude présente au Cabildo ouvert du Modèle:Date-
- Evita (s’adressant à la foule et à Juan Perón) : Aujourd’hui, mon général, lors de ce Cabildo ouvert du Justicialisme, le peuple a dit qu’il voulait savoir de quoi il s’agit<ref>El pueblo quería saber de qué se trata, allusion au Cabildo ouvert de la révolution de Mai (journée du vendredi 25 mai 1810), où la foule, lasse d’attendre sur la place de Mai les résultats des tractations entre le vice-roi d’Espagne et les révolutionnaires, marqua par cette phrase son désir d’être enfin informé sur le sort qu’on lui réservait.</ref>. Ici, il sait déjà de quoi il s’agit et il veut que le général Perón continue de diriger les destinées de la patrie.
- Peuple : Avec Evita ! Evita avec Perón !
- Evita : Moi, je ferai toujours ce que veut le peuple. Mais je vous dis que, de la même manière qu’il y a cinq ans j’ai dit que je préférais être Evita, plutôt que la femme du président, si cet Evita-là était dit pour soulager quelque douleur de ma patrie, maintenant je dis que je préfère rester Evita. La patrie est sauvée parce qu’elle est gouvernée par le général Perón.
- Peuple : Qu’elle réponde ! Qu’elle réponde !
- José Espejo (CGT) : Madame, le peuple vous prie d’accepter votre poste.
- Evita : Je demande à la Confédération générale du Travail et à vous, au nom de l’affection que nous professons les uns pour les autres, de m’accorder, pour une décision d’une telle portée dans la vie de l’humble femme que voici, au moins quatre jours.
- Peuple : Non, non, mettons-nous en grève ! Déclenchons la grève générale !
- Evita : Camarades, camarades… je ne renonce pas à mon poste de combat. Je renonce aux honneurs. (Pleure). Je ferai, finalement, ce que décide le peuple. (Applaudissements et vivats). Croyez-vous que si le poste de vice-présidente avait été une vraie charge et que si j’avais, moi, été une solution, je n’aurais pas d’ores et déjà répondu oui ?
- Peuple : Une réponse ! Une réponse !
- Evita : Camarades, au nom de l’affection qui nous unit, je vous demande s.v.p. que vous ne me fassiez pas faire ce que je ne veux pas faire. Je vous le demande, à vous, comme amie, comme camarade. Je vous demande de vous disperser. (La foule ne se retire pas). Camarades, quand Evita vous a-t-elle trompés ? Quand Evita n’a-t-elle pas fait ce que vous désirez ? Je vous demande une seule chose, attendez jusqu’à demain.
- Espejo (CGT) : La camarade Evita nous demande deux heures d’attente. Nous allons rester ici. Nous ne bougerons pas avant qu’elle ne nous ait donné la réponse favorable.
- Evita : Ceci me prend au dépourvu. Jamais dans mon cœur d’humble femme argentine je n’ai pensé que je pouvais accepter ce poste… Donnez-moi le temps pour annoncer ma décision au pays à la radio<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
Fichier:Eva Perón votando.jpg
Evita émettant son vote à l’hôpital en 1951. C’était la première fois que les femmes votaient lors d’un scrutin national en Argentine. À cet effet, Evita reçut le carnet d’électeur Modèle:Nº

La foule interpréta ces paroles comme l’engagement d’Eva Perón d’accepter la candidature et se dispersa. Pourtant, neuf jours plus tard, Eva parla à la radio pour faire part de sa décision de renoncer à la candidature. Les sympathisants péronistes ont appelé Jour du Renoncement (Día del Renunciamiento) la date de cette annonce radiophonique.

Si c’est indéniablement l’état de santé détérioré d’Eva Perón qui sera finalement le facteur déterminant dans l’échec de sa candidature à la vice-présidence, il apparaît néanmoins que la proposition de la CGT mit au grand jour les luttes internes au sein du mouvement péroniste et dans la société argentine tout entière face à l’éventualité qu’une femme appuyée par les syndicats pût être élue vice-présidente, voire, le cas échéant, devenir présidente de la Nation. Il apparaît certain, nonobstant ses dénégations, qu’Eva Perón convoitait ce poste. La position de Juan Perón lui-même reste sujette à spéculation, mais il est probable qu’il avait décidé qu’elle ne pouvait pas être vice-présidente. Quoi qu’il en soit, l’ampleur du soutien populaire à Evita et la réaction de la foule lors du Cabildo ouvert les surprirent l’un et l’autre<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Quelques semaines plus tard, le Modèle:Date-, certains secteurs des forces armées, emmenés par le général Benjamín Menéndez, tentèrent un coup d’État, qui avorta. Le lendemain, sans en référer au gouvernement ou à Juan Perón, Evita convoqua trois membres du comité exécutif de la CGT, ainsi qu’Attilio Renzi et le commandant général des forces armées restées loyales, José Humberto Molina, et passa commande de 5000 mitraillettes et 1500 mitrailleuses, qui seraient financées par sa fondation, entreposées dans un arsenal du gouvernement et mises à la disposition de la CGT dès qu’éclaterait une nouvelle rébellion militaire<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Aux élections du Modèle:Date-, Evita était alitée, ayant été opérée six jours auparavant, et dut voter dans son lit d’hôpital.

Maladie et mort

Fichier:Peron y Eva - Acto en Plaza de Mayo bis-1MAY1952.jpg
Juan Perón soutenant Evita lors du rassemblement du Modèle:Date-. On reconnaît à droite, un peu en retrait, le secrétaire à la Presse Raúl Apold.

Le cancer du col utérin qu’avait contracté Eva Perón se manifesta pour la première fois le Modèle:Date- par son évanouissement lors de la réunion fondatrice du Syndicat des taxis<ref>Eva Duarte de Perón, par Matías Calabrese.</ref>. Admise à l’hôpital, elle y subit une appendicectomie. À cette occasion, le chirurgien Oscar Ivanissevich (pour lors aussi ministre de l’Éducation) constata un cancer du col de l’utérus et proposa ensuite à Eva Perón, sans lui communiquer ouvertement le diagnostic, de pratiquer une hystérectomie, ce qu’elle refusa avec véhémence<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Le Modèle:Date-, Juan Perón fut mis au fait de l’état de santé de sa femme et sut à quoi s’en tenir, attendu que sa première épouse Aurelia avait succombé à la même maladie au terme de longues souffrances.

Début 1951, elle eut un nouveau malaise dans le bâtiment de la Fondation Eva Perón, ce qui l’incita à transférer son office à la résidence présidentielle, sise alors rues Austria et Libertador, où se trouve aujourd’hui la Bibliothèque nationale d'Argentine. Les médias commençaient maintenant à évoquer son état de santé, et 92 messes furent célébrées dans toute l’Argentine pour demander son rétablissement. Les syndicats de leur côté imaginèrent des manifestations plus laïques, telle que ce cortège de plus de mille camions organisé par les chauffeurs de poids lourds à Palermo le Modèle:Date-<ref name="evita"/>.

Le Modèle:Date-, elle fit paraître son livre La razón de mi vida (trad. fr. La Raison de ma vie), rédigé avec l’aide du journaliste espagnol Manuel Penella de Silva entre autres, avec un premier tirage de Modèle:Nombre, dont 150 000 furent vendus dès le premier jour de parution. L’ouvrage deviendra après sa mort, par décret du Congrès, livre de lecture obligatoire dans les écoles argentines.

La progression de son cancer l’affaiblissait de plus en plus, la contraignant au repos. Ce nonobstant, elle continua de participer aux rassemblements publics. L’un des plus importants de cette phase finale de sa vie eut lieu le Modèle:Date- de cette même année 1951. Le discours que prononça Evita ce jour-là a été considéré comme son testament politique ; elle y fera neuf fois allusion à sa propre mort.

Le Modèle:Date-, elle fut opérée par le célèbre médecin oncologue américain George Pack, venu à Buenos Aires dans le plus grand secret, à l’hôpital d’Avellaneda (l’actuel Hospital Interzonal General de Agudos Presidente Perón), construit par la Fondation Eva Perón. C’est là aussi que, six jours plus tard, depuis son lit d’hôpital, avec l’accord de la commission électorale et l’assentiment des partis d’opposition, elle émit son vote pour les élections générales, qui assurèrent la réélection de Juan Perón. La salle d’hôpital a entre-temps été aménagée en musée<ref>El Gobernador Felipe Solá inauguró la Sala para evocar la memoria de Eva Perón, municipalité d’Avellaneda, 2006..</ref>.

Dans la période de convalescence qui suivit, il sembla qu’elle pût reprendre ses activités. Selon le père Benítez, « personne ne lui avait jamais dit de quoi elle était atteinte, mais elle se rendait compte qu’elle allait fort mal. Elle souffrait des mêmes douleurs lancinantes, de la même absence d’appétit, et avait les mêmes effroyables cauchemars et accès de désespoir »<ref>Hernán Benítez et Norberto Galasso, Yo Fui el Confesor de Eva Peron: Conversaciones Con el Padre Hernan Benitez, Modèle:P..</ref>. Ses interventions publiques devinrent plus agressives envers l’oligarchie, s’émaillaient de menaces apocalyptiques et d’allusions messianiques à une vie après la mort<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Entre-temps, Juan Perón avait gagné l’élection présidentielle, avec une avance sur son adversaire largement plus importante que lors de l’édition précédente, grâce à l’apport des voix féminines mobilisées par Evita.

À cette même époque, Eva Perón commença de rédiger son dernier livre, connu sous le titre de Mi mensaje, qu’elle dicta au président du syndicat des enseignants, Juan Jiménez Domínguez, et réussit à achever peu de jours avant de mourir. Il s’agit du texte le plus ardent et le plus émouvant d’Evita, dont il fut donné lecture d’un extrait après sa mort, le Modèle:Date-, lors du rassemblement sur la place de mai, et qui fut égaré par la suite, pour être retrouvé en 1987. Ses sœurs, affirmant alors qu’il s’agissait d’un texte apocryphe, saisirent le tribunal, lequel rendit son jugement en 2006 en déclarant le texte authentique<ref>Final de un enigma: el polémico libro "Mi Mensaje" pertenece a Eva Perón, Clarín, le 19 novembre 2006.</ref>. Les fragments suivants de Mi Mensaje donnent une idée de la nature de sa pensée dans les derniers jours de sa vie :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Evita008-funeral.jpg
Funérailles d’Eva Perón.

Modèle:Citation bloc

Elle subit plusieurs cures de radiothérapie (un appareil de rayonnement avait été installé dans sa chambre), et il existe des éléments indiquant que fut pratiquée sur elle, à Buenos Aires, peu avant qu’elle ne mourût, en mai ou en Modèle:Date-<ref name="NYT-Lobotomy">Modèle:Lien web.</ref>, une lobotomie préfrontale, visant à combattre la douleur, l’anxiété et l’agitation consécutives au cancer métastasé dont elle souffrait, et que c’est le neurochirurgien James L. Poppen qui fut chargé de cette intervention<ref name="NYT-Lobotomy"/>,<ref>Modèle:Article.</ref>, conjointement avec le neurochirurgien George Udvarhelyi<ref>Modèle:Lien web.</ref>. En Modèle:Date-, elle ne pesait plus que Modèle:Unité ; le Modèle:Date-, elle tomba une première fois dans le coma.

Elle s’éteignit à l’âge de 33 ans, le Modèle:Date-, à Modèle:Heure, selon le certificat de décès<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Certaines publications soutiennent qu’elle mourut deux minutes plus tôt, à 20 heures 23<ref>Modèle:Lien web.</ref>. À 21 heures 36, le présentateur de radio Jorge Furnot lut sur la chaîne de radiodiffusion :

Modèle:Citation bloc

Après sa mort, la CGT proclama une cessation de travail de trois jours, tandis que le gouvernement décréta un deuil national de 30 jours. L’on veilla son corps au secrétariat au Travail et à la Prévoyance jusqu’au Modèle:Date-, date à laquelle il fut transféré à l’édifice du Congrès de la Nation, pour y recevoir les honneurs officiels, et ensuite au siège de la CGT. Le cortège fut suivi, au cours d’une semaine pluvieuse, par plus de deux millions de personnes et, à son passage par les rues de Buenos Aires, fut reçu par une pluie d’œillets, d’orchidées, de chrysanthèmes, de giroflées et de roses, lancées des balcons proches. Les cérémonies funèbres se prolongèrent pendant seize jours. Vingt-huit personnes périrent par suite de l’affluence dans les rues et il y eut plus de trois cents blessés.

Le gouvernement chargea Edward Cronjager, opérateur de la 20th Century Fox, qui avait déjà filmé les obsèques du maréchal Foch, de produire aussi les images des funérailles d’Evita, images qui permirent ensuite de réaliser le documentaire Y la Argentina detuvo su corazón<ref name="Gambini1">Gambini, Hugo: Historia del peronismo vol. II Modèle:P. et 52. Buenos Aires, 2001, éditions Planeta Argentina S.A. ISBB Œuvre complète 950-49-0226-X Tome I 950-49-0784-9.</ref>. Le gouvernement disposa également que les radios rappellent quotidiennement l’heure de la mort d’Evita, en déplaçant l’heure de début du journal parlé de 20 heures 30 à 20 heures 25 et en répétant chaque fois la phrase « il est 20 heures 25, heure à laquelle Eva Perón passa à l’immortalité ».

Conformément à ses dernières volontés, rédigées d’une main incertaine, sa fondation devait devenir une partie intégrante de la CGT, et celle-ci serait chargée d’en gérer les possessions, au bénéfice des affiliés des syndicats. Cependant, avec la mort d’Evita, la Fondation se retrouvait soudain privée de son cœur battant et de son ressort, et les fonds baissaient. Sans Evita, le péronisme avait perdu de sa puissance rhétorique, et le lien émotionnel entre Perón, Evita et les sans-chemise s’était sensiblement affaibli<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Son corps fut embaumé par les soins du Modèle:Dr Pedro Ara et resta ensuite exposé dans les locaux de la CGT. Entre-temps, le gouvernement ordonna le début des travaux en vue de la construction du monument au Descamisado, qui avait été projeté à partir d’une idée d’Eva Perón et qui, suivant un nouveau projet, deviendrait son tombeau définitif. Lorsque la dénommée Révolution libératrice renversa Juan Perón le 23 septembre 1955, le cadavre fut enlevé et disparut durant 14 ans.

L’enlèvement du cadavre d’Evita

Fichier:Eva Perón - Cadáver momificado con Dr Pedro Ara- 1953-55.jpg
Le corps d'Eva Perón fut embaumé par le Modèle:Dr Pedro Ara.
Fichier:Eva peron tomb recoleta.jpg
Evita repose actuellement au cimetière de la Recoleta à Buenos Aires.

La méthode d’embaumement mise en œuvre par Pedro Ara, diplômé de l’université de Vienne, professeur d’anatomie pathologique, qui avait déjà embaumé le corps de Manuel de Falla, consistait à remplacer le sang par de la glycérine, ce qui permettait de préserver tous les organes — dont du reste aucun, dans le cas d’Eva Perón, n’avait été prélevé —, et de donner au corps une apparence de vie, pour un résultat final qui surprenait par ses qualités esthétiques<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>. Le corps devait être plongé dans des bains de formol, de thymol et d’alcool pur, et recevoir plusieurs injections successives. L’ensemble de la procédure, qui aurait lieu au siège de la CGT, devait durer un an, après quoi le corps pouvait être exposé et touché.

Sous la dictature militaire dite Révolution libératrice (1955-1958), qui renversa le président Juan Perón, un commando sous les ordres du lieutenant-colonel Carlos de Moori Koenig s’empara, le Modèle:Date- durant la nuit, du corps d’Evita, qui se trouvait toujours dans les locaux de la CGT. Le récit de l’ancien major Jorge Dansey Gazcón diffère de cette version en ceci qu’il prétend que ce fut lui qui transporta le corps<ref>À ce propos, voir le témoignage que Jorge Dansey Gazcón rédigea en 2012 (soit 57 ans après les faits) à l’intention du quotidien La Nación, et l’entretien qu’il accorda au journaliste Jorge Urien Berri pour le même journal.</ref>. Dans cette affaire, les militaires s’étaient imposé une double ligne de conduite : d’abord, le cadavre devait être traité avec le plus grand respect (le général Pedro Eugenio Aramburu, le nouvel homme fort du pays, était très catholique, ce qui interdisait par ailleurs l’option de crémation) ; ensuite, il était impérieux de le maintenir en dehors de la politique, les militaires en redoutant par-dessus tout la valeur symbolique. L’ordre d’enlèvement du corps une fois donné par le général Aramburu, le corps suivit un itinéraire macabre et pervers<ref>Un cadáver secuestrado, ultrajado y desterrado, Clarín, 26 juillet 2002.</ref>. Moori Koenig déposa le cadavre à l’intérieur d’une camionnette et l’y laissa pendant plusieurs mois, en garant le véhicule dans différentes rues de Buenos Aires, dans des dépôts de l’armée, et même au domicile d’un militaire. Certaine nuit, il advint même que les militaires tuèrent par mégarde une femme enceinte, qu’ils avaient prise pour un commando péroniste tentant de récupérer le cadavre. À un moment donné, Moori Koenig plaça le cercueil contenant le cadavre debout dans son bureau. Une des personnes qui eut alors l’occasion d’apercevoir le corps d’Evita était la cinéaste María Luisa Bemberg.

Le dictateur Aramburu écarta Moori Koenig, supposément au bord de la dépression nerveuse, et confia au colonel Héctor Cabanillas la mission de l’ensevelir clandestinement. La dénommée Opération Transfert (Operación Traslado) fut planifiée par le futur dictateur Alejandro Agustín Lanusse, alors lieutenant-colonel, avec le concours du prêtre Francisco Paco Rotger, à qui incomba la responsabilité d’assurer la complicité de l’Église par le biais du supérieur général de l’ordre des pauliniens, le père Giovanni Penco, et du pape Pie XII lui-même<ref>Rubin, Sergio (2002), Eva Perón: Secreto de Confesión, cómo y por qué la Iglesia ocultó 16 años su cuerpo. Buenos Aires : Lolé Lumen.</ref>.

Le Modèle:Date-, le cadavre fut transporté en secret à Gênes en Italie, à bord du navire Conte Biancamano, dans un cercueil dont on fit croire qu’il contenait une femme nommée María Maggi de Magistris, puis enterré sous ce nom dans la tombe 41 du champ Modèle:N° du cimetière principal de Milan.

Il y eut de cette occultation une prolifération de versions différentes, amplifiant le mythe. L'une d'elles veut que les militaires ordonnèrent de confectionner trois copies de cire de la momie, et qu’ils en envoyèrent une à un autre cimetière en Italie, une en Belgique et la troisième en Allemagne de l’Ouest.

En 1970, l’organisation de guérilla Montoneros enleva et séquestra Aramburu, alors retiré de la politique, en réclamant entre autres la réapparition du corps d’Evita. Cabanillas se mit alors en route pour le ramener en Argentine, mais, celui-ci n’arrivant pas à temps, Aramburu fut mis à mort. Le lendemain, un deuxième communiqué fut envoyé à la presse, indiquant que le corps d’Aramburu ne serait pas restitué à sa famille aussi longtemps que « la dépouille mortelle de notre chère camarade Evita n’aura pas été rendue au peuple »<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Un commando Evita fit son apparition ; un autre groupe dérobait des marchandises dans les supermarchés et les distribuait dans les bidonvilles, selon ce qu’ils supposaient qu’eût été la politique de la Fondation Eva Perón, et croyant qu’Evita était le trait d’union entre le peuple et eux-mêmes — « Si Evita vivait, elle serait montonera » (Si Evita viviera, sería Montonera) était un slogan de l’époque.

En Modèle:Date-, le général Lanusse, qui gouvernait alors le pays, mais était désireux de mettre fin à l’état d’exception commencé en 1955, et voyait la question du cadavre d’Evita comme un obstacle à sa volonté de normalisation, ordonna au colonel Cabanillas d’organiser l'opération Retour (Operativo Retorno). Le corps d’Evita fut exhumé de la tombe clandestine à Milan et restitué à Juan Perón à Puerta de Hierro, à Madrid. À cette action prit part également le brigadier Jorge Rojas Silveyra, ambassadeur d’Argentine en Espagne. Il manquait au corps un doigt qui lui avait été coupé intentionnellement, mais, hormis un léger écrasement du nez et une égratignure sur le front, le cadavre se trouvait pour le reste en de bonnes conditions générales.

En 1974, alors que Juan Perón était déjà de retour en Argentine, les Montoneros enlevèrent le cadavre d’Aramburu dans le but de le troquer contre celui d’Evita. Cette même année, Juan Perón déjà mort, sa troisième épouse, Isabel, décida de faire rapatrier le corps d’Eva Perón, puis de le déposer dans la propriété présidentielle. Dans le même temps, le gouvernement d’Isabel Perón commença à projeter la construction de l’autel de la Patrie (en esp. Altar de la Patria), grand mausolée destiné à accueillir les restes de Juan et Eva Perón, et de toutes les grandes figures de l'histoire argentine.

En 1976, la dictature militaire arrivée au pouvoir le Modèle:Date- remit le corps à la famille Duarte, laquelle le fit enterrer dans son caveau au cimetière de la Recoleta à Buenos Aires, où il se trouve depuis lors<ref>Fernández Moores, Lucio (2006). Por deseo de la familia, los restos de Evita no estarán con los de Perón, Clarín, 7 mai 2006.</ref>.

La célèbre nouvelle de l’écrivain Rodolfo Walsh, intitulée Esa mujer<ref>Esa mujer</ref>, a pour sujet la séquestration du cadavre d’Evita.

Le discours politique d’Evita

Fichier:Evita dirigiéndose a una multitud de mujeres.jpg
Evita tenait un discours simple et émotionnel.

Préférant s’exprimer non en termes politiques mais en termes de sentiments, Eva Perón était douée d’une capacité extraordinaire à formuler des émotions en public. Ses discours étaient fluides, dramatiques et passionnés. Souvent, elle écartait le texte préparé d’avance et se mettait à improviser. Pour illustrer et rendre convaincantes les notions d’amour et de fidélité envers Juan Perón (qui constituaient pour beaucoup de gens la substance du péronisme), son langage faisait appel aux conventions des dramatiques radiophoniques. Si à l’origine, son discours s’appuyait sur une authentique admiration pour Juan Perón, à partir de 1949, cette glorification du président devint un culte institutionnalisé, avec Evita dans le rôle de grande prêtresse<ref>N. Fraser et M. Navarro, Evita, Modèle:P..</ref>.

Ses discours, à forte charge émotionnelle et d’un grand impact populaire, avaient aussi la particularité de s’approprier les termes péjoratifs par lesquels les classes supérieures avaient coutume de désigner les travailleurs, mais pour leur donner paradoxalement un sens élogieux ; ainsi en était-il du terme grasitas, diminutif affectueux de grasa, désignation dépréciative souvent utilisée pour nommer les couches populaires. À l’instar de son époux, Eva employait, pour désigner les travailleurs, le vocable de descamisados (sans-chemise) — qui trouve son origine dans le terme sans-culotte, en vogue pendant la Révolution française —, vocable qui devait devenir emblématique du péronisme et tendait, pour Evita, à souligner ses propres origines humbles, comme manière de se solidariser avec les travailleurs.

Le passage suivant, extrait de Mi Mensaje, écrit peu avant sa mort, apparaît représentatif de la façon dont Evita s’adressait au peuple, tant dans ses allocutions publiques que dans ses écrits :

Modèle:Citation bloc

Les positions d’Evita tendaient ouvertement à la défense des valeurs et intérêts des travailleurs et des femmes, en mettant en œuvre un discours émotionnel et socialement très polarisé, à une époque où la polarisation politique et sociale était très forte. Ainsi Evita fustigeait-elle avec insistance ce qu’elle désignait globalement par l’oligarchie ‒ terme déjà utilisé par les radicaux au temps d’Yrigoyen ‒, y incluant les classes supérieures de son pays, auxquelles elle imputait des positions favorisant l’inégalité sociale, de même que le capitalisme et l’impérialisme, terminologie typique des milieux syndicaux et de gauche. Un spécimen de ce discours est le passage suivant de Mi mensaje :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Evita bicentenario.JPG
Evita prononçant un discours le Modèle:1er mai 1951.

Le discours d’Evita abondait en éloges inconditionnels de Juan Perón et exhortait le public à l’appuyer sans réserves. La phrase suivante, prononcée lors du rassemblement du Modèle:Date-, en est une illustration :

Modèle:Citation bloc

La pensée de Perón lui apparaissait comme une vérité révélée, et dès lors fanatisme et sectarisme étaient de rigueur :

Modèle:Citation bloc

Relativement à ces discours, la chercheuse Lucía Gálvez observe :

Modèle:Citation bloc

Le père Benítez souligna qu’il fallait juger Evita sur ses actes plutôt que sur ses paroles : c’est bien elle en effet qui obtint le droit de vote effectif pour les femmes et leur participation à la politique, objectifs qu’avaient vainement poursuivis les socialistes et féministes durant des années<ref>Las mujeres y la patria, nuevas historias de amor de la historia argentina (2001), de Lucía Gálvez, éd. Norma. Modèle:P..</ref>.

L’un de ses discours les plus cités, qui traite de la solidarité et du travail social, fut prononcé dans le port de Vigo, en Espagne, lors de sa tournée internationale :

Modèle:Citation bloc

Influence d’Evita après sa mort

Après sa mort, différents secteurs de la politique argentine eurent à cœur d’intégrer la figure d’Evita dans leur discours.

Ce sont en premier lieu les syndicats, étroitement liés à elle de son vivant, qui brandirent son nom et son image, en même temps que ceux de Juan Perón, comme symboles forts du rôle déterminant des travailleurs dans l’histoire de l’Argentine. Quelques personnes nées après sa mort lui ont conféré un caractère révolutionnaire, jusqu’à l’associer parfois avec Che Guevara dans une conjonction symbolique à laquelle a pu contribuer sans doute la circonstance que tous deux moururent jeunes.

La gauche péroniste, et en particulier le groupe guérilléro des Montoneros, aimait à invoquer la figure d’Evita dans son discours politique, à telle enseigne que ces derniers forgèrent la formule « si Evita vivait encore, elle serait montonera ». C’est en effet en réaction à l’enlèvement du cadavre d’Eva Perón que cette organisation exécuta le rapt et la subséquente mise à mort du général Pedro Eugenio Aramburu ; si ensuite, en 1974, elle déroba le corps d’Aramburu, c’était dans le but de faire pression sur le gouvernement constitutionnel péroniste et contraindre celui-ci à restituer le cadavre d’Evita, qui se trouvait alors dans la propriété « 17 de octubre » détenue par Juan Perón dans la banlieue de Madrid.

Dans son poème Eva, María Elena Walsh insiste sur la nécessaire décantation pour juger de l’influence d’Evita après sa mort :

Quand les vautours t’auront laissée tranquille
et que tu auras fui les estampes et l’outrage
nous commencerons à savoir qui tu fus.

À la fin d’un de ses derniers discours, Eva Perón prit congé du public en ces termes :

Modèle:Citation bloc

Dans l’une des phrases de son livre La Raison de ma vie, qui fait allusion à sa mort, elle dit :

Modèle:Citation bloc

Les multiples noms d’Eva Perón

Le nom d’Eva Perón changea plusieurs fois au fil du temps. Son nom de baptême était Eva María Ibarguren, comme il appert de l’acte paroissial. Cependant, depuis toute petite fille elle était connue comme Eva María Duarte et fut inscrite à l’école de Junín sous ce nom. Une fois arrivée à Buenos Aires, Eva adopta le nom de scène Eva Durante, qu’elle utilisait en alternance avec celui d’Eva Duarte. Lorsqu’elle épousa Juan Perón en 1945, son nom fut officiellement fixé comme María Eva Duarte de Perón. Après que Juan Perón eut été élu président, elle prit nom Eva Perón, et donna ce même nom à sa fondation. Enfin, à partir de 1946 environ, le peuple se mit à l’appeler Evita. Dans La razón de mi vida, elle écrivit à propos de son nom :

Modèle:Citation bloc

Modèle:Citation bloc

Popularité et culte

Le portrait d’Evita est le seul d’une épouse de président à être suspendu dans le Salon des Présidents argentins de la Casa Rosada.

La figure d’Evita se répandit très largement dans les classes populaires d’Argentine, notamment sous la forme d’images la représentant d’une façon semblable à la Vierge Marie, au point d’ailleurs que l’église catholique s’en formalisa.

En outre, encore de son vivant, un véritable culte de la personnalité fut mis en place par le gouvernement : tableaux et bustes d’Eva Perón furent disposés dans quasiment tous les édifices publics et l’on utilisa son nom et jusqu’à sa date de naissance pour nommer établissements publics, gares de chemin de fer, stations de métro, villes, etc., y compris pour changer en Eva Perón le nom de la province de La Pampa et de la ville de La Plata. Son autobiographie La Raison de ma vie fut imposée comme livre de lecture dans les écoles primaires et secondaires. Après sa mort, toutes les stations de radio du pays passaient en chaîne nationale, et le présentateur annonçait qu’il était « vingt heures vingt-cinq, heure à laquelle Eva Perón entra dans l’immortalité », avant de commencer à présenter le journal officiel.

Nonobstant son ascendant et pouvoir politique personnels, Evita ne manquait jamais de justifier ses actions en affirmant qu’elles lui avaient été inspirées par la sagesse et la passion de Juan Perón.

Dans un de ses ouvrages, l’écrivain Eduardo Galeano fait mention du graffiti « ¡Viva el cáncer! » (Vive le cancer !) qui aurait été apposé sur les murs des beaux quartiers dans les derniers jours de la vie d'Evita<ref>Galeano, Eduardo: Memorias del Fuego, tome III, Mexico, Siglo XXI, 1990.</ref>. L’historien Hugo Gambini fait toutefois remarquer qu’il n’y a pas de preuves de l’existence d’une telle inscription et argue que « si ce mur peint eût existé, Apold n’eût pas laissé passer l’occasion d’en publier la photographie dans les journaux du réseau officiel, en en accusant l’opposition. Pourtant, personne alors n’en parlait »<ref name="Gambini1"/>. Selon Gambini, l’origine en remonte à une histoire inventée par le romancier Dalmiro Sáenz et racontée lors d’un entretien apparaissant dans le film Evita, quien quiera oír que oiga d’Eduardo Mignogna, histoire que José Pablo Feinmann inclut ensuite dans le scénario du film Eva Perón mis en scène par Juan Carlos Desanzo<ref name="Gambini1"/>.

La notice nécrologique rédigée par le dirigeant du parti socialiste, opposant au gouvernement, et parue dans la revue Nuevas Bases, organe officiel du parti, portait ce qui suit : Modèle:Citation bloc

Le pape Pie XII reçut de la part de particuliers quelque Modèle:Nombre de canonisation d’Eva Perón.

Postérité et critiques

Argentine et Amérique latine

Fichier:Tomb of Eva Peron.JPG
Tombeau d’Eva Perón.

Modèle:Citation bloc

Dans son essai intitulé Latin America, publié dans The Oxford Illustrated History of Christianity, John McManners postule que l’attrait et le succès d’Eva Perón sont tributaires de la mythologie et des concepts de divinité qui ont cours en Amérique latine. McManners affirme qu’Eva Perón intégra sciemment dans son image publique plusieurs aspects de la mythologie de la Vierge Marie et de Marie-Madeleine<ref name="McManner 440">McManners (2001:440).</ref>. L’historien Hubert Herring a décrit Eva Perón comme « sans doute la femme la plus habile jamais apparue dans la vie publique en Amérique latine. »<ref name="Adams 203">Adams (1993:203).</ref>

Dans un entretien de 1996, Tomás Eloy Martínez décrivit Eva Perón comme « la Cendrillon du tango et la Belle au bois dormant de l’Amérique latine. », indiquant que les raisons pour lesquelles elle s’est maintenue comme une importante icône culturelle sont les mêmes que pour son compatriote Che Guevara :

Modèle:Citation bloc

Beaucoup d’Argentins tiennent à marquer chaque année l’anniversaire de la mort d’Eva Perón, nonobstant que ce ne soit pas un jour férié officiel. En outre, l’effigie d’Eva Perón a été frappée sur des pièces de monnaie argentines, et un type de devise argentine a été appelé Evitas en son honneur<ref>« Argentines swap pesos for 'Evitas' », BBC. Consulté le 4 octobre 2006.</ref>.

Cristina Kirchner, la première femme présidente de l’histoire argentine, est une péroniste, que l’on désigne parfois par « la nouvelle Evita ». Kirchner a déclaré qu’elle se refusait à se comparer à Evita, arguant que celle-ci représentait un phénomène unique dans l’histoire de l’Argentine. Kirchner a également indiqué que les femmes de sa génération, arrivées à l’âge adulte dans les années 1970, sous les dictatures militaires en Argentine, sont redevables à Evita, celle-ci ayant en effet constitué pour elles un exemple de passion et de combativité<ref name="Cristina Fernandez de Kirchner of Argentina"/>. Le Modèle:Date-, à l’occasion du Modèle:50e de la mort d’Eva Perón, un musée, créé par sa petite-nièce Cristina Alvarez Rodriquez dans un édifice autrefois utilisé par la Fondation Eva Perón, et dénommé musée Evita (Museo Evita), fut ouvert en son honneur et abrite une vaste collection de vêtements portés par elle, de portraits et de représentations artistiques de sa vie. Ce musée est rapidement devenu l’un des hauts-lieux touristiques de Buenos Aires<ref>Musée Evita. Consulté le 13 octobre 2006.</ref>.

Dans son ouvrage Eva Perón: The Myths of a Woman, l’anthropologue culturelle Julie M. Taylor démontre qu’Evita est restée une figure importante en Argentine en raison de la combinaison de trois facteurs uniques :

Modèle:Citation bloc

Taylor affirme que le quatrième facteur présidant à l’importance persistante d’Evita en Argentine est lié à son statut de femme décédée et au pouvoir qu’exerce la mort sur l’imaginaire public. Taylor observe que le corps embaumé d’Evita est analogue à l’incorruptibilité de plusieurs saints catholiques, tels que Bernadette Soubirous, et possède une puissante charge symbolique dans les cultures largement catholiques d’Amérique latine.

Modèle:Citation bloc

Allégations de fascisme

Les biographes Nicholas Fraser et Marysa Navarro indiquent que les opposants à Juan Perón avaient d’emblée accusé celui-ci d’être un fasciste. Spruille Braden, diplomate américain fortement appuyé par les opposants à Juan Perón, fit campagne contre la première candidature de Juan Perón avec un argumentaire selon lequel Juan Perón était un fasciste et un nazi. Fraser et Navarro ont conjecturé que (abstraction faite des documents forgés de toutes pièces après la chute de Perón en 1955) la perception des Perón comme des fascistes a pu être favorisée par le fait qu’Evita fut hôte d’honneur de Francisco Franco lors de sa tournée européenne de 1947. Pendant ces années-là, Franco s’était retrouvé politiquement isolé en tant qu’un des derniers fascistes à occuper encore le pouvoir en Europe, et avait pour cette raison désespérément besoin d’un allié politique. Pourtant, attendu que près d’un tiers de la population de l’Argentine avait des ascendances espagnoles, il pouvait sembler naturel pour ce pays d’entretenir des relations diplomatiques avec son ancienne métropole. Fraser et Navarro, commentant la perception internationale d’Evita pendant sa tournée européenne de 1947, notent qu’il « était inévitable qu’Evita fût recadrée dans une sphère fasciste. C’est pourquoi Evita et Perón furent tous deux perçus comme représentant une idéologie qui, si elle avait fait son temps en Europe, ressurgissait à présent sous une forme exotique, théâtrale, voire bouffonne, dans un pays à l’autre bout du monde »<ref name="Fraser 100">Fraser et Navarro (1996:100).</ref>.

Laurence Levine, ancien président de la chambre de commerce américano-argentine, relève que les Perón, au contraire de l’idéologie nazie, n’étaient pas antisémites. Dans un ouvrage intitulé Inside Argentina from Perón to Menem: 1950–2000 from an American Point of View, Levine écrit :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Gelbard y peron.jpg
Juan Perón avec à ses côtés le futur ministre de l’Économie José Ber Gelbard.

Le biographe Robert D. Crassweller, pour certifier que « le péronisme n’était pas le fascisme » et que « le péronisme n’était pas le nazisme », s’appuyait en particulier sur les commentaires faits par l’ambassadeur des États-Unis George S. Messersmith, lequel en effet, lorsqu’il visita l’Argentine en 1947, fit la déclaration suivante : « Il n’y a pas plus de discrimination sociale à l’encontre des juifs ici qu’il n’y en a à New York même, ou à d’autres endroits chez nous »<ref name="Crassweller">Crassweller (1987).</ref>.

Dans sa recension du film Evita, sorti en 1996, le critique de cinéma Roger Ebert critiqua Eva Perón, écrivant : « Elle abandonna à leur sort les pauvres sans-chemise, en affublant une dictature fasciste d’une façade miroitante, en faisant main basse sur les fonds caritatifs, et en détournant l’attention de la protection tacite offerte par son mari à des criminels de guerre nazis »<ref>Evita by Roger Ebert.</ref>. Le magazine Time publia plus tard un article de l’écrivain et journaliste argentin Tomás Eloy Martínez, ancien directeur du programme pour l’Amérique latine à l’université Rutgers, article intitulé The Woman Behind the Fantasy: Prostitute, Fascist, Profligate—Eva Peron Was Much Maligned, Mostly Unfairly (La Femme derrière le phantasme : prostituée, fasciste, dilapideuse — Eva Perón fut beaucoup calomniée, souvent avec mauvaise foi). Dans cet article, Martínez rappelle que les allégations selon lesquelles Eva Perón aurait été une fasciste, une nazie et une voleuse, ont été lancées contre elle durant des décennies, et déclare que ces accusations sont fausses :

Modèle:Citation bloc

Dans sa thèse de doctorat, défendue à l’université d’État de l’Ohio en 2002, Lawrence D. Bell souligne que les gouvernements qui ont précédé celui de Juan Perón étaient bien, eux, antisémites, mais qu’en revanche son gouvernement à lui ne l’était pas. Juan Perón s’attacha « avidement et avec enthousiasme » à recruter, pour les besoins de son gouvernement, des personnalités de la communauté juive, et mit sur pied une branche du parti péroniste destinée aux membres juifs, branche connue comme Organización Israelita Argentina (OIA). Le gouvernement de Perón fut le premier à faire appel à la communauté juive argentine et le premier à nommer des citoyens juifs à des postes dans la fonction publique<ref>The Jews and Perón: Communal Politics and National Identity in Peronist Argentina, 1946–1955, par Lawrence D. Bell, thèse de doctorat, 2002, Ohio State University, consulté le 2 mai 2008.</ref>. Kevin Passmore remarque que le régime péroniste, plus qu’aucun autre en Amérique latine, a été accusé d’être fasciste, mais ajoute qu’il ne l’était pas, et que ce qu’on voulait imputer en matière de fascisme à Perón ne put jamais prendre pied en Amérique latine. De plus, étant donné que le régime péroniste permettait aux partis politiques rivaux d’exister, il ne saurait pas davantage être qualifié de totalitaire<ref>Passmore, Kevin. Fascism: A Very Short Introduction. Oxford University Press. Modèle:ISBN.</ref>.

Publications d’Eva Perón

La Raison de ma vie

Genèse

La razón de mi vida (trad. française sous le titre La Raison de ma vie) est un ouvrage autobiographique qu’Eva Perón dicta et chargea ensuite de mettre au net. Sa première édition, tirée à Modèle:Nombre aux éditions Peuser à Buenos Aires, date du Modèle:Date-, et fut suivie de nombreuses rééditions dans les années ultérieures. Après son édition argentine, on tenta de publier l’ouvrage à l’échelle internationale, mais peu de maisons d’édition étrangères acceptèrent de l’éditer<ref>El libro La Razón de Mi Vida, Por Ricardo E. Brizuela Raoul Solar St-Ouen, 1952.</ref>.

Peu avant sa tournée européenne, Eva Perón avait fait la rencontre de Manuel Pinella de Silva, journaliste et écrivain espagnol émigré en Argentine, qui lui proposa de rédiger ses mémoires. Ayant reçu l’accord d’Evita en même temps que des honoraires, Pinella se mit au travail. Si les premiers chapitres enthousiasmèrent Evita, elle eut par la suite des doutes, ne voulant plus être idéalisée et dépeinte comme une sainte, car trop consciente de ses insuffisances. En tout état de cause, Pinella semble avoir voulu mettre en lumière la partie féministe de son action. Cependant, le manuscrit, transmis fin 1950 à Juan Perón, ne plut guère à celui-ci, et fut confié à Raúl Mendé avec mission de le remanier, ce qui fut fait de façon substantielle. Le chapitre sur le féminisme fut supprimé et remplacé par un autre composé de fragments de discours de Juan Perón. Le résultat final, qui n’avait plus que fort peu à voir avec le texte initial, fut néanmoins accepté et signé par Eva Perón.

Dans un entretien, le père jésuite Hernán Benítez, à la fois confesseur et proche collaborateur d'Evita, met en question l’authenticité du livre dans les termes suivants :

Modèle:Citation bloc

Contenu

Le livre fut signé par Eva Perón à un moment où le cancer qui lui serait fatal se trouvait déjà à un stade avancé. Le texte, qui ne présente l’histoire personnelle et chronologique d’Evita que de manière assez succincte, sera utilisé surtout comme un manifeste péroniste. Y sont repris tous les thèmes récurrents des discours d’Evita, la plupart de surcroît sans rien changer à leur formulation ; mais souvent, ce ne sont pas les propres opinions d’Eva Perón qui sont exposées, mais celles de Juan Perón, avec lesquelles Evita toutefois affirme être en parfait accord. Les biographes Nicholas Fraser et Marysa Navarro notent :

Modèle:Citation bloc

Le livre se présente comme un long dialogue, tantôt intime, tantôt plus rhétorique, et se décompose en trois parties, la première comportant dix-huit chapitres, la deuxième vingt-sept et la troisième douze<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref name="biogr">http://www.tematika.com/libros/humanidades--2/biografias_y_relatos--8/biografias___memorias--1/la_razon_de_mi_vida--20733.htm.</ref>.

Les titres des chapitres sont les suivants<ref name="biogr"/>. Dans la première partie : Chap. Modèle:1er : Un caso de azar (Un coup du hasard) ; Chap. Modèle:2e : Un gran sentimiento (Un grand sentiment) ; Chap. Modèle:3e : La causa del «sacrificio incomprensible» (la Cause du « sacrifice incompréhensible ») ; Chap. Modèle:4e : Algún día todo cambiará (Quelque jour tout changera) ; Chap. Modèle:5e : No me resigné a ser víctima (Je ne me suis pas résignée à être victime) ; Chap. Modèle:6e : Mi día maravilloso (Mon jour merveilleux) ; Chap. Modèle:7e : ¡Si, éste es el hombre de mi pueblo! (Oui, voilà l’homme de mon peuple !) ; Chap. Modèle:8e : La hora de la soledad (l’Heure de la solitude) ; Chap. Modèle:9e : Una gran luz (Une grande lumière) ; Chap. Modèle:10e : Vocación y destino (Vocation et Destin) ; Chap. Modèle:11e : Sobre mi élection (Sur mon élection) ; Chap. Modèle:12e : Demasiado peronista (Assez péroniste) ; Chap. Modèle:13e : El aprendizaje (l’Apprentissage) ; Chap. Modèle:14e : ¿Intuición? (Intuition ?) ; Chap. Modèle:15e : El camino que elegí (le Chemin que j’ai choisi) ; Chap. Modèle:16e : Eva Perón y Evita (Eva Perón et Evita) ; Chap. Modèle:17e : Evita ; Chap. Modèle:18e : Pequeños detalles (Petits Détails).

Dans la deuxième partie : Chap. Modèle:19e : La Secretaría (le Secrétariat) ; Chap. Modèle:20e : Una presencia superior (Une présence supérieure) ; Chap. Modèle:21e : Los obreros y yo (les Ouvriers et moi) ; Chap. Modèle:22e : Una sola clase de hombres (Une seule classe d’hommes) ; Chap. Modèle:23e : Descender (Descendre) ; Chap. Modèle:24e : La tarde de los miércoles (l’Après-midi des mercredis) ; Chap. Modèle:25e : Los grandes días (les Grands Jours) ; Chap. Modèle:26e : Donde quiera que este libro se lea (Où que ce soit que l’on lise ce livre) ; Chap. Modèle:27e : Además de la justicia (En plus de la justice) ; Chap. Modèle:28e : El dolor de los humildes (la Douleur des humbles) ; Chap. Modèle:29e : Los comienzos (les Commencements) ; Chap. Modèle:30e : Las cartas (les Lettres) ; Chap. Modèle:31e : Tardes de ayuda social (les Après-midi d’aide sociale) ; Chap. Modèle:32e : Caridad o beneficencia (Charité ou Bienfaisance) ; Chap. Modèle:33e : Una deuda de cariño (Une dette d’affection) ; Chap. Modèle:34e : Finales de jornada (Fins de journée) ; Chap. Modèle:35e : Amigos en desgracia (Amis en disgrâce) ; Chap. Modèle:36e : Mi mayor gloria (Ma plus grande gloire) ; Chap. Modèle:37e : Nuestras obras (Nos œuvres) ; Chap. Modèle:38e : Nochebuena y Navidad (Nouvel-An et Noël) ; Chap. Modèle:39e : Mis obras y la política (Mes œuvres et la politique) ; Chap. Modèle:40e : La lección europea (la Leçon européenne) ; Chap. Modèle:41e : La medida de mis obras (la Mesure de mes œuvres) ; Chap. Modèle:42e : Una semana de amargura (Une semaine d’amertume) ; Chap. Modèle:43e : Una gota de amor (Une goutte d’amour) ; Chap. Modèle:44e : Cómo me pagan mi pueblo y Perón (Comment mon peuple et Perón me payent) ; Chap. Modèle:45e : Mi gratitud (Ma gratitude) ; Chap. Modèle:46e : Un idealista (Un idéaliste).

Dans la troisième partie : Chap. Modèle:47e : Las mujeres y mí misión (les Femmes et ma mission) ; Chap. Modèle:48e : El paso de lo sublime a lo ridículo (le Passage du sublime au ridicule) ; Chap. Modèle:49e : Quisiera mostrarles un camino (J’aimerais vous montrer un chemin) ; Chap. Modèle:50e : El hogar o la fábrica (le Foyer ou l’Usine) ; Chap. Modèle:51e : Una idea (Une idée) ; Chap. Modèle:52e : La gran ausencia (la Grande Absence) ; Chap. Modèle:53e : El Partido Peronista Femenino (le Parti péroniste féminin) ; Chap. Modèle:54e : No importa que ladren (Peu importe qu’ils aboient) ; Chap. Modèle:55e : Las mujeres y la acción (les Femmes et l’Action) ; Chap. Modèle:56e : La vida social (la Vie sociale) ; Chap. Modèle:57e : La mujer que no fue elogiada (la Femme qui ne reçut pas d’éloges) ; Chap. Modèle:58e : Como cualquier otra mujer (Comme n’importe quelle autre femme) ; Chap. Modèle:59e : No me arrepiento (Je ne me repents pas).

En Modèle:Date-, la province de Buenos Aires décréta qu’il devait être utilisé comme livre de lecture dans les écoles primaires. Les autres provinces suivirent bientôt cet exemple, et la Fondation Eva Perón en distribua des centaines de milliers d’exemplaires gratuitement.

Mon message

Mon message (Mi mensaje), rédigé entre mars et Modèle:Date-, et achevé quelques semaines seulement avant son décès, est le dernier ouvrage d’Eva Perón. Celle-ci, en raison du stade avancé de sa maladie, fut réduite à en dicter le contenu à quelques personnes de confiance, et ce qu’elle put écrire de sa propre main tiendrait sur guère plus d’un feuillet<ref name="Clarin"/>. L’ouvrage est divisé en trente courts chapitres et expose des thèses idéologiques autour de trois axes de base : le fanatisme comme profession de foi, la condamnation des hautes sphères des forces armées pour complot contre Perón, et la mise en cause de la hiérarchie de l’église catholique en raison du manque de préoccupation de celle-ci pour les souffrances du peuple argentin<ref name="pagina12">Modèle:Lien web.</ref>. Il est présenté comme le texte le plus virulent d’Eva Perón<ref>Modèle:Lien web.</ref>. L’on donna lecture d’un fragment du texte lors d’un rassemblement sur la place de mai deux mois et demi après la disparition de son auteur<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref name="pagina12"/>.

Dans le testament manuscrit d’Evita, intitulé Mi voluntad suprema (Ma volonté suprême), tracé d’une main tremblante, l’on peut lire la phrase suivante : « tous mes droits comme auteur de La Razón de mi vida et de Mi Mensaje, s’il est publié, seront considérés comme la propriété absolue de Perón et du peuple argentin ». Pourtant, Mi mensaje ne fut pas d’abord publié, et en 1955, après le renversement de Perón, le manuscrit disparut par les soins du Grand Greffier du gouvernement Jorge Garrido, qui avait reçu l’ordre de dresser l’inventaire des biens de Juan et Eva Perón, mais qui décida d’occulter le manuscrit, convaincu que celui-ci serait détruit par les militaires arrivés au pouvoir. À la mort de Garrido en 1987, sa famille mit l’ouvrage inédit en vente par l’intermédiaire d’une salle de ventes. Le livre fut ensuite publié, une première fois en 1987, puis une deuxième en 1994.

Les sœurs d’Evita cependant contestèrent l’authenticité du livre et portèrent l’affaire devant les tribunaux, lesquels, après une dizaine d’années d’enquête, et sur la foi notamment d’une expertise graphologique et du témoignage de Juan Jiménez Domínguez, l’un des proches collaborateurs d’Evita, à qui elle avait dicté une partie du texte, conclurent en 2006 que le texte était à considérer comme étant effectivement d’Eva Perón<ref name="Clarin">Modèle:Lien web.</ref>,<ref>Eva Perón, Mi mensaje, en homenaje, Juan José Salinas et al., édition comprenant Eva en su plenitud, entretien avec Juan Jiménez Domínguez, éd. Futuro, Buenos Aires, 1994.</ref>.

Filmographie en tant qu'actrice

Œuvres mettant en scène Eva Perón

La vie d’Evita a livré la matière d’un grand nombre d’œuvres d’art, tant en Argentine que dans le reste du monde. La plus connue est sans nul doute la comédie musicale Evita d’Andrew Lloyd Webber et Tim Rice, de 1975, dont a été tiré un film musical homonyme, mis en scène par Alan Parker et interprété notamment par la chanteuse Madonna dans le rôle-titre.

Cinéma

  • Eva Perón inmortal, 1952, court-métrage mis en scène par Luis César Amadori.
  • Evita, quien quiera oír que oiga (1983), film d’Eduardo Mignogna, interprété par Flavia Palmiero, accompagnement musical de Lito Nebbia.
  • Evita (1996), basé sur la comédie musicale, mis en scène par Alan Parker, partiellement filmé à Buenos Aires. Madonna y joue le rôle d’Evita, Antonio Banderas celui de Che ('Che' n’est pas ici Ernesto Che Guevara, mais figure le citoyen argentin lambda) et Jonathan Pryce celui de Juan Perón.
  • Une version télévisée de sa vie a été tournée en 1981, avec Faye Dunaway.
  • Eva Perón (1996), film argentin. Avec dans la distribution Esther Goris dans le rôle d’Evita et Víctor Laplace dans celui de Perón, entre autres. Le film, mis en scène par Juan Carlos Desanzo, met plus particulièrement la focale sur les événements de 1951, vus comme une situation de grand embarras pour Evita, le péronisme et la politique argentine.
  • En 2007, le film argentin La Señal d’Eduardo Mignogna, qui met en scène un duo de détectives de bas étage propulsés dans une histoire de corruption impliquant la Mafia, raconte en toile de fond l'histoire des derniers jours d'Eva Peron, .
  • Juan y Eva (2011), film argentin. Avec Julieta Díaz dans le rôle d’Evita et Osmar Nuñez dans celui de Juan Perón. Mise en scène et scénario de Paula de Luque, d’après le récit de Jorge Coscia. Décrit la romance de Juan et Eva, en mettant l’accent sur El Amor, El Odio (la Haine) et La Revolución. Évoque les luttes politiques internes, mais davantage encore la passion d’Evita et sa lutte pour Perón. « La mort prématurée immortalise les romances ».
  • Eva de la Argentina, una bandera a la victoria<ref>Eva de la Argentina (film).</ref> (2011). Mis en scène par María Seoane, basé sur les dessins de Francisco Solano López, avec musique originale de Gustavo Santaolalla. Film de fiction, qui, en combinant animation et extraits documentaires, narre la vie, l’œuvre et la mort d’Eva Perón.
  • Carta a Eva (Lettre à Eva, 2012 ; aussi Una carta para Evita), minisérie espagnole en deux épisodes, réalisée par l’Espagnol Agustí Villaronga et interprétée par Julieta Cardinali dans le rôle d’Eva Perón. La série retrace le destin croisé de Doña Juana, jeune militante communiste condamnée à mort, de Carmen Polo, femme du général Franco, et d'Eva Perón lors de sa visite officielle en Espagne en 1947.
  • Eva no duerme du réalisateur Pablo Agüero, sorti en 2016. Le film illustre en 3 tableaux — l’Embaumeur, le Transporteur, le Dictateur — ce qu'il advient du corps embaumé d’Eva Peron au cours des vingt ans qui suivent sa mort.

Musique

  • En 2008, le chansonnier argentin Ignacio Copani composa en hommage à Eva Perón la chanson María Eva, dont voici un couplet :
Espagnol Français

<poem>

María Eva nació en Los Toldos,
no en una ópera de ficción,
después Evita en los barrios rotos,
por cada fábrica renació.
Eva no es un cuento… Es revolución.
María Eva nació en Los Toldos;
Evita, en vos.

</poem>

<poem>

María Eva naquit à Los Toldos,
Non dans un opéra de fiction,
Ensuite Evita dans les bas quartiers,
Pour chaque usine renaquit.
Eva n’est pas un conte… Elle est révolution.
María Eva naquit à Los Toldos;
Evita, en toi.

</poem>

Modèle:Langue en est le thème principal et représente un émouvant discours d’Eva Perón à l’attention des descamisados, prononcé du balcon de la Casa Rosada. La chanson a été interprétée par les mêmes actrices qui ont incarné Evita lors des représentations théâtrales, c'est-à-dire, outre Elaine Paige, Patti LuPone, Paloma San Basilio, Rocío Banquells et Elena Roger), ainsi que par d’autres, de l’envergure de Nacha Guevara et Valeria Lynch en espagnol. L’ont également chantée, en anglais, Sarah Brightman, Olivia Newton-John, Joan Baez, Donna Summer, Laura Branigan, Karen Carpenter, Shirley Bassey, Dolores O'Riordan, Suzan Erens, Idina Menzel, Julie Covington, Lea Salonga, Barbara Dickson, Helene Fischer, Stephanie Lawrence, Maria Friedman, Priscilla Chan, Judy Collins, Tina Arena, Cilla Black, Katherine Jenkins, Lea Michele, Amanda Harrison et Sinéad O'Connor ; Rita Pavone la chanta en italien, et Petula Clark en français. De façon insolite, quelques interprètes masculins s’essayèrent aussi à la chanter : Tom Jones, et Il Divo. L’ont chantée en traduction allemande Angelika Milster, Katja Ebstein, Maya Hakvoort et Pia Douwes. Madonna en enregistra plusieurs versions, parmi lesquelles un remix, qui fut en tête des listes de vente.
  • Quien quiera oír que oiga (litt. Que celui qui veut entendre entende, 1983), composé et interprété par Lito Nebbia. Fait partie de la bande musicale du film Evita, quien quiera oír que oiga (1983).
  • Eva (1986 et 2008), comédie musicale interprétée par Nacha Guevara, sur des paroles de Pedro Orgambide et une musique d’Alberto Favero. Première représentation au théâtre Maipo de Buenos Aires.
  • Evita (1990), opéra de Andrés Pedro Risso, avec la mezzo-soprano Christina Becker dans le rôle d’Evita et le baryton grave Jorge Sobral dans le rôle de Perón. Première au Théâtre Colón à Buenos Aires.
  • La Duarte (2004), spectacle de danse-théâtre créé spécialement par Silvia Vladimivsky à l’intention de Eleonora Cassano, d’après une idée originale de Lino Patalano et sur une musique de Sergio Vainikoff. Au théâtre Maipo.
  • María Eva (2008), composé et interprété par Ignacio Copani. Fait partie de son œuvre Hoy no es dos de Abril (litt. Ce n’est pas aujourd’hui le deux avril).

Théâtre

  • Eva Perón, œuvre théâtrale écrite en 1969 par Raúl Natalio Damonte Taborda, connu sous le nom de Copi. Œuvre controversée, dont l’action se situe dans les derniers jours d’Eva Perón et qui prend pour sujet sa lutte contre le cancer.
  • Eva y Victoria, pièce de théâtre écrite par la dramaturge Mónica Ottino, mise en scène par Oscar Barney Finn et interprétée par Luisina Brando dans le rôle d’Eva Perón et China Zorrilla dans celui de l’écrivaine Victoria Ocampo. Le rôle d’Eva Perón fut également joué par l’actrice Soledad Silveyra.
  • Eva, œuvre théâtrale interprétée par Nacha Guevara, représentée en 1986 et de nouveau pendant la saison 2008-2009, sur une musique d’Alberto Favero.
  • En 2009, Alfredo Arias mit en scène Eva Perón au théâtre du Rond-Point à Paris dans Tatouage. Il évoque la rencontre avec Miguel de Molina qui fut son protégé fuyant le régime de Francisco Franco.
  • La Razón de mi Eva, pièce de théâtre, écrite en 2012 par Edo Azzarita, avec une musique de Carlos Zabala. C’est la première œuvre théâtrale déclarée d’intérêt culturel (de interés cultural) par le sous-secrétariat à la Culture du gouvernement fédéral, par la résolution Modèle:N°.
  • Evita amour, gloire, etc., spectacle de Stéphan Druet écrit pour l’acteur argentin Sebastián Galeota, joué à la Comédie Bastille en 2016 et au théâtre Les 3 Soleils lors du festival d'Avignon<ref>Cf. annonce sur le site Théâtres parisiens associés</ref>.

Romans et nouvelles

  • Esa mujer (1963), nouvelle de Rodolfo Walsh, sur la relation malsaine que le militaire qui séquestra le cadavre d’Evita entretint avec celui-ci. (lire en ligne ici)
  • Evita vive (1975), nouvelle de Néstor Perlongher. Suscita une vive polémique à la suite de sa publication en Argentine par la revue El Porteño en 1989<ref>Dans le livre Prosa plebeya parut, accompagnant la nouvelle Evita Vive, la note suivante : « Evita vive peut être considéré comme un authentique conte maudit dans l’histoire de la littérature argentine. Blasphème, appréhension aiguisée du sujet et audace s’unissent dans ce texte, daté 1975 par l’auteur. Avant d’être connu en espagnol, il le fut en anglais, sous le titre Evita Lives, traduit par E. A. Lacey et inclus dans My Deep Dark Pain Is Love (choix de textes de Winston Leyland. Gay Sunshine Press, San Francisco, 1983). Ensuite, il fut publié en Suède comme Evita vive, dans Salto mortal ng 8-9, Järfälla, mai 1985 ; et, enfin, chez Cerdos y Peces Modèle:N°, avril 1987, puis dans El Porteño Modèle:N°, avril 1989. La publication de cette nouvelle à Buenos Aires provoqua une controverse publique, à laquelle une note éditoriale signée par le conseil de rédaction de la revue El Porteño (Un mes movido) dans le numéro de mai se voulut être une riposte, à côté d’une réplique de Raúl Barreiros (Evita botarate los dislates), alors directeur de Radio Provincia de Buenos Aires..</ref>. (lire en ligne ici)
  • Roberto y Eva. Historia de un amor argentino (1989), roman de Guillermo Saccomano évoquant intertextuellement Eva Perón et Roberto Arlt.
  • Santa Evita (1995), roman de Tomás Eloy Martínez, traitant de la disparition du cadavre d’Evita.
  • Evita, la loca de la casa (2003, litt. Evita, la folle de la maison), roman de Daniel Herrendorf, qui présente cette singularité que dans les chapitres pairs Evita relate son histoire sur un mode limpide et cohérent, et dans les chapitres impairs délire comme une folle, ce qui permet à l’auteur de mettre à nu l’imaginaire inconscient d’Evita. Le roman se déroule entièrement le jour de la mort d’Eva, tandis qu’elle est couchée sur son lit de mort. Le roman étant écrit à la première personne, James Ivory n’eut pas grand’peine à le porter sur une scène de théâtre britannique. Les monologues sont méticuleux et directs, laissant Eva parler d’elle-même et de son mari avec une cruauté inhabituelle<ref>Rosano, Susana. Rostros y máscaras de Eva Perón: imaginario populista y representación. Beatriz Viterbo Editora, 2006. Modèle:ISBN, 9789508451897. [2].</ref>.
  • La Señora muerta (1963), nouvelle de David Viñas.
  • En 2008, une fiction du journaliste et écrivain français Jacques Kaufmann publiée aux éditions de l'Archipel sous le titre El lobo revient sur le fameux trésor nazi que Martin Bormann aurait transféré en Argentine à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En effet, le mystère relatif à ces fonds n'a jamais été levé, certains historiens affirmant même que Perón s'en serait emparé. Le romancier s'est engouffré dans la brèche et a imaginé que le trésor avait été placé dans le mausolée d'Evita pour financer le mouvement péroniste.
  • En 1980, l’écrivain trinidadien V. S. Naipaul publia sous le titre The return of Eva Perón. The killings in Trinidad (traduction française sous le titre le Retour d'Eva Perón<ref>Trad. Isabelle di Natale, Paris, 10/18 n° 2005, 1989. L'original anglais chez Alfred A. Knopf, New York, 1980. La traduction néerlandaise chez Atlas Amsterdam/Anvers 1995 a été opportunément complétée par la traduction d'un article intitulé The End of John Sunday (John Sunday, c.-à-d. Juan Domingo) et paru originellement dans New York Times Book Review vers 1990. Le tableau que l'auteur y brosse de l'Argentine post-dictature militaire n'est guère moins déprimant que dans son essai de 1980.</ref>) un volume regroupant deux essais apparemment sans rapport entre eux, lequel volume, pour deux raisons au moins, n’aurait pas sa place ici : il ne s’agit pas d’une œuvre de fiction, et la figure d’Eva Perón, en dépit du titre d’un des essais, ne s’y trouve évoquée que de façon très accessoire. Dans ledit essai, Naipaul tente, en mettant en lumière successivement un ensemble de situations ou d’aspects particuliers qui lui paraissent significatifs ou symptomatiques, d’appréhender l’histoire et le caractère national de l’Argentine, afin d’éclairer la situation actuelle (des années 1970 et 1980) du pays. Il s’en dégage une vision assez désabusée, peu flatteuse, voire dénigrante du péronisme, mais aussi de l’Argentine en général, en tant que le péronisme, selon Naipaul, n’a jamais pu être autre chose que l’expression de la personnalité profonde, sombre et peu glorieuse, de ce pays, qui pâtit du « péché originel » d’avoir été une conquête espagnole et de n’avoir pas pu se dépêtrer d’une mentalité coloniale, et où prédominent donc l’illusion d’une richesse inépuisable, la cupidité et l’absence d’un sentiment de l’intérêt commun. Eva Perón n’est évoquée qu’en arrière-plan, surtout comme figure mythe quasi religieuse. Le portrait apparaît assez fruste, réducteur, comme en témoigne ce passage :

Modèle:Citation bloc

Bande dessinée

  • Evita, vida y obra de Eva Perón, bande dessinée réalisée en 1970 par le scénariste Héctor Germán Oesterheld et le dessinateur Alberto Breccia. Cette œuvre n’est pas une BD dans l’acception traditionnelle du terme, attendu qu’il n’y a pas une succession de vignettes censée représenter une action, et qu’à aucun moment il n’y a de personnages accompagnés de bulles. L’œuvre consiste en une série de grandes plages de texte relatant l’histoire d’Eva Perón assorties d’images allégoriques des moments ou des situations décrits.

Photographie

Si les principales photographies d’Eva Perón ont été réalisées par le prof. Pinélides Aristóbulo Fusco (1913-1991), ce sont celles créées par Annemarie Heinrich dans les années 1930 et 1940 qui apparaissent comme les plus saisissantes.

Peinture

Le peintre officiel d’Eva Perón fut Numa Ayrinhac (1881-1951), Français fixé dès l’enfance à Pigüé, dans le sud-ouest de la province de Buenos Aires. Ses deux œuvres les plus significatives sont le Portrait d’Eva Perón de 1950, qui apparut sur la couverture du livre La Raison de ma vie et dont l’original fut détruit en 1955, et le Portrait de Juan Perón et Eva Perón de 1948, seul portrait officiel du couple, qui est actuellement la propriété du gouvernement national et se trouve exposé au musée des Présidents de la Casa Rosada.

L’artiste plasticien Daniel Santoro a exploré, dans ses ouvrages El mundo se convierte, Luto ou Evita y las tres ramas del movimiento, l’iconographie du premier péronisme, plus particulièrement la figure et l’influence d’Evita.

Poésie

Espagnol Français

<poem>

Volveré y seré millones
Yo he de volver como el día
para que el amor no muera
con Perón en mi bandera
con el pueblo en mi alegría.
¿Qué pasó en la tierra mía
desgarrada de aflicciones?
¿Por qué están las ilusiones
quebradas de mis hermanos?
Cuando se junten sus manos
volveré y seré millones.

</poem>

<poem>

Je reviendrai et je serai des millions
Il me faut revenir comme revient le jour
pour que jamais ne meure l’amour
avec Perón dans mon étendard
avec le peuple dans ma allégresse.
Que s’est-il passé dans la mienne terre
ainsi accablée d’afflictions ?
Pourquoi les espérances de mes frères
se sont-elles donc brisées ?
Quand se joindront leurs mains
je reviendrai et je serai des millions.

</poem>

Hommages et récompenses

Distinctions

Fichier:Collar original de la Orden del Libertador San Martín.jpg
Collier de l’ordre du Libérateur San Martín, décerné à Evita.

Eva Perón est la seule personnalité à laquelle le Congrès national ait jamais décerné le titre de Chef spirituel de la Nation (en esp. Jefa Espiritual de la Nación), le Modèle:Date-, sous la présidence de son mari Juan Perón, le jour où elle eut 33 ans.

Elle reçut le titre de Grand-Croix d’Honneur de la Croix-Rouge argentine, la distinction de la Reconnaissance de première catégorie de la Confédération générale du Travail<ref name="conde">Distinctions et décorations d’Eva Perón.</ref>, la Grande-Médaille de la Loyauté péroniste à titre extraordinaire le Modèle:Date-<ref>Calendario Peronista.</ref> et, le Modèle:Date-, la plus haute décoration de la République argentine : le collier de l’ordre du Libérateur Général San Martín<ref>Le Collier de l’ordre du Libérateur général San Martín dans « Documentos sur Eva Duarte de Perón ».</ref>.

Au cours de sa tournée Arc-en-ciel de 1947, Eva Perón se vit décerner le titre de Grand-Croix de l’ordre d'Isabelle la Catholique (Espagne), la Médaille d’or de la Principauté de Monaco, et l’ordre du Mérite avec le grade de Grand-Croix d’or en reconnaissance de son œuvre sociale et de son action en faveur du rapprochement international, décerné par la République dominicaine et remis par l’ambassade de ce pays en Uruguay<ref name="conde"/>.

Par ailleurs, elle fut récipiendaire de l’ordre national du Cruzeiro do Sul avec le grade de Commandeur (Brésil) ; Grand-Croix d’Orange-Nassau (Pays-Bas) ; Grand-Croix de l’ordre de l'Aigle aztèque (Mexique) ; Grand-Croix de l'ordre militaire (Malte) ; Grand-Croix de l’ordre des Omeyyades (Syrie) ; Grand-Croix de l’ordre du Mérite, Grand-Croix de la Croix-Rouge équatorienne et Grand-Croix de la Fondation internationale Eloy Alfaro (Équateur) ; Grand-Croix extraordinaire de l’ordre de Boyacá (Colombie) ; Grand-Croix de l’ordre national de l'Honneur et du Mérite (Haïti) ; Grand-Croix de la l’ordre du Soleil (Pérou) ; Grand-Croix du Condor des Andes (Bolivie) ; et Grand-Croix du Paraguay (Paraguay)<ref name="conde"/>.

Hommages posthumes

Femme du Bicentenaire

En 2010, Eva Perón a été désignée comme l’emblème des 200 ans d’histoire argentine par le décret Modèle:N°, annoncé par la présidente Cristina Kirchner et publié au Bulletin officiel, lui octroyant le titre posthume de « Femme du bicentenaire » (Mujer del Bicentenario)<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} « Evita fue declarada "Mujer del Bicentenario" », La Prensa, 8 mars 2010</ref>.

Monument

Le projet de 1952

En 1951, Eva Perón commençait à songer à un monument commémorant la journée de la Loyauté (soit le Modèle:Date-), et lorsqu’elle s’avisa de la gravité de sa maladie, exprima le désir de reposer dans la crypte dudit monument. L’on chargea le sculpteur italien León Tomassi d’en concevoir la maquette, avec cette instruction textuelle d’Evita : « Il faut qu’il soit le plus grand du monde ». Quand le plan fut prêt fin 1951, elle lui demanda de faire en sorte que l’intérieur ressemblât davantage au tombeau de Napoléon, qu’elle se souvenait avoir vu à Paris lors de sa tournée de 1947<ref name="Page306">Page, Joseph A. : Perón. Segunda parte (1895-1952), Buenos Aires, 1983, Javier Vergara Editor Modèle:ISBN.</ref>.

Selon la maquette finalement approuvée, la figure centrale, de soixante mètres de haut, se serait élevée sur un piédestal de soixante-dix-sept mètres. Alentour se serait étendue une énorme place, d’une superficie égale à trois fois celle du Champ-de-Mars à Paris, bordée de seize statues de marbre figurant l’Amour, la Justice sociale, les Enfants comme Privilégiés uniques, et les Droits du Vieil Âge. Au centre du monument aurait été construit un sarcophage semblable à celui de Napoléon aux Invalides, mais en argent, et assorti d’une figure de gisant en relief. L’ensemble architectural devait avoir une hauteur qui dépasserait celle de la basilique Saint-Pierre de Rome, correspondrait à une fois et demi celle de la statue de la Liberté (Modèle:Unité), triplerait celle du Christ Rédempteur des Andes (sur la frontière argentino-chilienne) et serait du même ordre de grandeur que la pyramide de Khéops ; il devait peser Modèle:Unité et renfermer quatorze ascenseurs<ref name="Gambini64">Gambini, Hugo: Historia del peronismo, vol. II, Modèle:P.. Buenos Aires, 2001, éd. Planeta Argentina S.A. ISBB Ouvrage complet 950-49-0226-X Tome I 950-49-0784-9.</ref>. La loi portant édification du monument à Eva Perón fut approuvée vingt jours avant sa mort, et l’on choisit de l'ériger dans le quartier de Palermo à Buenos Aires. En Modèle:Date-, alors que les soubassements de béton étaient terminés et que l’on s’apprêtait à y encastrer la statue, le pouvoir issu du soulèvement militaire qui renversa Juan Perón fit cesser les travaux et démolir les parties déjà réalisées.

Construction du monument en 1999

La loi Modèle:N° de 1986 dispose que le monument à Eva Perón doit être érigé sur la place située sur l'avenue du Libérateur, entre les rues Agüero et Austria, sur le terrain de la Bibliothèque nationale. Le monument, inauguré par le président Carlos Menem le Modèle:Date-, est une structure de pierre de près de Modèle:Unité de haut, conçue et réalisée par l’artiste Ricardo Gianetti, en granit pour le socle et en bronze pour la sculpture proprement dite, laquelle représente Eva Perón dans une attitude de marche. La base de la sculpture porte les inscriptions suivantes : « Je sus rendre sa dignité à la femme, protéger l’enfance et apporter la sécurité au vieil âge, tout en renonçant aux honneurs » et « Je voulus rester pour toujours simplement Evita, éternelle dans l’âme de notre peuple, pour avoir amélioré la condition humaine des humbles et des travailleurs, en luttant pour la justice sociale ».

Effigies sur l’avenue du Neuf-Juillet à Buenos Aires

En 2011, deux gigantesques effigies d’Evita apposées sur deux façades du bâtiment hébergeant les ministères du Développement social et de la Santé (anciennement bâtiment du ministère des Travaux publics) sur l'avenue du Neuf-Juillet, à l'angle avec la rue Belgrano, sont inaugurées à Buenos Aires.

La première est inaugurée le Modèle:Date-, jour du Modèle:59e anniversaire de sa mort, sur la façade sud du bâtiment, montrant une Evita souriante, inspirée de l’image qui avait illustré son livre La Raison de ma vie. La seconde, fixée à la façade nord du même immeuble, est elle dévoilée le Modèle:Date- suivant et donne à voir une Evita combative adressant la parole au peuple. Les deux effigies murales, œuvres imaginées par le plasticien argentin Alejandro Marmo, mesurent Modèle:Dunité et sont en acier corten.

Initialement, l’idée de Marmo surgit dans le cadre de son projet de 2006 Arte en las Fábricas (Art dans les usines), sous le nom de Sueños de Victoria (Rêves de victoire), tendant à revendiquer la figure d’Evita comme icône culturelle et d’identité nationale. Quatre ans plus tard, dans le sillage de la proclamation de María Eva Duarte de Perón comme Femme du bicentenaire, les deux œuvres sont intégrées, par le décret Modèle:N°, aux façades du ministère.

Fichier:Evita - Edificio del Ministerio de Salud - Lado Sur.jpg
Effigie d’Evita sur le mur d’un édifice public à Buenos Aires.
Fichier:Evita - Edificio del Ministerio de Salud - Lado Norte.jpg
Autre effigie d’Evita sur une autre façade du même immeuble.

Billets de banque

Le Modèle:Date-, à l’occasion de la célébration du soixantième anniversaire de la mort d’Eva Perón, la présidente Cristina Fernández de Kirchner annonça publiquement l’émission de billets de banque de 100 pesos (lesquels portaient alors le portrait de Julio Argentino Roca) à l’effigie d’Eva Perón, ce qui fait de celle-ci la première femme réellement existante à faire son entrée dans la numismatique argentine<ref>Il est vrai que Manuelita Rosas, fille de Juan Manuel de Rosas, figurait déjà sur les billets de 20 pesos, toutefois c’est de manière fort discrète, cf. Modèle:Article</ref>. L’image retenue pour le billet est dérivé d’un dessin de 1952 dont l’ébauche fut trouvée à la maison de la Monnaie à Buenos Aires, dessin réalisé par le graveur Sergio Pilosio, avec des retouches de l’artiste Roger Pfund. Nonobstant qu’il s’agît d’une édition commémorative, la présidente Fernández requit que le nouveau billet fût substitué aux anciens billets à l’effigie de Roca<ref>- "Cristina presentó nuevo billete de 100 pesos".</ref>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>. En 2016, son successeur, le président de centre-droit Mauricio Macri annonce que la figure d'Eva Peron sur les billets va être remplacée par celle d'un cerf andin, le taruca, afin notamment de tourner la page de l'héritage péroniste, dont se revendiquait sa prédécesseur<ref>« Argentine : Evita Peron remplacée sur les billets », lefigaro.fr, 21 janvier 2016.</ref>.

Musées

Les principaux musées consacrés à Eva Perón sont :

  • le musée Evita, au Modèle:N° de la calle Lafinur, à Buenos Aires. Il est hébergé dans une maison qui à l’époque d'Eva Perón servit de foyer pour mères célibataires de la Fondation Eva Perón ;
  • le musée Casa Natal dans la ville de Los Toldos (province de Buenos Aires). Il est hébergé dans la maison à Los Toldos vers laquelle la famille d’Evita déménagea quand celle-ci avait sept ans. Il est situé au Modèle:N° de la rue Eva Perón ;
  • salle musée Eva Perón, à l’hôpital Juan Perón, dans la ville d'Avellaneda (province de Buenos Aires). Il s'agit de la salle d’hôpital où Eva Perón fut hospitalisée et opérée en 1951, et où elle vota pour les élections du Modèle:Date- ;
  • le musée Eva Perón dans l’Unité touristique Embalse, à Río Tercero, dans la province de Córdoba. Une colonie de vacances construite par la Fondation Eva Perón, sise Camino a la Cruz S/N Embalse, abrite ce musée.

Astéroïdes

Quatre astéroïdes ont été nommés en l’honneur d’Eva Perón, à savoir : (1569) Evita, (1581) Abanderada, (1588) Descamisada et (1589) Fanatica, tous quatre découverts par Miguel Itzigsohn à La Plata, respectivement le Modèle:Date-, Modèle:Date-, Modèle:Date-, et Modèle:Date-<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Références

Modèle:Références

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

Modèle:Autres projets Modèle:Liens

Modèle:Portail