Loi de Say
Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Méthode scientifique
La loi de Say (ou loi des débouchés) est une loi économique selon laquelle l'offre crée sa propre demande. La production d'un bien ou d'un service offre un débouché à d'autres produits du montant de la même valeur par le biais du versement des salaires. Elle doit son nom à Jean-Baptiste Say, qui a écrit qu'Modèle:Citation.
La loi des débouchés aussi selon les formules Modèle:Citation, ou encore Modèle:Citation. Il s'agit d'un des fondements de l'école classique d'économie.
Concept
Principes
Jean-Baptiste Say part de l'idée selon laquelle chaque bien vendu sur le marché possède en lui-même une valeur, qui est sa valeur de production. Cette valeur trouve sa contrepartie dans le salaire qui est versé aux travailleurs pour la production du bien. Chaque bien mis sur le marché (l'offre) dispose ainsi d'un équivalent monétaire versé aux consommateurs (la demande). C'est pourquoi Say écrit que Modèle:Citation<ref name=":1">Modèle:Ouvrage</ref>.
Say postule que la monnaie ne peut être désirée pour elle-même, car elle n'est qu'un voile, de l'huile dans le rouage des échanges économiques. Dès lors, les agents économiques ne peuvent désirer détenir de la monnaie pour elle-même : en d'autres termes, dès qu'ils obtiennent de la monnaie, ils sont pressés de convertir leur monnaie en marchandise afin que Modèle:Citation ; il en va de même des producteurs, qui souhaitent se défaire de la monnaie pour acheter des biens intermédiaires (biens nécessaires à la production)<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. L'offre constitue par conséquent la demande par le biais d'un circuit économique<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
L'économiste peut en conclure que la mise en vente d'un bien sur le marché provoque une demande pour un autre bien, et est l'occasion pour autrui de proposer autre chose pour obtenir ce que le premier offre. Faire une offre c'est donc créer une demande, non pas pour le produit qui vient d'être offert, mais pour les autres produits. Say résume cela en écrivant : Modèle:Citation<ref name=":1" />. L'exemple le plus courant donné a posteriori est celui d'Henry Ford, qui, en augmentant le prix de ses voitures et la rémunération de ses ouvriers, leur a permis de dépenser leur salaire en achetant ses voitures<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Postulat
La loi de Say ne peut fonctionner que par le postulat initial et fondateur de l'école classique d'économie selon laquelle la monnaie est neutre. Elle ne peut pas, dans le modèle de Say, être désirée pour elle-même : la monnaie n'est qu'un intermédiaire d'achat. Bien sûr, un manque de monnaie peut contrarier les affaires, car sinon il faut en revenir au troc ; mais une abondance de monnaie ne stimulera pas l'économie<ref name=":3" />.
En posant comme postulat que la monnaie ne peut pas être désirée pour elle-même, Say évacue la possibilité d'une fuite macroéconomique, c'est-à-dire qu'il refuse la possibilité que le revenu distribué par les entreprises, équivalent à l'offre produite par celle-ci, puisse ne pas être renvoyée dans le système économique. Les revenus sont considérés comme étant ou bien consommés, ou bien investis, ce qui est une forme de consommation<ref name=":3" />.
Say résume ce postulat en quelques formules. Il demande : Modèle:Citation. Il conclut que Modèle:Citation<ref name=":3" />.
Portées
La formulation de Jean-Baptiste Say implique qu'une surproduction ne peut pas être généralisée mais est nécessairement sectorielle. Un secteur peut être en surproduction, mais cela signifierait qu'un autre est en sous-production, car la valeur dans l'économie est toujours égalisée. Cela exige toutefois que la circulation des produits soit libre et sans entraves. Dans un tel système à l'équilibre, le chômage ne peut qu'être passager et ne dure que Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
La loi de Say a eu une grande postérité économique et fait l'objet de débats et controverses. Cela est en partie dû à des divergences d'interprétation de la loi de Say. Modèle:Référence nécessaire est celle qui en a été faite par John Maynard Keynes, selon laquelle la loi impliquerait l'impossibilité de déséquilibres macroéconomiques à court terme. Or, Say admet l'existence de déséquilibres de court terme, mais soutient que la demande ne peut pas mettre une limite à la croissance du produit dans le long terme<ref name=":2" />.
La loi a fait l'objet d'une critique par John Maynard Keynes, qui l'a reformulée en termes keynésiens, Modèle:Citation, avant de la critiquer<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Histoire
Chez Jean-Baptiste Say
Jean-Baptiste Say formule ce qui sera postérieurement appelé Modèle:Citation dans son Traité d'économie politique de 1803. Les formulations les plus claires de sa loi sont issues de la Modèle:6e édition, livre I, chapitre XV, Des débouchés. Il écrit que Modèle:Citation, car Modèle:Citation. De fait, Modèle:Citation. Par conséquent, Modèle:Citation<ref name=":3">Modèle:Ouvrage</ref>. La phrase, devenue adage, selon laquelle Modèle:Citation, n’apparaît pas dans les écrits de l'auteur et n'est qu'une reformulation a posteriori.
Fondamentalement, le producteur d'un produit nouveau ouvre des perspectives nouvelles d'échanges, d'une part du fait qu'il offre quelque chose de plus aux autres, et devient de ce fait plus solvable ; d'autre part parce qu'il offre par son apport l'occasion pour les autres producteurs d'un nouveau débouché pour leurs produits<ref name=":3" />.
Le paragraphe suivant extrait du chapitre sus-cité du Traité d'économie politique de Jean-Baptiste Say résume de manière concise son argumentation :
Autrement dit, plus il y a de biens produits, plus ces biens peuvent ouvrir une demande pour d'autres biens : en effet ces biens nouvellement produits peuvent être offerts en échange d'autres biens. Inversement, toute nouvelle demande qui n'est pas précédée d'une production préalable n'offre en réalité aucune perspective d'échange. En effet, il n'y a aucun débouché nouveau : cette demande est une demande insolvable qui ne peut stimuler la production<ref name=":3" />.
Chez John Stuart Mill
John Stuart Mill écrit Principes de l'économie politique (Principes of Political Economy), dans laquelle il met expressément en avant la loi de Say :
Ce qui constitue les moyens de paiement pour des biens est simplement des biens. Ce dont chaque personne dispose pour payer les productions des autres gens est constitué de ce qu'il possède lui-même. Tous les vendeurs sont inévitablement, et par le sens propre du mot, des acheteurs. Si nous pouvions tout soudain doubler les forces productives du pays, nous doublerions l'offre de biens sur tous les marchés ; mais, du même coup, nous doublerions le pouvoir d'achat ; tout le monde pourrait acheter deux fois plus, parce que chacun aurait deux fois plus à offrir en échange. (Principles of Political Economy, livre III, Chap. xiv. § 2.)<ref>Modèle:Ouvrage</ref>
Toutefois, Mill se montre critique envers la thèse de Say de l'impossibilité d'une crise de surproduction généralisée. Dans son Essays on Some Unsettled Questions of Political Economy, il écrit qu'il arrive qu'il y ait une Modèle:Citation, de telle sorte que les biens Modèle:Citation, forçant les prix de vente à la baisse. Or, dans une telle situation, Modèle:Citation. De fait, il existe des situations d'excès temporaire de biens de manière généralisée, Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Chez Léon Walras
Léon Walras reprend la loi de Say. Il s'intéresse à la question de l'impossibilité d'une surproduction généralisée. Il écrit ainsi : Modèle:Citation<ref name=":2">Modèle:Ouvrage</ref>. La loi établie par Walras diverge toutefois sur plusieurs points de la loi de Say, et a donné lieu à la loi de Walras<ref name=":2" />.
Chez John Maynard Keynes
Dans Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, chapitre 2, section VI, John Maynard Keynes rappelle le principe de la loi de Say :
Du temps de Say et Ricardo les économistes classiques enseignaient que l'offre crée sa propre demande ; — exprimant par là dans un sens significatif, bien que non clairement défini, que l'ensemble des coûts de production sont nécessairement dépensés de façon agrégée, directement ou indirectement, lors de l'achat du produit<ref>What constitutes the means of payment for commodities is simply commodities. Each person’s means of paying for the productions of other people consist of what he himself possesses. All sellers are inevitably, and by the meaning of the word, buyers. Could we suddenly double the productive powers of the country, we should double the supply of commodities in every market; but we should, by the same stroke, double the purchasing power. Everybody would bring a double demand as well as supply; everybody would be able to buy twice as much, because every one would have twice as much to offer in exchange. (Principles of Political Economy, Book III, Chap. xiv. § 2)</ref>.
Keynes exprime donc « l'offre crée sa propre demande » en liant cela aux coûts de production : le producteur a engagé des frais, il a exprimé une demande avant d'avoir un produit à vendre, et il demandera à l'acheteur de son produit de couvrir ces frais. Il précise ensuite dans la section VII sa formulation de la loi :
L'offre crée sa propre demande en ce sens que le prix global de la demande est égal au prix global de l'offre pour tous les niveaux de production et d'emploi.
Supply creates its own demand in the sense that the aggregate demand price is equal to the aggregate supply price for all levels of output and employment.
Portée
Politique de l'offre
De la loi de Say, plusieurs préconisations de politiques publiques peuvent être tirées. La première est ce que l'on a appelé la politique de l'offre : la stimulation de la demande est inutile dès lors qu'il n'y a pas un accroissement de l'offre. Ainsi, une bonne politique économique lors d'une crise de surproduction est de stimuler l'offre dans les secteurs en situation de sous-production (dont l'existence est nécessaire du fait d'une surproduction dans d'autres secteurs). De cette manière, les moyens de production doivent se déplacer du premier secteur vers le second, rééquilibrant le marché<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Crises économiques
Les crises économiques peuvent, selon Say, exister. Elles sont toutefois sectorielles, et jamais généralisées, car un secteur en surproduction signifie qu'un autre est en sous-production. Les crises sectorielles sont dues à ce que les producteurs peuvent mal estimer leur demande (qui doit correspondre à la production des autres secteurs) et la production de leurs concurrents. Il en résulte un déséquilibre entre deux groupes de biens : ceux produits en trop grande quantité et ceux produits en quantité insuffisante. Les premiers ne trouvent alors plus leur contrepartie à cause du manque des seconds, et ceci jusqu'à ce que les moyens de production se déplacent vers la production des biens manquants, ce qui aura pour effet de corriger le déséquilibre.
Il peut également y avoir des causes non-économiques à une crise généralisée, comme un blocus militaire, des entraves douanières, une ponction fiscale ou une catastrophe naturelle bloquant des échanges existant précédemment entre les différents producteurs, les mettant tous à la fois en surproduction de ce qu'ils vendaient et en sous-consommation de ce qu'ils achetaient.
Jean-Baptiste Say exprime la chose de la façon suivante, dans le même ouvrage : Modèle:Citation bloc
Critiques
Critique marxiste
Karl Marx avance un début de réfutation de la loi de Say dans le Capital. Selon lui, le cycle argent-marchandise-argent (A-M-A') peut être rompu dès lors que la vente M-A (transformation d'une marchandise en argent) implique non pas un achat futur A-M', mais une thésaurisation (autrement dit, A-M-A'-Th). Dans ce cas, l'offre de marchandises peut être, ne serait-ce que provisoirement, supérieur à la demande<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Il l'exprime de manière littéraire en ces termes : Modèle:Citation
La deuxième critique de Marx est que, si les producteurs souhaitent échanger la monnaie qu'ils reçoivent au plus vite contre une autre marchandise, alors signifie que personne ne souhaite accumuler du capital pécuniaire. Or, pour Marx, la caractéristique essentielle du capitalisme est le désir d'accumulation<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Critique keynésienne
John Maynard Keynes critique la loi de Say, notamment dans sa Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie. Il renverse la proposition et soutient que c'est au contraire la demande qui crée l'offre. Keynes considère que l'économie a trop souvent négligé l'effet de la demande des consommateurs. Or, selon lui, l'offre est déterminée par les anticipations de la demande (demande effective). Keynes replace par conséquent la demande des consommateurs et les anticipations (parfois erronées) des entrepreneurs au centre de son analyse. Les anticipations de demande peuvent se tromper, et causer des surproductions ou des sous-productions<ref name=":0">Modèle:Ouvrage</ref>.
Afin de récuser la loi de Say, Keynes doit montrer que l'offre, par le biais des salaires versés, n'est pas intégralement utilisée pour consommer. Pour ce faire, Keynes part du postulat initial de Say, à savoir que la monnaie n'est pas désirée pour elle-même, et qu'ainsi les agents économiques souhaitent la transformer en biens aussitôt obtenue. L'économiste anglais comprend que dès lors que ce postulat est brisé, la loi de Say est remise en cause : en soutenant que la monnaie peut être désirée pour elle-même, il montre que l'intégralité du revenu n'est pas consommé, ni même investi, provoquant une fuite macroéconomique qui brise l'égalité offre = demande<ref name=":0" />. Cette fuite macroéconomique est due à ce que la monnaie gagnée par les agents économiques est désirée pour elle-même pour plusieurs raisons, dont par précaution (motif de précaution). La monnaie ainsi thésaurisée n'est pas réinjectée dans l'économie. L'offre peut être supérieure au revenu distribué, et donc, une crise de surproduction généralisée peut avoir lieu.
Notes et références
<references />
Voir aussi
Liens externes
- La loi de Say : une analyse historique (1972), par Thomas Sowell (téléchargeable en pdf).