Varin Doron
Modèle:Infobox conflit militaire
Varin Doron est un marchand de Bruyères, connu pour avoir aidé le duc de Lorraine René II dans la guerre qu’il livra avec le duc de Bourgogne Charles le Téméraire.
Contexte historique
Un conflit européen
Pourquoi le récit historique de Varin Doron est-il lié à l’Alsace, à la Bourgogne et aux Confédérés suisses ?
De 1363 à 1477, le duché de Bourgogne s’est étendu de manière rapide et conséquente par le truchement de successions, d’héritages, de mariages ou de guerres de conquête. Les ducs de Bourgogne sont à la fois vassaux des rois de France et du Saint-Empire romain germanique. Suzeraine des Flandres et du Brabant (actuelle Belgique), centres névralgiques du commerce et de l’économie au Modèle:S mini- et Modèle:S mini- siècle, la cour de Bourgogne est l’une des plus puissantes d’Europe.
Les ducs sont engagés dans tous les grands conflits impliquant les grands monarques européens. Ils prennent souvent le parti des opposants au roi de France. En 1435, au traité d’Arras, le duc parvient à se libérer de la suzeraineté du roi de France. Le duché se développe comme un état indépendant fort accumulant les conquêtes et les agrandissements de son territoire. L’empereur germanique Sigismond d'Autriche de Habsbourg<ref>DTV-Atlas zur Weltgeschichte, Band 1, 14. Aufl., 1979, page 193</ref> lui donne également en gage ses possessions en Haute-Alsace (dite Autriche antérieure) pour le convaincre de l’aider à vaincre les Suisses de la Confédération des VIII cantons en rébellion contre lui pour obtenir leur séparation définitive du Saint-Empire<ref>idem Modèle:P.</ref>.
Pour lui accorder le titre de roi de Bourgogne, l’empereur exige que son fils et successeur épouse Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire. En 1474, toujours victorieux dans ses batailles, Charles accepte le mariage de sa fille avec l’héritier de l’empereur.
L’année suivante, Charles envahit et occupe le duché de Lorraine. La raison est simple : il veut constituer une continuité territoriale entre ses terres héréditaires au sud et ses dernières acquisitions (Hollande, Flandres, Brabant, Luxembourg) au nord de la Lorraine (cf. carte ci-contre jaune dans le vert). Charles rêve de récréer le puissant royaume de Lotharingie du Haut Moyen Âge.
Ce projet provoque l’entrée des Confédérés suisses dans la guerre. Les Suisses gagnent défont les armées de Charles à Grandson<ref>Bataille de Grandson</ref> et Morat<ref>Chapitre histoire de la page de Morat-Murten</ref>. Ils soutiennent donc le duc lorrain injustement agressé par leur ennemi commun. Charles meurt à la bataille de Nancy en 1477. Sa fille épouse, comme prévu, Maximilien d’Autriche. La bataille de Guinegatte scelle en 1479 la victoire de l’empereur Maximilien dans la guerre de succession de Bourgogne. La France et l’Empire se partagent dès lors les possessions bourguignonnes avec un net avantage pour l’empereur : l’Autriche s'approprie l'ensemble des possessions bourguignonnes à l'exception de la Picardie et de la Bourgogne occidentale qui échoient à la France. Les fondations d'un conflit pluriséculaire entre les deux puissances européennes se mettent ainsi en place.
La contribution de Varin Doron à la libération de cités vosgiennes
Proche de la Bourgogne-Comté, le sud des Vosges est rapidement envahi. En 1475, les Bourguignons prennent Bruyères (point rouge avec "B" sur la carte ci-contre) mais ils en sont délogés en 1476 grâce à l’initiative d'un laboureur-marchand <ref>On lit dans le texte de 1605 : "sous prétexte de quelques siennes négoces"</ref> : Varin Doron. Mais d'autres sources le nomment "laboureur" ou "paysan"<ref>Dans Mémoires hist., polit., crit. et littéraire, Volume 3, Abraham-Nicolas Amelot De La Houssaie, un noble le décrit bien sûr comme un paysan. À noter que le texte reproduit ci-dessous ne l'épargnera pas non plus sur son attitude rustre et mal élevée</ref>. René II, pour récompenser les habitants de Laveline qui ont joué un rôle décisif dans la reconquête de Bruyères, les fait tous gentilshommes, titre héréditaire, pour eux et pour toute leur descendance, hommes et femmes.
Quant à Varin Doron, on devine dans le récit de son histoire que le duc lui a demandé de quelle manière il pouvait bien le récompenser : Doron a surpris le souverain par son vœu à ses yeux bien trop modeste. Bruyères étant chef-lieu de prévôté, puis de bailliage, Doron souhaite qu'on lui attribue l'office de sergent de manière héréditaire pour les prévôtés de Bruyères et d'Arches. Ce sera effectivement le cas jusqu'en 1663 ; puis, par l'époux de Barbe Doron, à qui l'on permit de porter le nom de Doron, les Mion-Doron ont joui de la même charge héréditaire jusqu'en 1751.
L'office de sergent n'étant pas anoblissante, il est improbable qu'il ait eu un blason. Il n'apparaît pas dans les armoriaux et nobiliaires les plus utilisés en Lorraine<ref>Cabinet des titres, Modèle:N°, Modèle:18e de l'armorial général, Coté L 5e, Lorraine, Table alphabétique</ref>,<ref> Dictionnaire des anoblissements 1270-1790, H. Gourdon de Genouillac, Paris 1869</ref>, ni dans les ouvrages listant les anoblissements. Ceci est corroboré par la conclusion du récit ci-dessous où le narrateur insiste sur l'abnégation de Varin Doron en faisant la morale aux gens de meilleure naissance qui pour la même "entreprise" eussent réclamé à la fois un titre de noblesse et la rente qui lui est attachée.
Le texte dit "se contenter" car l'office de sergent est l'un des grades les plus bas de l'administration judiciaire dans la hiérarchie (voir arborescence ci-contre). Varin Doron a peut-être réalisé que son éducation ne lui permettait pas d'occuper un office plus élevé comme celui de prévôt, voire de lieutenant.
Forces lorraines : les lansquenets
Le duc René II de Lorraine en exil à Strasbourg, ville libre impériale, utilise des mercenaires allemands, des lansquenets, pour répondre à la demande de Varin Doron. Leur âge d’or sera au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, ils sont à la solde de tous les princes et rois d’Europe. Leur mission achevée, ils peuvent rejoindre le camp adverse pour en entamer une autre ; l’essentiel étant de percevoir une solde. À défaut, pillage et autres exactions leur permettent de se payer eux-mêmes.
C’eût pu être le cas pour la campagne lorraine. On lit en effet dans le nobiliaire et armorial général de Lorraine de Pelletier que les troupes allemandes engagées par le duc lorrain étaient sur le point de "se débander" ; troupes au demeurant qui n'étaient pas mobilisées pour libérer Bruyères mais bien pour préparer la décisive bataille de Nancy.
Le Modèle:Date, le duc se rendant au secours de Nancy assiégé prit logis à Raon-l'Étape. Un certain Jean Bagadou de Saint-Léonard, dans les terres du Chapitre de Saint-Dié, lui offrit deux cent soixante-dix florins d'or pour payer ses lansquenets. Par ailleurs, plusieurs dames de Raon engagèrent leurs bijoux pour compléter la somme dont le duc avait besoin. Jean Bagadou dit Cachet fut anobli sous le titre honorifique de seigneur de Saint-Léonard. De ce petit anoblissement naîtront plusieurs branches de Cachet qui augmenteront leurs degrés de noblesse grâce aux offices obtenus et aux mariages convenus avec des filles d’autres familles nobles.
Étant de langue allemande, les lansquenets possèdent un interprète à demeure avec eux dès qu’ils quittent les terres germanophones. Ils fonctionnent en complète autonomie et disposent de leurs propres magistrats, leur intendance, leur aumônier. Épouses comme prostituées suivent en outre la colonne.
Le duc envoie 120 lansquenets. Le capitaine Harnaxaire ne vient donc pas avec toute sa compagnie. Le renfort représente 12 « escouades » ou « sections » (en allemand « rotten ») de 8 à 10 hommes conduites chacune par un maître de section, le rottmeister dont l'équivalent contemporain se situerait entre le grade de caporal-chef et de sergent.
Les lansquenets sont organisés tels que ci-dessous<ref>Fiedler, Fronspergers ”Kriegsbuch”, page 70, Frankfurt 1965. Au musée : Wehrgeschichtliches Museum Rastatt.</ref> :
- un régiment dirigé par un colonel ;
- dix compagnies dirigées respectivement par un capitaine ;
- quarante sections dirigées par un chef de section.
- dix compagnies dirigées respectivement par un capitaine ;
Une compagnie (en allemand « fähnlein ») compte environ 400 à 500 hommes, soit 40 escouades ou sections. Le capitaine est responsable d’une compagnie.
Il a à ses côtés :
- son lieutenant,
- son porte-drapeau,
- son adjudant,
- deux sergents,
- un greffier ou clerc,
- un aumônier (souvent protestant),
- un fourrier (sous-officier de l’intendance),
- un guide (rôle de l’éclaireur et du guide pour la route à prendre).
Description des faits en 1605
Melchior Bernard, imprimeur de Monseigneur le Duc de Lorraine intègre le récit de l' entreprise faite sur les Bourguignons tenant garnison au Château de Bruyères, de l’avis et sous la conduite d’un habitant du lieu dans un ouvrage de 1605<ref>Discours des choses advenues en Lorraine depuis le décès du Duc Nicolas, jusqu’à celui du Duc René, par Melchior Bernard, imprimeur de Modèle:Mgr le Duc de Lorraine, Pont-à-Mousson, 1605, Modèle:P., accessible sur [1]</ref>, dédié aux événements majeurs de l'histoire lorraine entre 1473 et 1508.
Origine du texte
En réalité, quel que soit l'ouvrage de référence que l'on prend, on reconnaît le même texte reproduit ci-dessous <ref name="Moréri1740">Modèle:Ouvrage</ref>,<ref name="(sieur)1737">Modèle:Ouvrage</ref>. Le texte qui semble avoir servi de source d'origine est celui de Amelot de la Houssaie, Histoire du règne de René, Duc de Lorraine, à l’an 1476. , mémoires, tome II. Les dictionnaires et ouvrages reprennent ce texte quasi mot pour mot.
Cette anecdote est reprise encore une fois et passée à la postérité par Dom Calmet qui la relate dans son ouvrage le plus connu, Histoire de la Lorraine ou en 1877 dans un opuscule d'une soixantaine de pages, intitulé "Varin Doron, de Bruyeres, et les gentilshommes de Laveline".
Le récit de la prouesse de Varin Doron en langue du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle est globalement compréhensible à tous<ref>Pour faciliter la lecture, ont été remis les J à la place des I dans "iamais", "iours" ; les V à la place des U dans "trouuver", "s'esmeroueiller" ; les U à la place des V dans "vn", "vne".</ref> Le texte permet de percevoir la langue écrite de l'époque avec les traces visibles de lotharingismes.
Récit
Références et sources
Annexes
Bibliographie
- Henri Lepage. Varin Doron, de Bruyères, et les gentilshommes de Laveline, 1877.
- Les Gentilshommes de Laveline, étude généalogique publiée en 1976 par Jacques Mathieu (membre fondateur du Cercle Généalogique de Lorraine), 1 vol. constitué de 6 cahiers, consultable aux Archives Départementales des Vosges et à l'Union des Cercles Généalogiques de Lorraine.
- Michel Parisse, Histoire de Lorraine, Éditions Ouest-France, 2005, Modèle:ISBN
- Une autre version du récit : Aubert Rolland, La guerre de René II duc de Lorraine… contre Charles Hardy duc de Bourgogne où sont détaillées la mort de Charles Hardy et la déroute de l'armée bourguignonne devant Nancy, 1742 - 348 pages [2]