William Labov

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Modèle:Infobox Linguiste

William Labov (né le Modèle:Date de naissance- à Rutherford, New Jersey) est un linguiste américain, considéré comme un des fondateurs de la sociolinguistique moderne, particulièrement dans son volet quantitatif. Son apport considérable a permis une redéfinition et une meilleure description de la variation linguistique, et prend plusieurs orientations majeures. Premièrement, il est, avec Uriel Weinreich et Modèle:Lien, un père de la linguistique variationniste, qui étudie le langage en le considérant comme sujet d'une inhérente variabilité, tout en étant ordonné dans son hétérogénéité. William Labov a également porté un éclairage social à l'évolution du langage au cours du temps, en expliquant la relation dynamique entre variation et changement. Il a par la suite introduit une nouvelle approche de la langue vernaculaire par le biais de l'analyse du texte narratif oral. Corollairement à son travail sur la variation linguistique, William Labov a enfin porté d'importantes contributions à la méthodologie de l'analyse de corpus en linguistique. Professeur à l'université de Pennsylvanie, il y poursuit actuellement des recherches en sociolinguistique et en dialectologie.

Biographie

Enfance et éducation

William Labov naît à Rutherford<ref name="HIGIL3">Modèle:Harvsp</ref>, une ville de l'agglomération new-yorkaise située à 30 minutes de Manhattan; il y passe les 12 premières années de son enfance<ref name="HIGIL3" />. Le déménagement qui s'ensuit n'entachera pas, par la suite, son sentiment d'appartenance à la communauté linguistique rutherfordienne<ref group="N">L'accent de Rutherford, dont se revendique William Labov, se caractérise d'après lui par une tendance à la chute de voyelle longues comme dans les mots 'mad' ou 'more' et par la prononciation de tous les /r/ finaux même en situation non contrôlée</ref>,<ref name="HIGIL3" />.

À 12 ans, en effet, William Labov s'installe avec sa famille à Fort Lee, une autre agglomération n'étant plus qu'à quelque 15 minutes de Manhattan et y étant relié directement par le pont George-Washington. Fort Lee est peuplée par une classe ouvrière essentiellement allemande et italienne<ref name="A Life of Learning1">Modèle:Harvsp</ref>,<ref name="HIGIL3" />. En termes d'habitudes de prononciation, elle se trouve directement sous l'influence de la ville de New York. Le jeune William vit avec une certaine peine ce changement de pratique, ce qui le mène, durant le lycée, à devoir endurer brimades et conflits<ref name="HIGIL3" />. Il noue toutefois, dans le même temps, des amitiés profondes<ref name="A Life of Learning1" />, et cette période exercera une influence forte sur la structuration de son identité<ref name="A Life of Learning1" />.

Fichier:Harvard Yard, Harvard University, Cambridge MA.jpg
C'est au Harvard College que William Labov étudie, entre 1944 et 1948.

William Labov déclare<ref name="HIGIL4">Modèle:Harvsp</ref> être entré en relation dès son adolescence avec des linguistes, qui, par après, inspireront certaines de ses théories. Il est ainsi mis indirectement en contact avec Henry Sweet, ancien philologue et phonéticien britannique de renom, lors que ce dernier inspire le rôle de professeur de prononciation qu'incarne Leslie Howard dans le film Pygmalion (1938)<ref group="N">Dans Pygmalion, Leslie Howard joue le rôle de Henry Higgins, un professeur qui fait le pari, avec l'un de ces collègues, de corriger les pratiques et le langage d'une jeune vendeuse de Piccadilly Circus pour en faire une femme de la haute société. Labov se déclare avoir été fasciné par la manière dont le professeur prend note au vol, sur son calepin, de la prononciation de la jeune fille.</ref>,<ref name="HIGIL4" />.

Entre 1944 et 1948, le jeune William délaisse la communauté dans laquelle il avait grandi, à Fort Lee, pour se rendre au Harvard College, dans le Massachusetts<ref name="A Life of Learning1" />. Il y suit un plan d'études en anglais et en philosophie, en complétant son programme par une option en chimie. Il décrira plus tard ce dernier choix comme alors mû par une « idolâtrie de la science »<ref group="N">C'est à son conseiller de recrutement de Harvard, John Wild, que Labov doit d'avoir qualifié ce choix de la chimie d'une « idolâtrie de la science ». Labov confirmera plus tard cette qualification : Modèle:Citation</ref>,<ref name="HIGIL5">Modèle:Harvsp</ref>, qui dès lors ne le quittera plus<ref name="HIGIL6">Modèle:Harvsp</ref>.

Première activité professionnelle (de 1949 à 1960)

Après avoir terminé des études de chimie industrielle à Harvard, William Labov commence sa carrière professionnelle en s'adonnant à l'écriture <ref name="HIGIL7">Modèle:Harvsp</ref>. Il perd et reprend dans une succession rapide plusieurs emplois, allant de la rédaction de résumés littéraires à la collecte d'informations pour des études de marché<ref name="HIGIL7" />.

Ce n'est qu'après quelques années, en 1949, qu'il parvient à un emploi fixe, en travaillant pour une entreprise familiale de production d'encre pour la sérigraphie<ref name="HIGIL7" />. Il y valorise ainsi ses connaissances en chimie en concevant de nouvelles formules et en participant à la réalisation d'encres complexes. Il nourrira durant ces années talent et passion sur le plan professionnel<ref name="HIGIL8">Modèle:Harvsp</ref>, tout autant qu'il en retirera une expérience positive sur les plans humain et personnel<ref name="HIGIL7" />,<ref name="HIGIL8" />,<ref name="A Life of Learning1" />.

Plus tard dans sa carrière, Labov reconnaîtra que ce travail concret dans l'industrie lui aura permis de développer certaines qualités, dont profiteront ses recherches en linguistique<ref name="A Life of Learning1" />. Premièrement, la conviction que la réalité est en mesure de mettre un raisonnement à l'épreuve<ref name="A Life of Learning1" />,<ref name="HIGIL8" />. Ensuite, que c'est par un enregistrement rigoureux et méthodique, qu'il est possible de prendre conscience des erreurs encourues<ref name="A Life of Learning1" />. Enfin, en raison de la camaraderie qu'il vécut avec les travailleurs de l'usine, il retirera une certaine proximité avec la classe ouvrière qui l'amènera bientôt à porter un nouveau regard sur les parlers vernaculaires<ref name="A Life of Learning1" />.

Après onze ans d'activité dans l'entreprise, William Labov quitte cependant son travail de concepteur d'encres sérigraphiques pour entreprendre de nouvelles études. C'est la nécessaire limitation de la communication intellectuelle prévalant dans le milieu industriel qui justifiera son abandon<ref name="HIGIL9">Modèle:Harvsp</ref>, un contexte de concurrence commerciale restreignant en effet fortement la diffusion des découvertes<ref name="HIGIL9" />,<ref name="A Life of Learning1" />.

Retour à l'université et doctorat (de 1961 à 1964)

Fichier:Columbiaphildept.jpeg
La faculté des lettres de l'université Columbia accueille Labov pour un doctorat en linguistique, réalisé sous la tutelle d'Uriel Weinreich.

William Labov reprend des études en linguistique anglaise en 1961<ref name="HIGIL9" />,<ref name="A Life of Learning1" />, en se présentant comme doctorant à l'université Columbia<ref name="A Life of Learning1" />. L'anglais était une partie de sa formation initiale, et la linguistique, en tant que discipline alors relativement jeune, attisait sa curiosité<ref name="HIGIL10">Modèle:Harvsp</ref>. Si les débats et les échanges d'idées sur l'origine et la structure du langage lui paraissent d'un grand intérêt<ref name="HIGIL10" />, il peut également bien vite poser un regard critique sur certaines démarches scientifiques auxquelles les linguistes avaient alors fréquemment recours<ref name="HIGIL10" />.

L'ancien chimiste industriel prend ainsi rapidement conscience qu'il pourrait tirer profit de son expérience professionnelle pour proposer une alternative à l'introspection des données<ref name="HIGIL10" />,<ref name="A Life of Learning1" />, qui prévalait jusqu'alors<ref name="A Life of Learning1" />,<ref group="N">Labov dira de l'introspection dans la démarche des linguistes de l'époque : Modèle:Citation étrangère</ref>. Ce tournant méthodologique, qu'il commence déjà à envisager dans le cadre de ses études, ne s'accompagne alors pas encore des deux autres mutations que, dans le même élan, il insufflera plus tard à la linguistique : d'une part, une revalorisation du parler des classes populaires, et d'autre part un rejet des jugements a priori sur la qualité des données collectées<ref name="HIGIL10" />.

Les années passées par William Labov à l'université Columbia se font en compagnie d'Uriel Weinreich, spécialiste du yiddish, qui y est alors responsable du département de linguistique<ref name="HIGIL11">Modèle:Harvsp</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>. C'est sous la tutelle de celui-ci que Labov présente, en 1963, sa thèse de doctorat<ref name="Auroux 2395" />, « The social stratification of English in New York City Department Stores », qu'il publiera trois années plus tard sous forme d'ouvrage, avec quelques modifications légères<ref name="Auroux 2395" />.

Uriel Weinreich, fils du linguiste Max Weinreich<ref name="Klingenstein 322" />, est issu d'une famille de juifs laïques émigrée de Lituanie aux États-Unis avant l'occupation russe<ref name="HIGIL11" />,<ref name="Klingenstein 322" />. À peine un an plus âgé que William Labov, Uriel Weinreich entretient avec lui une relation particulière. Labov lui reconnaîtra une influence importante sur le développement de ses idées en sociolinguistique <ref name="HIGIL10" />, à tel point qu'il avoue ne pas savoir Modèle:Citation Cette influence de Weinreich sera d'autant plus forte sur Labov qu'il décédera précocement d'un cancer, à l'âge de 41 ans, laissant à Labov des idées qu'il n'avait pas encore pu concrétiser<ref name="HIGIL11" />,<ref>Modèle:Harvsp</ref>.

Années à l'université Columbia (de 1964 à 1970)

Après la présentation de son doctorat, Labov obtient un poste de professeur à l'université Columbia, dans laquelle il enseigne entre 1964 et 1970.

Années à l'université de Pennsylvanie (depuis 1971)

Ensuite, il devient professeur de linguistique à l'Université de Pennsylvanie (1971). Il en devient le directeur du Laboratoire de Linguistique en 1977.

Travaux principaux

The social stratification of English in New York City

Fichier:Sakslogo.svg
La chaîne la plus luxueuse, Saks, est également celle dans laquelle le plus de /r/ sont réalisés.

La variation liée à la classe sociale dans la prononciation constitue un centre d'intérêt majeur pour Labov. Une étude fondatrice en la matière est celle qu’il a réalisée à propos de la prononciation du /r/ à New York, dans le cadre de sa thèse de doctorat, « The Social Stratification of English in New York City Department Stores » (1963, republié en ouvrage en 1966 sous le titre « The Social Stratification of English in New York City »). Il s’est rendu, pour la réaliser, dans trois chaînes de magasins de vêtements ciblant des clientèles socialement différentes : Saks Fifth Avenue, dont l’offre était catégorisée comme de luxueuse; Macy's adressée aux classes moyennes ; et Modèle:Lien ciblant les classes populaires. Ayant choisi les magasins de telle sorte qu’à chaque fois, les chaussures pour femmes soient vendues au quatrième étage (« fourth floor »), sa démarche d'investigation consistait à feindre de demander aux employés où se trouvaient ceux-ci. De là, il avait pour objectif d’étudier la variation de prononciation de cette même séquence, des classes supérieures aux classes populaires.

Le résultat de cette enquête a montré que la chaîne la plus luxueuse, Saks Fifth Avenue, est celle dans laquelle le plus de /r/ étaient prononcés. Cependant, la classe moyennes montre une hypercorrection en augmentant sa production de la variante prestigieuse et en surpassant la classe supérieure. En revanche, chez S. Klein, l’insistance sur la prononciation des /r/ est dans bien des contextes presque inexistante.

Sociolinguistic patterns

Fichier:Martha's Vineyard map.png
L'île de Martha's Vineyard.

William Labov, lors de vacances touristiques, se rend sur une petite île au large du Massachusetts, Martha's Vineyard. Durant son séjour dans cette île où le tourisme se développe depuis peu, il constate que l'enthousiasme des autochtones à recevoir les vacanciers fortunés varie considérablement d'une personne à l'autre. En outre, il note une variation typique de l’île (dans les diphtongues /a͜ʊ/ et /a͜ɪ/, présentes par exemple dans « mouse » et « mice »), qui est pratiquée d'une manière plus ou moins exagérée, ou plus ou moins modérée, selon les habitants.

Il fera l’objet de sa première recherche post-doctorale d’étudier une corrélation existant a priori entre ces deux phénomènes : les habitants favorables aux touristes semblent prononcer les deux diphtongues de la même manière que ceux-ci, dans un américain plus standard. Tandis que ceux qui leur sont plus défavorables, parmi lesquels les derniers marins de l’île dont l'activité de pêche au gros est à terme menacée par l'arrivée des touristes, auront tendance à conserver, voire à exagérer l’accent local.

Apports scientifiques et méthodologiques majeurs

Édification de la sociolinguistique moderne

William Labov conserve une influence de premier plan, particulièrement pour les études sociolinguistiques se réclamant de l'école anglo-saxonne. La méthodologie initiée par William Labov demeure également une référence pour tout travail en sociolinguistique quantitative ou de corpus.

William Labov est considéré comme le père de la sociolinguistique moderne. Il sera le premier à développer une étude de la variation dotée d’un arsenal descriptif véritablement performant (description quantitative, modèles théoriques,…). On lui doit de nombreuses études dans lesquelles il insiste sur des paramètres de variation linguistique jusqu'alors délaissés dans le cadre des études linguistiques. En dehors des variations géographiques (études des dialectes) et temporelles (histoire de la langue), Labov met en effet l'accent sur les variations diastratiques et diaphasiques, autant d'« axes » de la variation qui jusque-là avaient été délaissés par les linguistes. Les premières correspondent à des variations de la langue de nature sociale (liées au sexe, à l'âge, à la profession, à la position sociale, au niveau d'études...). Les secondes correspondent aux variations qui affectent le même locuteur en fonction de situations données (expression écrite ou orale, niveau de langue en fonction d'interlocuteurs différents)<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Selon Labov, la sociolinguistique doit être en mesure d’expliquer et de décrire les variations dans l’usage de la langue, tant à l’échelle microsociale (au niveau de l’individu et des relations interindividuelles) qu’à l’échelle macrosociale (au niveau d’une communauté entière). Il s’agit de décrire et d’expliquer les variations tant chez des individus pris séparément que dans un groupe plus large. On constate que le langage est le reflet des relations sociales, et qu'il joue un rôle de marqueur identitaire, ce dont la sociolinguistique doit être en mesure de rendre compte.

La sociolinguistique constitue une réaction à la position générativiste, selon lequel tout linguiste devait se placer au niveau de la compétence et non de la performance, et donc étudier uniquement la norme linguistique sans tenir compte de l'usage, perçu comme fuyant. La sociolinguistique a pour mission de montrer que contrairement à la vision générativiste du langage, la performance n’est pas aléatoire. La variation qui la conditionne en effet n’est pas libre, mais structurée par des règles sous-jacentes.

Mise en évidence du paradoxe de l'observateur

La question que pose alors Labov est de savoir si on peut réellement qualifier l'usage linguistique non standard d'appauvri, ou d'économe. Les précédentes études sur bande sonore qui avaient été menées aux États-Unis sur les locuteurs de variantes non standard semblaient en effet montrer que ces personnes maîtrisaient la langue à un degré moindre, et commettaient un certain nombre d'hésitations et d'erreurs même dans leur propre variante linguistique. C'est à ce qui fut dès lors observé comme une déformation linguistique que furent dès lors imputées des déficits cognitifs, plus spécifiquement pour les noirs américains dont on avait constaté des difficultés de scolarisation notoires dans le système américain.

William Labov a invalidé ce constat en soulignant qu'il résultait d'un artefact expérimental : les personnes enregistrées n’étaient en effet pas accoutumées aux conditions d'expérience qui leur étaient imposées. De fait, pour certains locuteurs, et particulièrement ceux de basse extraction sociale, le fait d'être enregistré et interrogé sur ses pratiques linguistiques par un individu s'exprimant dans une langue savante pouvait s'avérer psychologiquement déstabilisant, et conséquemment altérer les données recueillies. L’expérience avait, en réalité, toutes les chances d’être biaisée par les conditions de l’observation. Ce phénomène peut être rapproché de l'effet Hawthorne.

Labov va alors réaliser la même expérience, en en changeant les conditions. Il va se présenter aux jeunes noirs américains de manière informelle, autour d'un verre offert ou d'un paquet de chips, en évitant de piloter trop directement la conversation. En somme, l’observateur essaie de se fondre dans la communauté linguistique et de s’adapter à la personne interrogée. L’enquête ainsi réalisée par Labov va produire de tous autres résultats. On se rend compte que la compétence linguistique des personnes interrogées était élaborée, mais que leur problème est principalement une question de registre et de cadrage de l’interaction. Leur code est bien fonctionnel, et adapté à l’intérieur de la communauté utilisant une pratique uniforme, avec ses propres fonctionnements, et ce indépendamment du fait qu'il s'agisse d'une variante « non standard ».

En réalisant cette expérience, Labov a mis en évidence le problème méthodologique du Modèle:Lien : les données doivent refléter la manière dont la personne interagit dans un contexte réel de production. Avant lui, on négligeait le contexte en pensant qu’il suffisait de prendre un tiers informateur et de l’enregistrer. La contestation faite par Labov de cette approche a conduit à une reconsidération méthodologique et à un regard nouveau sur les variétés non standard.

Publications

Ouvrages

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Bibliographie

Notes et références

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Voir aussi

Articles connexes

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