Intentionnalité
Modèle:Homophone Modèle:Article connexe
Dans la philosophie contemporaine, en particulier dans les contextes de la phénoménologie et de la philosophie de l'esprit, l'intentionnalité (on trouve parfois aussi « intentionalité ») désigne la propriété pour un état mental de viser un objet ou, dit autrement, d'être « à propos de quelque chose » ou de « contenir quelque chose à titre d'objet ». Le petit Dictionnaire de la philosophie<ref>Modèle:Harvsp</ref> de Larousse donne la définition suivante : Modèle:Citation. Les pensées, les croyances, les désirs et les perceptions sont des exemples typiques d'états mentaux intentionnels.
Issu d'Aristote et de la philosophie médiévale, le concept d'intentionnalité est devenu une notion fondamentale en philosophie avec le philosophe et psychologue autrichien Franz Brentano, à la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle. C'est lui qui a élevé l'intentionnalité au statut de caractéristique centrale de l'esprit, en la qualifiant de « signature mentale ». Dans sa perspective, tout état psychique possède une intentionnalité, c'est-à-dire qu'il englobe quelque chose en tant qu'objet, bien que la manière dont cela se manifeste varie en fonction du type d'état en question. Au cours du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle siècle, cette idée est reprise aussi bien par la phénoménologie qu'au sein de la philosophie analytique.
En philosophie de l'esprit, la problématique de l'intentionnalité est généralement reliée, bien que de façon controversée, à celle de la conscience. La notion y est souvent équivalente à celle de représentation mentale.
Histoire du concept
Au Moyen Âge, Thomas d'Aquin<ref name="concepts p441">Modèle:Harvsp</ref> comprend cette relation Modèle:Citation. Les philosophes médiévaux<ref>Modèle:Harvsp</ref> l'ont utilisé non pas pour Modèle:Citation. Par contiguïté l'intentionnalité pourra se charger du sens latin d' intentio, c'est-à-dire pensée, concept, idée, signification. Va traduire aussi le grec logos, au sens de forme (comme dans l'expression « l'intention d'une chose », intentio rei) et de formule (comme dans l'expression : « l'intention d'homme » est animal-raisonnable-mortel-bipède)<ref>Alain de Libera, La querelle des universaux, Seuil, 1996, p. 499,« Intentio », in Dictionnaire du Moyen Âge, PUF, 2002, p. 722.</ref>. Thomas d'Aquin usera de cette polysémie et fera de l'intentio, dans le domaine intellectuel, la notion de la chose telle qu'elle est connue et appréciée par l'intellect, c'est-à-dire sa représentation<ref>Thomas d'Aquin, Somme contre les Gentils, I, chap. 53, Modèle:N°</ref>.
Penseurs du concept
Brentano
Au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Franz Brentano, remet le concept d'intentionnalité au centre de la pensée philosophique. Pour Franz Brentano<ref>Modèle:Harvsp</ref>, l'intentionnalité est le critère permettant de distinguer les « faits » psychiques des « faits » physiques : tout fait psychique est intentionnel, c'est-à-dire qu'il contient quelque chose à titre d'objet, bien que ce soit toujours d'une manière différente (croyance, jugement, perception, conscience, désir, haine, etc.) Le Dictionnaire des concepts constate que cette exclusivité est contestée par certains, au motif que tous les verbes transitifs, psychologiques ou non, possèdent les mêmes traits. Les verbes « chauffer » et « découper » qui ne sont pas des verbes psychologiques impliquent un objet qui soit chauffé ou découpé. Modèle:Citation<ref name="concepts p441" />,<ref group="N">Par ailleurs l'usage de l'intentionnalité comme critère du mental affirmée par Franz Brentano a été abondamment critiqué : il y a des faits physiques qui sont intentionnels (un tableau, une photo, un texte) et des faits psychiques non intentionnels (un sentiment d'exaltation, d'angoisse, plus généralement l'ensemble des qualia). Ainsi l'intentionnalité ne serait une condition ni nécessaire ni suffisante de l'activité mentale ou de la conscience, bien qu'elle y occupe une place importante</ref>. Loin d'être un simple critère formel, Husserl dans la Krisis<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, reconnaît Modèle:Citation.
Husserl
Pour Edmund Husserl<ref>Modèle:Harvsp</ref>, Modèle:Citation.
Husserl critique chez Brentano la distinction entre perception externe et perception interne, qui pour lui conduit à consolider le dualisme<ref group="N"> À la distinction entre perception externe et perception interne, il substitue la distinction transversale entre perception adéquate et perception inadéquate</ref>, avec le risque d'aligner la perception interne sur la perception externe et de faire du vécu un « objet mental »<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>. Husserl met en évidence la multiplicité des modes intentionnels qui gouvernent notre relation au monde : pensée, perception, imagination, volonté, affectivité, impression, rêve, etc. sont tous des modes différents par lesquels notre subjectivité opère.
L'intentionnalité devient un « vécu », Modèle:Citation, elle est à comprendre, à la fois comme visée (direction, fléchage) mais aussi Modèle:Citation de sens<ref>Modèle:Harvsp</ref>. De plus, comme le note Paul Ricœur<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, dans le processus phénoménologique l'intentionnalité prend deux sens : avant la réduction elle est une rencontre ; après, elle est une constitution.
L'analyse intentionnelle, telle que définie au § 20 des Méditations cartésiennes, est l'opération qui consiste à Modèle:Citation, écrit Jean-François Lavigne<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Là où Husserl rejoint Brentano c'est que Modèle:Citation, écrit Hubert Dreyfus<ref name="Dreyfus p289">Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>. Dans les Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps Husserl<ref>Modèle:Harvsp</ref> donne la précision suivante : Modèle:Citation.
Entre Husserl et son élève Heidegger, l'intentionnalité et son interprétation auraient constitué, selon Hubert Dreyfus, le véritable enjeu.
Heidegger
L'argument le plus radical qu'oppose Heidegger à ses prédécesseurs est que cette définition de l'intentionnalité présuppose , une « intentionnalité » plus fondamentale, non dite, qu'il va s'attacher à porter au jour.
Heidegger soutient que les êtres humains (les Dasein) se rapportent aux « étants » à travers l'expérience quotidienne (l'activité pratique corporelle est le mode fondamental par lequel le sujet prête sens aux objets), activité qui suffit à ouvrir le monde délaissant ainsi la vision traditionnelle et husserlienne de « vécus intentionnels », c'est-à-dire le recours à des actes de reconnaissance psychiques<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>. L'intentionnalité n'est plus conçue comme un acte psychique visant une individualité. Dans la pensée heideggérienne, l'intentionnalité sans contenu mental auto-référentiel caractérise le mode non contraint de l'activité quotidienne du Dasein, alors que l'intentionnalité des états mentaux est un mode dérivé, et que ces deux modes de directionalité (transcendance ontique) présupposent une transcendance plus originaire : qui sera dans sa pensée « l'être-au-monde »<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>,<ref group="N">Modèle:Citation écrit-Modèle:Harvsp</ref>.
Si Heidegger conçoit que la directionalité intentionnelle soit essentielle à l'activité humaine, Modèle:Citation<ref group="N">Une analyse plus approfondie montrerait Modèle:Citation-Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>. Modèle:Citation, écrit Hubert Dreyfus cité par Denis Fisette<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>.
Hubert Dreyfus<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref> remarque, que le système de Husserl présuppose dans la lignée de Kant, la mise en œuvre d'une « synthèse » mentale pour recevoir et unifier la succession des perspectives visuelles (les « esquisses ») lorsque l'on tourne mentalement autour de l'objet<ref group="N">Au niveau de la constitution d'un objet singulier dans la perception, Husserl parle d'une révélation fragmentaire et progressive de la chose. Cela tient à l'essence même de la conscience empirique qu'une chose se confirme sous toutes ses faces, continuellement en elle-même de manière à ne former Modèle:CitationModèle:Harvsp</ref>, c'est-à-dire que pour Husserl la théorie précède la pratique. Avec Heidegger Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>.
Pour éviter tout danger de retour au dualisme sujet/objet, Heidegger privilégie, le terme de « comportement » (manière d'être de l'être humain vis-à-vis des choses) en lieu et place du terme « intentionnalité ». Le comportement ou l'intentionnalité concerne non plus les actes de la conscience mais l'activité humaine en général ; l'intentionnalité n'est plus attribuée à la conscience mais au Dasein<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>. Dans cette vision la connaissance n'est plus considérée comme fondamentale, Modèle:Citation écrit Heidegger cité par Hubert Dreyfus<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>. Ainsi, la façon traditionnelle de rendre compte de l'intentionnalité quotidienne négligerait un mode d'être plus fondamental<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>.
L'intentionnalité, dans sa forme traditionnelle, restera le concept clé de la phénoménologie et de l'existentialisme au long du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle. Jean-Paul Sartre par exemple, s'inspire largement de ce concept, qu'il considère comme étant « l'idée fondamentale de la phénoménologie », comme « éclatement au monde »<ref>Jean-Paul Sartre, Situation I, Gallimard, Paris, janvier 1939, p. 30-33</ref>.
Contours et significations du concept
Comme le remarque le Husserl de la Krisis<ref>Modèle:Harvsp</ref>, dans la vie de conscience on ne trouve pas de « data-de-couleur », (des faits), de « data-de-son », de « data-de-sensation », mais on trouve ce que déjà Descartes découvrait, le cogito, avec ses cogitata, autrement dit l'intentionnalité, je vois un arbre, j'entends le bruissement des feuilles, c'est-à-dire, non un objet dans une conscience mais une « conscience de ». Toute conscience est « conscience de quelque chose ». Hubert Dreyfus<ref name="Dreyfus p289" /> écrit Modèle:Citation. Pour Husserl, il s'agit de penser le « vécu de conscience » comme une intention, la visée d'un objet qui demeure transcendant à la conscience<ref group="N">Modèle:Citation-Modèle:Harvsp</ref>. C'est pourquoi on relève chez Husserl une double intentionnalité : Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Comme le souligne Renaud Barbaras<ref>Modèle:Harvsp</ref> Modèle:Citation.
Il y a aussi dans le concept d'« intentionnalité », l'idée d'un fléchage vers un objet transcendant<ref group="N">Modèle:Citation-Modèle:Harvsp</ref>. Comme le remarque Dan Zahavi<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne|</ref>, Modèle:Citation. À ce point de vue , Husserl s'inscrit encore dans l'interprétation traditionnelle comme quoi la théorie précède la pratique et que la perception et l'action impliquent l'activité mentale. Hubert Dreyfus<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref> relève, sur ce sujet, l'opposition entre Husserl et Heidegger. Pour ce dernier Modèle:Citation.
Dans cette conception il n'y a plus deux choses, une chose transcendante, l'objet réel, et une autre immanente à la conscience qui serait comme un objet mental, mais une seule et même chose, l'objet en tant qu'il est visé par la conscience. Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>. Le philosophe Jan Patočka<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref> élargit le propos en affirmant que Modèle:Citation et que toute relation aux autres ou au monde est de l’ordre d’une « visée » qui qualifie tout ce qui relève de la sensation, de la perception puis du jugement.
Husserl distingue dans la Krisis<ref>Modèle:Harvsp</ref>, des Modèle:Citation. Même élargie, à travers la notion d'« intentionnalité d'horizon », il reste une intentionnalité inconsciente qui participe de la vie d'ensemble et en détermine le fonctionnement<ref group="N">Modèle:CitationModèle:Harvsp</ref>.
Emmanuel Levinas<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref> souligne l'originalité de cette reprise moderne du concept d'intentionnalité et résume Modèle:Citation. En foi de quoi le thème de la saisie de l'objet par la conscience qui motive les théories de la connaissance s'avère définitivement être un faux problème. Emmanuel Housset<ref>Modèle:Harvsp</ref> souligne l'importance de ce concept : Modèle:Citation
Rudolf Bernet<ref>Modèle:Harvsp</ref> signale chez Maurice Merleau-Ponty une accentuation Modèle:Citation.
Intentionnalité et intensionnalité
Modèle:Article détaillé Les philosophes analytiques ont essayé de rapprocher l'intentionnalité du concept linguistique d'intensionnalité (avec un S), qui est une caractéristique de certaines propositions : les propositions intensionnelles (par opposition aux propositions extensionnelles) ne satisfont pas certaines règles de substituabilité extensionnelle. Ainsi, de façon similaire à ce qu'explique Gottlob Frege dans son célèbre article Sens et dénotation, « Pierre croit que la Corse est au sud de la France » n'est pas équivalent à « Pierre croit que l'île de Beauté est au sud de la France » si Pierre ignore que l'île de Beauté est la Corse.
Toutefois, ce rapprochement a été critiqué, notamment par John Searle. En effet, l'intensionnalité est un critère linguistique qui concerne des propositions, c'est-à-dire une façon d'exprimer les choses, alors que l'intentionnalité caractérise des phénomènes. Un état intentionnel peut être exprimé extensionnellement, et un fait extensionnel peut être exprimé intentionnellement (exemple : dans « 9 est nécessairement supérieur à 5 », on ne peut remplacer « 9 » par « le nombre des planètes du système solaire » ; c'est donc une proposition intensionnelle qui ne concerne pas un fait intentionnel).
Références
Notes
Liens externes
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Bibliographie
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- Jacques English, Sur l'intentionnalité et ses modes, PUF, 2006, 339 p. Modèle:ISBN.
Articles connexes
- Intentionnalité (philosophie analytique)
- Moi transcendantal
- Phénoménologie de la perception (Merleau-Ponty)
- Lexique de phénoménologie
- Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps
- Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures
- La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale
- Méditations cartésiennes
- L'idée de la phénoménologie
- De la phénoménologie