Adaptation (biologie)
En biologie, l'adaptation peut se définir d’une manière générale comme l’ajustement fonctionnel de l’être vivant au milieu, et, en particulier, comme l’appropriation de l’organe à sa fonction.
L’adaptation correspond à la mise en accord d'un organisme vivant avec les conditions qui lui sont extérieures. Elle perfectionne ses organes, les rend plus aptes au rôle qu’ils semblent jouer dans la vie de l’individu. Elle met l’organisme tout entier en cohérence avec le milieu.
En biologie évolutive, une adaptation est définie comme la modification d’un caractère anatomique, d’un processus physiologique ou d’un trait comportemental dans une population d’individus sous l’effet de la sélection naturelle, le nouvel état de ce caractère améliorant la survie et le succès reproductif des individus qui en sont porteurs<ref>Voir Les Mondes Darwiniens, éd. Syllepses, 2009, Chapitre 4 « Adaptation » : « L’adaptation peut-être définie de manière complète comme un caractère nouveau apparu chez un organisme et maintenu par la sélection naturelle » (Philippe Grandcolas, Modèle:P.).</ref>.
Le mot
Modèle:Autres projets Jusqu’au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, les naturalistes n’employaient pas le terme d’« adaptation » ; ils lui préféraient les mots de « convenance » et d’« harmonie ». Ce dernier reflète les idées finalistes qui, alors étaient très majoritaires.
Dérivé d'« adapter » et de « s'adapter », le terme d’« adaptation » désigne indifféremment le processus (qui peut prendre plusieurs millions d'années) ou le résultat du processus (le cou de la girafe). Il est parfois utilisé comme synonyme de « sélection ».
Il est souvent confondu avec « exaptation », ex « pré-adaptation ».
Les six situations épistémologiques
Le zoologue systématicien Guillaume Lecointre distingue six situations :
« Dans la langue courante, le mot "adaptation" est entendu tantôt comme processus à l'œuvre dans les systèmes vivants, tantôt comme résultats concrets émanant de ce processus.
« D'autre part, et indépendamment de cette division, l'adaptation ou l'adjectif "adapté" sont indistinctement assignés soit à un trait particulier isolé, soit à un organisme entier mais pris individuellement, soit encore à l'espèce avec sa dimension populationnelle.
« En croisant ces deux prismes, six situations épistémologiques apparaissent.
Lorsque l'on considère l'échelle populationnelle et les relations interspécifiques, l'adaptation comme processus est un succès reproductif différentiel entre variants obtenu par sélection naturelle. L'adaptation comme résultat est un état dérivé de caractère conférant un avantage testable dans un milieu donné »<ref name="Lecointre 2010">Guillaume Lecointre, « L'adaptation et ses alternatives », dans : L'homme peut-il s'adapter à lui-même ? Muséum national d'histoire naturelle, Paris, 29-30 octobre 2010</ref>.
Les variantes de l'adaptation
Guillaume Lecointre<ref name="Lecointre 2010" /> après avoir distingué d'une part les structures primitives et les structures dérivées et, d'autre part, la fonction primitive et la fonction dérivée met en évidence quatre variantes :
Fonction primitive | Fonction dérivée | |
---|---|---|
Structure primitive |
Préadaptation ex : plumes des théropodes (dinosaures, etc) |
Exaptation ex : plume des oiseaux |
Structure dérivée |
Transaptation = perfectionnement de la fonction globale ex : œil des bilatériens |
Adaptation ex : protéines antigel des notothénioïdes (les morues) |
Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Les grands théoriciens
Bernardin de Saint-Pierre
Modèle:Article détaillé Bernardin de Saint-Pierre est certainement celui qui a exprimé de la manière la plus naïve et caricaturale le finalisme anthropocentrique qui serait, selon lui, à l’œuvre dans la nature : Modèle:Citation bloc
Et de fait, c'est pour échapper à la téléologie voyant une finalité (divine ou non) dans la nature que la notion d'adaptation a été développée portant le débat aux frontières de la métaphysique.
Jean-Baptiste de Lamarck
Modèle:Article détailléNaturaliste français qui est l'un des premiers à élaborer une théorie sur l'apparition des êtres vivants par évolution naturelle.
Charles Darwin
Modèle:Article détaillé La notion d’adaptation est au cœur de la théorie de l’évolution par sélection naturelle inventée par Charles Darwin (sous le terme anglais Modèle:Lang, ou plus tard Modèle:Lang).
August Weismann
Modèle:Article détailléBiologiste prussien spécialisé dans le domaine de l'évolution biologique. Il est l'auteur de la théorie sur la continuité du plasma germinatif.
Lucien Cuénot
Modèle:Article détaillé C'est pourquoi Lucien Cuénot, un des premiers darwinien français écrivait en ouverture de son ouvrage L'Adaptation (1925), Modèle:P. : Modèle:Citation bloc
Cuénot n'a pas prétendu apporter une réponse à cette épineuse question, il se contente de signaler son existence. Toutefois, l'école néodarwinienne se défend d'être finaliste et assure que l'adaptation, bien qu'elle ressemble à un phénomène dirigé, est exempte de toute téléologie. Le jeu des forces naturelles qui interviennent dans la sélection naturelle suffit à en rendre un compte exact et précis.
Évidemment, quand un être vit, prospère et se perpétue dans un milieu donné, sa structure et ses fonctions sont telles qu'elles permettent la vie ; autrement dit, il n'existe pas de désaccord entre elles et le milieu extérieur. Cette approximation autorise, à elle seule, à affirmer qu'il existe un minimum d'adaptation entre l'être organisé et son milieu. Considérons la faune d'un biotope limité, une mare, une plage marine, etc., nous voyons que les animaux qui la composent appartiennent à des types d'organisation très variés. Des solutions tout à fait différentes permettent donc l'ajustement de l'être vivant à son milieu et l'épanouissement de la vie. L'adaptation est rarement une notion ayant une valeur absolue ; elle présente toujours un caractère relatif.
Trois types d'adaptation
Lucien Cuénot distingue trois types d'adaptations successives :
- l'accommodation ou adaptation ponctuelle de l'individu à un milieu ;
- l'acclimatation ou adaptation d'un groupe établi de manière durable dans un milieu ;
- la naturalisation ou l'adaptation de l'espèce à un milieu où elle s'est établie de manière définitive.
En outre, il considère aussi l'adaptation statistique ou adaptation physiologique et éthologique qui se traduit par une convergence des formes (par exemple, le requin et le dauphin) des organismes vivant dans des milieux semblables ou des organes (par exemple, l'œil chez la pieuvre et chez les mammifères) chargés de remplir la même fonction, mais appartenant à des lignées différentes.
Les limites de l'adaptation
Il met aussi en évidence les Limites de l'adaptation, notamment à travers les Organes inutiles, les Organes utilisés mais non nécessaires, ou encore les Organes mal faits et les fonctions nuisibles que sont par exemple les Organes hypertéliques, c'est-à-dire démesurés et encombrants. Le grand Cerf Mégalocéros du Quaternaire d'Irlande développa ainsi des bois surdimensionnés atteignant Modèle:Unité d'envergure, mais en fait conformes au développement de la taille de son corps.
Au sujet des limites de la notion d'adaptation, Cuénot conclut ainsi (Modèle:P. : Modèle:Citation bloc
En effet, la notion d'adaptation est devenue en quelque sorte la tarte à la crème de la biologie évolutive, elle est systématiquement convoquée, conjointement à la sélection naturelle, pour expliquer les particularités des êtres vivants, alors que les études éthologiques qui pourraient en confirmer la pertinence sont inexistantes ou impossibles à mener (cas des fossiles).
Étienne Rabaud
Modèle:Article détaillé Étienne Rabaud (ca. 1941) est un des biologistes qui ont critiqué la notion d'adaptation (et à travers elle le mécanisme de la sélection naturelle) de la manière la plus radicale : Modèle:Citation bloc
Rabaud remarque également que les explications concernent souvent des organes isolés, alors que l'organisme forme un tout, et que plus rarement encore des comparaisons sont faites entre les êtres vivants ayant des dispositions analogues, afin de déterminer la réalité de l'avantage ou du rôle que joue l'organe pour les êtres vivants concernés. Il constate également que les interprétations mises en avant pour justifier l’existence d’une particularité chez une espèce ne tiennent généralement pas compte du fait que d’autres espèces vivant dans le même milieu n’ont pas cette disposition supposée avantageuse, voire ont la disposition opposée et ne s’en portent pas plus mal.
Une notion trompeuse
Il en conclu que la notion d'adaptation est trompeuse et qu'elle est un obstacle à l'étude plus fine et plus précise des rapports effectifs des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. Pour lui, la notion d'adaptation induit à prendre les conséquences pour les causes et inversement : ce n'est pas parce que l'être vit dans un milieu qu'il y est adapté, mais c'est plutôt parce qu'il y trouve de quoi vivre, qu'il est en adéquation avec les conditions, qu'il habite dans ce milieu.
Pour Rabaud, l'environnement n'est pas uniquement une contrainte qui s'impose à l'organisme, c'est aussi et avant tout l'espace où peut se déployer son activité autonome : l'être vivant n'est pas adapté au milieu ; c'est le contraire, il trouve dans le milieu les éléments spécifiques qui lui permettent d'assurer sa subsistance. L'analogie du vivant avec une machine induit à négliger et tend à faire oublier le caractère actif des êtres vivants dans la quête de leurs subsistances (particulièrement évidente chez les animaux), c'est-à-dire l'autonomie du vivant par rapport à son milieu.
Stephen Jay Gould
Guillaume Lecointre
Adaptabilité
Selon les modèles théoriques, le rôle de l'adaptation dans l'évolution biologique est plus ou moins important. Selon la perspective du paradigme adaptationniste, il s'agit du principal facteur de transformation des espèces.
On parle d'adaptabilité pour désigner la plasticité de certaines espèces face aux forces de l'évolution.
Notes et références
Voir aussi
Bibliographie
1920
- Étienne Rabaud, L'Adaptation et l'évolution, éd. Chiron, 1922.
- Lucien Cuénot, L'adaptation, éd. Doin, 1925.
1930
- Étienne Rabaud, Zoologie biologique, éd. Gauthier-Villars, 1934.
1940
- Invention et finalité en biologie, éd. Flammarion, 1941.
- Étienne Rabaud, Introduction aux sciences biologiques, 1941.
- Étienne Rabaud, Transformisme et adaptation, éd. Flammarion, 1942.
1970
- Stephen Jay Gould & Richard C. Lewontin (1979). "The Spandrels of San Marco and the Panglossian Paradigm: A Critique of the Adaptationist Programme" Proc. Roy. Soc. London B 205 (1979) Modèle:P.581-598.
1980
- Edgar Morin, La vie de la vie, Seuil, 1980.
- Stephen Jay Gould & Richard C. Lewontin (1982). "L’adaptation biologique: les trompes de l'églises San Marco et le paradigme panglossien", La Recherche 13(139).1494-1502.
1990
- Stephen Jay Gould (1997). "The exaptive excellence of spandrels as a term and prototype" Proceedings of the National Academy of Sciences USA. 94: 10750-10755.
- Humberto Maturana, Jorge Mpodozis, De l'origine des espèces par voie de la dérive naturelle. La diversification des lignées à travers la conservation et le changement des phénotypes ontogéniques, Presses Universitaires de Lyon, 1999.
2000
- Ghislaine Cleret de Langavant, Bioéthique. Méthode et complexité, Presses de l'Université du Québec, 2001.
- Stephen Jay Gould, La vie est belle. Les surprises de l'évolution, Seuil, 2004.
2005
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- Marius Mukungu Kakangu, Vocabulaire de la complexité : Post-scriptum à La Méthode d'Edgar Morin, L'Harmattan, 2007, Modèle:P..
- Christian Lévêque, La biodiversité au quotidien. Le développement durable à l'épreuve des faits, Quae, 2008.
- Thomas Heams, Philippe Huneman, Guillaume Lecointre, Marc Silberstein, Les mondes darwiniens. L'évolution de l'évolution, Syllepses, 2009.
- Jean-Luc Picq, Biologie pour psychologues, De Boeck, 2009.
- Guillaume Lecointre…Belin, 2009.
2010
- Pascal Picq, Il était une fois la paléoanthropologie., Odile Jacob, 2010,
- Pascal Picq, Un paléoanthropologue dans l'entreprise. S'adapter et innover pour survivre, Eyrolles, 2011.
- Guillaume Lecointre, L'évolution, question d'actualité ?, Quae, 2014.