Groupe abélien
En mathématiques, plus précisément en algèbre, un groupe abélien (du nom de Niels Abel), ou groupe commutatif, est un groupe dont la loi de composition interne est commutative. Vu autrement, un groupe commutatif peut aussi être défini comme un module sur l'anneau commutatif <math>\mathbb{Z}</math> des entiers relatifs ; l'étude des groupes abéliens apparaît alors comme un cas particulier de la théorie des modules.
On sait classifier de façon simple et explicite les groupes abéliens de type fini à isomorphisme près, et en particulier décrire les groupes abéliens finis.
Définition
On dit qu'un groupe <math>(G, \star)</math> est abélien, ou commutatif, lorsque la loi de composition interne du groupe est commutative, c'est-à-dire lorsque :
Notation additive
La loi d'un groupe commutatif est parfois notée additivement<ref name=Godement113/>, c'est-à-dire par le signe +. Quand cette convention est adoptée, l'élément neutre est noté 0, le symétrique d'un élément x du groupe est noté –x et, pour tout entier relatif n, on note :
- <math>nx=\left\{\begin{matrix}
\underbrace{x+x+\ldots+x}_{n\ \mathrm{fois}}&\text{si}&n>0,\\ -(|n|x)=|n|(-x)=\underbrace{-x-x-\ldots-x}_{|n|\ \mathrm{fois}}&\text{si}&n<0,\\ 0&\text{si}&n=0. \end{matrix}\right.</math>
Exemples
- Les groupes monogènes, c'est-à-dire le groupe additif (ℤ, +) des entiers et le groupe additif (ℤ/nℤ, +) des entiers modulo n.
- Le groupe additif (ℝ, +) des nombres réels et le groupe multiplicatif (ℝ*, ×).
- Un point O étant fixé dans le plan, l'ensemble des rotations de centre O muni de la composition est un groupe abélien<ref name=Jacobson/>.
- Tout sous-groupe d'un groupe abélien est abélien. Il est par ailleurs distingué et on peut donc considérer le groupe quotient, qui est également abélien.
- Soit G un groupe (pas nécessairement abélien) et H un groupe abélien noté additivement. Pour f et g applications de G vers H, on définit leur somme f + g par (f + g)(x) = f(x) + g(x). Muni de cette opération, l'ensemble Hom(G, H) de tous les morphismes de groupes de G vers H est lui-même un groupe abélien<ref name=Cohn261/>.
- Tout ensemble non vide peut être muni d'une structure de groupe abélien<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> (pour les ensembles infinis, l'axiome du choix est indispensable<ref>Modèle:Article.</ref>).
Un résultat original (d'après un exercice de Jean-Pierre Serre)
Un groupe <math>G</math> est abélien si et seulement si la loi de composition interne de <math>G</math> (<math>G\times G</math> étant muni de la loi de groupe-produit) est un homomorphisme.
En voici une démonstration.
Démonstration. Soit <math>G</math> un groupe, de loi multiplicative <math>\cdot</math>. Notons <math>\varphi:G\times G \to G,\; (x,y)\mapsto xy</math> ladite loi. Supposons que <math>G</math> est abélien, et soit <math>x,y,x',y'\in G</math>. Alors<math>\varphi((x,y)\cdot (x',y'))=\varphi((xx',yy'))=(xx')\cdot(yy')=x(x'(yy'))
=x((x'y)y')=x((yx')y') </math>
<math>=x(y(x'y'))=(xy)(x'y')=\varphi((x,y))\varphi((x',y'))</math>. Ainsi <math>\varphi</math> est-elle un homomorphisme. Réciproquement, supposons que la loi soit un homomorphisme. Dès lors, pour tous <math>x,y\in G</math>, on a <math>\varphi((1_G,x)\cdot(y,1_G))=\varphi((1_G,x))\varphi(y,1_G))=(1_Gx)(y1_G)=xy</math>. Or, par définition du groupe-produit, on a <math>\varphi((1_G,x)\cdot(y,1_G))=\varphi((1_Gy,x1_G))=\varphi((y,x))=yx</math>. Ainsi a-t-on <math>xy=yx</math>: le groupe <math>G</math> est abélien. On conclut.
Les groupes abéliens comme modules sur l'anneau des entiers
Pour x élément d'un groupe abélien noté additivement et n entier relatif, on a défini plus haut l'élément nx du groupe. Le groupe apparaît ainsi comme un module sur l'anneau ℤ des entiers. Réciproquement, tout ℤ-module s'obtient de cette façon<ref name=Godement167/>.
Ce procédé permet de concevoir la théorie des groupes commutatifs comme un cas particulier de la théorie des modules<ref name=Godement167/>,<ref name=Cohn326/> ; en sens opposé certains résultats énoncés dans le cadre des groupes commutatifs peuvent être généralisés à des classes de modules plus larges, notamment la classe des modules sur un anneau principal. Ainsi un recyclage de la preuve du théorème de structure des groupes abéliens de type fini permet de prouver un théorème analogue valable sur un anneau principal quelconque, lui-même applicable à de tout autres questions -notamment la classification à similitude près des matrices à coefficients dans un corps commutatif.
Classes remarquables de groupes abéliens
Groupes abéliens libres
Modèle:Article détaillé On appelle groupe abélien libre un groupe abélien qui est libre en tant que ℤ-module (et non pas en tant que groupe), c'est-à-dire qui possède une base.
Comme les espaces vectoriels, les groupes abéliens libres sont classifiés (à isomorphisme près) par leur rang, défini comme le cardinal d'une base, et tout sous-groupe d'un groupe abélien libre est lui-même abélien libre<ref name="LangAppendice"/>. Tout groupe abélien est donc isomorphe au quotient d'un groupe abélien libre par un sous-groupe abélien libre.
Groupes abéliens de type fini
Ce sont, par définition, les groupes abéliens qui possèdent une partie génératrice finie : ainsi notamment les groupes abéliens finis et les réseaux d'un espace euclidien.
Les produits finis, les quotients, mais aussi les sous-groupes des groupes abéliens de type fini sont eux-mêmes de type fini<ref name="Lang153"/>. Un théorème de structure des groupes abéliens de type fini permet d'expliciter la liste complète de ces groupes à isomorphisme près ; il montre notamment que tout groupe abélien de type fini est un produit fini de groupes cycliques<ref name="Kurosh"/>. En particulier, un groupe abélien de type fini qui n'a aucun élément d'ordre fini (hormis le neutre) est abélien libre<ref name="Cohn281"/>.
Groupes divisibles
Un groupe abélien G est dit divisible lorsque pour tout entier n > 0, G = nG. Les archétypes en sont le groupe additif ℚ des nombres rationnels et les p-groupes de Prüfer. Un théorème de structure des groupes abéliens divisibles montre que tout groupe divisible est somme directe (finie ou infinie) de copies de ces modèles<ref name="Rotman_323"/>.
La catégorie des groupes abéliens
Modèle:Voir La catégorie de tous les groupes abéliens est le prototype d'une catégorie abélienne<ref name=Cohn74/>.
Décidabilité
Modèle:Lien, étudiante de Tarski, a démontré en 1955 que la théorie du premier ordre des groupes abéliens est décidable (contrairement à la théorie du premier ordre des groupes)<ref>Modèle:Article.</ref>.
Références
<references> <ref name=Godement113>Modèle:Ouvrage.</ref> <ref name=Jacobson>Modèle:Ouvrage (reprint of Freeman 1974 Modèle:2e éd.).</ref> <ref name=Cohn261>Modèle:Ouvrage.</ref> <ref name=Godement167>Modèle:Harvsp.</ref> <ref name=Cohn326>Modèle:Harvsp.</ref> <ref name=LangAppendice>Voir Modèle:Lang1, appendice 2, §2 (en utilisant le lemme de Zorn) pour un module libre de rang quelconque. Le cas particulier d'un module libre de rang fini sur un anneau euclidien est traité dans l'article Théorème des facteurs invariants.</ref> <ref name=Lang153>Modèle:Harvsp (pour les sous-groupes, seul point un peu délicat).</ref> <ref name="Kurosh">Cette version édulcorée du théorème de classification est explicitement imprimée dans Modèle:Ouvrage.</ref> <ref name=Cohn281>Modèle:Harvsp.</ref> <ref name="Rotman_323">Modèle:Rotman1, Modèle:2e éd., 1973, th. 9.14, Modèle:P..</ref> <ref name=Cohn74>Modèle:Ouvrage.</ref> </references>
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
Liens externes
- Modèle:Lien web (chap. 4 d'un cours de maîtrise)
- Modèle:Lien web