Martingale (calcul stochastique)
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Une martingale est une séquence de variables aléatoires <math>X_t</math> (autrement dit un processus stochastique), telles que l'espérance mathématique <math>E(X_t)</math> à l'instant <math>t</math> , conditionnellement à l'information disponible à un moment préalable <math>s</math>, notée <math>F_s</math>, vaut <math>E(X_t|F_s) = X_s</math> (avec <math>s \leq t</math>).
En particulier, dans un processus discret (t entier), <math>E(X_{t+1}|X_0, X_1,... X_t) = X_t</math>.
Une martingale peut modéliser les gains / pertes accumulés par un joueur au cours de répétitions indépendantes d'un jeu de hasard à espérance nulle (même si le joueur s'autorise à modifier sa mise en fonction des gains passés), d'où l'emprunt du terme martingale au monde du jeu.
On dira que <math>X</math> est un processus adapté à la filtration <math>F</math>.
On parlera de sous-martingale si <math>E(X_t|F_s) \geq X_s</math> et de sur-martingale si <math>E(X_t|F_s) \leq X_s</math>.
Définitions
Processus stochastique
Un processus stochastique est une famille de variables aléatoires, généralement indexée par <math>\mathbb R^+</math> ou <math>\mathbb N</math>.
Filtration
Une filtration est une suite croissante de tribus (ou sigma-algèbres) <math>(\mathcal{F}_n)_{n\ge 0}</math>, c'est-à-dire <math>\mathcal{F}_n \subset \mathcal{F}_{n+1}, \ \ \forall n \in \mathbb N</math>.
Filtration naturelle
Soit <math>(X_n)_{n \ge 0}</math> une suite de variables aléatoires. On dit que <math>(\mathcal{F}_n)_{n\ge 0}</math> définie par <math>\mathcal{F}_n = \sigma (X_0, \ldots, X_n), \ \forall n \in \mathbb N</math> est la filtration naturelle de la suite <math>(X_n)_{n \ge 0}</math>.
Processus adapté
On dit que le processus <math>(X_n)_{n \ge 0}</math> est adapté à la filtration <math>(\mathcal{F}_n)_{n\ge 0}</math> si <math>X_n</math> est <math>\mathcal{F}_n</math>-mesurable pour tout entier n.
Martingale dans <math>\mathbb{N}</math>
Soit <math>(\mathcal{F}_n)_{n\ge 0}</math> une filtration.
Soit <math>(M_n)_{n \ge 0}</math> une suite de variables aléatoires.
On dit que <math>(M_n)_{n \ge 0}</math> est une martingale par rapport à <math>(\mathcal{F}_n)_{n\ge 0}</math> si:
- <math>(M_n)_{n \ge 0}</math> est adaptée à la filtration <math>(\mathcal{F}_n)_{n\ge 0}</math>.
- <math>M_n \,</math> est intégrable pour tout entier n.
- <math>E(M_{n+1} | \mathcal{F}_n ) = M_n</math>.
Si <math>(M_n)_{n \ge 0}</math> respecte les deux premières conditions, et <math>E(M_{n+1} | \mathcal{F}_n ) \ge M_n \ \forall n</math> alors on l'appelle sous-martingale, et si <math>E(M_{n+1} | \mathcal{F}_n ) \le M_n \ \forall n</math>, alors on l'appelle sur-martingale.
On dit que <math>(M_n)_{n \ge 0}</math> est une <math>\mathcal{F}_n</math>-martingale.
Processus prévisible
Soit <math>(\mathcal{F}_n)_{n\ge 0}</math> une filtration.
Soit <math>(Y_n)_{n \ge 0}</math> une suite de variables aléatoires.
On dit que <math>(Y_n)_{n \ge 0}</math> est processus prévisible si <math>Y_0 \,</math> est <math>\mathcal{F}_0</math>-mesurable et <math>Y_{n+1} \,</math> est <math>\mathcal{F}_n</math>-mesurable pour tout entier n.
Situation générale
Sur les espaces de Banach
Soit
- <math>I</math> un ensemble partiellement ordonné
- <math>(E,\|\cdot\|_E)</math> un espace de Banach
- <math>(\Omega,\mathcal{F},P)</math> un espace probabilisé avec filtration <math>\mathbb{F}=(\mathcal{F}_t)_{t\in I}</math>
- <math>X=(X_t)_{t\in I}</math> une processus stochastique sur <math>E</math>
Alors <math>X</math> est appelé un <math>\mathbb{F}</math>-<math>P</math>-martingale, si
- <math>X</math> est <math>\mathbb{F}</math>-adapté,
- <math>\forall t \in I,</math> <math>X_t\in L^1(\Omega,\mathcal{F}_t,P;E)</math>, cela signifie <math>\mathbb{E}\|X_t\|_E<\infty</math>,
- <math>\mathbb{E}[X_t|\mathcal{F}_s]=X_s</math> <math>P</math>-presque sûrement pour tous <math>s,t\in I</math> avec <math>t\geq s</math>.
Si en plus est vrai
- <math>\forall t \in I,</math> <math>X_t\in L^p(\Omega,\mathcal{F}_t,P;E)</math>, cela signifie <math>\mathbb{E}\|X_t\|^p_E<\infty</math>,
alors <math>X</math> est un <math>L^p(\mathbb{F},P)</math>-martingal ou court <math>L^p</math>-martingal<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Historique du nom
Donnons ici une histoire anti-chronologique du nom (et non du concept) de martingale (issue de cette note<ref name="ref-1">Modèle:Article.</ref>).
En théorie des probabilités, la première apparition du mot martingale (et non du concept) se trouve dans la thèse<ref>Modèle:Ouvrage</ref> de Jean Ville (en 1939), au chapitre IV, paragraphe 2 dans l'expression : « système de jeu ou martingale ». Il précise que ce terme est emprunté du vocabulaire des joueurs. Notons que la dénomination anglaise (martingale) a été reprise de la française par Joseph Leo Doob, alors rapporteur de la thèse de Ville.
La martingale dans les jeux
Dans le langage des jeux, le terme martingale apparaît pour la première fois en 1611 dans le dictionnaire franco-anglais de Randle Cotgrave<ref> A Dictionarie of the French and English Tongues A Dictionarie of the French and English Tongues, Randle Cotgrave, édition originale de 1611. </ref>. L'expression « à la martingale » est définie avec les termes : absurdly, foolishly, untowardly, grossely, rudely, in the homeliest manner (absurde, stupide, fâcheusement, grossièrement, brutalement, de manière laide). Dans le dictionnaire<ref>[1] Manuel lexique ou dictionnaire portatif des mots François (1750).</ref> de l'Abbé Antoine François Prévost de 1750, est proposée une stratégie qui consiste pour le joueur à doubler sa mise à chaque perte "pour se retirer avec un gain sûr, supposé qu'il gagne une fois". On peut penser que cette stratégie peut être considérée comme absurde. Selon une expression provençale<ref>[2], voir Lou Trésor dou Félibrige ou Dictionnaire de provençal-français (1879), de Frédéric Mistral pour les expressions provençales.</ref>, jouga a la martegalo signifie : jouer de manière incompréhensible, absurde. Notons que le terme martingale fait son apparition dans le dictionnaire de l'Académie française en 1762.
La martingale est absurde ?
Le terme martegalo se rapporte aux habitants de Martigues. La situation isolée de Martigues, au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Modèle:Citation ; on leur attribue une certaine « badauderie », de la « naïveté » ainsi que « des propos goguenards »<ref name="ref-1" />.
Propriétés
Propriété 1
Soit <math>(M_n)_{n \ge 0}</math> une martingale.
On a <math>E(M_{n+1})=E(E(M_{n+1} | \mathcal{F}_n)) = E(M_n) = \ldots = E(M_0)</math>
Autrement dit, la suite <math>(E(M_n))_{n \ge 0}</math> est constante.
Exemples de martingales
- Soit <math>X \,</math> une variable aléatoire intégrable et <math>X_n := E(X |\mathcal{F}_n) </math>.
Alors <math>(X_n)_n \,</math> est une <math>\mathcal{F}_n</math>-martingale.
- Soit <math>(X_k)_k \,</math> une suite de variables aléatoires indépendantes et centrées.
La suite <math>(S_n)_n \,</math> définie par <math>S_n := \sum_{k=1}^n X_k</math> est une <math>\mathcal{F}_n</math>-martingale avec <math>\mathcal{F}_n = \sigma (X_0,\ldots ,X_n)</math><ref>où <math>\sigma (X_0,\ldots ,X_n)</math> désigne la tribu engendrée par les <math>X_i</math> donc l'ensemble des parties de <math> \{X_0,\ldots ,X_n\}</math></ref>.
- Soit <math>(X_n)_n</math> une <math>\mathcal{F}_n</math>-martingale, soit <math>(Y_n)_n</math> un processus borné prévisible par rapport à <math>(\mathcal{F}_n)_n</math>.
Alors <math>(Z_n)_n \,</math> définie par <math>Z_n := Y_0 X_0 + \sum_{k=1}^n Y_k (X_k -X_{k-1})</math> est une <math>\mathcal{F}_n</math>-martingale.
- Martingale de Doob
On étudie l'espérance conditionnelle d'une variable aléatoire X selon une suite de variables aléatoires <math>(Y_{n})_{n\in\mathbb{N}}</math> définies sur le même espace probabilisé et on pose :
<math>X_{n}=\mathbb{E}[X|Y_{0},...,Y_{n}]</math>
La suite des <math>(X_{n})_{n\in\mathbb{N}}</math> est appelée martingale de Doob.
- Martingale de Wald
On définit la suite des <math>(X_{n})_{n\in\mathbb{N}}</math> selon la fonction génératrice d'une suite de variables aléatoires indépendantes identiquement distribuées <math>(Y_{n})_{n\in\mathbb{N}}</math>
<math>X_{n}= e^{t\sum_{i=1}^{n}Y_{i}}\,\mathbb{E}[e^{tY}]^{-n}</math>
La suite des <math>(X_{n})_{n\in\mathbb{N}}</math> est appelée martingale de Wald.
- Exemple de martingale à temps continu
On peut par exemple définir des martingales avec des mouvements browniens. Ceci a de nombreux liens avec l'intégration stochastique. On commence par définir la filtration comme étant la filtration naturelle d'un mouvement brownien standard <math>(B_t)_t</math>. Alors le processus stochastique <math>(M_t=B_t^2-t)_t</math> est une martingale. Ceci donne par ailleurs la décomposition de Doob de la sous-martingale <math>(B_t^2)_t</math>
Martingales et temps d'arrêts
Théorème 1
Soit <math>(M_n)_n \,</math> une <math>\mathcal{F}_n</math>martingale et <math>T \,</math> un temps d'arrêt.
Alors <math>(M_{n\wedge T})_n \,</math> est une martingale (appelée "martingale arrêtée").
- <math>M_{n\wedge T} = \sum_{j=1}^{n-1} M_j*1_{(T=j)} + M_n*1_{(T \ge n)}</math>.
<math>\forall k < n \ M_k \ et \ 1_{(T=j)}</math> sont <math>\mathcal{F}_n</math>-mesurable.
<math>(T \ge n)=(T < n )^c = (\bigcup_{k=0}^{n-1} (T=k))^c \in \mathcal{F}_n</math>.
Donc <math>M_{n\wedge T} \,</math> est <math>\mathcal{F}_n</math>-mesurable
Corollaire
<math>E(M_0) = E(M_{n\wedge T})</math>.
Décomposition de Doob-Meyer
La décomposition de Doob-Meyer permet de décomposer un processus stochastique intégrable adapté en une martingale et un processus prévisible.