Théorème des accroissements finis
En analyse, le théorème des accroissements finis (en abrégé : TAF) est à la fois une généralisation et un corollaire du théorème de Rolle. Pour toute fonction dérivable d'une variable réelle, son taux d'accroissement entre deux valeurs est réalisable comme pente d'une des tangentes à son graphe<ref name=V:TAF>Modèle:Note autre projet</ref>.
Fonction d'une variable réelle à valeurs réelles
Énoncé
Graphiquement, le théorème des accroissements finis indique que, pour toute droite sécante en deux points à une courbe différentiable, il existe, entre ces deux points, une tangente parallèle à la sécante.
On peut illustrer ainsi le théorème : « Si un véhicule parcourt une distance à la vitesse moyenne de Modèle:Unité, alors son compteur (censé indiquer avec une précision infinie la vitesse instantanée) a indiqué au moins une fois la vitesse précise de Modèle:Unité. »
La solution Modèle:Math n'est pas unique en général. Plus précisément, pour une fonction dérivable sur un intervalle Modèle:Math, la solution Modèle:Math est unique pour tous Modèle:Math dans Modèle:Math si et seulement si Modèle:Math est strictement convexe ou strictement concave<ref name=Wikiversité>Modèle:Note autre projet</ref> sur Modèle:Mvar.
Deux conséquences directes du théorème des accroissements finis sont :
- le lien entre monotonie et signe de la dérivée ;
- le théorème « limite de la dérivée » (si une fonction f, continue en a, est dérivable sauf peut-être en a, mais si sa dérivée a une limite finie au point a, alors f est en fait de classe C1 en a).
Théorème des accroissements finis généralisé
Ce théorème s'applique dans le cas de deux fonctions continues sur Modèle:Math et dérivables sur Modèle:Math. Il assure qu'il existe un réel Modèle:Math de l'intervalle Modèle:Math tel que<ref name=V:TAF/>
Géométriquement, il signifie que toute courbe représentative d'une fonction différentiable de ℝ dans ℝ2, Modèle:Math, possède une tangente parallèle à l'une quelconque de ses cordes.
Dans le cas où Modèle:Math ne s'annule pas sur Modèle:Math, l'égalité peut s'écrire<ref name=V:TAF/> :
Sous cette forme, le théorème est appelé théorème de la moyenne de Cauchy. Il peut être utilisé pour démontrer la règle de L'Hôpital.
- Remarque
- Si a = Modèle:Math ou b = Modèle:Math et si f et g sont dérivables sur ]a, b[ et possèdent en a et b des limites finies, notées f(a), f(b), g(a) et g(b), on obtient par la même méthode (en remplaçant le théorème de Rolle par une généralisation adaptée) une conclusion identique.
Généralisation aux courbes paramétrées dans l'espace
Pour tout triplet de fonctions <math>f,g,h</math> réelles continues sur <math>[a,b]</math> et dérivables sur <math>]a,b[</math>, il existe <math> c \in \left]a,b\right[ </math> tel que le déterminant <math>\left\vert \begin{array}{ccc} f'(c) & f(a) & f(b) \\ g'(c) & g(a) & g(b) \\ h'(c) & h(a) & h(b) \end{array} \right\vert </math> soit nul.
Si l'on pose <math> M(t)=(f(t),g(t),h(t))</math>, <math>A=M(a)</math>, <math>B=M(b)</math> et <math>C=M(c)</math>, le théorème énonce l'existence pour les courbes paramétrées joignant <math>A</math> à <math>B</math> d'une tangente (en un certain <math>C</math>), parallèle au plan <math>(OAB)</math>, le déterminant nul indiquant la colinéarité des vecteurs <math>\overrightarrow{OA}</math>, <math>\overrightarrow{OB}</math> et <math>\overrightarrow{OM}'(c)</math>.
Le point <math>O</math> pouvant être choisi arbitrairement, il énonce en fait l'existence d'une corde <math>[CD]</math> parallèle à un plan donné passant par <math>A</math> et <math>B</math>. Par contre, comme on le voit ci-contre, la généralisation qui consisterait à dire qu'il existe une tangente parallèle à <math>[AB]</math> est fausse.
Notons que ce théorème contient le TAF généralisé, qui contient le TAF, lui-même contenant le théorème de Rolle.
Inégalité des accroissements finis
L'inégalité des accroissements finis (IAF) : Modèle:Énoncé
propriété que l'on peut illustrer par : « Si la vitesse instantanée d'un véhicule ne peut pas dépasser Modèle:Unité, alors sa vitesse moyenne non plus. »
Sous les mêmes hypothèses, f est donc M-lipschitzienne (car sa restriction à tout sous-intervalle de [a, b] vérifie encore les hypothèses). Remarquons que d'après le théorème des bornes, ces hypothèses sont vérifiées pour toute fonction f de classe C1 sur [a, b], avec <math>M=\sup_{x\in\left[a,b\right]}\left|f'(x)\right|</math>.
Il existe de même une « inégalité des accroissements finis généralisée » :
On peut même démontrer directement, sans le théorème des accroissements finis, que cette conclusion reste vraie si la dérivabilité de f et g (et les hypothèses sur f'(x) et g'(x)) ne sont vérifiées que sur le complémentaire d'un ensemble dénombrable<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>,<ref>Modèle:Article.</ref>,<ref>Modèle:Note autre projet</ref>.
Théorème des accroissements finis et intégration
- Une version intégrale du TAF est le théorème de la moyenne :
Pour toute fonction u à valeurs réelles, continue sur un segment [a, b] avec a < b, il existe un réel c de ]a, b[ tel que<math>u(c)=\frac1{b-a}\int_a^b u(x)~\mathrm dx.</math> - L'analogue intégral du théorème des accroissements finis généralisé est un théorème de la moyenne généralisé :
Pour toutes fonctions u et v à valeurs réelles, continues sur un segment [a, b] avec a < b, v gardant un signe constant sur [a, b], il existe un réel c de <math>]a,b[</math> tel que<math>u(c)\int_a^b v(x)~\mathrm dx=\int_a^b u(x)v(x)~\mathrm dx.</math>
Réciproque partielle
Puisque le théorème des accroissements finis garantit que (pour une fonction <math>f</math> vérifiant les hypothèses) tout taux d'accroissement est un nombre dérivé, une question naturelle est : réciproquement, tout nombre dérivé est-il un taux d'accroissement ?
La réponse est : non. Par exemple (cf. figure ci-contre), pour la fonction <math>\sin:\R\to\R</math>, le nombre dérivé <math>\sin'\left(0\right)=\cos\left(0\right)=1</math> n'est pas un taux d'accroissement. Mais la pathologie de ce cas (<math>1</math> est ici la valeur maximum de <math>f'</math>) est la seule obstruction.
Le théorème des accroissements finis possède en effet la réciproque partielle suivante (réciproque « faible<ref name=TongBrazaMortici>Propriété redémontrée par Modèle:Article et à nouveau (plus simplement) par Modèle:Article.</ref> ») : Modèle:Énoncé
Autrement dit : toute tangente au graphe de <math>f</math> dont la pente <math>f'(c)</math> n'est ni maximum, ni minimum, possède une parallèle sécante au graphe en deux points. Le TAF permet en outre d'affirmer<ref name=V:Darboux/> que si la valeur <math>f'(c)</math> n'est atteinte qu'au point <math>c</math>, alors les deux extrémités de la corde sont de part et d'autre du point de tangence<ref name=TongBrazaMortici/> (réciproque « forte »).
La « réciproque faible » ci-dessus se déduit du lemme suivant, qui (joint au TAF lui-même) permet aussi de démontrer que toute fonction dérivée vérifie la propriété des valeurs intermédiaires :
- Pour toute fonction <math>f</math> dérivable sur un intervalle, tout réel strictement compris entre deux nombres dérivés de <math>f</math> est un taux d'accroissement de <math>f</math><ref name=V:Darboux/>.
La « réciproque forte » se localise facilement : pour toute fonction <math>f</math> dérivable sur un intervalle, si <math>\lambda=f'(c)</math> n'est pas un extremum local de <math>f'</math> et si, au voisinage de <math>c</math>, la valeur <math>\lambda</math> n'est atteinte par <math>f'</math> qu'en Modèle:Nobr alors <math>\lambda</math> est encore un taux d'accroissement de <math>f</math> entre deux points <math>x</math> et <math>y</math> tels que <math>x<c<y</math><ref name=TongBrazaMortici/>. (Pour la nécessité de la seconde hypothèse, cf. figure ci-contre.)
Pour le théorème des accroissements finis généralisés, on démontre de même des réciproques analogues<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Fonction d'une variable vectorielle à valeurs réelles
Soient <math>\Omega</math> un ouvert d'un espace vectoriel normé E (par exemple E = ℝn, ce qui inclut le cas E = ℂ identifié à ℝ2), <math>x</math> un point de <math>\Omega</math> et <math>h</math> un vecteur non nul de E tel que <math>[x,x+h]\subset\Omega</math>, et <math>f:\Omega\to\R</math> une fonction continue sur <math>[x,x+h]</math> et différentiable suivant le vecteur h sur <math>]x,x+h[</math>. Alors il existe <math>\xi\in]x,x+h[</math> tel que
- <math>f(x+h)-f(x)=D_h f(\xi),</math>
par simple application du théorème des accroissements finis à la fonction composée <math>[0,1]\to\R,\;t\mapsto f(x+th)</math>.
Fonction à valeurs vectorielles
Pour une telle fonction, il n'existe pas d'analogue du théorème (avec égalité) des accroissements finis, ni même de son cas particulier qu'est le théorème de Rolle (cf. § Remarques de l'article sur ce théorème).
À défaut, lorsque l'espace d'arrivée de f est ℝn, on peut appliquer le théorème des accroissements finis à chacune des composantes réelles fk de la fonction f = (f1, … , fn), mais les ck que l'on construit ainsi (ou les ξk comme ci-dessus si la variable est vectorielle) n'ont aucune raison d'être égaux.
On peut cependant établir une inégalité des accroissements finis dans ce cadre.
Inégalité des accroissements finis
Lorsque Modèle:Math est non seulement de signe constant mais à valeurs non nulles, la conclusion se reformule en :
où « Modèle:Math » désigne l'enveloppe convexe fermée.
En particulier si Modèle:Math(t) = t, on obtient<ref>Théorème 2.1 de Modèle:Ouvrage, cité dans Modèle:Ouvrage.</ref> : f(b) – f(a) ∈ (b – a)Modèle:Surligner({f'(t), t ∈ [a, b]}).
Remarques.
- Ce théorème est d'autant plus surprenant qu’il n'existe pas de théorème de Rolle vectoriel, ou, ce qui revient au même, il n’y a pas d'égalité des accroissements finis mais seulement une inégalité, comme en témoigne la fonction définie par Modèle:Math qui satisfait Modèle:Formule alors que sa dérivée ne s'annule pas sur Modèle:Math.
- Il en découle qu’une fonction dérivable dont la dérivée est nulle ne peut être que constante.
- Il se déduit directement de son homologue pour les fonctions à valeurs réelles, en utilisant le théorème de Hahn-Banach<ref name=KM/> ou sa version géométrique qu'est le théorème d'Eidelheit<ref name=A/>.
- Sa conclusion reste valide, avec une démonstration identique, sous des hypothèses plus faibles :
- il suffit que f'(t) et g'(t) existent (et vérifient les propriétés indiquées) pour t appartenant au complémentaire d'un ensemble dénombrable<ref name=KM>Modèle:Ouvrage : Mean value theorem.</ref> ;
- pour f, la continuité et la différentiabilité peuvent être prises au sens faible<ref name=A>Modèle:Article : Cauchy's Mean Value Theorem.</ref>.
Corollaire
On en déduit immédiatement le corollaire suivant (qui se démontre aussi directement<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>,<ref>Modèle:Note autre projet</ref>,<ref>La démonstration directe ne nécessite que l'existence de dérivée à droite pour les fonctions Modèle:Math et Modèle:Math : Modèle:Ouvrage. On peut de plus supposer seulement que ces dérivées à droite existent (et satisfont l'inégalité) sur le complémentaire d'un ensemble dénombrable : Modèle:Ouvrage, th. 88.</ref>) : Modèle:Énoncé
En particulier si, pour une certaine constante Modèle:Math (nécessairement positive ou nulle), on a
alors
Fonction d'une variable vectorielle à valeurs vectorielles
Le corollaire précédent permet de majorer l'accroissement d'une fonction différentiable si l'on connaît une majoration de sa différentielle. Plus précisément<ref>Modèle:Harvsp.</ref> : Modèle:Énoncé
Ce corollaire est une conséquence immédiate du précédent, appliqué à la fonction de la variable réelle <math>[0,1] \to F,\, t \mapsto f\left[(1-t)a+tb\right].</math>
Il n'a bien sûr d'intérêt que si le [[Borne supérieure|Modèle:Math]] qu'il fait intervenir est fini, c'est-à-dire si la différentielle de Modèle:Math est bornée sur Modèle:Math. Cette condition est assurée en particulier si Modèle:Math est de classe C1 sur U.
Il se généralise à tout ouvert U connexe et à toute fonction dont la différentielle est bornée par k. Si Modèle:Math est la borne inférieure des longueurs des lignes polygonales joignant Modèle:Math à Modèle:Math et incluses dans U, on a
Polynôme sur un corps réel clos
Soit <math>R</math> un corps réel clos. Si <math>a < b \in R</math>, on note, tout comme dans <math>\mathbb{R}</math>, <math>]a, b[</math> l'ensemble <math>\lbrace x \in R | a < x < b \rbrace</math>. Alors<ref>Modèle:Chapitre</ref> : Modèle:Énoncé
Application en cinématique
Il s'écoule Modèle:Unité entre le relevé de deux points.
En cinématique, le vecteur vitesse d'un point d'un mobile est tangent à la trajectoire de ce point. À partir d'un enregistrement du mouvement (succession de positions relevées à intervalle de temps constant), on peut déterminer la direction du vecteur vitesse au point i en considérant la corde (Mi-1Mi+1).
En effet, sur un petit intervalle, la pente de la tangente varie peu, donc on estime que la valeur en Mi vérifie le théorème des accroissements finis.
Notes et références
Modèle:Crédit d'auteurs Modèle:Références
Voir aussi
Article connexe
Le théorème de la corde universelle, qui étudie l'existence d'une corde parallèle à la base, au lieu d'une tangente.
Bibliographie
- Joseph-Louis Lagrange, « Théorie des fonctions analytiques contenant les principes du calcul différentiel, dégagés de toute considération d'infiniment petits ou d'évanouissants, de limites ou de fluxions et réduits à l'analyse algébrique des quantités finies », Journal de l'École polytechnique, Modèle:9e, Modèle:Tome, 1797, § 52, Modèle:P.
- Hélène Gispert-Chambaz, Camille Jordan et les fondements de l'analyse, Publications mathématiques d'Orsay, Université de Paris-Sud, 1982. Selon cet auteur (Modèle:P.), le premier traité d'analyse présentant une démonstration correcte du théorème des accroissements finis (et identique à la présentation moderne) est celui de Dini, paru en Italie en 1878.