Vase de Soissons

{{#ifeq:||Un article de Ziki, l'encyclopédie libre.|Une page de Ziki, l'encyclopédie libre.}}
Fichier:Clovis Ier et le vase de Soissons.jpg
Clovis et le vase de Soissons, Grandes Chroniques de France, Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle.

Le vase de Soissons est un objet précieux, sujet du récit d'un événement à caractère historique, qui se serait déroulé après la bataille de Soissons en 486, et rapporté au cours de la deuxième moitié du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle par Grégoire de Tours, près d'un siècle après les faits.

Il n’y a sans doute pas d’anecdote franque plus célèbre que celle du vase de Soissons et les manuels scolaires de la Troisième République, catholiques aussi bien que laïques, l’ont beaucoup illustrée.

L’histoire du vase de Soissons selon Grégoire de Tours

L’anecdote du vase de Soissons est contée par Grégoire de Tours au livre II, chapitre 27 de l’Histoire des Francs<ref>Texte de référence par Bruno Krusch : Monumenta Germaniae Historica, Scriptores Rerum Merovingicarum, I / 1, Modèle:P.72 MGH.

C’est ainsi que les soldats enlevèrent d'un édifice religieux situé dans le diocèse de Reims<ref>La chronique de Frédégaire, III, 16 ainsi que le testament de saint Remi attestent que le vase est originaire de Reims (Modèle:Ref-Rouche-Clovis).</ref>, avec d’autres ornements liturgiques, un vase liturgique d’une taille et d’une beauté extraordinaires<ref group="N">Le vase est désigné par le terme urceus – dont il semble qu’il n’y ait pas d’autre emploi chez Grégoire de Tours. Plutôt qu’un genre de calice, il faut sans doute y voir une grande coupe, peut-être destinée à contenir les pains offerts par les fidèles.</ref>. L’évêque de l'église (Remi de Reims selon des sources anciennes<ref>Modèle:Ouvrage</ref>) envoya un émissaire à Clovis pour lui demander qu’à défaut des autres prises il lui restituât au moins cet objet auquel il tenait précieusement. Le roi invita l’homme à le suivre jusqu’à Soissons où devait avoir lieu le partage du butin en l’assurant que dès que le vase lui serait échu, il donnerait satisfaction à l’évêque.

Fichier:Alphonse de Neuville - L'épisode du vase de Soissons (illustration pour François Guizot).png
« Ainsi as-tu fait au vase à Soissons ! ». Illustration d'Alphonse de Neuville pour L'histoire de France : depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, racontée à mes petits-enfants de François Guizot

C’est donc à Soissons, la ville qui vient d’être prise et dont Clovis paraît déjà avoir fait sinon sa capitale du moins son camp principal, que se joue la scène centrale. L’armée est rassemblée autour du butin amoncelé. Le roi demande aux Modèle:Citation de lui céder le vase en plus de sa part. Les hommes de bon sens (illi quorum erat mens sanior) lui répondent : Modèle:Citation Mais, tout le monde ayant parlé, un soldat — homme léger, envieux et impulsif (levis, invidus ac facilis) — à la stupéfaction générale, frappe le vase de sa hache en s’écriant : Modèle:Citation

Clovis avala l’affront, raconte Grégoire, mais Modèle:Citation. L’évêque récupéra quand même son vase, brisé ou cabossé.

Au bout de l’année, ayant convoqué à nouveau l’armée au Champ de Mars, Clovis, passant ses guerriers en revue, reconnut le soldat insolent. Constatant que sa tenue et ses armes laissaient à désirer, il les lui prit et les jeta à terre. Le soldat se baissa pour les ramasser et Clovis en profita pour lui briser le crâne d’un coup de francisque, disant : Modèle:Début citation Ainsi as-tu fait au vase à Soissons ! (Sic, inquid, tu Sexonas in urceo illo fecisti<ref>Monumenta Germaniae Historica, Scriptores Rerum Merovingicarum, I / 1, p. 72, (lire en ligne)</ref>)Modèle:Fin citation La version la plus populaire retenue par les ouvrages scolaires de la {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | IIIe{{#if:|  }} }} République étant : Modèle:Début citation Souviens-toi du vase de Soissons !Modèle:Fin citation

Historicité et exemplarité

Grégoire de Tours n’a certainement pas inventé l’anecdote du vase, qui devait circuler dans les milieux ecclésiastiques de son temps, mais il lui applique ses procédés de stylisation habituels pour en faire une histoire édifiante qui donne lieu à des interprétations contradictoires autour de la nature du pouvoir de Clovis. L'anecdote en effet interroge l'héritage de la tradition germanique à l'époque moderne entre les partisans de l'absolutisme monarchique et les partisans du régime mixte<ref>Modèle:Article</ref>. On la retrouve discutée notamment chez Boulainvilliers<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, Dubos<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, Le Paige<ref>Modèle:Ouvrage</ref> ou encore Mably<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

D'après Godefroid Kurth, Modèle:Citation. Mais l’historien belge, ne reconnaissant cependant dans ce récit aucun des critères qui lui semblaient signer une origine populaire, accepte son historicité ; il suggérait même que la source originale pourrait être la Vita perdue de saint Remi que Grégoire affirme par ailleurs avoir eue sous les yeux et que le récit pourrait ainsi remonter à un témoin proche et peut-être oculaire de l’évènement<ref>Godefroid Kurth, Histoire poétique des Mérovingiens – Paris, 1893 (repr. Genève, 1968), Modèle:Pp.219-224.</ref>.

K. F. Werner souligne, quant à lui, l’Modèle:Citation Modèle:Incise procédé littéraire qui plaiderait Modèle:Citation<ref>Modèle:Ref-Werner-Origines. - Pour la portée de l’anecdote selon cet auteur, voir aussi : K.-F. Werner, « Conquête franque ou changement de régime ? », dans Childeric – Clovis, rois des Francs… - Tournai, 1983, not. Modèle:P.12.</ref>.

Michel Rouche, dans sa biographie de Clovis<ref>Pages 205 à 211.</ref>, commente Modèle:Citation sans remettre en cause son historicité.

Louis Halphen, dans un article qui fut longtemps un classique, avait déjà remarqué que le châtiment du soldat, intervenant un an après le crime, pouvait être rapproché d’un thème hagiographique qui se rencontre ailleurs dans Grégoire : dans les Miracles de saint Julien, un comte qui a extorqué aux prêtres de Brioude trente pièces d’or pour rançon d’un de leurs serviteurs injustement emprisonné, meurt subitement au bout de l’an ; ailleurs, un voleur qui a emporté les vitres précieuses de l’église d’Yzeures-sur-Creuse, meurt misérablement, lui aussi au bout d’une année. Comme le soldat de Clovis, ces détenteurs injustes de biens d’église paraissent d’abord pouvoir jouir du bien mal acquis, avant de succomber à la vengeance d’un saint lésé lorsqu’arrive l’anniversaire de leur méfait. Tout se passe comme si Clovis, tout païen qu’il soit, prenait modèle sur ces vengeances célestes ou se faisait leur instrument. Modèle:Citation<ref>Louis Halphen, « Grégoire de Tours, historien de Clovis », dans Mélanges d’histoire du Moyen Âge offerts à Ferdinand Lot. - Paris, 1925, Modèle:Pp.235-244, not. Modèle:Pp.240-241. - G. Kurth, op. cit.).</ref>

Dans l’Histoire des Francs, l’anecdote du vase apparaît à sa place chronologique, elle vient aussi, pourrait-on dire, à sa place idéologique. Si l’on suit le plan hagiographique de la Vie de Clovis tel que le propose Martin Heinzelmann<ref>Martin Heinzelmann, Clovis dans le discours hagiographique du {{#switch: e

 | e | er | = 
   Modèle:S mini-{{#ifeq: au|-| – | au }}Modèle:S mini- siècle
 | 
   Modèle:S mini-{{#ifeq: e|-| – | e }}Modèle:S mini- siècleIX

}}, dans Bibliothèque de l’École des Chartes, 1996/1, not. Modèle:Pp.87-112.</ref>, celle-ci s’ouvre par une annonce messianique de sa naissance, puis se succèdent les faits saillants de sa vie païenne : la victoire sur Syagrius Modèle:Citation, l’épisode du vase, le mariage avec Clotilde, les doutes qui assaillent le roi à la mort du petit Ingomer. Chacune de ces étapes met en évidence la progression du roi vers le salut et le révèle, par touches successives, comme un instrument de Dieu.

Au stade du vase, la stylisation de Grégoire semble viser un double but : opposer vigoureusement le Clovis païen qui pille les églises au Clovis converti qui interdit à ses troupes de rien prendre de ce qui leur appartient, ne serait-ce que du fourrage pour les chevaux<ref group="N">Dans l’Histoire des Francs, II, 37, Clovis fait exécuter un soldat qui, malgré la promesse faite à saint Martin, avait enlevé du foin à un pauvre en prétextant que ce n’était après tout que de l’herbe.</ref>. Mais en même temps, ce Clovis encore plongé dans le « fanatisme » se distingue déjà de ses guerriers par son respect des clercs : c’est un signe avant-coureur certain de sa conversion. C’est ainsi que, selon Franck Collard, l’histoire était déjà comprise à la fin du Moyen Âge dans la tradition historiographique de Saint-Denis<ref>Franck Collard, « Clovis dans quelques histoires de France de la fin du Moyen Âge », dans Bibliothèque de l’École des Chartes, 1996/1, not. Modèle:Pp.141-142.</ref>.

Le vase de Soissons et l’évêque Remi

Fichier:St Remy Bishop of Rheims begging of Clovis the restitution of the Sacred Vase taken by the Franks in the Pillage of Soissons.png
Saint Remi, évêque de Reims demandant à Clovis la restitution du vase de Soissons.

Rien dans le texte de Grégoire de Tours ne permet d’identifier l’église et l’évêque en question. Tout au plus le contexte de la guerre contre Syagrius et le fait que le butin est partagé à Soissons les situent-ils avec toute vraisemblance dans l’ancien Modèle:Citation, au nord de la Seine. Au siècle suivant, le Pseudo-Frédégaire insère l’histoire dans sa chronique<ref>Chronique de Frédégaire, III, 16 – Le texte se trouve dans MGH, SRM, II, Modèle:Pp.98-99.</ref> ; elle a d’évidence sa source dans les Dix Livres d’Histoire de Grégoire de Tours, mais l’auteur y introduit une altération importante, l’évêque n’envoie plus un messager mais vient lui-même supplier Clovis de lui rendre le vase – et surtout cet évêque a désormais un nom : c’est Remi, évêque de Reims, celui-là même qui a salué Clovis lors de sa prise de pouvoir et qui, dix ou douze ans plus tard, l’aurait baptisé dans sa cathédrale.

Le Liber Historiæ<ref>Le texte du Liber Historiæ Francorum suit Grégoire de Tours : texte dans MGH, SRM, II, Modèle:P.252.</ref> imite le silence de Grégoire quant au nom de l'évêque.

La tradition du récit a repris le nom de Remi comme étant l'évêque<ref group="N">L’historiographie actuelle accueille couramment ce point de vue. Exemple parmi d’autres : Michel Rouche, Clovis – Paris, 1996, Modèle:Pp.206-208. Cet auteur fait d'ailleurs le lien avec le vase du testament de saint Remi (cf. § suivant).</ref>.

Le testament de saint Remi a été conservé<ref group="N">La discussion scientifique concernant la suite de textes complexes appelée le Testament de saint Remi est loin d’être close, mais la plupart des historiens du Haut Moyen Âge admettent aujourd’hui - avec diverses nuances - l’authenticité de la recension courte. Texte commodément accessible dans : Rouche, Michel. Clovis – Paris, 1996, Modèle:Pp.478-511, qui donne le texte latin d’après le Corpus Christianorum, tome 117 - Turnhout, 1957, une traduction française et un commentaire personnel.</ref>. L’évêque y lègue Modèle:Citation à l’église de Laon après l’avoir refondu pour en faire Modèle:Citation. Puis il poursuit : Modèle:Citation Son neveu Loup, lui aussi évêque<ref>Laurent Theis, Clovis, 1996, Modèle:P.196.</ref>, est chargé de l’exécution de ce vœu.

Le vase de Soissons et les coutumes militaires

L’histoire du vase de Soissons a un autre intérêt : elle constitue un document rare, bien que fort stylisé, sur la vie militaire des armées franques et, à ce titre, elle a récemment retenu l’attention des historiens les plus « romanistes » de l’époque franque.

Sous l’Empire romain, les militaires touchaient régulièrement une solde et une part de butin que leurs chefs leur redistribuaient selon leur grade, leur ancienneté ou d’autres critères. Dans les armées du Bas-Empire qui n’existaient plus que par leurs corps d’auxiliaires barbares, les règles ont sûrement dû s’adapter et, dans bien des cas, se négocier. En fin de compte, le code Théodosien contient une loi de Valentinien III, datant de l’an 440, qui concerne apparemment des « soldats » fédérés Modèle:Citation et dans laquelle l’empereur décrète : Modèle:Citation. Ce texte qui « privatise » le pillage et couvre d’un pudique manteau juridique un désordre qu’on ne pouvait plus empêcher a sûrement été connu des soldats intéressés (ces Modèle:Citation, comme dit Bachrach) et tout aussi sûrement peu apprécié des derniers généraux romains… Clovis Modèle:Incise aurait, par son autorité, maintenu dans son armée un usage létique de « collectivisation » de l’ensemble du butin et de son partage intégral par les sortes. Les Wisigoths connaissaient apparemment un usage identique qui autorisait le roi à prélever lors du partage un septième du tout…

Iconographie

Fichier:RiminaldiClovis.jpg
Orazio Riminaldi, Clovis, vers 1625.

Beaucoup de représentations du vase existent dans la ville de Soissons :

  • Au centre de la place Fernand-Marquigny s'élève depuis 1935 un monument représentant le vase.
  • En 1998, la ville de Soissons lance une commande publique pour une nouvelle représentation du vase. Une sculpture est réalisée par Guy Lartigue (né en 1927). La sculpture est faite en cuivre, laiton, granit et en inox.
  • Beaucoup d'autres vases sont visibles à Soissons<ref>Modèle:Lien web.</ref>.
  • Des concours réalisés par la ville de Soissons pour trouver les autres représentations ont connu un succès certain<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Notes et références

Notes

Modèle:Références

Références

Modèle:Références

Bibliographie

Articles connexes

Modèle:Autres projets

Liens externes

Modèle:Liens

Modèle:Portail