Vitalisme
Le vitalisme est une tradition philosophique pour laquelle le vivant n'est pas réductible aux lois physico-chimiques<ref>Gérard Chomienne (1995), Bergson. La conscience et la vie, le possible et le réel, coll. « Texte et contextes », Magnard.</ref>. Elle envisage la vie comme de la matière animée d'un principe ou force vitale, en latin Modèle:Lang, qui s'ajouterait pour les êtres vivants aux lois de la matière. Selon cette conception, cette force vitale serait une cause mystérieuse et unique censée être capable d'insuffler la vie à la matière ou de former Modèle:Lang des composés comme l'acide acétique ou l'éthanol.
Le vitalisme s’oppose au « mécanisme », voire au « machinisme », qui réduisent les êtres vivants à des composés de matière, à l’instar d’une machine ou d’un robot. Le mécanisme est aujourd’hui la vision dominante dans les sciences physiques.
En biologie, ce cadre théorique revient régulièrement dans l'histoire des sciences. Le terme désigne parfois la vision philosophique défendue autrefois par l'école de Montpellier<ref>Voir Paul-Joseph Barthez (1734-1806).</ref>.
Vitalisme et animisme
S'il s'oppose au mécanisme (Démocrite, Descartes, Cabanis, Félix Le Dantec), le vitalisme (Paul-Joseph Barthez, Henri Bergson, Ludwig Klages, Hans Driesch, Georges Canguilhem, André Pichot) ne doit pas être pour autant confondu avec l'animisme (Stahl) : l'animiste ne se contente pas de subordonner la matière à la vie, il soumet la matière à la vie et la vie à la pensée. Les philosophes d'inspiration vitaliste considèrent au contraire l'activité intellectuelle comme fondamentalement subordonnée à la « vie »Modèle:Refsou.
Définition
Selon le philosophe André Lalande, le vitalisme est une Modèle:Citation<ref>André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie</ref>.
Histoire et déclin du vitalisme
Renaissance et modernité
Vers la fin de la Renaissance, indissociable de la révolution scientifique, le vitalisme réapparaît. Le retour au rationalisme scientifique relance la recherche, philosophique tout d'abord, sur l'origine, le principe et le dessein de la vie. C'est à ce moment que le vitalisme et le mécanisme vont se formaliser et les théories s'opposer.
Dans une lettre au marquis de Newcastle, René Descartes pose les bases du mécanisme : Modèle:Citation bloc
La comparaison des animaux et de l'horloge est doublement importante. D'une part, la vie animale est réduite à une somme de processus mécaniques qui, bien qu'incompris, ne doivent rien au surnaturel ou au spirituel. D'autre part, cette conception de l'animalité trace une frontière très forte entre l'animal déterminé par la nature et l'homme libre par l'esprit. Ainsi, l'homme et l'animal sont, par essence, irréductibles à un principe vital commun.
Bien que les sources écrites manquent, il est admis que Paul-Joseph Barthez est l'instigateur de la doctrine vitaliste. À l'origine, cette théorie est surtout une réfutation de celle de Théophile de Bordeu qui considérait les organismes complexes comme un agrégat de plusieurs formes de vie distinctes. Selon ce médecin de Montpellier, chaque glande était douée d'une « vie propre », liée à une sensibilité et une motricité relative. Cette conception de la vie s'apparente d'ailleurs en certains points à la conception aristotélicienne de la vie, c'est-à-dire une vie divisible selon ses attributs : croissance, sensibilité, locomotion et intelligence. Contre Bordeu, Barthez pose donc l'existence d'un principe vital supérieur englobant toutes ces subdivisions, ce qui donnera naissance au vitalisme. C'est ainsi qu'il écrit, dans Nouveaux éléments de la science de l'homme (1778) : Modèle:Citation bloc
À l'époque, le mérite principal du vitalisme est de redonner son sens et son originalité à la vie, réduite à l'extrême depuis Descartes et la conception mécaniste de la vie qu'il a imposée en assimilant la vie organique à un automate infiniment compliqué, mais régi par les lois de la matière inanimée. La théorie de Barthez sera reprise par Xavier Bichat qui enracine le vitalisme dans une authentique démarche scientifique. Il considère la vie comme Modèle:Citation et sur la base d'une analyse fine de ces fonctions, il pose que le principe vital, qui sous-tend toutes les opérations de la vie, est une résistance à la mort, entendue comme altération des objets physiques. Il y aurait donc une contradiction manifeste, un conflit pourrait-on dire, entre les dynamiques de la matière (qui vont dans le sens de la dégradation) et celles de la vie (qui vont dans le sens de la conservation). Cette cohérence théorique appuiera le succès du vitalisme dans l'opinion.
Jean-Baptiste de Lamarck, plus connu pour sa théorie transformiste et sa monumentale œuvre de naturaliste, Modèle:Refnec. Quant à Claude Bernard, il critique le vitalisme pour son incompatibilité avec les méthodes expérimentales qui, seules, donnent une valeur scientifique aux théories soutenues dans le domaine des sciences de la nature (Introduction à l'étude de la médecine expérimentale).
Déclin du vitalisme
Le déclin du vitalisme scientifique connaît deux grands tournants :
Tout d'abord, en 1828, Friedrich Wöhler effectue accidentellement une synthèse de l'urée, composé spécifiquement organique. Fondatrice pour la chimie organique, cette expérience fortuite est aussi un coup dur pour le vitalisme : un composé propre à la vie a pu être « créé » dans un laboratoire de chimie, ce qui est un indice fort en faveur du mécanisme.
Ensuite, les expériences de Louis Pasteur sur les microbes et la génération spontanée constituent une étape vers l'abandon du vitalisme scientifique. En effet, un des faits auxquels se reportaient les vitalistes d'alors était qu'en remplissant un pot de farine, puis en le scellant hermétiquement, on voyait apparaître après quelques semaines ou quelques mois de petits vers de farine (Tenebrio molitor). Ils croyaient ainsi pouvoir affirmer que la vie était générée spontanément et qu'elle découlait donc d'un principe générateur propre, qu'il existait une force vitale. Pasteur a montré que ces phénomènes de génération spontanée étaient en réalité dus à la présence de larves microscopiques dans la farine avant même l'insertion de celle-ci dans les pots.
Mais la théorie subsiste jusqu'à la fin du siècle sous une forme plus faible : même si la chimie ordinaire explique la formation des molécules organiques, c'est la force vitale qui expliquerait leur agencement complexe caractéristique des êtres vivants. Une telle théorie implique la possibilité d'une véritable génération spontanée, par application de la « force vitale » à un milieu propice.
Vitalisme et philosophie contemporaine
Le vitalisme bergsonien
Dans L'Évolution créatrice (1907), Henri Bergson adopte une position philosophique vitaliste qui se veut compatible avec les découvertes scientifiques de son temps. Il fonde l'idée que la vie est Modèle:Citation<ref>Bergson (1927), L'Évolution créatrice, éditions Rombaldi, coll. des prix Nobel de littérature.</ref>. Il développe notamment le concept d'élan vital : Modèle:Citation bloc
Il ne s'agit pas de voir dans l'élan vital un retour aux principes obscurs du vitalisme. Il fallait néanmoins un terme qui échappât aux deux principaux modes d'explication du vivant : le mécanisme et la vitalité<ref>G. Chomienne (1995). Modèle:Opcit.</ref>. Bergson s'en explique dans L'Évolution créatrice : Modèle:Citation<ref>Bergson (1927), L'Évolution créatrice, Modèle:Opcit, p. 100.</ref>.
Postérité du vitalisme : les sciences et la philosophie
Le vitalisme a mauvaise réputation auprès de nombreux biologistes modernes qui l'identifient à une introduction en contrebande de l'anthropomorphisme et du finalisme dans l'explication physico-chimique de la vie. Ainsi, le biochimiste Jacques Monod, notamment, l'a critiqué dans son ouvrage Le hasard et la nécessité (1970) en s'appuyant sur les avancées de la génétique et de la biologie moléculaire. Dans le même chapitre, il qualifie d'ailleurs le vitalisme de Bergson de « vitalisme métaphysique » aux consonances poétiques. Selon Monod, le maintien des thèses vitalistes est une émanation du scepticisme à l'égard des sciences, de leur travail de réduction de l'homme aux lois de la nature qui rend, d'une certaine manière, caduque la morale et ses valeurs spirituelles prétendument absolues. Mais il s'agirait également d'un besoin pour l'équilibre psychique de l'homme : Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Ce regard de la science sur le vitalisme est sévère et pourtant, à en croire Georges Canguilhem, le vitalisme serait, en tant que position de principe, quasi irréfutable. Il incarne à ce titre la Modèle:Citation et Modèle:Citation<ref name="CANGUILHEM">Georges CANGUILHEM, La Connaissance de la vie, Hachette, 1952, p. 101-123.</ref>. Le vitalisme médical de l'école de Montpellier serait ainsi Modèle:Citation<ref name="CANGUILHEM"/>.
Si peu de biologistes actuels se disent « vitalistes », un certain nombre de philosophes contemporains – comme Georges Canguilhem ou Hans Jonas – se réclament encore de cette doctrine.
Quant à Gilles Deleuze, il écrira dans Pourparlers : Modèle:Citation bloc
Modèle:Lang
Dans le Modèle:Lang, Dieu est la force vitale ou âme du monde. La divinité est présente dans tout être, selon une progression allant « du cristal le plus infime du règne minéral au Dieu galactique dont nous ne pouvons rien dire, sinon qu'il ne s'agit pas d'un homme mais d'une Grande Conscience »<ref>Modèle:Cf. Benjamin Creme, La Réapparition du Christ et des Maîtres de Sagesse, Partage Publication Modèle:ISBN.</ref>.
Notes et références
Voir aussi
Source
- Michel Blay (sous la dir. de), Grand Dictionnaire de la philosophie, Paris, Larousse/Éditions du CNRS
Bibliographie
- Descartes, Lettre à Morus, en ligne sur le Site Caute@lautre.net
- Paul-Joseph Barthez, Nouveaux éléments de la science de l'homme, 1778
- Henri Bergson, L'évolution créatrice, Paris, Alcan, 1907. Edition poche, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2007
- Erwin Schrödinger, What is life ?, London, McMillan, 1946. Trad.fr., Qu'est-ce que la vie ?, Paris, Le Seuil, 1947, préface de l'auteur ; édition poche, Paris, Le Seuil, coll. « Points », 1993 Modèle:ISBN
- Georges Canguilhem, La Connaissance de la vie Paris, Vrin, 1952, chap. « Aspects du vitalisme » ; deuxième édition augmentée, Paris, Vrin, 1980
- Jacques Monod, Le Hasard et la Nécessité, Paris, Le Seuil, 1964 ; édition poche, Paris, Le Seuil, 1970 Modèle:Commentaire
- Roselyne Rey, Naissance et développement du vitalisme en France de la deuxième moitié du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle à la fin du Premier Empire, Oxford, Voltaire Foundation, 2000, 472 p.
- Charles Wolfe, La philosophie de la biologie avant la biologie. Une histoire du vitalisme, Paris, Classiques Garnier, 2019, 514 p.
Articles connexes
- Panvitalisme
- Physicalisme
- Autonomie (biologie)
- Matérialisme
- Philosophie de la vie
- Vie
- Force (philosophie)
Liens externes
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Le vitalisme : l’observation de la nature dans sa vie, Paul Joseph Barthez (école de Montpellier) et Sir Patrick Geddes (Edimburgh School)