Accords de Matignon (1936)
Modèle:Infobox Norme juridique Les accords de Matignon sont des accords signés dans la nuit du 7 au Modèle:Date à l'hôtel de Matignon, sous la présidence du Conseil de Léon Blum (Front populaire), entre la Confédération générale de la production française (CGPF), la Confédération générale du travail (CGT) et l'État.
Les accords de Matignon portent essentiellement sur les relations collectives dans le monde du travail : instauration du délégué du personnel et confirmation des libertés syndicales. L'article 4 porte les revendications sur l’augmentation des salaires, notamment les plus faibles.
Contexte
Le Modèle:Date, la gauche remporte au second tour les élections législatives. Elle est formée en coalition, le Front populaire, constitué de la SFIO, du Parti communiste, du Parti républicain, radical et radical-socialiste et de députés indépendants. Un mouvement de grève générale s'organise et devient très largement dépassé par les centrales syndicales, même par la CGT réunifiée en 1935<ref name="CEDIAS1966"/>. L'occupation des usines est généralisée<ref name="CEDIAS1966"/>,<ref name="Penissat2005"/>.
Le 11 et le Modèle:Date des grèves s'organisent respectivement au Havre et à Toulouse (l'usine d'aviation Latécoère) pour protester contre le licenciement d'ouvriers grévistes du [[1er mai|Modèle:1er mai]]. Les revendications sont obtenues après une nuit d'occupation d'usine<ref name="Prost_2002"/>. La semaine suivante des actions similaires sont réalisées à Courbevoie et Villacoublay. Ces mouvements ne font alors pas l'objet d'une couverture médiatique dans la presse ouvrière<ref name="Prost_2002"/>.
Le Modèle:Date L'Humanité (diffusée lors du défilé du mur des fédérés qui rassemble ce jour-là Modèle:Unité) évoque en cinquième page Modèle:Citation. La semaine qui suit, une première vague de grèves touche les usines d'aviation et d'automobiles dans la région parisienne<ref name="Prost_2002"/>.
Le Modèle:Date, le [[Gouvernement Léon Blum (1)|gouvernement Blum Modèle:Rom-maj]] est formé, et ne comporte pas de ministres communistes mais disposant de leur confiance à l'Assemblée<ref name="CEDIAS1966"/>.
Le Modèle:Date à 12 h 30, Léon Blum rappelle à la radio le programme du Front populaire<ref name="LePeuple_19360606_Blum"/> :
Modèle:Début citation Parmi les projets dont il annoncera le dépôt immédiat et qu'il demandera aux deux Chambres de voter avant leur séparation figurent :
- la semaine des 40 heures ;
- les contrats collectifs ;
- les congés payés.
C'est-à-dire les principales réformes réclamées par le monde ouvrier.
Il est donc résolu à agir avec décision et rapidité… pour les travailleurs de la terre comme pour les travailleurs des usines.
[…] Le gouvernement demande donc aux travailleurs de s'en remettre à la loi pour celles de leurs revendications qui doivent être réglées par la loi, de poursuivre les autres dans le calme, la dignité et la discipline. Il demande au patronat d'examiner ces revendications dans un large esprit d'équité. Modèle:Fin citation
Le soir, après une réunion avec Léon Blum (et certainement sur sa proposition)<ref name="Jouhaux"/> le secrétaire général de la CGT Léon Jouhaux rappelle à la une de l'organe de son syndicat Le Peuple les revendications : Modèle:Citation<ref name="LePeuple_19360606_Jouhaux"/>.
Négociations
Le Modèle:Date-, après plusieurs réunions préparatoires, se réunissent à l'hôtel de Matignon<ref name="CEDIAS1966"/>,<ref name="IHS_texte"/> :
- le président du Conseil Léon Blum ;
- le ministre de l'Intérieur Roger Salengro ;
- le ministre du Travail Jean-Baptiste Lebas ;
- le sous-secrétaire d’État à la Présidence du Conseil Marx Dormoy ;
- le sous-secrétaire d’État à la Présidence du Conseil Jules Moch ;
- quatre délégués patronaux de la CGPF : Ernest-Pierre Dalbouze, René-Paul Duchemin, Alexandre Lambert-Ribot, Pierre Richemond ;
- six délégués syndicaux de la CGT : René Belin, Henri Cordier, Benoît Frachon, Léon Jouhaux, Pierre Milan, Raymond Semat.
La CFTC n'est pas représentée.
Les accords sont signés à minuit quarante le Modèle:Date-, bien que le texte indique la date de la veille<ref name="lhuma_19360608"/>, ce qui constitue un antidatage.
Contenu des accords
Article premier et Article 2
Modèle:Article détaillé Modèle:Début citation Article premier
La délégation patronale admet l’établissement immédiat de contrats collectifs de travail.
Article 2
Ces contrats devront comprendre notamment les articles 3 à 5 ci-après. Modèle:Fin citation
Ces Modèle:Citation sont ce qui sera plus tard désigné comme des conventions collectives. Elles seront définies dans la loi du Modèle:Date. Les contrats collectifs de travail ne reviennent pas complètement sur la loi du Modèle:Date en ce qu'elles n'ont qu'une valeur contractuelle mais pas législative<ref name="Sénat2004"/>. Elles posent cependant un régime dérogatoire à la norme légale, à la condition qu'elles se traduisent par l'établissement de dispositions plus favorables aux salariés ; condition appelée Modèle:Citation)<ref name="Teyssié2005"/>.
Article 3
Modèle:Article détaillé Modèle:Début citation L’observation des lois s’imposant à tous les citoyens, les employeurs reconnaissent la liberté d'opinion, ainsi que le droit pour les travailleurs d’adhérer librement et d’appartenir à un syndicat professionnel constitué en vertu du livre III du Code du travail.
Les employeurs s’engagent à ne pas prendre en considération le fait d’appartenir ou de ne pas appartenir à un syndicat pour arrêter leurs décisions en ce qui concerne l’embauchage, la conduite ou la répartition du travail, les mesures de discipline ou de congédiement.
Si une des parties contractantes conteste le motif du congédiement d’un travailleur comme ayant été effectué en violation du droit syndical ci-dessus rappelé, les deux parties s’emploieront à reconnaître les faits et à apporter au cas litigieux une solution équitable. Cette intervention ne fait pas obstacle aux droits pour les parties d’obtenir juridiquement réparation du préjudice causé.
L’exercice du droit syndical ne doit pas avoir pour conséquence des actes contraires aux lois. Modèle:Fin citation
Article 4
Modèle:Article détaillé Modèle:Début citation Les salaires réels pratiqués pour tous les ouvriers à la date du Modèle:Date- seront, du jour de la reprise du travail, rajustés suivant une échelle décroissante commençant à 15 % pour les salaires les moins élevés pour arriver à 7 % pour les salaires les plus élevés, le total des salaires de chaque établissement ne devant, en aucun cas, être augmentés de plus de 12 %. Les augmentations de salaires consenties depuis la date précitée seront imputées sur les rajustements ci-dessus définis. Toutefois, ces augmentations resteront acquises pour leur partie excédant lesdits rajustements.
Les négociations pour la fixation par contrat collectif de salaire minima par régions et par catégories, qui vont s’engager immédiatement, devront comporter en particulier le rajustement nécessaire des salaires normalement bas. Modèle:Fin citation
Article 5
Modèle:Article détaillé Modèle:Début citation En dehors des cas particuliers déjà réglés par la loi, dans chaque établissement comprenant plus de dix ouvriers, après accord entre organisations syndicales, ou, à défaut, entre les intéressés, il sera institué deux (titulaires) ou plusieurs délégués ouvriers (titulaires ou suppléants) suivant l’importance de l’établissement. Ces délégués ont qualités pour présenter à la direction les réclamations individuelles qui n’auraient pas été directement satisfaites, visant l’application des lois, décrets, règlements du Code du travail, des tarifs de salaires, et des mesures d’hygiène et de sécurité.
Seront électeurs tous les ouvriers et ouvrières âgés de Modèle:Nobr, à condition d’avoir au moins trois mois de présence à l’établissement au moment de l’élection, et de ne pas avoir été privés de leurs droits civils. Seront éligibles les électeurs définis ci-dessus, de nationalité française, âgés d’au moins Modèle:Nobr, travaillant dans l’établissement, sans interruption depuis un an, sous réserve que cette durée de présence devra être abaissée si elle réduit à moins de cinq le nombre des éligibles. Les ouvriers tenant commerce de détail, de quelque nature que ce soit, soit par eux-mêmes, soit par leur conjoint, ne sont pas éligibles. Modèle:Fin citation
Article 6 et 7
Modèle:Article détaillé Modèle:Début citation La délégation patronale s’engage à ce qu’il ne soit pris aucune sanction pour faits de grève. Modèle:Fin citation
Modèle:Début citation La délégation confédérale ouvrière demande aux travailleurs en grève de décider la reprise du travail dès que les directions des établissements auront accepté l’accord général intervenu et dès que les pourparlers relatifs à son application auront été engagés entre les directions et le personnel des établissements. Modèle:Fin citation
Application des accords
Lois
Les ouvriers obtiennent par les lois du 20 et Modèle:Date- la création de conventions collectives, le passage de la durée du travail à la semaine de 40 heures et 15 jours de congés payés (13 jours de vacances + 2 du week-end) et obtention de la liberté d'opinion<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. La semaine de 40 heures et les congés payés ne font néanmoins pas partie des accords de Matignon, ils étaient prévus dans le programme de la section du Front populaire.
Catégories non concernées
Contrairement à ce que laissait penser la déclaration de Blum le Modèle:Date-<ref name="LePeuple_19360606_Blum"/>, la loi des quarante heures ne concerne pas la paysannerie. L'Union nationale des syndicats agricoles Modèle:Citation<ref name="Asselain1974"/>.
Le Modèle:Date le tribunal civil de Rouen rend l'arrêt suivant : Modèle:Citation<ref name="jurisprudence1936"/>. L'année suivante la Jurisprudence générale de Dalloz indique que Modèle:Citation<ref name="jurisprudenceDalloz"/>.
Réception
Soutien des accords
Le Modèle:Date- à vingt heures le secrétaire général de la CGT Léon Jouhaux déclare à la radio<ref name="Jouhaux"/> : Modèle:Début citation La victoire obtenue dans la nuit de dimanche à lundi consacre le début d’une ère nouvelle […] Pour la première fois dans l’histoire du monde, toute une classe obtient dans le même temps une amélioration de ses conditions d’existence […] Nous devons, nous travailleurs, faire honneur à notre signature et appliquer loyalement et pleinement les clauses de l’accord général conclu, pour trouver dans cette application les forces nouvelles et la conscience élargie nécessaire aux conquêtes nouvelles de demain. Modèle:Fin citation
Critiques
Les accords de Matignon ont permis d'accomplir de grandes avancées sociales et symbolisent pour partie le Front populaire mais ont parfois été critiqués pour avoir imprimé une certaine marque aux rapports sociaux. Ces accords signent en effet une étatisation des rapports sociaux et instaurent les conventions collectives par branche comme norme de négociations salariales.
L'historien français Jean-Charles Asselain note que l'opposition au Front populaire se considère comme porte-parole des petites et moyennes entreprises, 70 % des ouvriers français travaillant dans des entreprises de moins de Modèle:Unité. Ces dernières sont les plus touchées par le renchérissement de la main d’œuvre.
Pour Jean-Charles Asselain trois raisons sont avancées pour ne pas avoir étendu les 40 heures à l'agriculture<ref name="Asselain1974"/> :
- le risque d'un renchérissement des produits industriels pour les paysans ;
- le risque d'une accélération de l'exode rural ;
- et le risque d'une immigration massive de main-d’œuvre étrangère dans les campagnes françaises.
Les deux arguments sont, selon Asselain, Modèle:Citation<ref name="Asselain1974"/>.
Application
Jusqu'en janvier 1940, près de Modèle:Unité seront conclues<ref name="Sénat2004"/>.
Références
Bibliographie
- Modèle:Article.
- Georges Lefranc, Juin 36, « collection Archives », Julliard, Paris, 1966.
- Modèle:Article.
Liens externes
- Modèle:Lien web (texte intégral). Modèle:Plume
- Les accords de Matignon 7 juin 1936 version abrégée sur le site du ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.