Classification spectrale des astéroïdes
Dans le cadre de l'étude des astéroïdes, une classification spectrale ou taxonomie spectrale est un ensemble de critères associés à l'étude des spectres de réflexion (éventuellement combinés avec d'autres propriétés optiques tels que l'albédo) et permettant de classer les astéroïdes en différentes classes spectrales ou types spectraux. Ces types dépendent notamment de la composition chimique et minéralogique de la matière en surface. Les classifications spectrales sont de ce fait parfois décrites comme des classifications de composition mais il s'agit d'un raccourci abusif.
Trois classifications sont plus couramment utilisées, dites de Tholen, de Bus (ou SMASSII) et de Bus-DeMeo. Elles ont en commun de distinguer trois grands « complexes » S, C et X regroupant la majorité des types. Parmi les types n'appartenant à aucun de ces complexes, on peut notamment citer les types T, D, A, Q, R et V, également communs aux trois classifications.
Description générale des principales classifications
Plusieurs classifications ont été étudiées depuis les années 1970. Trois se sont plus particulièrement imposées comme des classifications de référence, dites de Tholen (1984), de Bus (1999) et de Bus-DeMeo (2009). Leurs auteurs ont à chaque fois cherché à s'inscrire dans le prolongement des classifications précédentes, ce qui explique leurs visibles filiations.
Principes méthodologiques
Dans les grandes lignes, les démarches ayant permis de définir ces trois classifications sont très proches. On peut schématiquement les résumer ainsi :
- constitution d'une base de donnée de spectres couvrant une certaine bande spectrale ;
- traitement (ex lissage), normalisation (ex recalage permettant de neutraliser les différences de luminosité) et discrétisation de la courbe spectrale ; in fine, chaque spectre est transformé en un vecteur de n valeurs, coordonnées d'un point dans un espace à n dimensions ;
- analyse de cet ensemble de points par la méthode statistique d'Analyse en composantes principales (ACP) et identification de groupes se détachant les uns des autres ;
- proposition d'un processus (ex logigramme) et de critères associés permettant de classer les astéroïdes dans chacune des classes retenues, de la manière la plus automatisable possible.
Outre les classes in fine retenues, les principales différences entre les trois classifications courantes concernent les bandes spectrales considérées (un peu élargie pour Tholen, réduite à la zone visible pour Bus, nettement élargie côté infrarouge pour Bus-DeMeo), et le recours dans le cas de Tholen à des critères complémentaires basés sur l'albédo.
Notions de complexes S, C, X et de end members
L'usage actuel le plus courant est de distinguer trois complexes S, C et X et de regrouper sous le terme de end members (~ membres extrémaux) toutes les petites classes situées en bordure de ces complexes (dans l'espace des données spectrales). Cette terminologie a été introduite en 1999 par Schelte J. Bus mais lui-même distinguait end members et outliers (~ en marge)<ref name="Bus99"/> ce qui conduit à une présentation un peu différente. La notion de complexe n'est pas présente dans la classification de Tholen mais les rapprochements clairs entre types E, M, P, X d'une part et B, C, F, G d'autre part sont pleinement cohérents avec elle.
La distinction la plus nette sépare le complexe S (spectres présentant des pics d'absorption plus ou moins marqués vers Modèle:Unité, généralement interprétés comme étant dus à la présence d'olivine et de pyroxène) et les complexes C et X (spectres sans grand relief, distingués entre autres par le niveau et la position du gradient spectral)<ref name="DeMeo09"/>.
Tableau de synthèse
Le tableau ci-dessous met en parallèle les trois classifications couramment utilisées. D'autres manières de présenter ce type de synthèse peuvent être rencontrées mais celle-ci est courante depuis l'émergence de la classification de Bus-DeMeo dans les années 2010.
A noter : des lettres identiques dans les différentes classifications décrivent en substance les mêmes classes mais, les définitions différant dans leurs détails techniques (bande spectrale considérée, usage ou non de l'albédo, logigramme et critères d'attribution...), les classements de certains astéroïdes peuvent différer d'un système à l'autre.
Tholen | Bus | Bus-DeMeo | |
---|---|---|---|
Publication | 1984 | 1999 | 2009 |
Paramètres | spectre + albédo | spectre seul | spectre seul |
Bande spectrale | Modèle:Unité | Modèle:Unité | Modèle:Unité |
Nb de classes | 14 (+1<ref name="TholenX">Le type X est attribué aux astéroïdes de type M, E ou P pour lesquels un manque d'information sur l'albédo ne permet pas de trancher l'attribution précise à l'un de ces trois types.</ref>) | 26 | 24 / 25 |
Complexe S | S |
S Sa Sq Sr Sk Sl |
S Sa Sq Sr Sv |
Complexe C | B F C G |
B C Cg Cgh Ch Cb |
B C Cg Cgh Ch Cb |
Complexe X | E M P (+ X<ref name="TholenX"/>) |
X Xc Xk Xe |
X Xc Xk Xe Xn ajouté 2019 |
End members | T D A Q R V |
K L Ld T D A Q O R V |
K L T D A Q O R V |
Notations complémentaires |
XY<ref name="Tho">La notation de Tholen prévoit différentes manières de noter les incertitudes : double ou même triple affectation dans les cas intermédiaires (ex CD, DCX) ; indication U (unusual) dans les cas atypiques (ex BU, FXU) ; indication : ou :: dans les cas de données de mauvaise ou très mauvaise qualité (ex C:, FX:, SDU::). I (inconsistent) permet d'indiquer qu'un astéroïde est inclassable mais a priori du fait de données de mauvaise qualité et non d'un possible nouveau type.</ref> U<ref name="Tho"/> :<ref name="Tho"/> I<ref name="Tho"/> |
w<ref>Notation complémentaire indiquant que l'objet possède un gradient spectral (slope) élevé, propriété généralement attribuée à un possible phénomène d'érosion spatiale (weathering) (ex Sw, Sqw, Srw, Vw).</ref> |
Détail des principales classifications
Détail de la classification de Tholen
La classification de Tholen (1984<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, 1989<ref>Modèle:Chapitre.</ref>), née des travaux de David J. Tholen à partir des données de l'enquête Eight Color Asteroid Survey (ECAS), repose sur des spectres décrits sur la bande spectrale Modèle:Unité et, pour la distinction de certaines classes, sur l'albédo. Elle compte 14 classes ou types.
Les trois types M, E et P ont des spectres comparables et ne sont distingués que par l'albédo. Cela a conduit David J. Tholen à regrouper ces trois types dans un « groupe X » qui comprend également les objets ayant ce même profil de spectre mais pour lesquels l'albédo n'est pas connu. La notion de « groupe C » est apparue ultérieurement mais était déjà implicite chez Tholen dans le sens où les types B, F et G ont progressivement été définis comme des subdivisions de l'ancienne classe C proposée par Chapman Modèle:Et al en 1975.
Groupe | Type | Caractéristiques |
---|---|---|
Type S | S | Objets composés principalement de silicates. Ils sont assez brillants (albédo 0,10-0,22). Ils sont riches en métal : (fer, nickel et magnésium principalement). Leur spectre se situe vers le rouge, similaire à celui des météorites sidérolithes. |
Groupe C | C | Objets composés principalement de carbone. Ces astéroïdes sont très sombres (coefficient d'albédo autour de 0,03) et similaires aux météorites chondrites carbonées. Leur composition chimique est proche de celle du Système solaire primitif, sans les éléments légers et volatils comme les glaces. Leur spectre est plutôt bleu et plat. |
B | Une subdivision du type C qui s'en distingue par des différences dans l'absorption de l'ultraviolet. | |
F | Une subdivision du type C qui s'en distingue par des différences dans l'absorption de l'ultraviolet et l'absence d'absorption d'eau à 3 µm. | |
G | Une subdivision du type C qui s'en distingue par des différences dans l'absorption de l'ultraviolet. | |
Groupe X | M | Ils sont faits d'alliage fer-nickel et assez brillants (albédo 0,10-0,18). |
E | Diffèrent du type M par un albédo élevé. | |
P | Diffèrent du type M par un albédo très faible. Les astéroïdes de type P se trouvent à l'extérieur de la ceinture et au-delà. | |
(X) | Il n'existe pas a proprement parler de type X dans la classification de Tholen mais le groupe X sert à classer les astéroïdes de spectre semblable aux types M, E ou P mais pour lesquels l'information sur l'albédo est manquante. | |
Autres types | T | Type rare d'astéroïdes de la ceinture interne de composition inconnue et avec un spectre foncé, uniforme et rougeâtre ainsi que des lignes d'absorption modérée vers 0,85 µm. À cette date, il n'existe aucune météorite analogue connue. Bien qu'on pense qu'elles sont anhydres, on suppose qu'il s'agit d'un type proche du type P ou D, voire un type C fortement altéré. |
D | Se caractérise par un albédo très faible et un spectre rougeâtre uniforme. Les astéroïdes de type D se trouvent à l'extérieur de la ceinture et au-delà. | |
A | Caractéristique des astéroïdes de la ceinture interne et dont on pense qu'ils proviennent d'un manteau complètement différencié. | |
Q | Caractéristique des astéroïdes de la ceinture interne et possédant de larges et intenses raies d'olivine et de pyroxène à 1 µm. | |
R | ||
V | On suppose que ce sont des fragments de Vesta, son plus gros représentant. |
Détail de la classification de Bus
La classification de Bus (ou SMASSII) (1999<ref name="Bus99">Modèle:Ouvrage.</ref>, 2002<ref>Modèle:Article.</ref>), née des travaux de Schelte J. Bus à partir des données de l'enquête Small Main-Belt Asteroid Spectroscopic Survey (SMASS phase II), repose sur des spectres décrits sur la bande spectrale Modèle:Unité. Elle compte 26 classes ou types.
Schelte J. Bus introduit la notion de « complexe » et la distinction des trois complexes S, C et X. Le complexe S correspond à une nouvelle proposition de subdivision de la vaste classe S de Tholen. Les nouveaux types Sa, Sq, Sr, Sk et Sl y apparaissent comme des transitions entre le type S situé au cœur du complexe et les types A, Q, R, K et L situés en périphérie. Les complexes C et X sont cohérents avec les groupes C et X de la classification de Tholen mais en proposent de nouvelles subdivisions. En particulier le type G est remplacé par les nouveaux types Cg, Cgh et Ch et les type B, C et F sont différemment redistribués parmi les types B, C et Cb. De même les types E, M et P du groupe X de Tholen sont remplacés par les nouveaux types X, Xc, Xk et Xe.
Schelte J. Bus et Richard P. Binzel introduisent également les notions de end members (types situés en périphérie au sein d'un complexe) et de outliers (types situés en dehors des trois complexes) qui fusionneront par la suite (notamment dans la classification de Bus-DeMeo) à travers la seule notion de end members (types situés en périphérie des trois complexes).
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Complexe | Type | Description | Prototypes |
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Complexe S / cœur | S | Gradient rouge moyennement raide avant Modèle:Unité, et bande d'absorption modérée à profonde après Modèle:Unité. | 5, 7, 20 |
Sa | Spectre similaire au type S mais avec un gradient rouge plus raide avant Modèle:Unité. (spectre intermédiaire entre type S et type A) | 63, 244, 913 | |
Sq | Spectre similaire au type S mais avec un gradient rouge moins raide avant Modèle:Unité. (spectre intermédiaire entre type S et type Q) | 33, 720, 1483 | |
Sr | Spectre similaire au type S mais avec un gradient rouge très raide avant Modèle:Unité et une absorption plus profonde après Modèle:Unité. (spectre intermédiaire entre type S et type R) | 984, 1494, 2956 | |
Sk | Spectre similaire au type S mais avec un gradient rouge moins raide avant Modèle:Unité et une absorption moins profonde après Modèle:Unité. (spectre intermédiaire entre type S et type K) | 3, 11, 43 | |
Sl | Spectre similaire au type S mais avec un gradient rouge plus raide avant Modèle:Unité et une absorption moins profonde après Modèle:Unité. (spectre intermédiaire entre type S et type L) | 30, 192, 354 | |
Complexe S / périphérie
(end members) |
A | Very steep to extremely steep red slope (λ < 0.75 μm) and a moderately deep absorption (λ > 0.75 μm). Reflectance maximum or 1 μm feature usually more rounded than in S-type spectrum. | 246, 289, 863 |
Q | Moderately steep red slope (λ < 0.7 μm) and a deep, very rounded absorption feature (λ > 0.75 μm). | 1862 | |
R | Very steep red slope (λ < 0.7 μm) and a deep absorption feature (λ > 0.75 μm). Reflectance maximum more sharply peaked than in S-type spectra. | 349, 1904 | |
K | Moderately steep red slope (λ < 0.75 μm) and flat to slightly bluish (λ > 0.75 μm). | 221, 579, 679 | |
L | Very steep red slope (λ < 0.75 μm) and flat to slightly bluish (λ > 0.75 μm). | 42, 236, 908 | |
Complexe C | B | Linear, featureless spectrum with bluish to neutral slope. | 2, 24, 85 |
C | Weak to medium absorption (λ < 0.55 μm), neutral to slightly reddish and featureless (λ > 0.55 μm). | 1, 10, 52 | |
Cg | Strong absorption (λ < 0.55 μm), and featureless with neutral to reddish slope (λ > 0.55 μm). | 175, 1300, 1695 | |
Cgh | Similar to Cg spectrum, with shallow absorption centered near 0.7 μm. | 38, 106, 706 | |
Ch | Similar to C spectrum, with shallow absorption centered near 0.7 μm. | 19, 48, 49 | |
Cb | Similar to B spectrum with neutral to slight reddish slope. | 150, 210, 2060 | |
Complexe X | X | Generally featureless, linear spectrum with slight to moderate reddish slope. | 22, 55, 69 |
Xc | Slightly reddish spectrum, featureless except for broad convex curvature centered near 0.7 μm. | 46, 65, 92 | |
Xk | Similar to Xc spectrum, but redder slope (λ < 0.7 μm), and generally flat (λ > 0.7 μm). | 21, 56, 114 | |
Xe | Overall slope slight to moderately red, concave absorption feature centered near 0.5 μm, with occasional secondary absorption centered near 0.6 μm. | 64, 71, 434 | |
Autres types
(outliers) |
Ld | Similar to L spectrum, but steeper red slope (λ < 0.75 μm). | 269, 1406, 2850 |
T | Moderately reddish slope (λ < 0.75 μm), and generally flat (λ > 0.85 μm). | 96, 596, 3317 | |
D | Relatively featureless spectrum with very steep red slope. | 1542, 2246, 4744 | |
O | Moderately red slope (λ < 0.55 μm), then less steep (0.55 < λ < 0.7 μm). Deep absorption (λ > 0.75 μm). | 3628 | |
V | Moderate to very steep red slope (λ < 0.7 μm) with an extremely deep absorption band (λ > 0.75 μm). | 4, 1929, 2912 |
Détail de la classification de Bus-DeMeo
La classification de Bus-DeMeo (ou BDM) (2009<ref name="DeMeo09">Modèle:Article.</ref>), née des travaux de Francesca E. DeMeo à partir des données de l'Infrared Telescope Facility (IRTF), repose sur des spectres décrits sur la bande spectrale Modèle:Unité, largement élargie du côté infrarouge par rapport à celles de Tholen ou de Bus, ce qui permet d'identifier des pics d'absorption remarquables vers Modèle:Unité. Elle reste pour l'essentiel très proche de celle de Bus. Elle compte 24 classes ou types. Une Modèle:25e classe Xn a été ajoutée en 2019.
Les trois types Ld, Sk et Sl de la classification de Bus ne sont pas reconduits. Pour l'essentiel, le type Ld est redistribué parmi les types L et D, le type Sk parmi les types S et Sq, et le type Sl est dissout parmi le type S. A l'inverse, un nouveau type Sv est distingué au sein du complexe S.
Complexe | Type | Description | Prototypes |
---|---|---|---|
Complexe S | S | Pics d'absorption modérés à Modèle:Unité. Le pic à Modèle:Unité peut varier en profondeur suivant les objets. | 5, 14, 20 |
Sa | Très large et profonde bande d'absorption à Modèle:Unité. Profil global similaire au type A mais moins rouge. | 984, 5261 | |
Sq | Large bande d'absorption à Modèle:Unité avec indice d'un pic d'absorption vers Modèle:Unité comme pour le type Q, mais le pic à Modèle:Unité est moins profond pour le type Sq. | 3, 11, 43 | |
Sr | Pic d'absorption assez étroit à Modèle:Unité similaire au type R mais en moins profond et pic d'absorption à Modèle:Unité. | 237, 808, 1228 | |
Sv | Pic d'absorption très étroit à Modèle:Unité similaire au type V mais en moins profond et pic d'absorption à Modèle:Unité. | 2965, 4451 | |
Complexe C | B | Profil linéaire, avec un gradient négatif, et souvent une légère bosse arrondie autour de Modèle:Unité et/ou une légère courbure tournée vers le haut dans la région Modèle:Unité. | 2, 3200 |
C | Profil linéaire, avec un gradient neutre dans la zone visible, souvent une légère bosse arrondie autour de Modèle:Unité, et un gradient faible mais positif après Modèle:Unité. Peut présenter un léger pic d'absorption vers Modèle:Unité. | 1, 10, 52 | |
Cg | Petit gradient positif commençant vers Modèle:Unité et bord tombant prononcé côté ultraviolet. | 175 | |
Cgh | Petit gradient positif commençant vers Modèle:Unité et bord tombant prononcé côté ultraviolet similaire au type Cg. Comporte également une large bande d'absorption peu profonde centrée vers Modèle:Unité similaire au type Ch. | 106, 706, 776 | |
Ch | Petit gradient positif commençant vers Modèle:Unité et bord tombant peu prononcé côté ultraviolet. Comporte également une large bande d'absorption peu profonde centrée vers Modèle:Unité. | 19, 48, 49 | |
Cb | Profil linéaire, avec un petit gradient positif commençant vers Modèle:Unité. | 191, 210, 785 | |
Complexe X | X | Profil linéaire, avec un gradient moyen à élevé. | 22, 87, 153 |
Xc | Gradient faible à moyen avec légère courbure tournée vers le bas. | 21, 97, 739 | |
Xk | Légère courbure tournée vers le bas similaire au type Xc mais avec un faible pic d'absorption entre Modèle:Unité. | 56, 110, 337 | |
Xe | Gradient faible à moyen similaire aux types Xc ou Xk mais avec une bande d'absorption vers Modèle:Unité. | 64, 77, 3103 | |
End members proches du complexe X | K | Large bande d'absorption centrée vers Modèle:Unité, avec le maximum côté gauche et le minimum très pointus et les bords de la zone d'absorption très légèrement incurvés. | 42, 579, 742 |
L | Gradient abrupt dans la région visible et aplanissement brusque vers Modèle:Unité. Il y a souvent dans l'infrarouge une légère courbure tournée vers le bas, avec un maximum vers Modèle:Unité. Peut ou non présenter un pic d'absorption à Modèle:Unité. | 236, 402, 606 | |
T | Profil linéaire, avec un gradient modéré à élevé, et souvent une légère courbure tournée vers le bas. | 96, 308, 773 | |
D | Profil linéaire, avec un gradient très abrupt, quelques objets montrant une légère courbure ou un léger coude vers Modèle:Unité. | 1143, 1542, 3248 | |
End members proches du complexe S | A | Très large et profonde bande d'absorption avec un minimum vers Modèle:Unité. Peut ou non présenter une bande d'absorption peu profonde à Modèle:Unité. Gradient très élevé. | 246, 289, 863 |
Q | Pic d'absorption bien distinct à Modèle:Unité avec indice d'un autre pic d'absorption vers Modèle:Unité. Pic d'absorption à Modèle:Unité avec des profondeurs variables suivant les objets. | 1862, 3753, 5660 | |
O | Pic d'absorption profond et très arrondi en forme de bol à Modèle:Unité et pic d'absorption marqué à Modèle:Unité. | 3628 | |
R | Pics d'absorption profonds à Modèle:Unité. Le pic à Modèle:Unité est beaucoup plus étroit que pour le type Q mais légèrement plus large que pour le type V. | 349 | |
V | Pic d'absorption très marqué et très étroit à Modèle:Unité et pic d'absorption marqué à Modèle:Unité. | 4, 1929, 2851 |
Répartition des astéroïdes par types spectraux
Au regard de la très faible proportion des astéroïdes dont le type spectral est connu (moins de 1%), il est abusif de prétendre connaitre la part de chaque type au sein de la Ceinture principale ou pour d'autres groupes (géocroiseurs, troyens). Les études (basées sur des échantillons de quelques centaines ou quelques milliers d'astéroïdes) permettent toutefois de repérer des tendances au moins applicables aux plus gros astéroïdes. Le complexe S y est prépondérant (environ 50 %), suivi des complexes C (environ 15 à 30% en incluant le type B) et X (environ 10 à 20%). A l'opposé, certains types sont très peu représentés. Les types Q, O, et R, notamment, ont historiquement été définis à partir d'un seul astéroïde (respectivement (1862) Apollon, (3628) Božněmcová et (349) Dembowska), et ne concernent toujours qu'une poignée d'astéroïdes.
Source | Taxonomie | S<ref>Type S et différents types Sx.</ref> | B | C<ref>Type C et différents types Cx.</ref> | X<ref>Type X et différents types Xx.</ref> | K | L<ref>Type L et éventuellement Ld.</ref> | T | D | A | Q | O | R | V | Total | |
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Bus 1999<ref name="Bus99"/> | Bus | Nb | 476 | 51 | 309 | 220 | 28 | 43 | 14 | 9 | 15 | 1 | 1 | 2 | 21 | 1190 |
% | 40 | 4 | 26 | 19 | 2 | 4 | 1 | 1 | 1 | - | - | - | 2 | 100 | ||
DeMeo 2009<ref name="DeMeo09"/> | Bus-DeMeo | Nb | 199 | 4 | 44 | 33 | 16 | 22 | 4 | 16 | 6 | 8 | 1 | 1 | 17 | 371 |
% | 54 | 1 | 12 | 9 | 4 | 6 | 1 | 4 | 2 | 2 | - | - | 5 | 100 | ||
JPL SMBD<ref>Base de données en ligne du Jet Propulsion Laboratory (JPL) consultée en septembre 2023.</ref> (sept. 2023) |
Bus | Nb | 728 | 66 | 355 | 289 | 38 | 56 | 19 | 13 | 17 | 20 | 7 | 5 | 49 | 1666 |
% | 44 | 4 | 21 | 17 | 2 | 3 | 1 | 1 | 1 | 1 | - | - | 3 | 100 |
Liens entre type spectral et composition
Le principe de base est celui de la spectrométrie d'absorption : la matière en surface absorbe une partie de la lumière et ce de manière différente suivant les minéraux et composés chimiques qu'elle contient. Seules des informations sur la matière en surface sont donc accessibles. Dans le cas de corps différenciés, la composition principale peut être très différente.
La composition est bien le facteur dominant pour expliquer la forme des spectres<ref name="Bus02"/> mais d'autres phénomènes ont une influence notable<ref name="Bus02"/> :
- l'angle de phase durant l'observation : son augmentation tend à décaler le spectre vers le rouge ;
- le phénomène dit d'érosion spatiale (space weathering) qui tend lui aussi à décaler le spectre vers le rouge et à l'assombrir ;
- la taille des éventuelles particules de régolithe en surface ;
- la température du corps qui influence le spectre d'absorption de certains minéraux (par exemple olivines ou pyroxènes<ref name="Bus02"/>) ; cette température dépend elle-même de l'albédo et de la vitesse de rotation du corps sur lui-même.
Ces phénomènes expliquent pourquoi il est difficile d'associer de manière claire une composition à chacun des types spectraux, ou de faire des rapprochements trop directs avec les classes de météorites récoltées sur Terre. Seuls deux résultats semblent bien établis<ref name="Mahlke22"/> : le type S peut pour partie être associé aux chondrites ordinaires et le type V à la famille de Vesta (née d'un impact sur (4) Vesta) et aux météorites HED. Dans la plupart des cas, le type spectral doit simplement être vu comme un « indice de composition », à combiner avec d'autres indices également liés aux propriétés de réflexion (albédo, polarisation, courbe de phase...) ou avec l'éventuelle connaissance de la densité.
Le cas des objets transneptuniens
Compte tenu de leur éloignement, il reste aujourd'hui difficile de mesurer les spectres détaillés des objets transneptuniens. Les mesures concernent le plus souvent uniquement des indices de couleur et ce seulement pour quelques centaines d'objets. La situation est comparable à celle des années 1960 et 1970 pour la ceinture principale.
L'une des premières première classification spectrale est proposée par Maria A. Barucci en 2005<ref name="Barucci">Modèle:Article.</ref>. L'analyse de référence initiale repose sur un échantillon de 51 centaures et objets transneptuniens dont les spectres sont décrits par les indices de couleur B-V, V-R, V-I et V-J (dans le cadre du système système photométrique UBVRI couramment utilisé pour l'étude des astéroïdes et élargi à la bande J). La classification obtenue comprend 4 « groupes » dénotés BB (objets dits bleus ou neutres), RR (objets dits rouges), BR et IR (intermédiaires)<ref name="Barucci"/>.
Usage des classifications spectrales
L'analyse des types spectraux au sein de l'ensemble des astéroïdes est notamment utilisée dans trois grands champs de recherche<ref name="Mahlke22"/> : l'étude des familles d'astéroïdes (supposées nées d'une collision, leurs membres doivent présenter des propriétés physiques comparables), l'étude de l'origine des différents types de météorites, l'élaboration de scénarios concernant l'histoire du Système solaire.
Historique
Période pionnière
Des différences de couleurs parmi les astéroïdes sont observées dès les années 1920, par exemple par l'astronome américain d'origine russe Nicholas Bobrovnikoff<ref name="Bus99"/>. Il faut toutefois attendre le développement de la photométrie UBV, à partir de la fin des années 1950, pour voir émerger des études plus systématiques, notamment celle de John Wood et Gerard Kuiper (1963)<ref name="Bus99"/>.
Modèle:Multiple image Au début des années 1970, les travaux pionniers de Modèle:Lien, Thomas B. McCord, David Morrison ou Ben H. Zellner aboutissent en 1975<ref name=Chapman1975>Modèle:Article.</ref> à une première classification de référence dite de Chapman (ou CMZ<ref>Pour Chapman, Morrison, Zellner.</ref> ou CSU). Celle-ci distingue deux classes C (carbonaceous, rapprochée des météorites carbonées) et S (stony, rapprochée des météorites ferro-pierreuses), ainsi qu'une classe additionnelle U (unclassified) pour les objets sortant du cadre proposé<ref name="Bus99"/>,<ref name="Vissiniti">Modèle:Lien web.</ref>.
Par la suite, d'autres travaux de Ben H. Zellner ou Edward L. G. Bowell introduisent les classes M (metal-rich), E (pour enstatite, minéral commun dans certaines météorites) et R (reddest)<ref name="Vissiniti"/>. Les articles de synthèse publiés en 1979 dans l'ouvrage de référence Asteroids se réfèrent aux six classes C, S, M, E, R, U<ref name="Vissiniti"/>. Au début des années 1980, de nouvelles données et une plus grande attention portée sur l'albédo conduisent à proposer les nouvelles classes F (flat spectrum, distinguée parmi C), P (pseudo-M, distinguée parmi M), A (distinguée parmi S), D (dark)<ref name="Vissiniti"/>, ou d'autres encore mais par la suite abandonnées.
Les classifications de cette période pionnière reposent sur des échantillons allant de quelques dizaines à quelques centaines d'astéroïdes (110 pour l'article de Chapman Modèle:Et al. en 1975<ref name="Vissiniti"/>). Elles croisent souvent plusieurs types de données : différentes caractérisations spectrales telles que gradient spectral (slope) ou niveaux d'absorption (depth) à certaines longueurs d'onde (par exemple Modèle:Unité caractéristique du fer), mais aussi indices de couleur UBV, albédo ou encore polarisation<ref name="Vissiniti"/>. C'est à cette époque que se diffuse une distinction simplifiée entre trois classes principales C, S et M. Le cas des grands astéroïdes (1) Cérès (classé C mais atypique), (2) Pallas et (4) Vesta (non classés) reste problématique.
Classification de Tholen et variantes
La classification dite de Tholen, proposée en 1984 par David J. Tholen dans le cadre de son travail de thèse, marque un jalon important. Elle exploite des données spectrophotométriques de qualité issues de la récente enquête Eight Color Asteroid Survey (ECAS), et se fonde plus systématiquement sur des méthodes statistiques de clustering (notamment l'Analyse en composantes principales<ref name="Vissiniti"/>, ACP ou PCA), ce qui deviendra un nouveau standard méthodologique. L'analyse de référence repose sur un échantillon de Modèle:Nombre<ref name="Vissiniti"/> dont les spectres sont décrits par 8 points sur la zone visible, proche ultraviolet et proche infrarouge Modèle:Unité<ref name="DeMeo09"/>, ainsi que sur le recours à des valeurs d'albédo pour séparer certaines classes<ref name="Vissiniti"/>. La taxonomie obtenue comprend Modèle:Nombre (A à G, M, P à T et V) dont 5 nouvelles : B (blue), G (toutes deux à nouveau distinguées parmi C), Q, T et V (pour Vesta)<ref name="Vissiniti"/>. Les classes Q et V sont introduites pour gérer les cas spécifiques de (1862) Apollon et (4) Vesta et ne comptent alors qu'un représentant, de même que la classe R associée à (349) Dembowska<ref name="Vissiniti"/>. David Tholen introduit également le « groupe » X regroupant les classes E, M, P : celles-ci étant seulement distinguées par l'albédo, ce groupe X lui permet de classer les astéroïdes pour lesquels cette info est manquante ou mal connue<ref name="Bus99"/>.
Les progrès ultérieurs (développement de la spectrographie CCD<ref name="Bus99"/>, progrès de la spectroscopie infrarouge et des mesures d'albédo, diversification des méthodes d'analyse statistique et de clustering...) permettent d'enrichir les travaux de David Tholen mais aussi d'explorer d'autres directions. De nouvelles classes sont régulièrement proposées. Les classes K (introduite en 1988 pour gérer les spécificités des astéroïdes appartenant à la famille d'Éos<ref name="Bus99"/>) et O (introduite en 1993 pour gérer le cas spécifique de (3628) Božněmcová<ref name="Bus99"/>) ont été conservées dans les classifications ultérieures de Bus ou Bus-DeMeo, ce qui n'est pas le cas des classes J (distinguée parmi V<ref name="Vissiniti"/>), W (distinguée parmi M<ref name="Vissiniti"/>) ou Z (proposée pour gérer la spécificité des centaures très rouges<ref name="Bus99"/>). Des systèmes de classification alternatifs sont par ailleurs étudiés, notamment par Maria A. Barucci (1987, 18 classes), Edward F. Tedesco (1989, 11 classes) ou Ellen S. Howell (1994)<ref name="Bus99"/>,<ref name="Vissiniti"/>,<ref name="Bus02">Modèle:Chapitre.</ref>. Parallèlement, Modèle:Lien (1993) étudie plus spécifiquement les subdivisions possible de l'imposante classe S<ref name="Vissiniti"/>. Bien que suggérant des évolutions possibles, tous ces travaux conduisent indirectement à confirmer la robustesse de la démarche proposée par David Tholen<ref name="Bus99"/>.
Classifications de Bus et de Bus-DeMeo
C'est une nouvelle campagne de mesures, la phase II du projet Small Main-Belt Asteroid Spectroscopic Survey (SMASSII) conduite entre 1993 et 1997 par spectrographie CCD<ref name="Bus99"/>, qui permet à Schelte J. Bus, dans le cadre de son travail de thèse sur les familles d'astéroïdes, de proposer en 1999 une nouvelle classification dite de Bus ou SMASSII. L'analyse de référence repose sur un échantillon de Modèle:Nombre<ref name="Bus99"/> (puis Modèle:Nombre en 2002) dont les spectres sont décrits par Modèle:Nombre<ref>On rencontre les valeurs 49 ou 48 points suivant que l'on compte ou non le point servant à la normalisation des différents spectres.</ref> sur la zone visible Modèle:Unité<ref name="Bus99"/>. Contrairement à Tholen qui utilisait aussi l'albédo, Bus propose délibérément de créer une taxonomie purement spectrale. La taxonomie obtenue via une analyse en composantes principales<ref name="Bus99"/> comprend 26 classes dont la plupart sont des subdivisions de trois « complexes » C, S et X, notées via l'introduction d'une notation à deux lettres (par exemple Sq pour indiquer une classe du complexe S ayant des traits de la classe Q). Les petites classes situées en bordure de ces trois complexes (dans l'espace des données spectrales) sont qualifiées de end members (~ membres extrémaux). Le complexe X et ses subdivisions remplacent les anciennes classes M, E et P qui étaient chez Tholen distinguées par l'albédo. Il apparait également une nouvelle classe L (ainsi qu'une variante Ld).
Modèle:Multiple image Dans les années 2000, les progrès en astronomie infrarouge conduisent naturellement à s'intéresser à des spectres étendus dans l'infrarouge. L'enjeu est notamment d'inclure dans l'analyse des pics d'absorption associés à l'olivine et au pyroxène situés vers Modèle:Unité<ref name="DeMeo09"/>. Francesca E. DeMeo adapte la méthodologie de Schelte J. Bus à des spectres du projet SMASSII prolongés côté infrarouge grâce à des mesures du spectrographe SpeX de l'Infrared Telescope Facility (IRTF)<ref name="DeMeo09"/>. Cela la conduit à proposer en 2009 une classification légèrement modifiée, dite de Bus-DeMeo (ou BDM). L'analyse de référence repose sur un échantillon de 371 astéroïdes dont les spectres sont décrits par Modèle:Nombre<ref>On rencontre les valeurs 41 ou 40 points suivant que l'on compte ou non le point servant à la normalisation des différents spectres.</ref> sur la zone Modèle:Unité<ref name="DeMeo09"/>. La taxonomie obtenue est ramenée à 24 classes : les classe Sk, Sl et Ld sont abandonnées et une nouvelle classe Sv est ajoutée. En 2019, des travaux coordonnés par Richard P. Binzel dédiés aux astéroïdes géocroiseurs conduisent à proposer une Modèle:25e classe Xn (n pour (44) Nysa).
Développements récents
La classification de Bus-DeMeo est le plus souvent considérée comme la référence actuelle. La taxonomie de Tholen n'est cependant pas complètement abandonnée. Sa prise en compte de l'albédo (volontairement écartée par Bus<ref name="Bus99"/>) procure un pouvoir discriminant que certains astronomes jugent pertinent de conserver dans l'analyse<ref name="Mahlke22">Modèle:Article.</ref>. Son ouverture à la zone proche ultraviolet (jusqu'à Modèle:Unité au lieu de 0,45) est également jugée intéressante. Ce type de réflexions a par exemple conduit l'astronome Max Mahlke, dans son travail de thèse, à proposer en 2022 une nouvelle taxonomie en 17 classes<ref name="Mahlke22"/> utilisant l'albédo. Il y abandonne le complexe X et introduit un complexe M réunissant les classes K, L et M.
Les mesures spectroscopiques nécessaires pour classer les astéroïdes sont couteuses en temps d'observation. Elles ne sont de fait disponibles que pour quelques milliers d'astéroïdes<ref name="Penttilä"/> (soit moins de 1% des astéroïdes connus). A contrario, les mesures photométriques multibandes sont beaucoup plus faciles, peuvent concerner des objets moins lumineux (plus petits, plus éloignés), et se multiplient à travers les grands relevés astronomiques tels que SDSS, Gaia ou LSST. Des astronomes explorent donc des méthodes (critères statistiquement discriminants, reconnaissance par apprentissage profond...) permettant d'estimer le type d'un astéroïde à partir de simples données multibandes<ref name="Penttilä">Modèle:Article.</ref>. L'enjeu est d'obtenir une réelle cartographie du Système solaire, même approximative et provisoire. Les méthodes utilisées reposent généralement sur une version simplifiée de la taxonomie de Bus-DeMeo, réduite à une dizaine de classes, et visent une classification conforme dans environ 90% des cas<ref name="Penttilä"/>.
Références
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Modèle:Lien web : de nombreuses informations sur l'historique des classifications mais aussi sur les propriétés spectrales utilisées comme critères de classification, une liste d'articles historiques...
- L’histoire, la découverte, l’exploration, l’étude de chaque astre du Système solaire