Le Meurtre de Roger Ackroyd

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Modèle:Voir homonymes Modèle:Autre Modèle:Infobox Livre

Le Meurtre de Roger Ackroyd (Modèle:Langue avec nom) est un roman policier d'Agatha Christie, écrit et publié en 1926 au Royaume-Uni chez Collins.

À King's Abbot, commune fictive de la campagne britannique, Roger Ackroyd est assassiné dans son bureau. Le détective belge Hercule Poirot s'est installé dans ce village après avoir pris sa retraite. Il mène l'enquête, accompagné de son voisin, le docteur Sheppard, qui est également le narrateur de l'œuvre.

Malgré le grand nombre de critiques suscitées à l'époque par un tour de force narratif, ce roman l'a rendue mondialement célèbre<ref>Modèle:Lien web.</ref> et reste parmi les plus célèbres de son œuvre. La romancière utilise avec virtuosité les techniques de manipulation pour détourner l'attention du lecteur.

Dans un petit village britannique tranquille et fictif, King's Abbot, une dame - Mme Ferrars - assassine son mari et est victime d'extorsions jusqu'à ce que, n'en pouvant plus, elle se suicide. L'homme qu'elle aimait, Roger Ackroyd, reçoit une lettre révélant le nom de l'extorqueur qui l'a conduite à une fin si funeste. Mais avant même qu'il n'apprenne l'identité du personnage, Roger Ackroyd est assassiné. Poirot, récemment retiré à King's Abbott, est appelé pour tenter de résoudre cette sombre affaire. Le roman est écrit sous la forme d'une narration par l'un des villageois, le Dr Sheppard. La fin du roman est considérée comme l'une des plus surprenantes et inattendues de toute la collection d'Agatha Christie.

Les personnages

Selon François Rivière, beaucoup de personnages sont des stéréotypes de l'univers du roman policier avec lesquels Agatha Christie joue. La romancière mettrait en œuvre Modèle:Citation

Les Sheppard

Le docteur Sheppard est médecin à King's Abbot. Il vit avec sa sœur Caroline. Narrateur, son récit des événements conduit le lecteur à la découverte du coupable. Célibataire, en apparence calme, il consacre son temps libre au bricolage et au jardinage<ref name="SheppardchezBayard">Modèle:Harvsp.</ref>. Dans le chapitre 17, sa sœur et Poirot lui reprochent d'être faible et velléitaire<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Pour François Rivière, Sheppard est un Modèle:Citation.

Caroline Sheppard nous est présentée comme une vieille fille vivant avec son frère, curieuse, bavarde et toujours informée des événements du village par le réseau de ses connaissances. Elle semble toujours avoir une longueur d'avance sur son jeune frère, qu'elle qualifie de faible<ref name="SheppardchezBayard"/>. Pour François Rivière, c'est Modèle:Citation Sa curiosité lui vaut d'être comparée par son frère à une mangouste, celle du Livre de la jungle de Rudyard Kipling<ref name="Bayardp175">Modèle:Harvsp.</ref>.

Caroline préfigurerait Miss Marple<ref name="Rivièrep128"/>. À son propos, Agatha Christie écrit dans son autobiographie : Modèle:Citation.

Enquêteurs

Hercule Poirot est à la retraite. Il s'est installé à King's Abbot, à côté des Sheppard. Sa première apparition est comique : déçu par le résultat de son jardinage, il jette un potiron qui frôle la tête de son voisin, le docteur Sheppard, et atterrit à ses pieds. C'est une entrée Modèle:Citation, digne d'une opérette<ref name="Rivièrep128"/>. À plusieurs reprises, le narrateur ou un des personnages jugent le détective belge ridicule, à cause de son apparence, de ses manies ou de son comportement. Et plusieurs fois, Sheppard décrit Poirot d'un regard plutôt sceptique. À la demande de Flora Ackroyd et de Caroline Sheppard, qui veulent innocenter Ralph Paton, Poirot entame sa propre enquête après avoir annoncé qu'il irait jusqu'au bout<ref name="Poirot">Modèle:Harvsp.</ref>. Le détective estime assez vite que l'enquête officielle n'est pas menée de façon satisfaisante<ref name="Rivièrep128"/>. Il conduit donc ses propres interrogatoires Modèle:Citation, se concentrant obstinément sur des détails négligés par la police<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

L'inspecteur Raglan mène officiellement l'enquête. Il forme avec Poirot un duo classique, Modèle:Citation Pour François Rivière, Modèle:Citation

Famille et amis d'Ackroyd

Roger Ackroyd est un industriel et un gentilhomme campagnard vivant dans une des plus grandes propriétés de King's Abbot, Fernly Park. Veuf de deux femmes, il entretient une liaison avec Mrs Ferrars. Au début du roman, on apprend que celle-ci a assassiné son mari un an auparavant et est victime d'un chantage qui la pousse au suicide. Elle a écrit à son amant le nom du coupable, et c'est cette lettre qu'Ackroyd reçoit le soir où il se fait assassiner<ref name="AckroydparBayard">Modèle:Harvsp.</ref>.

Ralph Paton est le fils de la première femme de Roger Ackroyd. L'industriel l'a adopté et le considère comme son fils. Paton a 25 ans et est endetté. Hercule Poirot révélera à la fin que Ralph est secrètement marié à Ursula Bourne, la femme de chambre. Ralph s'est disputé avec son père après lui avoir appris ce secret. Il disparaît après le meurtre : le docteur Sheppard, sous prétexte de le protéger des poursuites, le dissimule dans une clinique pour attiser les soupçons sur lui. Il devient rapidement le suspect idéal<ref name="AckroydparBayard"/>. Il contribue ainsi à détourner l'attention du lecteur du vrai coupable, participant ainsi à l'illusion narrative<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il joue ainsi le rôle de fantasme, de faux-semblant et d'Modèle:Citation

La belle-sœur d'Ackroyd, Mrs Cecil Ackroyd, et sa nièce, Flora, viennent de s'installer à Fernly Park, chez l'industriel. Mrs Cecil est la veuve d'un frère apparemment un peu louche. Flora entretient une idylle avec le fils adoptif d'Ackroyd, Ralph Paton. Mère et fille ont de grands besoins d'argent. À Poirot, Mrs Cecil révélera qu'elle a lu en secret le testament de son beau-frère, et Flora qu'elle subtilise de l'argent et des bibelots à son oncle<ref name="AckroydparBayard"/>.

La maison accueille aussi le major Hector Blunt, chasseur de fauves, ami de Roger Ackroyd chez qui il s'installe quand il vient en Angleterre. Il tombera amoureux de Flora<ref name="AckroydparBayard"/>. Selon François Rivière, le major et Mrs Ackroyd Modèle:Citation

Personnel de maison

Insistant sur le caractère stéréotypé des personnages, François Rivière écrit : Modèle:Citation

Parker est le majordome qui apporte la lettre à Ackroyd, force la porte du bureau avec le docteur et découvre le corps. Du fait de son rôle, c'est le seul des domestiques avec qui l'on fait connaissance en détail<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. On apprend qu'il a fait chanter son précédent employeur, ce qui en fait lui aussi un suspect. La femme de chambre Ursula Bourne a été renvoyée au moment où le roman commence. Poirot devinera qu'elle est secrètement mariée avec Ralph Paton, qu'elle retrouvait dans le pavillon. Elle se confie à Sheppard, Poirot et Caroline vers la fin du roman.

À côté des domestiques, on fait la connaissance de Geoffrey Raymond, secrétaire particulier d'Ackroyd. C'est un jeune homme très discret, aux Modèle:Citation lui-aussi, selon François Rivière<ref name="Perso"/>. Enfin, Elizabeth Russell est la gouvernante de Roger Ackroyd, en poste depuis 5 ans. Elle aurait pu se marier avec lui, mais l'arrivée de Mrs Cecil Ackroyd et de sa fille, ainsi que la liaison de l'industriel avec Mrs Ferrars, semble avoir ruiné ses plans. Pour François Rivière, elle Modèle:Citation Elle rencontre en secret son fils dans le pavillon du jardin. Il s'agit de Charles Kent, drogué, vagabond, que son statut marginal transforme en suspect idéal.

Résumé

L'intrigue se déroule à King's Abbott, petite bourgade de la campagne anglaise. Le docteur James Sheppard, le narrateur, n'a pu sauver Mme Ferrars, qui vient de se suicider. Il est invité par Roger Ackroyd, grand industriel, ami très proche du docteur et amoureux de Mme Ferrars. La veille, celle-ci lui a confié avoir empoisonné son mari, un an auparavant, et être victime d'un maître-chanteur dont elle n'a pu lui donner le nom de vive voix. Ackroyd révèle tout ceci au docteur après le dîner, quand Parker, le maître d'hôtel, apporte le courrier, dans lequel se trouve une lettre de Mme Ferrars. L'industriel demande à être seul dans son bureau pour la lire. Le docteur rentre chez lui. Dans la nuit, il est appelé par une personne qui, se faisant passer pour le maître d'hôtel, lui dit qu'Ackroyd a été assassiné. Le docteur retourne à la résidence, et demande au majordome de forcer la porte du bureau de l'industriel. Celui-ci est mort, poignardé dans la nuque.

La police commence son enquête et interroge les personnes présentes : l'entourage de Roger Ackroyd, composé de sa nièce Flora, sa belle-sœur Mme Cecil Ackroyd, son ami Hector Blunt ; le personnel de maison, le secrétaire particulier Geoffroy Raymond, le maître d'hôtel Parker, la femme de chambre Ursula Bourne qu'Ackroyd vient de renvoyer, et la gouvernante Elisabeth Russel. Les soupçons se portent sur un vagabond que le docteur a croisé dans le jardin, en sortant de chez Ackroyd, puis sur Ralph Paton, fils de la première femme d'Ackroyd, que celui-ci a adopté. Paton a disparu. Flora Ackroyd, promise au mariage avec son cousin Ralph, et Caroline Sheppard, sœur du docteur, demandent à Hercule Poirot, voisin des Sheppard, de mener sa propre enquête. Le détective belge, qui vient de prendre sa retraite dans la région, accepte. Le Dr Sheppard, le narrateur, devient le confident et l'allié de Poirot dans l'enquête ; sa sœur Caroline s'amuse quant à elle à tenir au courant le détective de toutes les rumeurs du village.

En apparence, le meurtre a eu lieu aux environs de dix heures : Flora a été vue sortant du bureau à cette heure, et on a entendu une discussion entre Ackroyd et un inconnu. La police recherche activement Ralph Paton, convaincue de sa culpabilité, notamment à cause des empreintes des chaussures devant la fenêtre du bureau d'Ackroyd. Pendant deux jours d'enquête, Poirot s'attache à des détails négligés par la police : pourquoi a-t-on appelé le docteur pour le prévenir en pleine nuit du meurtre ? Pourquoi un meuble du bureau d'Ackroyd, une bergère, a-t-il été déplacé après le crime ? Combien de paires de chaussures Paton détient-il ? Qui se trouvait dans le pavillon et y a laissé un morceau de batiste (tissu) ? À qui appartient l'alliance retrouvée dans le bassin ? Pourquoi manque-t-il quarante livres dans une enveloppe contenant une forte somme d'argent que Mr Ackroyd avait placée dans un tiroir d'un meuble qui se trouvait dans sa chambre plus tôt dans la soirée du meurtre ?

Poirot dénoue des intrigues qui paralysent son enquête. Le jour du meurtre, Mrs Ackroyd, la belle-sœur de la victime, avait cherché à prendre connaissance de son testament. Elle lui dérobait certains bibelots qu'elle comptait vendre à fort prix. Le soir du meurtre, Miss Flora Ackroyd a été surprise (alors qu'elle quittait la chambre de Roger en lui volant quarante livres) par le maître d'hôtel, elle a donc fait semblant de quitter le bureau de son oncle Modèle:Incise. Geoffrey Raymond, de son côté, avait des dettes. Parker avait fait chanter son précédent employeur ; il avait donc peur qu’on l’accuse du chantage de Mrs Ferrars. Miss Russell a un fils caché qui se drogue, Charles Kent : c'est lui que le docteur a surpris le soir du meurtre. Ursula et Ralph s’étaient mariés quelques mois auparavant le Modèle:Date- sans que ni miss Flora ni personne le sache ; seul Roger Ackroyd était au courant le jour de son meurtre, et c’est pour cette raison que la domestique a été renvoyée.

Poirot réunit tous les protagonistes. Il révèle que Miss Russell rencontre son fils dans le pavillon, que Ralph Paton et Ursula Bourne se rencontrent aussi au même endroit, ce qui explique la présence du bout de batiste appartenant à l'uniforme d’Ursula Bourne. Il annonce également que Roger Ackroyd était mort lorsque Blunt l'a entendu parler : c'est en fait son dictaphone, mis en marche par le meurtrier, qui a produit le son de sa voix. Par la même occasion, il avertit l'entourage d'Ackroyd que le meurtrier est dans la salle et qu'il le dénoncera à la police le lendemain. Poirot fait alors entrer Ralph Paton. Le docteur Sheppard reconnaît l'avoir caché dans une clinique.

Poirot demande à ce dernier de rester, alors que les autres participants de la réunion se retirent. Poirot récapitule les indices et donne le nom du coupable : Sheppard lui-même. C'était lui qui faisait chanter Mrs Ferrars car il avait deviné qu'elle avait empoisonné son mari, lui qui a tué Ackroyd après qu'on lui ait apporté le courrier accusateur, puis organisé une mise en scène en ayant recours à un dictaphone déclenché automatiquement pour donner l'impression qu'Ackroyd parlait encore après son départ et tromper les enquêteurs sur l'heure de la mort de l'industriel. C'est toujours lui qui a dérobé à Ralph Paton ses chaussures et laissé des empreintes devant la fenêtre. C'est encore lui qui a demandé à un de ses patients de l'appeler en pleine nuit pour lui donner une occasion de retourner à la résidence, découvrir le meurtre et dissimuler le dictaphone en déplaçant la bergère, puis, une fois seul, en le remettant dans son sac.

Par égard pour Caroline, Poirot laisse une alternative à Sheppard : aller en prison ou se suicider, option que choisit le docteur. Mais Sheppard avait sans doute déjà pour projet de se suicider puisqu'il voulait publier son récit pour montrer un crime non élucidé par Poirot.

Élaboration du roman

C'est le premier roman qu'Agatha Christie écrit pour son nouvel éditeur, William Collins, chez qui elle est ensuite restée. L'idée d'un narrateur coupable lui aurait d'abord été suggérée par une discussion avec son beau-frère qui aurait affirmé vouloir lire un roman où Watson serait coupable. Plus tard, Lord Mountbatten lui aurait demandé par courrier une histoire où le narrateur serait l'assassin. Dans son autobiographie, Agatha Christie ne décrit pas le processus d'écriture, indiquant simplement : Modèle:Citation.

Le roman est dédié « à Punkie », surnom de la sœur d'Agatha Christie, Madge Watts <ref>Intégrale des œuvres d'Agatha Christie, collection Le Masque, Modèle:ISBN, 1999, tome 2, Modèle:P..</ref>.

Accueil par la critique littéraire

Le livre fut très critiqué<ref name="Ellipse">Modèle:Lien web.</ref> par les pairs d'Agatha Christie, qui voyaient dans la pirouette narrative constitutive du livre une atteinte aux principes du roman policier de l'époque, principes codifiés par un ecclésiastique, Ronald Knox<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Dissimuler l'auteur du crime derrière le narrateur s'apparentait pour les puristes du genre à une trahison. Seule la romancière Dorothy L. Sayers, elle aussi théoricienne du genre, défendit avec vigueur Agatha Christie<ref name="Rivièreréception">Modèle:Harvsp.</ref>. Dans son autobiographie, la romancière affirme ne pas avoir triché : Modèle:Citation bloc

Le Times Literary Supplement du Modèle:Date-, commentait : Modèle:Citation bloc

Dans un long article du New York Times Book Review du Modèle:Date-, on pouvait lire : Modèle:Citation bloc

The Observer, le Modèle:Date-, déclarait : Modèle:Citation bloc

The Scotsman du Modèle:Date-, affirmait : Modèle:Citation bloc

Robert Barnard dans Un talent pour surprendre : Un hommage à Agatha Christie<ref>A Talent to Deceive: An Appreciation of Agatha Christie, Robert Barnard, Modèle:ISBN.</ref>, soutient :

Modèle:Citation bloc

Modèle:Lien, biographe de Christie, remarque :

Modèle:Citation bloc

Edmund Wilson, le célèbre critique littéraire américain, condamnait dans les années 1944-1946 le genre policier dans son ensemble lors de trois rubriques publiées par The New Yorker. La seconde rubrique, du Modèle:Date, était intitulée : « Qui s'intéresse au meurtre de Roger Ackroyd ? ».

Pierre Bayard, professeur de littérature et écrivain, dans Qui a tué Roger Ackroyd ? reconsidère le roman d'Agatha Christie en proposant une autre solution. Il plaide en faveur d'un meurtrier différent Modèle:Incise et prétend que Christie inconsciemment protégeait le vrai coupable<ref>Pierre Bayard, Qui a tué Roger Ackroyd ?, Les Éditions de Minuit, coll. « Paradoxe », Paris, 1998, Modèle:Nobr, Modèle:ISBN, Modèle:BNF.
Pierre Bayard, Qui a tué Roger Ackroyd ?, suivi de : Josyane Savigneau, Arrêt sur énigme, les Éditions de Minuit, coll. « Reprise », Paris, 2002, Modèle:Nobr, Modèle:ISBN, Modèle:BNF.
Pierre Bayard, Qui a tué Roger Ackroyd ? (avec une postface de Josyane Savigneau), les Éditions de Minuit, coll. « Double » no 55, Paris, 2008, Modèle:Nobr, Modèle:ISBN, Modèle:BNF.</ref>.

Le scandale n'empêcha pas Le Meurtre de Roger Ackroyd d'être selon Agatha Christie son Modèle:Citation, Modèle:Citation attesté par François Rivière<ref name="Rivièreréception"/> ou par Pierre Bayard pour qui Modèle:Citation, même au-delà du genre policier. Le roman assure la postérité de la romancière<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Analyse

Statut du narrateur

L'usage de la première personne n'est pas rare dans le roman policier : que l'on pense au docteur Watson, à Arthur Hastings ou l'infirmière narratrice de Meurtre en Mésopotamie. Dans Le Meurtre de Roger Ackroyd, Agatha Christie joue avec l'ambiguïté de cette énonciation. Ainsi parce que nous sommes habitués à avoir confiance dans l'instance de narration, nous ne remarquons pas que nous prenons connaissance de l'histoire par le biais d'un assassin : Modèle:Citation

Roland Barthes décrit le procédé narratif ainsi : Modèle:Citation

Le statut du narrateur est d'autant plus complexe qu'il y a deux récits de longueur inégale<ref name="Structure1">Modèle:Harvsp.</ref>,<ref name="Structure2">Modèle:Harvsp.</ref>. L'un commence avec l'annonce de la mort de Mrs Ferrars et se termine au chapitre 20. Il s'agit des notes qu'est censé prendre le docteur au fur et à mesure des événements. L'autre raconte les dernières entrevues de Poirot, la réunion de tous les protagonistes, la discussion du détective belge et du médecin et la confession de Sheppard. Dans la fiction, Sheppard rédige cette dernière partie pendant la nuit, dans le délai que Poirot lui laisse pour se suicider<ref name="Structure2"/>. Entre ces deux parties, Poirot a demandé au narrateur de lui confier ses notes<ref>Modèle:Citation, in Modèle:Harvsp.</ref>, la première partie, et c'est en les lisant qu'il acquiert la certitude de la culpabilité de Sheppard <ref name="Structure1"/>. Il y a une grande hétérogénéité entre les deux récits, car comme le souligne Pierre Bayard, Modèle:Citation

François Rivière relève Modèle:Citation de Sheppard, qui permet de tromper le lecteur. Cette duplicité se manifeste notamment quand il écrit : Modèle:Citation, et où il commente le passage où il sort du bureau de Roger Ackroyd. De fait, certains passages forment une mise en abyme du roman et des procédés d'écriture. C'est le cas de la scène du jeu de Mah-Jong, au chapitre 16 véritable anthologie de commérages. Le narrateur y signale à plusieurs reprises que les invités des Sheppard ne disent pas la vérité. Caroline dit à son frère médecin, qui refuse de participer à la discussion : Modèle:Citation. Enfin, les joueurs, à l’exception du narrateur, se livrent à des hypothèses, comme le lecteur, sur l'origine de l'alliance retrouvée par Poirot. Ces procédés de mise en abyme contribuent ainsi à Modèle:Citation

Procédés classiques pour tromper le lecteur

Le statut du narrateur n'est pas le seul moyen de tromper le lecteur. Agatha Christie en utilise de nombreux autres, classiques dans le roman policier, qui ont pour objet de déguiser le coupable et de détourner l'attention du lecteur. L'assassin est une personne présentée comme calme, de bonne composition, avec de l'humour, dont la nature ne correspond pas à l'idée qu'on peut se faire d'un meurtrier. C'est un médecin respecté de tout le village, moins soupçonnable que Ralph Paton, Charles Kent ou Parker. Proche de Poirot pendant l'enquête, il a tout de Hastings, l'irréprochable témoin des aventures du détective belge. Enfin, il dispose d'un solide alibi, puisqu'on a entendu Ackroyd parler après le départ de Sheppard. Le meurtrier produit cette illusion au moyen d'un dictaphone, qui a enregistré la voix de sa victime, et qu'il a trafiqué pour qu'il se déclenche automatiquement. Pour Pierre Bayard, Modèle:Citation, donc qu'il était nécessaire de recourir à d'autres outils de duperie<ref name="Déguisements">Modèle:Harvsp.</ref>. L'utilisation de « moyens mécaniques » pour arriver à ses fins est par ailleurs rare chez Agatha Christie<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

L'attention du lecteur est détournée par d'autres suspects, comme Ralph Paton, Parker ou Charles Kent. Les mensonges de Flora, de sa mère ou du secrétaire d'Ackroyd attisent la suspicion sur ces personnages. Des intrigues secondaires produisent des indices qui parasitent l'enquête et lancent le lecteur sur des fausses pistes, comme le font l'alliance ou le tuyau de plume, trouvés dans le jardin par Poirot. Sheppard lui-même laisse une fausse piste en mettant les empreintes de la victime sur l'arme du crime<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Le tour de force narratif ne doit donc pas faire oublier qu'il est un outil, parmi d'autres, pour empêcher le lecteur d'accéder à la vérité. Comme l'écrit François Rivière, Modèle:Citation

Discours à double entente

Le narrateur est l'assassin, et le lecteur ne s'en rend pas compte. Cela implique, pour éviter des mensonges patents qui n'auraient pas convenu au genre, que le récit ait recours à une technique d'écriture que Pierre Bayard nomme le Modèle:Citation. De nombreux énoncés offrent deux interprétations possibles, très différentes, souvent opposées, selon qu'on les lise en connaissant le coupable ou non<ref name="Double">Modèle:Harvsp.</ref>.

C'est notamment le cas où Sheppard évoque ses sentiments : à l'inverse d'un Hastings, narrateur innocent et naïf, qui n'a pas à masquer ces émotions, le narrateur du Meurtre de Roger Ackroyd Modèle:Citation<ref name="Double"/>. Ainsi, avant le meurtre, Ackroyd révèle à Sheppard l'existence d'un maître-chanteur. Le médecin évoque son angoisse : Modèle:Citation bloc À une première lecture, le lecteur pense que Sheppard est effrayé à l'idée que Ralph Paton soit le maître-chanteur. Mais l'angoisse du narrateur est liée au fait que Mrs Ferrars ait pu se confier à Ralph et lui révéler le nom du maître-chanteur. Face à la progression de l'enquête, le discours à double entente se fait plus présent, marquant l'inquiétude du narrateur qui ne cesse de grandir<ref name="Double"/>. De plus, ce double discours a une fonction ironique, clin d'œil en vue d'une deuxième lecture. C'est le cas lorsque Sheppard écrit : Modèle:Citation bloc C'est aussi le cas lorsqu'il joue sur les questions de vérité et de secret, à propos des raisons de la mort de Mrs Ferrars, dans le premier chapitre : Modèle:Citation bloc

Ce procédé d'écriture indispensable à l'illusion policière, qui masque et déguise la vérité en même temps, fait que, Modèle:Citation François Rivière va plus loin en affirmant que dans le roman, Modèle:Citation

Mensonge par omission

Le récit du meurtre escamoté

Le mensonge par omission est le dernier procédé qui entretient l'illusion narrative. L'oubli le plus célèbre, car commenté par Sheppard lui-même dans le dernier chapitre, concerne le meurtre lui-même. Ackroyd et le docteur sont dans le bureau de ce dernier, Parker vient d'apporter la lettre de Mrs Ferrars, où celle-ci dénonce son maître-chanteur. Sheppard insiste pour rester pendant qu'Ackroyd lit, mais ce dernier insiste pour qu'on le laisse seul. Le docteur écrit alors : Modèle:Citation bloc

Le meurtre doit donc se produire entre la première et la deuxième phrase<ref name="Oubli2">Modèle:Harvsp.</ref> et il est évident que Sheppard ne peut pas le raconter dans des notes destinées à être publiées. Confondu par Hercule Poirot, Sheppard commente ce passage. Il se dit Modèle:Citation cité<ref name="Oubli">Modèle:Harvsp.</ref>. Il ajoute : Modèle:Citation bloc Même s'il sous-entend que signaler l'ellipse aurait été plus honnête<ref name="Oubli2"/>, Sheppard n'en soutient pas moins qu'il n'a dit que la vérité. C'est donc bien le mensonge par omission qui permet à Agatha Christie de se défendre d'avoir triché Modèle:Incise.

Cet oubli est donc fondamental à l'économie du récit, ce que n'ont pas manqué de noter de nombreux commentateurs. François Rivière écrit par exemple : Modèle:Citation

Le récit ne précise pas ce qu'est devenue la lettre de Mrs Ferrars, et si l'on peut la supposer probablement détruite par l’assassin, rien ne l'indique dans son minutieux récit relatant les moindres détails du meurtre.

Un procédé systématique et fondamental

La célébrité de ce passage ne doit pas faire oublier les autres omissions volontaires du narrateur. Pour Uri Eisenzweig, Modèle:Citation Tout ce qui concerne la préparation du meurtre est omis : le vol des bottes dans la chambre d'hôtel où réside Ralph Patton, la subtilisation du poignard dans la vitrine du salon d'Ackroyd, la fabrication des fausses empreintes sous les fenêtres de la victime, la préparation du dictaphone, entre autres. C'est aussi le cas de tout ce qui a trait au mobile, notamment le chantage qu'il exerçait sur Mrs Ferrars<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Parler d'ellipse narrative serait donc insuffisant, tant le procédé est systématique. Gérard Genette nomme le procédé « paralipse », qu'il définit ainsi : Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Erreur judiciaire ?

En 1998, Pierre Bayard écrit un livre, publié aux Éditions de Minuit, intitulé Qui a tué Roger Ackroyd ? Il y avance l'hypothèse que Poirot se trompe et souligne les nombreuses faiblesses de son raisonnement. Cette étude critique est également l'occasion d'une réflexion sur la part de délire propre à toute interprétation, que ce soit celle d'un romancier ou d'un critique littéraire.

Incohérences

En particulier, Pierre Bayard revient sur le peu de temps dont aurait disposé le docteur Sheppard pour commettre le meurtre ; sur son absence de motivations ; sur son rôle pour le moins ambigu durant l'enquête ; et enfin sur le fait qu'il n'avoue jamais, même dans les dernières lignes, avoir commis le crime.

Une autre solution

Pierre Bayard avance donc la possibilité d'un autre coupable : ce serait Caroline Sheppard la meurtrière, son frère acceptant le blâme pour la protéger.

Honneurs

Le Meurtre de Roger Ackroyd occupe la Modèle:5e place au classement des cent meilleurs romans policiers de tous les temps établi en 1990 par la Crime Writers' Association.

Le Meurtre de Roger Ackroyd occupe également la Modèle:12e place au classement américain des cent meilleurs livres policiers établi en 1995 par l'association des Mystery Writers of America.

Éditions

Édition originale en anglais
Éditions en langue française

Adaptations

Au théâtre

En 1928, Le Meurtre de Roger Ackroyd fait l'objet d'une adaptation théâtrale, écrite par Michael Morton et intitulée Alibi. Une première version du texte déplut fortement à la romancière : le prénom de Poirot était changé en Beau, le détective était rajeuni et entouré de jolies jeunes femmes. Agatha Christie réussit à convaincre le producteur, Gerald du Maurier, de rendre le personnage plus proche de celui du roman<ref name=Alibi>Modèle:Ouvrage.</ref>. Malgré ces modifications, la pièce prend des libertés par rapport à l'œuvre originale. Par exemple, une idylle se noue entre le détective belge et Caroline Sheppard<ref>Modèle:OuvrageModèle:Commentaire biblio</ref>. La première eut lieu le Modèle:Date-, au Prince of Wales Theatre à Londres. Charles Laughton y joue le rôle de Poirot. Avec 250 représentations, la pièce connut un certain succès.

Fatal Alibi est l'adaptation de cette pièce à Broadway. Laughton conserve le rôle de Poirot. La première eut lieu le Modèle:Date-. Le succès n'est pas au rendez-vous et la pièce, jouée au Booth Theatre, s'arrête après 24 représentations<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Le roman fut adapté en France par Jacques Deval sous le titre de Modèle:Lang, nouvel avatar d'Hercule Poirot<ref name=Alibi/>. La première représentation eut lieu le Modèle:Date- au Théâtre des Nouveautés<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

À la radio

Une adaptation radiophonique, écrite par Jean Cosmos et réalisée par Pierre Billard est diffusée le Modèle:Date- sur la Chaîne Parisienne (RTF). Henri Crémieux y prête sa voix à Poirot, tandis que Georges Chamarat de la Comédie Française incarne Sheppard.

À la télévision

Dans le cadre de la série Hercule Poirot, une adaptation télévisée du roman sort en 2000 avec David Suchet dans le rôle du détective. Pour respecter l’œuvre d'origine, le détective relit le journal intime d'un meurtrier et revit cette enquête qui l'a marqué. De ce fait, le narrateur de l'histoire est le lecteur du journal intime de Sheppard, mais le journal manque le dernier chapitre en raison du suicide de son auteur lorsqu'il se retrouve démasqué par Poirot dans les instants qui suivront en tentant d'échapper à la police. De ce fait, le dernier chapitre est raconté par Poirot aux spectateurs et explique que cette affaire le fait sortir de sa retraite.

L'Échec de Poirot, une adaptation télévisée russe réalisée en 2000 par Sergei Ursuliak avec Konstantin Raïkine dans le rôle du détective.

En bande dessinée

En 2004, Le Meurtre de Roger Ackroyd a été adapté en bande dessinée par Bruno Lachard (scénario et dessin) et Ongalro (coloriste) dans la collection Agatha Christie des éditions Emmanuel Proust (tome 8).

Notes et références

Modèle:Références Modèle:Traduction/Référence

Annexes

Bibliographie

Analyses

Articles connexes

Liens externes

Modèle:Liens

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