Névrose
Une névrose est un trouble psychique dans lequel le sujet est conscient de sa souffrance psychique et s'en plaint<ref>Jean-Louis Pédinielli et Pascale Bertagne, Les névroses, Nathan, 2002. Modèle:Isbn.</ref>.
Histoire et définitions du concept
Névrose vient du mot neurosis, dérivé du grec « Modèle:Lang » (« nerf, neuro ») avec le suffixe « ose » de « Modèle:Lang » servant aux mots désignant des maladies non inflammatoires.
Le terme apparaît au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, où il est employé par le médecin écossais William Cullen en 1769<ref>Le mot apparaît dans son livre Modèle:Lang en 1777.</ref>. Celui-ci définit alors les névroses comme suit : Modèle:Citation En 1785, Philippe Pinel l'introduit en français<ref>Philippe Pinel : Institution de médecine pratique, Modèle:T. Modèle:P..</ref>. À cette époque, le terme désigne toutes maladies du système nerveux sans lésion organique démontrable.
Il sera repris par Sigmund Freud à partir de 1893 pour désigner une maladie ayant des causes psychiques (comme l'hystérie, la névrose obsessionnelle…), générée par un conflit psychique refoulé d'origine infantileModèle:Sfn. Laplanche et Pontalis donnent la définition générale suivante de la névrose : il s'agit d'une Modèle:Citation De nos jours, pour des psychanalystes comme Jean Bergeret, il est question de « structure névrotique »<ref>Jean Bergeret : Abrégé de psychologie pathologique, Ed.: Masson; Édition, Modèle:10e, Modèle:Coll., 2008 Modèle:ISBN.</ref>. René Roussillon préfère parler quant à lui de « pôle d'organisation névrotique » pour éviter l'aspect figeant induit par le terme « structure »<ref>René Roussillon avec C. Chabert, A. Ciccone, A. Ferrant, N. Georgieff, et P. Roman, Manuel de psychologie et psychopathologie clinique générale, 2007 Modèle:ISBN.</ref>.
En psychiatrie, l'abandon du terme « névrose » à partir de la quatrième révision du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) n'a pas été sans provoquer quelques polémiques<ref name="Lempérière">Psychiatrie de l'adulte, de Thérèse Lempérière (Modèle:P.).</ref>.
Psychanalyse
Sigmund Freud
Freud s'est beaucoup plus soucié d'expliquer les mécanismes psychologiques sous-jacents aux diverses névroses que de nosologie. Avec le développement de la psychanalyse, le concept évolue pour trouver finalement sa place dans la structure tripartite : névrose, psychose, perversion, auxquelles peut être ajouté la catégorie des [[Personnalité borderline|Modèle:Lang]] dont Jean Bergeret pense qu'elle est une astructure entre la « structure névrotique » et la « structure psychotique ».
Dans l'optique freudienne, au sens rigoureux du terme, le symptôme est l'expression symbolique d'un conflit psychique ainsi qu'un compromis entre la pulsion et la défense qui s'y oppose. Le conflit est intrapsychique, limité entre le Surmoi et le Ça à l'intérieur du Moi. La fixation et la régression n'ont qu'un caractère partiel ; la libido conserve sa problématique objectale et n'est pas complètement désinvestie ; la réalité est déformée dans le fantasme et non niée<ref>Textes de Freud : Obsessions et phobies (1895) Psychonévroses de défense (1895 et Inhibitions symptômes et angoisses (1926).</ref>,<ref>Jean Bergeret (psychanalyste), La personnalité normale et pathologique, Modèle:Éd. Dunod, Modèle:3e, 2003 Modèle:ISBN, La dépression et les états-limites, Payot, Modèle:Coll., 1992 Modèle:ISBN, Abrégé de psychologie pathologique, Modèle:Éd. Masson, Modèle:10e, Modèle:Coll., 2008 Modèle:ISBN.</ref>.
Il conviendra de distinguer, à partir des écrits de Freud, deux sortes d'angoisse. Il s'agira aussi de préciser la notion de traumatisme psychique et de comprendre comment le refoulement est à l'origine des symptômes névrotiques dont la compulsion de répétition fait partie.
Sigmund Freud, en 1926, écrit : Modèle:Citation Par l’intermédiaire de la douleur qui est la conséquence de la perte objectale avec une décharge massive des tensions libidinales dans le moi, il effectue le passage de l’angoisse automatique, hilflosigkeit, détresse psychique redoutable, qui inonde l’organisation du moi, à l’angoisse signal, qui active les réactions du moi pour faire face au danger pressenti. En effet, que le déplaisir soit associé à la perte de la perception de l’objet, à savoir la mère que l’enfant investit parce qu’elle est associée au soulagement des tensions pulsionnelles (elle le nourrit quand il a faimModèle:Etc.), est la condition nécessaire à l’émergence de l’angoisse signal. Les expériences de satisfaction renouvelées encore et encore permettent à l'enfant de prendre conscience de l'existence de la personne qui veille sur lui et de l'investir comme source de plaisir. Modèle:Citation La fonction anticipative du moi dépend de la force de celui-ci, de ses possibilités de lier affects et représentations, c’est-à-dire de donner une signification à l’expérience vécue. Dans l’angoisse détresse, Modèle:Citation<ref>André Green, A., 1970, L'affect in Revue française de psychanalyse, Paris, PUF, Modèle:Nobr Modèle:N°, sept. 1970, Modèle:P..</ref>, dans l’angoisse signal, Modèle:Citation. L'angoisse qui est toujours le résultat d'un conflit entre deux tendances opposées se décharge sans limite si les mots manquent pour contenir le mal-être.
Freud, en 1933<ref>{{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | XXXIIe{{#if:| }} }} conférence : Angoisse et vie pulsionnelle in Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse, Paris, Gallimard, 1984, Modèle:P..</ref>, rappelle la distinction entre angoisse devant un danger réel (externe, conscient) et angoisse névrotique (danger interne, non conscient), qui survient dans trois circonstances différentes :
- dans la névrose d’angoisse où elle est angoisse flottante ;
- dans la phobie où elle est liée à des représentations déterminées mais dont l’ampleur est disproportionnée ;
- dans l’hystérie où elle se focalise sur une partie du corps.
Les symptômes sont créés pour éviter l’irruption de l’angoisse. Dans la phobie, le déplacement du danger interne vers un danger externe permet l’évitement par la fuite — aussi de donner une matérialité à des angoisses diffuses comme dans la phobie du vide. En fait, il explique que c’est l’angoisse, devant un danger extérieur mais dont le danger pulsionnel interne est une condition et une préparation, qui provoque le refoulement. Il ajoute que le danger externe est la castration pour le garçon et la perte d’amour chez la fille, dont le prototype est la douleur du nourrisson générée par l’absence de la mère. Autrement dit, le risque est de perdre quelque chose d'essentiel à l'équilibre du sujet. En 1926, Freud émit aussi l’hypothèse que la situation de danger pourrait être gonflée d’une certaine quantité d’angoisse pulsionnelle de nature « masochiste » car provenant de la pulsion de destruction dirigée contre la propre personne. Liée à la pulsion de vie et mise au service de la réalisation d'un objectif, cette pulsion se traduit par des traits de caractère comme la combativité, la ténacité, la persévérance, l'ambitionModèle:Etc. Le retournement des pulsions agressives contre soi est quelque chose de fréquent, surtout quand l'ambivalence (sentiments positifs et négatifs) à l'égard d'une personne aimée est ressentie comme condamnable ou dommageable.
Freud affirme également que le refoulement originaire découle d’angoisse détresse née d’un trop-plein d’excitations débordant le moi. Cet état où le principe de plaisir échoue à maintenir l’homéostasie constitue le facteur traumatique. En 1923, il définissait déjà le traumatisme de la manière suivante : Modèle:Citation Les refoulements secondaires résultent de l’angoisse signal. Ces considérations autorisent à penser que les traumatismes archaïques subsistent à l’état de traces dans l’image du corps, sortes de sensations sans sens parce que déliées de toutes représentations. En cela, nous ne nous éloignons pas de Freud quand il écrivit : Modèle:Citation Ce constat est la base sur laquelle Winnicott (1974) se fonde dans son article « La crainte de l’effondrement »<ref>in Modèle:Lang, Modèle:N°.</ref>.
Symptômes
En 1939, Freud note clairement que Modèle:Citation et que la conjonction de cette condition étiologique avec une constitution plus fragile concourent à la pathologie. Il dégage ensuite les caractères communs de ces événements traumatiques : tous ont eu lieu dans la première enfance, tous sont en général oubliés, et Modèle:Citation<ref name="n1" />.
Il présente aussi les deux caractères des symptômes névrotiques :
- le premier résulte des effets du traumatisme qui sont de deux ordres :
- les effets positifs Modèle:Citation<ref>Freud, 1939, Moïse et le monothéisme, Paris, Gallimard, 1975, Modèle:P..</ref>.
- les réactions négatives ou réactions de défense telles que les inhibitions et les évitements phobiques ont un but opposé.
Ces deux effets qui sont des fixations au traumatisme ou aussi appelés automatismes de répétition, contribuent également à la formation du caractère. Modèle:Citation<ref name="p105">Freud, 1939, Moïse et le monothéisme, Paris, Gallimard, 1975, Modèle:P..</ref>.
- le second caractère des symptômes névrotiques est leur caractère compulsionnel, c’est-à-dire que leur intensité psychique rend inopérant les processus de pensée adaptés au monde extérieur et, donc, la réalité psychique interne supplante la réalité externe. Et Freud ajoute : Modèle:Citation
Dans ce texte, il laisse entrevoir une voie pour situer les moments de déréalisation des états-limites, sous l’hégémonie de la compulsion de répétition mortifère des traumatismes précoces, blessures narcissiques auxquelles, il rattache certaines déficiences du penser (infra).
Le traumatisme infantile provoque des modifications du moi, comme des cicatrices, qui resurgissent après une période de latence, probablement due à la latence physiologique. L’effet retardé du traumatisme apparaît quand les exigences de la réalité extérieure entrent en conflit avec l’organisation défensive du moi. Modèle:Citation Freud, dans la suite de son exposé, note les conditions du retour du refoulé :
- soit l’affaiblissement de la puissance du contre-investissement ;
- soit le renforcement des éléments pulsionnels liés au refoulé ;
- soit l’impression surgie de la similitude entre événements récents et anciens qui réveille le refoulé.
Modèle:Citation Lorsque nous sommes fatigués, harassés de soucis, nos forces s'épuisent, le contre-investissement cède et nos mécanismes de défense habituels sont moins opérants. Nous devenons irascibles, parfois au bord des larmes et nous craquons pour un rien. Il arrive que certaines situations, des événements particuliers suscitent une réaction dont nous ne nous expliquons pas l'intensité jusqu'à ce que nous établissions un parallèle avec un moment du passé. Quand un ou des besoins essentiels à notre équilibre ne sont pas satisfaits et qu'ils sont minimisés ou non reconnus, des images, des scènes de film ou de vieModèle:Etc. peuvent attiser le manque et déclencher une émotion difficile à contenir. Le refoulé c'est un peu comme une fragilité à fleur de peau qui n'attend que d'être effleurée pour faire surface.
Freud, dans ce texte, stipule le fait que le traumatisme provoque une dissociation du moi, une partie étant en adéquation avec l’extérieur et l’autre, meurtrie, qu’il faut protéger. Il parle de la névrose non plus comme de l’aboutissement d’un conflit pulsionnel mais bien comme une formation destinée à prévenir un éclatement du moi. Le refoulé serait cette partie retranchée du moi ou l’éprouvé de détresse qui l’a causée. Ce point de vue de Freud est très éloigné des précédents où le refoulement résultait de l’intervention du surmoi (l'instance moralisatrice) en lutte avec les exigences pulsionnelles du ça.
Divers domaines en psychologie
En 1913, Alfred Adler, initialement disciple de Freud puis fondateur de la psychologie individuelle avant de se détacher de son modèle, explique<ref>Modèle:Lien web{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}}</ref> que l'Modèle:Citation
Le terme « névrose » dans sa vision large a encore donné lieu à toutes sortes d'extensions et de définitions hors de la psychanalyse ou encore dans des techniques de « développement personnel » telle que celle d'Arthur Janov ce qui fait qu'il a perdu en précision ce qui a été un des motifs pour l'évacuer des classifications américaines (CIM et DSM).
Classification psychiatrique actuelle (États-Unis)
Dans la troisième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-III) publié par l'APA, en 1980, les acceptions psychanalytiques du terme névrose ont été d'abord critiquées pour leurs caractères trop imprécis et les auteurs lui préférèrent l'expression « troubles névrotiques » pour désigner les constellations de symptômes observables sans interprétation théorique quant au « processus névrotique » qui reste traité, mais séparément dans le DSM. Cette terminologie athéorique est alors plus en accord avec l'approche épidémiologique statistique revendiquée par le DSM.
Et à partir de la quatrième révision (DSM-IV)<ref>Le livre de Lane donne une idée de la manière dont les négociations ont été dirigées par *Robert Spitzer in Christopher Lane : Comment la psychiatrie et l'industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions Modèle:Éd. FLAMMARION LETTRES, 2009, Modèle:Coll. Modèle:ISBN.</ref>, le terme névrose fut définitivement abandonné pour préférer une description en grandes catégories de « syndromes » plus généraux : les troubles obsessionnels et compulsifs, troubles anxieux et phobiques, somatoformes et de stress post-traumatique. Alors que la Modèle:9e de la Classification internationale des maladies (CIM) reprenait la dichotomie névrose/psychose (sans pour autant en donner de définition), la conférence de l'OMS à l'origine de l'édition actuellement en vigueur, la CIM-10, a suivi l'évolution du DSM en supprimant le terme de sa nomenclature psychiatrique, à l'exception de quelques entités (telles que les « Troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress et troubles somatoformes », section F 40-48). Ces décisions ont déclenché des polémiques à divers degrés entre les spécialistes du domaine<ref name="Lempérière"/>.
Notes et références
Voir aussi
Bibliographie
Textes de référence (Choix)
- Sigmund Freud,
- La première théorie des névroses, PUF Quadrige, 2007 Modèle:ISBN
- Névrose, psychose et perversion, Modèle:Éd. Presses Universitaires de France, 1999 Modèle:ISBN
- Vue d'ensemble des névroses de transfert (1915 [[[:Modèle:1e]] publication en 1985 avec la présentation d'Ilse Grubrich-Semitis]), dans OCF.P XIII 1914-1915, traduction de Jean Laplanche, Paris, PUF, Modèle:1e éd., 1988, Modèle:2e éd. corrigée, 1994 Modèle:Isbn, Modèle:P..
Études de la notion
Dictionnaires
- Jean Laplanche, Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse (1967), Entrée: « névrose » Modèle:8e édition, 1984,Modèle:Isbn,Modèle:P.; PUF-Quadrige, Modèle:5e édition, 2007, Modèle:ISBN.
- Dictionnaire international de la psychanalyse (dir.: Alain de Mijolla), 2 tomes, Calmann-Lévy (2002), Hachette-Littératures, 2005:
- Francis Drossart, « névrose » (article), Modèle:P.; « névrose phobique » (art.), Modèle:P..
- Marc Hayat, « névrose obsessionnelle (névrose de contrainte) » (article), Modèle:P..
- Michel Vincent, « névrose narcissique » (article), Modèle:P..
- Ilse Grubrich-Simitis, « Vue d'ensemble des névroses de transfert » (article), Modèle:P..
- Modèle:Ouvrage, entrée: « névrose », Modèle:P..
Ouvrages et articles d'auteurs
- Sous la dir. de Bela Grunberger, Les Névroses : L'Homme et ses conflits, Modèle:Éd. Sand & Tchou, Modèle:Coll., 2004 Modèle:ISBN
- Catherine Chabert et coll., Les névroses, Modèle:Éd. Dunod, 2008 Modèle:ISBN
- Jean Bergeret (psychanalyste), La personnalité normale et pathologique, Modèle:Éd. Dunod, Modèle:3e, 2003 Modèle:ISBN
- Jean Bergeret, Abrégé de psychologie pathologique, Masson, Modèle:Coll., Modèle:9e, 2004 Modèle:ISBN
- René Roussillon avec C. Chabert, A. Ciccone, A. Ferrant, N. Georgieff, et P. Roman, Manuel de psychologie et psychopathologie clinique générale, 2007 Modèle:ISBN
- André Green, Le discours vivant, PUF 2001 Modèle:ISBN
- Jean-Louis Pedinielli, Pascale Bertagne, Les névroses, (didactique), Modèle:Éd. Armand Colin, Modèle:Coll., Psychologie, 2005 Modèle:ISBN
- Julian de Ajuriaguerra et Daniel Marcelli, Psychopathologie de l'enfant, Modèle:Éd. Masson, Modèle:2e revue et augmentée, Modèle:Coll., 1984 Modèle:ISBN
- Daniel Marcelli et David Cohen, Enfance et psychopathologie, Modèle:Éd. Masson, Modèle:8e, Modèle:Coll., 2009 Modèle:ISBN
Articles connexes
Liens externes
- Modèle:Autorité
- Modèle:Dictionnaires
- Modèle:Bases
- Gheorghe Marinesco, Théorie générale des névroses, « Introduction à la psychanalyse » (Exposé des théories de Freud - Modèle:Nobr), Revue Générale des sciences pures et appliquées, Modèle:Nobr, Gaston Doin Éditeur, Paris, 1923.
- Sandor Ferenczi, Les névroses du dimanche, Revue internationale pour la psychanalyse (Modèle:Lang, Vienne), 1919 (Modèle:V, 46-48) B., Modèle:III, 109.