Première guerre de Tchétchénie
Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Conflit militaire La première guerre de Tchétchénie est un conflit post-soviétique entre les Forces armées de la fédération de Russie et les séparatistes<ref>Notons que si le terme « séparatistes » employé à l'encontre des indépendantistes tchétchènes s'estimant victime d'une agression extérieure est rejeté, sans surprises, par ces derniers (Modèle:Lien web), il ne fait pas non plus l'unanimité au sein de la communauté internationale, au moins en ce qui concerne la Géorgie dont le premier président, Zviad Gamsakhourdia, reconnut l'indépendance de la Tchétchénie (Modèle:Lien web), la Pologne dont le membre de la délégation auprès de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et, par la suite, la présidente du Sénat Alicja Grzeskowiak soutenait que les Tchétchènes « ne sont pas "séparatistes" [car] ils n'ont pas rejoint la fédération de Russie lors de sa formation » (« Situation en Tchétchénie », in Compte rendu des débats, tome III, Strasbourg : Éditions du Conseil de l'Europe, 1996, Modèle:P.), ou encore la Lituanie où fut créé un groupe d'amitié interparlementaire du Seimas avec la république tchétchène d'Itchkérie (Modèle:Lien web).</ref> de la Tchétchénie (située dans le Caucase du Nord russe) qui se déroule de 1994 (date du déclenchement de l'offensive militaire russe) à 1996 (date de l'accord de paix de Khassaviourt).
Contexte
Après l'éclatement de l'URSS, Moscou doit faire face à l'indépendantisme des Tchétchènes, ces « insoumis chroniques »<ref>Marc Ferro, Ils étaient sept hommes en guerre. Histoire parallèle, Paris, Robert Laffont, 2007, cf. le sous-chapitre « URSS : la déportation ou la mort ».</ref> qui ont manifesté la plus vive opposition à la Russie qui ait jamais existé dans l'histoire soviétique<ref>Valerii Solovej, « Groznyi et Sébastopol, deux villes-frontières russes », in Joël Kotek (dir.), L'Europe et ses villes-frontières, Paris, Complexe, 1996, Modèle:P..</ref>,<ref>Présentée à la fin des années 1930 par la police secrète soviétique comme « le seul endroit dans l'URSS » où subsiste le banditisme politique (Modèle:Article: Modèle:Citation), la Tchétchéno-Ingouchie (république autonome de la Russie soviétique qui se scindera avec la chute de l'URSS en Tchétchénie et Ingouchie) est vidée de sa population autochtone en 1944 sur l'ordre de Staline, mais même exilés, les Tchétchènes gardent leur esprit de résistance, comme en témoigne le dissident soviétique Alexandre Soljénitsyne : « Il est une nation sur laquelle la psychologie de la soumission resta sans aucun effet ; pas des individus isolés, des rebelles, non : la nation tout entière. Ce sont les Tchétchènes » (Alexandre Soljénitsyne, L'Archipel du Goulag. 1918-1956. Essai d'investigation littéraire, Cinquième, sixième et septième parties, trad. Geneviève Johannet, Paris, Fayard, 2013, Modèle:P.).</ref>. En 1991, la Tchétchénie, dirigée par le président Djokhar Doudaïev, proclame son indépendance et refuse de signer, en 1992, le traité constitutif de la fédération de Russie<ref>Rahim Kherad, « L'ONU face aux conflits du Timor-Oriental et de la Tchétchénie », in Madjid Benchikh (dir.), Les Organisations Internationales et les conflits armés, Paris, L'Harmattan, 2001, Modèle:P.. Comme « la signature d'un tel traité par les entités fédérées revêt une importance particulière puisqu'en le signant, elles exercent leur droit à l'autodétermination en choisissant librement leur intégration au sein de la fédération de Russie », « les autorités tchétchènes, en refusant de le signer, veulent prouver que la Tchétchénie ne désire pas faire partie de la fédération de Russie » (ibid.).</ref>, après avoir adopté une constitution dans laquelle la Tchétchénie se déclare comme « un État souverain démocratique » avec la suprématie de la Constitution sur son territoire et l'indivisibilité de la souveraineté<ref>Serguei Beliaev, « L'autodétermination dans l'espace post-soviétique : quelques questions de théorie et de pratique », in Commission européenne pour la démocratie par le droit, Les mutations de l'État-nation en Europe à l'aube du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, coll. « Science et technique de la démocratie », Modèle:N°, Strasbourg : Éditions du Conseil de l'Europe, 1998, Modèle:P..</ref>. Après quelques vaines tentatives de déstabiliser Doudaïev et de réimposer son pouvoir sur la république par l'instauration d'un blocus économique et aérien et par le biais de coups de force en soutenant l'opposition antidoudaevienne<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>, Moscou fait alors intervenir ses troupes.
Le conflit
L'attaque surprise de l'armée russe en 1994 sous le commandement de Boris Eltsine, le premier président de la Russie post-soviétique, devient, avec de Modèle:Unité soldats, la plus grande opération militaire organisée par Moscou depuis son intervention en Afghanistan, si bien que, lors d'une conférence de presse, en Modèle:Date-, le ministre de la Défense Pavel Gratchev, qui affirmait au départ pouvoir prendre Grozny « en deux heures avec un régiment de parachutistes »<ref>Modèle:Article.</ref>, finit par déclarer : « L'Afghanistan, par rapport à la Tchétchénie, c'est une bagatelle »<ref>Cité par Françoise Daucé, L'état, l'armée et le citoyen en Russie post-soviétique, Paris, L'Harmattan, 2001, Modèle:P..</ref>.
Eltsine avait besoin d'une guerre fulgurante et victorieuse pour prouver à son peuple que la Russie était encore une superpuissance et asseoir ainsi son autorité comme commandant en vue de l'élection présidentielle. À aucun moment, ni avant<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Александр Коржаков. Борис Ельцин: от рассвета до заката. – М.: «Интербук», 1997 (consulté le 15 septembre 2016).</ref>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref name=aouchev>Modèle:Lien web.</ref> ni après<ref>Modèle:Lien web.</ref> le début de la guerre, il n'accepte de rencontrer en tête-à-tête le président tchétchène, en expliquant qu'on ne négocie pas avec des « bandits »<ref name=aouchev/>. Le leadership russe exige la capitulation pure et simple de Doudaïev, en lui promettant, dans le cas contraire, « le destin de Carthage »<ref>Modèle:Lien web</ref>, cité phénicienne sur les côtes d'Afrique du Nord détruite et rasée par Rome en 146 avant J.-C. Pour Eltsine, les indépendantistes tchétchènes « sont des chiens enragés [et] il faut les abattre comme des chiens enragés »<ref>Cité par Marc Augé, La guerre des rêves. Exercices d'ethno-fiction, [Paris], Seuil, 1997, Modèle:P..</ref>.
Mais au lieu d'une blitzkrieg spectaculaire la guerre s'avéra un échec militaire et humanitaire pour la Russie qui rencontra une résistance féroce de combattants tchétchènes. Les attentes du cabinet de Boris Eltsine, qui pensait qu'une frappe chirurgicale rapide serait suivie rapidement par une capitulation des séparatistes et un changement de régime, sont déçues. De plus, cette guerre ne fit pas l'unanimité à la fois au sein du gouvernement et de l'armée. Le premier adjoint du commandant en chef des troupes terrestres russes Édouard Vorobiov démissionna, persuadé que « l'armée ne doit pas être utilisée dans son pays à des fins politiques » et que s'il est nécessaire de « réprimer un peuple soulevé », c'est aux troupes intérieures et non pas à l'armée de s'en charger<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>. De son côté, Boris Gromov, dernier commandant en chef de l'armée soviétique en Afghanistan, s'y opposa également en disant : « Ce sera un bain de sang, un autre Afghanistan » ou encore : « Il est impossible de vaincre un peuple. Il n'y a rien de tel dans l'histoire mondiale »<ref name="geller">Cité par {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Геллер М. Я. Российские заметки 1991-1996. – М.: Издательство «МИК», 1998. С. 221, 222 : Modèle:Citation</ref>. Sans s'accommoder de la sécession de la Tchétchénie, Gromov désapprouva en même temps « un choix barbare des moyens militaires » déployés contre elle, prônant une solution politique au conflit<ref>Modèle:Lien web</ref>.
Le Modèle:Date-<ref name="victor">Jean-Christophe Victor (présenté par), Le Dessous des cartes. La Tchétchénie, pourquoi ?, magazine géopolitique diffusé sur Arte, France : Arte France, 2004.</ref>, bien que le moral des troupes ne fût pas au plus haut et qu'il y eût des cas de désertion, l'armée russe s'empara de la capitale, Grozny, après l'avoir massivement bombardée. La petite force aérienne séparatiste tchétchène ainsi que la flotte aérienne civile sont détruites dans les premières heures des opérations. Près de Modèle:Unité<ref>La moitié d'entre eux sont des déplacés à l'intérieur de la Tchétchénie (Rahim Kherad, op. cit., Modèle:P.).</ref> fuient les combats très meurtriers, qui font au total jusqu'à Modèle:Unité<ref name=victor/>,Modèle:Sfn,<ref>Modèle:Article</ref>.
En Modèle:Date-, un rapport de la Commission des droits de l'homme des Nations unies affirme que 100 personnes dont une majorité de civils ont été tuées au village frontalier tchétchène de Samachki les 7-Modèle:Date- par les forces russes<ref>The situation of human rights in the Republic of Chechnya of the Russian Federation - Report of the Secretary-General UNCHR</ref>, tandis que d'autres sources, telles que le Comité international de la Croix-Rouge et Amnesty International, font monter le nombre de morts du massacre à 250 civils tués<ref>Wounded Bear: The Ongoing Russian Military Operation in Chechnya, GlobalSecurity.org, August 1996 (Foreign Military Studies Office)</ref>,<ref>RUSSIAN FEDERATION Brief summary of concerns about human rights violations in the Chechen Republic Amnesty International</ref>. À partir de là, la guerre s'étend aux autres villes tchétchènes, qui tombent les unes après les autres, toujours après d'intenses pilonnages. Djokhar Doudaïev meurt touché par un missile russe, localisé par le biais de son téléphone portable. Le Modèle:Date-, les Tchétchènes reprennent Grozny après de violents combats. La Russie négocie le cessez-le-feu en échange du retrait de ses troupes<ref>Modèle:Article</ref>.
Les pertes russes furent importantes. Une mauvaise stratégie utilisée en guerre urbaine et des équipages faiblement entraînés se sont soldés par la destruction de Modèle:Unité, dont Modèle:Unité et T-80, durant le premier mois d'opérations soit 10,23 % des engins engagés initialement dans ce conflit<ref>Modèle:Lien web</ref>.
Violations des droits humains
Modèle:Article connexe Les organisations des droits de l'homme ont accusé les forces russes de se livrer à un usage indiscriminé et disproportionné de la force, ce qui a entraîné de nombreux décès de civils (par exemple, selon Human Rights Watch, de l'artillerie et des roquettes russes ont tué au moins 267 civils lors de combats pour le contrôle de Goudermes, seconde ville, pour la taille, de Tchétchénie, en Modèle:Date-). La stratégie russe dominante visait à recourir à de lourdes frappes d'artillerie et aériennes tout au long du conflit, menant certaines sources occidentales et tchétchènes à considérer ces bombardements de terreur comme étant délibérés<ref>Russia's Invasion of Chechnya : A Preliminary Assessment</ref> et toute l'offensive comme étant un génocide<ref>Para Partchieva & Françoise Guérin, Parlons tchétchène-ingouche. Langue et culture, Paris, L'Harmattan, 1997, Modèle:P..</ref>. Les soldats russes ont souvent empêché les civils d'évacuer des zones de danger imminent et les organisations humanitaires de porter assistance aux civils dans le besoin. Il a été largement soutenu que les troupes russes, en particulier celles appartenant au MVD (troupes du ministère de l'Intérieur), ont en partie commis des actes systématiques de torture et des exécutions sommaires contre des sympathisants séparatistes.
De leur côté, les combattants séparatistes ont aussi commis des violations des droits de l'homme. En effet, non seulement ils se rendront plus tard, lors de la nouvelle campagne russo-tchétchène, coupables d'attentats contre des civils russes hors de Tchétchénie, mais déjà, en Modèle:Date- et en Modèle:Date-, ils ont lancé deux raids en Russie, respectivement à Boudennovsk et à Kizliar, qui tous les deux ont débouché sur des prises d'otages et l'utilisation de ceux-ci comme boucliers humains, procédés d'ailleurs déjà employés par les Russes<ref>Effectivement, au mois de mai 1995, un commando russe entre et se laisse encercler au village Chatoï, « la Suisse tchétchène », dont il retient la population en otage pendant un mois et demi ayant rejeté une proposition de reddition et en menaçant d'« égorger toutes les femmes et les enfants » au cas du recours à la force pour la libération du village. Cet épisode apparemment peu honorable est pourtant qualifié par la chaîne de télévision moscovite Ren-TV comme faisant partie des « actes héroïques » des militaires russes (Modèle:YouTube).</ref>.
Réaction occidentale
Les Occidentaux étaient souvent critiqués par des observateurs pour leur passivité, voire leur complicité, à l'égard de la Russie. « Par une ironie du sort, relève le politologue britannique Nafeez Mosaddeq Ahmed en se référant au journaliste canadien Eric Margolis<ref>Modèle:Lien web.</ref>, la guerre menée par la Russie [en Tchétchénie] avait reçu le soutien de l'ancien ennemi de l'époque de la guerre froide, les États-Unis. Le président Clinton avait prêté 11 millions de dollars à Eltsine pour financer l'opération et se rendit même à Moscou pour féliciter Eltsine, en comparant la féroce répression russe de la minuscule Tchétchénie à la guerre civile américaine, et en ayant même l'audace d'appeler Eltsine l'Abraham Lincoln de la Russie. L'étendue de l'appui américain à la campagne russe fut à nouveau révélée lorsqu'en 1996, il fut dit que Clinton avait ordonné à la CIA de fournir à Moscou des appareils de ciblage électronique ultra-secrets qui permirent aux Russes d'assassiner le président tchétchène, Djokhar Doudaïev, alors que celui-ci menait des négociations de paix avec Moscou sur son téléphone portable »<ref>Nafeez Mosaddeq Ahmed, La guerre contre la vérité, Paris, Demi-Lune, 2006, Modèle:P..</ref>.
Ces informations méritent cependant d'être nuancées. Certes, Bill Clinton apportait un « soutien franc et massif »Modèle:Sfn à Eltsine qu'il appréciait comme « un être attentif, bien préparé et un porte-parole efficace de son pays », lequel avait, selon lui, « de la chance de l'avoir à sa tête »Modèle:Sfn. Aussi, maintiendra-t-il son ferme soutien au chef du Kremlin même après que celui-ci a déclenché une guerre contre la Tchétchénie<ref>Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours, Marseille : Agone, 2002, Modèle:P..</ref>,<ref>Considérant que « la Tchétchénie est une partie de la Russie et l'a toujours été », la Maison Blanche se contenta d'abord d'« encourag[er] » Eltsine à « rétablir l'ordre » en Tchétchénie en limitant au minimum la violence et l'effusion de sang (Modèle:Lien web). Par la suite, la guerre s'enlisant, Bill Clinton appela « toutes les parties à cesser de faire couler le sang et à commencer à faire la paix », tout en réitérant son soutien à l'intégrité territoriale de la Russie (Modèle:Lien web).</ref>. Mais la comparaison d'Eltsine avec Abraham Lincoln n'était sûrement qu'implicite, par le biais d'un parallèle que Clinton dressa entre la guerre de la Russie contre une Tchétchénie en quête de son indépendance et la guerre de Sécession américaine au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Alex J. Bellamy, Massacres & Morality, Mass Atrocities in an Age of Civilian Immunity, Oxford : Oxford University Press, 2012, Modèle:P..</ref>. C'est d'ailleurs exactement le même rapprochement que faisaient de leur côté le ministre des Affaires étrangères russe Andreï Kozyrev<ref>Modèle:Lien web</ref> et, à sa façon, Eltsine lui-même (sauf qu'il poussait encore plus loin l'analogie avec l'histoire américaine en évoquant, dans une interview à Time, une prétendue tentative de sécession de la vallée du Wyoming d'avec la Pennsylvanie en 1787<ref>Modèle:Lien web</ref>). Quant à l'aide financière des États-Unis et de l'Ouest en général à la Russie<ref>Sur ce sujet, voir aussi Daniel Singer, À qui appartient l'avenir ? Pour une utopie réaliste, Bruxelles : Complexe, 2004, Modèle:P..</ref>, elle n'était pas non plus destinée uniquement et expressément à soutenir l'offensive russe en Tchétchénie, bien que d'aucuns, même en Russie, accusassent l'Occident de « financer la guerre en accordant des crédits à Moscou ou en rééchelonnant sa dette »<ref>Modèle:Lien web</ref>.
De même, certains journalistes reprochaient à l'Europe d'avoir « ferm[é] les yeux »<ref>Modèle:Article.</ref> sur le coup de force en Tchétchénie, allant même jusqu'à affirmer que « les Tchétchènes mènent [pourtant] une guerre d'indépendance qui en vaut mille autres que la communauté internationale a naguère favorisées, sinon suscitées »<ref>Modèle:Article.</ref>. C'est le cas, entre autres, de la reportrice au Figaro Laure Mandeville qui déplore « la lâcheté et l'aveuglement dont nos politiques ont fait preuve pendant le massacre des Tchétchènes »Modèle:Sfn ou encore de François Jean, chercheur à la Fondation Médecins sans frontières, qui dénonçait la « politique du mensonge » « dans cette guerre où […] toutes les normes et engagements internationaux sont ouvertement violés, dans l'indifférence généraleModèle:Sfn ».
Faits liés à la guerre
Du 16 au Modèle:Date-, le ferry Avrasaya battant pavillon panaméen avec 177 passagers et 55 membres d'équipage à bord a été détourné dans un port turc de Trabzon par un groupe de treize individus armés pro-tchétchènes, qui ont menacé de tuer plus de 100 otages russes si les forces russes ne cessaient pas leurs attaques contre les séparatistes tchétchènes près de Kizliar dans la république russe du Daghestan ; le Modèle:Date-, la ville avait été prise d'assaut par environ 250 séparatistes tchétchènes, prenant en otage deux à trois mille personnes, notamment à l'hôpital de la ville.
La prise d'otages s'est terminée au bout de trois jours sans effusion de sang avec la libération en toute sécurité par les autorités turques de plus de 219 otages sains et saufs ; 13 personnes ont été hospitalisées pour cause de maladie et de blessures<ref>Modèle:Lien web </ref>,<ref>Modèle:Lien web </ref>.
Les conséquences
Incapable de continuer des opérations militaires d'une telle complexité, la Russie jette l'éponge. Un accord politique est signé le Modèle:Date- à Khassaviourt, au Daghestan, par le secrétaire du Conseil de sécurité de Russie Alexandre Lebed et le chef d'État-major tchétchène Aslan Maskhadov. Cet accord conduisit à un statu quo laissant à la Tchétchénie (rebaptisée « république tchétchène d'Itchkérie »<ref>Du nom de l'une des régions historiques de la Tchétchénie, ceci pour se démarquer de la « République tchétchène » tout court, appellation sous laquelle la Russie, en décembre 1993, avait unilatéralement désigné la Tchétchénie dans sa constitution comme l'une de ses parties intégrantes ({{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Дмитриевский С. М., Гварели Б. И., Челышева О. А. Международный трибунал для Чечни. В 2-х т. Т. 1: ч. 1-5: Коллективная монография. – Нижний Новгород, 2009. С. 95).</ref>) une autonomie gouvernementale de facto et reportant les pourparlers sur l'indépendance (« les bases des relations mutuelles ») jusqu'en 2001<ref>Le texte des accords (en russe) peut être consulté à l'adresse : https://ru.wikisource.org/wiki/Хасавюртовские_соглашения_от_31.08.1996.</ref>. Volontairement ambiguModèle:Sfn, l'accord de Khassaviourt fit l'objet d'interprétations diamétralement opposées de la part de Moscou et de Grozny<ref>Victor-Yves Ghebali, Le rôle de l'OSCE en Eurasie, du sommet de Lisbonne au Conseil ministériel de Maastricht (1996-2003), Bruxelles, Bruylant, 2014, Modèle:P..</ref>. Toujours est-il qu’il consacrait la défaite militaire de la Russie<ref name=valioulline&zaripova>Modèle:Lien web</ref>,<ref>Yann Breault, Pierre Jolicœur & Jacques Lévesque, La Russie et son ex-empire, Paris, Presses de Sciences Po, 2003, Modèle:P..</ref> et la reconnaissance de facto (mais non de jure) par elle de l'indépendance de la Tchétchénie<ref>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Данилов А. А. История России, 1945-2008 гг.: 11 кл.: метод. пособие. – М.: Просвещение, 2008. С. 137: Modèle:Citation.</ref>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Le Modèle:Date-, les dernières unités russes quittèrent le territoire tchétchène. Le Modèle:Date-, Boris Eltsine et Aslan Maskhadov (élu entre-temps président de la Tchétchénie) conclurent au Kremlin un traité de paix, dans lequel les deux parties « guidées par la volonté de mettre fin à des siècles de confrontation » s'engageaient à « abandonner pour toujours l'usage de la force et la menace d'user de la force dans toutes les questions litigieuses [et à] maintenir des relations en accord avec les principes généralement reconnus et les normes du droit international »Modèle:Sfn. Avant d'apposer sa signature au traité, Eltsine raya du texte la référence aux accords de Khassaviourt, tant leur souvenir serait désagréable à une partie des élites russes<ref>Modèle:Lien web</ref>.
En dehors de la reprise de Grozny par les indépendantistes, le dénouement politique du conflit fut le fruit de la persévérance de Lebed, qui, muni des pleins pouvoirs pour régler le dossier tchétchène, signa les accords de Khassaviourt malgré les tentatives de sabotage des « faucons de guerre »<ref>Modèle:Lien web.</ref> et les protestations d'un autre négociateur côté russe, Vladimir Loukine<ref>Modèle:Lien web.</ref>, que ses homologues tchétchènes accusent de leur avoir lancé : « Vous ne vous en sortirez pas comme ça, nous reviendrons en Tchétchénie<ref name=vatchagaev>Modèle:Lien web</ref>,<ref>Le contenu exact des propos attribués par eux à Loukine diffère dans les détails d'une source à l'autre (cf. en particulier Modèle:Lien web).</ref> ! »
Finalement, aucun des deux partis n'arrive à respecter ses engagements. Les Russes se sentent humiliés « devant le monde entier » : leur immense<ref>Pour reprendre le qualificatif du journaliste et cinéaste russe Alexandre Nevzorov : « On connaît cette armée russe, on sait comment cette immense armée russe a été vaincue par la minuscule Tchétchénie » (interviewé par Modèle:Lien web).</ref> « armée dont tout le monde avait peur et qui faisait tous trembler s'est avérée bonne à rien », selon les termes du général Vladislav Atchalov, ancien commandant des troupes aéroportées de l'Union soviétique<ref name=geller/>. Le soldat russe avait l'impression de « s'être fait cracher dessus » et d'être « déshonoré », se souviendra plus tard le général Guennadi Trotchev, l'un des commandants des troupes russes en Tchétchénie. Et d'ajouter : « Le monde entier se moquait de lui. La toute petite Tchétchénie a écrasé la grande Russie !, voilà le bruit qui courait à travers le monde<ref name=trochev>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Геннадий Трошев. Моя война. Чеченский дневник окопного генерала. – М.: «Вагриус», 2001. С. 134, 135: Modèle:Citation</ref>. » Pour Trochev, « personne n'a causé plus de tort à l'armée russe que Lebed », et « la majorité absolue des officiers » serait honteuse d'avoir compté ce général parmi les siens<ref name=trochev/>. Même constat pour le ministre de l'Intérieur Anatoli Koulikov : différents membres de l'armée et des forces de l'ordre, « du simple soldat au général », évoquent, dit-il, un acte de « trahison nationale ». Koulikov assimile lui-même les partisans de la paix de Khassaviourt au général Vlassov et au maréchal Pétain, tous deux connus pour leur collaborationnisme avec les nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale<ref name=panorama>Modèle:Lien web</ref>. Ainsi, les militaires jusqu'au-boutistes voient Lebed comme un traîtreModèle:Sfn et, à l'affût d'une occasion de prendre leur revanche, cherchent à entretenir, sinon accroître, l'instabilité de la Tchétchénie d'après-guerre<ref>Olivier Clochard (dir.), Atlas des migrations en Europe. Géographie critique des politiques migratoires, Paris, Armand Colin, 2009, Modèle:P..</ref>,Modèle:Sfn. Les accords de Khassaviourt sont également perçus comme une « honte » et une « capitulation face aux bandits »<ref>Paroles du maire de Moscou Iouri Loujkov cité dans Modèle:Lien web.</ref> par plus d'un membre des hautes sphères politiques de l'État. Le ministre de la justice Valentin Kovalev<ref name=panorama/> et la chambre haute du Parlement<ref>Modèle:Lien web</ref> décrètent que l'accord Lebed-Maskhadov est dépourvu de toute valeur juridique, tandis qu'une centaine de députés de la chambre basse tentent de le faire déclarer illégal par la Cour constitutionnelle<ref name=vatchagaev/>. Même Lebed, artisan des accords, soulignera plus tard que ceux-ci n'avaient aucune valeur juridique<ref>Interviewé par Modèle:Lien web</ref> et qu'en les signant il se disait intérieurement qu'il fallait vite former Modèle:Unité (« étrangleurs de loups »), chiens de grandes races utilisés pour la chasse au loup auquel les combattants tchétchènes s'identifiaient volontiers, le loup étant le symbole national de la Tchétchénie indépendantiste<ref name=akhmadov1>Modèle:Lien web.</ref>,<ref>Cité par Akhmed Zakaïev, interrogé par Modèle:Lien web</ref>. Ce sentiment de rejet de la paix de Khassaviourt alimente un attentisme et une volonté de vengeance chez les élites russes, qui n'accordent guère leur soutien à la TchétchénieModèle:Sfn ni ne lui versent les subventions nécessaires à la reconstruction de ses infrastructures, contrairement à ce qui est promis à Khassaviourt<ref name=akhmadov2>Modèle:Lien web.</ref>,Modèle:Sfn. Pour empêcher une éventuelle reconnaissance internationale de la République tchétchène autoproclamée, les autorités russes font savoir qu'elles rompront leurs relations diplomatiques avec tout pays qui reconnaîtrait la Tchétchénie indépendanteModèle:Sfn. Enfin, dès Modèle:Date-, Moscou commence à élaborer le plan d'une nouvelle offensive en Tchétchénie et à activement renforcer sa frontière avec elle en vue des prochaines hostilités<ref>Comme le révéla en Modèle:Date- Sergueï Stepachine qui avait occupé successivement les postes de ministre de l'Intérieur et de Premier ministre russe avant de devenir en Modèle:Date- président de la Chambre des comptes de la fédération de Russie (interviewé par Modèle:Lien web). Il n'est peut-être pas inutile d'ajouter que, selon Maïrbek Vatchagaev, ancien représentant de la république tchétchène d'Itchkérie en Russie, un tel plan fut adopté en Modèle:Date-, à l'occasion de la réunion du Conseil de sécurité de Russie (interrogé par Modèle:Lien web).</ref>.
Quant aux Tchétchènes, ils fêtent en grande pompeModèle:Sfn leur victoire fragile, mais le bilan de la guerre est très lourd pour eux : une population décimée, un territoire détruit, des champs minés, une économie dévastée, un taux de chômage proche de 90 %<ref name=akhmadov2/>,Modèle:Sfn. La nouvelle situation s'envenime par la radicalisation islamique d'une frange des anciens combattants tchétchènes non-reconvertis qui s'organisent en force d'opposition politique armée<ref name=victor/>,Modèle:Sfn, avec entre autres le chef de guerre Chamil Bassaïev à leur tête. Ne voulant pas les désarmer de force au risque de provoquer un affrontement fratricide intra-tchétchène et de fournir, par la même occasion, un prétexte à la Russie pour intervenir<ref>Voir Tania Rakhmanova, Au cœur du pouvoir russe. Enquête sur l'empire Poutine, Paris, La Découverte, 2012, Modèle:P..</ref>, Maskhadov adopte une politique d'apaisement envers les islamistes tchétchènes : il tente de former un gouvernement de coalition, proclame la charia et décrète la création d'un conseil islamique présidentiel à statut législatif (choura)Modèle:Sfn. Ses efforts restent pourtant vains : les islamistes continuent de refuser son autorité et ils l'affaiblissent, notamment en mettant en place leur propre choura qui court-circuite les organes officiels gouvernementauxModèle:Sfn. S'y ajoute l'activité destructrice d'un autre ancien chef de guerre, Salman Radouev, dont Maskhadov affirme qu'il est atteint de schizophrénie et qu'il n'a pas toute sa tête<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Il n'en reste pas moins que Radouev, entouré d'une garde personnelle, défie les forces de l'ordre, lesquelles ne parviennent pas à le capturer conformément à une décision de justice ordonnant son emprisonnement ferme pour tentative de coup d'ÉtatModèle:Sfn. Enfin, le dernier défi, et non le moindre, de Maskhadov est celui d'enrayer le phénomène de kidnapping contre rançon. Mais malgré certains efforts pour combattre le fléau<ref name=akhmadov1/>, celui-ci persiste et prospèreModèle:Sfn.
C'est dans ces circonstances qu'éclate, en août-Modèle:Date-, une seconde guerre de Tchétchénie, en réponse aux attentats de 1999 (auxquels le FSB ne serait pas étranger<ref>Régis Genté, Poutine et le Caucase, Paris, Buchet/Chastel, 2014, Modèle:P..</ref>) et à l'incursion au Daghestan de Bassaïev et de son allié Khattab, le tout conjugué au désir de revanche des généraux russesModèle:Sfn.
Notes et références
Bibliographie
Voir aussi
Témoignages
- Jusqu'au bout, Éric Bouvet
Articles connexes
- Conflit en Ossétie du Nord de 1992
- Invasion du Daghestan (1999)
- Seconde guerre de Tchétchénie
- Insurrection en Ciscaucasie
- Crise de la vallée de Pankissi