Littérature potentielle

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Littérature potentielle, parfois abrégé Lipo<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, est un terme forgé par l'Oulipo. Il se confond plus ou moins avec celui de Littérature à contraintes.

Définition

Selon la définition canonique en vigueur, la littérature potentielle est « De la littérature en quantité illimitée, potentiellement productible jusqu’à la fin des temps, en quantités énormes, infinies pour toutes fins pratiques<ref>Oulipo, Abrégé de littérature potentielle, Mille et nuits, 2002. Cette définition figure également sur le site web de l'Oulipo.</ref>.»

Historique de la définition

Le terme apparaît pour la première fois en 1961 dans les Exercices de littérature potentielle publiés par le Collège de pataphysique, dont le futur Oulipo n’est alors qu’une sous-commission<ref>Notice BNF.</ref>. Au début des travaux de l'Oulipo, la question d'une définition s'est posée : en décembre 1961, Jacques Bens proposait de consacrer l’année suivante à la définition et aux limites de la potentialité<ref>Ou li po 1960-1963, Christian Bourgois, 1980, p. 109.</ref>. En 1973, dans le Premier Manifeste de l'Oulipo, François Le Lionnais prévenait : « Les lignes qui suivent aimeraient, sinon imposer une définition, du moins proposer quelques remarques, simples amuse-gueules destinés à faire patienter les affamés<ref>Oulipo, La littérature potentielle (Créations Re-créations Récréations), Gallimard, coll. « Idées », 1973, p. 19.</ref>. »

Une catégorisation s'est substituée à la définition : « Il y a deux Littératures Potentielles : une analytique et une synthétique. La lipo analytique recherche des possibilités qui se trouvent chez certains auteurs sans qu’ils y aient pensé. La lipo synthétique constitue la grande mission de l’Oulipo, il s’agit d’ouvrir de nouvelles possibilités inconnues des anciens auteurs. Cette définition enfin atteinte demeure la règle de l’Oulipo<ref name=":0">Jean Lescure, Petite histoire de l’OuLiPo, in Oulipo, La littérature potentielle (Créations Re-créations Récréations), Gallimard, coll. « Idées », 1973, p. 30 et 38.</ref>. »

Plutôt que définir, l'Oulipo éprouvait le « besoin de trouver soi-même ce que l’on cherche<ref>Paul Fournel, Clés pour la littérature potentielle, Denoël, coll. « Les Lettres nouvelles », 1972, p. 20.</ref>. » Ainsi il « ne s’est pas laissé prendre au piège des théorisations absconses (il a beaucoup formalisé et peu théorisé) ou des déclarations hautaines sur le devenir de la littérature<ref>Claude Burgelin, Préface à Bénabou, Jouet, Mathews et Roubaud, Un art simple et tout d’exécution, Circé, 2001, p. 10.</ref>. »

Définition par la négative

La littérature potentielle diffère de la littérature expérimentale par son objectivité : « Le mot "expérimental", nous ayant paru fonder toute l’opération sur des actes et des expériences encore mal discernables, nous jugeâmes prudent de nous asseoir sur une notion objective, sur un fait réel de l’être littéraire, sa potentialité<ref name=":0" />. »

La littérature potentielle n’est pas une littérature aléatoire<ref>Jacques Roubaud, La mathématique dans la méthode de Raymond Queneau, in Oulipo, Atlas de littérature potentielle, Gallimard, coll. « Idées », 1981, p. 56.</ref> car elle se veut scientifique : « Nous partons de textes existants, c’est-à-dire de faits. Et nous leur appliquons un certain nombre de traitements systématiques et prévus. C’est la démarche même de toute expérience scientifique<ref>Jacques Bens, Ou li po 1960-1963, Christian Bourgois, 1980, p.73.</ref>. »

La littérature potentielle est « l’anti-hasard. La potentialité est incertaine, mais pas hasardeuse. On sait parfaitement tout ce qui peut se produire, mais on ignore si ça se produira<ref>Jacques Bens, Queneau oulipien, in Oulipo, Atlas de littérature potentielle, Gallimard, coll. « Idées », 1981, p. 23-24.</ref>. »

Conception de la littérature

L'Oulipo revendique une conception différente de la littérature : « Si l’on se mettait à considérer que la potentialité, plus qu’une technique de composition, est une certaine façon de concevoir la chose littéraire, on admettrait peut-être qu’elle ouvre sur un réalisme moderne parfaitement authentique. Le regard potentiel sauvera l’écrivain, aussi bien de l’hermétisme de salon que du populisme de banlieue<ref>Jacques Bens, Queneau oulipien, in Oulipo, Atlas de littérature potentielle, Gallimard, coll. « Idées », 1981, p. 33.</ref>. »

En effet, la potentialité n'est pas celle de la littérature faite, mais celle de la littérature à faire<ref name=":1">Jean Lescure, Petite histoire de l’OuLiPo, in Oulipo, La littérature potentielle (Créations Re-créations Récréations), Gallimard, coll. « Idées », 1973, p. 32, 36 et 38.</ref>. L'objectif est de passer « des créations créées qui furent celles des œuvres littéraires que nous connaissons, aux créations créantes, susceptibles de se développer à partir d’elles-mêmes et au-delà d’elles-mêmes, d’une manière à la fois prévisible et inépuisablement imprévue<ref>Dossier 17 du Collège de Pataphysique, cité par Paul Fournel, Clés pour la littérature potentielle, Denoël, coll. « Les Lettres nouvelles », 1972, p. 21.</ref>. »

Il s'agit d'une « conception révolutionnaire de l’objectivité de la littérature, ouvrant celle-ci à tous les modes de manipulation possibles. Comme les mathématiques, la littérature pouvait s’explorer<ref name=":1" />. »

Objectif et méthode

La littérature potentielle se veut une aide à la création : « fournir aux écrivains des techniques nouvelles qui puissent réserver l’inspiration de leur affectivité<ref name=":2">François Le Lionnais, réunion de l’Oulipo du 17 août 1961, cité par Jacques Bens, Ou li po 1960-1963, Christian Bourgois, 1980, p. 77 et 82.</ref>. » Pour cela, il faut mettre en évidence les ressorts de la littérature<ref name=":2" />, construire, de manière systématique et scientifique<ref>Premier manifeste de l'Oulipo, in Oulipo, La littérature potentielle, Gallimard, coll. « Idées », 1973, p. 21.</ref>, toutes les structures littéraires possibles par une invention consciente, rationnelle et expérimentale<ref>François Le Lionnais, projet de Troisième manifeste de l’OuLiPo, publié dans Anthologie de l’OuLiPo, Poésie/Gallimard, 2009, p. 798-801.</ref>, en donnant pour chacune des exemples en petite quantité<ref name=":1" />. "Potentiel" ne caractérise pas des œuvres, mais des procédés<ref>Jacques Bens, Ou li po 1960-1963, Christian Bourgois, 1980, p. 109.</ref>.

Ces procédés sont mis à la disposition des écrivains et « peuvent produire, selon le tempérament de l’usager, des œuvres romantiques ou symbolistes ou surréalistes et tuttiquantistes<ref>Noël Arnaud, Préface à Jacques Bens, Ou li po 1960-1963, Christian Bourgois, 1980, p.11.</ref>. »

Deux célèbres exemples sont Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau et La Disparition de Georges Perec.

La contrainte

Modèle:Article détaillé La littérature potentielle est le plus souvent associée à une écriture sous contrainte. Or la contrainte n'est qu'un concept opératoire, un principe et non un moyen<ref>Jacques Roubaud, La mathématique dans la méthode de Raymond Queneau, in Atlas de littérature potentielle, Gallimard, coll. « Idées », 1981, p. 53 et 55.</ref>. « Ce n’est pas le but de l’Oulipo. C’est une stratégie privilégiée (mais non nécessairement unique) pour atteindre à la potentialité<ref>Jacques Roubaud, Notes sur l’Oulipo et les formes poétiques, in Bénabou, Jouet, Mathews et Roubaud, Un art simple et tout d’exécution, Circé, 2001, p. 27.</ref>. »

La contrainte est un outil. « La contrainte est l’énoncé d’une énigme ; le texte est une réponse, ou plutôt une des réponses, car en général il y en a plusieurs possibles. Une contrainte oulipienne doit pouvoir servir à d’autres, ce qui implique des exigences de clarté de l’énoncé (formalisation). La contrainte est altruiste<ref>Jacques Jouet, Avec les contraintes (et aussi sans) in Bénabou, Jouet, Mathews et Roubaud, Un art simple et tout d’exécution, Circé, 2001, p. 33-34.</ref>. »

Mais la contrainte résiste à toute tentative de définition. Schiavetta et Baetens tentent de définir la contrainte en établissant des critères servant à une description logique. Ils dressent un constat d’échec dans leur « quête d’une différence spécifique unique », les trois critères retenus (conventionalité, systématicité, objectivabilité textuelle) n’étant présents « que par degrés, dont les seuils moyens ne peuvent être déterminés sans arbitraire<ref>Définir la contrainte ?, Revue Formules n° 4, 2000, p. 20 et 53-54.</ref>. »

Cependant, « L’Oulipo a pensé les formes et les contraintes d’une nouvelle manière. Les oulipiens arrivent à des contraintes en partant d’une réflexion sur des structures abstraites<ref>Chris Andrews, L’Artificialité relative de la contrainte, in 50 ans d’Oulipo, de la contrainte à l’œuvre, La Licorne 100, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 85.</ref>. »

Bibliographie

Ouvrages

Articles critiques

  • Carole Bisenius-Penin, André Petitjean (dir), 50 ans d'Oulipo, de la contrainte à l’œuvre, La Licorne 100, Presses Universitaires de Rennes, 2012.
  • Christelle Reggiani, Peut-on parler d’un style oulipien ?, Revue Formules n° 16, 2012. Lire en ligne.
  • Bernardo Schiavetta et Jan Baetens, Définir la contrainte ?, Revue Formules n° 4, 2000, p. 20-56. ISSN 1275-7713.
  • Virginie Tahar, Esquisse d’un art du roman potentiel, Revue Formules n° 16, 2012. Lire en ligne.

Articles connexes

Notes et références

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