Accords Sykes-Picot

{{#ifeq:||Un article de Ziki, l'encyclopédie libre.|Une page de Ziki, l'encyclopédie libre.}}
Révision datée du 9 octobre 2023 à 12:23 par >Père Igor (typographie)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Modèle:Homon Modèle:Infobox Document

Les accords Sykes-Picot sont des accords secrets signés le Modèle:Date<ref>http://www.law.fsu.edu/library/collection/LimitsinSeas/IBS094.pdf Modèle:P..</ref>, après négociations entre Modèle:Date et Modèle:Date<ref>The Middle East in the twentieth century, Martin Sicker.</ref>, entre la France et le Royaume-Uni<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> (avec l'aval de l'Empire russe et du royaume d'Italie), prévoyant le découpage du Proche-Orient à la fin de la guerre en plusieurs zones d'influence au profit de ces puissances, ce qui revenait à dépecer l'Empire ottoman. Les accords s'inscrivent dans le contexte d'une domination coloniale par laquelle deux pays exercent une action déterminante et durable sur les peuples d'une région étrangère<ref>«L’Empire britannique et la France imposent leur domination politique sur les peuples colonisés et de puissants modes de représentation idéologique fondés sur l’infériorisation systématique de l’Autre, « l’indigène »», BLANC Pierre, CHAGNOLLAUD Jean-Paul, « « Les accords Sykes-Picot ont reconfiguré le Moyen-Orient. » », dans Moyen-Orient. Idées reçues sur une région fracturée, sous la direction de BLANC Pierre, CHAGNOLLAUD Jean-Paul. Paris, Le Cavalier Bleu, « Idées reçues », 2019, p. 27-34, lire en ligne</ref>.

En rupture avec des promesses antérieures d'indépendance faites au porte-parole de la nation arabe, le chérif Hussein, le Royaume-Uni et la France morcellent le Moyen-Orient en cinq zones. Chacun de ces deux pays se réserve une zone «d'administration directe» et une zone «d'influence» ; à ces quatre zones s'ajoute une cinquième, la Palestine, censée devenir une zone internationale<ref name=Blanc>BLANC Pierre, CHAGNOLLAUD Jean-Paul, « « Les accords Sykes-Picot ont reconfiguré le Moyen-Orient. » », dans Moyen-Orient. Idées reçues sur une région fracturée, sous la direction de BLANC Pierre, CHAGNOLLAUD Jean-Paul. Paris, Le Cavalier Bleu, « Idées reçues », 2019, p. 27-34, lire en ligne</ref>.

À l'issue de la Première Guerre mondiale, les zones seront, pour certaines, modifiées. La Palestine sera cédée au Royaume-Uni, au lieu d'être internationalisée. Les Kurdes de Mossoul se retrouveront non pas en Syrie comme il était prévu mais, dès 1925, dans le nouvel Etat d'Irak créé par les Britanniques, la région de Mossoul ayant été cédée par la France au Royaume-Uni<ref name=Blanc/>.

Les accords Sykes-Picot, relevant de la diplomatie secrète, n'ont pas valeur légale. Le Royaume-Uni et la France mettent en application ces accords ultérieurement dans le cadre de la Société des Nations, qui leur accorde un mandat pour Modèle:Citation les peuples du Moyen-Orient Modèle:Citation, selon le texte de la Société des Nations (SDN), en prenant en compte les vœux de ces peuples<ref name=Blanc/>. En réalité, le Royaume-Uni et la France n'ont pas tenu compte des vœux des populations et ont réprimé dans le sang les révoltes qui ont éclaté pendant leur mandat, notamment, en Irak, en Palestine et en Syrie<ref name=Blanc/>.

L'accord

Fichier:Mark Sykes00.jpg
Mark Sykes.
Fichier:François Georges-Picot cropped.JPG
François Georges-Picot.
Fichier:Edward Grey 1914 cropped.JPG
Edward Grey.
Fichier:Paul Cambon 01.jpg
Paul Cambon.

Le Modèle:Date, faisant suite à un travail préparatoire épistolaire de plusieurs mois entre Sir Mark Sykes, et François Georges-Picot, l'accord dit Sykes-Picot est conclu entre la France et le Royaume-Uni à Downing Street entre Paul Cambon, ambassadeur de France à Londres, et Sir Edward Grey, secrétaire d'État au Foreign Office. Du côté britannique, la commission de Bunsen à laquelle participa Sir Mark Sykes au printemps 1915 en aura jeté les bases<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Il prévoit à terme un découpage du Proche-Orient, c'est-à-dire l'espace compris entre la mer Noire, la mer Méditerranée, la mer Rouge, l'océan Indien et la mer Caspienne, alors partie intégrante de l'Empire ottoman. L'Empire russe participe aux délibérations et donne son accord, comme l'Italie, aux termes du traité secret.

Le Proche-Orient est découpé, malgré les promesses d'indépendance faites aux Arabes, en cinq zones<ref name="Henry Laurens">Henry Laurens, « Comment l'Empire ottoman fut dépecé » dans Le Monde Diplomatique, avril 2003 Modèle:Lire en ligne.</ref> :

  1. Zone bleue française, d'administration directe formée du Liban actuel et de la Cilicie<ref name=Blanc/> ;
  2. Zone arabe A, d'influence française comportant le Nord de la Syrie actuelle et la province de Mossoul<ref name=Blanc/> ;
  3. Zone rouge britannique, d'administration directe composée du Koweït actuel et de la Mésopotamie (actuel Irak sans la région de Mossoul)<ref name=Blanc/> ;
  4. Zone arabe B, d'influence britannique, constituée du Sud de la Syrie actuelle, de la Jordanie actuelle et de la future Palestine mandataire<ref name=Blanc/> ;
  5. Zone brune, d'administration internationale comprenant Saint-Jean-d'Acre, Haïfa et Jérusalem. Le Royaume-Uni obtiendra le contrôle des ports de Haïfa et d'Acre<ref name=Blanc/>.

Bien qu'ils aient donné leur nom à l'accord, les diplomates François Georges-Picot et Mark Sykes jouent un rôle secondaire dans son élaboration. Les acteurs qui le négocient sont en réalité les ministres des Affaires étrangères français et britannique Paul Cambon et Edward Grey ; l'accord aurait dû s'appeler l'accord Grey-Cambon.

Divulgation

Ces accords secrets n'ont été finalement révélés au grand public que le Modèle:Date dans un article des Izvestia et de la Pravda et le Modèle:Date puis repris dans un article du Manchester Guardian<ref>Modèle:Langue, Modèle:Langue.</ref>.

À la suite de la révolution d'Octobre qui renverse la jeune république russe instaurée depuis la révolution de Février et installe le pouvoir bolchévique, le nouveau gouvernement de Pétrograd découvre dans les archives du ministère des Affaires étrangères une copie du texte du traité Sykes-Picot qu'il porte, en Modèle:Date, à la connaissance du gouvernement ottoman, toujours possesseur des territoires concernés<ref>« Le Moyen-Orient redessine ses frontières », Le Devoir, 16 août 2014.</ref>.

Réactions immédiates

Le roi Hussein

Le pouvoir ottoman transmet alors ces informations au chérif Hussein de La Mecque à qui les Britanniques avaient promis, en 1915, dans une série d'échanges avec Sir Henry McMahon le haut commissaire britannique au Caire<ref name="Baron">Xavier Baron, Les Palestiniens, Genèse d'une nation, Seuil, 2000, Modèle:ISBN, p. 18.</ref>, un grand royaume arabe ; les Britanniques avaient eu pour objectif par cette promesse de détacher Hussein de l'Empire ottoman et d'obtenir de lui un soutien militaire. Dès la nouvelle connue, la colère gronde chez les Arabes. Désagréablement surpris par la lecture du traité, Hussein transmet le texte au gouvernement britannique avec une demande d'explications<ref name="Baron"/>.

Le Modèle:Date le gouvernement britannique répond<ref>George Antonius, The Arab Awakening: The Story of the Arab National Movement, Hamish Hamilton, appendix C</ref> : Modèle:Début citationLe gouvernement de sa Majesté et ses alliés n'ont pas abandonné leur politique qui consiste à apporter leur concours le plus entier à tous les mouvements qui luttent pour la libération des Nations opprimées. En vertu de ce principe, ils sont plus que jamais résolus à soutenir les peuples arabes dans leur effort pour instaurer un Monde arabe dans lequel la loi remplacera l'arbitraire ottoman et où l'unité prévaudra sur les rivalités artificiellement provoquées par les intrigues des administrations turques.

Le gouvernement de Sa Majesté confirme ses promesses antérieures concernant la libération des peuples arabes.Modèle:Fin citation

Les accords Sykes-Picot affirment la domination de puissances européennes sur des régions Modèle:Citation, affirme l'historien Henry Laurens<ref name=Laurens>Entretien avec Henry Laurens, réalisé par Raphaële Balu, Isabelle Safa, « Les populations du Maghreb et du Machrek à l’épreuve des guerres mondiales (1914-1945) », Les Cahiers de l'Orient, 2015/3 (no 119), p. 11-29, lire en ligne</ref>.

Selon l'historien Samir Saul, Modèle:Citation

Selon le politologue Daniel Meier, « cette entente entre puissances marquait du sceau de la trahison un découpage effectué par devers le Chérif Hussein, gardien des lieux Saints de La Mecque et de Médine auquel la Grande-Bretagne avait promis la création d’un grand royaume arabe une fois l’Empire ottoman liquidé grâce au soutien de ses troupes arabes<ref>Modèle:Article.</ref>. »

Le président Wilson

Aux États-Unis, le président Wilson, tentant de mettre en avant l'argument de l'autodétermination des peuples, ne participe pas aux accords Sykes-Picot et cherche à obtenir un mandat de la Société des Nations elle-même, en organisant dans le cadre d'une commission une consultation des peuples concernés<ref>United States Department of State / Papers relating to the foreign relations of the United States, The Paris Peace Conference, 1919 : lire en ligne</ref>.

Les Français et les Britanniques sentant la situation leur échapper quittent la commission et se mettent d'accord sur les frontières à la conférence de San Remo en avril 1920<ref name="Henry Laurens"/>.

Rapport de force militaire franco-britannique

Le contexte militaire et diplomatique pour la France en Orient est défavorable. En Modèle:Date-, celle-ci n'y dispose d'aucune troupe depuis le retrait des Dardanelles, alors que Modèle:Nombre britanniques sont concentrés en Égypte. Durant le conflit, les effectifs britanniques monteront jusqu'à Modèle:Nombre d'hommes (tous théâtres orientaux confondus), contre guère plus de Modèle:Nombre pour le détachement français de Palestine et de Syrie (DFPS). Cette faiblesse numérique sur le terrain paraît avoir été en partie compensée par l'occupation par la marine française de l'île de Rouad, sur laquelle la France a installé un service de renseignements très actif en Syrie. Les réseaux tissés par le service d'informations de la marine au Levant (SIL) avec de nombreuses communautés et tribus syriennes ont permis de conserver l'influence française dans la région et dissuadé la Grande-Bretagne de remettre a posteriori en cause l'accord signé avec la France<ref>Christophe Mommessin, La marine française et la résolution de la question d'Orient (1797-1922) : de la puissance navale à l'action clandestine, Tolbiac éditions, 2019, Modèle:P.321-376.</ref>.

Application de l'accord

Cet accord est ainsi entériné et légalisé par un mandat en bonne et due forme de la Société des Nations à la conférence de San Remo. La France forme un mandat sur le Liban et un autre sur la Syrie, tandis que la Grande-Bretagne forme un mandat sur la Mésopotamie (agrandie de Mossoul cédée par les Français en échange d'une participation aux bénéfices pétroliers du bassin de Kirkouk) et un autre concernant la Palestine et la Transjordanie.

Le partage décidé ne sera jamais appliqué intégralement ; il y aura notamment la cession en 1919 de Mossoul à l'Angleterre par Clemenceau et la naissance de la Turquie moderne, ainsi que la création de l'Arabie saoudite actuelle<ref name="AdrienJaulmes">« Sykes-Picot : une « ligne dans le sable » qui hante le Moyen-Orient », article d'Adrien Jaulmes, dans le Figaro, P15 de l'édition du 14-15 mai 2016.</ref>.

Selon Henry Laurens, le tracé des frontières actuelles au Moyen-Orient ne découle pas seulement des accords Sykes-Picot, mais d'une série de tractations «entre les réunions à Versailles de décembre 1918 et la conférence de San Remo en avril 1920»<ref>Modèle:Article.</ref>, voire au-delà durant les années 1920, au cours des mandats français et britanniques<ref>Modèle:Article</ref>.

Contestations du découpage du Moyen-Orient dans l'entre-deux-guerres

L’accord franco-britannique doit faire face à une double opposition : l'insurrection nationale turque de Mustafa Kemal Atatürk en Anatolie, en opposition au traité de Sèvres, et l'installation du pouvoir des Hachémites, s'appuyant sur les nationalistes arabes, en Mésopotamie (Irak actuel) et en Syrie.

Alors que les frontières de la Turquie ont été définies par le traité de Sèvres en 1920, avec des frontières qui limitent le pays à sa partie occidentale d’Anatolie et à Istanbul, avec la création d’un « territoire autonome des Kurdes », et une partie arménienne dissociée de la Turquie pour être réunie à la République indépendante d’Arménie, la « Guerre d’indépendance turque», dès mai 1919, modifie les tracés prévus par les grandes puissances<ref name=Maila>MAILA Joseph, « Les accords Sykes-Picot, cent ans après », Études, 2016/5 (Mai), p. 17-28. DOI : 10.3917/etu.4227.0017. URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2016-5-page-17.htm </ref>. Les Français sont chassés d'Anatolie par les kémalistes à l'issue de la campagne de Cilicie. Le traité de Lausanne (1923) fixe les frontières actuelles de la Turquie en y intégrant des territoires reconquis ; le processus entraîne des transferts forcés de populations<ref name=Maila/>.

Les régions arabes contestent également la partition diplomatique du Proche-Orient opérée par les grandes puissances<ref name=Maila/>. Fayçal, fils du roi Hussein, à qui les Britanniques avaient promis un soutien en faveur de la formation d'une grand royaume arabe, refusa d'avaliser les accords Sykes-Picot<ref name=Maila/>. À Damas, en Syrie, pays placé en zone de domination française selon les termes de l'accord Sykes-Picot, Fayçal, est proclamé roi du « Royaume arabe de Syrie ». Le mouvement nationaliste arabe dont il est un représentant l'incite à prendre les armes qui s'emparait en 1920 des territoires attribués à la France par les accords Sykes-Picot puis par la Société des Nations<ref name=Maila/>. La bataille de Maysaloun de juillet 1920 entre les troupes de Fayçal et les troupes françaises s'achève sur une défaite arabe<ref name=Maila/>. Les Anglais, en compensation, installent Fayçal sur le trône irakien.

Conséquences

Fichier:Peace-conference-memoranda-respecting-syria-arabia-palestine5.jpg
Carte du découpage de l'Empire ottoman suivant les accords Sykes-Picot.

Selon l'historien Modèle:Lien, les accords Sykes-Picot et plus largement tout le processus de dépeçage de l'Empire ottoman par les Alliés durant la Première Guerre mondiale demeurent au XXIe siècle un facteur de déstabilisation du Moyen-Orient<ref>Modèle:Article</ref>.

Dans les pays arabes, les accords Sykes-Picot sont associés à l'idée d'un destin imposé arbitrairement aux peuples de la région par des puissances européennes<ref name=Maila/>. La critique de la « diplomatie secrète » de la France et de la Grande-Bretagne est également un thème diffusé par le président américain Woodrow Wilson<ref name=Maila/>. Le pouvoir révolutionnaire bolchevique fait partie des détracteurs des accords Sykes-Picot<ref name=Maila/>.

Le nom de l'accord est historiquement déformé. Selon l'historien Henry Laurens, les Britanniques ont préféré l'appeler « Sykes-Picot » plutôt que « Cambon-Grey » ou « Grey-Cambon », comme il aurait dû s'appeler (puisqu'il s'agit des deux signataires), afin de lui donner moins d'importance. Notamment gênés par ce partage arbitraire vis-à-vis de leurs alliés arabes, les Britanniques s'en sont tenus à cette façon réductrice de nommer l'accord, qui est depuis entrée dans le langage courant.

De nos jours, les accords Sykes-Picot sont dénoncés, dans les pays arabes, comme un héritage des anciennes puissances coloniales de l'époque, le Royaume-Uni, et la France. Mais depuis, les frontières sont restées telles qu'elles furent tracées en 1919, à l'exception du Sandjak d'Alexandrette, qui fut annexé par la Turquie, en 1939.

Bibliographie

  • James Barr, Une ligne dans le sable, Perrin / ministère de la Défense, 2017, 512 p.
  • Sarah Guerfi, « Les accords Sykes-Picot », La Revue d'Histoire militaire, Les Lilas, La Revue d'Histoire militaire, 2023

Notes et références

Modèle:Références

Voir aussi

Modèle:Autres projets

Articles connexes

Liens externes

Modèle:Liens

Modèle:Palette Modèle:Portail