Fonction de Möbius
Modèle:Voir homonymes En mathématiques, la fonction de Möbius désigne généralement une fonction multiplicative particulière, définie sur les entiers strictement positifs et à valeurs dans l'ensemble {–1, 0, 1}. Elle intervient dans la formule d'inversion de Möbius.
Elle est utilisée dans des branches différentes des mathématiques. Vue sous un angle élémentaire, la fonction de Möbius permet certains calculs de dénombrement, en particulier pour l'étude des p-groupes ou en théorie des graphes. En arithmétique, elle est parfois définie comme l'inverse de la fonction multiplicative constante 1, pour l'opération convolution de Dirichlet. On la trouve encore pour l'étude des polynômes cyclotomiques sur le corps des nombres rationnels. Son rôle est analogue pour les corps finis et, par voie de conséquence, la fonction de Möbius intervient dans la théorie des codes correcteurs. En théorie analytique des nombres, la fonction de Möbius est plus souvent introduite à l'aide des séries de Dirichlet. Elle intervient dans certaines démonstrations liées à l'étude de l'hypothèse de Riemann sur les nombres premiers.
L'usage de cette fonction est ancien : on le trouve chez Euler en 1748 ou encore chez Gauss dans ses Disquisitiones arithmeticae en 1801. C'est néanmoins Möbius qui le premier l'étudie systématiquement, en 1832.
Définition et propriétés
Définition
Dans toute la suite de l'article, N désigne l'ensemble des entiers naturels et N* celui des entiers strictement positifs. La définition la plus courante est la suivante : Modèle:Théorème
Le tableau de ses vingt premières valeurs est donc :
n | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 |
μ(n) | 1 | –1 | –1 | 0 | –1 | 1 | –1 | 0 | 0 | 1 | –1 | 0 | –1 | 1 | 1 | 0 | –1 | 0 | –1 | 0 |
et le graphe de ses cinquante premières valeurs est :
Définition équivalente
Modèle:Ancre Avec cette seconde définition, [[Convolution de Dirichlet#Groupe des fonctions multiplicatives|Modèle:Math est automatiquement]], comme Modèle:Math, multiplicative, c'est-à-dire que : Modèle:Énoncé
Modèle:Démonstration/début Montrons que la fonction Modèle:Math de la première définition vérifie bien
- <math>\sum_{d\mid n} \mu(d) = \left\{\begin{matrix}1&\mbox{ si } n=1\\ 0&\mbox{ si } n>1.\end{matrix}\right.</math>
Si n = 1, le résultat est évident. Si n > 1, soient P l'ensemble des facteurs premiers de n et s = card(P) (≥ 1). Les seuls diviseurs de n dont l'image par μ est non nulle sont ceux sans facteur carré, c'est-à-dire les produits d'éléments distincts de P donc, en utilisant que le nombre de parties de P de cardinal t est égal au coefficient binomial <math>s\choose t</math> puis en appliquant la formule du binôme :
ce qui termine la démonstration.
Au lieu d'appliquer la formule du binôme, on pouvait d'ailleurs la redémontrer directement dans ce cas particulier, c'est-à-dire montrer qu'il existe dans P autant de parties de cardinal pair que de cardinal impair. Pour cela, il suffit de fixer un élément p de P et de regrouper les parties de P deux par deux, par couples de la forme (S, S∪{p}) où S est une partie de P ne contenant pas p. Chaque partie de P figure dans un couple et un seul et chaque couple comporte une partie de cardinal pair et une de cardinal impair, ce qui montre bien que P a autant de parties paires qu'impaires.
Formule d'inversion de Möbius
Modèle:Article détaillé La seconde définition permet de démontrer rapidement que pour toute fonction arithmétique f : Modèle:Énoncé
Combinatoire
Définitions et propriétés élémentaires
Une approche combinatoire permet de généraliser l'étude ci-dessus<ref name=Rota>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} G.-C. Rota, « On the foundations of combinatorial theory, I: Theory of Möbius functions », Z. Wahrscheinlichkeitstheorie u. verw. Gebiete, vol. 2, 1963, p. 340-368.</ref>. La technique consiste à étudier un ensemble A fini et ensemble partiellement ordonné dont la relation d'ordre est notée ≤. On utilise la définition suivante :
Dans la suite du paragraphe, on note cp(a, b) le nombre de chaînes de longueur p reliant a à b. On dispose immédiatement de quelques propriétés. Par exemple, si a est un élément de A, cp(a, a) vaut 1 pour p = 0 et vaut 0 pour p > 0, et si b est un élément de A strictement plus grand que a alors c0(a, b) = 0 et c1(a, b) = 1. Plus généralement, on établit le lemme suivant :
En effet, toute chaine de longueur p + 1 joignant Modèle:Mvar à Modèle:Mvar est composée d'une chaîne de longueur p reliant Modèle:Mvar à Modèle:Mvar et d'une chaîne de longueur 1 reliant Modèle:Mvar à Modèle:Mvar, ce qui démontre la première égalité. La deuxième se montre de la même manière.
Gian-Carlo Rota définit une nouvelle fonction de Möbius, qu'il note μA, et dont on verra qu'elle généralise μ :
Autrement dit, on compte positivement toutes les chaînes de longueurs paires reliant a à b et négativement celles de longueurs impaires. On remarque de plus que ces définitions restent valables si A est infini, à condition qu'il n'existe qu'un nombre fini d'éléments situés entre a et b (on dit alors que l'ordre est Modèle:Lien). Le lemme permet de démontrer l'analogue suivant de la caractérisation de μ :
Modèle:Démonstration Le produit de convolution de Dirichlet se généralise, permettant d'associer à tout ordre localement fini A son Modèle:Lien, et le résultat ci-dessus se reformule alors par l'interprétation de μA comme un inverse dans cet anneau unitaire.
Ce résultat permet aussi de montrer une formule d'inversion pour μA.
Relation entre la définition de Möbius et celle de Rota
Ici, l'ensemble A désigne celui des entiers strictement positifs munis de la relation d'ordre : a ≤ b lorsque a est un diviseur de b.
Cet ordre est localement fini, et lorsqu'on lui applique la caractérisation de μA avec 1 comme première variable, on retrouve la caractérisation μ.
On remarque aussi que si a divise b, l'application qui à une chaîne (x1, x1,..., xp) associe la chaîne (1, x2/x1,..., xp/x1) constitue une bijection entre l'ensemble des chaînes de longueur p reliant a à b et celles reliant 1 à b/a.
On en déduit donc : Modèle:Théorème
Via ce lien, la formule d'inversion classique pour μ peut être vue comme un cas particulier de celle pour μA.
Série de Dirichlet
Pour tout nombre complexe s de partie réelle strictement supérieure à 1,
- <math>\sum_{n=1}^{\infty}\frac{\mu(n)}{n^s}=\frac1{\zeta(s)}\quad\text{et}\quad\sum_{n=1}^{\infty}\frac{|\mu(n)|}{n^s}=\sum_{n=1}^{\infty}\frac{(\mu(n))^2}{n^s}=\frac{\zeta(s)}{\zeta(2s)}</math>,
où <math>\zeta</math> est la fonction zêta de Riemann.
La fonction de Mertens <math>M</math> est définie par <math>M(n)=\sum_{k=1}^n\mu(k)</math>.
Le théorème des nombres premiers est équivalent<ref>Voir par exemple G. Tenenbaum, Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres, Modèle:Détail des éditions, SMF, coll. « Cours spécialisés », Paris, 1995, I.3.6, ou Modèle:Ouvrage, Modèle:Nobr et 4.16.</ref> à <math>\sum_{n=1}^{\infty}\frac{\mu(n)}n=0</math> et à <math>\lim_{n\to\infty}\frac{M(n)}n=0</math>. Une version plus élaborée du théorème des nombres premiers (avec une évaluation explicite du terme de reste) a été utilisée en 1899 par Edmund Landau<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> pour démontrer : <math>\sum_{n=1}^{\infty}\frac{\mu(n)\ln n}n=-1</math>.