Loi Le Chapelier
Modèle:Confusion Modèle:Infobox Norme juridique La loi Le Chapelier, promulguée en France le Modèle:Date, est une loi ayant interdit tout groupement professionnel, que ce soit de gens de métier, les « maîtres », ou de leurs ouvriers et apprentis. Elle s'inscrit dans une volonté de s'affranchir des groupes de pression qu'étaient devenues les corporations et les guildes sous l'Ancien Régime, mais se concentre sur les associations d'ouvriers, interdisant de fait les syndicats ou autres revendications collectives.
Cette loi fut précédée par le décret d'Allarde des 2 et Modèle:Date promulguant la liberté d'entreprise et supprimant expressément ces corporations au nom de la liberté du travail<ref>les corporations contrôlaient l'accès à l'exercice de leur profession y compris la formation</ref>, et de la libre concurrence<ref>les corporations contrôlaient la formation des prix y compris les salaires</ref>.
La loi
Origines
La loi est désignée par le nom de l'avocat au parlement de Bretagne puis député patriote aux états généraux Isaac Le Chapelier qui en est l'auteur et la présente à l'Assemblée nationale. Cette loi proscrit le régime général d'exercice collectif des métiers ouvriers (les corporations), avec toutes les réglementations sociales particulières, et par conséquent le régime de dérogation des manufactures privilégiées<ref>Les règlements des métiers limitant le nombre de compagnons et d'apprentis que pouvait engager chaque maître, il fallait obtenir des lettres patentes de dérogation pour établir une manufacture, c'est-à-dire un nouveau règlement adapté à la production en grand. Mais dans le faubourg Saint-Antoine, qui bénéficiait depuis 1657 d'un privilège royal permettant de travailler sans lettres de maîtrise ni contrôle des jurés parisiens, s'étaient établies des manufactures sans privilèges qui bénéficiaient d'une extra-territorialité par rapport aux communautés de métier de Paris. Espace de concentration ouvrière, c'est dans ce faubourg qu'a lieu l'un des premiers épisodes de la Révolution française, l'affaire Réveillon, en avril 1789.</ref>,<ref>Alain Thillay, Le Faubourg Saint-Antoine et ses « faux ouvriers. La Liberté du travail à Paris aux Modèle:S mini- et Modèle:S mini- siècles, Paris, Éditions Champ Vallon, 2002, Modèle:Nobr, Modèle:P. Modèle:ISBN.</ref> et d'une façon générale tous les marchés paysans<ref>La vente des produits agricoles, de la viande, du poisson, se faisait en nom collectif dans des halles, sortes de coopératives publiques fonctionnant comme des bourses.</ref>.
Dans son exposé des motifs introductifs devant l'Assemblée nationale<ref name=":0">« Bulletin de l'Assemblée nationale » du Modèle:Date-, Gazette Nationale ou Le Moniteur Universel, 15 juin 1791- Deuxième année de la Liberté, dans Réimpression de l'Ancien Moniteur, volume 8, p. 661.</ref>, Le Chapelier décrit pour s'en alarmer un mouvement pré-syndical où, les ouvriers, coalisés en assemblées « qui se propagent dans le Royaume », cherchent à imposer des salaires minimum pour le prix de journée d'un ouvrier, et à créer des sociétés de secours, de la municipalité de Paris qui laisse se développer ces pratiques. Son discours ne laisse aucun doute sur la cible véritable de sa loi : l'associationnisme ouvrier. Ses justifications sont imprégnées du discours libéral<ref name=":1">Modèle:Ouvrage</ref>. Rejetant les corps intermédiaires chers à Montesquieu, et dans l'esprit de la nuit du 4 août 1789, son discours affirme : « Il doit sans doute être permis à tous les citoyens de s'assembler ; mais il ne doit pas être permis aux citoyens de certaines professions de s'assembler pour leurs prétendus intérêts communs ; il n'y a plus de corporation dans l'État ; il n'y a plus que l'intérêt particulier de chaque individu, et l'intérêt général. Il n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation.[…]Il faut donc remonter au principe que c'est aux conventions libres d'individu à individu à fixer la journée pour chaque ouvrier »<ref name=":0" />,<ref name=":1" /> . La loi s'inspire du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, dont Le Chapelier reprend des passages entiers dans son exposé<ref>Laurent Kupferman, Emmanuel Pierrat, Ce que la France doit aux francs-maçons, Éditions Générales First, 2012.</ref>.
Le débat qui suit est très bref. Sans contester le fond, l'avocat clermontois Jean-François Gaultier de Biauzat (alors de la gauche de l'Assemblée) tente d'abord, en vain, de reporter le vote au lendemain. Il s'inquiète que cette loi menace le droit des citoyens de se réunir et de s'associer<ref name=":2">Modèle:Ouvrage</ref>. Puis il lance l'un des rares sujets qui semble intéresser cette assemblée : sur la nécessité ou non de condamner explicitement les « procureurs du Chatelet » qui cherchent, par les mêmes méthodes associatives, à maintenir leur monopole dans les enchères sur saisies, contre « les autres avoués n'ayant pas fait partie de leur corporation » !
La loi suit de très près le décret d’Allarde des 2 et Modèle:Date, à la fois dans ses objectifs et par sa proximité historique. Le décret d'Allarde contribuera aussi à établir la liberté d'exercer une activité professionnelle en affirmant le principe suivant : « Il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouve bon ». Mais la loi Le Chapelier prolonge le décret d'Allarde de façon répressive. Non seulement elle interdit à des assemblées de se fixer des objectifs en matière de négociation salariale ou de prix, mais encore elle interdit aux collectivités publiques d'en tenir compte et d'accepter leurs pétitions, ni même de traiter avec les auteurs de telles pétitions (à moins qu'ils ne s'en soient publiquement repentis), le tout sous peine de 1 000 livres d'amende et de trois mois de prison. Les « attroupements ouvriers qui auraient pour but de gêner la liberté que la constitution accorde au travail de l'industrie seront regardés comme attroupement séditieux. » (art. VIII)
La loi contribue, avec le décret du Modèle:Date<ref>Le décret du Modèle:Date supprime toutes les congrégations d'hommes et de femmes, tant laïques qu'ecclésiastiques, les universités, les facultés et les sociétés savantes.</ref>, à la dissolution de l'Université et des facultés de médecine, au nom du libre exercice de la médecine, sans qu'il soit nécessaire d'avoir fait des études médicales ou d'avoir un diplôme, jusqu'à la création des écoles de santé de Paris, Montpellier et Strasbourg le Modèle:Date<ref>Jacques Poirier & Françoise Salaün, Médecin ou malade ? La médecine en France eux Modèle:S mini- et Modèle:S mini- siècles, Paris, Éditions Masson, 2001, 321 pages, Modèle:P. Modèle:ISBN.</ref>.
Dans le droit fil des principes de la physiocratie, cette loi vise à garantir la liberté d'entreprise et d'établissement, conçue sur les principes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen comme le moyen d'assurer l’enrichissement de la nation et le progrès social<ref>Jef Blanc-Gras, Modèle:Lien brisé, mémoire de Master Ressources Humaines, spécialité Conditions de Travail-Compétences, 2006, Modèle:P..</ref>,<ref>« Loi du Modèle:1er juillet 1901 relative au contrat d'association. Naissance d'un grand texte. Petite chronologie de la reconnaissance du droit d'association, 1789-1901 », sur le site de l'Assemblée nationale.</ref>.
Conséquences
Supprimant toutes les communautés d'exercice collectif des professions, la loi Le Chapelier eut pour effet de détruire les guildes, corporations et groupements d'intérêts particuliers (voir Courtier piqueur juré) détruisant du même coup les usages et coutumes de ces corps<ref>. C'est ce que remarque et dénonce Simon-Nicolas-Henri Linguet dès la parution de la loi.</ref>. Elle provoque, dès 1800 chez les ouvriers charpentiers, la formation de ligues privées de défense, appelées syndicats, et des grèves, qu'elle permet de réprimer pendant presque tout le Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle<ref>Cette première grève des charpentiers à Paris est rapportée par Frédéric Le Play dans Les Ouvriers européens.</ref>. Bien qu'ils soient également interdits, la loi ne parvient pas à empêcher la formation de véritables syndicats patronaux<ref>Gilles Dal, La Sécurité sociale à ses débuts, réactions suscitées, arguments échangés, aux sources du conflit social, Paris, L'Harmattan, collection « Logiques historiques », 2003, 298 pages, Modèle:P. Modèle:ISBN : l'Association pour la défense du travail national (1846) est la première tentative de fédération du patronat français à l'échelle nationale.</ref>. De même, la loi ne peut empêcher l'organisation de sociétés de compagnonnage<ref>F. du Cellier, Histoire des classes laborieuses en France, Paris, Didier et Cie, 1860, 479 pages, Modèle:P..</ref>. Par ailleurs, les coopératives ouvrières, développées à partir de 1834, sont considérées, hormis une brève période sous la Deuxième République, en 1848, comme des coalitions jusqu'à la loi du Modèle:Date sur les sociétés, qui leur reconnaît un statut légal, comportant un chapitre dit « des Sociétés à Personnel et Capital Variables ».
Le Modèle:Date, la loi sur la réglementation du travail dans les manufactures et les ateliers renouvelle l’interdiction des coalitions ouvrières. De son côté, le délit de coalition est réaffirmé dans les articles 414 et 415 du Code pénal de 1810<ref>Alain Supiot, « Revisiter les droits d'action collective », in Georges J. Virassamy, Isabelle Dauriac, Ferdinand Edimo-Nana, Philippe Saint-Cyr (dir.), Droits et pratiques syndicales en matière de conflits collectifs du travail, actes du colloque des 18 et 19 décembre 2000, Centre d'Études et de Recherches Juridiques en Droit des Affaires, université des Antilles et de la Guyane, Paris, L'Harmattan, 2002, 178 pages, Modèle:P. Modèle:ISBN.</ref>. Le Modèle:Date, une nouvelle loi est votée contre les coalitions ouvrières et patronales<ref>« La régulation des relations de travail (1950-2006) - Chronologie ».</ref>.
Par contre, les chambres de commerce, également supprimées par la loi, sont rétablies par Bonaparte le 24 décembre 1802, mais plus comme des services d'information de l’État que comme des corps intermédiaires<ref>Modèle:Article</ref>.
Abrogation
La loi Le Chapelier a été abrogée en deux temps le Modèle:Date par la loi Ollivier, qui abolit le délit de coalition, et le Modèle:Date par la loi Waldeck-Rousseau, qui légalise les syndicats.
Opinions
Karl Marx
Pour le philosophe Karl Marx, cette loi interdisant aux ouvriers de se regrouper est un véritable « coup d’État des bourgeois »<ref>Marx et Engels, Le Capital, livre 1, chapitre XXIV (Karl Marx sur la Révolution française) Messidor, Éditions Sociales, 1985, p.165-166.</ref>. Selon une analyse de Steven Kaplan, dans La fin des coalitions, si cette approche est tentante, il faut plus y voir le reflet Modèle:Citation<ref name=":2" />
Jean Jaurès
Pour l'homme politique français Jean Jaurès, la loi Le Chapelier est une « loi terrible »<ref>Loi Le Chapelier, loi liberticide</ref>.
Emile Durkheim
Pour le sociologue Émile Durkheim, cette loi est à l'origine de la destruction d'un lien social dans les sociétés modernes<ref>Modèle:Article</ref>,<ref>Modèle:Article</ref>.
Notes et références
<references />