Processus r
Le processus r est un ensemble de processus astrophysiques conduisant à la nucléosynthèse stellaire d'environ la moitié des éléments chimiques de numéro atomique supérieur à celui du fer, l'autre moitié étant produite par le [[Processus p|Modèle:Nobr]] et le [[Processus s|Modèle:Nobr]]. La lettre r signifie qu'il s'agit d'une capture neutronique rapide, sous un flux neutronique très élevé, qui permet de produire, généralement à partir des éléments du pic du fer, des noyaux atomiques plus massifs en aggégeant des nucléons à partir des neutrons incidents avant que ces noyaux n'aient le temps de se désintégrer, le plus souvent par radioactivité β–. Cette nucléosynthèse se poursuit jusqu'à la limite de stabilité de nucléides de plus en plus riches en neutrons, limite résultant des propriétés de la force nucléaire assurant la cohésion des nucléons dans les noyaux atomiques.
Ce processus tend à produire les isotopes les plus riches en neutrons des éléments lourds. Il peut généralement synthétiser les quatre isotopes les plus lourds de chaque élément lourd, et les deux plus lourds de ces éléments ne sont généralement produits que par ce processus. Le maximum d'abondance des éléments produits par Modèle:Nobr s'observe autour des nombres de masse Modèle:Nobr (sélénium Modèle:Nobr, brome Modèle:Nobr, krypton Modèle:Nobr), Modèle:Nobr (tellure Modèle:Nobr, iode Modèle:Nobr, xénon Modèle:Nobr) et Modèle:Nobr (osmium Modèle:Nobr, iridium Modèle:Nobr et platine Modèle:Nobr). Ceci requiert l'existence d'un flux extrêmement élevé de neutrons libres. Les premières études, remondant aux années 1950 avec l'article B2FH<ref name="10.1103/RevModPhys.29.547"> Modèle:Article</ref>, avaient théorisé la nécessité d'au moins un flux de Modèle:Unité pour une température de Modèle:Unité. De telles densités de neutrons ne se rencontrent a priori que lors d'explosions de supernovae à effondrement de cœur<ref name="10.1016/j.ppnp.2011.01.032 "> Modèle:Article</ref> ou de fusions d'étoiles à neutrons<ref name="10.1038/nature24453"> Modèle:Article</ref>. La contribution relative de chacun de ces mécanismes à l'abondance astrophysique des éléments issus de la nucléosynthèse pas processus r fait toujours l'objet d'études<ref name="10.1063/PT.3.3815"> Modèle:Article</ref>.
Le processus s, qui est l'autre processus astrophysique important de production des éléments lourds, diffère du Modèle:Nobr en ce qu'il consiste en une capture neutronique lente qui se déroule avant tout dans les étoiles ordinaires, notamment celles de la branche asymptotique des géantes. C'est un processus dit secondaire, car il requiert l'existence d'isotopes déjà lourds qui sont convertis en d'autres isotopes par une succession lente de captures neutroniques, environ une capture tous les dix à cent ans, à comparer à une centaine de captures par seconde dans le cas d'un Modèle:Nobr. Le Modèle:Nobr intervient ainsi en complément du Modèle:Nobr, la combinaison de ces deux processus rendant compte de la presque totalité des nucléides observés dans l'espace.
Processus physique
Les conditions susceptibles de permettre l'existence d'une nucléosynthèse par Modèle:Nobr sont réunies dans les supernovae de faible masse, les supernovae à effondrement de cœur (supernovae de type Modèle:II) et les fusions d'étoiles à neutrons<ref name="10.1103/PhysRevC.74.015802"> Modèle:Article</ref>.
La compression des électrons lors de l'explosion d'une supernova de type Modèle:II conduit à remplir tous les niveaux d'énergie susceptibles d'être occupés par des électrons libres jusqu'à un niveau de Fermi supérieur à l'énergie de la radioactivité β–, ce qui a pour effet de bloquer cette dernière. La capture électronique se poursuit néanmoins, ce qui conduit à accroître le taux de neutrons dans la matière de l'étoile, jusqu'à un ordre de grandeur de Modèle:Unité<ref name="10.1103/RevModPhys.29.547"/>, le tout à une température extrêmement élevée. Lorsque cette matière se dilate et se refroidit, la capture neutronique par les nucléides se déroule à une vitesse bien plus élevée que la désintégration β–. Il s'ensuit que le Modèle:Nobr synthétise des nucléides riches en neutrons jusqu'à la limite de stabilité, ce qui conduit à la formation d'isotopes très instables.
La fraction électronique, Ye, donnant la fraction d’électrons par rapport aux baryons, indique si la densité neutronique nécessaire à la production des éléments par le processus r est satisfaite. Une fraction électronique de Ye < 0,2 est nécessaire pour former la plupart des éléments r<ref>Modèle:Article</ref>.
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indicationDeLangue}} Tableau périodique indiquant l'origine cosmogénique de chaque élément. Les éléments produits par Modèle:Nobr sont essentiellement ceux indiqués en violet, correspondant aux fusions d'étoiles à neutrons.
Les trois processus qui conditionnent la nucléosynthèse à la limite de stabilité sont une baisse significative de la section efficace dans les noyaux atomiques qui ont des couches de neutrons saturées, le processus inhibiteur de photodésintégration et le niveau de stabilité nucléaire des isotopes lourds. Les captures neutroniques du Modèle:Nobr conduisent à la formation de noyaux riches en neutrons faiblement liés dont l'Modèle:Lien des neutrons peut n'être que de Modèle:Unité<ref name="10.1103/RevModPhys.29.547"/>,<ref name="10.1088/0034-4885/67/7/R04"> Modèle:Article</ref>. Cela permet d'atteindre les nombres magiques de neutrons 50, 82 et 126, niveaux auxquels la capture neutronique s'arrête temporairement. Ces points d'attente sont caractérisés par une énergie de liaison nucléaire plus élevée que celle des isotopes plus lourds, d'où une section efficace de capture neutronique plus faible et la formation d'isotopes semimagiques plus stables par rapport à la Modèle:Nobr<ref name="BaselUniversität.2016-03-22"> Modèle:Lien web.</ref>. Les isotopes ayant des nombres de neutrons supérieurs aux nombres magiques correspondants sont susceptibles de subir une Modèle:Nobr plus rapide du fait de leur proximité avec la limite de stabilité ; pour ces nucléides, la Modèle:Nobr survient avant les captures neutroniques subséquentes<ref name="10.1103/PhysRevC.92.031303"> Modèle:Article</ref>. Les nucléides des points d'attente ont le temps de subir une Modèle:Nobr pour se stabiliser avant d'autres captures neutroniques<ref name="10.1103/RevModPhys.29.547"/>, ce qui ralentit ou arrête la réaction<ref name="BaselUniversität.2016-03-22"/>.
Le processus r se termine lorsque les nucléides formés deviennent instables par rapport à la fission spontanée, lorsque leur nombre de masse approche 270. La Modèle:Lien peut être suffisamment faible avant de cumuler Modèle:Unité pour favoriser la fission nucléaire plutôt que la poursuite de la nucléosynthèse le long de la ligne de stabilité nucléaire<ref name="10.1016/0370-2693(72)90470-4"> Modèle:Article</ref>. Lorsque le flux de neutrons décroît, ces noyaux très instables connaissent une succession rapide de Modèle:Nobr jusqu'à former des isotopes plus stables, toujours riches en neutrons<ref name="978-0226109534">{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} D. D. Clayton, Principles of Stellar Evolution and Nucleosynthesis, 1968, Modèle:P.. Modèle:ISBN</ref>. Quand le [[Processus s|Modèle:Nobr]] forme en abondance des isotopes stables avec des couches de neutrons saturées, le Modèle:Nobr forme de grandes quantités d'isotopes radioactifs qui se stabilisent environ Modèle:Unité en dessous des maximums d'abondances des éléments produits par Modèle:Nobr après désintégration<ref name="10.1086/190111"> Modèle:Article : la Modèle:Fig. Modèle:P. illustre cela en montrant que les nombres magiques 82 et 126 de neutrons sont atteints pour des numéros atomiques plus faibles que ceux de la ligne de stabilité.</ref>.
Le processus r se déroule également dans les armes nucléaires et a permis la découverte d'isotopes riches en neutrons quasistables d'actinides tels que le Modèle:Nobr et les éléments synthétiques einsteinium Modèle:Nobr et fermium Modèle:Nobr dans les années 1950. Il avait été proposé de procéder à une succession d'explosions nucléaires pour former des isotopes situés dans l'îlot de stabilité, dans la mesure où les nucléides considérés, en partant de Modèle:Nobr, n'auraient pas le temps de subir une Modèle:Nobr avant de capturer d'autres neutrons et de permettre la formation de Modèle:Nobr et 293<ref name="10.1088/1742-6596/420/1/012001"> Modèle:Article</ref>.
Sites astrophysiques
Les candidats les plus probables pour le déroulement d'un Modèle:Nobr ont longtemps été les supernovae à effondrement de cœur, de type spectral Modèle:Rom-majb, Modèle:Rom-majc ou Modèle:II. Cependant, la très faible abondance d'isotopes générés par Modèle:Nobr dans le milieu interstellaire limite la quantité pouvant avoir été produite dans chacun des cas. Cela implique ou bien que seule une faible proportion de tels isotopes soit rejetée dans le milieu interstellaire, ou bien chaque supernova n'en produise qu'une très faible quantité. Les isotopes ainsi produits doivent être plutôt riches en neutrons, ce qu'on ne retrouve pas facilement dans les modèles<ref name="10.1016/j.ppnp.2011.01.032"/>, de sorte qu'il reste des écarts à expliquer entre les observations et les simulations existantes. C'est par exemple le cas en étudiant les proportions relatives de fer 60, produit uniquement par des supernovae, et de plutonium 244, produit par Modèle:Nobr, dans un échantillon de croûte océanique<ref name="10.1126/science.aax3972"> Modèle:Article</ref>. Les fusions d'étoiles à neutrons pourraient constituer un modèle plus performant pour rendre compte des observations d'abondance relative des actinides dans le Système solaire<ref name="10.1063/PT.3.3815"/>,<ref name="10.1038/s41586-019-1113-7"> Modèle:Article</ref>. Cette hypothèse, formulée en complément de celle des collapsars<ref name="10.1038/s41586-019-1136-0"> Modèle:Article</ref>, a été confirmée par l'observation de la fusion d'étoiles à neutrons du 17 août 2017, connue comme l'évènement GW170817<ref name="PhysicsToday.2019-10-31"> Modèle:Lien web.</ref>.
En 2017, des données entièrement nouvelles relatives au Modèle:Nobr ont en effet été obtenues lors de l'étude de cette fusion d'étoiles à neutrons. À l'aide des ondes gravitationnelles détectées par les observatoires LIGO et Virgo lors de l'évènement GW170817<ref name="10.1103/PhysRevLett.119.161101"> Modèle:Article</ref>, plusieurs équipes<ref name="10.1038/nature24291"> Modèle:Article</ref>,<ref name="10.1038/nature24298"> Modèle:Article</ref>,<ref name="10.1038/nature24303"> Modèle:Article</ref> ont pu en observer la contrepartie électromagnétique et mesurer par spectroscopie l'abondance des isotopes produits par Modèle:Nobr. L'essentiel de la masse semble être constituée de deux types de matériaux : une masse chaude bleue de matière très radioactive produite par Modèle:Nobr constituée d'isotopes lourds de nombre de masse inférieur à 140 (comme le strontium)<ref name="10.1038/s41586-019-1676-3"> Modèle:Article</ref> et une masse rouge moins chaude d'isotopes lourds de masse atomique supérieure à 140 riches en actinides tels que l'uranium, le thorium et le californium. Cette matière est éjectée lors de la fusion des étoiles à neutrons sous l'effet de l'énorme pression qui y règne et reçoit un flux intense de neutrons à l'origine des captures neutroniques rapides et émet des rayonnements électromagnétiques détectables pendant environ une semaine. Une telle durée ne serait pas envisageable sans l'assistance de la désintégration radioactive provenant des noyaux formés par Modèle:Nobr près des points d'attente. Ces deux régions de composition distinctes (Modèle:Nobr et Modèle:Nobr) sont connues depuis les premières simulations du Modèle:Nobr<ref name="10.1086/190111"/>. Ces particularités spectroscopiques ont suggéré que la nucléosynthèse dans la Voie lactée provienne davantage de fusions d'étoiles à neutrons que de supernovae<ref name="10.1038/nature24453"/>.
Ces résultats permettent de clarifier six décennies d'incertitude quant aux sites d'origine des isotopes produits par Modèle:Nobr. Le rôle de la matière expulsée des étoiles à neutrons dans la formation de ces atomes a été proposé dès 1974<ref name="10.1086/181612"> Modèle:Article</ref> dans le cadre d'un scénario de collision entre un trou noir et une étoile à neutrons. Ce scénario a été étendu aux fusions d'étoiles à neutrons en 1989<ref name="10.1038/340126a0"> Modèle:Article</ref> et 1999<ref name="10.1086/312343"> Modèle:Article</ref>. Après l'identification de ces sites<ref name="10.1038/nature12505"> Modèle:Article</ref>, le scénario a été confirmé avec l'évènement GW170817. Les modèles astrophysiques actuels suggèrent qu'une seule fusion d'étoiles à neutrons suffit pour générer une masse d'or de Modèle:Unité<ref name="Science.2018-03-20"> Modèle:Lien web.</ref>.