Samuel Beckett
Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Écrivain
Samuel Beckett, né le Modèle:Date de naissance à Cooldrinagh (Irlande) et mort le Modèle:Date de décès dans le Modèle:14e arrondissement de Paris, est un écrivain, poète et dramaturge irlandais d'expression principalement française et anglaise, lauréat du prix Nobel de littérature en 1969.
Il est l'auteur de romans, tels que Molloy, Malone meurt et L'Innommable et de poésies en prose, mais il est surtout connu pour son œuvre théâtrale. Sa pièce de théâtre la plus célèbre est En attendant Godot, chef-d'œuvre du théâtre de l'absurde. Son œuvre est austère et minimaliste, ce qui est généralement interprété comme l'expression d'un profond pessimisme face à la condition humaine. Ce pessimisme n'exclut cependant pas l'humour, omniprésent chez l'auteur, l'un étant au service de l'autre, pris dans le cadre plus large d'une immense entreprise de dérision<ref>Présentation de Beckett dans le catalogue de l'Herne.</ref>.
Avec le temps, il traite ces thèmes dans un style de plus en plus lapidaire, tendant à rendre sa langue de plus en plus concise et sèche. En 1969, il reçoit le prix Nobel de littérature pour « son œuvre, qui à travers un renouvellement des formes du roman et du théâtre, prend son élévation dans la destitution de l'homme moderne »Modèle:Note.
Biographie
Étapes d'une vie
Modèle:Source principale de section
Origines et jeunesse
Samuel Barclay BeckettModèle:Note naît le Modèle:Date-Modèle:Note, jour du Vendredi saintModèle:Note, dans une famille de la bourgeoisie protestante irlandaise, issue de huguenots françaisModèle:Note réfugiés en Irlande. La demeure familiale, Cooldrinagh, située dans une banlieue aisée de Dublin, Foxrock, est une vaste maison bourgeoiseModèle:Note. Il est le deuxième fils de William Frank Beckett, métreur, et de May Barclay Roe, infirmière.
Beckett fut pensionnaire dans ce lycée de 1920 à 1923.
Il vit une enfance heureuse, partagée entre les études, les parties de tennis, de cricket, les baignades en compagnie de son père, les randonnées à bicyclette et les parties d'échecs, loisirs qui, avec la lecture, occuperont également sa vie adulte et alimenteront ses œuvres. Beckett reçoit ses premiers rudiments de français et apprend le piano dès l'école primaireModèle:Note, puis entre en 1915 à la Earlsfort House School, établissement multiconfessionnelModèle:Note, pour quatre années, mêlant études et sport.
L'ambiance change en 1920, lorsqu'il rejoint son frère à l'internat de la Modèle:Lien d'Enniskillen (comté de Fermanagh), au règlement plus strict, mais qui lui apporte des valeurs comme le sens de l'honneur, de la réflexion, de la loyauté et de l'intégrité.
Parcours universitaire
Trinity College de Dublin, Irlande.
Entre 1923 et 1927, Beckett étudie le français, l'italien et l'anglais au Trinity College de Dublin. Il suit notamment les cours de Thomas Rudmose Brown qui aura l'influence la plus déterminante sur son parcours intellectuel, lui faisant découvrir de nombreux auteurs français et anglais. Il suit également des cours d'italien et éprouve une véritable révélation avec DanteModèle:Note. Beckett acquiert ainsi les fondements d'une culture qui fera de lui l'un des écrivains les plus érudits du vingtième siècle<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Ses études à Dublin favorisent son accès à la culture avec, par exemple, la découverte du théâtre de Synge, de la peinture à la National Gallery ou du cinéma.
Il éprouve de réelles difficultés d'insertion sociale, en raison de son refus de toute compromission, mais aussi de la conscience qu'il a de sa propre valeur intellectuelle, isolement à l'origine d'une tendance dépressive. C'est aussi le début des troubles physiques, cardiologiques et pneumologiques, qui compliqueront son existence pendant de nombreuses années. C'est enfin l'époque d'une première expérience sentimentale, malheureuse, puis d'un début d'idylle avec l'une de ses cousines mais qui sera l'occasion d'une scène violente avec sa mère et qu'il rompt.
Il obtient cependant une bourse de troisième cycle, voyage à nouveau en France et en Italie, puis est admis comme lecteur d'anglais à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm. Il arrive à Paris en Modèle:Date-. Après le conformisme et le puritanisme de Dublin, ce séjour lui paraît enchanteur, pour sa richesse culturelle. Il se lie d'amitié avec Thomas MacGreevy, qui sera son seul confident jusqu'à la guerre. MacGreevy l'initie à la vie parisienne intellectuelle et artistique, et surtout l'introduit dans le cercle des intimes de James Joyce, rencontre qui marque profondément Beckett.
Instabilité et analyse
Son retour à Dublin en Modèle:Date- comme maître de conférence au Trinity College marque le début d'une longue période d'instabilité. Alors que ses parents l'incitent à trouver un « emploi stable », il comprend que les fonctions d'enseignant ne lui procureront aucune satisfaction. Il trouve quelques compensations littéraires dans des traductions et la publication de poèmes mais reste en marge de la vie universitaire de Trinity College, et ne parvient décidément pas à s'intégrer dans la société irlandaise. En fin d'année 1931, il démissionne de l'université brusquement, voyage en France et en Allemagne, travaille à un romanModèle:Note et tente de s'établir à Paris, puis à Londres comme critique littéraire. Mais son manuscrit est refusé par tous les éditeurs, et il doit rentrer à Dublin à la fin de 1932. Dans l'atmosphère déprimante de Cooldrinagh, sans indépendance financière, il se met à trop boire. Son père, auquel il était uni par une vraie complicité, meurt en 1933, et il hérite d'une somme qui lui sera versée par mensualités. En 1934 il parvient à publier un premier recueil de nouvelles, qui reçoit un accueil mitigé, dont les ventes sont très lentes, et qui est censuré en Irlande.
psychanalyste de Beckett.
Sur les conseils d'un ami, il part à Londres pour entreprendre une psychothérapie. L'analyse qu'il effectue avec Wilfred Bion lui fait identifier, comme cause de ses angoisses et de ses maux physiques, les relations avec sa mère. Celle-ci, par une éducation rigide tout en le mettant sur un piédestal, aurait contribué à son isolement social par un sentiment de supériorité intellectuelleModèle:Note. Cette période aura cependant été relativement fructueuse sur le plan littéraire, avec la publication de plusieurs articles critiques, la rédaction d'un roman, Murphy et la publication des poèmes Echo's bones. En Modèle:Date-, il part en Allemagne pour un voyage de six mois essentiellement consacré à la peinture : visites d'ateliers d'artistes, de musées et de galeries, mais qu'il qualifie de désastreModèle:Note.
Il revient à Cooldrinagh mais toujours incapable de s'entendre avec sa mère, il part pour Paris où il retrouve l'ambiance et les amis qu'il avait connus en 1930. Il y rencontre en particulier les peintres Bram et Geer Van Velde avec lesquels il ressent une véritable complicité. En Modèle:Date- il est victime d'une agression au couteau par un voyou et la blessure est grave, mais c'est à cette occasion qu'il retrouve une amie qu'il avait connue au tennis à l'ENS et qui sera sa compagne jusqu'à sa mort, Suzanne Dechevaux-Dumesnil<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, Modèle:Citation. Sa vie commence ainsi à se stabiliser Modèle:Citation, Murphy reçoit un accueil plutôt favorable de la presse anglaise, et à partir de ce moment il passera chaque année un mois auprès de sa mère.
Les années de guerre et de résistance
Beckett se trouve auprès de sa mère en Irlande lorsqu'il apprend l'entrée en guerre de la France. Le Modèle:Date-, il écrivait : Modèle:Citation. Il rentre donc immédiatement à Paris et se porte volontaire comme ambulancier. Mais il doit quitter la capitale et, aidé par Joyce, puis Valéry Larbaud et Marcel Duchamp, il se réfugie à Arcachon avant de revenir finalement à Paris et rejoindre la Résistance, au sein du réseau Gloria, le Modèle:Date-.
Averti par Maya Péron d'une trahison, il échappe juste à temps aux arrestations et s'enfuit avec Suzanne. Aidés cette fois par Nathalie Sarraute, ils arrivent, six semaines après, à Roussillon dans le Vaucluse, où il est rejoint par un ami peintre, juif, Henri Hayden. Il aide aux travaux des champs et écrit, elle donne des leçons de pianoModèle:Note. Le Modèle:Date-, il se voit décerner la croix de guerre<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et la Médaille de la Résistance. L'œuvre de Beckett est profondément marquée par les récits de déportation et par la guerre.
La notoriété
De retour à Paris au début de 1945, Beckett effectue rapidement un voyage à Dublin pour revoir sa mère qu'il n'a pas vue depuis six ans. C'est au cours de ce séjour, alors qu'il se trouve dans la chambre de sa mère, touchée par la maladie de Parkinson, âgée de soixante-quatorze ans, qu'il a une sorte de « révélation » (le mot est de lui), aboutissement d'un cheminement personnel après l'analyse avec Bion, les années de Résistance, l'éloignement hors de l'Irlande maternelle. Cette « vision »Modèle:Note change sa conception de l'écriture. Il revient à Paris convaincu que c'est là qu'il doit vivre et se fait d'abord engager comme économe-interprète par la Croix-Rouge irlandaise qui construit un hôpital à Saint-Lô. Il y fait l'expérience d'une immense misère collective. Son dévouement infatigable reflète la mutation psychologique qui s'est opérée en lui, contrastant avec l'attitude de réserve et d'isolement de ses années dublinoisesModèle:Note.
Malgré les conditions matérielles difficiles, entraîné par la certitude de sa vocation et la compréhension offerte par cette « révélation », il va vivre pendant huit années une véritable « frénésie d'écriture ». À la mort de sa mère, il hérite d'une somme qui lui permet de faire construire une maison modeste à Ussy-sur-Marne où il vient avec Suzanne régulièrement pour écrire au calme. Les écrits s'accumulent et c'est Suzanne qui parvient à trouver un éditeur, Jérôme LindonModèle:Note, pour les romans, mais les ventes restent modestes. Ce n'est qu'en 1953, grâce encore aux démarches de Suzanne, que Roger Blin monte la pièce En attendant Godot, premier véritable succès, qui le fait accéder à la notoriété et lui apporte une certaine aisance financière.
Dès lors, le théâtre prend une place nouvelle dans sa vie d'artiste, par l'écriture mais aussi comme metteur en scène de ses pièces. L'Irlande lui reste pourtant « étrangère » : en 1958, il interdit jusqu'à nouvel ordre toute représentation de ses pièces pour protester contre la censure dont y est victime Seán O'Casey. À Paris, il assume une vie littéraire et artistique intense (nombreuses rencontres avec des peintres) chargée de rendez-vous et de dîners, de concerts avec Suzanne, et doit effectuer de nombreux déplacements en Europe pour monter ses pièces. Ussy est alors un refuge pour l'écriture et les traductions, mais il part aussi en vacances au soleil de l'Afrique du Nord ou en Sicile.
La « catastrophe » : le Nobel
Les années 1960 représentent une période de profonds changements pour Beckett, dans sa vie personnelle comme dans sa vie d'écrivain. En 1961, au cours d'une cérémonie civile discrète en Angleterre, il épouse sa compagne Suzanne Déchevaux-Dumesnil, principalement pour des raisons liées aux lois successorales françaises. Ils déménagent boulevard Saint-Jacques, dans un appartement qui domine la prison de la Santé.
Sa notoriété n'en finit pas de s'étendre, entraînant d'innombrables sollicitations. En plus d'une production littéraire constante, prose et théâtre, son écriture évolue vers des œuvres toujours plus minimales, et des formes variées : mimes, pièces radiophoniques ou télévisuelles, cinéma. Ce rythme de travail intense s'accompagne de nombreux problèmes de santé, et il souffre d'un abcès au poumon dont le traitement et le repos nécessaire le maintiennent cloîtré pendant les événements de mai-Modèle:Date-.
Le prix Nobel de littérature lui est attribué en 1969 : il considère cela comme une « catastrophe »<ref name="Knowlson723"/> ; en fait, il rejette par là une certaine industrie beckettienne, au sens où cette récompense accroît considérablement l'intérêt de la recherche universitaire pour son œuvre<ref name="Knowlson723">Modèle:Harvsp.</ref>. D'autres écrivains s'intéressent à lui, et un flot constant de romanciers et de dramaturges, de critiques littéraires et de professeurs passent par Paris pour le rencontrer. Son désarroi de recevoir le prix Nobel s'explique aussi par son désintérêt pour les mondanités et les devoirs qui y sont liés. Modèle:Citation Son éditeur Jérôme Lindon va tout de même chercher le prix<ref name="Knowlson723"/>, dont il distribue le montant de la dotation à ses amis.
Fin de vie
Les dernières années sont marquées par la disparition de nombreux amis, et le besoin de solitude. Sa production littéraire reflète cette situation personnelle mais sans apitoiement, avec des personnages orientés vers l'examen. Ainsi Mal vu mal dit, évoquant sa mère, et appréhendant la disparition de Suzanne, ou Solo décrivant un mur de photographies de famille.
Suzanne Beckett, son épouse, décède le Modèle:Date. Samuel Beckett, atteint d'Modèle:Page h' et de la maladie de Parkinson, part dans une modeste maison de retraite où il meurt le 22 décembre de la même année. Il est enterré le Modèle:Date- au cimetière du Montparnasse<ref name="a">Modèle:Harvsp.</ref> (Modèle:12e divisionModèle:Note), dans une tombe aux côtés de son épouse, Modèle:Citation.
- Domiciles
- Rue des Favorites (Paris)<ref group=B name=L20021938/>.
- Boulevard Saint-Jacques (Paris), de 1960 à 1989. Une description de l'intérieur de cet appartement, par un ami, donne également un éclairage sur la personnalité de Beckett<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- Ussy-sur-Marne, de 1953 à la fin de sa vie. Une petite maison qu'il fait construire à l'écart du village.
Vers l'abstraction en littérature
Le cheminement d'artiste de Beckett est décrit en particulier par quatre critiques proposant des analyses complémentaires sur l'évolution de son écriture. Modèle:Harvsp décrit les conditions de narration et d'énonciation ; Gilles Deleuze met en évidence trois niveaux de langage, et l'intervention de formes musicales ; Pascale Casanova étudie l'auto-référence comme une voie vers l'abstraction et pour concilier les deux directions de la recherche beckettienne, le langage et la forme, elle évoque Modèle:Citation ; enfin Lassaad Jamoussi montre comment Beckett radicalise le dépouillement du langage.
L'aporie initiale
Modèle:Exergue Dès 1937, Beckett annonce dans une lettre l'entreprise langagière dans laquelle il souhaite s'engager : Modèle:Citation. Cette déclaration définit son ambition esthétique, qui le conduira progressivement vers l'abstraction. En conduisant son intellect vers la création d'un monde abstrait où il n'y aurait plus rien à perdre, cette voie lui permet aussi d'assumer son radicalisme spirituel mais en évitant toute réaction émotionnelle<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Une telle ambition formelle est sans précédent en littérature, où elle opère une subversion de ses fondements, dans une démarche s'appuyant sur la recherche esthétique déjà réalisée en peinture, et sur les procédés de la musique contemporaine.
Ludovic Janvier souligne la présence dans toute l’œuvre de Modèle:Citation et propose, comme métaphore de cette obligation de parler, la contrainte, l'impulsion première donnée au bébé à la naissance pour ouvrir la bouche, commencer à respirer une « nourriture aérienne » : la parole, qui vous « soulage sans fin »<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et qui s'opposerait au Modèle:Citation. En effet, Beckett avait entrepris une psychanalyse en 1935, qui révèla des souvenirs d'étouffement liés à la naissance : Modèle:Citation.
Au début des années 1960, il entreprend ainsi une démarche formelle au sein de la littérature. Il est convaincu qu'une forme émergera Modèle:Citation et Modèle:Citation. Il ne faut cependant pas concevoir son travail d'écriture comme l'accomplissement d'un projet maîtrisé par avance, mais plutôt comme un Work In Progress à la manière de Joyce, opérant par ruptures, mais aussi par mises au point successives<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Dans la progression des premières œuvres aux dernières pièces, au fur et à mesure que le processus de réduction et d'abstraction de l'écriture accroît le pouvoir d'évocation, musicale ou visuelle, du texte, l'écriture de Beckett se rapproche de la peinture et de la musique, et fait de l'élaboration du récit ou de l'image théâtrale un travail plastique de plus en plus tangible<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Décomposition du moi et du réel
par Edmund S. Valtman.
Dans ses premiers romans, Beckett fait encore intervenir un narrateur extérieur, d'abord omniscient (Modèle:Harvsp), puis, plus ambigu, subordonné au personnage (Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp)<ref name=CHESTIER113114>Modèle:Harvsp.</ref>. Cependant, il peine à être publié et son audience reste encore confidentielle, aucune reconnaissance artistique ne vient justifier ses choix esthétiques ou littéraires. Mais lors d'un séjour en Irlande en 1946, « tout devient clair » pour lui, comme il le raconte en 1958 dans Modèle:Harvsp : Modèle:Citation bloc Beckett n'explicite pas la nature de cette solution, mais ses essais critiques et sa correspondance montrent que c'est en considérant les questions formelles posées, et les réponses apportées, par les peintres d'avant-garde, qu'il a pu sortir de l'aporie littéraire dans laquelle il était enfermé et rompre avec les évidences de la représentation<ref name=CASANOVA123126/>. Gilles Deleuze considère que Beckett utilise à ce moment un premier niveau de métalangage « Langue I » exprimant une imagination (production d'images) encore entachée de raison, une langue Modèle:Citation, culminant avec Modèle:Harvsp<ref name=DELEUZE6566>Modèle:Harvsp.</ref>, dont il dit cependant quelques années plus tard Modèle:Citation Modèle:Encadré texte Dans les ouvrages suivants (Modèle:Harvsp, Modèle:Harvsp), le personnage devient son propre narrateur et adopte le je du monologue, puis est évincé du discours comme une entité inconsistante<ref name=CHESTIER113114/>. Gilles Deleuze remarque que dans Modèle:Harvsp, Modèle:Citation, ce qu'annonce d'ailleurs explicitement Beckett : Modèle:Citation. Au refus de l'intériorité psychologique, Beckett ajoute celui des métaphores Modèle:Citation, et de la transcendance<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il n'est plus question de constituer un univers fictif, mais de s'interroger sur la possibilité de la narration. Le langage est reconnu impuissant à décrire le réel et à rendre compte de soi, le je est un sujet grammatical sans substance psychologique, le discours est décomposé, « poussière de verbe »<ref name=CHESTIER113114/>.
La voix qui s'écoute se taire
Avec l'Modèle:Harvsp, Beckett reste dans la continuité de ses innovations précédentes, mais les radicalise. Il attaque les conventions littéraires restant encore, considérées comme fondements de l'« effet de réel ». Les premières lignes du roman (Modèle:Citation) mettent en cause les repères spatio-temporels de la création littéraire. Gilles Deleuze identifie dans l'Modèle:Harvsp un deuxième niveau de métalangage, « Langue II », procédant non plus avec des noms mais avec des voix, et une imagination débarrassée de la raison mais encore dépendante de la mémoire<ref name=DELEUZE6566/> Mais une telle Modèle:Citation Modèle:Encadré texte Une critique de Maurice Nadeau à la sortie du livre, comprend et explicite la recherche que Beckett poursuit avec l'Innommable et Beckett l'en remerciera chaleureusement<ref group=B>Modèle:Harvsp.</ref> : Modèle:Citation bloc Modèle:Encadré texteBeckett cherche ainsi à opposer une « littérature du non-mot » à la démarche inverse de Joyce d'apothéose du mot<ref name=CASANOVA152>Modèle:Harvsp.</ref>,<ref name=LI09071937 group=B/>. Mais cette recherche, constitue, avec les Modèle:Harvsp et jusqu'à Modèle:Harvsp, une nouvelle impasse pour Beckett : Modèle:Citation. Il cherche la forme la plus faible, la plus proche de l'expression du rien, le pire, le moindre, la voix qui s'écoute se taire<ref name=CASANOVA152/> mais Modèle:Citation. Avec les Textes pour rien, qui Modèle:Citation il tente de sortir de cette impasse, et Ludovic Janvier explique que ces textes ne sont pas pour rien mais qu'ils ont le rien pour sujet.
Dire l'échec à dire
Modèle:Exergue Plus de sujet, plus de contenu, presque plus de signification<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, c'est l'impossibilité d'écrire qui doit devenir l'objet de l'écriture, il n'y a plus à dire que Modèle:Citation et Beckett reprend à son compte la réflexion qu'il avait décelée dans certains tableaux de Braque, ressemblant à Modèle:Citation.
Mais il doit pour cela trouver d'autres dispositifs littéraires, et il se tourne vers le théâtre, où la scène dispense le discours d'indiquer textuellement le processus énonciatif, et permet une nouvelle épuration littéraire par un ascétisme dramaturgique et par l'évidement du discours scénique. Les grandes et premières pièces (Modèle:Harvsp, Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp) ne contiennent pas d'intrigue (il s'agit surtout de meubler une attente), ont un espace simplifié, les personnages sont rares et réduits à leur parole puisque sur la scène particulièrement, Modèle:Citation, et le langage se substitue même parfois à l'enveloppe corporelle<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Encadré texte Alain Chestier décrit les dernières étapes de l'écroulement du langage. Le vacillement, dans la syntaxe et la sémantique, avait débuté dans Oh les beaux jours Modèle:Citation. Il s'accroît dans les pièces suivantes (Modèle:Harvsp, Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp). Le langage achève de se disloquer avec Modèle:Harvsp dans un discours décousu, des répétitions de syntagmes nominaux ou de propositions participiales, un discours non daté, sans mode, sans aspect, ni objet ni sujet, discours intérieur des voix du silence. Dans Modèle:Harvsp, Modèle:Citation, et le parleur se retrouve finalement seul avec sa voix dans Modèle:Harvsp : Modèle:Citation.
La ritournelle des images
Modèle:Exergue C'est dans Modèle:Harvsp, qui totalise selon Pascale Casanova l'ensemble de ses innovations littéraires précédentes, que Beckett approche le mieux (le pire) l'objet de sa recherche, de son processus d'« abstractivation ». Au bout de cette révolution formelle, pour laquelle Modèle:Citation, Beckett a « tant bien que mal » abstrait le langage, jusqu'au point où il n'y a « plus moyen »<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Encadré texte
Déjà dans Modèle:Harvsp, qui est en quelque sorte le discours préliminaire à son œuvre ultérieure<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, Beckett évoquait Modèle:Citation (voir encadré).
Pierre Longuenesse souligne cet effet d'abstraction, lorsqu'il évoque l'influence de la musique devenue un principe structurant, dans Modèle:Harvsp, pièce très formaliste, fragmentée en trois voix, monologues eux-mêmes fragmentés par des silences. Cette pièce, Modèle:Citation, et produit une musique concrète de bruits et de mots. Modèle:Harvsp (pièce sans paroles) peut être vue comme une « fugue de mouvements ». La critique utilise ainsi fréquemment des termes musicaux pour désigner littéralement ou métaphoriquement la structure des pièces<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Encadré texte Gilles Deleuze propose de voir une étape littéraire ultime dans l’œuvre théâtrale tardive de Beckett, avec par exemple Modèle:Harvsp, Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp, pièces proches du ballet, où dominent les images (visuelles ou auditives), associant sans hiérarchie son, lumière, mouvements, au langage, avec le développement d'un imaginaire sonore et musical dans les textes. Les pièces du recueil Quad constituent des « ritournelles d'images » mettant ainsi en œuvre un troisième niveau de métalangage, la « Langue III » de Gilles Deleuze, celui des images sonnantes et colorantes<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, que Lassaad Jamoussi appelle langue picturale et que Beckett maîtrise de plus en plus dans les œuvres les plus tardives<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Ce sont des Modèle:Citation parmi les ombres appesanties avec Modèle:Citation.
La choseté et le non-mot
Les Modèle:Citation que Beckett perçoit dans l'art pictural, révélant les tensions internes de l'artiste, sont également la problématique essentielle de sa création littéraire. La réalité est constituée en chaos, et l'enjeu de son œuvre, comme de ses amis peintres est de Modèle:Citation. Mettre en forme des objets dans l’œuvre d'art, en littérature comme en peinture, c'est poser un leurre, et Beckett est là aussi en accord avec Malevitch<ref name=JAMOUSSI176177/> : Modèle:Citation bloc
- La choseté
Modèle:Exergue Pour échapper à l'illusion mensongère d'une possibilité de représenter le monde, l'artiste doit créer une œuvre d'art Modèle:Citation. L’œuvre d'art est alors de fait un agrégat de détails rebelles qui se donnent à prendre et non à comprendre<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, chacun étant indépendant causalement des autres, mis dans un rapport d'interférences, de superpositions, de contiguïté<ref name=JAMOUSSI99/>. Modèle:Encadré texte Beckett considère, en prenant exemple sur la peinture, que Modèle:Citation. Tous ces détails (objets de la peinture ou de la littérature, issus de la Modèle:Citation) sont issus du même effort de représentation et du même désarroi dans l'impossibilité d'être représentés, caractérisant la « choseté »<ref name=MONDE5556 group=B>Modèle:Harvsp.</ref>, et Beckett leur affecte une couleur indistincte entre le « noir clair » et « blanc sombre ». C'est cette « choseté », concept final résumant la quête théorique de Beckett<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, qui, en se substituant au principe de représentation, permet au récepteur de se mettre en symbiose avec l’œuvre<ref>Modèle:Harvsp.</ref> : Modèle:Citation.
Ainsi que l'exprimait déjà Proust, Modèle:Citation. Dans sa propre création littéraire, Beckett met en œuvre ces principes que la peinture a élaborés, son projet poétique est de présenter ce monde<ref name=JAMOUSSI99>Modèle:Harvsp.</ref>, mais Modèle:Citation.
- La littérature du non-mot
Modèle:Exergue Beckett rejoint Merleau-Ponty pour considérer que seule une vision polysensorielle évite de figer et appauvrir l’œuvre d'art, en retardant la prise de conscience de l'objet par une démarche qui sinon serait réductrice et univoque. La vision polysensorielle (musicale, picturale) du Rien, a un potentiel de surpuissance créatrice (puisqu'il ne s'agit pas d'une imitation du réel) qui se dissémine dans les textes et les pièces de Beckett<ref>Modèle:Harvsp.</ref> : le chaos, caractérisé par le Choseté, est le matériau de sa création. L'indistinct de cette choseté permet à la prose artistique d'être une pensée positive de l'indistinct<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Encadré texte Selon Lassaad Jamoussi, Modèle:Citation. Les images tiennent lieu de pensée dans le projet poétique de Beckett (Modèle:Citation), et sont, avec la voix des dernières pièces radiophoniques et télévisuelles, l'objet du discours en même temps qu'un élément narratif. « L’œil écarquilléModèle:Note », qui est alors scène et spectateur de tout, accède au statut de personnage<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et le discours lui-même se présente comme une sorte d'image, brille et s'éclipse : Modèle:Citation.
Les figures sont des personnages conceptuels<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Citation
Ce n'est plus seulement l’œil qu'il faut écarquiller afin de faire, d'avoir, l'image, ce sont les mots qu'il faut réinvestir Modèle:Citation : la main qui écrit se substitue à l’œil qui voit, pour « écarquiller la langue »<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et retrouver derrière les concepts les mots, et derrière les mots, les images.
Selon Saussure, Modèle:Citation. Dès qu'on donne une forme verbale aux phénomènes inintelligibles, qu'on donne des mots aux choses, les phénomènes deviennent des images dotées de signification<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. La poétique beckettienne cherche à s'en affranchir, et se caractérise par cette recherche de langages nouveaux transgressant la raison commune, se libérant de tout ancrage dans un espace-temps, et s'affranchissant par là d'une nécessité de produire du sens. Tout en utilisant des mots, ils se rapprochent des procédés de la peinture (reptation, formes...) pour atteindre, chez le lecteur, non pas son intellection, mais ses facultés sensibles<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Citation bloc
Les formes littéraires
Poésie et poétique
Beckett, poète
En Modèle:Date-, un éditeur interroge Beckett en reprenant la question posée par Hölderlin à propos des poètes : Modèle:LangueModèle:Note ? Mais à propos de la poésie comme du théâtre, Beckett refuse de fournir des réponses sur l'utilité de l'écriture poétique ou sa signification sociale ou morale. Il ne s'intéresse qu'à Modèle:Citation, et les derniers mots de sa dernière œuvre, un poème écrit quelques mois avant sa mort, sont : comment dire<ref name="a" />. Modèle:Encadré texte Les poèmes de Beckett ne représentent que trois des volumes des Éditions de Minuit, mais la poésie est présente partout dans cette œuvre protéiforme. Dès sa jeunesse d'écrivain, ami de Thomas McGreevy, il aborde la poésie, se plaçant dans une filiation de Yeats et de James Joyce.
L'œuvre est dominée par les textes courts, où Beckett s'exprime par la forme et par l'image, Modèle:Citation, son projet est de susciter des affects puissants par des images saillantes<ref name=MEGEVAND108/> et Modèle:Citation. L'enjeu de sa réflexion littéraire est de parvenir à un texte qui soit ni prose ni poème, ou prose et poème à la fois<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et c'est finalement l'ensemble de l’œuvre qui est un vaste poème<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, pourtant Beckett n'existe pas en tant que poète dans les anthologies ou dans les livres consacrés à la poésie, probablement parce qu'Modèle:Citation.
Les poèmes
Les Éditions de Minuit ont publié trois volumes désignés comme recueils de poèmes.
- Modèle:Harvsp - Monologue fictif, écrit en anglais, qui serait énoncé par Descartes, saturé de symbolisme et d'érudition qui lui permit d'obtenir un prix de poésie, ce poème est celui d'un Beckett encore partagé entre une carrière universitaire et une vocation d'écrivain<ref>Modèle:Harvsp.</ref>,Modèle:Note.
- Modèle:Harvsp - Poèmes en vers, écrits en anglais, de longueur variable, profusion de références et correspondances culturelles. Introspection et prélèvements à diverses sources littéraires<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- Modèle:Harvsp écrits avant 1940, auxquels l'éditeur a ajouté Modèle:Harvsp dernier texte de Beckett (1989). Ces poèmes sont écrits en français, et Beckett n'ayant plus la contrainte de prendre en compte la tradition littéraire de langue anglaise, les poèmes sont plus simples, moins touffus. Cette manière pauvre annonce sa pratique future<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Les Mirlitonnades sont des sortes de haïkus progressant dans Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Enfin, Comment dire Modèle:Citation.
La poésie en prose
Modèle:Exergue Selon Ludovic Janvier Modèle:Citation. Ainsi :
- Les Modèle:Harvsp sont les premiers représentant du genre « texte » ou encore « foirade », sans trame narrative mais véhiculant des affects, s'apparentant à la poésie<ref name=JEAN532533/>.
- Modèle:Harvsp est qualifié de roman mais est une succession de strophes non ponctuées, avec une syntaxe a-normale<ref name=JEAN532533>Modèle:Harvsp.</ref>.
- Modèle:Harvsp, phrases très courtes et souvent nominales, ponctuation réduite, est un Modèle:Citation
- Modèle:Harvsp. Selon Deleuze, la parole y est capable de Modèle:Citation
- Modèle:Harvsp est un Modèle:Citation dans la recherche du moindre.
La poésie dans la prose et le théâtre
Modèle:Exergue On peut citer en particulier : Modèle:Encadré texte
- Modèle:Harvsp, une pièce pour le théâtre qui Modèle:Citation, par la poésie qui se dégage du personnage de Winnie et sa souffrance tue<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Pourtant Beckett estimait la poésie incompatible avec le théâtre : Modèle:Citation.
- Modèle:Harvsp qu'Alain Badiou qualifie de « poème latent » en raison de la cadence et des visions de cette forme romanesque<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et que Sjef Houppermans place dans la lignée de Baudelaire, parlant d'un « spleen en dérive »<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Dans Murphy, Beckett reprend l'image de l'adepte du cerf-volantModèle:Note, Modèle:Citation.
La poétique de Beckett
Modèle:Exergue L'Irlande fournit des paysages de désolation où ses créatures déambulent sans pouvoir s'en évader, et les mots sont issus de grands système de signification (Purgatoire de Dante pour Le dépeupleur, la Crucifixion pour Bing…)<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
L'aporie et l'aposiopèse sont employées pour représenter Modèle:Citation faisant dire à Benjamin Britten que ces figures de style donnent à la langue de Beckett Modèle:Citation. Modèle:Encadré texte Le style est sans emphase, au profit d'un prosaïsme dépourvu d'adjectifs, les phrases nominales prolifèrent dans des textes proches d'un discours didascalique, entraînant parfois le texte presque vers le silence<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Poésie du prosaïque, poésie brisée dans un rythme brisé, une cadence syncopée<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Les métaphores ne sont pas descriptives (le caractère descriptif des métaphores employées par Baudelaire dans le poème Les phares l'avait empêché de traduire ce poème), et elles postulent pour leur compréhension non pas un dictionnaire, mais une encyclopédie, faisant référence à des lieux communs propres à l’œuvre de Beckett dans son ensemble<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. En quête de nouveauté et d'originalité, le langage chez Beckett perd sa nature représentative et ne peut plus assurer sa fonction traditionnelle de communication et d'expression<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Modèle:Citation : la démarche esthétique de Beckett rejoint celle de Malevitch et la radicalise, pour Modèle:Citation.
Œuvre théâtrale
Les prémices
Beckett s'intéresse au théâtre depuis ses années d'étudiant, lorsqu'il découvre le théâtre irlandais avec John Millington Synge et le théâtre français avec Racine Modèle:CitationModèle:Note alors qu'il manifeste une aversion pour Corneille. Il présente Racine en 1930 à ses étudiants de Trinity College où il est maître de conférences de français, et il revendiquera toujours son influence sur sa propre écriture théâtrale. C'est pendant cette période à Dublin qu'il aura son unique expérience d'acteur, dans une pochade d'étudiant sur le thème du Cid (« le Kid »)<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Avant Godot, Beckett entreprend d'écrire deux autres pièces : Human Wishes dans les années 1930, inachevée, et Modèle:Harvsp en 1947, jamais jouée<ref name="Eleuthéria"> La pièce Eleuthéria a été mise en scène par Vahid Rahbani et Modèle:Lien (Modèle:Lien), et jouée en 2005 à Téhéran avec, notamment, Mehdi Bajestani. </ref>.
Quand il écrit Modèle:Harvsp, il n'a donc encore aucune expérience théâtrale : Modèle:Citation, et Jean Martin qui fut Lucky à la création de Godot avoue Modèle:Citation. La pièce, mise en scène par Roger Blin, obtient un succès critique (Armand Salacrou, Jean Anouilh, Jean Duvignaud) mais déclenche des polémiquesModèle:Note. Le scandale, que ni Beckett ni Blin n'avaient prévu, assure cependant le succès de la pièce qui reste à l'affiche pendant des mois<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Beckett passe du statut confidentiel de poète et romancier irlandais à celui d'auteur de théâtre d'avant-garde et sa réputation de critique et théoricien littéraire se renforce par son refus de toute explicitation de son œuvre<ref name=PROTIN37>Modèle:Harvsp.</ref>. Il prend alors beaucoup d'assurance vis-à-vis du phénomène théâtral qu'il ne connaissait pas mais « devinait superbement »<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et Roger Blin qui a mis en scène le premier Godot au Théâtre de Babylone va le faire connaître dans le milieu des petits théâtres de la rive gauche où il trouvera sa consécration d'écrivain mais aussi réalisera son initiation de praticien du théâtre<ref name=PROTIN37/>.
Le réseau professionnel et amical de Roger Blin lui ouvre ensuite les portes de théâtres plus importants comme à Paris le Théâtre de l'Odéon mais aussi à l'étranger, surtout Londres et Berlin, les plus ouverts à l'écriture française d'avant-garde<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il reste pourtant encore un auteur irlandais, proche de Synge, et dont les pièces sont destinées à de petites salles.
Beckett reste cependant toujours en retrait vis-à-vis du public, et n'assiste jamais à une représentation publique de l'une de ses pièces<ref name=MARTIN5455/>, laissant parfois Suzanne, sa femme, y assister. Une seule fois il assiste à la première, au Schlossparktheater de Berlin en 1953, et accepte de venir saluer le public. Le directeur général raconte : Modèle:Citation.
Beckett artiste théâtral
Modèle:Exergue Les précédentes tentatives d'écriture théâtrale, en particulier Eleuthéria achevé mais jamais joué<ref name = "Eleuthéria"/>, sont purement littéraires, alors que les didascalies sont très nombreuses dans Godot, révélant la préoccupation de l'auteur pour la dimension scénique de son œuvre. Ces didascalies reflètent la confusion initiale qui fut la sienne, entre la vision préalable de l'auteur, et la réalisation scénique, mais dont il prend rapidement conscience Modèle:Citation.
Les pièces de Beckett ont une tonalité philosophique qui met les acteurs et les metteurs en scène à la recherche d'un sens : Modèle:Citation, interprétations que découragent systématiquement le texte, par l'épanorthose, et l'auteur lui-même, qui refuse de fournir interprétation et refuse toute herméneutique. Il se crée ainsi Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et la présence de l'auteur devient indispensable pour donner aux acteurs les indications nécessaires.
La création de Godot en 1953 l'amène ainsi à s'intéresser à ce processus de la création théâtrale à partir du texte de l'auteur. Il assiste d'abord aux répétitions, et Roger Blin l'initie à cet art. En 1958, il conseille Georges Devine à la création à Londres, puis est assistant de Blin à l'Odéon en 1961. En 1966 il assure seul la mise en scène de L'hypothèse de Pinget puis celle de Modèle:Harvsp et sera dès lors en mesure de mettre en scène ses propres piècesModèle:Note. Son implication dans la mise en scène l'amène à réduire les didascalies dans les pièces suivantes<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et, inversement, c'est la mise en scène qui devient nécessaire pour finaliser le texte. En 1956, pour Fin de partie, il précise ainsi Modèle:Citation. D'autre part, son travail avec Blin l'amène à prendre en compte le travail sur le corps rendu possible par la mise en scène, et il entreprend, après Godot, d'écrire un mime, le Mime du rêveur, qui reste cependant inachevé<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Beckett se révèle alors être aussi un artiste du théâtre, capable de créer des images puissantes et souvent ambiguës<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et il est également sollicité par Robert Pinget qui lui demande en 1966 de mettre en scène sa propre pièce, l'Hypothèse : Modèle:Citation. James Knowlson évoque Modèle:Citation.
Il est prêt, à l'occasion de la mise en scène de ses pièces traduites (en allemand, en anglais, en français), à apporter des modifications importantes les versions déjà publiées, sur la base des données concrètes mises en lumière par le travail scénique. Il s'agit généralement d'aller vers un amoindrissement par des suppressions, mais aussi d'un travail sur la dimension « musicale » du texte, en établissant des rythmes ou des structures de mots et de sons<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Pour Beckett, la mise en scène n'est donc pas simplement une nouvelle représentation de quelque chose contenu dans le texte, mais c'est surtout l'occasion de lui donner une forme visuelle et sonore. Elle devient pour lui un moyen de prolonger, par une coopération auteur / metteur en scène avec lui-même, son projet artistique par la création théâtrale<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il produit également par ce travail scénique, comme par la traduction, des variantes littéraires qui ne sont pas des désaveux des versions précédentes, ni des équivalents littéraires, mais des textes nouveaux, par re-création<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Le rapport direct au théâtre devient alors un élément crucial de son activité créatrice, après un « épuisement » de sa création narrative<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Comédiens ou interprètes
Modèle:Exergue Beckett redoute de voir des interprétations occulter les enjeux internes de ses pièces, ce qui n'est pas dénué de fondements puisque Jean-Paul Sartre regrettait que Godot soit une pièce bourgeoise parce que sans références aux réalités sociales<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et que Bertolt Brecht a envisagé de transposer les personnages de Godot dans un contexte politique : Estragon en prolétaire, Vladimir en intellectuel, etc<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Cette crainte, et son refus constant d'expliciter le sens de ses pièces, sont à l'origine d'incompréhensions récurrentes entre Beckett et les comédiens ou les autres metteurs en scène.
Modèle:Encadré texte Il demande aux comédiens de se concentrer sur le jeu corporel, sur l'effectuation du discours, pour les détourner de toute posture intellectuelle et éviter toute tentation rhétorique ou herméneutique, et ainsi éviter de parler du sens<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Ses personnages sont des figures qui se précisent par le travail scénique, comme il l'indique à Carlheinz Caspari qui met en scène Godot à Bonn : Modèle:Citation.
En laissant le sens dériver au gré de libres associations, on obtient Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et que Beckett refuse au metteur en scène, mais aussi au comédien qui substituerait son roman au texte de l'auteur. Il veut laisser cette liberté au spectateur. Les enjeux d'interprétation au sujet du matériel de la mise en scène, ou du décor, sont également évacués : Modèle:Citation, c'est d'ailleurs ce que proclamait Molloy Modèle:Citation qui n'étant porteurs d'aucun sens, ne peuvent donner le prétexte à interprétation.
L'énoncé du texte tend finalement à être distinct du personnage-figure, et Beckett envisage même d'aller jusqu'à une disparition du comédien : Modèle:Citation
Ici et maintenant, le moindre
Modèle:Exergue Le théâtre de Beckett est engagé, selon Jean-Baptiste Frossart, dans une rupture totale avec les règles du théâtre traditionnel, en revisitant et radicalisant en fait la règle des unités. Beckett imite en cela Racine, dont il admire la simplicité, qui représente dans Bérénice un monde statique, préservé de tout changement, et dont il remarquait que Modèle:Citation. Pour Beckett, l'environnement du drame, c'est la scène elle-même<ref name=PINGETCRIT638/>, et la première qualité des personnages est d'être en scène, irrémédiablement présents<ref name=ROBBE103>Modèle:Harvsp.</ref>, jouant à être des acteurs<ref>Modèle:Harvsp.</ref> : Modèle:Citation.
En éliminant les références temporelles il refuse de sortir de Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et déroute le spectateur. Les personnages sont incapables de se situer au sein d'une histoire<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et n'ont pas d'autre activité qu'attendre et meubler l'attente : Modèle:Citation. Vladimir et Estragon attendent Godot, Hamm et Clov attendent que ça finisse, Winnie attend la fin de la journée. Attentes sans objet, dont l'action est donc a priori exclue<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Dans les pièces télévisuelles, Beckett rejette même la notion classique de « personnage en action » du drame, l'attention est concentrée sur un visage ou simplement une bouche dans des pièces très courtes, où une voix intérieure incarne une image très concentrée de l'existence et où l'action est remplacée par une intensification des tensions<ref>Modèle:Harvsp.</ref> : Modèle:Citation.
Pour Beckett, tout est déjà dans le texte : Modèle:Citation et Modèle:Citation. Le lieu est le décor, et il propose même à Blin de remplacer certains éléments du décor par des pancartes ceci est un arbre ou d'intégrer dans le texte l'information sur le décor<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Il s'oppose à toute théâtralité, qu'il stigmatise par le terme de wagnérisme : Modèle:Citation. Il refuse ainsi la cohabitation des arts, par la présence de musique ou de peinture sur scène, sous forme de musique de scène ou de décors peints, qui seraient de l'esthétisme, un simple « agrément »<ref name=LABRUSSE676/>, voire « un pénible contresens ».
Modèle:Citation. Au bout de l'amoindrissement se trouve « le moindre », qui n'est pas seulement un amenuisement mais Modèle:Citation : il ne s'agit donc pas d'un art minimaliste mais de l'invention d'un spectaculaire dénué des fastes wagnériens<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et Modèle:Citation. Plus aucune transcendance ne peut intervenir sur scène, et la « parole vaine » des personnages n'est pas une façon de combler le vide, mais c'est ce qui permet au rien de se dire et de se montrer dans des figures<ref name=NOUDELMANN112>Modèle:Harvsp.</ref>.
Le théâtre beckettien
Beckett se situe dans une évolution, et peut-être à son terme, de la forme théâtrale. Le théâtre avait vu la mort de la tragédie et l'avènement du drame, le théâtre psychologique s'imposant, et remplaçant le cadre mythique de la représentation classique par un ancrage contextuel des pièces et par un approfondissement psychologique et social. Au contraire de cette tendance, Beckett s'inscrit dans la tradition racinienne et décontextualise ses pièces par un temps et un lieu vagues. Le dépouillement et le « style humble » de ses mises en scène suggèrent une tragédie tout en évitant philosophie et sensibilité, dans « une construction rhétorique et poétique éblouissante ». La souffrance, tue, essentielle, reste suggérée en arrière-plan, évitant l'écueil de la dramatisation passionnelle<ref name=FROSSART7677>Modèle:Harvsp.</ref>,Modèle:Note. Modèle:Encadré texte Le théâtre de Beckett, que ce soit dans ses premières grandes pièces ou dans les pièces suivantes, ne demande cependant pas que le spectateur soit immédiatement capable de décoder les enjeux intellectuels, parfois complexes, sous-tendus par le texte. Au contraire, le spectateur doit d'abord laisser sa sensibilité accessible à l'impact global des images, inoubliables, composées d'une manière absolument neuve d'un grand nombre d'éléments linguistiques, visuels, dramatiques<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Beckett fabrique et met devant les spectateurs des objets et des figures, mais le public vient parfois au théâtre en espérant, par un mécanisme de défense contre une vérité inacceptable, qu'à la fin du spectacle il aura donné des réponses ou des remèdes (voir encadré).
Les trois « grandes pièces » (En attendant Godot, Fin de partie et Oh les beaux jours, peut-être complétées par La dernière bande) sont encore d'une facture relativement traditionnelle, celle d'un romancier venu au théâtre, et le langage repose encore sur des personnages<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Mais au début des années 1960, Beckett s'engage dans un théâtre de plus en plus formaliste, accordant au visuel une part aussi grande qu'au langage, produisant un théâtre plus statique qu'actif, et plus lyrique que dramatique, mimodrames, dramaticules, ou pièces radiophoniques<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il se tourne également vers la télévision (Modèle:Harvsp, Modèle:Harvsp, Modèle:Harvsp, Modèle:HarvspModèle:Harvsp, Modèle:Harvsp) où la réalisation est plus souple, avec un regard plus « féroce », plus froid<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Ses mises en scène font souvent référence à des tableaux, mais il ne cherche surtout pas à contrefaire la peinture, ou à composer des tableaux sur scène<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il s'agit plutôt d'une picturalité « en sourdine », et la scène beckettienne relève de l'image et non du tableau<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, Modèle:Citation. Pour les trois grandes pièces, on cite ainsi, parce qu'on sait que Beckett connaissait ces tableaux, Deux hommes contemplant la lune de Caspar David Friedrich pour En attendant Godot<ref name="z" />, un tableau de décollation pour Fin de partie : Salomé avec la tête de Saint Jean Baptiste de Caravage<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et Portrait de Frances Day d'Angus Mc Bean pour Oh les beaux jours<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Pour Fin de partie encore, Roger Blin estime que Beckett voyait la pièce Modèle:Citation. Il s'inspire également de modèles musicaux, utilisant un vocabulaire musical de tempo et de mouvement pour « orchestrer » le langage, mais aussi pour installer le comédien dans une modélisation formelle plutôt qu'une interprétation littéraire<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Encadré texte Dans cette évolution vers le « moindre », Modèle:Harvsp représente l'impasse créatrice, qui imprègne la structure de l’œuvre, et le manque est devenu le texte. Au bout de ce parcours, Modèle:Harvsp, pièce de trente-cinq secondes, scène dépeuplée, vestiges d'une présence humaine, Modèle:Citation.
Proses narratives
Modèle:Exergue Le terme « prose narrative » désigne les romans et nouvelles écrits entre Modèle:Harvsp en 1934 puis surtout Modèle:Harvsp en 1938 et les nouvelles du recueil Modèle:Harvsp en 1955, les textes en prose ultérieurs s'apparentant plutôt à des poèmes en prose. Cet ensemble comprend également Modèle:Harvsp en 1942, Modèle:Harvsp en 1945 et Modèle:Harvsp en 1946. Parmi cet ensemble, trois ouvrages forment une trilogie : Modèle:Harvsp (1951), Modèle:Harvsp (1952) et Modèle:Harvsp (1953) selon les indications de Beckett lui-même : Modèle:Citation.
Une prose originale
Modèle:Exergue Modèle:Exergue Ces ouvrages sont parfois classés à tort par le public dans la catégorie du Nouveau Roman. Mais seul Alain Robbe-Grillet tente de l'intégrer dans cette famille, contrairement à Claude Simon ; Jean Ricardou ne le mentionne pas en 1967 dans son ouvrage théorique Problèmes du Nouveau Roman, et il n'est pas non plus inclut en 1971 au programme du colloque du Centre culturel international de Cerisy-la-Salle consacré à ces auteurs. Beckett propose en fait une refondation du « geste de la littérature » et rejette toute tradition littéraire<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il a toujours refusé une quelconque affiliation à un style, effectuant au contraire un travail progressif de démystification de la littérature par la mise en crise de l'original, du style et du langage : il ne se passe généralement rien dans ces romans et nouvelles, sauf la production du texte<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Sa prose ne peut être rattachée à aucune tradition littéraire : rupture avec les anciens genres (« vieux styles ») et pas de disciples. C'est donc faute d'un concept plus adéquat qu'il faut bien appeler « romans » ou « nouvelles » ces curieuses narrations<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Encadré texte Les textes ont en commun une forme de plus en plus abstraite, mettant en œuvre des images souvent puissantes et poétiques, au service d'une réflexion informelle et réflexive sur l’œuvre en train de s'écrire et sur l'art. Beckett y pratique souvent un mélange des genres, en insérant, au milieu d'une situation ordinaire de son roman, une référence à un « discours noble » (scientifique, moral, philosophique) produisant un effet burlesque<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Cet effet d'érudition, très présente dans les premiers ouvrages de cette série de proses, risquant d'éblouir mais aussi de lasser le lecteur, se réduit au profit d'une écriture plus sensible qu'intellectuelle, avec le choix du français et la prise de distance par Beckett par rapport au style de Joyce.
- Exemple de digression thématique érudite, intervenant alors que les personnages portent un toast à la mémoire de Murphy : Modèle:Citation
L’œuvre narrative est à la fois une fiction et un discours sur cette fiction<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et la place du commentaire dans l'écriture de Beckett s'accroît graduellement, non seulement dans la construction du roman lui-même, mais aussi par le travail de retour sur le texte que constitue l’auto-traductionModèle:Note. Depuis Murphy, puis Watt et Mercier et Camier qui marquent la transition de l'anglais vers le français avant la Trilogie en français, jusqu'à l'Innommable, le style évolue en multipliant les répétitions et les retours, les digressions ou l'énumération obsessionnelle (l'« épuisement ») de toutes les solutions d'une situation donnée, sapant ainsi les fondements du genre romanesque<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
La voix et les personnages
Les aléas de la voix du narrateur constituent alors la dernière aventure romanesque, voix toujours en danger de narration, risquant de filer le coton de la fiction<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Parmi les romans qui précèdent la Trilogie, et qui forment selon Beckett lui-même une série<ref group=B>Modèle:Harvsp.</ref>, Watt représente un tournant, établissant une opposition entre d'une part le monde des hommes et des choses et d'autre part les mots. Cette opposition est ensuite approfondie dans les romans ultérieurs, où le « soulas sémantique » vient au secours de la détresse des personnages, jusqu'à devenir le sujet principal de l'Innommable<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Encadré texte Les personnages de Beckett sont bavards, il racontent des histoires, le plus souvent dans le registre de l'absurde et de l'insignifiant, anecdotes que chacun raconte pour passer le temps, monologues souvent si désaccordés que ce sont des monologues parallèles. Ces histoires finissent pourtant par produire du sens, et Beckett parvient finalement à exprimer quelque chose de la vie en ne disant rien ou très peu<ref name=PETEL731>Modèle:Harvsp.</ref>. Raymond Federman montre comment Beckett mêle pseudo-réalité et sous-fiction, et fait converger les voix de l'auteur, du narrateur et du héros, pour dénoncer l'aspect illusoire de toute fiction, ces histoires qui prétendent passer pour la réalité<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Contrairement aux pièces de théâtre, les personnages des romans s'agitent beaucoup, mais en succédanés d'action, parfois comiques, souvent absurdes, insignifiantes. Personnages très peu personnifiés, difficiles à définir, beaucoup ont tendance à se confondre à travers une initiale M, ou inversée en W, et se ramènent finalement à une seule et même personne non identifiée objet de l'Innommable, masques du narrateur. Ils vont par couples, illustrant un dilemme : autrui me permet de croire à mon existence ; autrui m'empêche d'être moi-même<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Ces romans et nouvelles font intervenir de nombreux souvenirs d'enfance et de jeunesse et d'éléments personnels, pour finalement une écriture de soi, mais sans pour autant que l'auteur raconte l'histoire de sa vie, formant ainsi une « autographie »<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Une esthétique du confusionnisme
Modèle:Exergue Modèle:Citation bien qu'il ait lu de nombreux philosophesModèle:Note, J.-F. Louette le rappelle, cette remarque est valable aussi bien pour la prose que pour l’œuvre théâtrale, Beckett décourage toute interprétation définitive en interdisant de les prendre au sérieux. Dans les premiers ouvrages, il affiche avec une érudition bouffonne et sûreModèle:Note, mais sans se soucier des conventions, des références et allusions à des spéculations philosophiques diverses (Descartes, Geulincx, Vico, Schopenhauer...)Modèle:Note par des persiflages, collages et transpositions caricaturales. Les ouvrages suivants font appel de plus en plus aux figures rhétoriques, qui deviendront habituelles, pour créer la confusion : épanorthose, humour<ref name="r">Modèle:Harvsp.</ref>, et syllepse de sens<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Encadré texte Modèle:Citation bloc J.-F. Louette recense par exemple pour Molloy cinq interprétations proposées par des auteurs critiquesModèle:Note, avant de suggérer la sienne en synthèse, selon laquelle Beckett propose un « non-savoir paisible », forme de renoncement à la sagesse, qui serait la forme ultime de la sagesse<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Ce qui pourrait échapper à la confusion et au désastre du savoir érudit, Beckett le dégrade encore par le burlesque et la trivialité, comme le souligne Adorno, Modèle:Citation et Beckett fait ainsi subir à la philosophie une « métamorphose prosaïque » donnant aux spéculations abstraites une dimension de banalité quotidienne, athéisme artistique qui rejette toute croyance en un au-delà littéraire, pour une refondation matérielle du geste de la littérature<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Encadré texte Le narrateur beckettien, aux prises avec les mots, n'a de cesse de ruiner sa crédibilité, contribuant ainsi au discrédit du sens, et ce narrateur problématique devient le sujet de l’œuvre, d'un récit en train de s'écrire, avec l'ambition d'une littérature entrant dans l'âge de l'abstraction<ref>Modèle:Harvsp.</ref> pour exprimer la vie en ne disant rien, ou très peu<ref name=PETEL731/>. Modèle:Citation bloc
Beckett n'écrit aucune fin dans son œuvre, radicalisant ainsi l'idée d'un « work in progress », mouvement de poursuite d'un ouvrage à l'autre. Cette voix, Modèle:Citation. Effet de ressassement et d'épuisement du dernier ouvrage en prose, L'Innommable, « ton fiévreux » où il semble que la voix dise toujours la même chose, c'est-à-dire rien ou un « presque rien » dans un mouvement qui se dérobe constamment à sa propre fin<ref name=WELLERSHOFF>Modèle:Harvsp.</ref>, laissant ainsi indécidables, faute de sens, toutes les interprétations.
Beckett enferme ainsi dans sa dialectique le lecteur, pris dans sa quête d'un sens à donner à ces fictions, prétention à la vérité que les images employées peut susciter, mais qui lui est refusée dans le même temps, et le jeu poétique apparaît comme un échec incessant de la quête de vérité<ref name=WELLERSHOFF/>. Mais le lecteur qui se convainc alors que ces interprétations qui s'imposent à son esprit lui sont en fait interdites par le texte, et qui se rabat sur une lecture purement abstraite des romans, se heurte encore à cette injonction de Beckett : « imagination morte, imaginez<ref name=TETES group=B/> », puisque l'esprit humain est ainsi fait qu'il ne peut s'empêcher de donner du sens<ref name=WEBER4748/>.
On dirait du Beckett
Une grammaire particulière
Les allers-retours de Beckett entre les deux langues, anglaise et française, font naître un « ton beckettien », tiers-langage neuf incorporant en l'infléchissant le génie propre à chacune.
Une langue « sans style » mais signée.
Dans sa recherche d'une abstraction dans la littérature, Beckett porte dans ses romans ce langage à une sorte d'apothéose non pas en tendant vers le silence comme dans ses textes ultérieurs, mais en exploitant toutes ses ressources en l'absence de choses à exprimer ou à raconter. Modèle:Citation. Modèle:Encadré texte
Oralité feinte, par l'ordre de la phrase, ou par les répétitions, phrases nominales, commentaires méta-énonciatifs ou d'impuissance devant le langage, récits désorganisés par du spontané, ou des digressions incontrôlables<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. La langue de Beckett est « sans style », minimaliste : de longues phrases parataxiques, complexes mais non subordonnées, ponctuées de virgules, à l'époque où il se libère, dans ses romans, de l'influence de Joyce pour créer une « littérature du non-mot » qu'il souhaite<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Pourtant, malgré les apparences, la langue de la prose de Beckett n'est pas simple, et chaque ouvrage oppose à la lecture une résistance en raison d'une grammaire particulière, fondée sur des règles que le lecteur doit discerner<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Citation.
La ponctuation
Modèle:Exergue L'étude des variantes de ses écrits montre que Beckett apportait un soin particulier à la ponctuation, pour imposer le rythme à la lecture et produire les effets rhétoriques ou stylistiques recherchés. Sa prose narrative fait apparaître certains écarts par rapport aux usages, habituels en français et reconnus par les grammaires normatives : présence plus fréquente de virgules en fin de phrase, plus rare en début de phrase (relevée par Karine Germoni) ; usage ou absence inhabituels de points d'exclamation (relevés par Georges Mathieu). Le lecteur français perçoit automatiquement ces écarts et identifie la motivation de l'auteur<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- Le rythme par les virgules
- Sur le plan rhétorique, les virgules ajoutées en fin de phrases peuvent introduire un effet d'épanorthose en introduisant un élément qui modérera ou inversera le sens initial, ou mettra en évidence le mot ou le syntagme qui suit. Les virgules en fin de phrase permettent également l'ellipse ou le renversement sémantique, souvent suivies par les syntagmes pour le moment ou en un sens ou bien un peu, expressions fréquentes qui deviennent des repères familiers au lecteur<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- Exemples d'utilisation rhétorique de la virgule :
- effet modérateur : Modèle:Citation
- double retournement de sens : Modèle:Citation
- Exemples d'utilisation rhétorique de la virgule :
- Sur le plan stylistique, les virgules ajoutées en début de phrase peuvent donner un sentiment de proximité, comme si l'auteur écrivait dans le présent du lecteur<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Un style qui n'est pourtant pas un décalque systématique de l'oral, mais permet aussi, selon les indications de Beckett lui-même, de distinguer la nature des voix : voix intérieures, par un usage modéré de la virgule (Nouvelles, Malone meurt) ou voix extérieures (Textes pour rien) allant jusqu'à un essoufflement vocal paroxystique<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- Exemples d'utilisation stylistique de la virgule :
- Effet d'oralité : Modèle:Citation
- Essoufflement de la voix intérieure : Modèle:Citation
- Effet de rythme : Modèle:Citation<ref group=B>Modèle:Harvsp.</ref>
- Exemples d'utilisation stylistique de la virgule :
- L'exclamation
Beckett s'écarte généralement de l'usage majoritaire, et recommandé en français, de l'exclamation, pour des raisons métadiscursives et réflexives, surtout dans les trois romans de la Trilogie. Après des termes tels que ah, ou quel, une absence de point d'exclamation donne au lecteur un sentiment de monologue intérieur, où l'intonation est généralement considérée comme absente. Cette absence produit également une exclamation à demi-étouffée, avec là encore un effet d'épanorthose. Cet usage de Beckett, comme son refus d'utiliser des points de suspension, peut aussi être de sa part un refus d'un usage pléonastique, lorsque le contexte ne permet pas l'équivoque<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- Absence de points d'exclamation à la suite d'une exclamation pointée, marquant un découragement : Modèle:Citation<ref group=B>Modèle:Harvsp.</ref>
- Exclamations étouffées et, de plus, isolées des paragraphes : Modèle:Citation.
Beckett utilise par contre toujours le point d'exclamation pour souligner un effet de réduplication, lorsqu'il répète des termes déjà employés dans la phrase précédente, cet usage étant assez courant dans sa prose.
- Point d'exclamation soulignant une réduplication : Modèle:Citation ou encore :Modèle:Citation.
Les dernières proses
Les textes en prose de la seconde période de Beckett sont ceux écrits après Godot et Fin de Partie, alors qu'il compose également des œuvres de genres très divers : poèmes, pièces radiophoniques, télévisuelles ou théâtrales, scénarios. Les versions anglaises de trois de ces textes en prose (Compagnie, Mal vu mal dit, Cap au pire) ont été regroupées en une seconde trilogie sous le titre Nohow On par ses éditeurs américain (Grove Press) et anglais (Calder), malgré l'opposition de l'auteur<ref>Modèle:Harvsp.</ref> mais cette présentation est reprise ensuite par beaucoup de critiques. Les textes de cette période, qui rassemblent également Comment c'est, Soubresauts, et les Foirades, ont cependant peu de chose en commun dans leur forme : certains sont écrits en anglais, les autres en français, dans une grande diversité formelle et avec des techniques d'écriture non comparables<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Après l'exubérance baroque de la première période, ces textes constituent une œuvre plus resserrée, de plus en plus brefs : en 1961 Comment c'est compte 257 pages, Compagnie 88 pages en 1979, et Soubresauts seulement 28 pages en 1989. Au-delà de cette épure formelle, une certaine unité thématique apparaît cependant. À travers un nombre limité de mots ressassés et quelques images obsédantes, on atteint Modèle:Citation<ref name=cécile36>Modèle:Harvsp.</ref>. Il s'agit encore de récits qui sont en même temps des réflexions sur ces récits mêmes : Modèle:Citation.
Le thème de l'écriture se resserre autour de l'expérience du deuil et de la mélancolie<ref>Modèle:Harvsp.</ref> Modèle:Citation. Les personnages sont souvent des vieillards. À force de chuter, ils sont réduits à l'immobilité, dénuement ultime et l'écriture fragmentaire constitue une mise en scène de cette perte. Par son degré de compression, une part de l'œuvre reste obscure au lecteur, et sa lecture devient une expérience de cette mélancolie<ref>Modèle:Harvsp.</ref> : dans ces tragédies dépourvues d'action, Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Interprétations sauf erreurs
Épanorthose mais sentiment de sens
Modèle:Exergue Dans Modèle:Harvsp, Clov et Hamm évoquent le risque de la signifiance (serions-nous en train de signifier quelque chose ?), en présence d'un intelligence susceptible de les surprendre. Par l'épanorthose, ou plus explicitement, chaque ouvrage tourne en ridicule les tentatives de comprendre ses enjeux. Pour Beckett c'est même l'épanorthose qui semble être la « chose à dire » et Bruno Clément souligne que Modèle:Citation et invalide toute tentative herméneutique. Toutes les interprétations sont généralement possibles, y compris l'absence de sens, mais chaque interprétation devrait être accompagnée de la mention : sauf erreur<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- Exemple d'épanorthose chez Beckett : Modèle:Citation
Modèle:Encadré texte Beckett s'est ainsi toujours opposé à fournir une interprétation à ses œuvres, citant Proust Modèle:Citation, et n'a même jamais laissé entendre que ses ouvrages puissent faire l'objet d'interprétations philosophiques (sans pour autant affirmer explicitement le contraire). Dans une lettre à Michel Polac qui l'interrogeait en 1952 à propos de Modèle:Harvsp, il exprime très clairement ce refus : Modèle:Citation bloc
Il décourage ainsi toute démarche herméneutique, mais est encore plus explicite sur le principe même d'un symbolisme : Modèle:Citation. Tout au plus évoque-t-il en 1967, et à contre cœur, deux pistes lors d'un entretien : Modèle:CitationModèle:Note.
L'abstention suprême est ainsi ce Modèle:Citation. Sur l'exemple de Modèle:Harvsp, Martin Mégevand estime malgré tout que le projet de l’œuvre semble être de susciter chez le lecteur (au-delà de l'ironie toujours présente dans la représentation) Modèle:Citation et produisant un « sentiment de sens » qui continue de hanter le lecteur une fois refermé le livre<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Les chercheurs du Dépeupleur
Modèle:Exergue Dans une étude sur Modèle:Harvsp, Antoinette Weber-Caflisch montre que ce texte peut être « interprété » comme une allégorie de la lecture interprétative, Beckett y évoquant ce que le lecteur peut, ou doit, attendre quant à une éventuelle interprétation de ses textes<ref name=WEBER24>Modèle:Harvsp.</ref>.
Dans Le Dépeupleur, Beckett met en scène, à l'intérieur d'un cylindre, un « fonctionnement », et un « personnel », et ce texte serait auto-référentiel car une partie des agents constituant le personnel, et qui s'appellent les « chercheurs », pourraient symboliser le lecteur obsédé par la quête d'un sens<ref name=WEBER24/>. Or Beckett ajoute deux précisions relatives à la quête de ces chercheurs :
- Modèle:Citation
- le séjour est Modèle:Citation
et, comme le remarque finement Antoinette Weber-Caflisch, on peut dire qu'à l'intérieur du cylindre où ils restent confinés, Modèle:Citation. Modèle:Encadré texte
Ces chercheurs seraient alors une image en abyme des lecteurs, lorsqu'ils tentent d'accéder par des échelles à des « niches » pour y loger des hypothèses de lecture, alors que le texte, abstrait, se refuse à toute interprétation. Le lecteur pourrait alors tenter de se convaincre de cette impossibilité d'interpréter le texte, mais Beckett lui refuse même cette sortie, considérant que l'esprit humain est ainsi fait qu'il ne peut s'empêcher d'interpréter<ref name=WEBER4748>Modèle:Harvsp.</ref> : Modèle:Citation.
Comme tous les ouvrages de Beckett, Le dépeupleur défie la vraisemblance, n'est pas une vision réaliste du monde. Il se termine sans s'achever, donc sans épuiser les possibles de sa signification. Antoinette Weber-Caflisch propose ainsi douze interprétations possibles pour ce seul texte, qui semble même fait pour les susciter<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. L'écriture de Beckett mobilise ainsi moins d'énergie pour créer le sens que pour empêcher sa détermination. Il crée Modèle:Citation.
Sauf erreurs
Beckett refuse particulièrement la qualification de « théâtre de l'absurde »<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et Alain Badiou repousse les interprétations habituellement attachées à l’œuvre de Beckett : Modèle:Citation, avant de proposer lui-même sa propre interprétation de cette œuvre. Dans Modèle:Harvsp, certains « chercheurs » sont qualifiés de « vaincus ». Alain Badiou souligne cependant<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, comme Antoinette Weber-Caflisch<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, que les chercheurs vaincus ne sont pas défaits de n'avoir pas trouvé, ou défaits par quelqu'un d'autre, mais d'avoir renoncé à leur recherche, à leur désir. Badiou interprète ainsi le Dépeupleur : pour ceux qui malgré tout, après avoir renoncé, désireraient désirer de nouveau, la défaite est cependant réversible, car si le désir s'amoindrit ou s'annule, ce choix de renoncer détruit tout, mais la possibilité reste indestructible<ref>Modèle:Harvsp.</ref> car l'esprit humain ne peut se soustraire à cette injonction : Imagination morte, imaginez<ref name=WEBER4748/>. Modèle:Encadré texte
Son œuvre est gonflée de signification, mais si la motivation originaire de Beckett a été affective, elle n'en laisse plus rien paraître. Le sens en est étroitement solidaire de ses choix formels, et s'épuise avec eux, mais son but est d'Modèle:Citation. Elle est devenue un produit intellectuel d'où sont chassés l'intuition et les battements de cœur du « vieux style », et affiche un « non-savoir »<ref name="r" />. Si l’œuvre de Beckett peut avoir non pas une signification mais une influence, c'est pourtant bien dans le domaine de l'éthique<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Eoin O'Brien, médecin, exprime ainsi cette influence : Modèle:Citation.
Autres aspects de l’œuvre
Le bilinguisme
Modèle:Exergue Le bilinguisme distingue cette œuvre Modèle:Citation de toutes les autres<ref name=CLEMENT234>Modèle:Harvsp.</ref> et en constitue l'essence même. Le projet d'écrire, avant même d'écrire, prend en compte cette composante<ref name=CLEMENT240>Modèle:Harvsp.</ref>. En 1937 déjà Beckett écrivait en allemand à un destinataire germanophone Modèle:Citation et Joyce lui avait conseillé de lire Vico : Modèle:Citation. Ces questions sont présentes également chez Barthes ou Blanchot, mais Beckett y apporte une réponse originale avec le bilinguisme. Joyce se démarque de l'anglais par le lexique, alors que Beckett choisit de travailler sur la syntaxe.
En 1945, Modèle:Harvsp, écrit en anglais, est une œuvre académique, raffinée, et apparaît à Beckett comme une impasse littéraire. Il choisit alors de se détourner de l'anglais, coupable de maintenir l'ancien ordre littéraire<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et qui représente Modèle:Citation. De plus sa véritable langue maternelle est le gaëlique, et il pourrait dire de l'anglais, comme Joyce, Modèle:Citation. De l'irlandais, Modèle:Citation il gardera sa faconde et l'humour, parfois de mauvais goût.
Doué d'une extraordinaire faculté à assimiler les secrets d'une langue<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, ses dons linguistiques sont remarqués dès ses années d'étudiant à Trinity College, et il n'éprouve aucune difficulté à s'exprimer en français (ainsi qu'en allemand et en italien). Déjà en 1937 il écrivait des poèmes en français, en 1939 achevait la traduction de son premier roman, Modèle:Harvsp, et il choisit cette langue comme moyen d'expression. Il affecte cependant en français une maladresse fondamentale, un langage voué à manquer l'essentiel, maladroit, faible, simple, familier, hésitant, mais qui se corrige et se moque de son ignorance<ref name=CLEMENT234/>.
Beckett répond parfois par des boutades (Modèle:Citation) lorsqu'on l'interroge sur les raisons de l'écriture en une langue étrangère. Michael Edwards, autre écrivain parfaitement bilingue, remarque cependant qu'au-delà de la recherche vers l'abstraction littéraire, sa véritable motivation, il invoque également le plaisir de l'écrivain Modèle:Citation et la joie simplement de travailler le langage Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Beckett se justifie finalement par la quête d'une langue « sans style » du fait de l'étrangeté qu'on éprouve à l'égard d'une langue acquise, lui permettant de se libérer des clichés et d'obtenir une certaine maladresse dans l'expression<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il évite ainsi le Modèle:Citation
L'exercice de décalage linguistique trouve cependant sa limite avec les Foirades, Modèle:Harvsp et les Modèle:Harvsp<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Mais l'usage du français lui a permis de déstabiliser la langue maternelle<ref name=CLEMENT240/>, et il peut dès lors revenir parfois à l'anglais comme à une langue étrangère<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Ce changement de langue n'est cependant pas un simple changement de tonalité ou de technique (l'anglais langue théâtrale, le français langue narrative...), le bilinguisme libère l'auteur des automatismes propres à chaque langue<ref name=CLEMENT234/>.
Pour Modèle:Harvsp, Beckett écrit le premier texte en anglais, puis le traduit et le publie d'abord en français avant de réviser le texte anglais. Chiara Montini met en évidence des écarts de traduction entre les deux textes, qui ne sont ni original ni copie, jouant parfois sur les mots pour valoriser un léger écart de métaphore entre les deux langues<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Pour Modèle:Harvsp, elle met même en évidence des interactions entre les deux textes, l'un commentant l'autre par intertextualité<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Michael Edwards suggère que la meilleure compréhension est celle d'un anglophone lisant la version française, peut-être parce qu'il est en mesure lui-même de percevoir ces subtilités culturelles propres à chaque texte<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
C'est donc à Beckett qu'il revient de faire les traductions de ses textes, et, s'il en laisse le soin à d'autres (Bowles, Pinget), il doit les reprendre mot à mot<ref>Modèle:Harvsp.</ref> : Modèle:Citation. Il considérait cependant Modèle:Harvsp comme intraduisible du fait de la disparition des pronoms dans la version anglaise<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Ces auto-traductions constituent en fait des re-créations, et produisent deux œuvres originales (et même trois pour Godot que Beckett traduit également lui-même en allemand). Il travaille beaucoup sur la voix, le rythme des phrases (en particulier à travers les combinaisons et répétitions)<ref name=JANVIER34>Modèle:Harvsp.</ref>, travaille ainsi plusieurs versions de Malone meurt<ref name=Lettres55>Modèle:Harvsp.</ref>, mais peut apporter des modifications plus fondamentales, par exemple dans Modèle:Harvsp, où il semble poursuivre l'épanorthose en passant de la version française à l'anglaiseModèle:Note, et pour Modèle:HarvspModèle:Note,Modèle:Note.
Enfin, Antony Cordingley souligne avec de nombreux commentateurs que les couples de personnages, si fréquents chez Beckett, prennent la forme d'allégorie de l’œuvre bilingue, Modèle:Citation, la figure de l'auto-traduction est ainsi présente en particulier dans Modèle:Harvsp, Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp.
L'humour
Modèle:Exergue L'humour est très présent dans la prose et le théâtre de Beckett. Depuis les premières œuvres, traduites de l'anglais (Murphy, Watt...) dans lesquelles on perçoit cette tradition irlandaise, et jusqu'à Comment c'est, l'humour est en fait omniprésent sous forme d'ironie, de jeux de mots, de plaisanteries ou de situations comiques. Il permet à Beckett d'être Modèle:Citation selon Clément Rosset, en particulier par un humour « bien irlandais », parfois de mauvais goût, empreint d'obscénité, contrastant aussi avec d'autres passages où le comique naît de l'usage d'un français pur, pédant ou archaïque<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Sa nature évolue cependant dans sa nature, d'« un rire énorme à propos du monde » dans les premiers romans à une ironie plus personnelle<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il devient progressivement moins comique, plus discret, après Comment c'est, puis s'estompe et se raréfie après Compagnie, enfin est absent des derniers textes comme Soubresauts<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Encadré texte Il n'est cependant jamais destiné à faire rire. Il est d'abord, selon Clément Rosset, Modèle:Citation, et renforce l'originalité de l’œuvre, sans en être pour autant un élément principal.
L'humour y relève souvent de l'insolite, de détails pittoresques ou de commentaires incongrus, dans un écart créé entre les mots et les situations, et en cela participe de l'épanorthose (Modèle:Citation), autre figure de style omniprésente, en amoindrissant la dimension tragique des situations dans lesquelles sont plongés ses personnages. Rire sans joie, c'est le rire noétique, sa fonction est ainsi de montrer sans prendre parti, en refusant d'appuyer le sens, et en évitant Modèle:Citation. Modèle:Encadré texte Beckett explique que Modèle:Citation, et il présente dans son théâtre Modèle:Citation. Alain Badiou estime ainsi que la vraie destination du comique de Beckett est humaniste : Modèle:Citation, et c'est bien ainsi que Beckett met en scène Modèle:Citation.
Le comique joue alors un rôle central pour éviter l'abstraction philosophique et l'esthétique de la sensibilité et préserver le tragique de l'écueil de la sentimentalité : le seul moyen de se garder du ridicule est de l'assumer entièrement, et Beckett parvient à préserver l'émotion tout en faisant échec au pathétique grâce à l'humour (associé à une hypertrophie de la rationalité)<ref name=FROSSART7677/>. Il prend simplement acte du malheur, en le représentant, parfois en l'exagérant, mais sans l'analyser ni le contester<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Ionesco croit retrouver chez Beckett « le sentiment d'une fissure profonde entre Dieu et l'homme » que présentait déjà Synge<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et estime que Modèle:Citation en regrettant cependant que l'ironie n'y soit pas encore plus présente dans « la plainte de l'homme contre Dieu ». Cette ironie, Beckett l'applique également à lui-même s'observant dans l'acte d'écrireModèle:Note, dimension réflexive qui est également présente dans toute l’œuvre<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Beckett traducteur
Samuel Beckett a eu une activité de traduction constante et importante, et Christine Lombez rappelle qu'il est issu d'une nation irlandaise réellement bilingue, avec le gaëlique et l'anglais<ref name=LOMBEZIdentité>Modèle:Harvsp.</ref>.
Si des motivations prosaïques sont mises en avant, cette activité fait cependant partie intégrante de son œuvre. Traduire d'autres auteurs est également Modèle:Citation, cette activité a un impact sur sa conception de la littérature, et ces influences (en particulier celle d'Apollinaire, sur sa poésie<ref name=LOMBEZLangues>Modèle:Harvsp.</ref>) fournissent des éléments permettant de mieux comprendre son œuvre déroutante<ref name=LOMBEZIdentité/>.
De l'anglais vers le français, Beckett participe surtout, en collaboration avec Alfred Péron, à une traduction d'Anna Livia Plurabelle que Joyce ne retiendra finalement pas<ref name=Lettres30>Modèle:Harvsp.</ref>. Depuis le français, il réalise l'auto-traduction d'une grande partie de son œuvre, traduit des poètes modernes (Rimbaud, Apollinaire, ÉluardModèle:Note) qu'il a Modèle:Citation, des surréalistes (Breton, Tzara, Crevel) sans pour autant se sentir proche de ce mouvement<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, mais aussi des œuvres classiques (Chamfort). Il envisage également de traduire Sade qui Modèle:Citation dont il admire le style, y renonce par crainte de l'impact sur sa réputation littéraire<ref group=B name=L20021938>Modèle:Harvsp.</ref>, mais reste cependant intéressé par cet auteur dont il traduit plus tard quelques lettres qui seront publiées par Gilbert Lely et qu'il trouve « extrêmement belles »<ref group=B>Modèle:Harvsp.</ref>.
Il réalise également des traductions vers l'anglais d'auteurs italiens<ref name=Lettres30/> (Montale), de langue allemande (Rilke<ref name=Lettres34>Modèle:Harvsp.</ref>) et de langue espagnole (anthologie mexicaine réunie par Octavio Paz<ref name=Lettres50>Modèle:Harvsp.</ref>)
Relations avec les autres arts
Peinture
Modèle:Exergue Samuel Beckett dispose d'une mémoire visuelle stupéfiante, gardant la mémoire de chaque exposition et des tableaux, leur composition, leur couleur et leur impact<ref name=ATIK9>Modèle:Harvsp.</ref>. Cette disposition naturelle favorise la prise en compte constante de la peinture dans sa conception littéraire et dans ses œuvres. Il entretient, tout au long de sa vie, des relations profondes et durables avec le monde des arts plastiques. Ses écrits critiques sur la peinture, Modèle:Citation éclairent son œuvre littéraire<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Une culture étendue
Modèle:Exergue Avant la guerre, il court les musées et les galeries<ref name=CASANOVA123126>Modèle:Harvsp.</ref> à Dublin, pendant ses voyages en Allemagne qu'il décrit comme un Modèle:Citation<ref name=MILLAN69>Modèle:Harvsp.</ref>, et à Paris. Thomas MacGreevy puis Georges Duthuit l'initient à l'histoire de l'art. Il admire la peinture allemande des années 1920 et 1930, s'intéresse surtout à la peinture moderne et d'avant-garde, et rejette le courant surréaliste. Sa culture comprend une variété de genres, la peinture à l'huile traditionnelle, la sculpture, la gravure, les collages et les dessins de la tapisserie moderne<ref name=MILLAN69/>. Modèle:Encadré texte Au cours de cette exploration de la peinture, il se lie d'amitié avec de nombreux artistes, leur achète des toiles (souvent pour les aider financièrement), publie des articles critiques et il restera en relation avec eux jusqu'à la fin : Jack Butler Yeats de ses années d'étudiant à Dublin<ref name=MILLAN69/>, Bram et Geer van Velde avant la guerre<ref name=CASANOVA123126/>, Henri Hayden compagnon d'exil en 1943<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, Giacometti, Marcel Duchamp, Avigdor ArikhaModèle:Note. Il est en relation également avec des collectionneurs et galeristes : Aimé Maeght, Peggy Guggenheim avec qui il a une relation amoureuse et qui lui présente Suzanne, sa future femme, Thomas McGreevy, Georges Duthuit. Geer et Bram van Velde font la rencontre de Beckett en 1937 et en 1990, Elisabeth, la veuve de Geer, se souvient : Modèle:Citation.
La peinture réalisait des recherches formelles considérables depuis les années 1930, et comme d'autres écrivains de cette époque (Apollinaire, Gertrude Stein et ses logogrammes...), Beckett travaille à la remise en cause des présupposés littéraires en s'inspirant des travaux des peintres Modèle:Citation. Modèle:Encadré texte Il écrit des articles critiques dans la revue transition dès 1929 avec quelques textes, puis à partir de 1947 par des traductions d'études sur la peinture et participe aux discussions de groupes d'artistes réunis autour de Georges Duthuit<ref>Modèle:Harvsp.</ref> qui dirige cette revue. Il traduit pour cette revue des textes de René Char sur Gustave Courbet, de Paul Eluard sur Picasso, de Francis Ponge sur Braque<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, mais ne parvient pas à traduire les Phares de Baudelaire, qui le « paralysent »<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Ses rares essais critiques sont pratiquement, avec sa correspondance, les seuls témoignages dont nous disposions sur ses conceptions artistiques<ref name=CASANOVA123126/>.
Vers l'iconoclasme avec Bram van Velde
Modèle:Exergue Modèle:Encadré texte C'est avec la peinture de Bram van Velde que Beckett éprouve le plus d'affinités pour ses propres recherches littéraires, il y voit Modèle:Citation. Cette peinture de Bram van Velde rompt avec les évidences de la représentation, et les problèmes qu'elle soulève correspondent aux questions littéraires que Beckett se pose lui-même<ref name=CASANOVA123126/> : Modèle:Citation. Jean Frémon lui ayant proposé en 1974 de faire illustrer par une lithographie de Bram l'un de ses textes, Beckett choisit le Modèle:Harvsp<ref name=FREMON8688>Modèle:Harvsp.</ref> correspondant, selon Frémon, à la personnalité du peintre. Modèle:Encadré texte Dans le numéro d’hiver 1945-1946 des Cahiers d’art, Beckett publie un texte (ensuite republié sous le titre Modèle:Harvsp), consacré à l’œuvre des frères van Velde<ref>Modèle:Article</ref> : c'est un questionnement profond sur la représentation et l'origine de l'image. Pour Beckett, Bram représente l'espoir d'un grand bouleversement général de la peinture, révélant la seule vérité, c'est-à-dire Modèle:Citation, et Beckett condamne l'image et le Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Modèle:Droite.
En 1955, son article sur Henri Hayden ne parle plus de l’œuvre : il témoigne seulement d'une amitié, et correspond à une renonciation, à ses exigences éthiques. Il chemine vers l'iconoclasme, faisant écho au logoclasme qu'il appelait de ses vœux dès 1937<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Cette évolution (Modèle:Citation) se produit dans le cadre de discussions entre Beckett et Duthuit, que les deux hommes ont à propos surtout de la peinture de Bram van Velde. Il tente de convaincre Bram de ce qui est devenu clair pour lui, Modèle:Citation, réflexion à dessein ironique et paradoxale mais qui paralyse son ami en lui faisant penser que peindre est un acte impossible<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Beckett prend conscience, à partir de 1949, de l'influence qu'il a pu avoir sur l'art de Bram, contaminant sa peinture avec ses propres catégories littéraires, et lui faisant porter la charge fantasmatique d'une peinture à côté de la tradition occidentale, entraînant le peintre dans une dérive que sa vulnérabilité psychique ne lui permettait pas d'assumer<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il choisit de ne plus écrire sur la peinture.
Autre ami proche de Beckett, Giacometti Modèle:Citation, parle lui aussi de son propre travail toujours en termes d'échec à saisir sa vision, à représenter une figure, poursuivant l'inaccessible. Bram, Giacometti et Beckett ont en commun le mystère de la représentation et de la présence dans l'image, l'infatigable recommencement et l'économie de moyens, une probité à toute épreuve et le profond dédain de la carrière<ref name=FREMON8688/>.
Des échanges et des influences nombreux
Au-delà des réflexions sur les conceptions esthétiques, les influences réciproques et les échanges entre Beckett et les peintres sont nombreux dans la réalisation de son œuvre. Ses premiers romans contiennent de nombreuses allusions à la peinture. Ainsi l'image centrale de Modèle:Harvsp lui est inspirée par La décollation de Saint Jean le Baptiste, du Caravage<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et la conception visuelle de Modèle:Harvsp par un tableau de Caspar David Friedrich, Deux hommes contemplant la lune<ref>Modèle:Harvsp.</ref>,Modèle:Note, il dispose ses comédiens en conséquence<ref name=ATIK9/>, et en 1961 demande à Giacometti d'en dessiner l'arbre<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Par contre, il repousse la proposition de Nicolas de Stael d'un décor réalisé par un peintre, ce qui serait de l'esthétisme, un simple « agrément »<ref name=LABRUSSE676>Modèle:Harvsp.</ref> qui détournerait l'attention du spectateur : Modèle:Citation<ref name=L03011951 group=B>Modèle:Harvsp.</ref> Il accepte cependant des illustrations non figuratives pour des éditions de bibliophilie de ses œuvres non théâtrales. Ainsi, en 1972, il demande ainsi à Arikha d'illustrer une édition des Modèle:Harvsp (Modèle:Citation, puis du Dépeupleur<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et Sean Scully intitule l'un de ses tableaux Modèle:Harvsp.
Selon Lois Oppenheim, le lien avec l'expressionnisme allemand est évident, en raison Modèle:Citation des personnages de Beckett qui appréciait par exemple Kirchner, et Nolde, dont il avait pu voir les œuvres dans les musées en Allemagne avant la guerre<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Si Beckett nie, avec une fausse modestie, une inspiration consciemment expressionniste pour son théâtre, c'est bien pour repousser toute tentative herméneutique : Modèle:Citation. Dans la même lettre, il rejette plus nettement le symbolisme : Modèle:Citation
Un lien avec le cubisme peut être également établi en raison d'une géométrisation présente dans les mises en scène et les textes Modèle:Citation, mais aussi par les mentions à Braque dans sa correspondance.
Et l'accent de Bram van Velde (Bram, encore), son vocabulaire, se retrouvent dans le Texte pour rien XIII et dans Modèle:Harvsp<ref name=FREMON8688/> : Modèle:Citation bloc
Musique
Modèle:Exergue La musique est présente au quotidien pour Beckett qui possédait une solide formation musicale<ref name=CASANOVA161/>. Il écoute surtout Mozart, Beethoven, les quatuors de Haydn et Schubert. Très bon pianiste, érudit, amateur de concerts, il connaît les classiques et les compositeurs contemporains, et fréquente le milieu musical avec Suzanne, sa femme, pianiste professionnelle<ref>Modèle:Harvsp.</ref>,<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Ludovic Janvier estime que sa vie était « adossée » à la musique, obsédé par la voix et n'aimant rien tant, métaphoriquement, que la musique dans la langue, par exemple chez Racine ou Apollinaire<ref name=JANVIER34/>. Modèle:Encadré texte
Des modèles pour l'écriture
Plus encore que la peinture, la musique accroît l'écart entre le sensible et l'intelligible et s'éloigne encore plus du réel qu'elle ne peut, contrairement au texte et à la peinture, représenter. Elle correspond ainsi à la réflexion de Beckett sur le langage et la structure du récit et lui fournit des modèles pour une abstraction du texte. Par l'usage de formes utilisant la répétition (reprises, variations, réexposition d'un thème, sérialisme...), la musique « dé-linéarise » le récit. Beckett y trouve des modèles pour donner une « narrativité musicale » au texte, une Modèle:Citation au théâtre, ou rendre possible, par une syntaxe dominée par les modèles musicaux, la suspension du narratif<ref name=VERDIER246248>Modèle:Harvsp.</ref>.
James Knowlson trouve des analogies entre la méthode de composition dramatique de Beckett et la composition musicale, que Beckett lui-même avait constatées : Modèle:Citation. Cette influence est particulièrement sensible dans les derniers textes de Beckett (Modèle:Citation) tels que Modèle:Harvsp ou Modèle:Harvsp (texte encadré), échappant au récit linéaire, donnant forme au murmure, vers une « littérature du non-mot », faisant entendre l'« insondable gouffre de silence » qui est au fond de tout<ref name=VERDIER252256>Modèle:Harvsp.</ref> : Modèle:Citation.
La recherche littéraire de Beckett vers l'abstraction a produit de nombreux textes dont se sont ensuite inspirés des compositeurs contemporains, et certains de ces textes (Modèle:Harvsp ou Modèle:Harvsp par exemple) sont aussi ultra-radicaux et modernistes que le fut le système de composition musicale dodécaphonique de l'École de Vienne. Ainsi Dutilleux, son neveu John Beckett<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, Heinz Holliger pour Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, Philip Glass pour Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp, Luciano Berio dans Sinfonia pour l'Modèle:Harvsp. Morton Feldman compose à la demande de Beckett, pour Modèle:Harvsp (texte encadré) une pièce musicale pour soprano solo, dans un registre aigu, égrainant les vers du poème, à peine intelligibles, fragments d'un monde perdu<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
L'effort de recherche de Beckett se poursuit avec sa collaboration à la composition d'un opéra par Marcel Mihalovici, Krapp d'après Modèle:Harvsp, pour lequel il envisage, avant d'y renoncer, l'idée d'Modèle:Citation<ref name=CASANOVA161>Modèle:Harvsp.</ref>. Il reprend pourtant cette idée avec succès dans Modèle:Harvsp, selon l'interprète de la version anglaise, Billie Whitelaw<ref>Modèle:Harvsp.</ref> : Modèle:Citation bloc Marcel Mihalovici rend un hommage appuyé au travail musical de Beckett dans sa coaboration pour Modèle:Harvsp : Modèle:Citation bloc Modèle:Encadré texte
Présence de la musique dans les œuvres
Cependant Beckett repousse toute proposition de musique de scène pour ses pièces et précise pour Godot que ce serait Modèle:Citation, admettant par contre l'idée d'une musique Modèle:Citation, éventuellement inspirée par la pièce : Modèle:Citation. De la même manière, il désapprouve violemment Endgame mis en musique par Philip Glass, lors de sa représentation à l'American Repertory Theatre de Cambridge, Massachusetts, sous la direction de JoAnne Akalaitis. Toutefois, il finit par accepter, de la musique composée pour Company, quatre pièces courtes et intimes pour quatuor à cordes qui sont jouées entre les phases dramatiques. Cette dernière composition était originellement vue par Philip Glass comme une musique de fond. Par la suite, Company fut publié en tant que Quatuor à cordes no 2 de Glass.
Le compositeur français Pascal Dusapin écrit, en 1994, un concerto pour trombone intitulé Watt, inspiré du roman de Beckett. En tête de l'ouvrage, une citation du roman fait référence au caractère indicible, innommable des choses du monde, et des états dans lesquels se trouve le narrateur. Le musicologue Harry Halbreich parle, à propos de ce concerto, d'un « voyage autistique destiné à s'achever dans le désespoir complet »<ref>Harry Halbreich, Pascal Dusapin, Concertos[s], livret du disque du même nom, Naïve, 2010.</ref>.
La musique est présente sous différentes formes dans de nombreuses œuvres de Beckett : le Modèle:Harvsp reprend des thèmes d'une œuvre de Beethoven en Modèle:Citation. Dans Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp, la musique intervient comme un personnage. Les grandes pièces (Godot, Oh les beaux jours, Fin de partie) contiennent des chansons.
Cinéma et télévision
Beckett est né quelques années seulement après le cinéma. Il découvre le cinéma avec les films burlesques américains, comme Laurel et Hardy, Chaplin ou Buster Keaton, qui ont pu lui inspirer certaines scènes des personnages de ses pièces, par exemple Modèle:Citation. En 1936, il envisage de se former à l'art cinématographique, lit des livres sur ces techniques et écrit même à Eisenstein en lui demandant de le prendre en stage<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Mais il craint déjà, après la sortie d'un premier film Disney en Technicolor, la Modèle:Citation.
Ce n'est cependant qu'en 1964 qu'il sera en mesure de travailler pour un film, sur le tournage de Film avec Buster Keaton dont il fut, aux côtés d'Alan Schneider, le véritable réalisateur comme le reconnaît celui-ci : Modèle:Citation. Pour ce film unique, Beckett utilise le noir et blanc (la couleur risquant de détourner l'attention du spectateur), et les gros plans pour un film « bidimensionnel ». Le film est pratiquement muet, le seul mot audible est « Ssssh ! » demandant le silence<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il souhaite ainsi proposer une forme Modèle:Citation.
Il écrit et réalise des pièces pour la télévision, où Modèle:Citation, cette forme trouvant son apogée dans Modèle:Harvsp, « drame chorégraphié corpusculaire », que Deleuze appelle Modèle:Citation : comme dans le cinéma de Marguerite Duras, Modèle:Citation.
Beckett accepte une transposition de Modèle:Harvsp au cinéma, mais le résultat s'avère peu satisfaisant<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Par contre il refuse catégoriquement les offres qui lui sont faites pour une adaptation de ses « grandes » pièces de théâtre au cinéma <ref>Modèle:Harvsp.</ref> (un film Godot avait été envisagé<ref>Modèle:Harvsp.</ref>).
Un projet de dessin animé (scénario et croquis) est proposé en 1960 par William Scott (Jay Ward Productions, Hollywood) à partir d'Acte sans Paroles I. Beckett, qui aime beaucoup le dessin animé, se déclare très intéressé par ce projet dont le scénario suit fidèlement le texte. Il trouve l'idée charmante et l'accepte immédiatement, mais le film ne fut jamais réalisé<ref group=B>Modèle:Harvsp.</ref>.
Influences
Beckett influencé par…
Le terme d'influences est peut-être inadéquat s'agissant de Beckett, alors que sa recherche esthétique est celle d'un ailleurs, et que l’œuvre est pleine de Modèle:Citation excluant toute filiation<ref name="r" />.
- Dante Alighieri est présent dans toute l’œuvre de Beckett, sous forme de citations, de références ou d'allusions. Il avait toujours avec lui une édition de la Divine Comédie<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Belacqua, personnage de la Divine Comédie, est également le nom d'un personnage de plusieurs ouvrages de Beckett.
- Arnold Geulincx. Beckett utilise de nombreux thèmes de la pensée de GeulincxModèle:Note : l'impuissance, résultat de l'ignorance humaine ; l'absence de Dieu dans Godot, qui laisse sans espoir. On retrouve également son influence et même des citations dans Godot, Fin de partie, Paroles et musique. Cependant la pensée de Beckett est différente et même souvent à l'opposé de celle de Geulincx<ref>Modèle:Harvsp.</ref> mais il recommande pourtant sa lecture : Modèle:Citation.
- James Joyce. Beckett l'a fréquenté de 1928 à 1930 alors qu'il était lecteur d'anglais à l'ENS à Paris, l'aidant dans son travail sur Finnegans Wake. Il a ensuite cherché à s'en démarquer, tout en gardant respect et reconnaissance pour l'artiste : Modèle:Citation bloc
- Franz Kafka. Beckett n'a lu que Le château, en allemand. Modèle:Citation.
- Marcel Proust. L'essai que Beckett a écrit sur lui fut son premier ouvrage en prose. Modèle:Citation.
- Jean Racine Modèle:Citation. En 1953, après les débuts de Godot, Beckett écrit à propos de Bérénice : Modèle:Citation.
- Arthur Schopenhauer : Modèle:Citation.
- John Millington Synge. Les personnages errants et l'univers des pièces de Beckett évoquent le théâtre de Synge, avec des ressemblances thématiques et de construction, associant les caractères français et irlandais<ref name=PROTIN41>Modèle:Harvsp.</ref>. Beckett rappelait qu'il avait vu la plupart de ses pièces, et se disait impressionné par leur qualité : force imaginative, mélange d'humour et de pathos, pessimisme clairvoyant, invention et expérimentation d'un langage<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- W. B. Yeats : sa poésie revêtait une importance particulière aux yeux de Beckett, en particulier La Tour, dont l'un des derniers vers a fourni le titre d'un texte : … que nuages…
A influencé...
- Paul Auster admirait jusqu'à l'idolâtrie Beckett, qui fut le héros littéraire de sa jeunesse et, par ses lettres d'encouragement, sa planche de salut dans les phases de doute qu'il éprouva<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
- Christian Gailly est fortement influencé par Samuel Beckett. Le titre de son roman Dernier amour étant même une référence à Premier amour.
- Gilles Deleuze a trouvé de nombreux éléments de sa réflexion dans l’œuvre de Beckett, en particulier sur la notion d'épuisement<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- Michel Foucault place en 1970 sa leçon inaugurale au Collège de France sous l'invocation de Molloy, et déclare vouloir s'identifier à lui<ref name="e" />.
- Robert Pinget. Beckett a aidé et conseillé Pinget en particulier dans sa carrière théâtrale, en traduisant en anglais, et en y imprimant sa marque, La Manivelle et en mettant en scène L'Hypothèse. Pinget a été influencé par le style de Beckett avant de s'émanciper<ref name=ATIK44/>, et les deux hommes reconnaissaient une similitude entre leurs deux œuvres : l'authenticité du ton et une inquiétante étrangeté<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- Nathalie Sarraute : sa pièce Le Silence lui a été inspirée par l'attitude (exaspérante pour elle) de Beckett en société<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Rejeté par...
- Marcel Achard : Modèle:Citation
- Paul Flamand, directeur aux Éditions du Seuil, conclut ainsi une note de lecture : Modèle:Citation
- Jean-Jacques Gautier, à propos de Godot : Modèle:Citation.
- Louis Pauwels, alors qu'il travaille pour les éditions du Seuil, rédige une note de lecture : Modèle:Citation
Deux œuvres originales
Bilingue et auto-traducteur, Beckett a produit de fait deux œuvres originales, donnant lieu à deux traditions critiques. Dans Watt il met en scène Sam réorganisant les mots de Watt, épreuve répétée par les traductions, et Chiara Montini montre que Beckett démystifie ainsi la notion d'original qui se présente finalement comme un brouillon, la traduction devenant elle-même une œuvre originale de l'auteur<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Le bilinguisme problématise et enrichit toute analyse lexicale par la différence des deux corpus lexicaux utilisés<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Le bilinguisme est donc une caractéristique constitutive, essentielle, de son œuvre, écrivant et traduisant en anglais et en français. Pour chacun de ses textes, le choix de la langue originale et, lorsqu'il ne traduisait pas lui-même, du traducteur, sont significatifs.
Les informations reportées dans le tableau et la bibliographie des œuvres de Beckett proviennent de la biographie par Knowlson<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, du Cahier de l'Herne<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, de la bibliographie réunie par Bruno Clément<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et du catalogue des Éditions de Minuit<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Pour la période de 1945 à 1950, la plus créatrice, les dates et la chronologie sont cependant moins fiables, cette époque étant, de l'aveu de Beckett, une époque confuse et chaotique<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Le premier livre de Samuel Beckett à être publié en français, Murphy, a été publié par les éditions Bordas en 1947. Ensuite, les œuvres de Samuel Beckett sont toutes publiées aux Éditions de Minuit. Elles sont publiées en anglais chez Faber & Faber (théâtre) ou chez Modèle:Lien (romans) et chez Grove Press aux États-Unis.
Création | Langue d'origine |
Premier texte | Traduction | Texte traduit |
---|---|---|---|---|
1929 | anglais | Dante... Bruno. Vico.. Joyce | Bernard Hœpffner 1983 | Modèle:Harvsp |
1930 - 1976 | anglais | Whoroscope | Édith Fournier 2012 | Modèle:Harvsp |
1931 | anglais | Proust | Édith Fournier 1990 | Modèle:Harvsp |
1934 | anglais | More Pricks than Kicks Dante and the lobster - Fingal - Ding-dong - A Wet Night - Love and Lethe - Walking Out - What a Misfortune - The Smeraldina’s Billet Doux - Yellow - Draff |
Édith Fournier 1994 | Modèle:Harvsp Dante et le homard - Fingal - Ding-dong - Rincée nocturne - Amour et Léthé - Promenade - Quelle calamité - Le Billet Doux de la Smeraldina - Blême - Résidu |
1935 | anglais | Echo's Bones and Other Precipitates The Vulture - Euneg I - Euneg II - alba - Dortmunder - Sanies I - Sanies II - Serena I - Serena II - Serena III - Malacoda - tagte es - Echo's Bones |
Édith Fournier 2002 | Modèle:Harvsp Le Vautour - Enueg I - Enueg II - Alba - Dortmunder - Sanies I - Sanies II - Serena I - Serena II - Serean III - Malacoda - Dat Tagte Es - Les Os d'Écho |
1936 | anglais | Notes on Geulincx | Beckett 1967 Douley 2012 | Modèle:Harvsp |
1938 | anglais | Murphy | Beckett et Alfred Péron | Modèle:Harvsp |
1941-1944 | anglais | Watt | Ludovic et Agnès Janvier en collaboration avec Beckett 1969 | Modèle:Harvsp |
1945 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1972 | First love |
1946 | anglais | The Capital of the Ruins | Édih Fournier 1993 | Modèle:Harvsp |
1946 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1974 | Mercier and Camier |
1948 | anglais | Three Dialogues with Georges Duthuit | Beckett | Modèle:Harvsp |
1949 | français | Modèle:Harvsp | ||
1949 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1986 | Eleutheria |
1951 | français | Modèle:Harvsp | Patrick Bowles puis<ref>Modèle:Harvsp.</ref> Beckett 1955 | Molloy |
1952 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1952 | Henri Hayden, Painter-Man |
1952 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1958 | Malone dies |
1952 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1956 | Waiting for Godot |
1953 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1959 | The Unnamable |
1955 | français | Modèle:Harvsp L'Expulsé - Le Calmant - La Fin - Textes pour rien |
Beckett et Richard Seaver 1967 | No's Knife The Expelled - The Calmative - The End - Texts for Nothing |
1956 | anglais | From an abandoned work | Beckett et Ludovic et Agnès Modèle:Date- | Modèle:Harvsp |
1956 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1958 | Act without words |
1957 | anglais | All That Fall | Robert Pinget puis Beckett 1957 | Modèle:Harvsp' |
1957 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1957 | Endgame |
1959 | anglais | Krapp's Last Tape | Beckett 1959 | Modèle:Harvsp |
1959 | anglais | Embers | Beckett 1959 | Modèle:Harvsp |
1959 | français | Modèle:Harvsp Modèle:Note | ||
1961 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1964 | How It Is |
1962 | anglais | Happy Days | Beckett 1963 | Modèle:Harvsp |
1962 | anglais | Words and Music | Beckett 1970 | Modèle:Harvsp |
1963 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1967 | Act Without words II |
1963 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1964 | Cascando |
1963 | anglais | All Strange Away | non traduit | |
1964 | anglais | Play | Beckett 1970 | Modèle:Harvsp |
1965 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1965 | Imagination Dead Imagine |
1966 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1967 | Enough |
1966 | français | Modèle:Harvsp Modèle:Note | Beckett 1967 | Ping |
1967 | anglais | Come and Go | Beckett 1970 | Modèle:Harvsp |
1967 | anglais | Eh Joe | Beckett 1970 | Modèle:Harvsp |
1967 | anglais | Film | Beckett 1970 | Modèle:Harvsp |
1968 | français | Modèle:Harvsp | ||
1969 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1970 | Lessness |
1969 | anglais | Breath | Beckett 1970 | Modèle:Harvsp |
1970 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1972 | The Lost Ones |
1973 | anglais | Not I | Beckett 1975 | Modèle:Harvsp |
1976 | français | Modèle:Harvsp Pour finir encore ; Au loin un oiseau ; Se Voir ; Immobile ; Un soir ; La Falaise |
Beckett 1976 | For To End Yet Again and Other Fizzles |
1977 | anglais | Footfalls - Sketch for radio play Rough for Radio I ; Rough for Radio II ; Theater I ; Theater II |
Beckett 1978 | Modèle:Harvsp Pas ; Fragment de théâtre I ; Fragment de théâtre II ; Pochade radiophonique; Esquisse radiophonique |
1979 | anglais | Company | Beckett 1980 | Modèle:Harvsp |
1981 | français | Modèle:Harvsp | Beckett 1982 | Ill Seen Ill Said |
1982 | anglais | Catastrophe A Piece of Monologue ; Rockaby ; Ohio Impromptu ; What Where |
Beckett 1982 | Modèle:Harvsp Cette fois ; Solo ; Berceuse ; Impromptu d'Ohio ; Quoi où |
1983 | anglais | Worstward Ho | Édith Fournier 1991 | Modèle:Harvsp |
1984 | anglais | Quad | Édith Fournier 1992 | Modèle:Harvsp Trio du Fantôme... que nuages... ; Nacht und Träume |
1989 | anglais | Stirrings Still | Beckett 1988 | Modèle:Harvsp |
1989 | français | Modèle:Harvsp |
Œuvres
Essais, critiques, articles
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Poèmes
Textes narratifs, romans, nouvelles
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Textes divers
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Théâtre, pièces radiophoniques ou télévisuelles
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- Modèle:Ouvrage Le festival de littérature de Marseille Oh les beaux jours ! a ce nom en hommage à l’œuvre de Samuel Neckett
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Correspondance
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- Lettres IV : 1966-1989 (trad. de l'anglais (Irlande) par Gérard Kahn. Édition de George Craig, Martha Dow Fehsenfeld, Dan Gunn et Lois More Overbeck), Gallimard, coll. «Blanche», 2018 Modèle:ISBN
Notes et références
Citations de Beckett
Études et commentaires
Notes
Annexes
Articles connexes
- Littérature postmoderne
- Postmodernité
- James Joyce
- Roger Blin
- Madeleine Renaud
- Square Samuel-Beckett (Paris)
- Sylvain Zegel
Bibliographie
Témoignages et biographie
- Modèle:Ouvrage
- André Bernold, L'Amitié de Beckett, 1979-1989, Hermann éditeurs, 1992 Modèle:ISBN
- André Bernold, J'écris à quelqu'un, Fage éditions, 2017 Modèle:ISBN
- Modèle:Ouvrage.
- Modèle:Ouvrage.
- Modèle:Ouvrage
- Modèle:Ouvrage
- Michel Crépu, Beckett Modèle:Date- 11h30, coll. « La Rencontre », éditions Arléa, 2019
- Maylis Besserie, Le Tiers Temps, éditions Gallimard, 2019 Modèle:ISBN
Études littéraires
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- Modèle:Ouvrage
- Lydie Parisse, La parole trouée. Beckett, Tardieu, Novarina, Paris, Classiques Garnier, "Archives des Lettres modernes", 2019, p.9-62.
- Modèle:Ouvrage
- Yann Mével, Sous le signe de Cronos : cannibalisme et mélancolie dans les romans de Beckett, L'affect dans l'œuvre beckettienne, Rodopi, 2000 Modèle:ISBN
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Ouvrages collectifs
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Liens externes
- Samuel Beckett, sur Encyclopédie nouveaux médias
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Samuel Beckett Endpage de l'université d'Anvers
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