Éternel retour (concept nietzschéen)

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Représentation d'un ouroboros, c'est-à-dire un dragon ou un serpent mordant sa propre queue. L'ouroboros symbolise l'éternel retour.

L’Éternel Retour (all. die Ewige Wiederkunft), aussi appelé Éternel Retour du même, est un concept philosophique originellement héraclitéen et stoïcien, ensuite repris par la pensée nietzschéenne.

Dans l'Antiquité

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Chez Nietzsche

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Explication

D'après l'interprétation exclusivement éthique qu'en donne Patrick Wotling, on pourrait grossièrement résumer l'idée de l'Éternel Retour en un simple précepte tel que celui-ci : mène ta vie en sorte que tu puisses souhaiter qu’elle se répète éternellement.

Ce concept est alors très éloigné de l’idée de résurrection ou de réincarnation présente dans certaines religions : Nietzsche ne semble pas tenir pour véritable la possibilité de revivre à l’infini sa propre vie, mais il fait de cette perspective une pierre de touche pour la valeur de sa propre existence. Ainsi, pour de nombreux penseurs de la fin du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle en Allemagne, époque phare du pessimisme, le bilan que la plupart des hommes feraient au soir de leur vie suffit à prouver l’absurdité de l’existence (sur ce point, voir l'aphorisme Modèle:N°, Dernières paroles). Si en effet la mort venait nous voir ce jour même en nous annonçant que notre heure est venue mais que nous pouvons décider, au lieu de sombrer dans le néant, de revivre à l’infini et dans ses moindres détails toute la vie que nous avons menée jusqu’ici, il y a fort à parier que nous préfèrerions retourner au néant<ref group=note>C'est ainsi que Nietzsche interprète la mort de Socrate dans le Phédon : lorsque, sur le point de boire la ciguë, il demande à ses amis de sacrifier un coq à Esculape, il renonce à la vie et il devient nihiliste.</ref> – c'est ce que Nietzsche appelle le nihilisme incomplet, par opposition au nihilisme complet qu'il propose, celui qui caractérise le surhumain. Aussi faut-il tâcher de vivre de telle sorte que l’on puisse souhaiter que chaque instant se reproduise éternellement.

Sur le plan éthique, ce point de vue est contraire à celui adopté par le bouddhisme ou le jaïnisme avec notamment la notion de saṃsāra : dans ces spiritualités, le sage cherche à se libérer du cycle des renaissances successives ; il cherche la paix, le repos, et la disparition des désirs (nirvāṇa), sauf en ce qui concerne la philosophie brahmanique Mimamsa et des courants religieux de l'hindouisme liés à la bhakti yoga (« union par dévotion ») où adorer le Brahman choisi prime, le dévot préférant se réincarner à l'infini dans ce rôle, comme l'exprime ce poème vishnouite : « Il divague, certes, le vishnouïte qui croit mourir, / Quand dans le Son se perpétue l'existence du maître ! / Le dévot de Vishnou meurt pour vivre et vivant, tâche / A raviver partout la Conscience divine. »<ref> Hindouisme, anthropologie d'une civilisation, Madeleine Biardeau, éditions Flammarion</ref>. Nietzsche, pour sa part, exalte la lutte, tout comme Héraclite, d'après qui « la guerre est le père de toute chose, et de toute chose il est le roi »<ref>Modèle:Grec ancien, fragment 53, Hippolyte de Rome, Réfutation de toutes les hérésies, IX, 9, 4</ref> ; être en bonne santé, être plein de vigueur, c'est être prêt à se battre et à affronter la souffrance, de sorte que ceux qui cherchent le repos sont malades – ils ne veulent plus vivre. Le temps qui importe n'est pas à venir, c'est le temps présent, la vie telle que nous la connaissons. C'est un temps que nous mettons à profit si nous le consacrons à ce qu'Aristote aurait nommé notre entéléchie.

La comparaison entre Éternel Retour et saṃsāra demande d'examiner ces deux concepts en matière métaphysique. Le rapport entre Nietzsche et les spiritualités extrême-orientales n'est pas anodin : Schopenhauer est l'un de ses plus grands inspirateurs, tout en étant l'un de ses rivaux en popularité. En comprenant l'éternel retour à la façon d'Héraclite et des stoïciens, une consistance métaphysique en découle : même si l'individu sombre dans le néant et n'a qu'une seule vie, le monde, lui, ne cesse jamais de répéter les mêmes schémas, éternellement. Couplée à la critique que Nietzsche fait de la notion d'individualité, le surhumain est alors celui qui embrasse pleinement cette lutte éternelle, celle de la volonté de puissance, qui constitue le monde.

Ces considérations trouveront échos dans le texte Notre destin et les lettres<ref>Regards sur le monde actuel, 1931</ref>, de Paul Valéry, dans des passages de Vol de nuit de Saint-Exupéry (« Il s'agit de les rendre éternels ») et chez André Malraux, grand admirateur aussi de l'Inde. On peut aussi retrouver une trace de ces considérations dans toute œuvre accomplie en commun pour établir quelque chose qui survit à l'individu, et sera ensuite repris par d'autres ; de la construction des Pyramides à celle des cathédrales, ou même de l'Open Source et de la Wikipédia, cela peut être vu comme relevant de cet état d'esprit, qui consiste à apporter sa modeste part à une œuvre elle-même surhumaine et transcendant ainsi le vécu de l'homme.

Historique

Nietzsche était philologue de formation et connaissait donc déjà très bien la philosophie antique lorsqu'il a écrit son premier ouvrage en 1872, La Naissance de la tragédie ; néanmoins, il redécouvre l’Éternel Retour en Modèle:Date-, à Sils-Maria, dans la Haute-Engadine, en Suisse :

Modèle:Citation (Modèle:Lang).

On la trouve présente dès Le Gai Savoir, § 341. C'est à cette période (1881-1882) que Nietzsche élabore cette idée, comme le montrent les Fragments posthumes du Gai Savoir (été 1881-été 1882).

Comme relevé par Heidegger (Essais et conférences, Modèle:P.), on trouve dans Ainsi parlait Zarathoustra, Modèle:III (écrit en Modèle:Date-), « De la vision et de l’énigme », le premier exposé de l’Éternel Retour fait par Zarathoustra :

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L’idée de l’éternel retour cependant était présente dès le début d'Ainsi parlait Zarathoustra, tout à fait explicite dans « Le convalescent » (Zarathoustra, Modèle:3e) :

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Toutefois il a été suggéré, notamment par Alfred Fouillée<ref> Alfred Fouillée. Note sur Nietzsche et Lange. Le retour éternel. Revue philosophique de la France et de l'étranger. An. 34. Paris 1909. T. 67, S. 519-525. </ref>, que Nietzsche aurait pris connaissance des théories de Louis-Auguste Blanqui sur l’éternel retour. En effet, il a été retrouvé dans la bibliothèque de Nietzsche le livre écrit par Friedrich-Albert Lange, l’Histoire du matérialisme. Celui-ci y fait mention des thèses de Blanqui sur l'éternel retour, présentées dans L'Éternité par les astres, paru en 1872. La coïncidence entre certains passages de Blanqui et celui de Nietzsche sur l’éternel retour dans Le Gai Savoir est troublante. Ainsi, Blanqui écrit : Modèle:Cita

Justifications ontologiques

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Nietzsche n’a pas seulement affirmé l’Éternel Retour comme volonté de puissance la plus haute, il a tenté d’en donner une justification ontologique.

L’Éternel Retour peut être déduit du concept de volonté de puissance, en admettant certains axiomes :

  • l’être n’existe pas, ie. l’Univers n’atteint jamais un état final, il n’a pas de but (ce qui implique aussi le rejet de tout modèle mécanique) ;
  • en conséquence, l’Univers n’est ni devenu ni à devenir – il n’a jamais commencé à devenir (c’est entre autres le rejet du créationnisme) ;
  • l’Univers est fini (reconnaissance que l’idée d’une force infinie est absurde et reconduirait à la religion) ;
  • la volonté de puissance est une quantité de force ; or, selon les points précédents, l’Univers est composé d’un nombre fini de forces et le temps est un infini ;
  • … toutes les combinaisons possibles doivent donc pouvoir revenir un nombre infini de fois.

L’Éternel retour nietzschéen se distingue de toutes les anciennes conceptions cycliques (par exemple la perspective du cycle des réincarnations tel qu’il est exposé dans les textes hindous) : si la loi du karma lie l’existence future d’un être à son existence passée, et proclame une relation de débiteur à créancier de l’homme à lui-même (l’existence sert à payer les erreurs d’une existence passée), Nietzsche, pour sa part, nie toute dette et toute faute, et conçoit le devenir cyclique par delà bien et mal. Le devenir est ainsi justifié, ou, ce qui revient au même, on ne peut l’évaluer d’un point de vue moral. Cependant, il est à noter que lorsque Nietzsche attaque la morale, il attaque la morale chrétienne, et même uniquement la morale du christianisme (Nietzsche conçoit la noblesse de l'éthique juive sachant défier Dieu). Nietzsche fait ainsi l'éloge des Lois de Manu, où les forts sont bons, et les faibles doivent devenir forts pour être intègres et non complices de leurs propres défauts, et dont ils ont pitié pour rester dans leurs tares, comme le demande Paul de Tarse qui souhaite des fidèles seulement aptes à accepter le Christ et son sacrifice niant toute autre œuvre rédemptrice : pour Nietzsche, Paul de Tarse et les prêtres chrétiens sont des Chandalas, des « mangeurs de chien », ceux que l'hindouisme considère comme les ennemis de la vertu, du dharma ; ainsi, dans L'Antéchrist de Friedrich Nietzsche (fin de l'aphorisme 45), le philosophe fait référence au terme de chândâla pour parler du christianisme ou du socialisme comme étant des « religions » de chândâla :

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Le nihilisme (ie l’absence d’être) constitue, dans cette pensée un état normal, et non pas uniquement un symptôme de faiblesse face à l’absurdité de l’existence. Le but de ce concept est ainsi de proposer une pensée sélectrice par ce nihilisme extrême, idée qui rendrait nécessaire la transformation des évaluations traditionnelles de la morale et de la religion. Penser l’éternel retour serait alors l’état maximal de la puissance humaine ; c’est par cette pensée assumée jusqu’en ses ultimes conséquences qu’advient le surhomme. En ce sens, la volonté de puissance découle de la pensée de l’Éternel Retour.

Il a pu être considéré que Nietzsche avait comme bridé sa pensée en ne considérant, à travers l’éternel retour du même, que l’éternel retour de sa destinée telle qu’elle fut accomplie<ref> Multivers et réalité humaine. Louis Loujoz. Ed. du Moinde. Paris 2017. </ref>. En effet, dans cette éternelle succession d’embrasement (ekpurosis) puis de renaissance de l’univers, ce n’est pas seulement notre univers qui est amené à réapparaître éternellement, mais tous les autres univers possibles et donc divergents<ref> Karl Löwith. Nietzsche : philosophie de l'éternel retour du même. Traduction Anne-Sophie Astrup. Calman Levy. 1991 </ref>. Entre les retours du même, c’est tout ce qui est possible comme diverses sortes d’univers qui est irrésistiblement appelé à apparaître. En conséquence, concernant nos existences personnelles, il nous faut aussi considérer la multiplication de nos destinées, et de leur retour éternel à elles aussi<ref> Différence et répétition. Gilles Deleuze. Presses ude France. Paris. 1972 </ref>.

Bibliographie

Sur Nietzsche lui-même

Éternel Retour, bibliographie des archives Goethe-Schiller

  • Paolo D'Iorio, Cosmologie de l’éternel retour, Nietzsche-Studien, 24 (1995), Modèle:P..
  • Paolo D’Iorio, Nietzsche et l’éternel retour. Genèse et interprétation, Nietzsche, Paris, L'Herne, 2000, coll. « Cahiers de l’Herne », Modèle:P.. Tr. angl. « Modèle:Lang », in The Agonist, vol. III, issue I, spring 2011.
  • Crépon, Marc, « L’Éternel retour et la pensée de la mort », Les Études philosophiques.
  • Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, PUF, 1970, Modèle:P..
  • Karl Löwith, Nietzsche : philosophie de l’éternel retour du même, Paris, Calmann-Lévy, 1991.
  • Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir § 341 et les « Fragments posthumes » du Gai savoir (été 1881-été 1882), Œuvres complètes, tome V, Paris, Gallimard/Colli-Montinari, trad. Pierre Klossowski.
  • Modèle:Ouvrage

Autour du concept d'éternel retour

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

Notes

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Références

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