Apostrophe (rhétorique)

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Fichier:Démosthène s'exerçant à la parole (1870) by Jean-Jules-Antoine Lecomte du Nouÿ.jpg
Démosthène s'exerçant à la parole, toile de Jean-Jules-Antoine Lecomte du Nouy (1842-1923).

L’apostrophe (substantif féminin, se prononce Modèle:MSAPI <templatestyles src="Prononciation/styles.css" />{{#invoke:Prononciation|prononciation}}), du grec Modèle:Grec ancien (apostrophê, « action de se détourner » ayant donné le mot apostropha en latin<ref>La première référence du terme est attestée chez Hermogène, au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, selon le Trésor de la Langue Française Informatisé en ligne, entrée « Apostrophe ». Consulté le 3 février 2010.</ref>), est un procédé linguistique et stylistique permettant d'interpeller un destinataire dans le cours d'une phrase ou d'un texte<ref>Entrée Apostrophe dans le dictionnaire Littré en ligne. Consulté le 5 février 2010.</ref>.

On peut considérer l'apostrophe sous deux aspects, rhétorique et grammatical. En tant que fonction grammaticale, elle s'applique au terme qui désigne la personne ou la chose personnifiée que l'on interpelle. Par exemple, dans le vers « Ô malheureux mortels ! Ô terre déplorable ! » (Voltaire, Poème sur le désastre de Lisbonne), l’apostrophe, renforcée par le double emploi de l'interjection « ô », constitue la fonction des termes « malheureux mortels » et « terre déplorable ». Cette fonction est généralement représentée dans les langues flexionnelles, comme le latin, par un vocatif ancien<ref name="Pougeoise, p. 50-51"/>. D'un point de vue rhétorique, l'apostrophe désigne plus précisément une figure de style, proche de l’allocution, et qui consiste à interrompre un discours ou un récit pour s’adresser subitement à un destinataire, qui peut être absent ou fictif. Proche de la digression ou de l’épiphrase, l’apostrophe est un procédé stylistique important qui engage le narrateur dans son discours<ref name="DTL">Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, et alii, Dictionnaire des termes littéraires, Honoré Champion, Hendrik, 2005, Modèle:P..</ref>.

Définition linguistique

L’apostrophe peut se définir comme un mode d’énonciation<ref name="Pougeoise, p. 50-51"/> qui permet, au sein d'un discours, de désigner un destinataire animé ou personnifié auquel on adresse la parole pour attirer son attention. Elle se caractérise par l'absence de déterminant précédant le nom commun<ref name="GMF">Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat et René Rioul, Grammaire méthodique du français, Presses Universitaires de France, Coll. Quadrige, 2004, Modèle:P..</ref>. D'après le linguiste Roman Jakobson, l’apostrophe relève de la fonction phatique du langage<ref name="Gradus"/>, également appelée fonction de contact. Elle permet en effet de contrôler si, entre le destinateur et le destinataire, au sein de la situation de communication, la relation est toujours active. Reposant le plus souvent sur un nom ou sur un syntagme nominal (Modèle:Citation, Victor Hugo), ou sur un pronom et un syntagme pronominal (Modèle:Citation, Charles Baudelaire), l'apostrophe est une dislocation grammaticale marquée à l'oral par une intonation spécifique<ref name="Pougeoise, p. 50-51"/> et intégrée à un système énonciatif :

  • ex : Luc, viens ici tout de suite !
  • ex : Veuillez recevoir, Monsieur, mes plus cordiales salutations.

À l'écrit, cet emploi est marqué spécifiquement par le recours à la virgule. Les mots mis en apostrophe sont suivis d’une virgule lorsqu’ils débutent un énoncé, sont isolés entre deux virgules quand ils sont au centre de la phrase, ou enfin précédés d’une virgule lorsqu’ils la terminent<ref>Entrée « Virgule et apostrophe » sur le site de l'Office québécois de la langue française. Consulté le 3 février 2010.</ref>. La virgule signale également le changement de tonalité et d’intonation qui marque l’apostrophe à l'oral.

D'un point de vue grammatical, l’apostrophe n’est pas véritablement considérée comme porteuse d'une fonction syntaxique<ref name="Pougeoise, p. 50-51"/> ; c'est pourquoi la notion d’exclamation lui est préférée le plus souvent. L'apostrophe ressemble souvent à d'autres procédés d'interpellation, comme l'incantation, la prière ou l'imprécation ; elle n'en diffère que par la longueur. Ainsi, la répétition du syntagme Modèle:Citation dans le livre IV de Émile ou de l'éducation de Jean-Jacques Rousseau tient plus de l'incantation que de l'apostrophe simple<ref name="Pougeoise, p. 50-51">Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Armand Colin, 2001, Modèle:P..</ref>,<ref>Extrait concerné de Émile ou de l'éducation de Jean-Jacques Rousseau sur le site books.google. Consulté le 5 février 2010.</ref>. Par conséquent, grammaticalement, George Molinié et Michèle Aquien en font Modèle:Citation<ref>George Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, Le livre de poche, la pochothèque, 1999, Modèle:P..</ref>.

Alors que l'apostrophe, indépendante, s'applique à l'interlocuteur, l'apposition caractérise ou identifie simplement le terme qui la précède, quel que soit son rôle.

  • ex : Le kangourou, mammifère australien, appartient à l'ordre des marsupiaux<ref>Exemple emprunté à Jean Dubois et René Lagane, La grammaire nouvelle du français, Larousse, 1973.</ref>.
  • ex : Le kangourou, cher contradicteur, appartient à l'ordre des marsupiaux.
  • ex : Poisson, mon bel ami, qui faites le Prêcheur, / Vous irez dans la Poêle<ref>Jean de la Fontaine, Le petit Poisson et le Pêcheur</ref>.

Dans la première phrase, on ne s'adresse pas au « mammifère australien » (cette apposition précisant le substantif sujet « kangourou »), alors que dans la deuxième, on s'adresse bien au « cher contradicteur », qui constitue une apostrophe. Dans la troisième, le pêcheur apostrophe le poisson, terme auquel il adjoint l'apposition « mon bel ami ».

Définition rhétorique

La figure oratoire

L’apostrophe, appelée également interpellation dans le domaine rhétorique, est une figure de style qui permet à l’orateur, en s’interrompant tout à coup, de s’adresser à quelqu’un ou à quelque chose, de réel ou d’imaginaire. Bernard Dupriez en fait un synonyme d'« appellation »<ref name="Gradus"/>. Son identification à une classe générale de figures stylistiques a néanmoins toujours posé problème. Ainsi, le rhétoricien Antoine Fouquelin y voit Modèle:Citation<ref>Antoine Fouquelin, cité par Y. Le Hir, Rhétorique et stylistique.</ref> alors que le grammairien César Chesneau Dumarsais en fait une Modèle:Citation<ref>Du Marsais, Traité des tropes, Modèle:P..</ref>. François De Caussade, lui, y voit une Modèle:Citation<ref>De Caussade, Rhétorique et genres littéraires, Masson, 1888, Modèle:P..</ref>, alors que Paul-Louis Courier la sacre Modèle:Citation<ref name="Pougeoise, p. 50-51"/>. Elle permet au locuteur d’impliquer fortement l’allocutaire à des moments clés de son discours, tout en affirmant son propre positionnement. La figure repose principalement, en français, sur un vocatif ancien hérité du latin et précédé d’une interjection telle que « ô »<ref name="Gradus"/> (distinct du « ho ! » d’appel), ou encore « eh quoi », « ah ! »... L'apostrophe peut aussi s'appuyer sur un nom propre (« entre ici, Jean Moulin »)<ref>Discours d'André Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, le 19 décembre 1964.</ref>, un titre (« Monseigneur », « Mon roi »...), ou encore s'adresser à Dieu (« Mon Dieu », « Seigneur »...) La proposition est normalement fermée par un point exclamatif ou interrogatif, dont l’usage généreux conduit à une autre figure de style : l'hyperbole, comme dans ces vers : Modèle:Vers

Elle peut également reposer sur une dislocation du syntagme, marquée par la virgule, comme dans ces vers : Modèle:Vers

L’apostrophe s'inscrit dans une situation de communication, c'est pourquoi on y retrouve des marques de la présence du locuteur et de son interlocuteur. Cette définition provient de la rhétorique classique. Le grammairien Bernard Lamy, dès 1699, note déjà : Modèle:Citation<ref>Bernard Lamy, La Rhétorique ou l'art de parler, livre II, chapitre 9, éd. 1699, Modèle:P..</ref>. Le terme en apostrophe peut d'ailleurs constituer une allégorie, comme dans ces vers où la France est personnifiée sous les traits d'un être cher :

Fichier:Guillaume Apollinaire Calligramme.JPG
Calligramme de Guillaume Apollinaire dont la forme évoque la tour Eiffel et contenant une apostrophe centrale (Modèle:Citation).

Modèle:Vers

Cependant l’apostrophe peut aussi être destinée à un être réel ; c’est le cas lorsque la figure est employée dans des dialogues ou dans des sermons, comme dans la poésie oratoire où l'apostrophe permet de souligner l'ethos ou le pathos de l'énonciateur<ref name="DTL"/>, comme dans ce vers : Modèle:Vers

Dans les dialogues, elle est alors si simple, selon Pierre Larthomas, qu'elle ne passe pas pour être une figure de style<ref>Pierre Larthomas, Le Langage dramatique, Presses Universitaires de France, 1980, Modèle:P..</ref>, en raison même du fait, souligne-t-il, qu'elle est la condition de tout échange verbal. En poésie lyrique par contre, l'apostrophe se situe souvent « à l'attaque du poème » (dès le début) comme dans ce vers initial de L'Homme et la mer, construit tout entier sur trois apostrophes (à l'homme, à la mer et aux deux à la fois<ref>Pierre Larthomas, Le Langage dramatique, Presses Universitaires de France, 1980, Modèle:P..</ref>), parfois jusqu'à l'abus<ref name="Pougeoise, p. 50-51"/> : Modèle:Vers

Par ailleurs, l’apostrophe peut prendre la forme d’une adresse directe et vive faite au lecteur ou à l’auditeur, qu'il soit absent ou fictif<ref name="Pougeoise, p. 50-51"/> : Modèle:Vers

On appelle en effet « adresse » le passage d'une œuvre littéraire où l’auteur interpelle son lecteur<ref name="Gradus"/> ; dès lors l’apostrophe sous-entend une autre figure : l’épiphrase, par exemple dans le poème liminaire des Fleurs du mal de Charles Baudelaire : Modèle:Vers

L'apostrophe permet par conséquent de rompre la continuité diégétique du texte, en marquant une pause sous la forme d'une adresse de l'auteur à son lecteur. Les textes narratifs, comme l'épopée, y ont particulièrement recours<ref>Sylvie Franchet d'Espèrey, « Rhétorique et poétique chez Quintilien: à propos de l'apostrophe », in Rhetorica, 2006, Modèle:Vol.24, no 2, Modèle:P..</ref>. L'usage répété de l'apostrophe permet à Baudelaire de créer, tout au long du recueil, un dialogue entre le poète et son lecteur, autorisant une intimité<ref>Véronique Bartoli-Anglard, Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Connaissance d'une œuvre, Bréal, Modèle:Vol.10, 1998, 127 p., Modèle:ISBN, Modèle:P..</ref>. Le destinataire peut être imaginaire, comme Dieu ou une entité abstraite : Modèle:Citation (Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau), ou présent dans le cotexte et renvoyant au lecteur comme dans cet extrait de Jacques le fataliste de Diderot : Modèle:Citation L'apostrophe participe ainsi à la constitution d'une polyphonie des voix dans le discours.

Il est parfois impossible de distinguer entre une apposition et une apostrophe lorsque celle-ci n'est pas introduite par un exclamatif, comme dans ce vers de la pièce Le Cid : Modèle:Vers

Dans d'autres langues que le français, l'apostrophe est utilisée dans les mêmes conditions et sensiblement pour les mêmes usages. Ainsi, en anglais, les interjections servent à la signaler : Modèle:Citation étrangère Shakespeare, Roméo et Juliette, Acte II, Scène 2). La mise en dislocation du syntagme formant l'apostrophe est également très employée dans la poésie lyrique (lyric poetry) anglaise : Modèle:Citation étrangère (John Donne, The Sun rising). De même en allemand (Modèle:Citation étrangère, Bertolt Brecht) et en espagnol : Modèle:Vers

Effets stylistiques

Fichier:Capitole Toulouse - Salle des Illustres - La Poésie Héroïque - Alexandre Falguière 1893 Marbre.jpg
La poésie héroïque, 1893, par Alexandre Falguière.

Les effets visés par l’apostrophe sont multiples et dépendent de l'intention du locuteur. Selon Pierre Fontanier, auteur des Figures du discours (1821-1830) : Modèle:Citation<ref>Pierre Fontanier, Les Figures du discours, Champs Classique, 1977, Modèle:P..</ref>. Fontanier cite ensuite plusieurs passages, Antoine faisant l'éloge de César aux Romains dans La Mort de César de Voltaire, acte III, ou Roxane se faisant des reproches dans Bajazet, acte IV. L'apostrophe est pour ce dernier Modèle:Citation<ref>Pierre Fontanier, Les Figures du discours, Champs Classique, 1977, Modèle:P..</ref>.

Souvent lyrique en effet et destinée à épancher les sentiments contenus, la figure vise également l’incantation, en respect avec son utilisation première, dans l’Antiquité, où elle permettait de formuler des expressions religieuses à destination des dieux : Modèle:Vers

Elle peut être également un support rhétorique de la prière et de l’imprécation, souvent soutenue par une anaphore qui permet de suggérer l’invocation par la répétition des interjections. Lautréamont répète ainsi plusieurs fois « Vieil océan... » dans son ouvrage Les Chants de Maldoror, comme pour s’adresser ainsi au dieu maritime : Modèle:Citation

L’apostrophe permet une intimité avec la personne qui est dite « apostrophée ». Alphonse de Lamartine use de cet effet dans ses Méditations poétiques : Modèle:Vers

À ce titre, elle fut très employée par les romantiques pour matérialiser leur sentiment de communion avec la Nature. L'apostrophe sert alors de support préférentiel pour véhiculer, en peu de mots, une image ou une métaphore explicite comme dans ce vers où la tour Eiffel est représentée sous les traits d'une bergère : Modèle:Vers

Dans le récit on utilise l’apostrophe pour étoffer le discours, de manière assez semblable à la figure de l’amplification<ref name="Gradus"/>, alors qu'au théâtre son usage est très fréquent, principalement dans les monologues, et assez souvent dans les dialogues. Pierre Larthomas, prenant la pièce de Polyeucte comme exemple, explique que dans le genre dramatique, l'apostrophe est tantôt une figure, un procédé vraiment littéraire, commode pour évoquer de façon passionnée bien qu'un peu artificielle une notion ou une personne, ou un ressort essentiel à l'action dialogique<ref>Pierre Larthomas, Le Langage dramatique, Presses Universitaires de France, 1980, Modèle:P..</ref>.

Autres usages

Dans la publicité, l’apostrophe est très employée, à travers la notion de « personnalisation »<ref name="Gradus"/>. Il s’agit en effet d’inclure dans le message le nom du destinataire (le client ou le prospect), dans le cadre d'un publipostage par exemple :

  • ex : Félicitations, Monsieur Jules Martin ! Vous avez (peut-être) gagné un superbe séjour aux Antilles !

À l’oral, on emploie l’expression « apostropher quelqu’un » pour dire qu’on entre en contact avec lui de façon inattendue et souvent désobligeante :

L'expression Modèle:Citation désigne une apostrophe prenant tout un monde imaginaire à témoin de la vérité proférée par l'interlocuteur<ref name="Gradus"/>. Enfin, suivant le contexte, et surtout le code social, l'apostrophe peut prendre des significations différentes. Ainsi, les militaires opposent l'apostrophe « Colonel ! », qui est une appellation proférée par un supérieur, à celle de « Mon colonel ! », proférée par un subalterne<ref name="GMF"/>.

Sur un salon de discussion, l'apostrophe permet de s'adresser spécifiquement à un membre en restant dans le cadre d'une discussion publique. L'apostrophe prend la forme du pseudonyme de l'utilisateur auquel on s'adresse, suivi selon les usages d'une virgule ou d'un deux-points. Il s'agit d'une simple convention d'écriture, qui fait généralement l'objet d'une prise en charge spécifique du logiciel de discussion, qui reconnaît ces constructions et les met en valeur, en notifiant au besoin l'utilisateur qu'il vient d'être interpellé :

-!- Toto a rejoint #salon
<Toto> salut
<Titi> Toto: salut
<Tata> Toto: bienvenue

Figures proches

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Références

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Annexes

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Articles connexes

Bibliographie

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Liens externes

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