Métaphore
La métaphore, du latin Modèle:Latin, lui-même issu du grec ancien Modèle:Grec ancien, « transport du sens propre au sens figuré, métaphore », est une figure de style fondée sur l'analogie. Elle désigne une chose par une autre qui lui ressemble ou partage avec elle une qualité essentielle<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. La métaphore est différente d'une comparaisonModèle:Note ; la comparaison affirme une similitude : « La lune ressemble à une faucille » ; tandis que la métaphore la laisse deviner, comme quand Victor Hugo écrit Modèle:Citation Le contexte est nécessaire à la compréhension de la métaphore.
La métaphore s'emploie dans le langage quotidien avec l'emploi d'épithètes (« un cadeau royal »), aussi bien que dans le langage soutenu de la littérature et particulièrement dans l'expression poétique. L'invention de métaphores est une des attractions majeures de la création littéraire. Une métaphore courante est un cliché ; si elle est entièrement passée dans le langage (comme « à la tête » signifie « au poste d'autorité »), on peut la considérer comme une catachrèse.
Le concept de métaphore est issu de la rhétorique, qui en étudie la constitution, les types, l'usage. La linguistique découvre dans la métaphore un aspect fondamental du langage. Les sciences humaines la situent dans le contexte de la formation des symboles. La psychologie s'intéresse à travers la métaphore aux relations entre le langage, le psychisme, les connaissances et les sentiments, la sociologie à son importance dans la communication et aux conditions dans laquelle elle peut être comprise dans un groupe humain.
Principes
Définitions
Les divergences de définition de la métaphore concernent l'extension du concept.
Le philosophe grec Aristote est le premier, dans sa Poétique (certainement vers -347), à évoquer la métaphore comme procédé majeur de la langue. Il explique ainsi l'origine de l'étymologie de la figure, qui renvoie à la notion de transport : Modèle:Citation<ref>Aristote, Poétique (trad. et notes Jules Barthélemy-Saint-Hilaire), A. Durand, Paris, 1858, Modèle:P.112.</ref>.
Pour le Romain, maître d'Herennius, la métaphore " transfère un mot d'une chose à une autre parce que la similitude semble autoriser ce transfert. Elle sert à mettre une chose sous les yeux.., à abréger.., à éviter une expression vulgaire.., à amplifier.., à minimiser.., à embellir... Elle doit être employée avec retenue de sorte qu'elle passe logiquement à une chose analogue sans paraître se jeter sans raison, au hasard et précipitamment sur une chose différente." <ref> La rhétorique à Herennius, texte établi et traduit par Guy Achard, Les Belles Lettres, Paris, 1997 , IV, 45 </ref>
Pour Cicéron, quand la langue ne fournit pas de terme propre à exprimer la chose, les métaphores sont " comme des espèces d'emprunts par lesquels nous allons trouver ailleurs ce qui nous manque. D'autres, plus hardies, ne sont pas des signes d'indigence, mais répandent de l'éclat sur le style."<ref> De l'orateur, texte établi par Henri Bornecque et traduit par Edmond Courbaud, Les Belles Lettres, Paris, 1956, III, 155-168. </ref> L'usage et l'effet de ces ornements persuasifs sont l'objet principal de son étude. Il note qu'Aristote range sous le nom de métaphore les catachrèses ou abus de mots, les hypallages, qui sont des substitutions croisées, et les métonymies, dans lesquelles le terme qu'on remplace est dans une relation de dépendance à son remplaçant.
César Chesneau Dumarsais définit la métaphore comme Modèle:Citation. Le rhétoricien français Pierre Fontanier, qui a entrepris de dénombrer et classer les figures de style, la définit au début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle comme l'emploi d'Modèle:Citation. Modèle:Exemple Les auteurs qui suivent Aristote considèrent que métaphore est synonyme de trope et désigne toute figure de Modèle:Citation du sens d'un mot. Les auteurs qui suivent Dumarsais n'appliquent le terme métaphore qu'aux tropes qui ne sont pas définis par ailleurs (synecdoques, métonymies, métalepses). Les auteurs du Groupe µ analysent la métaphore comme le produit de deux synecdoquesModèle:Note. La question de savoir ce qu'est ce Modèle:Citation, et par rapport à quoi, est bien plus épineuse.
La question de la métaphore a aussi préoccupé les grammairiens et rhétoriciens arabes. Leur définition se base, comme celle des rhétoriciens grecs, sur l'écart entre le sens métaphorique et le sens ordinaire, et l'effort que doit consentir le récepteur pour comprendre<ref>Modèle:Article.</ref>.
Classification
Modèle:Article détaillé Cicéron compte la métaphore parmi les figures de mots, comme le calembourModèle:Sfn. Pour les rhétoriciens modernes, la métaphore est une « figure de sens ».
Un « trope » est une figure qui consiste à détourner un mot de son sens habituel (ou propre)Modèle:Note. César Chesneau Dumarsais décrit la métaphore, avec les métonymie et les synecdoques, comme une figure de la classe des tropes. Pour Pierre Fontanier, elle est un Modèle:CitationModèle:Note
L'utilité de classer les figures, et surtout, la pertinence de la notion de déplacement ou de détournement d'un mot sont objets de controverses. Il est en effet difficile de déterminer rigoureusement ce qu'est une d'étude scientifique interdisciplinaire, auquel collaborent psychologues expérimentaux « sens propre » ou un usage où il n'y ait pas la moindre trace de figure de styleModèle:Sfn.
En rhétorique, la métaphore est considérée comme une figure « microstructurale » : son existence est manifeste et isolable au sein d'un énoncé et n'en dépasse pas souvent les limites formelles (la phrase).
La métaphore est un procédé rhétorique doté d'une portée argumentative, c'est-à-dire qu'elle vise à rapprocher l'opinion de l'auditeur de celle de l'orateur. Elle suppose la coopération des auditeurs, et des enjeux de persuasion et conviction<ref>Modèle:Article.</ref>.
Plusieurs types de métaphores
Les linguistes et les rhétoriciens ne sont pas unanimes sur la nécessité de classer rigoureusement les tropes, ni autour d'une typologie des différentes métaphores. Cependant, on peut distinguer deux formes principales :
- la métaphore dite « annoncée » ;
- la métaphore dite « directe ».
Au-delà de ces types simples, la métaphore « filée » se base sur des rapprochements successifs.
Modèle:Exemple La métaphore annoncée signale un rapport entre deux choses en rapprochant les expressions qui les signifient. Elle se nomme également la « métaphore explicite » ou « métaphore par combinaison » ou in præsentia (« présente dans l'énoncé » en latin). Elle ressemble beaucoup à une comparaison. Modèle:Exemple La métaphore directeModèle:Note lie deux réalités au moyen d'un mot précisé, mais où un des termes est sous-entendu. Elle se dit également « métaphore contextuelle » ou métaphore in absentia ou encore « métaphore indirecte ».
On la retrouve principalement dans le langage populaire ; mais aussi quand on exige délibérément un effort de compréhension, comme dans l'argot, et dans la poésie de style symboliste ou hermétique, qui la cultivent. Modèle:Exemple La « métaphore pure » — ou par remplacement — est un type de métaphore directe extrême. Seul le mot métaphorique y est présent ; le contexte permet de l'interpréter. Modèle:Citation bloc Ici, le contexte culturel (poème chinois du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle) et le thème (poème d'amour) permettent l'interprétation des métaphores : les « nuages et les brumes » désigne la coiffure des femmes nubilesModèle:Incise, « lotus d'or », les « petits pieds » bandés des femmes, critère de beauté et symbole de statut, « fleur » est un cliché pour une belle jeune femme et « hors de l'enclos » rappelle que la femme aristocratique vit dans l'enclos du parc de la résidence<ref>Poème traduit par Li Tche-houa, édité et commenté dans Anthologie de la poésie chinoise classique, Paul Demiéville (dir.), Gallimard, Paris, 1988, Modèle:P.467.</ref>.
Modèle:Exemple La métaphore filée est constitué par un enchaînement de comparaisons implicites. En anglais, on parle d'extended metaphor, ou de conceit. Selon Michael Riffaterre, il s'agit d'Modèle:Citation<ref>Michael Riffaterre, La Production du texte, Seuil, 1979, Modèle:P.218.</ref>. Lorsqu'elle se fonde sur la narration, on parle de « métaphore diégétique ». Il s'agit, selon Gérard Genette<ref>Gérard Genette, in Figures III, chapitre « Métonymie chez Proust ».</ref>, d'une métaphore liée à la structure narrative du texte. Les comparants sont alors empruntés au contexte diégétique. Par exemple, Genette cite un passage où Proust dit à propos du clocher de Combray : Modèle:Citation et ce après l'épisode de la messe, à l'heure des pâtisseries<ref>Cité par Anne Herschberg Pierrot, Stylistique de la prose, Modèle:P.196.</ref>.
Modèle:Exemple Dans la métaphore proportionnelle, appelée aussi homologie, la propriété que l'expression évoque pour associer ses termes est une grandeur qu'on peut classer sur une échelle de la « plus petite » à la « plus grandeModèle:Note ».
Métaphore et comparaison
La métaphore apparaît superficiellement comme une comparaison. La comparaison affirme la ressemblance de deux réalités en reliant les deux termes qui les désignent par une locution appelée le « comparant »Modèle:Note. Modèle:Exemple Au contraire, dans la métaphore, l'auditeur ou la lectrice doivent reconstituer le sens. Modèle:Exemple Dans la métaphore, « figure de la ressemblance », les comparaisons sont implicites. Aucun comparant ne guide le récepteur pour lui donner un sens, qu'il faut trouver dans le contexte. La métaphore étant une figure de l'ambiguïté, le contexte laisse un vaste champ possible d'interprétations, en raison, d'une part, de la disparition des mots supports, et d'autre part à cause de la connotation : Modèle:Citation (Marcel Proust, Du côté de chez Swann).
Pour Patrick BacryModèle:Sfn, la métaphore se présente sous la forme schématique :
La comparaison n'affecte pas le sens des mots qu'elle articuleModèle:Note. Dans « Eugène était brave comme un lion », ni « brave » ni « lion » n'ont un sens différent de celui qu'ils ont ordinairement ; la comparaison n'affecte qu'Eugène. Désigner Eugène par la métaphore « ce lion » peut, selon le cas, signifier qu'il est un dandy, que ses cheveux et barbe clairs et longs ressemblent à la crinière d'un lion, qu'il a la bravoure proverbiale de ce fauve, ou, par ironie, qu'il en est entièrement dépourvu ; à moins qu'Eugène ne soit cité parmi les pensionnaires d'un parc zoologique — on aurait alors affaire à une métaphore particulière appelée synecdoque. Le mot « lion » n'appelle plus nécessairement l'idée de l'animal, mais celle de ses qualités qui pourraient s'appliquer à Eugène. Il se peut que la métaphore s'applique à la fois à plusieurs qualités.
L'intérêt de la métaphore est d'attribuer au sens du terme qu'elle décrit certaines nuances, et pas n'importe lesquelles, qui appartiennent au terme qu'elle lui accole et qu'une simple comparaison ne pourrait expliciter. Ces nuances, ou sèmes, ajoutent du sens au langage. Elle active la polysémie du mot et l'associe à des symboles culturels précis. La métaphore est souvent une métaphore, une métonymie exactement, pour le trope et même pour le symbole en général<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Pour Patrick Bacry, au contraire, il faut réserver le terme de « métaphore » à une apposition stricte de deux mots remplaçants des mots attendus. Selon lui, toute autre forme tend à se confondre avec la comparaisonModèle:Sfn.
La comparaison met en jeu deux mots de catégories lexicales homogènes : au contraire, dans Modèle:Citation, « Eugène » et « lion » sont respectivement un nom propre et un substantif. La phrase Modèle:Citation passerait pour une comparaison, si l'on se fiait à la différence morphologique de la présence d'une locution comparative. Mais la différence de nature des termes en jeu oblige à la considérer comme une métaphore.
La présence ou non d'un terme comparant ne suffit pas à distinguer ce qui relève de la métaphore de ce qui relève de la comparaison : le contexte et l'effet recherché par le locuteur renseignent bien davantage sur la portée de la figure.
Pour Georges Molinié<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, pour passer de la comparaison à la métaphore plusieurs transformations successives sont nécessaires, ce qui explicite bien le fait que la métaphore enrichit le sens, là où la comparaison est assez pauvre. Soit la comparaison :
- état 1 : Modèle:Citation
- état 2 : Modèle:Citation exprime le trope dans son état pur (l'homme rusé dont il est question ne s'est pas transformé, il s'agit d'une analogie) à travers une métaphore in præsentia car les comparés et le comparant sont encore présents dans l'expression.
- état 3 : Modèle:Citation est une métaphore in præsentia également, cependant la qualité a disparu ; c'est ici au lecteur, au moyen du contexte, d'interpréter la portée de l'expression.
- état 4 : Modèle:Citation est une métaphore mettant en avant un trait sémique (le qualificatif « vieux » est connoté comme un trait de malignité).
- état 5 : Modèle:Citation est une métaphore in abstentia puisque la mention explicite du comparé a disparu, et qu'il ne reste que le comparant. L'effort d'interprétation est ici maximal.
- état 6 : Modèle:Citation est aussi une métaphore in abstentia, mais elle est ici absolue et fonctionne comme une preuve démonstrative dont le prédicat est « nous a tous bernés ».
Métaphore et autres figures de l'analogie
Modèle:Article détaillé La polysémie de la métaphore en fait une figure générale, qui fonde d'autres procédés analogiques comme l'allégorie, qui rend concrète une idée abstraite, et la personnification, qui présente tout objet sous forme humaine. Les rapports entre ces figures sont très étroits<ref>Modèle:Lien web.</ref>, bien que la métaphore n'implique que quelques mots, alors que personnification et allégorie impliquent des textes entiers. Une allégorie est souvent une métaphore poursuivie dans la longueur d'un texte. Modèle:Exemple Il en est de même pour la personnification, mais avec moins d'emphase ou d'hyperbole : les entités non humaines sont ainsi représentées sous une forme humaine.
Usages
La métaphore est un recours fréquent dans tous les types de discours pour éviter la répétition d'un terme ou d'un nom, tout en insistant sur un aspect de la caractérisation. Un journaliste peut ainsi d'abord présenter une personne, puis la mentionner par des périphrases qui sont souvent autant de métaphores : « le témoin », « l'infirmière », « l'automobiliste », selon la circonstance.
La métaphore produit d'innombrables rapprochements entre les choses qu'évoquent deux termes, ainsi que le note le poète français Pierre Reverdy dans Le Gant de crin : Modèle:Citation.
Paul Ricœur considère la métaphore comme le produit d’une libre invention du langage. Les herméneutes la définissent comme le remplacement d'un lexèmeModèle:Note par un second, présentant avec le premier un ou plusieurs sèmes communs. Ainsi le travail métaphorique repose sur la tension entre ces sèmes communs ou opposés que le locuteur veut pourtant, par la figure, faire se ressemblerModèle:Note. Le décalage crée donc l'intérêt de l'image<ref>Modèle:Harvsp ; Modèle:Harvsp.</ref>.
Cliché, lieu commun, métaphore morte, catachrèse
Modèle:Article détaillé Certains professionnels du langage peuvent chercher à se distinguer en trouvant de nouvelles métaphores ; quand une plaît, elle « court le monde », on l'entend partout. D'autres personnes s'identifient à leurs milieux (d'autant plus qu'ils n'en font pas partie par certains aspects) en n'utilisant que les métaphores reçues, clichés et lieux communs.
Les métaphores passées dans le langage courant et devenues une tournure figée sont des clichés ; il s'agit souvent de métaphores annoncées comme dans Modèle:Citation ou dans Modèle:Citation. Elles peuvent passer d'un langage à l'autre : l'anglais Modèle:Citation étrangère se retrouve en français Modèle:Citation. Dans beaucoup d'autres occasions, la traduction littérale échoue : l'anglais dit Modèle:Citation étrangère (littéralement : il pleut des chats et des chiens.), mais il faut traduire en français Modèle:Citation ou Modèle:Citation. Il arrive même que la traduction littérale d'un cliché donne une métaphore efficace, mais qui amène un sens équivoque ou différent de celle de la langue d'origine.
Ces métaphores sont souvent issues des milieux artistiques et intégrées à la langue et au parler populaire. La métaphore « un beau ténébreux » pour désigner un homme aux cheveux et yeux noirs, ou bien mélancolique et rebelle, est déjà attestée dans le roman de chevalerie Amadis de Gaule (Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle).
Modèle:Exemple Quand une métaphore passe dans le langage courant, et qu'on perd de vue le sens premier du mot, on parle de métaphore morte et parfois de catachrèse. Le mot ou l'expression prend alors un sens nouveau, la métaphore est lexicaliséeModèle:Note. Ainsi trouvera-t-on dans le dictionnaire français la définition du « pied » d'un meuble ou de l'« aile » d'un avion ; d'autres langues témoignent de ce que ce rapprochement n'est pas le seul possible. Le pied d'un meuble est une jambe en anglais (Modèle:Citation étrangère).
Littérature
La métaphore est une figure majeure en littérature, comme l'exprime Denis de Rougemont dans L'Amour et l'Occident : Modèle:Citation. Elle fait intervenir d'autres concepts linguistiques, comme les champs sémantiques, l'isotopie ou l'analogie et la connotation, en rendant même parfois très complexe le décodage (on parle alors de poésie — ou de style, pour la prose — « hermétique ») comme dans : Modèle:Citation bloc Cette métaphore fait référence ainsi au monde moderne du Paris électrique, mais ses associations sont aujourd'hui difficiles à saisir, en raison du renvoi au vers suivant de l'adjectif qualifiant le gin, et de la présence de deux éléments caducs, le gin flambé, qu'il était à la mode de servir dans les cafés, et la nouveauté de l'électricité. Le poète établit un double parallélisme, entre la flamme bleue de l'alcool flambant, et la lumière électrique, bleue en comparaison de celle du gaz ou plus encore de la bougie ; et entre l'agitation urbaine désordonnée du soir, l'ivresse et la rapidité de l'électricité.
Les métaphores sont des audaces de rapprochement de termes qui dérangent les habitudes de langage du lecteur. La littérature a ainsi apporté à la culture et à la conscience linguistique populaires des métaphores célèbres, devenues à terme clichés : Modèle:Citation (Alfred de Vigny), Modèle:Citation (Paul Éluard), Modèle:Citation (Paul Éluard) ou Modèle:Citation (Jean Giono).
La métaphore permet souvent de dépasser l'analogie pour réaliser une identification, créant une autre réalité. Selon le philosophe Michel Meyer, elle Modèle:Citation. Elle permet de lier l'âme du poète au monde dans le Romantisme ou dans le Symbolisme. Ainsi, Charles Baudelaire use de la métaphore comme du seul instrument permettant de décrire le fond humain. Le poète tente par la métaphore de transcrire un sentiment unique, et, hormis les clichés, chaque figure est propre à la subjectivité de l'auteur. Lorsque ces figures se lient à d'autres, comme l'oxymore ou l'hyperbole, elles établissent un vaste réseau de significations, mi-symbolique, mi-affectif, qui prend le nom d'isotopie littéraire. D'autres figures peuvent être apparentées à des métaphores : l'harmonie imitative ou la synesthésie littéraire, par exemple. Victor Hugo est de ceux qui font un usage immodéré, mais toujours créateur de sens et d'images, de la métaphore. Associée avec l'oxymore, elle lui permet de mettre en lumière des réalités que des mots seuls ne peuvent traduire : Modèle:Citation<ref>Modèle:Chapitre.</ref>.
Par la métaphore donc le poète permet l'existence d'un sens nouveau, même en apparence absurde comme dans la métaphore surréaliste qui rapproche deux réalités qui ne possèdent aucun point commun et qui est, selon le mot de Lautréamont, Modèle:Citation, réalité que peu de figures peuvent exprimer. Gaston Bachelard dit ainsi qu'elle permet de rechercher Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Cette fonction de la métaphore se retrouve dans d'autres disciplines comme les sciences ou la politique.
La métaphore dans le discours scientifique
L'épistémologie classique, dont l'expression la plus pure est mathématique, exclut rigoureusement la métaphore. Le discours scientifique doit être réfutable, c'est-à-dire qu'on doit pouvoir prouver qu'un énoncé est soit vrai, soit faux. À ce titre, la métaphore a, dans la présentation scientifique, mauvaise réputation. On ne peut pas dire qu'une métaphore soit vraie ou fausse : son interprétation dépend du récepteur. Pour Gaston Bachelard, la conceptualisation se construit contre l'image. Mais la capacité de conviction du langage imagé, et le potentiel expressif de la rhétorique sont difficiles à éviter, même dans le discours scientifique. Dans la deuxième moitité du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, un courant épistémologique a réévalué la rhétorique. La pensée logique, en effet, est tout à fait incapable de fonder l'intuition, la découverte, qui constituent l'Modèle:Page h'<ref>Modèle:Article.</ref>.
Les disciplines didactique, emploient des métaphores (souvent filées) afin d'expliquer les modèles scientifiques comme ceux relatifs au Big Bang, à la physique quantique, etc. Par ailleurs, nombre de philosophes ont recours à des allégories tels Platon et sa « caverne » ou encore Buridan et son âneModèle:Note. Il ne s'agit pas de clichés au moment de leur utilisation, mais d'images permettant de véhiculer une idée ou une théorie.
La métaphore est entrée au sein de l'épistémologie pour illustrer comment les modèles se situent et fonctionnent par rapport aux théories scientifiques, et comment une terminologie théorique est introduite dans le langage scientifique. Julian Jaynes en fait d'ailleurs un argument central de sa théorie de la conscience comme métaphorisation du réel<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Toutes les disciplines sont ainsi créatrices de métaphores : la biologieModèle:Note, dans la théorie de l'évolution (le « chaînon manquant » de Charles Darwin, l'arbre comme image de la phylogénèse), en physique (le modèle de Maxwell et son démon), en écologie (l'hypothèse Gaïa) et en astrophysique (la théorie des cordes par exemple).
Les métaphores organiques, mécanistes, rituelles, théâtrales, ludiques, cybernétiques, etc. sont un mode d'expression récurrent en sociologie, notamment pour la construction de modèles descriptifs des phénomènes<ref>Modèle:Article.</ref>. Le recours aux métaphores permet d'extraire des structures et des outils conceptuels issus d'autres champs pour les réutiliser dans un contexte distinct, comme c'est par exemple le cas pour la théorie des jeux. Ce procédé est particulièrement visible chez des auteurs comme Erving Goffman<ref>Modèle:Article.</ref>.
Dans la langue des signes
Dans la langue des signes, on retrouve des gestuelles fondées sur la métaphorisation. Dans Le corps et la métaphore dans les langues gestuelles : À la recherche des modes de production des signes, Modèle:Harvsp analyse le mode de production des signes de la langue des signes française et montre que les métaphores construites par référence au corps permettent de constituer un vocabulaire abstrait qui coïncide souvent avec des expressions imagées du français parlé et écrit.
Métaphore et discours
La stylistique a pour objet d'étudier les effets du discours dans l'énoncé et en communication. Le contexteModèle:Note littéraire, énonciatif et culturel seul permet de cerner la nature et la portée de la métaphore, qui mélange deux champs sémantiques, parfois suivis d'une comparaison. Le transfert qu'elle permet entre deux termes fut souvent à l'origine de la « théorie de l'écart », qui ambitionnait d'expliquer le style par un écart envers la norme ou envers l'usage minimal du langage. Cette vision fut abandonnée, notamment lorsque les recherches modernes établirent que ce transfert sémantique a une fonction stylistique destinée à amplifier le discours<ref>Avec, notamment, les conclusions de Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp.</ref>.
Connivence entre le locuteur et l'interlocuteur
La métaphore repose souvent sur des clichés, des lieux communs ou des allusions qui se retrouvent à toute époque. Dès lors, elle produit des effets affectifs qui apparaissent dans la poésie, les jeux du langage, et en rhétorique ; en cela sa réception dépend d'une connivence entre le locuteur et l'interlocuteur. L'ironie utilise cette connivence (chez Voltaire par exemple), comme les journaux et les jeux de mots. En poésie, le pacte de connivence (que Gérard Genette étudia, surtout dans le genre autobiographiqueModèle:Note) est beaucoup plus ambigu, et nécessite de la part du lecteur un effort de décodage qui fait toute la spécificité littéraire et symbolique des images poétiques.
La stylistique se donnant comme objet le texte, elle étudie surtout les effets sur l'interlocuteur, et les moyens mis en œuvre par le locuteur pour cela, dans un cadre macro-structural. La métaphore filée est ainsi une métaphore privilégiée pour l'analyse de texte : elle peut en effet se fonder sur une gamme plus variée de moyens linguistiques et stylistiques. Néanmoins, on ne peut parler dans son cas de véritable métaphore, mais d'une juxtaposition de métaphores. Grâce à cette figure de pensée, l'auteur peut faire coïncider deux réalités distinctes dans la conscience du récepteur ; c'est pourquoi, d'après le linguiste Roman Jakobson, elle est propre au fonctionnement du discours. Pratiquement, la métaphore permet une concentration du sens et non un véritable changement de sens et il y a donc polysémie (ajout d'une désignation sur un sens). Elle met en œuvre une activité qui s’affirme d’une façon symbolique et contribue à faire voir quelque chose qui ne se donne pas entièrement par des signes linguistiques. Elle renseigne sur la vision du monde propre à l'auteur à travers les grandes structures récurrentes dont il parsème son texte, tels l'isotopieModèle:Note, les champs sémantiques ou lexicaux.
Aide à la conceptualisation
Catherine Fromilhague rappelle que pour la sémantique cognitive, la métaphore est une figure qui peut être employée au service de la connaissance, Modèle:Citation ; elle permet ainsi de « lever le voile » de certains phénomènes inconnus ou difficiles à expliquer et à traduire. La poésie symboliste montre, par son manifeste esthétique, que la métaphore est au service de la révélation d’un inconnu et du mystère de la Nature. Le discours scientifique l'utilise souvent, afin de représenter, dans un but pédagogique, des concepts ou des modèles.
La métaphore aide à conceptualiser ce qui ne peut pas être compris par la désignation (ou connotation stricte), et relevant notamment des sentiments et de la pensée. George Lakoff et Modèle:Lien ont ainsi montré qu'elle est un auxiliaire linguistique à la conceptualisation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Au sens propre, elle permet en effet de rendre compte d'une réalité que la grammaire ne peut assumer : la métaphore Modèle:Citation est acceptable comme figure de style, alors que l'énoncé Modèle:Citation est logiquement faux. Dans l'expression métaphorique, le sens de la phrase n’est plus la somme des sens des éléments : on parle alors de « sens métaphorique ». Dans nombre de textes, comme dans les poèmes, elle permet ainsi de signifier un paradoxe que des mots non métaphoriques ne peuvent exprimer. Des linguistes et philosophes comme Paul Ricœur, Cornelius Castoriadis et Jacques Derrida, ont proposé une approche transdisciplinaire, la métaphorologie, étude des métaphores comme produits sémiotiques et cognitifs.
Mode fondamental du discours
La métaphore exprime Modèle:Citation. Patrick Bacry développe : Modèle:Citation comme dans : Modèle:Citation (Albert Cohen) ou dans Modèle:Citation (Victor Hugo). La figure joue sur la fonction référentielle du langage.
La translation linguistique qu'opère la métaphore se révèle une structure fondamentale du discours. Elle intervient sur son « axe paradigmatique », qui correspond à l'ensemble des vocables dont le locuteur dispose, et sur son « axe syntagmatique », qui correspond aux combinaisons des mots entre eux pour former une phrase compréhensible selon les règles de la langue. Cette organisation est universelle ; Roman Jakobson, qui l'a formalisée, a clairement établi le rapport qui existe entre cette structure et les figures. On parle du « modèle de la métaphore » en linguistique structurale<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
Toutes les combinaisons sont possibles dès lors qu'elles respectent la « cohérence syntaxique », sans laquelle la phrase est a-grammaticale et incompréhensibleModèle:Note. Le critère de la « cohérence sémantique » n'est que secondaire : combiner des mots entre eux, si les règles de syntaxe sont observées, peut aboutir à des énoncés cohérents, suivant le contexte dans lequel ils naissent. C'est le cas des énoncés poétiques comme Modèle:Citation de Paul Éluard<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Le locuteur peut opérer un choix inattendu sur l'axe paradigmatique : au lieu du mot attendu par le contexte, il choisit un autre mot n'ayant pas de rapport sémantique direct avec le reste de la phrase, créant une ambiguïté. Ce déplacement enrichit l'expression et fait naître un effet stylistique caractéristique de la figure de style.
Dans la métaphore de Victor Hugo : Modèle:Citation, « faucille » renvoie au croissant de lune. Hugo opère un déplacement de sens en déplaçant un mot : « croissant », qui est remplacé par « faucille » et qui renvoie aux sèmes communs qui existent entre l'astre et l'outil, à savoir la forme en demi-arc de cercle. Le schéma ci-joint montre le déplacement opéré et le résultat, ainsi qu'un exemple de choix que peut avoir le locuteur dans le paradigme. L'interlocuteur a ainsi en conscience les deux mots renvoyant au sens de « croissant de lune », l'un explicite, l'autre implicite. La métaphore permet ainsi de présenter en un seul mot le sens de deux mots, par un phénomène de déplacement de sensModèle:Note.
Selon les combinaisons retenues, le locuteur aboutit à différents types de relations : à la place du partitif « d'or », le poète aurait pu dire, par exemple, « d'argent », ce qui relève tout aussi bien du champ sémantique des couleurs. On peut imaginer ensuite d'autres types de relations, principalement l'hyperonymieModèle:Note, l'antonymieModèle:Note et l'homonymieModèle:Note. Former une métaphore consiste ainsi à opérer une relation entre des mots choisis (axe paradigmatique ou paradigme) au moyen de ces trois catégories de relation, étant toutes sur l'axe syntagmatique. Le Groupe µ y repère comme caractéristique principale cette faculté de substituer des entités linguistiques à laquelle il donne le nom plus générique de « métaplasme »Modèle:Note.
Jakobson propose ainsi que la métaphore soit un processus de substitution effectif (elle met en œuvre la « fonction poétique » du langageModèle:Note) opéré sur l'axe paradigmatique ; c'est-à-dire qu'elle réalise un effet stylistique comparable à une impropriété puisqu'elle lie deux termes sémantiquement disjoints. C'est pourquoi nombre d'expressions métaphoriques sont perçues comme des manipulations déroutantes de la langue et du sens, surtout dans le cas des métaphores aboutissant à des personnifications (Modèle:Citation) ou à des chosifications (Modèle:Citation).
Analyse linguistique de la métaphore
Chaïm Perelman et Lucie Olbretchts-Tyteca distinguent dans une métaphore trois éléments dont deux présents dans le discoursModèle:Note :
- le thème, ou comparé, qui est le sujet dont on parle ;
- le phore (signifiant porteur en grec) ou comparant qui est le terme mis en relation avec ce sujet.
- le motif ou tertium comparationis qui est l'élément ressemblant — ou analogue — sur la base duquel les deux premiers sont liés, appelé qualité et constituant le trait sémique qui fait l'objet du transfert de sens. Ce troisième élément, implicite, est décodable par le contexte culturel et symbolique et par le cotexteModèle:Note.
Le verbe est le mot support privilégié de la métaphore, en raison de sa valence, c'est-à-dire de sa capacité à accueillir des constructions syntaxiques : plus un verbe a de constructions syntaxiques variées, plus il est candidat à la métaphore. Les verbes de mouvement ou d'action, les verbes de pensée également, permettent ainsi une multitude de sens métaphoriques. Les mots comparants et comparés peuvent être reliés par d'autres moyens syntaxiques que ceux mis en œuvre dans la comparaison. Pierre Fontanier insiste sur son universalité et sa grande productivité au sein du discours : Modèle:CitationModèle:Sfn. Comme comparants, on peut ainsi trouver :
- l'apposition : Modèle:Citation
- l'apostrophe : Modèle:Citation
- le verbe copule « être » : Modèle:Citation ()
- le verbe « sembler »Modèle:NoteModèle:Référence nécessaire :
- une formule, comme « je crois voir » :
- un mot très simple peut également créer une métaphore. Par exemple, l'emploi du mot « nuit » renvoie souvent au plaisir charnel entre deux personnes, ou connote « les faveurs d'une femme », comme dans Modèle:Citation (Jean-Jacques Rousseau, Émile, IV). Dans ce genre de cas, la polysémie du mot est maximale. Le mot « nuit » peut ainsi renvoyer à d'autres thèmes et symboliques : l'obscur caché, le secret, la mort entre autres.
La métaphore est par ailleurs l'une des rares figures à être autonymique (qui peut se prendre comme objet) comme dans cette citation de Robert McKee : Modèle:Citation, qui est — en elle-même — une métaphore évoquant une métaphore. Raymond Queneau, dans Les Ziaux<ref>« L’explication des métaphores » in Les Ziaux, Poésie/Gallimard, 1943.</ref>, appelle ainsi la figure Modèle:Citation et joue sur cette spécificité : Modèle:Vers
Victor Hugo fait ainsi une métaphore de la métaphore lorsqu'il dit : Modèle:Citation.
La métaphore en neurosciences et en psychologie
La métaphore dépasse au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle le seul cadre linguistique pour devenir un objet d'études de psychologie du développement et de l'apprentissage, de psychologie cognitive et de neurosciences et de psychanalyse.
Apprentissage de la métaphore chez l'enfant
En psychologie du développement, on cherche à discerner à quel point de l'apprentissage du langage l'enfant devient capable de comprendre et de produire des métaphores. Les expressions caractéristiques du langage enfantin marquent souvent l'interprétation « au pied de la lettre » (une maman dit à son enfant « tu m’as laissé tomber «, l’enfant répond « où ? ») qui fait sourire l'adulte qui néglige habituellement ce sens immédiat.
La recherche sur l'apprentissage de la métaphore suppose qu'on détermine ce qu'est une métaphore, et ce qui n'en est pas ; les différences d'appréciation sur ce point sont à la source d'importantes divergences entre les chercheurs. Pour se renseigner sur le degré de maîtrise de l'enfant, on lui demande en général d'expliquer un énoncé métaphorique dont on s'est assuré qu'il comprend chacun des termes. L'âge et le degré d'éducation auxquels les enfants sont capables de répondre aux épreuves varie largement. On peut établir une échelle de difficulté entre les métaphores les plus simples et celles dont la compréhension demande une série d'inférencesModèle:Note. Pour les chercheurs suivant la ligne théorique de Jean Piaget, la comparaison s'acquiert au stade de développement de la capacité à des opérations concrètes, tandis que les séries d'inférences ne sont possibles qu'au stade de la pensée formelle, bien plus tard. La difficulté de l'investigation réside dans l'incertitude sur ce que l'enfant connaît des termes qui lui sont proposés. Il ne suffit pas qu'il connaisse l'objet que l'énoncé lui désigne, mais encore qu'il lui associe la propriété qu'utilise la métaphore. La compréhension de la métaphore exige des apprentissages hors du langage. La plupart des auteurs situent l'âge où l'enfant peut comprendre des métaphores entre 9 et 14 ans<ref>Modèle:Article.</ref>.
En psychologie du développement, on observe que jusqu’à 2 ans l'enfant ne comprend pas et ne produit pas de métaphore. Ce n'est qu'à partir de 4 ans que, selon les auteurs les plus partisans de la précocité de l'interprétation, les métaphores sont comprises et produites. Après 6 ans le stade du développement de l’activité métaphorique est lié à l’émergence de l’activité métalinguistique (ou autonymique). Les composantes sémantiques sont différenciées, la différenciation permettant l'acquisition pratique des analogies et des images, constituant les réseaux sémantiques et les jeux de mots. Dès 11-12 ans la manipulation des métaphores conventionnelles et culturelles est acquise. La psychologie de l'éducation fait ainsi passer l'enfant, par le biais de l'activité symbolique permise par la métaphore, des activités linguistico-cognitives concrètes (sens immédiat, « au pied de la lettre ») aux activités linguistico-cognitives formelles, respectant le code syntaxique et les contraintes de la langue.
La métaphore est un objet cognitif témoignant du processus mental de la conceptualisation. Elle implique en effet un nouveau rapport à un univers construit, processus cognitif appelé la re-catégorisation<ref>Modèle:Article.</ref>.
On assiste ainsi chez l'enfant pré-langagier au passage du pôle du codage au pôle de l’invention : par la métaphore l'enfant exerce une liberté linguistique. L’enfant doit être aussi capable de renvoi syntaxique, via les procédés de l'anaphore et de la cataphore.
La métaphore suppose donc l'acquisition de capacités mentales :
- la capacité de catégorisation
- la capacité de généralisation
Neurologie
Paul Broca en 1865 et Carl Wernicke en 1874 établissent la distinction encore actuelle du cerveau comme un double appareil neuronal : un cerveau gauche d'une part (siège des unités linguistiques et de leurs combinaisons, responsable de l'analyse) et un cerveau droit d'autre part (siège de la reconnaissance de structures syntaxiques, de la mélodie, des émotions, responsable de la synthèse et de la compréhension globale). Leurs recherches démontrent donc que les unités linguistiques sont psychologiquement réelles alors qu’elles n’ont aucune matérialité corticale, démonstration corroborée par l'imagerie moderne comme celle permise par l'imagerie par résonance magnétique.
Une série d'expériences cognitives et neurologiques vont ainsi, tour à tour, aboutir à isoler la métaphore comme inhérente au cerveau, et non production seule de la langue. Les aphasiques de l’hémisphère droit peuvent ainsi former la grammaire et la phonologie, mais ils ne comprennent pas les métaphores. Jean-Luc Nespoulous, chercheur au Laboratoire Jacques-Lordat, Institut des Sciences du Cerveau de Toulouse, montre pour sa part que l'absence de métaphore nuit à la compréhension d'un énoncé complexe<ref>Le Dorze, G., Nespoulous, J.-L., Modèle:Lang, 37, Modèle:P.381- 400, 1985.</ref>. Bottini (1994<ref>Étude de : Bottini, G., R. Corcoran, R. Sterzi, E. Paulesu, P. Schenone, P. Scarpa, .R. S. Frackowiak & C. D. Frith (1994), Modèle:Lang, Revue Brain, {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}}.</ref>) de son côté évoque le rôle important que jouerait l'hémisphère droit dans l’appréciation de la métaphore : le traitement de la métaphore impliquerait des ressources cognitives additionnelles. Des expériences sur le temps de lecture, plus long pour les énoncés métaphoriques que pour les énoncés littéraux (de Janus & Bever en 1985) et sur l'influence cognitive du contexte, qui permet de mieux comprendre, et plus rapidement le sens métaphorique (par Keysar en 1989) témoignent de l'actualité des recherches sur l'origine et la localisation cérébrale de la métaphore. Bonnaud & al. (2002) montrent également que parmi une paire de mots sans lien sémantique, une paire de mots avec lien métaphorique et une paire de mots avec lien littéral, constituant leur protocole expérimental, il y a plus d’erreurs sur les mots avec lien métaphorique que sur les mots avec lien sémantique littéral.
Les recherches aboutissent à la conclusion que le traitement global est moins spécialisé que prévu, et que la métaphore naît de la coopération des deux hémisphères (cérébraux et non cervicaux comme dans la légende de la figure)Modèle:Note. Dans une étude publiée en 2014 dans la revue Brain<ref>Modèle:Article</ref>, le neurochirurgien et neuroscientifique Hugues Duffau montre que « l'aire de Broca n'est pas l'aire de la parole » et que les fonctions langagières ne sont pas tant localisées dans une aire précise que dépendantes de connexions neuronales en reconfiguration constante<ref>Modèle:Article</ref>.
Usages dérivés du concept de métaphore
Plusieurs domaines font du terme « métaphore » un usage élargi jusqu'à rattacher au domaine de la métaphore tout symbole et toute association mentale.
Psychanalyse
La métaphore chez Lacan
Modèle:Article détaillé Lorsqu'il s'agit soit de comprendre la dynamique inconsciente d'un individu, soit de lui apporter des modèles d'enrichissement de ses dynamiques inconscientes, la métaphore a une place importante. La pratique du « soin par la métaphore » précède de plusieurs millénaires la compréhension de l'organisation de la pensée profonde par la métaphore. Jacques Lacan a ainsi ouvert la voie de l'exploration métaphorique en psychanalyse, notamment dans La métaphore du sujet (1960). Pour Lacan, Modèle:Citation, et le désir a deux façons d'être exprimé : par la métaphore ou par la métonymie. Pour Lacan, le signifiant prime sur le signifié. Ce franchissement de la barre entre signifié et signifiant se ferait pour lui par le jeu des signifiants entre eux, chez chaque individu, avec un glissement incessant du signifié sous le signifiant qui s’effectue en psychanalyse par les formules de la métonymie et de la métaphore, qu’il nomme « lois du langage » de l’inconscient. Lacan postule que l'inconscient, qui présente la même structure que le langage, peut également être défini par un axe syntagmatique et un axe paradigmatique, dans une image schématique similaire à celle que Roman Jakobson édifia pour la langue. Lacan prend ainsi comme exemple cette citation célèbre : Modèle:Citation. Cette métaphore d’Antoine Rivarol dévoile la fonction psychique de celle-ci : Modèle:Citation. Par condensation, Lacan entend, (en reprenant le vocabulaire de Freud quant aux deux processus à l'œuvre dans le rêve), la substitution d'un élément par un autre, permettant d'en exprimer le côté refoulé. Autrement dit, un mot pour un autre, un mot concret pour un mot abstrait, un transfert de sens par substitution analogique, telle est la définition de la métaphore en psychanalyse lacanienne, figure de style plus fréquente et plus apte à la poésie. Lacan cite ainsi des métaphores célèbres : « La racine du mal, l’arbre de la connaissance, la forêt de symboles, le jardin de la paresse, l’écheveau du temps, l’automne des idées », ou encore « les fleurs du Mal » de Baudelaire comme des recours linguistiques exprimant une impossibilité du sujet de conceptualiser en totalité son mal et son refoulé. Lacan se démarque ainsi de la linguistique saussurienne centrée sur l'objet signe déconnecté du sujet et de son ressenti intérieur ; Lacan semble même en prolonger le paradigme épistémologique : « l’inconscient ne connaît que les éléments du signifiant » explique-t-il et il « est une chaîne de signifiants qui se répète et insiste ». Il élabore ainsi une formule mathématico-linguistique de la métaphore, qu'il développe comme suit : <math>\frac{S}{S'_1}\cdot\frac{S'_2}{x}\rightarrow S\left (\frac{1}{S}\right)</math><ref>Modèle:Citation, Écrits I, seuil, 1966.</ref>. Lacan relève le mode selon lequel l’inconscient opère, ainsi que Freud l’avait décelé par la production de condensations et de déplacements le long des mots, à travers les lapsus et dans le matériel onirique surtout, mais « sans tenir compte du signifié ou des limites acoustiques des syllabes » ajoute Lacan. Le jeu du Modèle:Citation, décrit par Freud en 1920 atteste ainsi directement de ce processus de métaphorisation (ou condensation en psychanalyse) et du refoulement qui lui est lié : en soi la bobine est une métaphore de la mère, alors que le mouvement de va-et-vient symbolise les retours et départs auprès de la figure maternelle.
Le soin par la métaphore
Née des apports de Jacques Lacan dans le phénomène de la métaphorisation comme substitution d'un signifiant à un signifié inconscient et refoulé, difficile pour le sujet, se développent des thérapeutiques usant de la fonction cathartique de la métaphore. Le conte magique, le mythe, l'histoire enseignement, la fable, sont des textes utilisés pour permettre à l'enfant et à l'adolescent d'intégrer des savoirs quant aux enjeux de l'homme — la naissance, la transformation, la rupture, le désir mimétique, la violence, la mort. Contrairement au texte philosophique où les choses sont explicitées, le texte d'apprentissage et de soin entre en résonance directe avec des parties de la pensée qui sont mal accessibles à la conscience, ce que montrent les travaux de Julian Jaynes et l'ouvrage commun de Joyce C Mills et Richard J. Crowley Métaphores thérapeutiques pour enfants<ref>Richard J. Crowley, Métaphores thérapeutiques pour enfants, Desclée de Brouwer, Coll. Re-Connaissances, 1995, Modèle:ISBN.</ref>. En psychologie clinique, un certain nombre d'écoles de thérapie mentale préconisent de raconter des histoires qui sont en relation métaphorique avec la difficulté du patient comme l'école de Milton Erickson, qui y a recours dans sa méthode de l'hypnose. Par ailleurs, l'apprentissage par la métaphore des ressources du langage figuré, en Français Langue Étrangère (FLE) donne lieu à une véritable découverte des différences inter-culturellesModèle:Note.
Dans la psychose, la métaphore n'est pas un outil thérapeutique dans la mesure où le psychotique (schizophrènes, paranoïaques…) n'a pas accès à celle-ci<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Ceci est structural. Le "trou" symbolique exclut la métaphore : la langue de la folie n'est pas seulement une autre comme une langue étrangère, elle est singulière à chacun des sujets psychotiques. Pour paraphraser Lacan, le psychotique se parle. La notion évidente de communauté d'esprit, il ne la connaît pas. Ainsi, il faut avoir la Loi<ref>Modèle:Chapitre.</ref> comme le névrosé pour accéder au langage et ainsi à la métaphore qui renvoie à cette communauté d'esprit.
Cognition
George Lakoff
George Lakoff — professeur de linguistique cognitive à l’université de Californie à Berkeley et à l'origine du concept de la cognition incarnéeModèle:Note — considère que les métaphores sont loin d'être uniquement des procédés relevant de l'imagination poétique, ou ne concernant que les mots, plutôt que de la pensée ou l'action. Les métaphores sont présentes dans notre vie de tous les jours et sont, selon lui, à la base du sens donné à nos concepts. Dans Les Métaphores dans la vie quotidienne, Lakoff montre que nous n'avons pas conscience de notre système conceptuel, et qu'une observation attentive de notre langage permet de voir que les métaphores structurent nos concepts : il forge ainsi la notion de métaphore conceptuelle.
Il s'attache alors, au travers de son étude, à montrer le recours systématique aux métaphores dans les différents domaines de la vie comme le sommeilModèle:Note, la nourriture, le travail, l'amour ou le sexe. Les métaphores définissent ainsi un réseau de relations entre les choses qui constituent notre expérience personnelle du monde et notre perception culturelle — ce qu'il nomme des métaphores culturelles. Ainsi, à propos de la métaphore de la guerre, Lakoff explique : Modèle:Citation.
Lakoff conclut que Modèle:Citation.
Ressemblance et communication : Deirdre Wilson et Dan Sperber
Wilson et Sperber<ref>Ressemblance et communication, in Introduction aux sciences cognitives, dir. Daniel Andler, Gallimard Folio / Essais, 2004 Modèle:ISBN.</ref> suggèrent que « contre l'opinion générale, l'interprétation de tout énoncé sans exception exploite une relation de ressemblance » entre « l'énoncé et une pensée ». Dans ce cadre, ils étudient la métaphore au même titre que l'ironie, l'approximation consciente, l'hyperbole, la citation ou la représentation implicites de la pensée de quelqu'un d'autre, tout en soulignant les différences entre ces exceptions à la « règle de littéralité ». Ils remettent en question la définition de la métaphore en tant que « l'exploitation d'une ressemblance de sens entre le terme propre et le terme figuré » : l'idée de « tigre » est proche de celle de « lion », pourtant on ne dira pas métaphoriquement d'un tigre que « c'est un lion », alors qu'on pourra le dire à propos d'un valeureux guerrier : selon eux, c'est parce que la ressemblance dans le premier cas serait trop grande pour que la métaphore fonctionne. Les métaphores, basées sur des « mécanismes psychologiques fondamentaux », ne constitueraient pas un écart ou une transgression par rapport à une norme, mais « des exploitations créatives et évocatrices » du fait que tout énoncé « ressemble », d'une manière ou d'une autre, à une pensée du locuteur : l'auditeur anticiperait une telle ressemblance, dans le cadre général de l'anticipation de pertinence, sans idée préconçue quant au caractère littéral, métaphorique ou approximatif de l'énoncé.
Psycholinguistique
Modèle:Article détaillé La psycholinguistique voit dans la métaphore un processus, plutôt qu'un effet du seul domaine du langage. André Leroi-Gourhan observe que lorsque des hommes créent une nouvelle « machine », ils la désignent par des mots nouveaux, d'abord particuliers aux jargon du métier ou de la discipline. Cette création se fait selon un principe d’économie : si un mot existant peut « représenter » l’élément nouveau, alors il est employé par synecdoque, par métonymie et parfois par métaphore, selon les situations. La société est la matrice qui conditionne l'apparition et l'emploi des métaphores. Dans La Naissance de la Conscience dans l’effondrement de l’esprit, le psychologue américain Julian Jaynes soutient qu'un processus métaphorique enraciné dans le mode de perception visuelle permet la conscience réflexive, proprement humaine<ref>Modèle:Article</ref>. Modèle:Pas clair.
Arts visuels
La métaphore étant la figure de similitude majeure, certains auteurs transposent ce concept à d'autres arts que celui du discours, notamment la peinture d'art. Depuis l'époque classique, les peintres en quête de reconnaissance sociale ont multiplié les liens avec la rhétorique<ref>Modèle:Ouvrage</ref> ; mais jusqu'à l'époque moderne, on ne confondait pas les symboles et allégories de la peinture avec la métaphore, qui finit par englober toutes les similitudes<ref>Modèle:Lien web dans Modèle:Harvsp.</ref>.
Certains critiques et professionnels appliquent ce concept de métaphore élargie à tout rébus ou symbole au cinéma<ref>Modèle:Ouvrage ;
Modèle:Article.</ref>, à la publicitéModèle:Référence souhaitée, à la musicologie<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Mais peut-on pour autant parler sans précaution de métaphore et transposer sans précaution une terminologie élaborée pour la communication linguistique à la visuelle ? Dans son Traité du signe visuel (1992), le Groupe µ étudie cette question de la transposition, étude reprise plus d'une fois par l'un de ses membres, Jean-Marie Klinkenberg, et se montre prudent devant l'utilisation du terme métaphore ici, démontrant qu'il faut distinguer soigneusement les structures des deux familles de figures, la "métaphore visuelle" pouvant parfois se rapprocher du mot-valise<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
Annexes
Bibliographie
- monographies
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- chapitres et articles