Courbe elliptique
En mathématiques, une courbe elliptique est un cas particulier de courbe algébrique, munie entre autres propriétés d'une addition géométrique sur ses points.
Les courbes elliptiques ont de nombreuses applications dans des domaines très différents des mathématiques : elles interviennent ainsi en mécanique classique dans la description du mouvement des toupies, en théorie des nombres dans la démonstration du dernier théorème de Fermat, en cryptologie dans le problème de la factorisation des entiers ou pour fabriquer des codes performants.
Contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, l'ellipse n'est pas une courbe elliptique. Le nom des courbes elliptiques vient historiquement de leur association avec les intégrales elliptiques, elles-mêmes appelées ainsi car elles servent en particulier à calculer la longueur d'arcs d'ellipses.
À l'aide d'un choix adapté de coordonnées, une courbe elliptique peut être représentée dans un plan par une équation cubique de la forme :
Les coefficients Modèle:Math et Modèle:Math sont des éléments du corps K sur lequel est définie la courbe, mais ils ne sont pas déterminés par la courbe de manière unique. D'autre part, pour qu'une telle équation décrive effectivement une courbe elliptique, il faut que la courbe ainsi définie ne soit pas singulière, c’est-à-dire qu'elle n'ait ni point de rebroussement, ni point double.
Les points de la courbe sur un corps K' (contenant K) ont pour coordonnées les solutions Modèle:Math dans K' de l'équation ; on y joint un point à l'infini (l'élément zéro de l'addition). On note cet ensemble de points E(K').
Formellement, une courbe elliptique est une courbe algébrique projective non singulière de genre 1 sur un corps K et dont un point à coordonnées dans K est spécifié<ref>Modèle:Ouvrage ; Henri Cohen, « Elliptic Curves », dans Modèle:Waldschmidt (dir.), Modèle:P..</ref>.
Même si certaines constructions ou certaines propriétés comme l'addition des points sont communes à toutes, la description des courbes elliptiques, ainsi que leurs applications possibles, dépend beaucoup du corps de définition choisi.
Courbes elliptiques sur les nombres réels
Il est possible de décrire concrètement les courbes elliptiques sur les nombres réels, et de définir en particulier l'addition des points, avec les connaissances d'un étudiant au niveau lycée. Dans cette section, le cadre est celui du plan réel euclidien, les points considérés ont des coordonnées Modèle:Math réelles, les droites et les courbes sont définies par des équations à coefficients réels. Pour la commodité de la description, l'axe des ordonnées détermine une direction qualifiée de « verticale ».
L'équation d'une courbe elliptique définie sur le corps des nombres réels peut être mise sous la forme plus simple (dite équation de Weierstrass) :
où les coefficients Modèle:Math sont des nombres réels. Selon le choix de ces coefficients, les graphes correspondants ont essentiellement deux formes possibles. Voici par exemple les graphes réels associés à deux courbes elliptiques dans le plan affine:
Les points de la courbe sont tous ceux dont les coordonnées (réelles) vérifient l'équation, ainsi qu'un point à l'infini. Comprendre comment et pourquoi ce point doit être pris en compte nécessite de se placer dans le cadre de la géométrie projective, voir section 6 ci-dessous. Ce point à l'infini est essentiel car ce sera l'élément neutre (le « zéro ») pour l'addition des points de la courbe. Intuitivement, il suffit ici de l'imaginer comme le point à l'intersection de toutes les droites verticales.
Les courbes représentées ont une tangente bien définie en chaque point, n'ont ni point double, ni point de rebroussement. Algébriquement, ceci se traduit sur l'équation de la courbe par le fait qu'une certaine combinaison des coefficients,
ne s'annule pas. La quantité Δ s'appelle le discriminant de la courbe : un discriminant différent de zéro indique une courbe sans singularités (ou encore courbe non singulière). Le facteur –16 peut paraître inutile à ce stade mais il intervient dans l'étude plus avancée des courbes elliptiques.
Le graphe d'une courbe elliptique peut dès lors prendre deux formes :
- Si le discriminant est positif, il présente deux composantes (comme sur l'image de gauche, où la courbe a un discriminant de 64). Ce cas correspond au fait que le polynôme cubique xModèle:3 + ax + b a exactement trois racines réelles distinctes ; ces racines sont les abscisses des trois points de la courbe elliptique sur l'axe des x.
- Si le discriminant est négatif, il présente une seule composante (comme sur l'image de droite, où la courbe a un discriminant de -368). Ce cas correspond au fait que le polynôme cubique xModèle:3 + ax + b a exactement une racine réelle ; cette racine est l'abscisse du point de la courbe elliptique sur l'axe des x.
Remarque : La courbe d'équation y2 = xModèle:3 a pour discriminant 0 : elle a un point de rebroussement à l'origine et ce n'est donc pas une courbe elliptique. Il en est de même pour la courbe d'équation Modèle:Nobr elle aussi de discriminant 0, qui a cette fois un point double en (1, 0) ; on remarque que xModèle:3 – 3x + 2 = (x – 1)2(x + 2) a une racine multiple. Plus généralement, le polynôme cubique Modèle:Nobr a une racine multiple si et seulement si le discriminant Δ est nul ; dans ce cas, la courbe correspondante n'est pas elliptique.
Additionner les points : définition par la méthode des tangentes et des sécantes
L'addition de deux points sur une courbe elliptique E est rendue possible par la propriété suivante, qui est un cas particulier du théorème de Bézout sur l'intersection de courbes algébriques sur les réels : une droite sécante passant par deux points de la courbe recoupe la courbe en un troisième point (distinct ou non). On peut s'en convaincre en regardant les figures ci-dessous ou, plus rigoureusement, en lisant la section suivante. Une fois cette propriété admise, on procède ainsi.
Pour définir l'addition de deux points distincts P, Q sur la courbe elliptique E, on remarque d'abord que par ces deux points passe une droite bien définie. À cause de la propriété indiquée, cette droite recoupe donc la courbe E en un troisième point R. Intuitivement, ce point R de la courbe, bien défini à partir des deux points P et Q, serait un bon candidat pour être leur somme. Mais ce choix ne donnerait pas les propriétés qu'on attend d'une bonne addition : par exemple, on ne pourrait pas bien définir le « zéro » (l'élément neutre additif). On complique donc un peu la construction en prenant comme « somme » de P et Q le symétrique de ce point R par rapport à l'axe des abscisses. Ceci revient à prendre le point de même abscisse x que R et d'ordonnée opposée à celle de R : à cause de la forme de l'équation de la courbe, ce point appartient bien à la courbe, comme souhaité. On note ce point tout naturellement P + Q. On verra plus loin pourquoi cette notation est justifiée, c'est-à-dire pourquoi la construction faite a toutes les propriétés qu'on attend d'habitude d'une addition.
Il y a quelques cas délicats :
- Si la droite (P Q) est verticale, on considère que le troisième point d'intersection R est le point à l'infini, et qu'il est son propre symétrique par rapport à l'axe des abscisses. Donc la somme des deux points est le point à l'infini.
- Si la droite (P Q) est la tangente à la courbe en l'un des deux points, on considère que le troisième point d'intersection R est encore le point de tangence, et la somme est donc son symétrique. Cela correspond bien à l'idée intuitive (mais qu'on peut rendre parfaitement rigoureuse) qu'une tangente a un contact double avec la courbe.
- Enfin, pour définir la somme d'un point avec lui-même (P + P ou encore 2P), on utilise encore la tangente au point P = Q. Elle recoupe la courbe en un troisième point (qui peut être d'ailleurs distinct ou non de P) et 2P est le symétrique de ce point.
Voici des illustrations des différents cas possibles.
On voit sur les graphes que la définition donnée est compatible avec le choix du point à l'infini comme « zéro », élément neutre pour l'addition. Soit P0 ce point à l'infini. Pour trouver P + P0, on doit, selon la méthode décrite, tracer la droite passant par le point P et le point P0 : c'est la verticale passant par P. Elle recoupe justement la courbe elliptique au point P', symétrique de P par rapport à la droite des abscisses ; le point P + P0 cherché, par définition de l'addition, est le symétrique de ce point P', donc c'est P lui-même : on a bien trouvé que P + P0 = P, ce qui correspond bien à ce qu'on attend d'un « zéro » pour l'addition. Dans la suite, ce point sera donc simplement noté 0 ou 0E (pour rappeler qu'il s'agit du zéro pour l'addition sur la courbe E), il ne faut pas le confondre avec le point origine Modèle:Mvar de coordonnées (0, 0) dans le plan.
Additionner les points : les équations
Cette construction géométrique se traduit aussi par des équations : on peut calculer<ref>Voir par exemple Modèle:Harvsp.</ref> les coordonnées (xP+Q, yP+Q) du point P + Q en fonction de celles de P = (xP, yP) et de Q = (xQ, yQ). Tous ces points sont sur la courbe elliptique E.
- Modèle:1er : xP ≠ xQ. On pose <math>s=(y_P-y_Q)/(x_P-x_Q)</math> et <math> t= (y_Qx_P-y_Px_Q)/(x_P-x_Q)</math>. La droite qui passe par les points P et Q a pour équation <math>y=s x + t</math> (le nombre s est bien sa pente). On peut calculer l'intersection de cette droite avec E, et on trouve trois solutions : les points P = (xP, yP) et Q = (xQ, yQ), bien sûr, et un troisième point R de coordonnées <math>x_R= s^2-x_P-x_Q</math>, <math>y_R=sx_R+t </math>. Finalement, le point P + Q (qui est le symétrique de R par rapport à l'axe des abscisses) a pour coordonnées :
- Modèle:2e : xP = xQ et yP ≠ yQ. Dans ce cas, nécessairement <math>y_P = -y_Q</math> (à cause de l'équation de la courbe). La droite sécante qui joint les deux points est verticale, donc le troisième point d'intersection de cette sécante avec la courbe est le point à l'infini. Le point P + Q est donc le point à l'infini.
- Modèle:3e : xP = xQ et yP = yQ ≠ 0, autrement dit P = Q et ce point n'est pas sur l'axe des abscisses. L'équation de la tangente à la courbe en P est <math>y=s x + t</math>, avec cette fois <math>s= {(3{x_P}^2 +a)}/{(2y_P)}</math> et <math>t=y_P - {(3{x_P}^2 +a)x_P}/{(2y_P)}</math>. Le point P + P (qu'on note naturellement 2P) a donc pour coordonnées :
- Modèle:4e : xP = xQ et yP = yQ = 0. Le point en question se trouve sur l'axe des abscisses, on voit sur l'équation que la tangente à la courbe passant par ce point est verticale, donc le troisième point d'intersection de cette tangente avec la courbe est le point à l'infini. Le point P + P = 2P est donc le point à l'infini.
Loi de groupe : résumé et justification
On vient donc de définir, géométriquement et sur les coordonnées, une loi de composition sur les points de la courbe E, notée + : autrement dit, on a défini pour tous les points P et Q de la courbe, distincts ou non, le point P + Q. Le point à l'infini apparaît ainsi comme élément neutre (on le note traditionnellement 0E). L'opposé d'un point P est alors le symétrique de P par rapport à la droite des abscisses ; on le note –P.
Démonstration :
- Si deux points P et Q sont des points à coordonnées réelles de la courbe ou le point à l'infini, il en est de même de P + Q et de –P : la loi définie est bien une loi de composition interne.
- Le fait que le point à l'infini est élément neutre a été déjà vérifié plus haut. Ceci provient du fait que la droite joignant un point quelconque P au point à l'infini est la droite verticale passant par P, elle recoupe la courbe au point symétrique de P par rapport à l'axe des abscisses ; la somme de P et de 0E est le symétrique de ce point, donc P lui-même.
- La droite joignant un point quelconque P et son symétrique par rapport à l'axe des abscisses, noté –P , est une droite verticale, le Modèle:3e d'intersection avec la courbe est donc le point à l'infini (qui est son propre symétrique par rapport à l'axe des abscisses), d'où P + (–P) = 0E.
- La commutativité est évidente, car la droite joignant deux points P et Q est aussi… la droite joignant les points Q et P. Donc P + Q = Q + P.
- La seule propriété difficile à démontrer est en fait l'associativité, c'est-à-dire que, pour trois points quelconques
<math>(P + Q) + R = P + ( Q + R)</math>. On peut démontrer cette associativité directement par le calcul, à l'aide des équations données plus haut.
Une autre démonstration de l'associativité repose sur un résultat de géométrie algébrique, le théorème fondamental de Max Noether<ref>Modèle:Fulton1, Modèle:P..</ref>. Une conséquence en est le théorème des neuf points : si la courbe E intersecte deux courbes cubiques C et C' chaque fois en 9 points, et si 8 de ces points sont les mêmes pour C et C', alors le Modèle:9e d'intersection est aussi le même. L'idée de la preuve de l'associativité est alors de fabriquer les deux cubiques C et C' de manière à contrôler huit de leurs points d'intersection avec la courbe elliptique et à s'arranger pour que le Modèle:9e soit l'un des deux points (P + Q) + R ou P + (Q + R) que l'on veut comparer (ou leurs symétriques). On considère donc la droite L1 passant par les points P et Q, la droite M1 passant par les points P + Q et 0E, la droite L2 passant par les points P + Q et R, d'une part, et d'autre part, la droite M2 passant par les points Q et R, la droite L3 passant par les points Q + R et 0E et la droite M3 passant par les points Q + R et P. Le produit des équations des trois droites L1, L2, L3 définit une courbe cubique C, de même le produit des équations des trois droites M1, M2, M3 définit une courbe cubique C'. Les intersections de ces deux cubiques avec la courbe elliptique E sont 9 points, dont 8 sont communs par construction (P, Q, R, 0E, P + Q, –(P + Q), Q + R, –(Q + R)). Le Modèle:9e d'intersection de E avec C est le point –((P + Q) + R), celui de E avec C' est le point –(P + (Q + R)). D'après le théorème cité, ces points sont les mêmes, donc aussi leurs symétriques, d'où l'associativité.
Une troisième démonstration de l'associativité peut encore être donnée dans le cadre de la géométrie algébrique. Reposant cette fois sur le théorème de Riemann-Roch, elle déduit directement les propriétés de l'addition sur la courbe elliptique de celle du groupe de Picard de la courbe<ref>Modèle:Harvsp, proposition 3.4, Modèle:P..</ref>.
Points d'ordre fini
- Selon son discriminant, une courbe elliptique a un ou trois points à coordonnées réelles sur l'axe des abscisses, c'est-à-dire tels que <math>y=0</math>. En ces points, la tangente est verticale (c'est-à-dire ici parallèle à l'axe des ordonnées), son Modèle:3e d'intersection avec la courbe est le point à l'infini. Donc P + P = 2P = 0. On dit qu'un tel point est d'ordre 2. Puisque P = –P, l'ensemble formé d'un tel point et du point à l'infini forme un sous-groupe du groupe des points de la courbe ; il est cyclique d'ordre 2. Si la courbe a trois points d'ordre 2, c'est-à-dire lorsque le discriminant Δ est positif, l'ensemble de ces points forme (avec le point à l'infini) un groupe de cardinal 4, isomorphe à deux copies du groupe cyclique d'ordre 2, c'est-à-dire un groupe de Klein.
- Quant aux points d'ordre 3, ce sont ceux qui vérifient P + P + P = 3P = 0, soit 2P = –P. Autrement dit, la tangente au point P doit recouper la courbe encore une fois au même point. Ceci correspond à un point d'inflexion, où la tangente a un contact d'ordre supérieur à 2 avec la courbe.
- Plus généralement, les points à coordonnées réelles d'ordre n (c'est-à-dire tels que P + P + … + P = nP = 0) forment un sous-groupe cyclique d'ordre n ou est isomorphe à deux copies du groupe cyclique d'ordre nModèle:Référence souhaitée.
Courbes elliptiques sur le corps des nombres complexes
L'équation d'une courbe elliptique sur le corps des complexes peut aussi être mise sous la forme de Weierstrass. Il est d'usage d'adopter ici la normalisation Modèle:Retrait où <math>g_2</math> et <math>g_3</math> sont des nombres complexes.
Un résultat déterminant est qu'une courbe elliptique définie sur ℂ admet un paramétrage par des fonctions méromorphes, les fonctions elliptiques de Weierstrass. Plus précisément, il existe un réseau L tel que Modèle:Retrait où Modèle:Retrait Lorsque le nombre complexe Modèle:Math parcourt ℂ\L, le point de coordonnées Modèle:Math parcourt la courbe elliptique.
Les coefficients g2 et g3 de la courbe sont donnés par les valeurs de deux séries convergentes associées traditionnellement à un réseau L, les séries d'Eisenstein de poids 2 et 3 :
La situation est donc analogue à celle du paramétrage des points d'un cercle par les fonctions Modèle:Math et Modèle:Math. Dans le cas du cercle, d'équation y2 = 1 – x2, les fonctions qui le paramètrent sont périodiques de période Modèle:Math. Dans le cas d'une courbe elliptique, les fonctions de Weierstrass ont pour périodes indépendantes les deux nombres générateurs du réseau L.
On a plus précisément :
Autrement dit, la courbe elliptique est isomorphe à un tore complexe (on doit se rappeler que la « droite » complexe, de dimension 1 comme courbe définie sur ℂ, est ℂ lui-même, c'est-à-dire le « plan » complexe, ainsi appelé communément parce qu'il est dimension 2 sur le corps des réels). Autrement dit, il s'agit d'une surface de Riemann de genre 1, qu'on peut visualiser comme un pneu à un trou.
La forme différentielle <math>{\rm d}x/y</math> est holomorphe et non nulle en tout point de la courbe ; elle correspond à la forme <math>{\rm d}\wp(z)/\wp'(z) = {\rm d}z</math> sur le tore ℂ/L.
Soit deux chemins Modèle:Math et Modèle:Math formant une base de l'homologie de la courbe, par exemple les chemins bleu et rouge ci-contre, alors
Modèle:Retrait,</math>
alors l'expression <math>\sum{a(n) q^n}</math>, avec <math>q = e^{2{\rm i}\pi z}</math>, définit une forme modulaire (parabolique, nouvelle) de poids 2 et de niveau N. Pour les nombres premiers <math>l</math> ne divisant pas N, le coefficient <math>a(l)</math> de la forme vaut <math>l</math> moins le nombre de solutions de l'équation minimale de la courbe réduite modulo <math>l</math>.
Par exemple<ref name="D. Zagier 1111">Pour les calculs, voir par exemple Modèle:Ouvrage.</ref>, à la courbe elliptique <math>y^2 + y = x^3 - x</math>, de discriminant (et de conducteur) 37, est associée la forme <math>f(z) = q - 2q^2 - 3q^3 + 2q^4 - 2q^5 + 6q^6 + \cdots</math>, avec <math>q = \exp(2i\pi z)</math>. Pour les nombres premiers <math>l</math> distincts de 37, on peut vérifier la propriété sur les coefficients. Ainsi pour <math>l = 3</math>, les solutions de l'équation modulo 3 sont (0, 0), (0, 1), (0, 2), (1, 0), (1, 1), (1, 2), et on a donc bien <math>a(3) = 3 - 6 = -3</math>.
La conjecture qui date du milieu des années 1950 a été finalement démontrée complètement en 1999, à partir des idées d'Andrew Wiles, qui l'avait déjà prouvée en 1994 pour une large famille de courbes elliptiques<ref>Une présentation synthétique en français des principales idées de la preuve se trouve dans : Jean-Pierre Serre, Travaux de Wiles (et Taylor, etc.), partie I, dans Séminaire Bourbaki 37 (1994-1995), Exp. No. 803. Pour plus de détails, voir Modèle:Hellegouarch1.</ref>.
Il existe plusieurs formulations de cette conjecture ; prouver leur équivalence n'était pas facile et a fait l'objet de travaux importants dans la seconde moitié du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle. Ainsi, la modularité d'une courbe elliptique E de conducteur N s'exprime aussi par le fait qu'il existe un morphisme non constant, défini sur ℚ, de la courbe modulaire <math>X_0(N)</math> dans <math>E</math>. En particulier, les points de la courbe peuvent être paramétrés par des fonctions modulaires.
Par exemple, un paramétrage modulaire de la courbe elliptique <math>y^2 + y = x^3 - x</math> est donné par<ref name="D. Zagier 1111" /> Modèle:Retrait avec comme toujours <math>q = \exp(2i\pi z).</math> Les fonctions <math>x(z)</math> et <math>y(z)</math> sont ici modulaires de poids 0 et de niveau 37 ; autrement dit, elles sont méromorphes, définies sur le demi-plan supérieur <math>\Im(z)>0</math> et telles que <math>x({az + b \over cz + d}) = x(z)</math> — et de même pour <math>y(z)</math> — pour tous les entiers <math>a, b, c, d</math>, avec <math>ad - bc = 1</math> et <math>37|c</math>.
Une autre formulation repose sur la comparaison de représentations galoisiennes attachées d'une part aux courbes elliptiques, d'autre part à des formes modulaires, c'est cette dernière formulation qui a été utilisée dans la preuve de la conjecture. La gestion précise du niveau des formes (et leur lien au conducteur de la courbe) est particulièrement délicate.
L'application la plus spectaculaire de la conjecture est la preuve du dernier théorème de Fermat : Modèle:Démonstration
La preuve de ce lien entre les deux énoncés, sur une idée de G. Frey de 1985, est difficile et technique, elle n'a été établie par Kenneth Ribet qu'en 1987<ref>Voir l'exposé de K. Ribet à l'occasion de la remise du Prix Fermat, {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} « From the Taniyama-Shimura conjecture to Fermat's Last Theorem », dans Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse, 11 (1990), Modèle:P..</ref>.
Points entiers
Modèle:Article détaillé On s'intéresse ici aux points P = (x, y) de la courbe E tels que x soit entier<ref>Modèle:Harvsp, chap. Modèle:Rom-maj.</ref>. Le théorème suivant est dû à Carl Siegel :
Ce théorème s'étend d'ailleurs aux points dont la coordonnée x a un dénominateur divisible seulement par des nombres premiers appartenant à un ensemble fini, fixé à l'avance.
Il existe des formes effectives de ce théorème. Par exemple<ref>Modèle:Harvsp, chap. Modèle:Rom-maj, theorem 5.8, dû à Alan Baker.</ref>, si l'équation de Weierstrass de la courbe a des coefficients entiers plus petits qu'une constante H, les coordonnées Modèle:Math d'un point de la courbe telles que Modèle:Math et Modèle:Math soient entiers vérifient
Exemple<ref>Trygve Nagell, « L'analyse indéterminée de degré supérieur », dans Mémorial des sciences mathématiques 39, Paris, Gauthier-Villars, 1929, Modèle:P..</ref> : l'équation <math>y^2 = x^3 + 17</math> a huit solutions entières avec <math>y > 0</math> : Modèle:Retrait
Généralisation aux corps de nombres
Une grande partie des résultats précédents est encore valable lorsque le corps de définition de la courbe elliptique est un corps de nombres, autrement dit une extension finie du corps des nombres rationnels. En particulier, Modèle:Théorème
Un théorème dû à Loïc Merel montre que pour un entier d donné, il n'existe qu'un nombre fini (à isomorphisme près) de groupes qui peuvent être la partie de torsion du groupe de Mordell-Weil E(K) d'une courbe elliptique E définie sur un corps de nombres K de degré d. Plus précisément<ref>Voir L. Merel, « Bornes pour la torsion des courbes elliptiques sur les corps de nombres », dans Inventiones Mathematicae 124 (1996), no 1-3, Modèle:P..</ref> :
Le théorème est effectif, par exemple, pour d > 1 ; Merel montre que si un point de torsion est d'ordre p, p étant un nombre premier, on doit avoir :
En ce qui concerne les points entiers, on a de même :
Les propriétés de la fonction L de Hasse-Weil et la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer s'étendent également aux corps de nombres.
Courbes elliptiques sur les corps finis
Soit <math>K=\mathbb F_q</math> un corps fini à Modèle:Mvar éléments et E une courbe elliptique définie sur ce corps. Un premier résultat important concerne le nombre de points de E. En comptant le point à l'infini, on a le théorème de Hasse : Modèle:Théorème
Autrement dit, l'ordre de grandeur du nombre de points de la courbe est à peu près le même que le nombre d'éléments dans le corps.
L'ensemble des points <math>E(\mathbb F_q)</math> forme un groupe abélien fini ; c'est toujours un groupe cyclique ou produit de deux groupes cycliques.
Par exemple<ref>Cet exemple est expliqué dans Modèle:Ouvrage.</ref> la courbe d'équation <math>y^2=x^3-x</math> définie sur <math>\mathbb F_{71}</math> a 72 points à coordonnées dans ce corps, formant un groupe du type ℤ/2ℤ × ℤ/36ℤ.
L'étude de cette courbe sur des extensions de <math>\mathbb F_q</math> est facilitée par l'introduction de la fonction zêta de E sur <math>\mathbb F_q</math>, définie comme cela a déjà été mentionné plus haut par la série génératrice :
où les corps <math>K_n</math> sont les extensions de <math>K=\mathbb F_q</math> de degré n (autrement dit des corps finis de cardinal <math>q^n</math>). On a alors
Modèle:Théorème.</math> De plus <math>Z \left( E/K, {1\over q}T \right)=Z(E/K, T)</math> et <math>\left( 1-aT+qT^2 \right) =(1-\alpha T) (1-\beta T)</math>, avec <math>\alpha, \beta</math> des nombres complexes de module <math>\sqrt{q}</math>.}}
Ces résultats constituent les conjectures de Weil pour les courbes elliptiques. Par exemple<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, la fonction zêta de <math>y^2+y=x^3</math> sur le corps <math>\mathbb F_2</math> à 2 éléments est <math>(1+2T^2)/(1-T)(1-2T)</math> ; la courbe a <math>2^r+1</math> points sur le corps <math>\mathbb F_{2^r}</math> si Modèle:Mvar est impair, <math>2^r+1-2(-2)^{r/2}</math> si Modèle:Mvar est pair.
Les courbes elliptiques définies sur des corps finis ont des applications en algorithmique, notamment en cryptographie et pour la factorisation d'entiers. Généralement, l'idée derrière la composition originale de ces algorithmes fut celle d'une généralisation des corps finis, plus précisément du groupe multiplicatif <math>\mathbb F_q^*</math> vers les courbes elliptiques, plus précisément leur groupe de points à coordonnées dans <math>\mathbb F_q</math>. On a adapté des algorithmes qui faisaient usage de corps finis pour qu'ils fassent usage de courbes elliptiques à leur place. L'intérêt des courbes elliptiques est la richesse qu'elles offrent pour chaque nombre Modèle:Mvar.
Multiplication complexe
Modèle:Article détaillé L'addition permet naturellement de définir la multiplication d'un point de la courbe par un nombre entier (par exemple (–3)P est égal par définition à –(P + P + P)). Mais il peut arriver que la courbe ait d'autres multiplications. Par exemple, sur la courbe d'équation affine y2 = xModèle:3 – x, définie sur le corps des rationnels, on peut aussi définir une multiplication par Modèle:Math (nombre complexe tel que Modèle:Math2 = –1), en posant Modèle:Math P (x, y) = P' (–x, Modèle:Mathy), et plus généralement on peut définir la multiplication des points par n'importe quel entier de Gauss, c'est-à-dire n'importe quel nombre complexe de la forme a + bModèle:Math, avec a et b des entiers relatifs.
Pour des courbes elliptiques définies sur des corps de caractéristique 0 (par exemple le corps des rationnels), ce sont essentiellement les deux seuls cas possibles : soit il n'y a que la multiplication par des entiers relatifs, soit il y a multiplication complexe par un ordre dans un corps quadratique imaginaire.
Quelques précisions sur le point à l'infini et les équations
Le cadre usuel pour définir et décrire les courbes elliptiques est celui de l'espace projectif sur un corps K. En dimension 2, dans le plan projectif, les points sont donnés par trois coordonnées x, y, z, en excluant le triplet (0, 0, 0) et en identifiant les points de coordonnées (x, y, z) et (λx, λy, λz), pour tout nombre λ non nul dans le corps K. Lorsque z est différent de 0, disons, on peut représenter le point (x, y, z) par (x/z, y/z, 1), et donc lui associer un point du plan affine usuel (x/z, y/z). Les points pour lesquels z est égal à 0 forment une droite « à l'infini ».
Dans ce cadre, une courbe elliptique sur le corps K est définie par une équation cubique homogène :
où les coefficients Modèle:Math appartiennent à K donné et sous la condition que la courbe ainsi définie ne soit pas singulière. Cette dernière condition s'exprime par le fait qu'un certain polynôme en les coefficients (analogue au Δ donné plus haut) ne s'annule pas.
Que se passe-t-il à l'infini, c'est-à-dire pour z = 0 ? On trouve que x = 0, donc y ne peut être nul et le seul point de la courbe à l'infini est le point (0, 1, 0) (rappelons que dans le plan projectif, (0, y, 0) et (0, 1, 0) définissent le même point). Pour z distinct de 0, on peut diviser toutes les coordonnées par zModèle:3 et l'équation devient celle dans le plan affine donnée au début de l'article.
Le point à l'infini (qui est un point d'inflexion) est mis en valeur sur la représentation ci-contre de la courbe dont l'équation affine est y2 = xModèle:3 + 1<ref>Voir aussi {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Serge Lang, The Beauty of Doing Mathematics, New York, Springer, 1985, Modèle:P..</ref>.
Notons également que des courbes du quatrième degré (quartiques) et de genre 1 existent et qu'elles possèdent également des points rationnels<ref>Modèle:Article</ref>.
Notes et références
Voir aussi
Articles connexes
- Conjecture de torsion
- Courbe cubique
- Courbe d'Edwards
- Fonction elliptique
- Théorème de Nagell-Lutz
- Cryptographie sur les courbes elliptiques
Liens externes
- Pierre Colmez, Le problème des nombres congruents Modèle:PDF
- Marc Joye, Introduction élémentaire à la théorie des courbes elliptiques Modèle:PDF
- Marc Hindry, Les courbes elliptiques racontées à mes enfants. Une conférence, aux tableaux noirs et craies colorées, filmée à l'IREM de Paris 7, le Modèle:Date-.
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} 14H52 Elliptic Curves, The Mathematical Atlas