Edmund Husserl
Edmund Husserl Modèle:MSAPI<ref>Prononciation en haut allemand standardisé retranscrite selon la norme API.</ref> (Modèle:Date - Modèle:Date) est un philosophe et logicien, autrichien de naissance, puis prussien, fondateur de la phénoménologie, qui eut une influence majeure sur l'ensemble de la philosophie du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.
Husserl a étudié les mathématiques avec Karl Weierstrass et Leo Königsberger, et la philosophie avec Franz Brentano et Carl Stumpf<ref>Cooper-Wiele, J. K., The Totalizing Act: Key to Husserl’s Early Philosophy (Dordrecht: Kluwer Academic Publishers, 1989).</ref>. Il a enseigné la philosophie comme Privatdozent à l'université Martin-Luther de Halle-Wittemberg à partir de 1887 avant de devenir professeur en 1901 à l'université de Göttingen, puis à partir de 1916 et jusqu'à sa retraite en 1928 à l'université Albert Ludwig de Fribourg. Il est demeuré actif et productif jusqu'à sa mort en 1938<ref>Kockelmans, J. K., Phenomenology and the Natural Sciences: Essays and Translations (Evanston: Northwestern University Press, 1970), p. 3.</ref>. Ses archives sont conservées à l'Institut supérieur de philosophie de l'université catholique de Louvain.
Dans ses premiers travaux, il essaye de combiner les mathématiques, la psychologie et la philosophie de façon à fonder les mathématiques. Il analyse le processus psychologique nécessaire au concept de nombre et essaie sur cette base de bâtir une théorie systématique. La pensée de Karl Weierstrass lui permet de soutenir l'idée que nous générons le concept de nombre en comptant une certaine collection d'objets. Il reprend à Brentano et à Stumpf la distinction propre/impropre : l'observateur se fait une représentation propre de l'objet s'il est physiquement présent devant lui et impropre (ou symbolique) dans les cas où l'objet est représenté par des signes et des symboles. Dans sa première œuvre majeure, Recherches logiques (1900-1901), il rompt avec le psychologisme et fonde la phénoménologie comme science destinée à supplanter les sciences de la nature qu'il juge inaptes à Modèle:CitationModèle:Sfn. Deux autres œuvres majeures suivront : Idées I (1913) et Krisis (1936).
Biographie
Les premières années
Edmund Husserl est né le Modèle:Date à Proßnitz en Moravie dans l'empire d'Autriche (actuelle République tchèque). Husserl a eu trois enfants dont l'un est mort pendant la première guerre mondialeModèle:Sfn. En 1876-78, à Leipzig, Husserl étudie l'astronomie, les mathématiques, la physique et la philosophie. Son mentor est alors Thomas Masaryk, un ancien étudiant de Franz Brentano. De 1878 à 1881, il poursuit ses études à Berlin. Durant cette période il est fortement influencé par ses professeurs de mathématiques Leopold Kronecker et Karl WeierstrassModèle:Sfn. Il soutient une thèse de mathématiques portant sur le calcul des variations en Modèle:Date- à Vienne, sous la direction d'un ancien étudiant de Weierstrass, Leo Königsberger. Il retourne ensuite à Berlin où il devient l'assistant de WeierstrassModèle:Sfn. Quand ce dernier tombe malade, sur les conseils de Masaryk, Husserl retourne à Vienne étudier la philosophie avec Franz Brentano (1884-1886).
Les cours de Franz Brentano (qui fut aussi le professeur de Sigmund Freud) sur l’intentionnalité chez Thomas d’Aquin seront à l'origine de ses développements phénoménologiques ultérieurs<ref>Modèle:Article.</ref>. C'est notamment Brentano qui lui communique l'idée d'une philosophie strictement scientifiqueModèle:Sfn. D'origine juive, Husserl se convertit au protestantisme luthérien le Modèle:Date. En 1887, il est privat-docent à l'université Martin-Luther de Halle-Wittemberg. À la même époque, Franz Brentano le recommande à Carl Stumpf, professeur à l'université de Halle. Là, il prépare sa thèse d'habilitation intitulée : Sur le concept de nombreModèle:Sfn, qui sera reprise dans son ouvrage publié en 1891, sous le titre de Philosophie de l'arithmétique. Dans ce livre, il défend une thèse psychologiste, qui a pour but de clarifier le fondement des mathématiques à partir des actes psychiques<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
La maturité
En 1900-1901, il publie son premier grand ouvrage : les Recherches logiques, sur lesquelles il reviendra ultérieurement. Le tome I (Prolégomènes à la logique pure) critique la position psychologiste qu'il avait défendue dans son premier livre. Le second volume, le plus long, inclut six enquêtes d'épistémologie et de psychologie descriptive : 1) sur la relation entre expression et signification ; 2) sur les universaux ; 3) sur l'ontologie formelle des parties et du tout (méréologie) ; 4) sur les structures syntaxique et méréologique de la signification ; 5) sur la nature et les structures de l'intentionnalité et 6) sur les interrelations entre la vérité, l'intuition et la cognitionModèle:Sfn.
En 1901, il devient professeur associé à l'université de Göttingen grâce au soutien de Wilhelm DiltheyModèle:Sfn. C'est en 1905 qu'il y professe des cours qui deviendront les Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps. Ces Leçons seront publiées en 1928 par Martin Heidegger, à la demande de Husserl. En 1906, Husserl obtient le titre de professeur titulaire à Göttingen. En 1910 il fonde (et co-édite jusqu'en 1913) la revue Logos dont le premier numéro contient l'article programmatique de Husserl intitulé :La Philosophie comme science rigoureuseModèle:Sfn. En 1913 paraît son second ouvrage majeur, les Idées directrices pour une phénoménologie (connu plus couramment sous le titre : Ideen I ou Idées)Modèle:Sfn. En 1916, il succède à Heinrich Rickert à la chaire de philosophie de l'université de FribourgModèle:Sfn. En 1922, il donne quatre conférences à l'University College de Londres ; elles seront publiées plus tard dans Husserliana, vol. XXXVModèle:Sfn. En 1923, il rejette une proposition d'enseigner à l'université de BerlinModèle:Sfn.
Les dernières années
En 1928, Husserl quitte son poste de professeur, où son ancien assistant Martin Heidegger lui succèdeModèle:Sfn. En 1929, il est invité en France à donner deux conférences à la Sorbonne : elles deviendront les Méditations cartésiennes, texte synthétique qui esquisse les grandes questions de la phénoménologie transcendantale. En 1931, il donne une série de conférences sur le thème Modèle:Citation, dans lesquelles il critique à la fois Heidegger et Max Scheler.
En 1933, Eugen Fink, philosophe et ancien élève à qui l'on doit la Sixième Méditation cartésienne, devient son secrétaire particulier. La même année, Heidegger, membre du NSDAP, devient recteur de l'université de Fribourg-en-Brisgau<ref>Voir les Cahiers noirs.</ref>. Le professeur Husserl se voit interdire l'accès à la bibliothèque de l'université de Fribourg-en-Brisgau en application de la législation antisémite. En 1935-1936, il donne une série de conférences à Prague qui donneront naissance à sa dernière œuvre majeure La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, plus communément appelée la Krisis. Dans ce travail, Husserl cherche à Modèle:Citation, comme l'écrit Pierre GuenanciaModèle:Sfn. Il est radié du corps professoral en 1936.
Il meurt le Modèle:Date, alors que le nazisme menace de destruction ses manuscrits inédits. Ils furent heureusement évacués par le franciscain Herman Leo Van Breda vers l'université de Louvain, où se trouvent encore aujourd'hui les fameuses Archives Husserl<ref>Modèle:Article.</ref>. Depuis 1950, ces archives sont éditées sous le titre HusserlianaModèle:Sfn ; près de Modèle:Unité feuillets restent à dépouiller.
Perspective générale
Face au subjectivisme et à l'irrationalisme du début du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle la pensée de Edmund Husserl est, selon la plupart des commentateurs, entièrement dominée par le souci de retrouver des bases solides pour les sciences. Écartant les sciences exactes au prétexte qu'elles n'auraient rien à nous dire globalement sur le rapport de l'homme au monde, sa phénoménologie Modèle:Citation selon Jean-François Lyotard<ref name="Lyotardp15">Modèle:Harvsp.</ref>. Husserl, convaincu, comme l'écrit Pierre Thévenaz<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>, de la valeur et de l'unité de la raison (donc de la science et de la philosophie comme mathesis universalis), en entreprend une critique radicale.
Désormais toute la réflexion phénoménologique est dominée moins par la description des choses, des phénomènes qui se dévoilent, que par le problème (d'inspiration kantienne) de la « constitution », problème « transcendantal » de la constitution du sens de ce monde « réduit ». Modèle:Citation<ref name="Thévenasp10">Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>. Dans le sillon ouvert par Descartes, Husserl parle encore d'une réduction gnoséologique<ref name="Charlandp1">Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>. La réduction phénoménologique transcendantale ou Épochè, dans sa radicalité, s'affirmera plus tard dans les « Ideen I ».
Mathématicien de formation, Husserl s'intéresse d'abord à la philosophie des sciences, notamment à partir de la question des objets mathématiques. Puis, frappé par les rapports entre logique et mathématique, il en vient à étudier leur fondement commun. Toutefois, le mathématicien Gottlob Frege, le fondateur de la logique moderne et l'un des pères de la philosophie analytique, critiqua âprement la pensée de Husserl et l'accusa de psychologisme. Husserl à la manière de René Descartes, dont il revendique le projet, cherche à refonder la totalité des sciences à partir d'une expérience indubitable (ou apodictique). Modèle:Citation<ref>Introduction des Méditations cartésiennes, &2</ref>. Il veut cependant radicaliser cette expérience<ref name="ReferenceA">Méditations cartésiennes, introduction.</ref>.
Husserl tente de refonder l'ensemble des sciences et de la philosophie. Pour constituer une philosophie comme science rigoureuse, Husserl souhaite trouver un fondement absolu apodictique et une méthode d'investigation permettant d'avancer dans ses recherches. Il écrit : Modèle:Citation<ref name="ReferenceA" />.
- La radicalisation du projet cartésien
Husserl endosse l'espérance cartésienne d'une philosophie comme Modèle:Citation, et à ce titre pouvant servir d'appui aux autres sciences<ref name="aa" />,<ref group="N">Modèle:Citation-Modèle:Harvsp.</ref>. La phénoménologie cherche à résoudre la vieille question du fondement radical de toute l'entreprise de la raison philosophique. S'interdisant la facilité du recours à Dieu, le fondement ultime ne pourra être que du côté du sujet. Il s'agira de trouver une évidence absolue qui, comme ie « phénomène », porterait en elle-même sa légitimation qui se donnerait elle-même comme première et absolue et n'aurait besoin de rien d'autre pour être fondée, bref une source radicale d'« apodicticité » qui donnerait son sens à la science et à la raison en général. Pour ce faire, la méthode à mettre en œuvre consiste à ramener la connaissance à Modèle:Citation.
Les sciences modernes n'auraient pas, selon Husserl, la capacité d'interroger par elles-mêmes, leur propre fondement, l'ambition de la phénoménologie va être de procurer à leurs formations théorétiques, sens et validité, en mettant à jour leur fondement ultime<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne|.</ref>. La recherche d'un fondement indubitable passe par la suspension de notre croyance naïve et dogmatique en l'existence ou la nature ontologique du monde (attitude naturelle), et ce afin d'atteindre son mode de donation (Modèle:Langue). Ensuite, le premier principe à observer : Modèle:Citation<ref name="aa" />. En neutralisant par la méthode de la réduction, la thèse du monde, Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. La première réduction phénoménologique cherche un fondement indubitable pour la connaissance et pour ce faire, le monde naturel du sens commun est simplement mis entre parenthèses, cette opération ne doit pas être comprise comme un déni du monde ni la mise en doute de son existence<ref name="Charlandp1"/>. Mais avec la réduction phénoménologique on assiste non seulement à la suspension de tout jugement d'existence et de valeur sur les objets, mais encore à une rupture radicale avec le monde naturel et l'attitude naturelle de la connaissance<ref name="Thévenasp14"/>.
L'évolution de sa pensée
Mouvement général
À lire Pierre Thévenaz<ref name="Thévenasp10"/>, la démarche de Husserl serait Modèle:Citation. Paul Ricœur<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, traducteur des Ideen I remarque, par exemple, Modèle:Citation, contradiction que cet auteur préfère attribuer à la prise en compte successive mais sans reniement de la première position, d'un autre niveau de réflexion et d'analyse par une conscience qui oscille entre plusieurs moments de son ascèse<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Pierre Thévenas<ref name="Thévenasp21" />, parle d'un Modèle:Citation. Il ne faut pas considérer chacune de ses œuvres isolément en n'y voyant que l'application successive d'une méthode originale à des sujets divers : logique, temps, structure de la conscience, évidence, intentionnalité, crise des sciences, etc. L'histoire de cette pensée peut être schématisée par une spirale reprenant d'ouvrage en ouvrage inlassablement les mêmes thèmes pour les approfondir sans cesse<ref group="N">Modèle:Citation-Modèle:Harvsp.</ref>. Il ne faut donc pas y voir non plus, comme chez Leibniz, une suite de points de vue où s'exprimerait de façon toujours nouvelle une même intuition fondamentale<ref name="Thévenasp21">Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>. Modèle:Citation<ref name="Thévenasp21"/>. Vers 1905, Husserl passe par une crise intérieure très sérieuse qui l'amène à douter de sa propre qualité de philosophe. La pensée de Husserl comparée à celle de Descartes apparaît, si l'on suit Pierre Thévenas<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref> tel un écheveau embrouillé.
La pensée de Husserl tournerait autour de notions inlassablement reprises et approfondies tout long de ses œuvres tels : la Réduction phénoménologique, l'Intentionnalité, la Subjectivité transcendantale, le Moi transcendantal, l'Intersubjectivité, le Monde de la vie. L'évolution de cette pensée peut être grossièrement résumée à travers les moments qui suivent :
- La démarche cartésienne qui aboutit à l'ego est une première application de la méthode de la réduction
- La radicalisation de cette première réduction appliquée au cogito donne la conscience en tant qu'elle est « conscience de quelque chose » ou « intentionnalité » et non substance mondaine
- Le monde et les choses du monde deviennent de simples phénomènes vis-à-vis d'une conscience dorénavant constituante. S'interroger sur le sens de la transcendance du monde c'est s'interroger sur son mode d'être Jean-François Lyotard<ref name="Lyotardp15"/>.
- Toute donation d'objet suppose au préalable une corrélation du moi et de l'objet plus fondamentale impliquant un nouveau sens du monde
- Le Moi transcendantal comme premier aboutissement.
- La genèse du monde de la vie.
- L'intersubjectivité.
Du point de vue des œuvres
La publication à partir de 1950 des Husserliana<ref>Archives inédites d'Husserl déposée, pour les protéger du régime nazi, à Louvain en Belgique</ref> aurait permis de mieux comprendre l'évolution de sa pensée de 1900 à 1938. Le premier volume des Husserliana publié en 1950 contient notamment le texte original allemand des Méditations cartésiennes, inédit jusqu'à cette date. On peut situer l'origine du texte en 1929, lorsque, invité par l'Institut d'Études germaniques de Paris et par la Société française de philosophie, Husserl avait prononcé en Sorbonne des conférences en allemand sous le titre Introduction à la Phénoménologie transcendantale, rédigées à son retour à Fribourg, traduites en français sous le titre de Méditations cartésiennes et publiées à Paris en 1931<ref name="Thévenasp10"/>.
Le second volume de ces archives nous éclairait sur une toute autre phase de la pensée de Husserl, celle qui sépare les Logische Untersuchungen (1900) ou Recherches logiques et les Ideen I (1913). Modèle:Citation
Le troisième volume amorce la publication intégrale des Ideen dont Husserl, en 1913, n'avait livré que la première partie<ref name="Thévenasp14">Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>.
Du point de vue des thèmes
S'agissant du démarrage de la « phénoménologie », Jean-François Lyotard<ref name="Lyotardp15"/> l'attribue à la découverte de l'« intentionnalité » conduisant au refus husserlien de distinguer entre intériorité et l'extériorité (sujet face au monde). Au début du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle une analyse de la conscience relève sans conteste, de la psychologie, c'est-à-dire d'une méthode qui serait selon Husserl, impuissante à éclaircir l'objectivité absolue. Husserl innoverait en ne se demandant pas ce qui se passe dans la conscience, devant la « chose » qui nous sollicite, mais ce que « nous entendons par... », ce que nous avons dans l'esprit<ref name="Thévenasp22">Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>.
De formation scientifique, Husserl aurait été hanté par le problème du fondement des sciences depuis son premier ouvrage Philosophie der Arithmetik (1891), jusqu'à sa mort<ref name="Thévenasp21" />. Dès les premières interrogations sur les fondements des mathématiques, il se serait trouvé renvoyé à la logique, puis à l'épistémologie, et enfin à l'ontologie. Par ailleurs tout au long de sa carrière, Husserl serait demeuré convaincu de l'unité de la raison (donc de la science et de la philosophie en une espèce de « mathesis universalis »)<ref name="Thévenaz p27n">Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>. Husserl souscrirait à l'espérance cartésienne de faire de la philosophie une « science universelle », possédant des fondements absolument certains, sur laquelle les autres sciences pourront prendre appui<ref name="aa">Modèle:Harvsp.</ref>. En effet pour Husserl toute science porterait en elle Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp § 4.</ref>,<ref group="N">La fondation ci requise signifie la légitimation ultime, celle qui, de par son « évidence » indéniable clôt toute recherche ultérieure d'une justification plus satisfaisante. Modèle:Citation-Modèle:Harvsp.</ref>.
En 1913 sont publiées les Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures ou Ideen I, dont Renaud Barbaras<ref name="Barbarasp84">Modèle:Harvsp</ref> résume ainsi l'idée directrice : Modèle:Citation. Plus tard, avec les Méditations cartésiennes, correspondant à deux conférences de 1929, il se préoccupe de donner aux sciences un fondement absolu, qu'elles auraient en visée même lorsqu'elles y échouent<ref name="Thévenasp22"/>. Dans ce livre, Husserl reprendrait de façon nouvelle la démarche radicale des Méditations métaphysiques de Descartes pour fonder l'édifice de la « phénoménologie transcendantale ». Il y transparaîtrait déjà la double préoccupation de la phénoménologie : la visée d'un fondement objectif absolu ainsi que l'analyse de l'intentionnalité du savant en quête de l'objectivité absolue<ref name="Thévenasp22"/>. Jean-François Lavigne<ref>Modèle:Harvsp.</ref> qualifie Les méditations de texte fondateur à travers lequel Husserl déploie d'une manière publique et synthétique l'ensemble du programme de la « phénoménologie transcendantale ».
Dans les années 1934-1936, avec la crise de l'humanité européenne et de la philosophie, Husserl nous inviterait à reconnaître dans la raison philosophique le sens, l'unité et la « « téléologie » cachée de l'histoire européenne (thème central développé dans la Krisis).
Méthode et principes
La réduction
Modèle:Article détaillé La Modèle:Citation ou Épochè en grec (ἐποχή / epokhế) consiste, pour Husserl, à suspendre radicalement l'« approche naturelle » du monde, et à mener une lutte sans concession contre toutes les abstractions que la perception naturelle de l'objet présuppose. Elle vise à Modèle:Citation.
C'est en faisant appel à la méthode dite de la « réduction phénoménologique »̆ que Husserl dépasserait les positions objectiviste ou psychologique qui dominaient la philosophie de son temps. Le concept de réduction apparaît explicitement dans l'œuvre de Husserl autour des années 1907 dans une publication intitulée L'idée de la phénoménologie. Dans cette œuvre, Husserl parlerait encore d'une réduction gnoséologique<ref name="Charlandp1"/>. La première réduction phénoménologique a pour objet la recherche d'un fondement indubitable pour la « connaissance » et pour ce faire, le monde naturel du sens commun est simplement Modèle:Citation; cette opération n'est pas un déni du monde ni une mise en doute de son existence. Comme le fait remarquer Pierre Thévenaz<ref name="Thévenaz p27n" />, un des effets cachés de la réduction phénoménologique est de tracer une coupure non plus entre les disciplines rationnelles (philosophie et science) et la connaissance naturelle, mais entre la philosophie (transcendantale, non-mondaine) et la science rejetée du côté du monde naturel.
La constitution
« Constituer » consiste pour Husserl à donner un sens. Modèle:Citation écrit Emmanuel Housset<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Citation, écrit Emmanuel Levinas<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
L'intentionnalité
Modèle:Article détaillé Reçu de Franz Brentano<ref>Modèle:Harvsp</ref>, selon Hubert Dreyfus<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref> Modèle:Citation. Pour Emmanuel HoussetModèle:Sfn, à travers l'intentionnalité, Modèle:Citation. Bref l'intentionnalité est au cœur de la relation homme-monde.
L'intuition
Modèle:Article détaillé
Définie comme Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, l'intuition désigne chez Husserl Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. La phénoménologie confère à l'intuition une place de premier plan dans l'ordre de la connaissance, elle est à la fois l'acte par excellence de la connaissance et le phénomène par lequel la chose elle-même se donne au sujet. L'intuition, souligne Natalie Depraz<ref>Modèle:Harvsp.</ref> comme donation originaire de l'objet à la conscience devient dans la phénoménologie, la façon dont les choses apparaissent dans leur essence propre, elles ne sont pas autre chose que la totalité de leurs manifestations.
Avec l'intuition catégoriale, Husserl accepte au titre de donation originaire les formes collectives (une forêt, un défilé) et les formes disjonctives (A plus clair que B), et non plus seulement les données sensibles ; cette extension élargit considérablement le domaine de la réalité, les catégories ne sont plus des formes subjectives mais peuvent être appréhendées comme choses « étantes ».
Les grands thèmes de la phénoménologie transcendantale
L'attitude naturelle
Par attitude naturelle Husserl, désigne le point de vue qui s'exprime à travers la « thèse du monde » qui correspond à ce que l'homme en perçoit, tel qu'il le vit naturellement, formant des représentations, jugeant, sentant, voulant. Modèle:Citation. Faisant face à la conscience Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Eugen Fink<ref>Modèle:Harvsp.</ref> dans son commentaire écrit : Modèle:Citation. Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Paul Ricœur<ref name=Ricoeur>Modèle:Harvsp.</ref>, dans l'« attitude naturelle », l'illusion la plus constante de la « thèse du monde » est la « croyance » naïve à l'existence « en soi » de ce monde et que sa perception empirique directe serait a priori plus certaine que la réflexion.
La réduction phénoménologique va permettre, par la suspension de l'attitude naturelle, de saisir le monde en tant que simple phénomène
La question du temps
Modèle:Article détaillé Après les Ideen I qui en donnait une première formulation, c'est dans son livre Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps<ref>Modèle:Harvsp.</ref> que Husserl expose l'essentiel de sa compréhension de l'essence du temps. Husserl y délaisse le temps objectif pour s'intéresser au temps apparaissant à la temporalité vécue. Dans la « constitution » du temps objectif Husserl va distinguer trois niveaux qu'il fait dériver les uns des autres en vertu d'un rapport de fondation écrit Renaud Barbaras<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Comme le note Rudolf Bernet<ref>Modèle:Harvsplire en ligne.</ref>, la question relative à l'essence du temps est immédiatement détournée vers la question de son origine, elle-même axée sur Modèle:Citation, dont il se propose de comprendre les modalités de constitution. Mettre en évidence cette constitution consiste à remonter du temps immanent, apparaissant, à son mode d'apparition, c'est-à-dire aux vécus spécifiques en lesquels se constitue l'apparaître du temps<ref>Modèle:Harvsp.</ref>,<ref group="N">Renaud Barbaras qui consacre une vingtaine de pages de son livre à la conception du temps de Husserl, note Modèle:Citation-Modèle:Harvsp.</ref>. De cette approche il ressort plusieurs découvertes fondamentales à savoir :
- Modèle:Citation écrit Alexander Schnell<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
- L'analyse phénoménologique fait percevoir l'unité de la conscience qui embrasse à la fois le présent et le passé, note Gérard Granel<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Par le jeu de la rétention le « maintenant » est systématiquement accompagné de la conscience du « tout-juste-passé ».
- Husserl introduit la notion de « tempo-objet », qui ne sont pas de l'ordre du perçu mais qui ont pour fonction de manifester l'unité d'une durée (une mélodie par exemple), à partir de laquelle il va tirer sa compréhension de ce qu'il appelle la « conscience constitutive du temps »<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
La science éidétique
Modèle:Article détaillé En rupture avec les thèses issues du positivisme et de l'empirisme Husserl s'intéresse à la manière dont chaque objet se constitue dans notre regard. Le mode de constitution des essences de choses le conduit dès le début à considérer la possibilité d'une « science éidétique », note Jean-François Lyotard<ref name="Lyotardp20">Modèle:Harvsp.</ref>. Dans la pensée de Husserl, Modèle:Citation écrit Renaud Babaras<ref name="Barbarasp40"/>. La notion d'essence est à distinguer de généralités purement inductives telles que lion, chaise, étoile selon les exemples qu'en donne Emmanuel Levinas<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>.
La véritable connaissance est la connaissance des « essences », c'est-à-dire de ce qui demeure invariant dans les modifications de perspectives que l'esprit a sur les choses. En effet, tout objet a ses déterminations d'après la perspective de la conscience ; l'objet vécu ne sera donc donné en totalité que par la synthèse totale des points de vue. Ainsi, pour décrire la structure des phénomènes, encore faut-il que la conscience perçoive, par l'intuition, ces essences.
Avec la « réduction éidétique », la phénoménologie devient une science des « essences », note Emmanuel Housset<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Ce n'est plus l'expérience seule qui donne la chose même, celle-ci pense Husserl, demande la mise en œuvre de connaissances a priori qui ne sont pas seulement antérieures à l'expérience mais qui sont, comme chez Kant, indépendantes de l'expérience. Cet a priori est ancré dans ce que Husserl appelle une intuition ou, « éidétique » spécifique qui nous met en présence d'essences universelles (par exemple le coq, le nombre deux, l'objet en général), de la même façon que l'intuition sensible nous met en présence d'objets individuels (comme une chose jaune particulière, une paire d'objets particuliers)<ref group="N">Modèle:Citation-Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Citation écrit Emmanuel Housset<ref>Modèle:Harvsp</ref>. L'intuition de l'essence sera au même titre que l'intuition de l'individu conscience de quelque chose qui est donné en personne dans cette intuition<ref name="Barbarasp40"/>.
Ainsi conçue, la « science éidétique » est d'abord une Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Husserl aspire ensuite à construire une science des essences par quoi l'être des choses, et de toutes les choses, nous serait donné. Il découvre Modèle:Citation<ref name="Lyotardp20" />. Or, l'intuition de l'essence est au même titre que l'intuition de l'individu conscience de quelque chose qui est donné en personne dans cette intuition<ref name="Barbarasp40">Modèle:Harvsp.</ref>.
Jean-François Lyotard<ref>Modèle:Harvsp.</ref> résume ainsi les conclusions importantes de cette première étape : Modèle:Citation
Le tournant transcendantal
Pierre Thévenas<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref> parle à propos des trois ouvrages, Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures, Méditations cartésiennes et La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale : de Modèle:Citation. L'idée de transcendantal recouvre chez Husserl un domaine plus large que dans son sens classique. Il y a du « transcendantal » toutes les fois où il est question de l'ultime source de la connaissance à savoir : Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Citation, que la réduction a pour objet de suspendre, note Eugen Fink<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Modèle:Citation, écrit Paul Ricœur<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Renaud Barbaras<ref name="Barbarasp84"/> écrit : Modèle:Citation. Avec la « subjectivité transcendantale, on dépasse le traditionnel problème de la transcendance, c'est-à-dire du lien entre la conscience et son objet<ref group="N">Modèle:Citation.</ref>, que Husserl qualifie de faux problème. Si problème il y a, cela viendrait d’abord de la méconnaissance de la vraie nature de la subjectivité, qui est transcendantale et non mondaine<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne</ref>. Pour lui, tout objet pensable reste selon les principes de la constitution transcendantale une formation de sens de la subjectivité pure.
Le Moi, la subjectivité transcendantale
Modèle:Article détaillé L'aboutissement du mouvement qui depuis Descartes conduit la philosophie à faire du Je et de la conscience de Soi le point de départ de toute pensée et le fondement de toute connaissance certaine, est le « Moi transcendantal » ou « subjectivité transcendantale ». Eugen Fink<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, disciple de Husserl, affirme :Modèle:Citation>.
À l'époque des Recherches logiques (1900-1901), Husserl refusait de penser le « Moi » comme quelque chose de spécifique distincte des vécus. Ceci le conduisait à réduire le « Moi » à la « totalité unifiée » des vécus qui du même coup constituaient l'unité de la conscience. Dans ces conditions cette dernière ne pouvait être rien d'autre qu'une « visée », ce qui était confirmé de plus par l'affirmation renouvelée de son caractère essentiellement intentionnel<ref name="Barbarasp107">Modèle:Harvsp.</ref>.
C'est dans les « Ideen » (1913) qu'est apparue la nécessité de les distinguer et d'assurer la première place à la relation entre chaque vécu avec le moi « pur ». En effet tout acte intentionnel : Modèle:Citation<ref name="Barbarasp107"/>. Modèle:Citation<ref name="Barbarasp108">Modèle:Harvsp.</ref>.
Revenant dans les Méditations cartésiennes<ref name="Méditationsp22">Modèle:Harvsp.</ref> (1929), sur le concept d'ego qui exprime la continuité du « moi », Husserl ne le considère plus comme un concept vide. Car, le « moi » existant, qui vit comme ceci ou cela, effectuant des actes qui ont un sens objectif nouveau, acquiert spontanément ce que Husserl appelle des habitus, c'est-à-dire des modes d'être qui peuvent devenir comme une Modèle:Citation<ref name="Barbarasp109">Modèle:Harvsp.</ref>. À la différence de Emmanuel Kant le « moi » de la réduction, « le moi transcendantal », Modèle:Citation, écrit Jean-François Lyotard<ref name="z">Modèle:Harvsp.</ref>. Husserl insiste sur le fait que le moi empirique dit Modèle:Citation, mais regardé d'un point de vue différent. La différence entre « moi empirique » et « moi transcendantal » c'est que le premier est Modèle:Citation alors que le moi « transcendantal », par la réduction, tel un « spectateur désintéressé » s'arrache au monde pour mieux le voir. Modèle:Citation écrit Emmanuel Housset<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, dans son ouvrage intitulé Husserl et l'énigme du monde.
La genèse du monde
Modèle:Article détaillé Le « monde de la vie », est une expression traduite de l'allemand Modèle:Langue, que Husserl s'approprie, plus comme une Modèle:Citation que comme un concept parfaitement constitué<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. À toutes les étapes de la pensée évolutive de Husserl, remarque Mario Charland<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>, dans son mémoire, les thématiques du « monde de la vie » comme celle de la « réduction » sont, explicitement ou implicitement, présentes. Il y a avec la Krisis<ref>Modèle:Harvsp.</ref> (1935-36, seulement publié en 1954) un renversement complet de perspective, maintenant ce n'est plus l’ego mais Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>. S'agissant du monde de la vie, de sa genèse, la question du Modèle:Citation, selon l'expression de Husserl, se pose<ref>Modèle:Harvsp §43.</ref>. Comme l'écrit Dan Zahavi<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>,Modèle:Citation. Pour un tel changement de sol, de l'ego vers le monde pré-donné de la vie, il faut que celui-ci présente un caractère plus systématique de manière que tout ce qui appartenait au monde « anté-prédicatif » atteigne la scientificité même de ce concept note Mario Charland<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>, dans son mémoire. Qu'en est-il de ce monde que nous fait découvrir l'intentionnalité et qui dépasse l'opposition de l'homme et du monde ? Pour Emmanuel Housset<ref>Modèle:Harvsp</ref> Modèle:Citation
Le « monde de la vie », dans lequel je suis moi-même incorporé, n'est pas un simple monde des choses, mais il est tout à la fois, en arrière-plan, un monde de valeurs, de biens et un monde pratique. Cette notion désigne en gros, Modèle:Citation, les phénoménologues parlent aussi de monde pré-scientifique<ref group="N">Modèle:Citation-Modèle:Harvsp.</ref>. On peut inclure dans ce concept toutes les prestations, concrètes comme abstraites, qu'un ego peut effectuer dans le cours naturel de sa vie (perception d'objet, de chose, de personne, pensée en général, jugement scientifique, hypothèse métaphysique, croyance de toutes sortes, etc.). Il contient aussi des environnements idéaux, corrélats des actes de connaissance comme les nombres qui se rencontrent dans les actes de numération.Paul Ricœur<ref name=Ricoeur />, note à ce propos que l'illusion la plus constante qui caractérise la « thèse du monde » est la croyance naïve à l'existence « en soi » de ce monde et que toute perception empirique d'objet aurait a priori un caractère d'évidence que n'aurait pas la simple réflexion<ref group="N">Modèle:Citation écrit Husserl-Modèle:Harvsp.</ref>.
Dans une note Julien Farges rapporte cette analyse : Modèle:Citation ». En résumé la Modèle:Langue signifierait selon cet auteur<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, le passage d’une vie située « dans un monde » à une vie « vivant le monde » lui-même, et qui façonne celui-ci tout autant qu’elle est façonnée par lui. Cette évolution et cette sédimentation de sens fait, dans une autre contribution de Julien Farges<ref>Modèle:Harvsp § 7/8 lire en ligne.</ref>, de la notion de Modèle:Langue Modèle:Citation.
Dans la Krisis un nombre important de paragraphes comporte cette expression de « monde de la vie » étudié sous divers angles, par exemple, vis-à-vis des sciences, dans l'œuvre de Kant, face à l'attitude naïve, de la nécessité d'une ontologie du « monde de la vie ».
L'intersubjectivité
Modèle:Article détaillé Les Méditations cartésiennes<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, nous apprennent que c'est à l'intérieur de l'Ego que se constitue tout sens d'être. Il s'ensuit que pour cet Ego, l'affirmation de l'existence d'une autre conscience constituante, à la base du phénomène de l'intersubjectivité, est contradictoire. Husserl pense arriver à lever cette contradiction Modèle:Citation<ref name="Barbarasp148">Modèle:Harvsp.</ref>. Pour définir le sens d'être du monde objectif, il s'agit d'éclairer le rapport entre intersubjectivité et objectivité. Dans l'analyse traditionnelle Modèle:Citation écrit Bernard Bouckaert<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>, dans un article de la Revue philosophique de Louvain. Une telle conception tend à confondre intersubjectivité et universalité. À l'inverse, remarque cet auteur, chez Husserl l'objectivité est qualifiée d'intersubjective, non parce qu'elle est universelle maisModèle:Citation. Cette définition n'est pas seulement sémantique, elle souligne une différence d'ordre ontologique entre le concept classique et le concept husserlien<ref name="Bouckaertp637">Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref>.
Grâce à cette conception de l'intersubjectivité Husserl détermine Modèle:Citation. Loin de se résumer à n'être qu'une question d'anthropologie phénoménologique régionale distinguant le Je du Nous, Husserl comprend l'intersubjectivité, comme une dimension essentielle du monde. Mais l'accès à ce monde commun présuppose que je peux transgresser ma propre sphère absolue pour poser la transcendance d'autrui<ref>Modèle:Harvsp.</ref>,<ref group="N">Modèle:Citation-Modèle:Harvsp.</ref>,<ref group="N">Modèle:Citation écrit-Modèle:Harvsp.</ref>. Emmanuel Housset écrit<ref name="Houssetp226">Modèle:Harvsp.</ref> Modèle:Citation.
Husserl et le raisonnement logique
Husserl, qui croit que les sciences peuvent être vues comme des systèmes de propositions interconnectées par des relations d'inférence, et cherche selon Christian Beyer à développer une Modèle:CitationModèle:Sfn, part comme John Stuart Mill de l'étude linguistique des propositions. C'est ainsi que Husserl des Recherches logiques (1900/1901) à Expérience et jugement (1939) insiste sur la différence entre la signification et l'objet. Il identifie plusieurs variétés d'expression. Par exemple des expressions ont pour rôle de nommer des propriétés propres à un objet unique. Chacune de ces expressions a une signification et désigne le même objet<ref>Burgin, M., Theory of Knowledge: Structures and Processes (Singapore: World Scientific, 2017), p. 468.</ref>. Par exemple, les expressions Modèle:Citation et Modèle:Citation ont deux significations différentes mais désignent toutes deux Napoléon Bonaparte. Certains mots n'ont pas de sens mais désignent le même objet. Il y a des noms qui n'ont pas de signification, mais ont le rôle de désigner un objet ou une personne : par exemple, les mots Aristote ou Socrate. Finalement il y a des mots qui désignent une variété d'objets. Ils sont appelés universaux et désignent un Modèle:Citation qui se réfère à une série d'objets. La façon dont nous connaissons les objets sensibles est appelée Modèle:Citation, elle se distingue des objets eux-mêmes, les noumènes.
Par contre, Husserl s'oppose tant à J. S. Mill qu'à Christoph von Sigwart et même à son propre professeur Franz Brentano sur le psychologisme, c'est-à-dire sur le fait de considérer la mathématique et la logique comme étant de nature prescriptive ou descriptive, basées essentiellement sur des fondations empiriques. Selon les tenants du psychologisme, la logique ne peut pas être une science autonome car elle est une branche de la psychologie proposant soit un art pratique et prescriptif du jugement correct<ref>Voir Carlo Ierna, Modèle:Citation étrangère, in: Filip Mattens, editor, Meaning and Language: Phenomenological Perspectives, Phaenomenologica 187 (Dordrecht/Boston/London: Springer, 2008, pp. 50 f.</ref>, soit une description factuelle du processus de la pensée humaine. Selon Husserl, l'échec des opposants au psychologisme tient à leur incapacité à distinguer entre le côté théorique fondamental de la logique et son aspect appliqué, pratique. Pour Husserl, la logique pure ne traite ni des jugements, ni des pensées, mais des lois a priori et des conditions de chaque théorie et de chaque jugement quel qu'il soit, vus comme des propositions en elles-mêmes.
La postérité
Edmund Husserl eut de nombreux étudiants renommés, qui développeront chacun une phénoménologie propre.
Martin Heidegger fut son assistant et collaborateur, alors même que son œuvre se développait essentiellement vers une phénoménologie ontologique et existentiale centrée autour de la question de l'être, tandis que celle de Husserl expose une phénoménologie transcendantale organisée autour des concepts méthodiques de réduction et d'intentionnalité qui ne se retrouvent pas tels quels chez Heidegger. Un temps proches c'est ainsi à Martin Heidegger, que fut confié la publication de l'ouvrage de Husserl : Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps. Hans-Georg Gadamer, un autre de ses élèves, rapporte que Husserl disait que, au moins dans la période de l'entre-deux-guerres, Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
En 1933, le philosophe Eugen Fink, abandonne la carrière universitaire, pour devenir son secrétaire privé jusqu'à la mort de son maître en 1938. Il a participé auprès de son maître à la rédaction des Méditations cartésiennes, et est en outre connu pour avoir animé en 1966 avec Martin Heidegger un célèbre séminaire sur Héraclite. Il est l'auteur de trois ouvrages remarquables de commentaires et de développement à partir de l'œuvre de son mentor, traduits en français : De la phénoménologie<ref>Modèle:Harvsp</ref>, la Sixième Méditation cartésienne<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et Autres rédactions des Méditations cartésiennes<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Outre Edith Stein et Roman Ingarden au nombre de ses nombreux élèves, on relève la présence d'Alfred Schütz, futur fondateur d'une « sociologie phénoménologique », en qui Husserl plaçait beaucoup d'espoirs, allant jusqu'à lui proposer de devenir son assistant<ref>Alfred Schütz, Éléments de sociologie phénoménologique, Introduction et traduction par Thierry Blin, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques Sociales, 1998, Modèle:P..</ref>.
Nombreux sont les héritiers de Husserl dans la phénoménologie française. Dès l'après guerre on peut citer Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty, ce dernier centrant ses recherches sur la corporéité et le sensible. Dans l'esprit des recherches d'Edmund Husserl, le projet de Merleau-Ponty consiste à révéler la structure du phénomène de la perception. Il montre dans une œuvre qui date de 1942 La Structure du comportement que l'idée de perception est entachée d'un certain nombre de préjugés qui masquent la vérité. Il cherchera à penser note Pascal Dupond<ref>Modèle:Harvsp lire en ligne.</ref> ce qu'il appelle un premier Modèle:Citation qui de fait précéderait toute possibilité de perception, car croire que la perception peut nous dévoiler la vérité sur l'existence et la vérité des choses en soi, c'est prendre appui sur un ensemble informulé de préjugés.
Jean-Paul Sartre, sous l'influence de Heidegger développera, de son côté, la phénoménologie dans un sens existentiel. Tous deux ont laissé des textes dont certains font désormais partie des classiques de la philosophie du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, tels que L'Être et le Néant (1943), ou la Phénoménologie de la perception (1945). On distingue aussi Paul Ricœur et Emmanuel Levinas, qui l'un et l'autre, outre leurs travaux personnels, traduiront les ouvrages de Husserl en français. Emmanuel Levinas a été influencé par les deux philosophes Husserl et Heidegger, qu'il a connu dans ses études d'avant guerre à Fribourg et dont il fait le rapprochement dans son ouvrage En découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger, il a en outre assuré la traduction en français des Méditations cartésiennes. Un certain rapprochement a pu être fait entre Maurice Merleau-Ponty et Emmanuel Levinas, tous deux, par exemple, reprochent à Husserl le caractère idéaliste et solipsiste de sa phénoménologie. Dans leur critique le sujet perd de son rôle au profit du monde. Pour Merleau-Ponty la Modèle:Citation et pour Emmanuel Levinas Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp lire ligne.</ref>. Paul Ricœur a de son côté traduit les Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures. Notons encore également les philosophes Jean-Toussaint Desanti, Jacques Derrida et Michel Henry.
Jacques Derrida, dans ses recherches, prend appui sur la pensée d'Husserl. En 1954 il rédige un mémoire pour le diplôme d'études supérieures, intitulé : Le problème de la genèse dans la philosophie de Husserl, en 1959, il prononce une conférence : « “Genèse et structure” et la phénoménologie », qui sera reprise dans L'écriture et la différence, après d'autres travaux, paraît en 1967, La voix et le phénomène qui est consacré au problème du signe dans la phénoménologie de Husserl.
Le conflit phénoménologique entre Husserl et Heidegger a influencé le développement d'une phénoménologie existentielle et de l'existentialisme : en France, avec les travaux de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir ; en Allemagne avec la phénoménologie de Munich (Johannes Daubert, Adolf Reinach) et Alfred Schütz ; en Allemagne et aux États-Unis avec la phénoménologie herméneutique de Hans-Georg Gadamer et de Paul Ricœur.
C'est en opposition avec Husserl, que les idées du logicien Rudolf Carnap se sont développées<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
On peut noter que Karol Józef Wojtyła qui devint Pape sous le nom de Jean-Paul II enseigna à ses étudiants, en tant qu'évêque auxiliaire, Thomas d'Aquin, Heidegger et Husserl. Il tente de concilier dans sa réflexion, mais aussi dans les articles qu'il publie, la philosophie de saint Thomas avec la phénoménologie. Il considère que la phénoménologie propose des outils mais qu'il lui manque une vision générale du monde propre au thomisme<ref group="N">Modèle:P. de Mieczyslaw Malinski, Mon ami Karol Wojtyla, Éditions Le Centurion, 1980 Modèle:ISBN.</ref>.
La phénoménologie, sous la forme développée par Edmund Husserl, trouve aujourd'hui une application pragmatique essentielle. En psychologie clinique et en psychiatrie, elle propose une rencontre de l'autre assez originale qui dépasse l'approche sémiologique classique. Elle propose une dialectique entre le clinicien examinateur du symptôme, et le patient soumis passivement à cette investigation dont il devient objet. À cette place donnée à la rencontre vécue, proposée par la phénoménologie, chacun retrouve sa place de sujet et de sujet humain, comme prérequis à une exploration partagée du fait réel, inter-subjective. Si l'approche phénoménologique n'est pas étrangère à de très nombreux auteurs (Sandor Ferenczi ou Jacques Lacan, pour ne citer qu'eux), certains la reprennent plus précisément et tentent de décrire sa spécificité. Arthur Tatossian (1929 - 1995), psychiatre français, reste une référence internationale toujours actuelle pour ses apports majeurs à la psychiatrie phénoménologique<ref>Arthur Tatossian, "La phénomènologie des psychoses". Le Cercle herméneutique, Modèle:1er janvier 2002</ref>,<ref>Arthur Tatossian, "Psychiatrie phénomènologique". Acanthe Lundbeck. Juin 1997.</ref>.
Jean-François Revel cite Tran Duc Thao, vietnamien, normalien reçu 1er à l'agrégation de philosophie, et qui avait publié un mémoire d'études supérieures sur Husserl en 1943, version remaniée en 1951, intitulée Phénoménologie et matérialisme dialectique.
Références
Notes
Liens externes
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Bibliographie
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- François de Gandt, Husserl et Galilée. Sur la crise des sciences européennes, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 2004.
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Articles connexes
Ouvrages
- Logische Untersuchungen, Bd. I: Prolegomena zur reinen Logik, Niemeyer. (Recherches logiques)
- Logische Untersuchungen, Bd. II/1: Untersuchungen zur Phänomenologie und Theorie der Erkenntnis, Niemeyer.
- Logische Untersuchungen, Bd. II/2: Elemente einer phänomenologischen Aufklärung der Erkenntnis, Niemeyer.
- Formale und transzendentale Logik. Versuch einer Kritik der logischen Vernunft, Niemeyer. (Logique formelle et logique transcendantale)
- Erfahrung und Urteil, Meiner. (Expérience et Jugement)
- Husserliana, volume I: Cartesianische Meditationen und Pariser Vorträge (Méditations cartésiennes).
- Hua II: Die Idee der Phänomenologie.
- Hua III: Ideen zu einer reinen Phänomenologie und phänomenologischen Philosophie, 1. Buch: Allgemeine Einführung in die reine Phänomenologie. Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures
- Hua IV: Ideen zu einer reinen Phänomenologie und phänomenologischen Philosophie, 2. Buch: Phänomenologische Untersuchungen zur Konstitution.
- Hua V: Ideen zu einer reinen Phänomenologie und phänomenologischen Philosophie, 3. Buch: Die Phänomenologie und die Fundamente der Wissenschaften.
- Hua VI: Die Krisis der europäischen Wissenschaften und die transzentale Phänomenologie: Eine Einleitung in die phänomenologische Philosophie (La Crise des sciences européennes)
- Hua VII: Erste Philosophie (1923-1924), 1. Teil : Kritische Ideengeschichte. (Philosophie première)
- Hua VIII: Erste Philosophie (1923-1924), 2. Teil : Theorie der phänomenologischen Reduktion.
- Hua IX: Phänomenologische Psychologie.
- Hua X: Zur Phänomenologie des inneren Zeitbewußtseins (1893-1917).
- Hua XI: Analysen zur passiven Synthesis, aus Vorlesungs- und Forschungsmanuskripten 1918-1926.
- Hua XII: Philosophie der Arithmetik.
- Hua XIII: Zur Phänomenologie der Intersubjektivität. Texte aus dem Nachlaß, 1. Teil : 1905-1920.
- Hua XIV: Zur Phänomenologie der Intersubjektivität. Texte aus dem Nachlaß, 2. Teil : 1921-1928.
- Hua XXII: Aufsätze und Rezensionen (1890-1910).
- Hua XXIII: Phantasie, Bildbewußtsein, Erinnerung. Zur Phänomenologie der anschaulichen Vergegenwärtigungen. Texte aus dem Nachlaß (1898–1925).
- Hua XXIV: Einleitung in die Logik und Erkenntnistheorie. Vorlesungen 1906-1907.
- Hua XXV: Aufsätze und Vorträge (1911-1921).
- Hua XXVI: Vorlesungen über Bedeutungslehre Sommersemester 1908.
- Hua XXVII: Aufsätze und Vorträge (1922-1937).
- Hua XXVIII: Vorlesungen über Ethik und Wertlehre 1908-1914.
- Hua XXX: Logik und allgemeine Wissenschaftstheorie. Vorlesungen 1917/1918 mit ergänzenden Texten aus der ersten Fassung 1910/1911.
Disponibles en français
Informations données à titre indicatif, car la plupart des œuvres de Husserl sont aujourd'hui traduites et publiées en français. Nous indiquons ici les œuvres les plus célèbres.
- Philosophie de l'Arithmétique, traduction Jacques English, Paris, PUF, Epimethée, 1972
- Recherches logiques, traduction Hubert Elie, 4 tomes, Presses universitaires de France, collection Epimethée, 2002
- La philosophie comme science rigoureuse, traduction Q. Lauer, Paris, PUF, Epimethée, 1954
- La phénoménologie et les fondements des sciences, présentation et traduction de Marie-Hélène Desmeules et de Julien Farges, 320 p., Presses universitaires de France, 1993, Modèle:ISBN
- Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, Presses universitaires de France, 1996, Modèle:ISBN
- L'idée de la phénoménologie, Paris, PUF, 1992, Modèle:ISBN
- Idées directrices pour une phénoménologie pure et une philosophie phénoménologique (Ideen I), traduction Paul Ricœur, Gallimard / nouvelle traduction : Jean-François Lavigne, Gallimard, Bibliothèque de philosophie, 2018 • Modèle:ISBN.
- Méditations cartésiennes, traduction Emmanuel Levinas, Librairie philosophique J. Vrin, 1947, édition de poche en 1992, Modèle:ISBN
- La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, Gallimard-Tél
- L'origine de la géométrie, traduction et introduction Jacques Derrida, Paris, PUF, Epimethée, 1962
- La Terre ne se meut pas. Renversement de la doctrine copernicienne dans l'interprétation habituelle du monde, Paris, éditions de Minuit, coll. Philosophie, 1989. Texte écrit en trois jours, du 7 au Modèle:Date-.