Front homosexuel d'action révolutionnaire

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Modèle:Infobox Organisation2

Le Front homosexuel d'action révolutionnaire (F.H.A.R. ou FHAR) est un mouvement parisien et autonome, fondé en 1971, issu d'un rapprochement entre des féministes lesbiennes et des activistes gays.

Le FHAR est connu pour avoir donné une visibilité radicale au combat gay et lesbien dans les années 1970 dans le sillage des soulèvements étudiants et prolétaires de 1968, qui ne laissèrent que peu de place à la libération des femmes et des homosexuels. En rupture avec les anciens groupes homosexuels moins virulents, voire conservateurs, il revendiqua la subversion de l'État « bourgeois et hétéropatriarcal », ainsi que le renversement des valeurs jugées machistes et homophobes des milieux de gauche et d'extrême gauche.

L'aspect outrageant pour les autorités des rencontres sexuelles (masculines) qui s'y déroulaient, et la prédominance numérique des hommes qui augmentait de plus en plus (ce qui occultait inévitablement petit à petit les questions féministes et les voix des lesbiennes) ont fini par amener à la scission du groupe. Sont alors apparus les Groupes de libération homosexuelle et les Gouines rouges au sein du Mouvement de libération des femmes.

Naissance et débuts

Fichier:Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire tract 1971.jpeg
Un tract du FHAR de 1971.
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La déclaration du FHAR dans le journal Tout !.
Fichier:Jean-Paul Sartre FP.JPG
Jean-Paul Sartre, poursuivi pour avoir publié une déclaration du FHAR dans le journal Tout !.

Bases

En mai 1968, deux « camarades », qui signent au nom d'un « Comité d'action pédérastique révolutionnaire », placardent huit exemplaires sur les murs de la Sorbonne. Six des huit affiches sont arrachées pendant la nuit et les deux autres dans la semaine. Dans le même temps, un millier de tracts sont distribués à l'Odéon et dans les « tasses » de Paris<ref name=":0">Modèle:Ouvrage</ref>.

Le 28 juin 1969, les émeutes de Stonewall à New York sont le point de départ de la lutte politique contre l'homophobie. Les homosexuel(le)s, soutenu par le mouvement Women's Liberation, créent le Gay Liberation Front (GLF)<ref name=":0" />.

En septembre 1970, à la suite de la parution d'un numéro de Partisans consacré à la libération des femmes, un groupe de lesbiennes décident de s'organiser<ref name=":0" />.
À l'intérieur d'Arcadie, des femmes s'étaient regroupées pour discuter de féminisme. Françoise d'Eaubonne, un soir d'hiver 1970, provoque André Baudry : « Vous dites que la société doit intégrer les homosexuels, moi je dis que les homosexuels doivent désintégrer la société ». Elle est exclue et plusieurs femmes décident de la suivre. Elles contactent le Mouvement de libération des femmes (MLF) pour s'organiser en tant que lesbiennes et invitent les hommes à leurs réunions<ref name=":1">Modèle:Ouvrage</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Guy Hocquenghem raconte : « J'ai débarqué dans une petite chambre où il y avait une trentaine de personnes (...). Tout le monde racontait sa vie, ses rêves, ses désirs, avec qui, comment et pourquoi il couchait. Et comment il le vivait (...). Certains avaient été aux États-Unis et avaient vu ce qu'était le Gay Liberation Front. Ils rêvaient un peu de faire la même chose en France »<ref name=":1" />,<ref name=":2">Le Nouvel Observateur, 10 janvier 1972</ref>.

1971

Le 18 février 1971Modèle:Refnec, des hommes homosexuels rejoignent le groupe. Selon Serge July, Christian Hennion est l'un des fondateurs du FHAR auquel il a participé activement<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Le 5 mars 1971, le groupe, qui n'a pas encore de nom, se constitue en « commando saucisson » afin d'aller saboter, avec le MLF le meeting du professeur Jérôme Lejeune<ref name=":1" /> (présidé par la secrétaire d'État à la Santé Marie-Madeleine Dienesch) « Laissez-les vivre » contre l'avortement (à la Mutualité)<ref name=":0" />,<ref>Le mouvement homosexuel français face aux stratégies identitaires par Yves Roussel.</ref>,<ref name=prox/>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Le 10 mars, salle Pleyel, des membres du MLF et des homosexuel(le)s perturbent l'émission publique de Menie Grégoire<ref name="prox">Pro-choix, la revue du droit de choisir, automne 2002 [1]</ref> consacrée à « l'homosexualité, ce douloureux problème ». L'estrade est occupée ; les précédents intervenants s'enfuient sous les invectives « à bas les hétéro-flics » et « les travelos avec nous »<ref name=":0" />.
L'émission était diffusée sur Radio Luxembourg<ref>Retranscription de l'émission et témoignages de Françoise d'Eaubonne et Marie-Jo Bonnet.</ref>. Les experts invités comptaient un prêtre catholique, un psychanalyste et même des artistes (les Frères Jacques)<ref name="MV">Modèle:Article.</ref>.
Le lendemain, France-Soir relate : « ... alors que vers 15 h 35 un prêtre, le curé Guinchat, déclarait au micro : J'accueille beaucoup d'homosexuels qui viennent me parler de leurs souffrance, un brouhaha incroyable couvrit ses paroles, ponctuées de slogans repris en chœur : Ce n'est pas vrai, on ne souffre pas, Liberté sexuelle, À bas l'homosexualité de papa, Les travestis avec nous »<ref name=":1" />.

Ce jour-là, le « Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire » se donne un nom<ref name=":0" />,<ref name=":1" />. Cependant, le sigle FHAR est déposé officiellement comme celui d'une association de recherches et d'étude avec l'intitulé « Front Humanitaire anti-raciste »<ref name=":1" /> (ou « Fédération humaniste anti-raciste »<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>).

Le FHAR envoie un communiqué : « Les homosexuels en ont marre d'être un douloureux problème. Ils veulent faire éclater la famille patriarcale, base de cette société préoccupée de thérapeutique. Toubib, soigne-toi toi-même »<ref name=":1" />.

Des groupes de travail et de réflexion sont constitués ; des tracts sont distribués dans les discothèques homosexuelles ; des réunions sont tenues aux Beaux-arts<ref name=":0" />.

À l'époque, la droite considère l'homosexualité comme une perversion et, à gauche, le PS préfère la réduire à la sphère privée, le PSU, bien que plus ouvert aux homosexuels, ne partage pas le projet révolutionnaire du FHAR. Ce dernier se tourne donc logiquement vers l'extrême gauche<ref name="MV"/>.

En avril 1971, Hocquenghem, qui militait à Vive la révolution (VLR), propose : « Faisons une série de textes pour raconter ce que nous avons vécu. Je travaille à un journal gauchiste qui s'appelle Tout, ce sont des types assez ouverts, je les connais bien, je pense qu'ils accepteraient de les publier»<ref name=":2" />. Lui-même, Françoise d'Eaubonne, Pierre Hahn et d'autres les rédigent<ref name=":1" />.
Ce journal dépendait du groupe d'extrême gauche (maoïste) Vive la révolution (VLR). Le FHAR revendique la liberté sexuelle pour tous et recommande aux homosexuels de sortir du Modèle:Citation dans lequel la société les parque. Suivant l'exemple du Gay Liberation Front américain, il prône la fierté gay (gay pride)<ref name="MV"/>.
Une déclaration fait référence au Manifeste des 343 (5 avril) : Modèle:Citation bloc Le 23 avril, sort le numéro 12 consacré à la « Libre disposition de notre corps » (avortement et contraception libres et gratuits, droit à l'homosexualité et à toutes les sexualités, droit des mineurs à la liberté du désir et à son accomplissement). Des bandes dessinées et les quatre pages centrales sont consacrées à l'homosexualité<ref name=":1" />. Le numéro était coordonné par Guy Hocquenghem et le directeur de publication était Jean-Paul Sartre<ref>Mai 68 et le Front homosexuel d'action révolutionnaire, revue Les Utopiques, 13 décembre 2018, [2].</ref>.

Ce numéro bénéficie d'une large diffusion<ref name=":0" />. Il fait scandale au lycée Buffon<ref name=":1" />.

Le maire de Tours, Jean Royer (qualifié plus tard de « père-la-pudeur » par la presse locale<ref>« Jean Royer, "père-la-pudeur" et maire bâtisseur de Tours », lanouvellerepublique.fr, 26 mars 2011.</ref>) lance une campagne contre « l'apologie des déviations homosexuelles dans Tout » afin de préserver « la morale naturelle (...), le respect dû aux parents, à la famille, à la propriété, aux rapports de commandements (...) »<ref name=":1" />.

Le numéro est saisi par la police (Modèle:Unité dans les kiosques<ref name="MV"/>).
À Grenoble, un membre du FHAR, vendant le journal à la criée, est arrêté par la policeModèle:Refnec.
Le directeur de publication, Jean-Paul Sartre, est inculpé. Il l'avait d'ailleurs souhaité afin de pouvoir plaider en faveur de la liberté d'expression<ref name=":1" />.
En juillet 1971, une décision du Conseil constitutionnel déclarant inconstitutionnelles les atteintes à la liberté d'expression fera cesser les poursuitesModèle:Refnec.

À l'extrême-gauche, le numéro ne fait pas l'unanimité :

  • Des membres de l'aile ouvriériste de VLR refusent de distribuer ce numéro devant les usines.
  • La librairie gauchiste Norman-Bethune refuse de le présenter dans ses étalages.
  • Un lecteur écrit au journal (publié dans le Modèle:N° de juin 1971) : Modèle:Citation.

Le Modèle:Date-, pour la première fois en Europe, des homosexuel(le)s participent au défilé, sous la banderole du FHAR, entre le MLF et les CAL. Des membres du FHAR filment le défilé<ref name=":0" />. Leur banderole annonce « À bas la dictature des normaux ! ». Des hommes travestis en femmes avec un maquillage criard changent les codes des manifestations politiques<ref name="MV"/>.
En mai, des débats s'organisent, pendant plus d'une semaine, à la faculté de Vincennes (section philosophie), et à Censier sur la sexualité, la famille, etc.<ref name=":0" />.

À la suite du numéro du journal Tout ! et de la manifestation du Modèle:1er mai, le FHAR prend de l'importance. Cette croissance trop rapide amène de nombreux problèmes. Des comités de quartiers sont créés. Une commission est chargée de répondre au courrier reçu de province.

Dans plusieurs villes, des antennes du FHAR s'organisent, dont Marseille où des actions sont menées<ref name=":0" />.

Le 21 juin 1971, le FHAR participe à la « Fête des mères » du MLF à la pelouse de Reuilly. En soirée, une délégation (une centaine de personnes) se rend à Tours pour la journée anti-censure, et faire la fête. Affiches et inscriptions vont rester plusieurs jours sur le campus universitaire. Il y a trois arrestations<ref name=":0" />.

Le 27 juin, à Paris, une petite manifestation (chants et vente de journaux) est organisée au jardin des Tuileries pour le second anniversaire du GLF américain. La police intervient et interpelle quatre participants<ref name=":0" />.

En juillet 1971, le FHAR participe à la dernière fête des Halles.

En 1971, le FHAR, dénonçant l'hétérosexisme et la médicalisation de l'homosexualité, perturbe aussi un congrès international de sexologie à Sanremo.

Le manifeste Rapport contre la normalité est publié en 1971 (une réédition sera faite en 1976).

1972

À l'extrême-gauche, la reconnaissance n'est pas acquise :

Par ailleurs, Jacques Duclos, répondant à un militant du FHAR lors d'un meeting à la maison de la Mutualité qui lui demandait si son parti a Modèle:Citation répond : Modèle:Citation<ref>Pierre Albertini, « Communisme », Dictionnaire de l'homophobie, PUF, 2003.</ref>.

Dissensions et controverses

Devant le nombre croissant d'hommes développant leurs propres centres d'intérêt, les femmes du FHAR font scission et forment le groupe des Gouines rouges<ref name="MV"/>, pour lutter davantage contre le sexisme et la phallocratie.

D'autres groupes se singularisent :

  • les Gazolines,
  • les journaux Fléau social (par le Groupe 5 du FHAR en mai 1972, se réclamant de l'Internationale situationniste et finissant par quitter la lutte politique<ref name="MV"/>),
  • Antinorm<ref>Extraits d’Antinorm</ref> (par le Groupe 11 du FAHR, continuant à prôner le rapprochement avec des partis d'extrême gauche<ref name="MV"/>).

Bien que tous ces groupes se reconnaissent dans les slogans du FHAR (« Prolétaires de tous les pays, caressez-vous ! », « Lesbiennes et pédés, arrêtons de raser les murs ! ») et la lutte contre les « hétéro-flics »<ref>Article dans Gulliver Modèle:N°, 1972.</ref> », ils s'éloignent les uns des autres.

En juillet 1972, face à la stratégie de provocation des travestis du groupe Gazolines (qui éloigne le mouvement des ouvriers), Guy Hocquenghem, défenseur d'un militantisme politique plus traditionnel, quitte ces Modèle:Citation. Dans la revue Partisans, il écrit : Modèle:Citation<ref name="MV"/>.

En 1973, est publié un numéro spécial de la revue Recherches dirigée par Félix Guattari<ref>Le numéro est aujourd'hui disponible en version numérique sur le site CriticalSecret, mais expurgé du chapitre sur la pédophilie. Sur ce dernier point, lire Stéphane Nadaud, « Mais où est donc passé le chapitre Modèle:IV de Trois milliards de pervers ? », Lignes, Modèle:N°, mars 2003.</ref>.

Relations avec les mineurs

Dans un contexte où les rapports homosexuels avec des mineurs - de moins de Modèle:Nombre (jusqu'en 1974) puis de moins de Modèle:Nombre (jusqu'en 1982) - sont férocement réprimés, le FHAR s'oppose à la répression des rapports entre majeurs et mineurs. Comme l'écrivent les chercheurs Jean Bérard et Nicolas Sallée : « En France, un Front de libération de la jeunesse est créé au sein du FHAR. Discutant de l’âge de la majorité sexuelle, il adopte comme slogan de manifestation : les mineurs ont envie de se faire baiser »<ref>Modèle:Article</ref>.

Les rédacteurs de la revue Lundi matin rappellent quant à eux qu'Modèle:Citation.

Ces positions favorables au droit à la sexualité des mineurs créent des tensions avec d'autres militants et intellectuels, et notamment avec le sexologue Gérard Zwang. En 1975, des militants et sympathisants du FHAR empêchent la Société française de sexologie clinique, créée par Zwang, de siéger à l'université de Vincennes<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Déclin et fin

Des membres du groupe commencent à le quitter : Daniel Guérin à cause des outrances des Gazolines lors de l'enterrement de Pierre Overney, un militant maoïste tué par un vigile en 1972, mais aussi Françoise d'Eaubonne qui n'y voit plus qu'un lieu de dragueModèle:Refnec.

La police interdit les réunions à l'École des beaux-arts en février 1974Modèle:Refnec. Le FHAR abandonne ses actions spectaculaires et disparaît ce mois-là<ref name="MV"/>.

Postérité

Le FHAR a cependant des héritiers, comme les Groupes de libération homosexuelle (GLH) à Paris et en province (dont le GLH-PQ (Politique et Quotidien)), voire les groupes Sexpol.
Ses revendications, bien différentes de l'appel à la tolérance sociale et à la discrétion des homosexuels du mouvement national Arcadie, se retrouvent à travers les associations homosexuelles des années 1970, comme les Universités d’été euroméditerranéennes des homosexualités et le Comité d'urgence anti-répression homosexuelle en 1979, ou sur les pages du magazine Le Gai Pied.

En 1977, le PCF créé une commission homosexualité au sein du Comité d’études et de recherche marxistes (CERM) et la LCR une commission nationale sur l'homosexualité (CNH).
La question des mœurs reste rigide. En 2011, dans le magazine Manière de voir, Benoît Bréville note que cela se lit dans un contexte où Modèle:Citation<ref name="MV"/>.

La radicalité du mouvement, très politisé à gauche, a été reprise par le mouvement LGBT des années 1990, inspirant en partie le courant queer aux États-Unis et en France<ref>Le Zoo, Q comme queer, Lille, GKC, 1998.</ref>.

Annexes

Bibliographie

Provenant du FHAR

Sur le FHAR

Filmographie

Articles connexes

Liens externes

Liens francophones : Modèle:...

Liens anglophones :

Notes et références

Modèle:Références

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