Méthode hypercritique
Modèle:Redirect confusion La méthode hypercritique est une méthode d'argumentation consistant en la critique systématique ou excessivement minutieuse des moindres détails d'une affirmation ou de ses sources<ref>Modèle:Lien Web</ref>. Elle se distingue de la pensée critique qui est une utilisation de la raison ayant pour finalité d'affiner et de préciser les affirmations sans chercher par principe à les discréditer.
Le champ d'application est vaste, mais les domaines polémiques comme les technologies et les idéologies en débat, l'intégrisme, le créationnisme, les nationalismes, les crimes historiques ou le négationnisme, sont particulièrement investis par les utilisateurs de la méthode hypercritique<ref>André Jacob, En quête d'une philosophie pratique: De la morale à l'éthico-politique, L'Harmattan, 2007, 395 p. Modèle:Isbn p. 357.</ref>. Par exemple, Pierre-André Taguieff, analysant le complotisme contemporain, relève la « tentation du relativisme radical, impliquant le règne du doute sans limites »<ref>Pierre-André Taguieff, Court traité de complotologie, Fayard, 2013, 440 p. Modèle:Isbn Modèle:Epub emplacements 4334 et suiv. sur 9455.</ref>.
Principe
Cette méthode revient généralement à une analyse suspicieuse et à charge de détails parfois insignifiants ou connexes à un sujet, ou de menues erreurs de citation, de date ou cartographiques, afin de disqualifier en bloc une thèse en la passant au crible, ou en faisant subir ce sort à ses sources<ref>François Bédarida, « les responsabilités de l'historien "expert" », dans Jean Boutier, Dominique Julia, Passés recomposés. Champs et chantiers de l'histoire, Autrement, Modèle:N°, janvier 1995, 349 p. Modèle:ISBN, Modèle:P. ; voir également l'exemple des procédés hypercritiques de la thèse d'Henri Roques sur Kurt Gerstein, analysés par Pierre Bridonneau, Oui, il faut parler des négationnistes : Roques, Faurisson, Garaudy et les autres, Paris, Cerf, 1997 Modèle:ISBN, Modèle:P.55-62.</ref>, afin de repousser une théorie adverse, alors même que les preuves amenées par celle-ci ne sont, elles, pas négligeables :
La méthode hypercritique est difficile à contrer, dans la mesure où elle lance un grand nombre d'affirmations péremptoires et parfois rapides à formuler, qui demandent du travail afin d'être vérifiéesModèle:Référence insuffisante<ref>L'historien belge Maxime Steinberg consacre par exemple un ouvrage entier à la déconstruction de l'hypercritique de Robert Faurisson appliquée au journal de Johann Kremer, dans Les Yeux du témoin et le regard du borgne, L'histoire face au révisionnisme. Lecture critique d'un génocide au quotidien, Paris, Cerf, 1990, 213 p. Modèle:ISBN (lire en ligne).</ref>. La vanité de ces réfutations a été relevée à propos de la démarche négationniste qui en fait un large usage<ref>Modèle:Citation — Henry Rousso, « Le négationnisme est une parole de haine », L'Histoire, Modèle:N°, 2004, Modèle:P..</ref>. L'historien et chrétien<ref>Modèle:Article</ref> Henri-Irénée Marrou identifie la démarche hypercritique en histoire à celle qu'un théologien qualifierait d'« obstination dans l'incrédulité » en religion<ref>Modèle:Citation — Henri Irénée Marrou, De la connaissance historique, Paris, Seuil, 1975 Modèle:ISBN, Modèle:P..</ref>, et il rejoint Raymond Aron dans la conclusion selon laquelle Modèle:Citation
Michel Wieviorka souligne enfin le rôle des médias contemporains et de leur attente d'expertise dans certains succès de l'hypercritique en sciences humaines et sociales, celle-ci favorisant le spectaculaire et le provocateur<ref>Modèle:Citation — Michel Wieviorka, Neuf leçons de sociologie, Fayard, 2011, 329 p. Modèle:Isbn, ainsi que Les Sciences sociales en mutation, Sciences Humaines, 2007, 640 p. Modèle:Isbn.</ref>.
Hypercritique historique
En histoire, la notion de méthode hypercritique renvoie essentiellement, à partir du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, à celle d'une dérive de la critique des sources. Cependant, des Lumières à la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, elle a eu ses lettres de noblesse, en particulier par l'opposition des courants hypercritique et fidéiste (ou historiciste), face à la question des sources tardives ou légendaires de l'origine de Rome : le courant hypercritique, représenté notamment par Louis de Beaufort, puis Barthold Georg Niebuhr, Theodor Mommsen ou Ettore Pais, a dominé la question jusqu'à ce qu'au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle les découvertes archéologiques viennent confirmer une partie des données légendaires<ref>Jean-Pierre Martin, Alain Chauvot, Mireille Cébeillac-Gervasoni, Histoire romaine, Armand Colin, 2010, 480 p. Modèle:Isbn ; Mouza Raskolnikoff, Histoire romaine et critique historique dans l'Europe des Lumières. La naissance de l'hypercritique dans l'historiographie de la Rome antique, École française de Rome, 1992 (lire en ligne).</ref>. Par la suite, le risque hypercritique a pu être opposé à celui, inverse, de l'hypocritique<ref>Voir notamment Pierre Vidal-Naquet considérant que l'histoire de la Shoah a pu être, avant les années 1980, parfois insuffisamment critique quant à ses sources, ce qui contribuerait à expliquer l'écho rencontré par l'hypercritique des négationnistes : Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire : Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme, Paris, La Découverte, 1987, 227 p. Modèle:Isbn.</ref>.
Henri-Irénée Marrou cite comme exemple de cas limite de l'hypercritique celui du père Hardouin<ref>Henri Irénée Marrou, De la connaissance historique, Seuil, 1975, Modèle:Isbn, Modèle:P. (lire en ligne).</ref>, érudit entreprenant qui, au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, avançait que les classiques de l'Antiquité avaient dû être inventés par des moines du Moyen Âge car, disait-il, nous ne possédons aucun manuscrit antérieur à cette époque. Dans le même ordre d'idées, la nouvelle chronologie d'Anatoli Fomenko prétend au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle réviser totalement l'histoire mondiale et faire de l'histoire de l'Antiquité une supercherie<ref>Stéphane Encel, Histoire et religions : l'impossible dialogue ? Essai d'analyse comparative des grilles de lecture historique et monothéistes, L'Harmattan, 2006, 294 p. Modèle:Isbn, note 262, Modèle:P.</ref>.
La thèse mythiste sur la non-historicité de Jésus de Nazareth est également régulièrement citée par des historiens comme Paul Veyne comme étant un exemple de négationnisme et de méthode hypercritique<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
L'hypercritique est particulièrement utilisée dans les diverses formes de négationnisme<ref>François Bédarida, Histoire, critique et responsabilité, Complexe, 2003, 357 p. Modèle:Isbn, Modèle:P.291.</ref>, qui prennent, par exemple, en le dénaturant, Jean Norton Cru et son Témoins comme modèle<ref>Voir notamment Annette Wieviorka, L'Heure d'exactitude : Histoire, mémoire, témoignage. Entretiens avec Séverine Nikel, Albin Michel, 2011 Modèle:Isbn, 256 p., et Jean Christophe Prochasson, « Témoignages et expériences. Les usages du vrai et du faux de Jean-Norton Cru à Paul Rassinier », dans Christophe Prochasson, Anne Rasmussen, Vrai et faux dans la Grande guerre, La Découverte, 2010 Modèle:Isbn, Modèle:P..</ref>. En effet, elle permet, face au consensus des historiens et, en particulier, sur la validité du témoignage, de proposer le syllogisme suivant<ref>Voir par exemple dans le cas de Robert Faurisson, Barbara Lefebvre, Sophie Ferhadjian, Comprendre les génocides du Modèle:20e : comparer-enseigner, Bréal, 2007, 319 p. Modèle:Isbn, Modèle:P.157.</ref> :
- Tels détails ne sont pas clairs ou sont contradictoires ;
- Donc toute l'explication est fausse ;
- Donc les preuves avancées pour cette explication en sont en fait des réfutations.
Pierre-André Taguieff voit d'une manière générale dans la littérature complotiste contemporaine une Modèle:Citation. Jean-Bruno Renard fait quant à lui de l'hypercritique, avec la révélation d’une autre réalité et la dénonciation du complot, l'une des trois composantes des « rumeurs négatrices » telles que celles de la survie de Louis XVII, des faux atterrissages sur la Lune ou celles issues de L'Effroyable Imposture de Thierry Meyssan<ref>Jean-Bruno Renard, « Les rumeurs négatrices », dans Diogène, Modèle:N°, 2006, Modèle:P.54-73 (lire en ligne).</ref>. Ce prolongement de l'hypercritique dans la théorie du complot est également souligné plus spécifiquement à propos du courant négationniste issu de Paul Rassinier<ref>Modèle:Citation — Jean Christophe Prochasson, « Témoignages et expériences. Les usages du vrai et du faux de Jean-Norton Cru à Paul Rassinier », dans Christophe Prochasson, Anne Rasmussen, Vrai et faux dans la Grande guerre, La Découverte, 2010 Modèle:Isbn, Modèle:P.323.</ref>.
Parodies
L'usage de la méthode hypercritique a suscité en France diverses parodies depuis le Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, notamment dans l'ouvrage de Jean-Baptiste Pérès, Comme quoi Napoléon n'a jamais existé, écrit en réponse aux excès hypercritiques de Charles Dupuis et de son Origine de tous les Cultes, ou la Religion universelle, dans lequel celui-ci réduit toutes les figures religieuses à des représentations astronomiques symboliques. Pérès transforme parodiquement Napoléon en mythe solaire inventé par le peuple, en usant des mêmes méthodes<ref>Jean-Baptiste Pérès, Comme quoi Napoléon n'a pas existé, Paris, 1827. Voir à ce propos Henri Irénée Marrou, De la connaissance historique, Paris, Seuil, 1975 Modèle:ISBN, Modèle:P., ainsi que Jean-Bruno Renard, « Les rumeurs négatrices », dans Diogène, Modèle:N°, 2006, Modèle:P.65-66.</ref>.
Jacques Bergier, surpris par quelques levées de bouclier contre son ouvrage coécrit avec Louis Pauwels Le Matin des magiciens, a réagi en 1965 par un texte humoristique reprenant le même type d'arguments dans un texte nommé « La girafe n'existe pas »<ref>Jacques Bergier, « La girafe n'existe pas », 1965, sur janus.free.fr.</ref>.
Des parodies plus récentes s'appliquent également aux auteurs négationnistes<ref>Voir notamment « Le débarquement en Normandie n'a jamais eu lieu ! », phdn.org, 2001, à propos de Robert Faurisson, et « Non, Roger Garaudy n’est pas mort », bibliobs.nouvelobs.com, 2012, à propos de Roger Garaudy.</ref>.
Notes et références
Voir aussi
Bibliographie
- Henri Irénée Marrou, De la connaissance historique, Seuil, 1975, 318 p. Modèle:Isbn
- François Bédarida, Histoire, critique et responsabilité, Complexe, 2003, 357 p. Modèle:Isbn
Articles connexes
Liens externes
- Sur la méthode hypercritique, extraits d'Henri Irénée Marrou, De la connaissance historique, sur le site Pratique de l'histoire et dévoiements négationnistes