Orhan Pamuk
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Modèle:Infobox Biographie2 Ferit Orhan Pamuk, simplement dit Orhan Pamuk, est un écrivain turc, né le Modèle:Date de naissance à Istanbul.
Issu d'une famille cultivée de la bourgeoisie stambouliote, Orhan Pamuk envisage d'abord des études de peinture et de journalisme, avant de se consacrer entièrement à la littérature. Son premier roman (Cevdet Bey et ses fils, 1982) s'inspire en partie de son histoire familiale et place au cœur du récit les bouleversements de la Turquie contemporaine et les métamorphoses de sa ville natale, thèmes que l'écrivain n'aura de cesse d'explorer tout au long de son œuvre. En 1983, Le Château blanc, premier roman de Pamuk à être traduit en anglais, marque une étape dans sa carrière d'écrivain et une évolution vers des recherches narratives et formelles proches du postmodernisme et du réalisme magique. L'ouvrage apporte une renommée internationale et une aura de prestige à son auteur, amplifiées au fil des années par de nouveaux grands succès publics et critiques : Le Livre noir (1990), Mon nom est Rouge (1998), Neige (2002), Le Musée de l'innocence (2008) ou Cette chose étrange en moi (2014). Il a aussi publié plusieurs ouvrages sur Istanbul et un livre de souvenirs, D'autres couleurs (2011).
Traduit dans plus de soixante langues, lauréat de nombreux prix littéraires internationaux, Orhan Pamuk est souvent considéré comme l'écrivain turc le plus célèbre dans le monde. Ses romans ont rencontré un succès planétaire depuis leur parution et l'on estime qu'ils se sont vendus à plus de onze millions d'exemplaires. En 2006, il obtient le prix Nobel de littérature, devenant ainsi le premier Turc à recevoir cette prestigieuse distinction. La même année, il est classé par le magazine Time dans la liste des cent personnalités les plus influentes du monde.
Biographie
Ferit Orhan Pamuk naît à Istanbul, le Modèle:Date, aux abords de la Corne d'Or qui constitue la partie occidentale de la ville<ref name="Harang2006">Modèle:Article</ref>. Par la suite, l'auteur ne quittera presque jamais la rive nord stambouliote<ref name="Harang2006"/>. Il est élevé au sein d'un milieu aisé, cultivé et francophile mais sur le déclin, ce qu'il décrit dans ses romans Cevdet Bey et ses fils (Cevdet Bey ve Oğullar, 1982), Le Livre noir (Kara Kitap, 1990) et dans son autobiographie Istanbul, souvenirs d'une ville (İstanbul: Hatıralar ve Şehir, 2003). Son père est un intellectuel et un ingénieur civil, comme son oncle et son grand-père qui fut à l'origine de la fortune du clan<ref name="Harang2006"/>,<ref name="AS2006">Bio-bibliographie d'Orhan Pamuk par l'Académie suédoise sur le site officiel des prix Nobel, consultée le 6 novembre 2013.</ref>. Le jeune Ferit grandit dans le quartier européen de Nişantaşı, dans l'immeuble familial portant le même nom<ref name="AS2006"/>.
Bachelier du Robert College, Pamuk, passionné de peinture, étudie d'abord le dessin puis, durant trois années, l'architecture à l'École Polytechnique d’Istanbul avant de suivre une formation de journaliste dans une université stambouliote<ref name="AS2006"/>,<ref name="Larousse">Orhan Pamuk sur l'encyclopédie Larousse, consulté le 10 novembre 2013.</ref>. Une fois son diplôme obtenu, il s'enferme des journées entières dans l'appartement familial pour écrire<ref name="AS2006"/>. Il habite chez sa mère huit années (de 22 à 30 ans), alors qu'il rédige ses premiers textes et attend la réponse d'un éditeur. Il écrit tout d'abord des nouvelles dont l'une est publiée en 1979. Trois ans plus tard, il se marie avec Aylin Turegenen, une historienne avec laquelle il a une fille, Rüya (ce qui signifie « rêve » en turc), née en 1991. Le premier roman de Pamuk, Cevdet Bey et ses fils trouve difficilement un éditeur, mais rencontre des critiques favorables lors de sa parution en 1982 et se voit attribuer plusieurs prix littéraires en Turquie. Pendant que son épouse finit ses études à l'université Columbia, l'auteur est invité à y être boursier. Il utilise le temps qui lui est imparti pour conduire ses recherches et écrire son roman Le Livre noir (Kara Kitap, 1990) dans la bibliothèque de l'université, la Butler Library.
Il passe trois années à New York, entre 1985 et 1988. Revenu à Istanbul avec son épouse, il s'installe dans un appartement surplombant le détroit du Bosphore et se consacre plus de dix heures par jour à écrire. Le couple se sépare en 2001. En 2006, Pamuk revient aux États-Unis occuper un poste de professeur à l'Université Columbia. Pendant l'année académique 2007-2008, il y enseigne la littérature comparée avec Andreas Huyssen et David Damrosch. Puis il devient écrivain résident au Bard College.
L'auteur se décrit comme une personne de culture musulmane, engagée au service des droits de l'homme, de la liberté d'expression et du dialogue entre les peuples et qui associe la religion à une identification culturelle et historique sans avoir toutefois de connexions personnelles avec Dieu<ref name="AS2006"/>.
Pamuk a effectué plusieurs autres longs séjours aux États-Unis en qualité d'auteur invité, notamment à l'Université de l'Iowa.
L'auteur est considéré comme contestataire dans son pays, notamment depuis son refus d'accepter le titre d'« artiste d'État » en 1998<ref name="AS2006"/>,<ref name="Semo2006">Modèle:Article</ref>. Il a souvent dénoncé, dans ses ouvrages et ses articles, ce qu'il juge être les dérives actuelles de son pays (montée de l'islamisme, injustices sociales, manque de liberté d'expression) ce qui en fait l'ennemi du pouvoir politique, des conservateurs et des nationalistes<ref name="Larousse"/>. Il est le premier écrivain du monde musulman à condamner publiquement la fatwa islamique lancée contre Salman Rushdie en 1989<ref name="AS2006"/>. Il reconnaît également dans la presse en 2005 la culpabilité de la Turquie dans les massacres kurdes et le génocide arménien ce qui lui vaut des menaces de mort et une assignation à comparaître devant les tribunaux<ref name="AS2006"/>. Sous la pression internationale, les poursuites sont finalement abandonnées en 2006, année où il se voit décerner le prix Nobel de littérature<ref name="Larousse"/>.
Cette consécration est suivie par d'autres honneurs : en 2007, Pamuk est appelé à faire partie du jury du [[Festival de Cannes 2007|Modèle:60e Festival de Cannes]] présidé par Stephen Frears et l'Université Columbia l'accueille pour une année afin d'y donner des cours en littérature comparée. En 2008, Pamuk soutient Milan Kundera, soupçonné d'avoir dénoncé l'un de ses concitoyens dans l'ex-Tchécoslovaquie<ref>Quatre éminents prix Nobel de littérature défendent Kundera, ActuaLitté.com, 4 novembre 2008</ref>. En parallèle, il publie avec cinq autres lauréats du prix Nobel (Mikhail Gorbatchev, Desmond Tutu, Dario Fo, Günter Grass et Rita Levi Montalcini) une tribune pour dénoncer le sort de Roberto Saviano, dont la tête est mise à prix par la mafia et en appeler à la responsabilité de l'État italien dans sa lutte contre le crime organisé<ref>Modèle:Article</ref>. En 2010, il s'engage, en compagnie de Grass, pour la libération de l'auteur Doğan Akhanlı<ref>Modèle:Article</ref>. L'année suivante, il apporte son soutien à Modèle:Langue, sociologue accusée d'être l'auteur d'un attentat contre l'État turc<ref name="Marchand2011">Modèle:Article</ref>.
En 2013, il défend le mouvement protestataire turc et les manifestants de la place Taksim<ref>Modèle:Article</ref>.
La même année, il fait partie des signataires, en compagnie de plusieurs écrivains dont quatre autres prix Nobel (Günter Grass, Elfriede Jelinek, J.M. Coetzee et Tomas Tranströmer), d'un manifeste contre la société de surveillance et l'espionnage des citoyens orchestré par les États<ref>Modèle:Article</ref>.
En 2016, il soutient l'écrivain Murat Belge qui comparaît au tribunal pour « insulte » au président Recep Tayyip Erdoğan<ref>Modèle:Article</ref>.
Un écrivain international
Plusieurs de ses livres ont obtenu de prestigieuses récompenses, tant en Turquie qu'à l'international (voir plus bas la rubrique romans). L'ensemble de son œuvre a également été distingué à de nombreuses reprises.
En 1991, Pamuk remporte le prix de la Découverte européenneModèle:Source insuffisante avec la traduction française de son roman La Maison du silence (Sessiz Ev), dont la première publication date de 1983. En France, il obtient le prix du Meilleur livre étranger en 2002 pour Mon nom est rouge (Benim Adım Kırmızı, paru en Turquie en 2000), le prix Médicis étranger en 2005 pour Neige (Kar, 2002).
Le Modèle:Date, à la Foire du livre de Francfort-sur-le-Main, le prestigieux prix de la paix de l'Union des libraires allemands lui est attribué.
Le Modèle:Date, il reçoit le titre de docteur honoris causa de l'université libre de Berlin<ref>Voir sur auswaertiges-amt.de.</ref>. Il est alors considéré comme « un phénomène exceptionnel dans la littérature mondiale ». Pamuk doit cependant reporter son voyage en Allemagne à la suite des menaces de nationalistes turcs consécutives à l'assassinat de Hrant Dink.
Le Modèle:Date, il est fait docteur honoris causa de l'université de Rouen.
Le Modèle:Date, il reçoit des mains de la ministre de la Culture française d'alors, Aurélie Filippetti, les insignes de chevalier de la Légion d'honneur<ref name="Obs2012">Modèle:Article</ref>. En parallèle, il se voit décerner le prix Sonning, la plus haute distinction culturelle du Danemark honorant un travail en faveur de la culture européenne<ref name="Obs2012"/>.
Mise en examen et menaces
Au début 2005, Orhan Pamuk fait l’objet de menaces sérieuses contre sa vie après avoir admis l’existence du génocide arménien et la réalité du massacre des Kurdes par l'État turc lors d'une interview accordée à un journal suisse. Lors de cet entretien, il déclare que, entre 1915 et 1917, « un million d'Arméniens et trente mille Kurdes ont été tués sur ces terres, mais personne d'autre que moi n'ose le dire ». Ces déclarations provoquent de vives réactions dans l'opinion publique turque et sont jugées contraires à l'intérêt national. Le sous-préfet de Sütçüler, région d’Isparta, ordonne la destruction de tous les livres de l'écrivain. Rien ne semble avoir été détruit, faute d’ouvrages présents dans les librairies et les bibliothèques de la région. Une chaîne de télévision locale lance même un appel pour retrouver une jeune étudiante ayant déclaré avoir en sa possession un livre de Pamuk.
En octobre 2005, il est mis en examen pour « insulte délibérée à l'identité turque » par la cour d'Istanbul, selon l'article 301 du code pénal. Il maintient cependant ses propos. Il déclare Modèle:Citation, en faisant allusion aux massacres d'Arméniens et de Kurdes. L'auteur aurait dû comparaître en justice le Modèle:Date. Lors de l'audience préliminaire, il est frappé avec un dossier et des œufs sont lancés sur sa voiture. Il risque alors quatre ans de prison<ref>Le Monde du 30 septembre 2005</ref>.
Ce procès soulève une vive contestation dans le monde, notamment de la part d'Amnesty International, des porte-paroles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du PEN club et de la Convention européenne des droits de l'homme<ref>Modèle:Article</ref>.
En décembre 2005, huit grands écrivains : Gabriel García Márquez, José Saramago, Günter Grass, Umberto Eco, John Updike, Mario Vargas Llosa, Carlos Fuentes et Juan Goytisolo, réclament l'abandon immédiate des charges contre Pamuk et condamnent l'attitude des autorités turques<ref>Modèle:Article</ref>.
Lors d'une conférence de presse, dans laquelle il fait part du soutien massif du monde de la culture dont il bénéficie, Pamuk plaide pour la liberté d'opinion et pour le respect des droits de l'homme en Turquie. Il a également « souhaité de tout cœur que la Turquie fasse partie de l'Union européenne ». Ce procès reporté au Modèle:Date est symbolique d'une liberté d'expression sévèrement encadrée. Le commissaire européen à l'élargissement, Olli Rehn, avertit que « ce n'est pas Orhan Pamuk qui est jugé mais la Turquie ». Les accusations sont finalement abandonnées le Modèle:Date.
L'annonce de l'attribution du prix Nobel à Pamuk en octobre 2006 est mal accueillie au sein de l'élite médiatique, politique et culturelle turque proche du pouvoir et des nationalistes qui invoquent une décision politique et minimisent la valeur littéraire de ses ouvrages<ref name="Duran2006">Modèle:Article</ref>. L'avocat d'extrême droite Kemal Kerinçsiz annonce son intention de porter plainte contre l'Académie suédoise et Pamuk est même sommé de prendre position sur le projet de loi française d'alors de reconnaissance officielle du génocide arménien<ref name="Duran2006"/>. Le romancier refuse d'alimenter la polémique et se dit fier d'amener cette récompense à la Turquie<ref name="Duran2006"/>.
Début février 2007, l'auteur aurait quitté la Turquie pour s'installer aux États-Unis après avoir renoncé à une importante tournée en Allemagne. À la suite de l'assassinat de Hrant Dink, il reçoit en effet de nombreuses nouvelles menaces de la part des milieux nationalistes turcs<ref>Courrier international, TURQUIE • L'écrivain Orhan Pamuk contraint de fuir son pays</ref>,<ref name="Marchand2011"/>.
Le réseau Ergenekon, composé de militants nationalistes, d'officiers de l'armée et de la gendarmerie, de magistrats, de mafieux, d'universitaires et de journalistes, est accusé d'avoir projeté son assassinat<ref name="xx">Modèle:Ouvrage</ref>.
Le parquet d’Istanbul ouvre une nouvelle enquête contre l'écrivain en novembre 2021, l'accusant d’avoir insulté l’identité turque dans son livre Veba Geceleri (Les Nuits de la peste)<ref>Modèle:Article</ref>.
Œuvre littéraire
Thématiques
La mélancolie
Orhan Pamuk est bien l'écrivain de « l'âme mélancolique de sa ville natale » comme l'a expliqué l'Académie suédoise. En effet, ses ouvrages se caractérisent par l'hüzün (équivalent turc du spleen) dont le sens multiple définit Istanbul et ses habitants<ref name="AS2006"/>. Dans ses livres, ses compatriotes se partagent entre nostalgie de la gloire impériale et incertitude sur l'avenir du pays (cheminement difficile vers la démocratie, obscurantisme, mutations économiques, lien difficile à la laïcité etc.)<ref name="AS2006"/>,<ref name="Harang2006"/>. Ses romans sont généralement métaphoriques et labyrinthiques<ref name="Harang2006"/>. Ils mêlent onirisme et réalisme et oscillent constamment entre passé et présent ou modernité et tradition<ref name="Harang2006"/>.
Orient et Occident
Par le prisme de la mélancolie, Pamuk se veut l'observateur d'une nation divisée et le conteur d'une Turquie tiraillée entre la tradition musulmane et le modèle occidental<ref name="AS2006"/>. Le romancier explique : Modèle:Citation<ref name="Semo2006"/>.
Premiers romans
Cevdet Bey et ses fils, son premier roman, qui se veut une fresque généalogique dans la lignée des Buddenbrooks de Thomas Mann traite de l'évolution d'une famille sur trois générations et de l'abandon par celle-ci d'un style de vie turc traditionnel pour un modèle plus occidentalisé<ref name="AS2006"/>,<ref name="Clavel2014">Modèle:Article</ref>. Il entrelace une multiplicité de petits récits qui fondent la chronique de la vie quotidienne des Stambouliotes sur sept décennies d'Histoire, de l'abolition du sultanat à l'aube du Coup d'État du 12 septembre 1980<ref name="Clavel2014"/>.
L'œuvre emprunte beaucoup d'éléments à la propre histoire de l'auteur<ref name="Clavel2014"/>. Elle brosse le portrait de Cevdet Bey, premier commerçant musulman de Constantinople qui s'oppose en 1905 au monopole des minorités arménienne, grecque et juive sur les activités commerciales ottomanes<ref name="MG2014">Modèle:Article</ref>. D'inspiration réaliste, ce roman, qui évoque la décadence et le tragique de l'Histoire, n'est pas encore caractérisé par le cheminement ésotérique des textes postérieurs de l'auteur<ref name="MG2014"/>. Cependant, il pose déjà les thèmes du double et de l'art, centraux dans sa production romanesque<ref name="MG2014"/>. Ce double motif se retrouve dans l'évocation de la vie d'Ahmet, le petit-fils de Cevdet<ref name="MG2014"/>. Ce peintre solitaire, en rupture avec le tumulte politique turc des années 1970, tente d'exécuter le portrait de son grand-père en renouant ainsi la chaîne du temps<ref name="MG2014"/>.
La Maison du silence raconte, selon cinq perspectives narratives différentes, la visite, en 1980, par plusieurs membres d’une même famille à une aïeule dans une ville maritime au moment où la Turquie craint une guerre civile<ref name="AS2006"/>. Alors que le récit fait circuler les points de vue, les opinions politiques et les voix divergentes, se forme le tableau d'une société marquée par l'instabilité et le chaos dans laquelle des groupes radicaux se disputent le pouvoir<ref name="AS2006"/>.
Le Château blanc et Le Livre noir
Le Château blanc (Beyaz Kale, 1985) approfondit le thème de prédilection du romancier : le jeu sur le double et les identités multiples<ref name="AS2006"/>. Premier roman de Pamuk à être traduit en anglais, Le Château blanc prend l'allure d'une fiction historique et reconstitue l'Empire ottoman avec une extrême minutie. Abolissant la frontière entre réalité avérée et irrationnel, l'œuvre s'oriente vers une forme plus audacieuse, rapprochée du réalisme magique latino-américain<ref>Le réalisme magique sur l'encyclopédie Larousse, consultée le 06 mai 2014.</ref>. Elle conte la relation passionnée au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle entre un esclave vénitien et un intellectuel turc, parfait miroir l'un de l'autre sur le plan physique et psychique<ref>Modèle:Article</ref>. Entre l'Italien et le hodja, les deux facettes d'un même moi, s'opère un échange d'identités qui bouleverse le cours de l'histoire<ref name="AS2006"/>. Avec Le Livre noir, l'écrivain prend ostensiblement ses distances avec le réalisme social en vigueur dans la littérature turque. Il évolue alors vers un style expérimental et une forme de mysticisme qu'il ne quittera plus<ref name="Larousse"/>. Le Livre noir dévoile le penchant de Pamuk pour le soufisme, utilisant les codes du roman policier en trompe-l’œil<ref name="Meudal1995">Modèle:Article</ref>. L'ouvrage met en scène, dans une Istanbul mystérieuse, tourbillonnante et fantasmagorique, les pérégrinations d'un avocat à la recherche de son épouse disparue et de son demi-frère journaliste avec lequel il finit par changer d'identité<ref name="Meudal1995"/>. Au fil de l'impossible quête de vérité du protagoniste, de nombreux récits, univers et périodes historiques s'enchevêtrent de manière vertigineuse<ref name="Meudal1995"/>.
La Vie nouvelle, Mon nom est Rouge et Neige
La Vie nouvelle (Yeni Hayat, 1994) évoque un mystérieux livre ayant le pouvoir de changer la vie de ceux qui le lisent et Mon nom est Rouge, qui apporte à Pamuk la célébrité à l'international, superpose énigme criminelle, reportage historique sur la miniature ottomane et persane classique et fable sur l'amour<ref name="Semo2006"/>. Ces deux romans marquent une nouvelle étape dans la carrière de leur auteur<ref name="AS2006"/>. Pamuk abandonne définitivement le naturalisme des débuts au profit de techniques littéraires post-modernes : jeu sur les codes de la fiction, écriture transdisciplinaire (références érudites aux sciences, aux sciences humaines et à l'art), mise en abyme, polyphonie, métafiction ou encore mélange des genres (roman policier, récit sentimental, conte, poésie, chant, notations philosophiques)<ref name="Larousse"/>. D'autres caractéristiques apparaissent : contraction du surnaturel et de la réalité quotidienne, recours aux récits enchâssés, digressions verbales et adresses au lecteur<ref name="Larousse"/>…
Le roman Neige accélère cette mutation<ref name="Larousse"/>. Tout en continuant ses recherches narratives et formelles, Pamuk situe sa fiction dans la Turquie contemporaine à travers le retour d'un poète turc exilé à Francfort, en quête de lui-même et de son pays, à Kars, ancienne ville-frontière des Empires russe et ottoman<ref name="AS2006"/>. L'écrivain investit pour la première fois le champ politique, abordant les déchirures du pays : refoulement du passé, montée de l'intégrisme, croissance du nationalisme, inégalités sociales, crise économique, questionnement sur la conformation au modèle occidental<ref name="Larousse"/>… Néanmoins, l'auteur cherche à rendre compte d'un contexte troublé sans pour autant prendre position, ni imposer son point de vue au lecteur<ref name="AS2006"/>. Adapté pour le théâtre par Blandine Savetier, Neige est joué du Modèle:1er au Modèle:Date- au Théâtre national de Strasbourg (TNS)<ref>Modèle:Lien web.</ref>.
Récents ouvrages
Dans Istanbul, souvenir de ma ville, Pamuk circonscrit ses souvenirs de jeunesse et différentes images de sa ville natale autour de laquelle il a bâti son œuvre<ref name="Larousse"/>.
Le Musée de l'innocence (Masumiyet Müzesi, 2008) narre une relation amoureuse contrariée entre deux Stambouliotes issus d'un milieu social différent<ref name="Larousse"/>. Sur fond de récit initiatique, de fétichisme amoureux et de mythes, l'ouvrage retrace l'histoire contemporaine de la Turquie et parodie les romans à l'eau de rose et le cinéma turc des années 1970<ref name="Crom2011">Modèle:Article</ref>,<ref>Modèle:Article</ref>.
Cette chose étrange en moi (2014) est une sorte d'épopée d'un humble Anatolien venu vivre et travailler à Istanbul, entre 1969 et 2012, peut-être naïf, peut-être simplement dépourvu de méchanceté.
Caractéristiques du style
La prose de l'auteur, d'une grande richesse, amalgame poésie, conte et chronique<ref name="Harang2006"/>. Elle évolue vers des directions et expérimentations diverses<ref name="Universalis">« La langue d'Orhan Pamuk » sur l'encyclopædia Universalis, consulté le 6 novembre 2013.</ref>. Pamuk s'écarte des conventions littéraires et linguistiques turques, soumises à une réforme d'État de 1923 visant à simplifier la grammaire, la syntaxe et le vocabulaire et à évincer la plupart des emprunts à l'arabe et au persan<ref name="Universalis"/>. Il mêle indistinctement des registres culturels divers : élitaire, historique, légendaire, allégorique ou populaire et cherche à ouvrir de nouveaux modes d'expression par des jeux de miroir sur l'exemple de Jorge Luis Borges<ref name="Universalis"/>. Ouvertement métissée et cosmopolite, son écriture foisonne de notations hétérogènes et de signes polysémiques, privilégiant la description sans pour autant lasser le lecteur<ref name="MG2014"/>. Pamuk est loué pour son art du détail et sa manière de témoigner de la vie quotidienne passée et présente (notamment lorsqu'il ressuscite le folklore du quartier de Nişantaşı dans Cevdet Bey et ses fils)<ref name="Clavel2014"/>. Ses derniers romans développent des procédés novateurs (rupture de syntaxe, collages, décalages verbaux, annonces, alternance de registres stylistiques...). La construction de ses récits se veut sophistiquée, dense et complexe : narration multiple, temporalités gigognes, chronologie disloquée ou encore pluralité des points de vue<ref name="Universalis"/>. Son style combine les traditions narrative et poétique du monde arabo-musulman à l'avant-garde occidentale<ref name="Larousse"/>,<ref name="Crom2011"/>. Pamuk déclare : Modèle:Citation<ref>Modèle:Article</ref>. Il ajoute : Modèle:Citation<ref name="Jacob2009">Modèle:Article</ref>.
Influences
Outre le conte, les légendes musulmanes et l'histoire ottomane, la critique décèle l'empreinte de Franz Kafka, Borges, Italo Calvino, García Márquez, Grass et Rushdie dans les recherches de style et de narration postmodernes des romans de Pamuk<ref name="Guardian2008">Modèle:Article</ref>,<ref>Modèle:Article</ref>. Ce dernier dit avoir été marqué par la poésie de Dante et Kazi Nazrul Islam<ref name="Guardian2008"/>. Dans l'essai D'autres couleurs, il propose un musée imaginaire où se croisent Les Mille et Une Nuits, Tristram Shandy, Victor Hugo, Fedor Dostoïevski, Vladimir Nabokov, Albert Camus, Thomas Bernhard et Rushdie<ref>Modèle:Article.</ref>.
Pamuk affirme de plus avoir été influencé par la culture francophile de son père, traducteur turc de Paul Valéry, qui séjournait souvent à Paris et fréquentait Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir au Café de Flore<ref name="Jacob2009"/>. Pour l'auteur, la Turquie est globalement plus imprégnée de culture française que britannique : Modèle:Citation bloc
À l'adolescence, Pamuk se plonge dans la lecture de Sartre mais également d'Honoré de Balzac, Stendhal, Léon Tolstoï, Dostoïevski, Nabokov, William Faulkner, Calvino, Borges, García Márquez et Virginia Woolf qui nourrissent son ambition littéraire<ref name="Jacob2009"/>.
À 18 ans, il découvre l'œuvre de Marcel Proust et Emmanuel Kant<ref name="Jacob2007"/>. Pour la rédaction de Mon nom est rouge, le romancier s'inspire largement du Nom de la rose d'Umberto Eco et Possession d'Antonia Susan Byatt pour le mélange de polar, de roman historique et d'érudition<ref name="Jacob2009"/>. La critique décèle également une référence explicite au Pendule de Foucault d'Eco dans Le Livre noir pour la façon dont les deux romans se moquent de la folie interprétative de leurs protagonistes, conduisant à un décryptage érudit et délirant de messages codés dans le moindre objet ou micro-événement du quotidien<ref name="Meudal1995"/>. Avec Istanbul, souvenir de ma ville, Pamuk dit vouloir se situer dans la tradition des grands livres de mémoires, des Confessions de Jean-Jacques Rousseau à Enfance de Tolstoï, en passant par Autres Rivages de Nabokov<ref name="Jacob2007"/>.
Par ailleurs, il reconnaît la peinture à laquelle il souhaitait se consacrer dans sa jeunesse et le cinéma comme deux grandes sources d'inspiration pour son œuvre et cite Maurice Utrillo, Camille Pissarro, Jacques Tati, Ingmar Bergman, Federico Fellini, Werner Herzog, Stanley Kubrick et Martin Scorsese parmi ses artistes préférés<ref name="Jacob2007"/>,<ref name="Jacob2009"/>.
Œuvres
Romans
- Cevdet Bey ve Oğulları (1982) Modèle:Commentaire biblio
- Sessiz Ev (1983) Modèle:Commentaire biblio
- Beyaz Kale (1985) Modèle:Commentaire biblio
- Kara Kitap (1990) Modèle:Commentaire biblio
- Yeni Hayat (1995) Modèle:Commentaire biblio
- Benim Adım Kırmızı (1998) Modèle:Commentaire biblio
- Kar (2002) Modèle:Commentaire biblio
- Masumiyet Müzesi (2008) Modèle:Commentaire biblio
- Kafamda Bir Tuhaflık (2014) Modèle:Commentaire biblio
- Kırmızı Saçlı Kadın (2016) Modèle:Commentaire biblio
- Veba Geceleri (2021) Modèle:Commentaire biblio
Récits autobiographiques
- İstanbul: Hatıralar ve Şehir (2003) Modèle:Commentaire biblio
Essais, nouvelles et autres textes
- Gizli Yüz, scénario, İstanbul, Can Yayınları (1992), inédit en français
- Öteki Renkler (1999) Modèle:Commentaire biblio
- Manzaradan Parçalar (2010) Modèle:Commentaire biblio
- The Naïve and the Sentimental Novelist (2011) Modèle:Commentaire biblio
- Balkon. (2018) Photographs by Orhan Pamuk. - Göttingen : Steidl, 2018. - Modèle:ISBN
- Orange (2020) Photographs by Orhan Pamuk. - Göttingen : Steidl, 2020. - Modèle:ISBN
- Uzak Daglar ve Hatirlar (2022) Modèle:Commentaire biblio
Ouvrage paru uniquement en français
- Istanbul, photographies d'Ara Güler, texte d'Orhan Pamuk, traduit du turc par Gilles Authier, Paris, Les Éditions du Pacifique, 2009, 177 p. Modèle:ISBN
Distinctions
Prix Nobel de littérature
Le jeudi Modèle:Date, l'Académie suédoise annonce que le prix Nobel de littérature pour l'année 2006 est décerné à Orhan Pamuk Modèle:Citation, tel que le précise le communiqué du secrétaire perpétuel de l'Académie<ref>Communiqué de presse de l'Académie suédoise pour le prix Nobel 2006, consulté le 6 novembre 2013.</ref>. Quelques semaines plus tard, le Modèle:Date, l'écrivain reçoit son prix à Stockholm des mains d'Horace Engdahl, et prononce un discours d'une quarantaine de minutes, en turc, intitulé La valise de mon papa (Babamın bavulu)<ref>Nobel Conference d'Orhan Pamuk, le 7 décembre 2006 à Stockholm.</ref>,<ref>La valise de mon papa (Babamın bavulu), texte de la conférence donnée par Orhan Pamul devant l'Académie suédoise, le 7 décembre 2006 (version française).</ref>.
Récompenses littéraires
- 1990 : Independent Foreign Fiction Prize (Royaume-Uni) — pour le roman Le Château blanc.
- 2002 : International IMPAC Dublin Literary Award (Irlande) — pour le roman Mon nom est Rouge.
- 2002 : Prix Grinzane Cavour (Italie) — pour le roman Mon nom est Rouge.
- 2002 : Prix du Meilleur Livre étranger (France) — pour le roman Mon nom est Rouge.
- 2005 : Prix Médicis étranger (France) — pour le roman Neige.
- 2005 : Prix de la paix des libraires allemands (Allemagne) — pour le roman Neige.
- 2005 : Ricarda-Huch-Preis (Allemagne) — pour le roman Neige.
- 2006 : Prix Nobel de littérature (Suède) — pour l'ensemble de son œuvre.
- 2008 : Ovid Prize (Roumanie) — pour l'ensemble de son œuvre.
- 2010 : Norman Mailer Prize (États-Unis) — Lifetime Achievement pour l'ensemble de son œuvre.
Honneurs
- Académiques
- 2005 : Membre honorifique de l'Académie américaine des arts et des lettres.
- 2008 : Membre honorifique de l'Académie chinoise des sciences sociales.
- 2008 : Membre honorifique de l'Académie américaine des arts et des sciences.
- 2008 : Université américaine de Beyrouth.
- 2009 : Université de Rouen-Normandie.
- 2010 : Université de Tirana.
- 2010 : Université Yale.
- 2011 : Université Saint-Clément-d'Ohrid de Sofia.
- 2017 : Université d'État de Saint-Pétersbourg.
- 2017 : Académie des beaux-arts de Brera.
- 2023: Université Paris-Nanterre<ref>Juliette Bonnin: Cérémonie Doctorat Honoris Causa, Site de l'université Paris-Nanterre, 2023-05-13.</ref>
Décorations
- 2006 : Modèle:Déco CdrOAL (France)
- 2012 : Modèle:Déco OLH (France)
Notes et références
Voir aussi
Articles connexes
- Musée de l’innocence (Istanbul), inspiré du roman éponyme d'Orhan Pamuk.
Liens externes
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}}/{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Site officiel
- {{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Biographie de Orhan Pamuk
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- Modèle:Autorité