Crimes du régime khmer rouge
Les crimes du régime khmer rouge couvrent l'ensemble des meurtres, massacres, exécutions et persécutions ethniques, religieuses ou politiques commis par ce mouvement nationaliste et communiste radical, lorsqu’il contrôla le Cambodge de 1975 à 1979.
Durant quatre ans, les Khmers rouges, dont le chef principal était Pol Pot, dirigèrent un régime connu sous le nom officiel de Kampuchéa démocratique, qui soumit la population à une dictature d'une rare violence et dont la politique causa au minimum plusieurs centaines de milliers de morts. Pol Pot et les Khmers rouges étaient soutenus depuis longtemps par le Parti communiste chinois (PCC) et Mao Zedong lui-même<ref name=":0">Modèle:Ouvrage</ref>,<ref name=":11">Modèle:Lien web</ref>,<ref name=":32">Modèle:Lien web</ref>.
On estime qu'au moins 90 % de l'aide étrangère aux Khmers rouges provenait de la Chine, avec pour l’année 1975 à elle seule, au moins 1 milliard de dollars américains d'aide économique et militaire sans intérêt de la Chine<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref>Modèle:Ouvrage</ref>,<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Fondé sur la politique de l'ultra-maoïsme et influencé par la révolution culturelle, les Khmers rouges ont également lancé le « Maha Lout Ploh », copiant le « Grand bond en avant » de la Chine qui a causé des dizaines de millions de morts dans la « Grande famine en Chine »<ref name=":0" />,<ref name=":5">Modèle:Ouvrage</ref>.
Il n'existe pas de consensus sur le nombre total de victimes ; toutefois, les Modèle:Unité de morts (soit 21 % de la population cambodgienne de l'époque) évalués par le programme d'étude sur le génocide cambodgien de l'Université Yale semblent de nos jours le chiffre le plus crédible. Certaines sources évoquent plus de 3 millions de morts, dans la mesure où le recensement de 1971 effectué au Royaume du Cambodge était incomplet, négligeant par exemple un grand nombre de réfugiés, victimes de la guerre civile et des bombardements américains, dans l'est du pays, à la suite des conséquences de la guerre du Vietnam.
Un tribunal international parrainé par l'ONU a été mis en place dans les années 2000 pour juger les crimes des Khmers rouges, mais les procédures n'ont visé que quelques personnes et, du fait de la lenteur des procédures, plusieurs accusés sont morts avant qu'un verdict puisse être rendu. Dans les années 2010, le directeur de prison Douch, puis les hauts responsables Khieu Samphân et Nuon Chea, ont été condamnés pour crimes contre l'humanité.
Les crimes perpétrés par le Kampuchéa démocratique sont souvent désignés dans leur ensemble sous le nom de Modèle:Citation, du fait de l'ampleur des massacres. Mais ce n'est qu'en Modèle:Date-, lors d'une nouvelle condamnation de Khieu Samphân et Nuon Chea, que cette qualification de génocide est reconnue sur le plan du droit international, tout en restant limitée à certaines exactions.
Contexte
Le Modèle:Date, Lon Nol, Premier ministre, et le prince Sisowath Sirik Matak, vice-Premier ministre, ont renversé le prince Norodom Sihanouk, accusé de ne pas lutter contre les Nord-Vietnamiens/FNL, qui utilisaient l'est du Cambodge comme un sanctuaire militaire. Sihanouk s'est allié aux Khmers rouges, ce qui a massivement contribué à leur recrutement et a aggravé la guerre civile cambodgienne qui avait commencé en 1967. Le 29 mars 1970, les Nord-Vietnamiens ont lancé une offensive, à la demande des Khmers rouges, contre le gouvernement cambodgien, s'emparant rapidement d'une grande partie de l'est et du nord-est du pays. Ils ont remis le territoire capturé aux Khmers rouges<ref name=Sak>Modèle:Ouvrage.</ref>.
Durant la guerre civile, les Khmers rouges prennent progressivement le contrôle du territoire cambodgien et, avant même leur victoire finale, appliquent des mesures radicales à leurs ennemis réels ou supposés. Dans les territoires Modèle:Citation par les Khmers rouges apparaissent des Modèle:Citation où sont enfermés, au départ, les soldats de l'armée de la République khmère, mais également leurs familles, enfants inclus, ainsi que des moines bouddhistes, et des voyageurs Modèle:Citation. Dans un des camps, fondé en 1971 ou 1972, mauvais traitements et maladies déciment bientôt la plupart des détenus, et la totalité des enfants ; de nombreuses exécutions — jusqu'à trente par jour — visent également les prisonniers<ref>Henri Locard, « Tramkâk District in the Grip of the Khmer rouge », communication au colloque Cambodia: Power, Mythe and Memory, Université Monash, décembre 1996, Modèle:P..</ref>. Plus d'une dizaine de milliers de personnes semblent avoir été massacrées lors de la prise de la ville d'Oudong<ref>Modèle:Harvsp, note 28, Modèle:P. ainsi que Modèle:Harvsp.</ref>, et des déportations de civils débutent dès 1973* <ref>Olivier Weber, Les Impunis, Un voyage dans la banalité du mal, Robert Laffont, 2013</ref>,<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
À partir de 1971, les Khmers rouges imposent dans les zones sous leur contrôle une politique de collectivisation radicale. En 1973, ils commencent à procéder à des massacres pour imposer leur autorité, s'en prenant notamment aux militants membres de minorités ethniques (de souche lao, ou khmer Krom) formés à Hanoï et revenus du Nord Viêt Nam pour participer à l'insurrection. Pol Pot fait ainsi tuer une partie des anciens Khmers issarak venus rejoindre l'insurrection et jugés trop proches du Nord Viêt Nam<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Dès 1973, les Khmers rouges se heurtent à leurs alliés théoriques, les Modèle:Lien — partisans de Sihanouk membres du Front uni national du Kampuchéa — et assassinent plusieurs de leurs cadres. Le nettoyage de la Zone Ouest, dont la direction politique est jugée trop peu docile par rapport au Centre, est lancé en 1974<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Plusieurs secteurs de la Zone Nord-Est, notamment les cadres rebelles d'ethnie lao, sont purgés avec la même brutalité en 1973<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Les premiers témoignages sont rapidement diffusés, mais ne retiennent pas l'attention de l'opinion publique. Tout d’abord, Ith Sarin, un inspecteur d’académie qui venait de passer neuf mois dans les maquis publiait en 1973 un livre traduit en anglais sous le titre Regrets for the Khmer Soul (traduction : Regrets pour l’âme khmère) dont de nombreux extraits furent publiés par la suite dans le Washington Post et qui décrivait la collectivisation dans les zones dites libérées. Toutefois, l’auteur faisait preuve d’optimisme et pensait que le mouvement se réformerait de lui-même, la population risquant de ne pas accepter longtemps les privations dont elle était victime<ref name="BRUNETEAU 2004 lSdGVMePGdlAaR P165">Modèle:Ouvrage</ref>. Ce fut également Kenneth Quinn, un fonctionnaire américain en poste au Sud Viêt Nam, à la frontière près de Cần Thơ, qui, intrigué par l’arrêt des activités de contrebande, recueillit les récits des réfugiés. Il fut ainsi un des premiers à faire état des dissensions entre communistes vietnamiens et cambodgiens. Toutefois, le rapport demeura confidentiel pour ne pas heurter la susceptibilité des Cambodgiens qui auraient pu y voir une ingérence américaine dans leurs affaires<ref name="CAMBACERES 2013 SlRI P190-191">Modèle:Sihanouk : le roi insubmersible</ref>.
Au début de l'année 1975, le Modèle:Citation — expression désignant l'organe de direction des Khmers rouges, soit le Parti communiste du Kampuchéa, dit également Modèle:Traduction — décide lors d'une réunion d'évacuer la population de Phnom Penh, une fois qu'elle aurait été prise. Hou Yuon, l'un des dirigeants du mouvement, se déclare hostile à ce plan et s'oppose à Pol Pot ; il Modèle:Citation ensuite définitivement<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Pol Pot et les Khmers rouges étaient soutenus depuis longtemps par le Parti communiste chinois (PCC) et Mao Zedong lui-même<ref name=":0" />,<ref name=":11" />,<ref name=":32" />. Rien qu'en 1975, les Khmers rouges ont reçu au moins un milliard de dollars d'aide économique et militaire sans intérêt et un don de 20 millions de dollars de la Chine<ref name=":7">Modèle:Lien web</ref>,<ref name=":12">Modèle:Ouvrage</ref>,<ref name=":13">Modèle:Ouvrage</ref>. Pol Pot et d'autres responsables khmers rouges ont rencontré Mao Zedong à Pékin en Modèle:Date-, recevant approbation et conseils, tandis que des hauts fonctionnaires du PCC tels que Zhang Chunqiao se sont ensuite rendus au Cambodge pour offrir de l'aide<ref name=":0" />,<ref name=":32" />,<ref name=":2">Modèle:Lien web</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>.
Histoire
Évacuation des villes et déportations
Modèle:Article connexe Au matin du Modèle:Date, les soldats des Forces armées populaires de libération nationale du Kampuchéa (FAPLNK, nom officiel des troupes khmères rouges) entrent dans Phnom Penh. Dans l'après-midi, l'ordre d'évacuation de la capitale commence à être mis à exécution : les soldats passent de maison en maison et annoncent aux habitants qu'ils vont devoir quitter leurs maisons Modèle:Citation, afin d'échapper à un prochain bombardement de la ville par les États-Unis<ref>Modèle:Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar</ref>. Souvent sous la menace, les habitants de la capitale, soit environ deux millions de personnes dont beaucoup de paysans réfugiés en ville pour échapper à la guerre, doivent quitter leurs logements, dans l'urgence et dans des conditions désastreuses. Entre 15 000 et 20 000 malades sont tirés des hôpitaux ; certains doivent être poussés sur la route par leurs familles, sur leurs lits roulants<ref>Modèle:Harvsp</ref>. D'autres, qui ne sont pas en état de partir, sont achevés à l'arme blanche<ref name="François Ponchaud">François Ponchaud, Une brève histoire du Cambodge, Siloë, 2007, page 78</ref>. Le cortège des évacués progresse vers le sud sous un soleil de plomb, dans des conditions désastreuses. Pensant partir pour quelques jours, les civils n'ont pas emmené les vivres nécessaires. Les officiers supérieurs de l'ancienne armée de Lon Nol et de la police cambodgienne sont amenés à sortir des rangs, emmenés dans les rizières et exécutés<ref>Modèle:Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar</ref>. Entre 10 000<ref>Modèle:Harvsp</ref> et 20 000<ref>Modèle:Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar</ref> personnes trouvent la mort au cours de l'évacuation de Phnom Penh. Battambang, seconde ville du pays, est évacuée quelques jours plus tard, ainsi que plusieurs gros bourgs de campagne<ref name="François Ponchaud"/>.
Le 20 mai, tous les responsables civils et militaires Khmers rouges sont convoqués dans la capitale vidée de ses habitants pour une conférence spéciale, qui se déroule quatre jours durant dans un ancien centre sportif. Pol Pot définit un plan comprenant l'évacuation de la population de toutes les villes, la sécularisation de tous les moines bouddhistes et leur mise au travail dans les rizières, l'exécution de tous les dirigeants du régime de la République khmère et l'expulsion de la minorité vietnamienne du Cambodge. Nuon Chea souligne pour sa part la nécessité, pour construire le Modèle:Citation, de Modèle:Citation les agents internes de l'ennemi et de Modèle:Citation, quitte à les tuer s'ils échouent à suivre la ligne définie<ref>Modèle:Harvsp</ref>. La vie urbaine est vue par les Khmers rouges comme fondamentalement mauvaise, le retour aux champs étant censé renouveler le peuple en le libérant de la corruption moderne<ref>François Ponchaud, Une brève histoire du Cambodge, Siloë, 13 septembre 2007, page 80</ref>. Pour l'Angkar, les citadins sont des Modèle:Citation et ont eu une vie Modèle:Citation alors que les paysans souffraient de la guerre. Toutes les autres villes du Cambodge sont évacuées dans les semaines qui suivent. Charrettes et voitures sont confisquées, et là aussi les civils doivent se rendre à pieds jusqu'aux coopératives rurales qui doivent constituer leur nouvel habitat. Le nettoyage des centres urbains a notamment pour conséquence de faciliter la constitution d'un pouvoir totalitaire, et de Modèle:Citation les villes, dont toutes les minorités ethniques non khmères sont chassées<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Dans un premier temps, les évacués sont relativement libres de choisir dans quel village ils s'installent, sous réserve de l'accord du chef de la localité : l'appareil Khmer rouge est, en 1975, encore trop faible pour gérer l'énorme flux des citadins. La société et l'équilibre alimentaire des régions rurales du Cambodge sont bouleversés par l'arrivée des ex-urbains, qui font plus que tripler le nombre d'habitants de certaines régions. Si, au début, l'accueil des nouveaux venus n'est pas forcément mauvais, pour peu que les communautés villageoises aient de quoi les accueillir, l'Angkar fait tout pour creuser le fossé entre les groupes sociaux : les nouveaux habitants des zones rurales sont consignés dans des quartiers à part des villages. Quelques mois après leur première déportation, une grande proportion des Modèle:Citation sont déplacés une seconde fois, cette fois sans avoir le choix de leur nouveau lieu d'installation. Les ex-urbains sont ainsi privés de toute possibilité de s'implanter dans leur premier lieu d'affectation et de tisser des liens avec les communautés rurales ; souvent, ils doivent partir une seconde fois sans pouvoir emporter les biens qui leur restent, ni récolter ce qu'ils avaient semé durant les mois précédents. Les transports se font souvent à pied, au mieux en charrette ou dans des trains bondés et extrêmement lents. Les conditions de voyage et la malnutrition entraînent de nouvelles vagues de décès parmi les déportés<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Oppression de la population
Pol Pot et son entourage établissent un système social qui met l'ensemble de la population dans une situation proche de l'esclavage, toute forme d'activité étant théoriquement décidée par l'Angkar et soumise à son contrôle<ref>Modèle:Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar</ref>. Progressivement, des repas communautaires obligatoires sont instaurés dans les coopératives agricoles, ainsi que des restrictions rigoureuses sur la vie de famille. La politique du Kampuchéa démocratique prive les paysans cambodgiens de trois des piliers de leur mode de vie : la terre, la famille et la religion. L'ensemble de la population du pays devient une main-d'œuvre corvéable à merci et non payée<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Certaines catégories sociales sont considérées comme suspectes : les Modèle:Citation sont parfois pourchassés en tant que tels, et doivent se débarrasser de leurs livres, voire de leurs lunettes, pour échapper aux persécutions. Des professions sont davantage visées que d'autres : la quasi-totalité des photographes de presse cambodgiens disparaît sous le régime du Kampuchéa démocratique<ref name="ref-1">Modèle:Harvsp</ref>.
La population cambodgienne est divisée en plusieurs catégories : les anciennes élites du régime de Lon Nol, et ses partisans réels ou supposés deviennent les Modèle:Citation, ou le Modèle:Citation ; les habitants des régions prises en 1975 deviennent le Modèle:Citation, ou les Modèle:Citation (à un statut de citoyen). Les seuls citoyens de Modèle:Citation se trouvent dans le Modèle:Citation, les habitants des zones tenues depuis plusieurs années par les Khmers rouges<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Les pleins droits reçoivent des rations alimentaires complètes et peuvent occuper des postes politiques dans les coopératives, tandis que les déchus sont derniers sur la liste de distribution des rations, premiers sur la liste d'exécution et n'ont aucun droit politique<ref>Modèle:Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar</ref>.
Les Cambodgiens perdent toute liberté de déplacement, sont privés de toute possibilité de commerce et de toute médecine digne de ce nom. Le comportement individuel est soumis à des règles strictes, les démonstrations d'affection et de colère étant interdites. Les habitants des campagnes doivent assister à de longues séances d'endoctrinement politique et d'autocritique. Le régime des Khmers rouges fait tout pour desserrer les liens familiaux. Les familles, du fait des hasards de la déportation et des relégations dans des Modèle:Citation difficiles à quitter, sont fréquemment séparées. Les structures sociales cambodgiennes traditionnelles sont détruites : les parents se voient retirer l'autorité sur leurs enfants, et les maris sur leurs épouses. Il est possible d'être condamné à mort pour avoir giflé son fils. Toute forme d'expression artistique ou de divertissement, y compris les chants d'amour ou les plaisanteries, est bannie, seuls les chants et poèmes révolutionnaires étant tolérés. La ligne de conduite des autorités khmères rouges est celle d'une déshumanisation totale, d'une négation de la valeur de la vie humaine. La crémation des morts est remplacée par l'ensevelissement des cadavres, sans aucun rite funéraire, au mépris de toutes les traditions khmères. Des parents se voient refuser l'autorisation d'aller voir leurs enfants malades à l'hôpital : un survivant, Pin Yathay, a ainsi raconté qu'il n'a pu rendre visite à son fils mourant, et n'a ensuite obtenu qu'à grand-peine l'autorisation d'aller voir le cadavre de ce dernier. Aucun appareil judiciaire n'existe au Kampuchéa démocratique, où la moindre infraction ou maladresse Modèle:Incise peut être punie de mort. Les rapports sexuels hors mariage sont également strictement interdits<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Famines
Sous les Khmers rouges, le Cambodge connaît des cas de disettes constantes, qui dégénèrent en famines particulièrement meurtrières. Une grande partie de ces pénuries sont provoquées par l'incompétence de l'administration khmère rouge, mais certaines sont sciemment provoquées ou utilisées par le régime comme moyen de pression sur la population. Le gouvernement de Pol Pot présente en 1976 un plan de quatre ans visant à développer massivement la production et l'exportation de produits agricoles. Tout l'effort est centré sur la production de riz, les autres cultures passant au second plan : la population se voit fixer un quota de trois tonnes de paddy de riz à l'hectare, ce qui représente un triplement par rapport à 1970. Les déportés, dont l'effort nécessaire n'a fait l'objet d'aucune évaluation, sont mis au travail dans des conditions désastreuses, marquées par une sous-alimentation chronique. L'irrigation, indispensable à l'effort de production de riz, est largement défectueuse, une grande partie des canaux et barrages ayant été construits en dépit du bon sens, sous les ordres de cadres Khmers rouges sans formation d'ingénieur. Les conditions des travaux agricoles et leur calendrier sont déterminés de manière centralisée, sans aucun égard pour les conditions géologiques et écologiques locales. Les récoltes sont pour la plupart misérables et les rations alimentaires baissent en proportion. Les Cambodgiens doivent souvent recourir au marché noir pour survivre, bien que cette pratique soit normalement punie de mort : aucune recherche individuelle de nourriture n'est en effet autorisée, les rations décidées par l'Angkar étant décrétées suffisantes. En certains endroits, les arbres fruitiers sont tous coupés pour chasser les oiseaux pilleurs de récoltes, ce qui a pour conséquence de priver la population de toute possibilité de cueillette. Des régions entières souffrent de famine, et des cas de cannibalisme sont observés<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Dans le même temps, la cueillette de fruits est qualifiée de vol de la propriété collective et punie de mort ou d'emprisonnement<ref>Robert Service, Modèle:Lang, Modèle:Lang, 2007, Modèle:P.</ref>,<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Dans certaines zones, le manque de denrées est délibérément utilisé comme arme par le régime pour soumettre ou punir la population : dans la Zone Sud-Ouest, les Modèle:Citation font l'objet de persécutions accrues en 1977 et 1978, et le Centre aggrave la famine en augmentant ses réquisitions de riz. Dans cette zone, 20 à 30 % des morts sont dues à la famine<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Persécutions raciales et religieuses
Ben Kiernan souligne le caractère spécifiquement raciste de la politique appliquée par les Khmers rouges à l'égard des minorités ethniques du Cambodge. Les Chams, ethnie musulmane dite Modèle:Citation, font l'objet d'un traitement particulier de la part de Pol Pot, qui les considère comme privilégiés. Si des Chams font initialement partie des Khmers rouges, formant même une faction autonome dans la Zone Est, leur front est dispersé en 1973. Le traitement infligé aux Chams, les arrestations des chefs de village, amènent une partie des Khmers rouges musulmans à se révolter entre 1973 et 1975. Dans différents secteurs, les pratiques religieuses des Chams sont interdites, leurs villages dispersés, et les repas communautaires imposés dans le but apparent de niveler et de faire disparaître leur culture. Y compris dans le contexte de la déportation, les Chams sont tenus à l'écart, et les réfugiés khmers sont incités à se méfier d'eux<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Dans la zone Sud-Ouest, dirigée par Ta Mok, la consommation de porc pour les Chams musulmans devient obligatoire<ref>Modèle:Harvsp</ref> et leur est imposée deux fois par mois, alors même que l'ensemble du pays souffre de la famine. Les Corans sont brûlés, des dignitaires musulmans exécutés et les mosquées reconverties ou rasées ; le dialecte, les coutumes, les costumes traditionnels chams sont interdits. Des populations chams se révoltent à plusieurs reprises, et subissent des représailles sanglantes. À partir de 1978, les Khmers rouges se mettent à massacrer systématiquement des communautés chams, même en l'absence de rébellion. Ben Kiernan évalue la mortalité des Chams à 50 %, et Marek Sliwinski à 40,6 %<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Concernant le bouddhisme (theravāda), religion majoritaire au Cambodge, les Khmers rouges font preuve d'une ambivalence certaine, du moins au tout début de leur régime. La rébellion khmère rouge a bénéficié, durant la guerre civile, du ralliement de certains membres du clergé bouddhiste et la propagande du mouvement en fait état. Néanmoins, dès la réunion du Modèle:Date qui suit la chute de Phnom Penh, Pol Pot prévoit la sécularisation forcée de tous les bonzes et leur mise au travail dans les rizières<ref>Modèle:Harvsp</ref>. La hiérarchie du clergé bouddhiste cambodgien, accusée de Modèle:Citation ou de liens avec le régime de Lon Nol, est rapidement victime de purges et plusieurs vénérables sont exécutés. Les moines sont évacués de leurs monastères et mis au travail forcé avec le reste de la population urbaine. De nombreux temples sont victimes de vandalisme, bien que davantage de lieux de culte que prévu semblent avoir survécu au régime Khmer rouge<ref>Ian Harris, Modèle:Lang, Modèle:Lang, 2008, pp. 176-82</ref>. Les moines bouddhistes sont forcés de se défroquer, ceux qui refusent étant systématiquement éliminés<ref name="ref-1" />. Toutefois, d'après Gerhard J. Bellinger, finalement, ce serait l’intégralité de la population des nonnes et moines bouddhistes cambodgiens qui aurait été exterminée<ref>Encyclopédie des religions, Gerhard J. Bellinger, éditions le Livre de poche.</ref>.
La communauté catholique du Cambodge, très minoritaire, est proportionnellement l'une des plus touchées parmi les groupes ethniques et religieux : le nombre de Modèle:Citation est évalué à 48,6 %<ref name="margolin1997p649">Modèle:Harvsp</ref>. Le décès en camp de travail de Modèle:Mgr Joseph Chhmar Salas, vicaire apostolique de Phnom Penh avec d'autre prêtres cambodgiens en est un symbole fort<ref>Benoît Fidelin, Prêtre au Cambodge: François Ponchaud, l'homme qui révéla au monde le génocide, Albin Michel, 1999, page 264</ref>. Souvent citadins, les catholiques ont également le tort d'être, pour une grande partie d'entre eux, d'ethnie vietnamienne, et associés au souvenir de la colonisation française de l'Indochine. La cathédrale de Phnom Penh est, avec la Banque nationale du Cambodge, le seul édifice à être totalement rasé par les Khmers rouges<ref name="margolin1997p649"/>. Autre vestige de la colonisation Française, les Francophones ou Cambodgiens qui parlaient le Français en seconde langue, sont décimés. Associés à l'élite, et à l'ancien régime, les Francophones seront traqués, surtout dans les camps, même si certains chefs Khmers Rouges parlaient eux-mêmes le Français.
Le sort des minorités ethniques au Cambodge n'est pas homogène. Jean-Louis Margolin, qui souligne la distinction entre les minorités se trouvant surtout en milieu urbain (Chinois, Vietnamiens) et celles des zones rurales (Chams, Khmers Loeu), estime que les premiers n'ont pas été forcément persécutés en tant que tels, du moins pas avant 1977<ref name="margolin1997p648">Modèle:Harvsp.</ref>. Ben Kiernan estime au contraire que les Khmers rouges ont mené Modèle:Citation. Entre mai et septembre 1975, environ 150 000 civils vietnamiens sont expulsés du Cambodge (officiellement rapatriés sur la base du volontariat). Mais l'année suivante, on interdit de quitter le pays à la minorité demeurée au Cambodge. Le [[1er avril|Modèle:1er avril]] 1977, une directive du Centre marque un tournant et ordonne aux autorités locales d'arrêter tous les Vietnamiens de souche et de les livrer à la sécurité d'État. Des massacres de centaines de Vietnamiens, parmi les milliers restés au pays, ont lieu durant cette période. Dans les derniers mois du régime Khmer rouge, au moment du conflit contre le Viêt Nam, les Vietnamiens sont systématiquement exterminés en tant que tels. Les Khmers Krom subissent un sort à part : entre 1975 et 1977, ils semblent avoir fait l'objet de massacres ciblés uniquement dans la Zone Sud-Ouest, mais leur répression s'étend après 1977, le Kampuchéa démocratique précisant ses revendications territoriales sur l’ex Cochinchine. Quant aux Chinois, leur communauté aurait perdu plus de la moitié de ses membres, ce qui signifierait qu'elle aurait été plus touchée que les autres populations urbaines (qui perdent environ un tiers de leurs effectifs). La langue chinoise est interdite, de même que toutes les coutumes communautaires chinoises<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. On avance le chiffre de 50 % pour ce qui est du taux de mortalité des quelque 400 000 Chinois du Cambodge, et bien plus pour les Vietnamiens restés après 1975. Marek Sliwinski avance les chiffres de 37,5 % pour les Vietnamiens, et 38,4 % pour les Chinois<ref name="margolin1997p648" />. D'autres minorités, parmi lesquelles les personnes d'ethnie thaï, lao, shan et les populations tribales, font également l'objet de massacres, qui n'épargnent pas les cadres Khmers rouges<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Sur la dimension spécifiquement raciste de la répression khmère rouge, des points de divergences existent entre spécialistes : tout en soulignant que les Khmers rouges ont usé et abusé d'une rhétorique xénophobe, Jean-Louis Margolin estime que la dimension sociale — de nombreux éléments des minorités, notamment les Chinois et les Vietnamiens, étaient des urbains, souvent commerçants — primait sur la dimension ethnique<ref name="margolin1997p649"/>. Pour Ben Kiernan, c'est une véritable Modèle:Citation qui a sous-tendu le projet politique de Pol Pot<ref>Ben Kiernan, Penser le Génocide au Cambodge, Le Monde, 28 mai 1998</ref>.
Prisons et centres de torture
Le Kampuchéa démocratique ne compte officiellement pas de prisons. Le pays se couvre néanmoins de Modèle:Citation, souvent installés dans d'anciens temples ou d'anciennes écoles. Jusqu'en 1976, la fonction rééducative semble avoir été relativement prise au sérieux, et 20 à 30 % des détenus finissent par être libérés. Ensuite, leur situation empire nettement. Les Cambodgiens peuvent être arrêtés sous le moindre prétexte, allant du vol (ce qui inclut le chapardage ou la cueillette de fruits pour échapper à la faim) aux propos Modèle:Citation, en passant par les simples manifestations d'impatience, les relations sexuelles hors mariage ou une simple origine sociale Modèle:Citation. L'usage de la torture est généralisé. Le centre de détention le plus connu est la prison de Tuol Sleng, connu sous le nom de code S-21. Ancien lycée, Tuol Sleng est placé directement sous le contrôle du Modèle:Citation — soit du Parti communiste du Kampuchéa — et placé sous la responsabilité de Kang Kek Ieu (alias Douch). En tant que prison du comité central, S-21 accueille tout particulièrement les anciens cadres khmers rouges disgraciés : entre 14 000 et Modèle:Nombre environ, dont quelque Modèle:Nombre, y trouvent la mort, avec parfois plusieurs centaines d'exécutions par jour<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Seules six ou sept personnes survivent à S-21, sauvés par leurs talents, tels que la sculpture ou la peinture. À leur arrivée en 1979, les Vietnamiens découvrent à Tuol Sleng les corps d'une cinquantaine de prisonniers, que les Khmers rouges ont exécutés avant de prendre la fuite<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Bilan et conséquences
Nombre de victimes
Modèle:Voir aussi Le nombre total de victimes du Kampuchéa démocratique reste sujet à débat, et ne peut être calculé que par déductions et estimations à partir des données démographiques existantes. Il varie entre Modèle:Unité et Modèle:Unité pour la période allant d'Modèle:Date- à Modèle:Date-, soit entre 3,25 % et 41 % de la population cambodgienne<ref name="short 22">Modèle:Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar</ref>,<ref name="livre noir"/>. Le chiffre de 5 000 000 de morts est aussi évoqué, en considérant diverses famines entre 1975 et 1979 (et même 1980) assez mal documentées, du fait du chaos qui résultait pour ce qui concernait d'immenses déplacements de populations, dont par exemple, l'« envoi à la campagne » de l'essentiel des habitants de Phnom-Penh, en 1975-1976, ou de nombreuses personnes moururent des marches forcées sous de fortes chaleurs, ou des conséquences du paludisme, dont les malades n'étaient pas soignés. Il y eut aussi de nombreuses disparitions, difficiles à prouver, après 1979, même avec la mise en place du nouveau régime communiste installé par les Vietnamiens.
Le programme d'étude sur le génocide cambodgien de l'Université Yale évalue le nombre de morts à environ Modèle:Unité<ref>Cambodian Genocide Program, université Yale</ref>, soit 21 % de la population cambodgienne de l'époque. Ben Kiernan rapporte différentes estimations du nombre de morts : lui-même, après la chute du régime Khmer rouge, est arrivé à une première estimation d'environ Modèle:Unité. Michael Vickery s'en tient à l'estimation basse de Modèle:Unité, sur la base d'estimations démographiques différentes de celles de Kiernan<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Une estimation haute porte le nombre de victimes à Modèle:Unité<ref>Modèle:Article</ref>, sur une population d'environ Modèle:Unité à l'époque. Philip Short note la difficulté d'établir une estimation exacte, du fait des Modèle:Citation selon les zones et de la surreprésentation des citadins (principales victimes du régime) dans les études et de l'incertitude de la démographie du Cambodge dans les années 1970. Lui-même estime le nombre de morts à Modèle:Unité<ref name="short 22"/>.
À ces morts, il convient de rajouter environ un demi-million de Cambodgiens qui choisissent l’exil à l’étranger et l’ensemble des survivants qui en garderont des séquelles tant physiques que psychologiques<ref name="CHANDLER 1993 tToCHPWaRSN P236">Modèle:The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945</ref>.
Chute du Kampuchéa démocratique et années suivantes
Le régime khmer rouge est chassé de Phnom Penh au début de 1979 par l'invasion vietnamienne du Cambodge. La dénonciation de la Modèle:Citation est l'un des thèmes principaux, sinon l'unique fondement politique, de la propagande du régime de la république populaire du Kampuchéa, mis en place par le Viêt Nam. Les communistes cambodgiens du Parti révolutionnaire du peuple du Kampuchéa, eux-mêmes composés pour partie d'anciens khmers rouges, sont ainsi les premiers à utiliser le terme de Modèle:Citation pour qualifier les actes du régime de Pol Pot, dont ils souhaitent avant tout se démarquer. La république populaire du Kampuchéa et le Viêt Nam ont avancé, pour évaluer les crimes du Kampuchéa démocratique, le chiffre de Modèle:Unité<ref name="livre noir">Modèle:Harvsp</ref>.
Malgré son renversement, le mouvement khmer rouge bénéficie du soutien d'un ensemble hétéroclite d'États (la république populaire de Chine, mais aussi, entre autres, la Thaïlande et les États-Unis) ayant chacun des raisons de vouloir gêner le Viêt Nam et son protecteur soviétique. Il poursuit sa guérilla, semant la terreur dans certaines régions et continuant de s'en prendre aux Vietnamiens de souche<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Les dirigeants khmers rouges ne reconnaissent aucun massacre de grande ampleur, Pol Pot déclarant en 1979 que Modèle:Citation et Khieu Samphân parlant en 1987 de Modèle:Nombre d'Modèle:Citation, de 11 000 exécutions d'Modèle:Citation et de Modèle:Unité par des Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp</ref>. En 1998, lors de leur reddition, Khieu Samphân et Nuon Chea expriment leur regret que tant Modèle:Citation aient péri sous le régime du Kampuchéa démocratique<ref>François Ponchaud, Une brève histoire du Cambodge, Siloë, 2007, page 124</ref>. Nuon Chea est le seul ancien dirigeant khmer rouge à avoir publiquement évoqué les massacres du régime. Dans le documentaire Ennemis du peuple, réalisé par le Cambodgien Thet Sambath et le Britannique Rob Lemkin, l'ancien Modèle:Citation mentionne l'élimination de Modèle:Citation impossibles à Modèle:Citation, commentant : Modèle:Citation<ref>Nuon Chea, l'ex-numéro deux du régime khmer rouge, devant la justice, Le Monde, 27 juin 2011</ref>.
Procédures judiciaires
Pol Pot, mis en détention par ses propres hommes en 1997, est mort l'année suivante sans avoir eu à répondre des crimes commis sous son régime. Ce n'est qu'à partir de 2004 que les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens ont été mises en place, sous la pression internationale, pour juger les responsables khmers rouges. Capturé en 1999, Ta Mok est mort en prison en 2006 avant de pouvoir être jugé. Le premier responsable khmer rouge à passer en jugement a été Kang Kek Ieu alias Modèle:Citation, condamné en 2010 à 30 ans d'emprisonnement. Arrêtés en 2007, Khieu Samphân, Nuon Chea, Ieng Sary et Ieng Thirith ont été inculpés pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Leur procès s'est ouvert le Modèle:Date<ref>Ouverture du procès des quatre plus hauts responsables khmers rouges, Le Monde, 27 juin 2011</ref>. Ayant fait appel de sa condamnation, Modèle:Citation a été à nouveau condamné le Modèle:Date, mais cette fois à la prison à vie<ref>Cambodge: "Douch" condamné à la prison à vie, le Nouvel Observateur, 3 février 2012</ref>. Ieng Sary étant décédé au cours du procès et Ieng Thirith ne disposant plus de ses facultés mentales, Nuon Chea et Khieu Samphân sont demeurés en 2013 les seuls accusés. En août 2014, tous deux ont été condamnés à la prison à perpétuité pour crimes contre l'humanité ; ils ont fait appel du jugement<ref>Deux ex-dirigeants khmers rouges condamnés pour crimes contre l'humanité, Le Monde, 7 août 2014</ref>.
En juin 2013, le parlement cambodgien adopte une loi punissant de deux ans de prison Modèle:Citation les crimes des Khmers rouges<ref>Le Cambodge interdit le révisionnisme sur les Khmers rouges, Le Monde, 7 juin 2013</ref>.
Qualification de génocide
L'ensemble des crimes commis par les Khmers rouges est souvent présenté comme un génocide. Cette appellation a notamment été retenue lors du procès organisé en 1979 par les Vietnamiens et leurs alliés de la république populaire du Kampuchéa, après la chute du Kampuchéa démocratique : Pol Pot et Ieng Sary ont alors été condamnés à mort par contumace<ref>Robbie Corey-Boulet – The Phnom Penh Post / Le petit journal – Cambodge/khmers rouges - Il y a 30 ans, le premier procès au monde pour génocide, 20 août 2009</ref>. Pendant de longues années, une difficulté demeure pour classer les massacres commis par les Khmers rouges dans les quatre types de génocides (s'appliquant aux groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux) reconnus par l'ONU. Jean-Louis Margolin souligne en 1997 que la difficulté dans l'emploi du terme génocide vient de ce que la plupart des victimes étaient elles-mêmes des Khmers, les minorités ethniques n'ayant représenté qu'une part limitée des victimes. Pour Margolin, les Vietnamiens peuvent être considérées comme ayant subi des persécutions raciales, mais la foi islamique des Chams semble avoir surtout été persécutée non pas en tant que telle, mais du fait de ses vertus de résistance. Si les actes de Pol Pot et de son régime entrent sans difficulté dans la catégorie des crimes de guerre, la qualification de génocide est plus problématique selon l'importance que les spécialistes accordent ou non à l'aspect racial des massacres commis au Cambodge<ref name="MARGOLIN 1997 P693-694">Modèle:Harvsp</ref>. Certains auteurs ont proposé le terme de politicide, arguant que dans la définition initiale du génocide donnée par Raphael Lemkin, les victimes sont clairement identifiable dès le départ de par leur appartenance à un groupe ethnique, religieux ou autre alors que dans le cas des massacres à vocation politique, ce groupe varie au gré des évènements, pouvant débuter par n’inclure que les dirigeants de l’opposition, s’étendre par la suite à tous ceux soupçonnés d’avoir collaboré avec eux puis englober même des partisans des tortionnaires accusés de tiédeur ou de déviance<ref name="LOCARD 1993 PlKR P195-203">Modèle:Pourquoi les Khmers rouges</ref>. Jean-Louis Margolin note à ce propos la tendance des Khmers rouges à Modèle:Citation l'ennemi de classe, en considérant certaines catégories sociales comme criminelles par nature et par hérédité<ref name="MARGOLIN 1997 P693-694" />. Ben Kiernan insiste au contraire pour sa part sur le caractère spécifiquement racial de nombreuses persécutions, qu'elles aient touché des groupes religieux, ethniques ou nationaux<ref>Modèle:Harvsp</ref>.
Philip Short, biographe de Pol Pot, estime pour sa part que le terme de génocide a été surtout utilisé par facilité du fait de l'ampleur et de l'horreur des massacres commis : pour lui, les Khmers rouges sont Modèle:Citation du crime de génocide, leurs actes relevant de la définition du crime contre l'humanité<ref>Modèle:Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar</ref>. Ben Kiernan conteste l'interprétation de Short et lui reproche d'ignorer les aspects ethniques de la politique des Khmers rouges, ainsi que sa propension à s'appuyer sur des sources khmères rouges<ref>Ben Kiernan, « Modèle:Lang », Modèle:Lang, 22 février 2005</ref>.
En Modèle:Date-, Ieng Sary, Nuon Chea et Khieu Samphân ont été officiellement mis en examen pour génocide par les deux co-juges d'instruction des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens. L'inculpation repose sur la conviction des juges d'instruction que les dirigeants khmers rouges ont voulu détruire deux communautés spécifiques, celle des Chams musulmans et celle des Vietnamiens. Selon les Nations unies, le génocide se définit en effet comme Modèle:Citation<ref>Arnaud Dubus, Trois anciens dirigeants khmers rouges inculpés de génocide, Libération, blog les Carnets de Phnom Penh</ref>. La chambre de première instance a cependant décidé en Modèle:Date- de séparer le dossier en plusieurs jugements successifs, dont seul le premier consacré aux transferts forcés de population a été entamé. Marcel Lemonde, juge d'instruction au sein des Chambres extraordinaires, estime alors qu'en raison des délais pris par la procédure, il risque de ne jamais y avoir de jugement sur la qualification de génocide<ref>Marcel Lemonde, Jean Reynaud, Un juge face aux Khmers rouges, Seuil, 2013, 249 p. Modèle:ISBN Modèle:Epub emplacements 3867 et 3871 sur 3979.</ref>.
Le Modèle:Date, pourtant, un jugement est rendu par les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens par lequel Nuon Chea et Khieu Samphân, seuls accusés encore en vie après le décès de Ieng Sary, sont à nouveau condamnés à la perpétuité, cette fois officiellement pour génocide, pour les actions du régime envers les Chams, les Vietnamiens du Cambodge et d'autres minorités religieuses. Le tribunal estime que Modèle:Citation selon le droit international car le programme des Khmers rouges visait à Modèle:Citation. La qualification de génocide est ainsi reconnue pour la première fois par la justice internationale pour qualifier une partie des crimes des Khmers rouges<ref>Deux anciens dirigeants khmers rouges condamnés à la perpétuité pour "génocide", France Télévisions, 16 novembre 2018</ref>,<ref>Deux anciens dirigeants khmers rouges condamnés à la perpétuité pour «génocide» , Libération, 16 novembre 2018</ref>,<ref>Modèle:Article</ref>.
Notes et références
Voir aussi
Bibliographie
Seuls des ouvrages utilisés à la rédaction de cet article sont répertoriés ci-dessous. Une bibliographie/filmographie plus exhaustive des ouvrages sur le sujet est disponible dans un article séparé.
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- Modèle:Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar.
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- Olivier Weber, Les Impunis, Un voyage dans la banalité du mal, Robert Laffont, 2013.
Articles connexes
Liens externes
- « Penser le Génocide au Cambodge », par Ben Kiernan, professeur d’histoire à l’Université Yale, Le Monde, Modèle:Date-.
- « Juger, après le régime des khmers rouges », vidéo en 4 parties, avec Marcel Lemonde co-juge d'instruction au CETC, chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, Modèle:Date-.